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La gouvernance de la santé animale : entre biosécurité
et bien public mondial
Muriel Figuié
*
Sociologie, CIRAD, UMR MoISA, Univ Montpellier, CIRAD, CIHEAM-IAMM, INRAE, Institut Agro, IRD, Montpellier, France
Reçu le 18 octobre 2018. Accepté le 18 mars 2021
Écrit avant la pandémie de Covid-19, cet article apporte un éclairage essentiel sur les formes de gouvernement et les relations
entre savoir et pouvoir associées à l’émergence de la santé publique vétérinaire, et plus récemment à celle de la santé globale
(associée au concept One Health) comme bien public mondial. L’enquête de terrain dont il est question ici permet de saisir les
implications de ce nouveau cadre pour les éleveurs de volailles vietnamiens. Si une coordination internationale pour le contrôle
des zoonoses est essentielle, les évolutions actuelles autour de la notion de biosécurité engendrent des dispositifs qui peinent à
prendre en compte les pratiques et savoirs des acteurs de terrain, ainsi que les animaux en tant qu’êtres sensibles. Penser les
apories de la santé animale comme bien public mondial peut ainsi contribuer à enrichir la réflexion sur les communs mondiaux,
comme l’a suggéré le séminaire interdisciplinaire organisé à Montpellier par NSS-Dialogues en juin 2018, séminaire au cours
duquel une première version de ce texte avait été présentée.
La Rédaction
Résumé –L’article examine l’histoire, les définitions, les objectifs assignés aux politiques de santé
animale. Ces politiques associent des objectifs nombreux et potentiellement contradictoires de santé
publique, d’économie agricole, de commerce international, de bien-être animal, et plus récemment, d’en
faire une composante du triptyque One Health. Ce dernier objectif est lié à la mobilisation de la communauté
internationale (FAO, OMS et OIE [Organisation mondiale de la santé animale]) pour la santé globale. La
santé animale devient simultanément un enjeu de biosécurité et un bien public mondial. Ce recadrage permet
de mobiliser la communauté internationale sur le registre de la menace et de l’intérêt général. L’exemple de
la grippe aviaire au Vietnam montre la nécessité de veiller à ce que ce recadrage ne marginalise pas les
enjeux et les apprentissages locaux. Plus généralement, la santé animale est un objet politique qu’il faut
dénaturaliser. Les sciences sociales permettent de comprendre les intérêts, les valeurs en concurrence dans le
concept de santé animale et de nourrir le débat sur ce que nous voulons en faire pour construire un monde
plus sûr mais aussi plus solidaire entre États ainsi qu’entre humains et animaux.
Mots-clés : globalisation / organisation internationale / maladie émergente / risque / Vietnam
Abstract –Animal health governance: between biosecurity and a global public good. The
history, definition and objectives of animal health policies are reviewed in this article. These policies
combine numerous potentially contradictory objectives in public health, agricultural economics,
international trade and animal welfare, while recently also being a component of the One Health
triptych. This latter objective emerged as a consequence of the drive of the international community (FAO,
WHO and OIE [World Organisation for Animal Health]) to achieve global health. Animal health is
becoming both a biosecurity issue and a global public good. This reframing helps mobilize the international
community according to the scale of the threat and the general interest. The case of the avian influenza in
Vietnam showcases the need to ensure that this reframing does not marginalize local issues and knowledge.
Animal health is a political target that needs to be denaturalized. Social sciences can highlight the competing
interests and values at stake in the animal health concept, while nurturing the debate on how it could help
build a safer world and enhance solidarity between States, as well as between humans and animals.
Keywords: emerging disease / globalization / international organization / risk / Vietnam
*Auteur correspondant : muriel.figuie@cirad.fr
Natures Sciences Sociétés
©M. Figuié, Hosted by EDP Sciences, 2021
https://doi.org/10.1051/nss/2021051
Natures
Sciences
Sociétés
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www.nss-journal.org
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L’objectif de cet article est d’analyser les politiques
publiques de santé animale et leurs récentes évolutions
dans un contexte de globalisation. Depuis leurs débuts en
Europe au XVIII
e
siècle, ces politiques ont connu
d’importantes transformations qui témoignent de la
place croissante, mais aussi ambiguë, qu’elles occupent
dans le registre de l’action publique, associant des
objectifs potentiellement contradictoires de santé
publique, d’économie agricole, de commerce interna-
tional, de bien-être animal. Plus récemment, ces
politiques sont considérées comme la composante d’un
ensemble associant santé humaine, animale et environ-
nementale à travers le concept « Une seule Santé/One
Health (OH) ». L’Europe, et en particulier la France et la
Grande-Bretagne, a joué un rôle central dans l’histoire de
ces politiques (Woods et Bresalier, 2014 ;Bonnaud et
Fortané, 2018). Les organisations internationales [prin-
cipalement la FAO (Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture), l’OIE (Organisation
mondiale de la santé animale)
1
et l’OMS (Organisation
mondiale de la santé)] ont participé à leur internationa-
lisation (Figuié, 2014 ;Teissier, 2007 ;Vagneron, 2015).
Les crises sanitaires comme celle de la grippe aviaire au
Vietnam en 2004 ont fortement contribué à promouvoir
une gouvernance zoosanitaire mondiale reposant sur les
concepts de biosécurité et de bien public mondial. Ce
sont ces transformations que nous examinons et
analysons ici.
L’apport des sciences sociales à l’étude des politiques
de santé animale peut se résumer à trois domaines de
recherche. Le premier privilégie une approche historique
et montre que le développement des politiques de santé
animale en France, en Grande-Bretagne et dans le
contexte colonial (Swabe, 1999 ;Berdah, 2010 ;Brown
et Gilfoyle, 2010 ;Woods, 2004 ;Barroux, 2011) est
fortement lié à la profession vétérinaire (Swabe, 1999 ;
Berdah, 2010 ;Brown et Gilfoyle, 2010 ;Woods, 2004 ;
Barroux, 2011). Les auteurs associent l’émergence de la
santé animale comme objet de l’action publique à la
création en France de la première école vétérinaire et
d’un corps vétérinaire par décret royal en 1761. Ce corps
va s’opposer aux savoirs empiriques. Bénéficiant du
soutien de l’État, il concurrencera les maréchaux-
ferrants, barbiers et guérisseurs dans les soins aux
animaux de rente (Woods et Bresalier, 2014). Le contenu
des politiques et des enjeux de santé animale est à la fois
le produit des missions négociées entre l’État et le corps
vétérinaire (Hubscher, 1999) et de la place de l’animal
(Swabe, 1999)etdel’élevage (Woods, 2004) dans la
société. Dans le contexte européen du XVIII
e
siècle
(conflits entre États, développement du commerce de
longue distance, urbanisation), l’enjeu est de préserver
un potentiel de guerre (les chevaux), un potentiel
économique (le commerce du bétail menacé par de
grandes épizooties
2
) et de sécuriser l’approvisionnement
alimentaire des villes. Au cours du XIX
e
siècle, la
profession se médicalise en se rapprochant de la
communauté pasteurienne pour prendre en charge les
maladies animales infectieuses transmissibles aux
humains (les zoonoses) et la sécurité sanitaire des
aliments, jusqu’à obtenir des autorités publiques le
monopole de la gestion des maladies contagieuses en
élevage et de l’inspection des viandes (Hubscher, 1999 ;
Stanziani, 2005).
Un deuxième domaine de recherche a été encouragé
par les crises sanitaires (vache folle, fièvre aphteuse...) du
tournant du siècle dernier. Ces crises offrent l’opportu-
nité d’élargir à de nouveaux domaines (l’agriculture et
l’alimentation) les travaux antérieurs (Lagadec, 1981 ;
Godard et al., 2002 ;Gilbert, 2003) conduits sur les
risques associés aux innovations (nucléaire, amiante...) et
qui confrontent différentes perceptions des risques
(expertes et profanes), interpellent le fonctionnement
des organisations ainsi que les relations entre sciences du
vivant, techniques et sociétés. S’ils n’abordent pas
directement la santé animale en tant qu’objet politique,
ces travaux mettent en lumière les évolutions de la
profession (Bonnaud et Fortané, 2021a ;2021b) et le rôle
ambigu des vétérinaires, entre conseillers agricoles et
garants de la santé publique, entre protecteurs de l’intérêt
des éleveurs et de la santé des consommateurs (Bonnaud
et Fortané, 2016 ;2018). Ils permettent également dans le
prolongement de travaux initiés par Wynne (1996) de
mettre en évidence les différentes ontologies des
maladies animales (Law et Mol, 2011 ;Enticott, 2012).
Un troisième corpus de travaux plus récents porte sur
l’émergence du concept « Une seule Santé/One Health »
(OH) et sa mise en œuvre. Le concept invite d’une part à
rapprocher santé animale et santé humaine dans le
domaine scientifique comme politique (FAO et al.,
2008). L’idée n’est pas nouvelle (Woods et Bresalier,
2014 ;Zinsstag et al., 2011) mais prend de l’ampleur
depuis la finduXX
e
siècle avec la multiplication de
nouvelles maladies infectieuses affectant les humains
(Sida, grippe aviaire, maladie à virus Ébola, maladies à
Coronavirus...) et dont la majorité est d’origine animale
(Jones et al., 2008). D’autre part, à travers les liens
établis entre crise environnementale et multiplication des
maladies émergentes (Morand, 2016), c’est également la
1
Contrairement à la FAO et à l’OMS, l’OIE n’est pas une
organisation des Nations unies. C’est une organisation
intergouvernementale créée en 1924 qui rassemble aujourd’hui
182 États membres (son sigle, OIE, est héritée de son ancien
nom : Organisation internationale des épizooties).
2
Les épizooties sont l’équivalent pour les animaux des
épidémies chez les humains.
2 M. Figuié : Nat. Sci. Soc.
santé de l’environnement que les promoteurs du concept
OH invitent à prendre en compte. Enfin, parce que ces
maladies ne connaissent pas de frontière, elles contribuent
à légitimer et à renforcer le rôle des organisations
internationales (OI) qui en sont d’importants promoteurs
[voir, par exemple, FAO et al. (2008)]. Les travaux de
sciences sociales portant sur le concept OH interrogent les
frontières et les relations entre humains et non-humains
(Keck, 2012 ;Porter, 2012), mais aussi sa capacité de
mobilisation (Michalon, 2019), les frontières entre les
domaines de l’action publique et les concurrences
juridictionnelles que sa mise en œuvre contribue à
réorganiser (Jerolmack, 2013 ;Gardon et al.,2019)en
particulier au niveau international (Chien, 2013 ;Figuié,
2014).
Notre contribution relève de ce dernier corpus. La
plupart des travaux analysent ces évolutions comme un
appel à l’interdisciplinarité, à la multisectorialité et à la
coopération internationale, en privilégiant un point de
vue de santé publique et sans entrer dans le détail des
reconfigurations de la santé animale que cela suppose.
Nous montrons que ces évolutions contribuent à élargir le
cadrage de la santé animale pour en faire un enjeu de
biosécurité ainsi qu’un nouveau bien public mondial.
L’objectif de la biosécurité est de protéger le vivant
par le contrôle des flux de différentes formes de vies
(humains, animaux, bactéries, virus, gènes...), flux
associés à des risques d’invasions biologiques, conta-
minations, sauts d’espèces, bioterrorisme... Le cadrage
biosécuritaire repose sur le registre de la menace et de la
peur. Dans le domaine de la santé animale, les études
portent principalement sur les dispositifs de contrôle et
de surveillance à l’échelle des élevages [voir les
contributions rassemblées par (Fortané et Keck, 2015)
ou (Bingham et al., 2008)]. Mais les effets de ce
recadrage biosécuritaire sur les politiques internationales
ont été peu étudiés dans le secteur de la santé animale
contrairement au secteur de la santé publique (Lakoff et
Collier, 2008).
Les biens publics mondiaux (BPM) sont définis
comme « l’ensemble des biens accessibles à tous les
États qui n’ont pas nécessairement un intérêt individuel à
les produire » (Kindleberger, 1988). Le concept met en
avant la défaillance des marchés (cas des biens publics),
mais également des États (cas des BPM) pour leur
production et leur prise en charge (Gabas et Hugon,
2001) et la nécessité d’une gouvernance mondiale de ces
biens. Le concept a d’abord été appliqué au système
monétaire et au commerce international (Kindleberger,
1988) avant d’être étendu à l’environnement et à la santé
(Brown et al., 2006). Le cadrage en termes de BPM
permet un changement d’échelle et la mobilisation d’un
spectre plus large d’acteurs, mais surtout il introduit un
nouveau régime de régulation de la santé. Contrairement
à la santé animale, son usage en santé humaine a fait
l’objet de travaux en sciences sociales, notamment pour
en analyser l’ambiguïté du fait de la dimension
également marchande de la santé (Boidin, 2014 ;
Kerouedan, 2013 ;Smith et al., 2004).
Nous montrons dans cet article (1) la polysémie du
termedesantéanimaleet ce qu’elle révèlede lamultiplicité
et des ambiguïtés des enjeux liés aux politiques de santé
animale. Puis nous analysons les transformations récentes
de ces politiques : (2) leur cadrage en termes de biosécurité
et (3) en termes de bien public mondial. Enfin, nous
illustrons(4)les effetsde cesrecadragesà partirdu cas dela
gestion de la grippe aviaire au Vietnam.
Pour procéder à cette analyse, nous nous appuyons sur
plusieurs matériaux : (1) l’abondante littérature grise
produite par les institutions faisant autorité en santé
animale (ministère de l’Agriculture, Académie vétérinaire
en France, Union européenne, FAO, OIE, OMS) ; (2) une
vingtaine d’entretiens conduits auprès des acteurs de ces
politiques, principalement dans le contexte de gestion de la
grippe aviaire (H5N1) au niveau international (FAO, OIE
et OMS) et national [Vietnam] (Figuié, 2014 ;2013) ; et (3)
une quarantaine d’entretiens auprès d’éleveurs du district
de Phu Xuyen (Figuié et Desvaux, 2015), et d’acteurs
institutionnels et professionnels de la filière avicole au
Vietnam (Figuié et al., 2013).
Une définition institutionnelle de la
santé animale à dominante utilitariste
Il est difficile de trouver une définition de la santé
animale elle-même. Les définitions se réfèrent le plus
souvent à la santé publique vétérinaire ; la santé animale
n’est définie qu’indirectement, par ses objectifs. Diverses
institutions se réfèrent ainsi à travers l’énoncé de leur
mandat à la santé publique vétérinaire (ministère de
l’Agriculture et Académie vétérinaire en France ; OIE,
FAO...) et fixent les objectifs de la santé animale ou du
contrôle des maladies animales (Union européenne).
Dans tous les cas, c’est l’animal d’élevage qui est de
façon plus ou moins implicite au cœur des énoncés, la
responsabilité des ministères en charge de l’agriculture
qui est engagée, et la science vétérinaire qui est présentée
comme la détentrice légitime de l’expertise sur le sujet.
Les principales OI concernées (FAO, OIE, OMS) ont
convenu de définir la santé publique vétérinaire comme
« la somme de toutes les contributions au bien-être
physique,mentaletsocialdel’Homme à travers la
connaissance et l’application de la science vétéri-
naire
3
». Et la Commission des communautés euro-
3
Définitionadoptée par la FAO,l’OIE et l’OMS à la conférence de
Teramo en 1999, www.fao.org/3/y4962t/y4962t01.htm.
M. Figuié : Nat. Sci. Soc. 3
péennes (CCE, 2007) résume ainsi les objectifs de sa
stratégie pour la santé animale :
–« Garantir un niveau élevé de protection de la santé
publique et de la sécurité alimentaire en réduisant
l’incidence des risques biologiques et chimiques sur
l’être humain au minimum ;
–Promouvoir la santé animale en prévenant/réduisant
l’incidence des maladies des animaux et, par là
même, soutenir l’élevage et l’économie rurale ;
–Améliorer la croissance économique/la cohésion/la
compétitivité en assurant la libre circulation des
marchandises et les nécessaires mouvements des
animaux ;
–Promouvoir des modes d’élevage et une politique du
bien-être animal qui préviennent les menaces liées à
la santé animale et minimisent les retombées sur
l’environnement afin de soutenir la stratégie de
développement durable de l’UE. »
Ces trois premières dimensions (santé humaine,
performances de production, commerce) font de la santé
animale un levier du développement et une composante
majeure de l’intervention de la FAO car « les maladies
qui touchent le bétail peuvent avoir des effets
dévastateurs sur la productivité et la production
animales, le commerce d’animaux sur pied, de viande
et autres produits d’origine animale, sur la santé humaine
et, partant, sur l’ensemble du processus de développe-
ment économique
4
».
Ces éléments de cadrage appellent plusieurs remar-
ques. Premièrement, la santé animale est abordée comme
un instrument au service des humains et les maladies
animales comme des risques pour ceux-ci. Elle est au
service de divers objectifs : santé publique, performance
technico-économique, commerce. Même le bien-être
animal y est abordé dans une perspective de développe-
ment (certes durable). Cette instrumentalisation est
encore plus évidente si on compare la santé animale à
la santé humaine telle que définie par l’OMS : la santé est
« un état de complet bien-être physique, mental et social,
et ne consiste pas seulement en une absence de maladie
ou d’infirmité
5
». C’est « l’Homme » et non pas l’animal
qui se trouve au cœur des politiques de santé animale.
La deuxième remarque porte sur l’ampleur des
objectifs assignés à la santé animale. De nombreux
domaines d’expertise, au-delà de la seule expertise
vétérinaire, et secteurs d’intervention, au-delà du seul
secteur agricole, peuvent s’en revendiquer les « pro-
priétaires légitimes », ouvrant la porte à de potentielles
concurrences. Ainsi dans le passé, l’expertise vétérinaire
s’est trouvée en diverses occasions en compétition avec
celle de la médecine lorsqu’il s’agit de maladies
zoonotiques (maladies transmissibles des animaux aux
humains)
6
; avec celle des zootechniciens (Landais,
1990) en particulier lorsqu’il s’agit de maladies de
production [liées au mode d’élevage, Joshi et Herdt
(2006) ;Bonnaud et Fortané (2021b)] ; avec celle des
écologues (Jerolmack, 2013) lorsqu’il s’agit de maladies
transmises par la faune sauvage, etc.
Le troisième constat est que la compatibilité des
objectifs assignés aux politiques de santé animale est
rarement questionnée. Pourtant, plusieurs exemples attes-
tent de contradictions, voire de conflits d’intérêts : la gestion
de la vache folle a montré la difficulté pour le ministère de
l’Agriculture français de défendre simultanément la santé
des consommateurs et les intérêts économiques de la filière
bovine (Barbier, 2002) ; de même, les abattages massifs
d’animaux (y compris d’animaux sains) lors des épizooties
passées de fièvre aphteuse en Angleterre visent une reprise
rapidedu commerce international et sont peu cohérents avec
un objectif de bien-être animal.
Enfin, l’émergence du paradigme Une seule Santé/
One Health (OH) invite à décloisonner dans la recherche
et dans l’intervention les approches de santés humaine,
animale et environnementale. Cependant, dans la
pratique, sa portée est réduite : le paradigme OH reste
anthropocentré et focalisé sur les zoonoses. C’est
seulement à travers l’émergence de considérations en
faveur du bien-être animal (limitées comme souligné
plus haut) ou à travers l’animal de compagnie qu’une
convergence dans les définitions apparaît entre santés
humaine et animale. À noter également une inflexion
notable récente au sein de l’Académie vétérinaire
française : la définition de la santé publique vétérinaire
adoptée par la FAO, l’OIE et l’OMS citée plus haut est
directement empruntée à la définition de l’Académie
vétérinaire française de 1997. Cette dernière a été révisée
(et élargie) pour intégrer les évolutions récentes
apportées par le concept « Une seule santé »
7
.
4
www.fao.org/ag/againfo/themes/fr/animal_health.html.
5
Source : préambule à la Constitution de l’OMS, adoptée par la
Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin
1946. La définition n’a pas été modifiée depuis 1946.
6
Sont inclues parfois dans la définition des zoonoses les
maladies transmissibles des humains aux animaux, mais
beaucoup plus rarement, témoignant là encore de la vision
anthropocentrique de la santé animale.
7
« La santé publique vétérinaire est l’ensemble des actions
collectives, principalement régaliennes, en rapport avec les
animaux sauvages ou domestiques, leurs services et leurs
productions entrant notamment dans la chaîne alimentaire, qui
visent à préserver les santés humaine et animale –y compris
l’état de bien-être –et la santé des écosystèmes. Elle contribue
ainsi au développement durable et à la mise en œuvre du
concept « Une seule santé ». » (Académie vétérinaire de
France, juin 2017), https://academie-veterinaire-defrance.
org/actualites/communique-de-presse-2021-08-lacademie-
veterinaire-de-france-revisite-la-definition-de-la-sante-publi
que-veterinaire.
4 M. Figuié : Nat. Sci. Soc.
Ces considérations en matière de bien-être restent
cependant négligeables face à l’importance croissante
que prennent les enjeux de biosécurité et l’instrumenta-
lisation de l’animal qu’ils contribuent à renforcer,
comme nous le montrons plus bas.
L’examen des pratiques discursives des organisations
en charge de la santé animale montre que celle-ci est loin
d’être un concept biotechnique clairement circonscrit
tant les objectifs sont multiples (santé humaine,
économie, commerce, développement, sécurité, bien-
être animal). Le constat est celui d’un manque de clarté
entre les différents termes utilisés. Par exemple, l’OIE se
définit comme « l’organisation mondiale de la santé
animale
8
» ayant pour mandat « la santé animale, la santé
publique vétérinaire et le bien-être animal », et considère
que « la santé animale est une composante fondamentale
du bien-être des animaux
9
». Ces ambiguïtés reflètent les
frontières mouvantes des politiques de santé animale et la
place ambivalente qu’elles occupent dans le registre de
l’action publique. C’est autour des enjeux de biosécurité
et le concept de bien public mondial que ces frontières
évoluent aujourd’hui comme nous le montrons dans la
suite de l’article.
Les maladies animales, risques et
biosécurité
Comme dans d’autres domaines de l’action publique,
les problèmes de santé animale sont gérés à travers des
dispositifs standardisés d’analyse des risques. Cepen-
dant, depuis quelques décennies, la pertinence de cette
approche est remise en cause par l’émergence de
nouveaux enjeux sanitaires impliquant l’animal.
Risques et menaces
L’analyse des risques, d’abord conceptualisée par les
Académies des sciences aux États-Unis (Demortain,
2019), est devenue un standard international. La gestion
des problèmes en tant que risques est une modalité
d’action publique qui a émergé avec le développement
scientifique au siècle des Lumières ; et celle des
problèmes de santé animale (qui fait l’objet de cet
article) prend forme avec l’institutionnalisation d’un art
vétérinaire (voir plus haut). C’est une gestion dite
moderne des dangers qui défend sa légitimité en
référence à la science et en opposition aux démarches
empiriques ou magico-religieuses (Swabe, 1999).
Aujourd’hui des outils standardisés de maîtrise des
risques sont partagés internationalement ; ils compren-
nent des étapes d’analyse (identification des dangers),
d’évaluation (calcul des probabilités), de gestion
(définition des mesures de contrôle) et de communication
(pour connaître l’acceptabilité des risques et faciliter la
mise en œuvre des mesures de contrôle).
La succession de crises que l’on connaît depuis ces
mêmes années 1980 (Three Miles Island, Bophal,
Tchernobyl, Sida, Vache folle...) a conduit à mettre à
l’agenda de « nouveaux risques » (Godard et al., 2002)
dont la gestion pose de nouveaux défis du fait de leur
puissance catastrophique (ces risques sont potentielle-
ment de grande ampleur), leurs nombreuses causes et
implications (risques complexes et systémiques), leur
possible extension géographique (risques globaux) et
leurs effets sur le long terme (ils peuvent toucher les
générations futures et avoir des effets irréversibles). Ces
nouveaux risques se « soustraient au travail de réduction
d’incertitude introduit par la notion même de risque »
(Gilbert, 2002) et divers auteurs suggèrent de parler alors
de « menaces » [c’est le choix de cet article] (Bourg et al.,
2013 ;Godard et al., 2002) ou de risques de deuxième
modernité (Beck, 2001). Face aux menaces, les outils
classiques de gestion et de prévention (reposant sur une
analyse statistique d’événements passés liés à des
dangers bien identifiés) sont inopérants pour appuyer
la décision publique. On passe ainsi d’une gestion de
risques avérés (dont les causes et les probabilités sont
connues) à celle de menaces (incertaines, complexes,
imprévisibles). Ce recadrage se traduit par la contrainte
d’agir en situation d’incertitude (Callon et al., 2001 ;
Godard et al., 2002). Dans le domaine du vivant et des
risques sanitaires en particulier, cette évolution a
contribué à l’adoption du concept de biosécurité.
Maladies émergentes et biosécurité
Le passage du contrôle du risque sanitaire à la
biosécurité est lié à l’ambition de ne plus limiter l’action
publique à la prévention classique des risques avérés,
pour y inclure la préparation aux menaces, aux
catastrophes à venir et à la gestion de risques
incalculables. Dans le domaine de la santé, le concept
de maladies émergentes forgé dans les années 1990 a
donné une base scientifique à cette ambition (King,
2004), ambition qui s’est affirmée avec l’apparition de
nouveaux agents infectieux (VIH, prion, virus grippaux,
virus Ébola, coronavirus...) et leur diffusion à large
échelle.
Les politiques de biosécurité sont un prolongement
des biopolitiques (Foucault, 2004) : ces dernières
reposent sur un contrôle des risques associés au vivant,
grâce à des dispositifs de production de statistiques, de
surveillance et de contrôle des conduites individuelles.
Les politiques de biosécurité intègrent la menace,
8
www.oie.int/fr.
9
Recommandations issues de la quatrième conférence
mondiale de l’OIE sur le bien-être animal, Guadalajara
(Mexique), 2016.
M. Figuié : Nat. Sci. Soc. 5
l’incertitude et le risque de catastrophe. Fortané et Keck
rappellent qu’en sciences sociales, le concept de
biosécurité est apparu pour décrire une nouvelle
rationalité du risque dans la gestion du vivant au
croisement de logiques sanitaires et militaires :
« Alors que les formes antérieures de biopolitique
reposaient sur des modèles statistiques permettant de
prévoir et de mesurer les risques, la biosécurité implique de
se préparer à une catastrophe dont la probabilité est
incalculable et dont l’arrivée est perçue comme imminente
(Lakoff et Collier, 2008). L’émergence d’un nouveau
pathogène est ainsi vue comme un événement auquel les
autorités sanitaires doivent se préparer en imaginant ses
conséquences encore incertaines pour la population
humaine » (Fortané et Keck, 2015, p. 125).
Du fait de l’origine animale de la plupart des maladies
infectieuses, la maîtrise des zoonoses devient une
composante majeure des politiques de santé animale et
de santé publique. Par ailleurs, avec les maladies
émergentes prend finl’idée qu’il existe un nombre fini
de maladies que les progrès scientifiques permettent
d’éliminer une à une. Le modèle pastorien de l’éradica-
tion est mis à mal. Les maladies ressemblent aujourd’hui
à un ensemble toujours renouvelable d’entités instables
et innombrables : les virus (comme ceux de la grippe
notamment) mutent de façon continue et aléatoire,
l’élimination d’une maladie peut laisser le champ libre à
une autre (selon certains spécialistes, l’élimination de la
peste bovine aurait favorisé la peste des petits ruminants)
et les outils de maîtrise tels les antibiotiques créent des
résistances et de nouveaux pathogènes. Aucun progrès
n’est acquis, la vigilance doit être permanente.
Pour la FAO, la biosécurité recouvre un ensemble de
mesures visant à limiter la diffusion et l’incidence de
maladies (animales ou végétales) présentes ou à venir, et
en particulier à éviter que les agents pathogènes ne
réalisent des « sauts d’espèces » et ne passent des
barrières géographiques. Ces mesures sont essentielle-
ment des mesures de surveillance pour la production
d’informations sanitaires permettant de déclencher
l’alarme, et de préparation à de potentielles catastrophes
selon la formule commune « not if, but when ». Elles
permettent de repérer des animaux porteurs d’agents
pathogènes qui sans être eux-mêmes malades (les
chauves-souris sont ainsi les réservoirs et porteurs sains
de nombreux pathogènes pour les humains) représentent
une menace potentielle : le champ de la santé animale est
ainsi beaucoup plus vaste que celui des seuls animaux
malades et l’animal sauvage y occupe une place
croissante. L’étude de l’origine des crises sanitaires
récentes montre que les animaux (rats, chauves-souris,
pangolins, civettes...) peuvent être à l’origine de menaces
susceptibles de bouleverser en profondeur la vie
économique, sociale et politique à l’échelle planétaire.
La logique biosécuritaire progresse également avec
l’idée selon laquelle, comme les maladies humaines, les
maladies animales peuvent devenir des armes biologi-
ques : en 2016, l’OIE a élaboré une « Stratégie pour la
réduction des menaces biologiques. Renforcer la sécurité
biologique mondiale » fournissant une liste des agents
pathogènes d’origine animale pouvant servir d’armes
10
.
Le registre de la peur, propre au domaine de la
menace et de la biosécurité, se substitue à celui de la
confiance mis en avant dans le monde des risques
probabilisés et de la prévention. Plusieurs auteurs (Dean,
1999 ;Ewald, 1986) proches des analyses en termes de
biopolitiques voient dans la gestion des menaces et des
risques incalculables l’occasion d’un contrôle croissant
des États sur les individus par une surveillance accrue
(Taylor-Gooby et Zinn, 2006 ;Ewald, 1986 ;Buton,
2008). D’autres auteurs dont Beck (2009), plus
optimistes, voient dans les risques globaux l’opportunité
d’un « tournant démocratique » et « qu’émerge une
culture de responsabilité qui transcende les frontières
et les conflits
11
» ; la capacité de prendre en charge des
risques globaux témoignerait ainsi d’un processus de
civilisation (Elias, 1973).
Loin de s’opposer, nous montrons dans la partie
suivante, avec la santé animale, que ces tendances sont
complémentaires. À la faveur des zoonoses émergentes,
la santé animale évolue pour englober des enjeux de
biosécurité. Ces enjeux sont globaux. Le cadrage en
termes de BPM permet non seulement un changement
d’échelle, mais il élargit aussi les responsabilités des
États et les mobilise par la référence à l’intérêt commun
et à une morale de responsabilité. La peur (associée à la
biosécurité) oriente l’attention vers les biens à protéger,
l’intérêt commun (porté par le concept de BPM) permet
l’action collective pour la protection de ces biens. C’est
ce que nous détaillons dans la partie suivante.
La santé animale : coopération et bien
public mondial
Les objectifs assignés à la santé animale (sécurisation
de la production et du commerce agricoles, de la qualité
sanitaire des aliments et santé publique) en font un bien
public et un objet des politiques publiques nationales.
Ces politiques font également l’objet d’accords de
coopérations entre les États visant à soutenir le
commerce international (à travers l’élaboration et le
contrôle de normes sanitaires internationales) et l’aide au
développement (à travers des programmes bilatéraux ou
10
Voir le rapport de l’OIE publié en 2016 : www.oie.int/
fileadmin/Home/fr/Our_scientific_expertise/docs/pdf/F_Biolo
gical_Threat-Reduction_Strategy_jan2012.pdf.
11
Ma traduction de ‘a culture of responsibility that transcends
borders and conflicts’.
6 M. Figuié : Nat. Sci. Soc.
multilatéraux de soutien aux problèmes zoosanitaires
locaux). Plus récemment, en tant que composante du
triptyque One Health, la santé animale comme avant elle
la santé humaine (et dans une moindre mesure la santé de
l’environnement), se trouve engagée dans un processus
de globalisation associé à l’acquisition du statut de bien
public mondial. Ce sont ces étapes que nous retraçons ici,
en soulignant les changements majeurs qui les caracté-
risent.
Politiques publiques, coopération
internationale et globalisation
En Europe, la santé des animaux d’élevage a été
longtemps considérée par les autorités publiques comme
une affaire privée relevant principalement de la décision
des propriétaires d’animaux, même si des règles
collectives de gestion existaient probablement. L’action
publique portait essentiellement sur la qualité sanitaire
des viandes commercialisées (Stanziani, 2005). C’est
dans les années 1840 (Teissier, 2007), avec la promulga-
tion des premières lois, que la santé des animaux
d’élevage est devenue un objet public. Cette prise en
charge était étroitement associée à la volonté des États
d’accompagner la modernisation du secteur agricole, en
le protégeant notamment des menaces infectieuses, en
particulier des grandes épizooties de peste bovine et
fièvre aphteuse (Woods, 2004).
Les politiques de santé animale s’inscrivirent
également dans l’objectif de sécurisation des échanges
internationaux en Europe et avec les colonies (Woods,
2004). Ainsi, depuis le XIX
e
siècle, les politiques
publiques nationales de gestion de la santé animale sont
liées aux politiques de coopération internationale et ceci
de façon plus concrète depuis la création de l’OIE en
1924. Cette coopération vise à permettre aux États de
protéger leur territoire des menaces infectieuses exté-
rieures sans entraver le commerce international, en
s’entendant sur les garanties sanitaires exigibles entre
États. Le but est, d’une part, de protéger les pays
importateurs du risque d’introduction de maladies
animales sur leur territoire via le commerce (risques
pour leur cheptel et pour la santé publique) ; il est, d’autre
part, de protéger les pays exportateurs des tentatives
éventuelles de la part des pays importateurs d’invoquer
abusivement des raisons sanitaires à des fins de
protectionnisme économique (Teissier, 2007). Ce dis-
positif s’est consolidé par la suite avec la création de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, en
1998, a fait des normes élaborées par l’OIE ses normes
de références.
La santé animale est également une composante des
politiques internationales d’aide au développement (voir
plus haut). L’objectif est de soutenir les services
vétérinaires des pays sous régime d’aide dans leur lutte
contre les maladies animales qui impactent localement la
santé des populations ou la productivité des élevages
(trypanosomiases, maladies à tiques...). Ces politiques
s’appuient sur des dispositifs multilatéraux dans lesquels
la FAO, créée en 1945, joue un rôle majeur, s’appuyant
notamment sur l’OIE grâce à un accord passé entre les
deux organisations dès 1952. Les interventions relevant
de ces politiques sont centrées sur des enjeux locaux,
dans une perspective de solidarité internationale (même
si les intérêts des pays donateurs peuvent parfois
interférer dans la hiérarchisation des enjeux et le choix
des dispositifs de développement).
Jusqu’àlafinduXX
e
siècle, les coopérations entre
États s’inscrivaient dans des politiques internationales
plutôt que globales, pour reprendre la distinction opérée
en santé humaine par divers auteurs (Kerouedan, 2013 ;
Fidler, 2003 ;Brown et al., 2006 ;Boidin, 2014). Le
concept de santé publique internationale a précédé celui
de santé publique globale au sein des OI : la santé
internationale est axée sur les problèmes des pays du Sud,
sur les maladies qui y pèsent le plus lourdement sur les
populations ; la santé globale, qui s’est développée à la
finduXX
e
siècle, met au contraire en avant les problèmes
globaux, c’est-à-dire ceux qui concernent à la fois les
pays du Nord et les pays du Sud. Divers auteurs
soulignent leurs préoccupations face à la montée en
puissance de ce concept dans les instances de gouver-
nance sanitaire mondiale : pression croissante sur les
pays pauvres pour les amener à prendre en charge des
catastrophes potentielles quand ils n’ont déjà pas les
ressources nécessaires pour faire face aux maladies
infectieuses « classiques » comme la méningite ou la
malaria (Calain, 2007) qui les affectent ; mise au second
plan par les OI des priorités sanitaires nationales des pays
du Sud au profit des problèmes globaux (Kerouedan,
2013).
Cette transition de la santé internationale vers la santé
globale s’est faite à la faveur de la multiplication des
maladies infectieuses émergentes et de leur recadrage en
tant qu’enjeux de sécurité globale. La santé animale s’y
trouve associée du fait du caractère zoonotique fréquent
de ces maladies et de la montée en puissance du
paradigme OH. C’est ce processus de globalisation (en
opposition à celui d’internationalisation) et en lien avec
les enjeux de biosécurité que nous examinons ci-dessous
dans le domaine de la santé animale.
Santé et sécurité globales
Depuis le début du XXI
e
siècle, plusieurs éléments
discursifs témoignent d’un cadrage croissant de la santé
comme enjeu de sécurité globale. Ainsi, en 2003, dans le
contexte de l’épidémie mondiale de Sras (syndrome
M. Figuié : Nat. Sci. Soc. 7
respiratoire aigu sévère), la CIA (Central Intelligence
Agency) organisait une réunion d’experts en santé
publique, économie et communication. Évoquant le
Sras
12
comme « la première pandémie du XXI
e
siècle »,
les participants concluaient : « Si le Sras avait été un peu
plus contagieux, nous n’aurions pas pu le contenir... Le
Sras a été un avertissement qui doit faire réfléchir sur les
graves conséquences dans le monde qui peuvent se
produire à tous les niveaux, sanitaire, économique, et
politique lorsque des épidémies imprévues surviennent
dans un monde interconnecté et accéléré » (CIA, 2003,ii
et iv)
13
. Cette menace globale exige une réponse globale :
« Aujourd’hui plus que jamais la propagation inter-
nationale des maladies ou autres risques menace la santé
et l’économie et la sécurité. Aucun pays ne peut protéger
seul ses citoyens contre ces menaces
14
» selon le rapport
annuel de l’OMS sous-titré en 2007 A safer future :
global public health security (OMS, 2007).
Parce que la plupart des maladies infectieuses
émergentes ont une origine animale, le mouvement
touche également la santé animale. L’animal se trouve
ainsi étroitement associé à la menace pandémique
15
.
Quelques années après l’OMS, la FAO (2013) fait de la
sécurité sanitaire globale (global health security)le
thème central de son rapport annuel. Et les concepts
d’agrocrime et d’agroterrorisme sont à la base de
nouvelles collaborations entre l’OIE, la FAO et Interpol
(l’Organisation internationale de police criminelle)
16
.
Ces éléments confirment le cadrage biosécuritaire de la
santé animale mais aussi sa globalisation.
La globalisation de la santé animale se traduit par une
évolution de sa gouvernance internationale. La santé
globale est plus que la somme de la santé de chaque pays,
de même que OH est plus que la somme de la santé
humaine, animale et environnementale, et que le tout est
plus que la somme des parties. La santé globale instaure
un régime de responsabilité nouveau : les États sont
responsables du contrôle de l’entrée et de la circulation
d’agents pathogènes sur leur propre territoire mais, et
c’est là que réside la nouveauté, ils ont aussi la
responsabilité d’éviter la « sortie » d’agents pathogènes
(ou même potentiellement pathogènes) d’origine
humaine ou animale représentant une menace pour la
santé dans les autres pays et plus précisément pour le
maintien de flux (personnes, marchandises...) à la base du
fonctionnement d’un monde globalisé. C’est ainsi que le
directeur de l’OIE de l’époque déclarait : « De fait, un
seul pays qui serait aujourd’hui dans l’incapacité de
lutter contre les foyers de maladies animales pourrait
mettre en danger la planète entière » (Vallat, 2007). Cette
interdépendance nouvelle que créent les enjeux de
biosécurité à l’échelle globale, ainsi que la défaillance de
certains États, permet de justifier l’intervention de la
communauté internationale dans ce qui était auparavant
considéré comme relevant d’affaires purement nationa-
les. En 2006 le président de la mission d’information sur
la grippe aviaire (France), évoquant un changement de
paradigme, plaidait pour un droit d’ingérence sanitaire
dans le domaine de la santé humaine et animale
17
:
« Aujourd’hui, nous avons atteint un degré d’exigence
supplémentaire (envers les gouvernements)... Les États
développés ont naturellement le devoir d’aider les pays
qui ne disposent pas des moyens d’une politique de santé,
mais également celui d’exiger une transparence complète
de l’information sur l’évolution de l’alerte et la mise en
œuvre d’une véritable gouvernance sanitaire
18
».
L’élargissement de la responsabilité promu à travers
la santé globale est loin d’être accepté par tous les États
soucieux du maintien de leur souveraineté (Figuié,
2013). Pour mobiliser autour de cette responsabilité
nouvelle, les OI impliquées dans la santé animale
s’appuient sur le concept de bien public mondial et la
référence à l’intérêt général.
La santé animale, bien public mondial
Dans un document de 2008 publié suite à l’épizootie
de grippe aviaire (H5N1) et établissant une stratégie
commune pour réduire les risques de maladies infec-
tieuses humaines et animales, les principales OI
concernées (FAO, OIE, OMS, Banque mondiale...)
écrivent : « La prévention de l’émergence et de la
propagation transfrontalière de maladies infectieuses
humaines et animales est un bien public mondial... Les
systèmes de surveillance sur lesquels repose la préven-
12
Le Sras est arrivé depuis la Chine au Vietnam en 2003. Il
s’est ensuite propagé dans 29 pays en quelques mois faisant
près de 900 victimes.
13
Ma traduction de ‘Had SARS been even moderately more
contagious, it probably could not have been contained’and
‘SARS has served as a sobering warning about the serious
worldwide consequences that can occur at every level, public
health, economic, and political when unanticipated epidemics
arise in a highly connected, fast-paced world’.
14
Ma traduction de ‘Today more than ever the international
spread of diseases or other risks threatens health, economies
and security. No country can “go it alone”in protecting its
citizens from the threats’.
15
Une pandémie est une épidémie d’échelle mondiale.
16
https://oiebulletin.com/?panorama=02-1-2-2020-2_oie-fao-
interpol.
17
J.-M. Le Guen, président de la mission d’information
parlementaire sur la grippe aviaire, le 11 janvier 2006 www.
assemblee-nationale.fr/12/miga/05-06/c0506023.asp#TopOf
Page.
18
www.lemonde.fr/l-epizootie-de-grippe-aviaire/article/2006/
01/16/m-le-guen-pour-un-droit-d-ingerence-sani
taire_731084_685875.html.
8 M. Figuié : Nat. Sci. Soc.
tion de l’émergence et de la propagation de ces maladies
sont également reconnus comme un bien public
mondial
19
»(FAO et al., 2008). Et encore : « Puisque
le potentiel d’une maladie reste inconnu jusqu’àce
qu’elle émerge, la surveillance des maladies infectieuses
émergentes potentiellement pandémiques est clairement
un bien public mondial
20
»(FAO et al., 2008). C’est aussi
l’action des Services vétérinaires nationaux et celle de
l’OIE pour lesquelles sa directrice actuelle revendique un
statut de bien public mondial (Éloit, 2012). Cette
orientation s’inscrit concrètement dans les instruments
internationaux de gestion de la santé animale dont
témoignent, par exemple, la révision du code zoosani-
taire de l’OIE et l’extension des obligations des États qui
y sont associés (Figuié, 2014).
Pour les OI, la référence au bien public mondial doit
permettre de mobiliser et de coordonner un réseau élargi
et reconfiguré d’acteurs autour de l’objectif de biosécu-
rité. L’opérationnalisation du concept de bien public
mondial a cependant diverses limites. De façon générale,
selon Gabas et Hugon (2001), les biens publics ne
peuvent être les mêmes selon les sociétés, leur niveau de
développement et leur insertion dans l’économie
mondiale. Leur production suppose une coordination
des États dans un contexte éventuel de conflits d’intérêts,
de relations de pouvoir, de situation d’hégémonie et de
dépendance. Certains auteurs avancent ainsi de façon
critique que les biens publics mondiaux sont une forme
de légitimation de l’action des OI, elles-mêmes dominées
par les intérêts des pays occidentaux (Constantin, 2002).
Il faut en outre nuancer cette nouveauté de statut
attribué à la santé animale. Le concept de BPM a d’abord
été appliqué à la finance et au commerce international, et
les premières dispositions internationales concernant la
santé animale l’ont été dans un objectif de sécurisation du
commerce international. Si les évolutions décrites ne
sont pas totalement nouvelles, elles ont cependant pris
une ampleur sans précédent. Le statut de BPM acquis par
la santé animale, sans que sa définition n’en soit clarifiée,
peut ainsi être mis au service d’objectifs non explicites
divers, voire contradictoires. Dans la partie suivante,
pour examiner les effets produits par l’élargissement du
cadrage de la santé animale aux enjeux de biosécurité et
la référence au bien public mondial, est exposé l’exemple
de la grippe aviaire (H5N1) au Vietnam.
Étude de cas : la grippe aviaire (H5N1)
La grippe aviaire au Vietnam : un risque local,
une menace globale
Le silence dans lequel continue aujourd’hui de
circuler à l’échelle mondiale le virus H5N1 contraste
avec le bouillonnement d’activités auquel les foyers
épidémiques de 2003 ont donné lieu. L’apparition cette
année-là d’un nouveau virus de grippe aviaire, le virus
H5N1, a été l’occasion d’inscrire dans la pratique le
concept de maladie émergente, de développer une
approche biosécuritaire de la santé animale et de
promouvoir une gouvernance zoosanitaire mondiale. À
travers les outils mobilisés pour gérer la grippe aviaire au
Vietnam, il est possible, en comparaison avec d’autres
maladies, d’identifier la logique et les motivations qui ont
sous-tendu sa gestion et son soutien par la communauté
internationale.
La population vietnamienne est essentiellement
rurale (à 70 %) et 90 % des foyers élèvent des volailles.
Lorsque la grippe aviaire (H5N1) a émergé, ces volailles,
autoconsommées et vendues sur le marché national,
assuraient 19 % des revenus des ménages agricoles
(Desvaux et Ton, 2008). Selon plusieurs experts,
l’impact direct du virus sur les élevages est comparable
à celui d’autres maladies aviaires classiques (comme la
maladie de Newcastle [NCD] qui provoque régulière-
ment d’importantes mortalités chez les volailles, mais
n’est pas transmissible aux humains). Pourtant, la NCD
n’a jamais donné lieu à la même mobilisation que celle
occasionnée par la grippe aviaire. L’enjeu local de santé
publique, à lui seul, ne permet pas d’expliquer cette
mobilisation. Le Vietnam n’a enregistré « que » 64 décès
humains liés au virus H5N1
21
entre 2003 et 2014, ce qui
reste peu au regard d’autres maladies infectieuses qui
affectent régulièrement le pays, en particulier la
tuberculose (12 000 décès dans le pays pour la seule
année 2017
22
). Même l’augmentation subite et inex-
pliquée de 300 % des cas de rougeole au Vietnam en 2014
n’a pas donné lieu à une mobilisation internationale,
probablement du fait de l’absence de menace trans-
frontalière.
Dans le cas présent, ce ne sont pas les enjeux locaux
ni la référence à un principe de solidarité qui ont
principalement mobilisé la communauté internationale,
mais la menace globale de pandémie et le souci d’agir de
façon anticipée à la source, le Vietnam. Le virus H5N1
est associé à un ensemble de risques : risque de
transmission d’animal à animal (risque épizootique),
d’animaux à humains (risque zoonotique) et d’humains à
19
Ma traduction de ‘Preventing emergence and cross-border
spread of human and animal infectious diseases is considered
to be a global public good... Surveillance systems that
underpin the prevention of emergence and spread of such
diseases are also recognized as a global public good’.
20
Ma traduction de ‘as it is not clear what a disease’s potential
is until after it has emerged, surveillance for potentially
pandemic EID is clearly a global public good’.
21
www.who.int/influenza/human_animal_interface/
2018_09_21_tableH5N1.pdf.
22
www.who.int/health-topics.
M. Figuié : Nat. Sci. Soc. 9
humains (risque épidémique, voire pandémique si cette
épidémie s’étend à une échelle mondiale). La plupart des
cas humains enregistrés sont liés à des contacts répétés
avec un animal vivant contaminé ou avec sa carcasse. Les
transmissions interhumaines restent extrêmement rares.
Pour les spécialistes, l’évolution par mutation du
virus H5N1 en un virus de grippe humaine facilement
transmissible est inéluctable, sans que l’on puisse prévoir
dans quel délai un tel événement se produira ni quelle
sera la virulence du nouveau virus mutant. Et c’est pour
faire face à ce futur virus pandémique que la
communauté internationale s’est mobilisée de façon
inédite, pour faire face donc à un virus qui « n’existait »
pas encore (et « n’existe » toujours pas) : le virus
continue d’affecter les volailles (et occasionnellement
les humains) mais il n’a pas muté en une forme
transmissible directement d’humains à humains.
Il s’agit donc d’un danger incertain dans la mesure où
la communauté scientifique ne connaît ni la probabilité
d’une telle mutation (ignorance dont la communauté
s’est affranchie en énonçant que le problème n’est pas de
savoir « si » mais « quand »), ni la gravité (quelle sera la
dangerosité du virus mutant transmissible entre
humains ?). Mais la référence aux effets dévastateurs
de la pandémie de grippe de 1918 (la « grippe
espagnole ») a mobilisé les décideurs politiques et
justifié une intervention rapide sur la base de la menace
(risque incertain) et du principe de précaution.
La mobilisation de la communauté internationale
pour la gestion de la grippe aviaire (H5N1) a été massive,
le but étant de contenir la menace à sa source tant d’un
point de vue géographique (l’Asie) que des espèces [les
volailles] (Figuié, 2014). Ce cadrage adopté par les OI a
guidé leurs interventions. La mobilisation de la FAO, de
l’OMS et de l’OIE a été largement étudiée (Figuié, 2014 ;
Zylberman, 2013 ;Brender et Gilbert, 2016) ; elle s’est
organisée autour du principe forgé à l’occasion (même si
l’idée sur laquelle il repose est ancienne), le principe
« One World One Health» (FAO et al., 2008), qui
deviendra par la suite « One Health ».
Les premiers décès humains ont été enregistrés en
2003 en Chine et au Vietnam, faisant ainsi de ces pays
aux yeux de la communauté internationale la ligne de
front de la lutte contre le virus. La même année, un
rapport commandé par le Congrès américain (CRS,
2006) souligne les nombreuses insuffisances dans la
surveillance et le contrôle du virus dans les pays touchés.
Ayant tiré les leçons des derniers attentats terroristes, le
gouvernement américain comme celui d’autres pays
occidentaux sont alors convaincus que pour leur propre
sécurité, ils doivent augmenter leur participation à
l’effort international et intervenir directement à la source
des menaces, c’est-à-dire dans les pays touchés comme le
Vietnam (Figuié, 2013).
La gestion du virus H5N1 affectant les volailles
relève de la logique biosécuritaire et du processus de
globalisation de la santé décrit plus haut : la menace
d’une catastrophe pandémique jugée imminente a justifié
la mobilisation d’importants dispositifs de surveillance et
de contrôle du vivant (virus, animaux, humains). Les OI
y ont occupé une place majeure, au nom de la santé
globale, renforçant ainsi leur rôle dans la gestion
d’affaires considérées jusque-là relevant du domaine
national. C’est ainsi qu’a été créé le « Partenariat pour la
gestion de la grippe aviaire et humaine/Partnership for
Avian and Human Influenza (PAHI) » associant autorités
vietnamiennes (ministères de la Santé, de l’Agriculture,
du Commerce, des Finances, etc.) et OI (OMS, FAO,
Unicef, Banque mondiale...). La mobilisation s’est faite
par référence à l’intérêt général. Un représentant du
ministère de la Santé déclarait ainsi : « L’abattage des
volailles représente une perte économique importante
pour les fermiers pauvres... mais le gouvernement est
déterminé, et responsable à l’égard du reste du
monde
23
». La rhétorique de l’intérêt général n’exclut
pas des pressions très concrètes exercées par la
communauté internationale, celle-ci ayant conditionné
le succès de la demande d’adhésion du Vietnam à l’OMC
à sa capacité de gestion du virus (Vu, 2009) et à prouver
ainsi sa volonté de se montrer un bon citoyen du monde.
La gestion locale de la grippe aviaire
Trois éléments de la gestion de la grippe aviaire au
Vietnam méritent d’être soulignés.
Le premier est relatif au recours des autorités
publiques à des abattages sanitaires massifs de volailles.
Durant les premiers mois de 2004, 17 % des volailles,
soit 44 millions d’animaux (GSO, 2004), sont mortes, la
plupart à la suite d’abattages préventifs. Les abattages
sanitaires sont un mode courant de gestion des problèmes
de santé animale. Un rapport de la Banque mondiale
(2011) indique que pour l’ensemble des maladies
animales dans le monde, 38 % des pertes par décès
d’animaux sont liées à des abattages préventifs (et que
donc 62 % des animaux meurent de la maladie) ; ce
chiffre s’élève à 84 % dans le cas de maladies
zoonotiques. Dans les abattages sanitaires à visée
d’éradication, les animaux sont assimilés à des mar-
chandises pouvant être défectueuses ou pouvant
23
Membre du ministère vietnamien de la santé, interrogé en
anglais le 17/12/2007. Ma traduction de ‘This is a question
which concerns not only this country, but all the world’s
countries. We must share this responsibility. Of course, the
culling of chickens is a significant economic loss for the
population, especially the poor, rural farmers... but the
government is determined, and is also responsible to the rest of
the world’.
10 M. Figuié : Nat. Sci. Soc.
compromettre la valeur globale d’un lot de marchandi-
ses, et non comme des êtres sensibles.
Le deuxième élément est relatif à l’adoption par le
gouvernement vietnamien de mesures visant, au nom de
la biosécurité, à éliminer les « petits élevages » au profit
d’une production industrielle jugée plus apte à adopter
des pratiques de biosécurité et à servir le projet de
modernisation agricole qui lui est étroitement associé
(MARD et MOH, 2006). Ces mesures reposent d’une
part sur une commodification accrue des animaux, et
d’autre part sur l’éviction des éleveurs n’ayant pas les
moyens d’adopter les normes de biosécurité. Cette
dimension biosécuritaire de la santé animale est peu
compatible avec les ambitions à court terme de
développement rural et d’aide aux plus pauvres. Elle
témoigne des contradictions portées par la mise en œuvre
de la définition multidimensionnelle de la santé animale.
Le troisième élément est lié à la gestion de la grippe
par les éleveurs vietnamiens. Ces derniers ont d’abord
craint pour leur propre santé face à cette maladie que les
autorités et les journaux ont, dès son apparition,
comparée au Sras. Ils ont donc collaboré au dispositif
national de surveillance mis en place par les autorités
vietnamiennes en ligne avec les recommandations des OI
(Figuié, 2013). Ils ont signalé aux autorités vétérinaires
les foyers qui décimaient leurs élevages (et cela d’autant
plus volontiers qu’ils espéraient une aide de ces autorités
face à ce mal nouveau). Il y a donc eu dans un premier
temps un alignement entre les cadres d’analyse (des
autorités nationales, des éleveurs) pour considérer la
grippe aviaire comme un risque pandémique, et une
collaboration a donc été possible.
Mais au fil du temps, un désalignement s’est produit,
particulièrement marqué dans les villages ayant expé-
rimenté plusieurs foyers de grippe aviaire et où celle-ci
est devenue endémique. Les éleveurs s’y sont familia-
risés avec cette maladie et ont cessé de craindre pour leur
propre santé. La menace pandémique s’est estompée à
mesure que la comparaison au Sras s’avérait moins
pertinente pour les éleveurs. Ces derniers ont révisé leur
perception de la maladie et ont fini par l’appréhender
comme une épizootie comparable à la maladie de
Newcastle qui touche régulièrement leurs volailles (sans
affecter les humains). Dans ce contexte, ils ont cessé de
déclarer les cas aux autorités (et évité par la même
occasion de potentiels abattages sanitaires), et le
commerce illégal d’animaux malades ou provenant de
zones affectées par la maladie s’est intensifié(Figuié et
Desvaux, 2015).
Dans une autre étude sur la grippe aviaire au Vietnam,
Porter (2012) montre un décalage entre la représentation
de la grippe aviaire par les agents de santé et celle des
éleveurs. Les premiers voient dans les volailles de
simples marchandises, porteuses de virus dont les
éleveurs à travers leurs (mauvaises) pratiques se font
les vecteurs ; ils préconisent des campagnes de sensibi-
lisation visant à changer leurs comportements. Les
seconds ont une approche socioécologique de la
maladie : ils mettent en avant les interactions entre les
volailles et les éléments naturels (vents, eaux, oiseaux
sauvages...) pour expliquer la spatialisation de la
maladie ; ils privilégient des mesures de gestion
respectueuses des normes sociales.
Cet exemple montre que le cadrage biosécuritaire
conduit à élargir le domaine de la gestion de la santé
animale pour inclure dans le champ du risque non plus
seulement les maladies animales elles-mêmes, mais les
animaux et les éleveurs. L’intervention publique s’est
montrée peu intéressée à prendre en compte les savoirs
locaux et les processus d’apprentissage collectif. Les
éleveurs comme leurs animaux sont appréhendés comme
des sources de risque à contrôler. Cette absence de
reconnaissance et de légitimation des espaces profanes de
gestion du risque entrave la possibilité d’une action
collective cordonnée. Or, la gestion de l’incertitude
associée aux menaces doit être nécessairement adaptive
(au gré de l’évolution des connaissances permettant de
réduire cette incertitude) et polycentrique (pour être
capable de prendre en compte la diversité des contextes,
des points de vue, des valeurs, des logiques et des
intérêts...).
Conclusion
Depuis les premières politiques publiques de santé
animale au XIX
e
siècle, leur champ d’intervention s’est
considérablement élargi pour englober récemment des
enjeux de biosécurité et en faire un bien public mondial.
Cet élargissement est lié à l’importance prise par les
maladies infectieuses émergentes zoonotiques dans
l’agenda sanitaire des OI. Il accentue le caractère
multidimensionnel mais aussi ambigu de la santé
animale. À travers cet objet et son histoire se lit la
façon dont les sociétés abordent les risques liés au vivant,
les relations entre humains et animaux, mais aussi les
relations internationales.
Les politiques de santé animale ont une approche
anthropocentrée de l’animal, que les « animal studies »
n’ont que marginalement analysée (Cassidy et al., 2017).
La montée en puissance d’une « emerging disease
worldview »(King, 2002) étroitement associée aux
zoonoses s’oppose à l’acquisition pour les animaux
d’un statut de victime, et en fait une source inépuisable
de risques. L’étendue du domaine d’action de la santé
animale, l’ambition de prendre en charge les menaces (en
opposition aux seuls risques avérés) conduisent à attirer
dans le champ d’intervention de ces politiques non
seulement les animaux « souffrants » mais aussi ceux
jugés peu productifs, hors normes, les réservoirs d’agents
M. Figuié : Nat. Sci. Soc. 11
pathogènes ou potentiellement pathogènes (comme les
chauves-souris), autrement dits les animaux « malades
des Hommes » pour reprendre l’expression de Keck
(2012). La façon dont l’évolution de ces politiques,
historiquement centrées sur les animaux d’élevage, remet
en jeu les termes du contrat domestique (Larrère et
Larrère, 1997) et intègre davantage dans leurs inter-
ventions les animaux sauvages (à la faveur de l’adoption
du concept One Health) mériterait de plus amples
développements.
Dans un contexte de globalisation de la santé, les pays
du Sud sont perçus comme des sources majeures de
menaces. Ces pays sont désignés comme le « réacteur »
de l’émergence de nouvelles maladies du fait de leur
biodiversité, de la proximité humains-animaux dans les
zones de haute densité démographique. De plus, la
faiblesse des services de santé y réduit la capacité de
contrôle des maladies. La géographie du sous-dévelop-
pement recouvre en bonne partie celle des émergences et
des menaces qui leur sont associée. Cette menace n’a pas
besoin de se concrétiser : il suffitd’avoir l’autorité de
l’énoncer pour produire des effets déstabilisateurs sur les
sociétés, sur la circulation des personnes et des biens,
circulation dont la garantie est à la base du principe
moderne de sécurité (Gros, 2012).
Le concept englobant de bien public mondial tend à
masquer la diversité des intérêts en jeu. Il permet
d’enrôler les États au service d’un intérêt supposé a priori
commun et agit comme un processus de légitimation de
l’action des organisations internationales. Le cadrage
biosécuritaire monte en puissance sans que soit ouvert le
débat sur ce qu’il peut porter de renoncement aux objectifs
et aux principes qui guident les autres dimensions de la
santé, et de la santé animale en particulier.
La santé animale est un objet politique qu’il faut
dénaturaliser. Notre contribution vise à en montrer
les différentes dimensions et à clarifier les enjeux
associés. Les sciences sociales peuvent permettre de
comprendre les intérêts, les valeurs et leur mise en
concurrence discrète dans le concept de santé animale
et contribuer ainsi à ouvrir un débat sur ce que nous
voulons en faire pour construire un monde plus sûr
mais aussi plus solidaire entre États comme entre
humains et animaux.
Remerciements
Je remercie François Buton, Bernard Hubert, mes
collègues du groupe de travail Humains/Animaux,
Martine Antona, Sigrid Aubert, Céline Dutilly et Nicolas
Gaidet, ainsi que les relecteurs pour leurs commentaires
précieux sur les versions préliminaires de ce texte (dont
le contenu n’engage que son auteur).
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