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Couverture : Remous de surface, en
sortie d’un forage artésien à Nouail,
sud tunisien ( Juillet 2007, ©M.Besbes)
ISBN : 978-2-343-03966-4
37 €
Sécurité Hydrique de la Tunisie
Mustapha Besbes
Jamel Chahed
Abdelkader Hamdane
Sécurité Hydrique de la Tunisie
Le projet hydraulique tunisien a transformé le paysage physique et social
du pays et scellé de nouvelles solidarités inter-régionales. Mais la mobilisation
quasi totale des ressources hydrauliques, l’eau bleue, marque la n d’une
époque : ce livre montre comment le changement du paradigme de l’eau
est devenu une nécessité urgente et apporte des éléments pour de nouvelles
politiques adaptées aux possibilités hydriques réelles.
Ces politiques, qui élargissent les bilans hydriques à toutes les formes de
ressources, y compris l’eau mobilisée par les cultures pluviales, l’eau verte,
et l’équivalent-eau des échanges agroalimentaires, l’eau virtuelle, s’avèrent
pertinentes quand, comme pour la Tunisie, on les applique aux pays arides.
Les dispositions, méthodes et outils développés dans cet ouvrage visent
à atteindre des objectifs de sécurité hydrique durables, et à susciter des
changements dans les comportements de tous à l’égard de l’eau.
Cet ouvrage fourmille de données et d’informations rééchies,
scientiques et pertinentes, qui éclairent d’un jour nouveau le problème de
l’eau. L’exemple tunisien n’est qu’un support pour donner au lecteur une
information à caractère universel.
Mustapha BESBES est hydrogéologue, expert en gestion des ressources en eau et spécialiste de l’hydrologie
des zones arides. Il est Docteur ès sciences, professeur émérite à l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis,
associé étranger de l’Académie des sciences de l’Institut de France, correspondant de l’Académie tunisienne
des sciences. Il a animé d’importants groupes de travail, dont celui du bassin transfrontière du Sahara,
et intervient comme expert sur les problèmes de l’eau dans de nombreux pays.
Jamel CHAHED est ingénieur hydraulicien et Docteur ès sciences, professeur à l’Ecole Nationale
d’Ingénieurs de Tunis, Université de Tunis El Manar. Il a été professeur invité à l’Institut National
Polytechnique et à l’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse. Ses travaux portent
sur l ’hydrodynamique et les systèmes environnementaux. Il participe à des groupes de travail en
Tunisie et en Europe sur les questions de sécurité hydrique et de sécurité alimentaire.
Abdelkader HAMDANE est agronome, ingénieur civil du Génie Rural, diplômé de l ’Institut
National Agronomique de Paris et de l’Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et Forêts.
Directeur Général honoraire du Génie Rural du ministère tunisien de l’Agriculture et spécialiste
de la gestion de l’eau agricole, il a représenté son pays à de nombreuses conférences internationales
et a été expert auprès de la FAO. Il est conseiller scientique à l’Institut National Agronomique
de Tunisie.
9 782343 039664
Sécurité Hydrique
de la Tunisie
Gérer l’eau
en conditions de pénurie
Préface de Ghislain de Marsily
Mustapha Besbes
Jamel Chahed
Abdelkader Hamdane
Histoire et Perspectives MéditerranéennesHistoire et Perspectives Méditerranéennes
HISTOIRE_PERSP_MED_GF_BESBES_19_SECURITE-HYDRIQUE-TUNIS.indd 1 19/09/14 12:48:17
Sécurité Hydrique de la Tunisie
Histoire et Perspectives méditerranéennes
Collection dirigée par Jean-Paul Chagnollaud
Dans le cadre de cette collection, créée en 1985, les Éditions L'Harmattan se
proposent de publier un ensemble de travaux concernant le monde
méditerranéen des origines à nos jours.
Déjà parus
Kamal CHAOUACHI, La culture orale commune à Malte et à la Tunisie, 2014
Abdelaziz RIZIKI MOHAMED, Sociologie de la diplomatie marocaine, 2014.
Ahmed BENNOUNA, Le crédit-bail au Maroc. Un mode de financement
original, 2014.
Francesco CORREALE, Le front colonial de la guerre 1914-1918, Trafic d’armes et
propagandes dans l’Occident maghrébin, 2014.
Mustapha HOGGA, Théocratie populiste ou séparation des pouvoirs au Maroc ?
Histoire et alternative démocratique, 2014.
André-Paul WEBER, Régence d’Alger et Royaume de France (1500-1800). Trois
siècles de luttes et d’intérêts partagés, 2014.
Cyril GARCIA, Trois historiens face à la guerre d’Algérie, 2014.
Seghier TAB, Les élus français d’origine maghrébine et la politique représentative,
2013.
Mariam MONJID, L’Islam et la modernité dans le droit de la famille au
Maghreb, Etude comparative : Algérie, Maroc et Tunisie, 2013.
Tahar HADDAD, La naissance du mouvement syndical tunisien, 2013.
Geneviève FALGAS, Les Français de Tunisie de 1881 à 1931, 2013.
Ismaïl REGRAGUI, La diplomatie publique marocaine : une stratégie de
marque religieuse ?, 2013.
Anis BEN ALI, Le rapatriement des Français d’Afrique du Nord dans la
presse. Alpes-Maritimes 1955-1962, 2013.
Mohamed CHABANE, Heurts et malheurs du secteur agricole en Algérie,
1962-2012, 2013
Hosni KITOUNI, La Kabylie orientale dans l’histoire. Pays des Kutuma et
guerre coloniale, 2013.
Geneviève GOUSSAUD-FALGAS, Les Français de Tunisie de 1881 à 1931,
2013.
Jean BISSON, La guerre en Méditerranée 8 novembre 1942-9 septembre 1943.
L’histoire revisitée, 2012.
Adel BOUSNINA, Le littoral et le désert tunisiens. Développement humain et
disparités régionales en Tunisie, 2012.
Mustapha Besbes
Jamel Chahed
Abdelkader Hamdane
Sécurité Hydrique
de la Tunisie
Gérer l’eau en conditions de pénuries
Préface de Ghislain de Marsily
© L’HARMATTAN, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-343-03966-4
EAN : 9782343039664
Sommaire
Préface 7
Remerciements 11
Introduction 13
Chapitre 1.
Les problèmes de l’eau dans le monde 17
Chapitre 2.
Cinquante ans de politiques de l’eau,1960-2010 71
Chapitre 3.
Le bilan hydrique national 129
Chapitre 4.
Le bilan hydrique intégral :
eau bleue, eau verte et eau virtuelle 177
Chapitre 5.
La gestion de la demande en eau et
les ressources non conventionnelles 221
Chapitre 6.
Sécurité hydrique de la Tunisie, les questions en débat 263
Conclusion 317
Postface : La révolution et la gestion locale de l'eau 323
Références bibliographiques 327
Liste des figures et tableaux 343
Liste des acronymes 347
Table des matières 349
6
7
Préface
Tout le monde en prend peu à peu conscience, le « problème de l’eau »
est en train de devenir un enjeu majeur dans les questions urgentes que
devront régler, dans les quelques années qui viennent, les sept milliards
d’habitants que compte aujourd’hui notre planète, ou les neuf milliards et
demi qui seront présents en 2050. A cela trois raisons principales : la
poursuite apparemment inexorable de la croissance démographique, même si
le rythme de cette croissance semble décroître, au moins dans certains pays ;
l’augmentation des besoins en eau avec le développement économique, la
part la plus importante de la consommation en eau étant celle liée à la
nourriture, pour laquelle l’évolution des habitudes alimentaires indique une
progression démesurée des besoins en eau agricole, qui vont de moins de
800 m3/an en moyenne par habitant, pour les pays les plus pauvres, à plus de
2000 pour les plus riches ou dispendieux, qui donnent hélas le mauvais
exemple au reste du monde ; et enfin, le changement climatique annoncé, qui
va vraisemblablement conduire à une répartition fortement modifiée des
précipitations, en particulier une probable aridification supplémentaire dans
les zones déjà arides, et une plus grande intensité des événements extrêmes.
A ces trois menaces sur la quantité, il faut ajouter la dégradation continue de
la qualité des eaux, du fait de la dissémination généralisée de produits
polluants dans l’environnement par les activités humaines, ou encore de la
contamination de l’eau par le sel ou par d’autres éléments naturels comme le
fluor et l’arsenic, mobilisés et mis en mouvement indirectement par
l’homme. A ces problèmes, tous les pays du Monde sont confrontés, qu’ils
soient développés ou en développement.
La situation actuelle n’est pas durable, il faut changer nos pratiques. Mais
que faire ? Ce livre est une mine de réflexions et d’informations sur ces
questions, en partant de l’échelle mondiale pour se focaliser ensuite sur le
cas de la Tunisie, qui est le pays au monde de la zone aride qui connaît peut-
être le mieux ses ressources en eau et ses besoins, après plus de 50 ans de
mise en œuvre d’une politique volontariste de construction d’équipements et
de gestion de la ressource, appuyée sur une caractérisation de plus en plus
précise du cycle de l’eau, et des réserves disponibles. La zone aride se
caractérise par la rareté de la ressource, la forte variabilité interannuelle, une
salinité bien souvent élevée, et la surexploitation très généralisée des eaux
souterraines, qui se renouvellent lentement. La Tunisie est un cas
exemplaire, qui peut servir de modèle à de très nombreux pays du Monde,
dont la France, tant pour les aspects techniques de la gestion des eaux que
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pour les aspects de gouvernance, par ses succès comme par les difficultés
rencontrées.
Avant d’aborder le problème de l’eau, encore convient-il au préalable
d’en définir les contours. Ce livre commence de façon très pertinente par une
présentation générale des problèmes de l’eau à l’échelle mondiale, ainsi que
des concepts les plus récents en matière de ressources et de consommation
d’eau, en distinguant l’eau bleue, celle qui s’écoule dans les rivières ou les
aquifères et que l’on peut capter, de l’eau verte, celle qui se stocke dans les
sols superficiels et ne peut être utilisée que par la végétation par extraction
racinaire. Cette eau verte, celle de l’agriculture pluviale, est généralement
omise des bilans en eau, alors qu’elle représente la part essentielle des
ressources que nous utilisons. Le concept « d’empreinte eau », qui quantifie
les besoins en eau bleue ou verte nécessaires à la production de ce que nous
consommons, tant en produits alimentaires qu’industriels ou en eau
domestique, sont explicités. Muni de ces outils, les auteurs se livrent à un
bilan exhaustif de l’adéquation besoins-ressources en Tunisie, avec un
regard sur le passé sur près de 100 ans, un historique de l’aménagement et de
la régulation de l’usage de l’eau, et ensuite une réflexion prospective
jusqu’en 2050, en proposant des scénarios portant sur l’offre autant que sur
la demande, pour arriver à la « sécurité hydrique » de la Tunisie. Dans ce
pays aujourd’hui, environ 35 % de l’eau consommée provient en fait
d’importations, ce qu’on appelle de « l’eau virtuelle » qui est l’eau contenue
dans les produits achetés à l’étranger, principalement des céréales pour
lesquelles on compte l’eau qui a été nécessaire pour les cultiver. La sécurité
hydrique se décline alors comme la quantité minimum de production
alimentaire locale qu’il faudrait garantir pour survivre en cas de crise rendant
tout-à-coup impossible les importations. Est-il raisonnable d’aller au-delà de
ces 35 % d’eau virtuelle ? Comment faire ? La sécurité hydrique se décline
aussi en protection de la ressource et des infrastructures contre les pollutions,
les accidents et les actions malveillantes, d’où qu’elles viennent, et
l’anticipation des situations hydrologiques extrêmes. Tous ces sujets sont
clairement abordés.
Une part importante et très originale de l’ouvrage est dédiée à
l’examen détaillé de la quantité d’eau consommée en Tunisie par
l’agriculture pour la production alimentaire, en cultures pluviales ou
irriguées. Ces chiffres, pratiquement jamais estimés, conduisent à une
conclusion surprenante : l’essentiel de la production alimentaire tunisienne
provient de l’agriculture pluviale, les cultures irriguées viennent largement
en second, même si elles permettent de fabriquer des produits à haute valeur
ajoutée exportables. Au moment où la mobilisation des ressources
disponibles pour l’irrigation a atteint ses limites, les auteurs montrent qu’il
faut continuer à investir dans l’amélioration de l’efficience des systèmes
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hydrauliques mais que c’est sur l’optimisation des rendements de
l’agriculture pluviale qu’il faut désormais faire porter les efforts ! Cette
conclusion a priori surprenante est très soigneusement étayée et argumentée.
L’ouvrage aborde d’autres questions très importantes, comme la place
à donner au dessalement des eaux saumâtres ou de l’eau de mer, à
l’utilisation des eaux usées traitées, aux économies d’eau dans tous les
secteurs d’activité, à la fraction de l’eau disponible à laisser aux écosystèmes
naturels, à l’adduction d’eau en milieu urbain et rural, à l’assainissement,
etc. Mais une part majeure est consacrée à la gouvernance, c’est-à-dire à la
façon dont le pouvoir central organise la gestion de l’eau, et à la
participation nécessaire du public à la prise de décision ou à la gestion locale
des ressources. Ces questions sont fondamentales pour une bonne
administration de l’eau. La Tunisie est là aussi un cas d’école, avec un
pouvoir central fort et une administration compétente et très active, ayant
cependant fait une tentative de délégation de gestion à des Associations
d’Usagers de l’Eau (GDA), dont certaines ont très bien fonctionné, d’autres
moins. La révolution de Janvier 2011 est ensuite passée par là, avec un
affaiblissement de l’autorité de l’Etat, conduisant à des abus qui ont fragilisé
encore plus une ressource déjà rare, comme des branchement illégaux sur
des conduites d’adduction d’eau, ou des forages non déclarés dans des zones
interdites pour cause d’excès de prélèvements. Le difficile équilibre entre
l’autorité centralisée, la délégation de pouvoir et la gestion participative par
les usagers, l’anticipation et la gestion des conflits, sont abondamment
discutés. Mais un préalable à cette gestion participative est, selon les auteurs,
l’éducation et la formation du public à la connaissance des réalités de
l’hydrologie et de la gestion des eaux. La place de la recherche pour éclairer
les choix politiques est aussi abordée.
Cet ouvrage, écrit dans un langage très pédagogique et d’une
remarquable clarté, fourmille de données et d’informations réfléchies,
scientifiques et pertinentes, qui éclairent d’un jour nouveau le lancinant
problème de l’eau. Tous ceux qui s’intéressent à l’eau y trouveront une
source d’idées originales, pour aborder la question des choix pour l’avenir,
en Tunisie comme ailleurs, car l’exemple tunisien n’est qu’un support pour
donner au lecteur une information à caractère universel. Je félicite les
auteurs pour ce travail remarquable et exhaustif, et en recommande très
chaudement la lecture par tout public intéressé par l’eau.
Paris, le 1° Juin 2014
Ghislain de Marsily
Académie des Sciences et Université Paris VI, Paris
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11
Remerciements
Nous tenons à remercier particulièrement Ghislain de Marsily, professeur
à l’Université Paris VI, membre de l’Académie des sciences, un spécialiste
de l’eau universellement reconnu, pour avoir accepté de relire l’intégralité du
livre, et pour avoir bien voulu rédiger la préface de cet ouvrage. Son appui
constant aux thèses développées et ses encouragements ont grandement
facilité la dernière étape, la plus difficile, de mise en forme définitive du
livre.
Nous remercions vivement Akiça Bahri, coordinatrice de la Facilité
Africaine de l’Eau, pour avoir accepté de mettre sa vaste expérience
internationale des problèmes de l’eau au service d’une première lecture, qui
s’est révélée être redoutablement exhaustive, précise et minutieuse, du
manuscrit. Elle en a corrigé une multitude de fautes et nous a manifesté un
soutien enthousiaste et sans faille.
Les auteurs remercient tous ceux, experts, praticiens, usagers, chercheurs
et décideurs, qui ont contribué à l’émergence d’une nouvelle vision des
problèmes de l’eau de la Tunisie. Cette vision constitue l’aboutissement,
certes encore largement inachevé, de l’extraordinaire brassage d’idées initié
par la brutale prise de conscience, au début des années 90, que la crise de
l’eau n’allait pas épargner la Tunisie malgré son remarquable effort
d’inventaire et de mobilisation des ressources. Alors que jusque là les débats
et les écrits sur l’eau avaient été plutôt consacrés aux questions à caractère
technique, ce foisonnement devait se concrétiser par de nombreuses études,
réflexions et documents à caractère prospectif et stratégique. La
collaboration des auteurs s’inscrit dans cette perspective, d’une recherche
permanente sur les enjeux de l’eau ; une collaboration continue développée
depuis près de deux décennies autour des projets réalisés en commun.
Nous remercions tous les collègues, les membres de la communauté
tunisienne de l’eau, notamment les ingénieurs du Ministère de l’Agriculture
et des Commissariats régionaux de développement agricole, les chercheurs
des Universités et centres de recherche, les usagers et membres des
Groupements de développement agricole, les Associations et membres de la
société civile qui s’intéressent aux problèmes de l’eau, et tous ceux qui ont
contribué de près ou de loin, par des échanges de point de vue, par la
communication d’informations, de documents et de données, ou par leurs
propres travaux, à la genèse des idées et l’élaboration des éléments qui ont
progressivement abouti à la rédaction de cet ouvrage.
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Introduction
Le secteur de l’eau en Tunisie a connu ces dernières décennies de
profondes transformations, marquées par un niveau très élevé de
mobilisation : utilisation des meilleurs sites de grands barrages,
surexploitation des nappes souterraines, recours accru aux eaux non
conventionnelles. En parallèle, une mutation socio économique est en train
de s’opérer avec l’émancipation des populations tunisiennes et ses
corollaires : plus fortes exigences en matière de qualité et de sécurité
d’approvisionnement, nécessité d’une plus forte participation des usagers à
la gestion locale de l’eau, besoins accrus en formation, en information et en
responsabilisation des citoyens.
L’eau risque ainsi de devenir un facteur potentiellement limitant du
développement socio économique du pays et ce constat doit se traduire par
une révision en profondeur des principes de sa gestion : comment transférer
la gestion de l’offre vers la gestion de la demande ? Comment, dans un
contexte où la compétition pour l’eau s’accentue, concilier les usages,
anticiper les conflits, garantir la conservation de la ressource et maîtriser les
risques ? Comment allier la nécessité de respecter l’unité hydrologique de la
ressource et l’organisation centralisée de l’administration et de la gestion de
l’eau ? Quel modèle de gouvernance doit-on adopter ? Quel rôle doit-on
assigner au secteur privé et à la gestion communautaire ? Jusqu’où doit-on
aller dans l’emploi des outils économiques ?
La question de la sécurité hydrique recouvre certes d’abord la sécurité de
l’approvisionnement en eau potable, mais c’est aussi et surtout une question
de sécurité alimentaire, indissociable de la politique agricole et des bilans de
la balance agroalimentaire. Plus de 70 % des ressources en eau mobilisées
dans le monde, près de 80 % en Tunisie, sont en effet alloués à l’irrigation.
L’agriculture pluviale et l’agriculture irriguée jouent, toutes les deux, des
rôles essentiels et complémentaires dans la sécurité alimentaire.
L’agriculture irriguée assure l’accroissement et la stabilisation de la
production agricole locale et joue un rôle primordial dans la promotion du
monde rural. Quant à l’agriculture pluviale, elle contribue largement à la
sécurité alimentaire et joue un rôle déterminant dans l’équilibre de la balance
agroalimentaire. Avec cette relation dialectique entre sécurité hydrique et
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sécurité alimentaire, l’approche des problèmes de l’eau passe nécessairement
par une vision holistique qui tient compte des multiples facteurs de stress
susceptibles de menacer l’approvisionnement en eau.
La sécurité hydrique peut être définie simplement comme l’accès durable
à des ressources en eau en quantité suffisante et de qualité acceptable, mais
on doit disposer d’outils universels pour qualifier et mesurer le niveau de
sécurité hydrique. De nombreux indicateurs sont utilisés pour mesurer la
sécurité hydrique (Norman et al., 2010) ; tous traduisent bien le niveau de
pression anthropique sur la ressource, mais ils ne font pas référence à la
gouvernance de l’eau, et notamment à l’existence d’infrastructures qui
déterminent l’accès effectif à l’eau. A cet égard, la connaissance et
l’information sur la ressource vont constituer des éléments clés nécessaires
pour évaluer l’état des milieux hydrologiques et des pressions qui s’y
exercent, limiter et prévenir les conséquences des aléas et des risques, rendre
compte aux institutions et au public afin d’assurer une participation
responsable.
D’autres dimensions concourent à encadrer le concept de sécurité
hydrique, elles concernent la « sécurité dure » et comportent les deux
composantes de sécurité intérieure et de sécurité extérieure. Sur le plan
intérieur, certains pays attachent une attention particulière à la protection des
ressources en eau et des installations hydrauliques contre d’éventuels actes
terroristes (US EPA, 2011), tandis que d’autres mettent en place des
équipements préventifs pour l’alimentation en eau potable de secours des
grandes métropoles urbaines en cas de crise grave (Le Parisien, 2004). Sur
le plan extérieur, la sécurité hydrique englobe notamment la dimension
transfrontalière : près de 150 pays dans le monde partagent une partie de
leurs ressources en eau avec un ou plusieurs pays voisins.
En Tunisie, le renforcement de la sécurité hydrique à long terme va
dépendre de la capacité du pays à trouver des solutions adéquates et
appropriées pour satisfaire une demande en eau sans cesse croissante en
quantité et de plus en plus exigeante en qualité. L’importance que l’on doit
donner aux différentes solutions et la place que doit occuper chacune d’entre
elles dans les stratégies et dans les programmes de développement des
ressources en eau, ne peuvent s’apprécier que vis-à-vis des disponibilités et
de la durabilité quantitatives et qualitatives de la ressource, de la capacité à
optimiser les différents usages des ressources en eau de diverses natures, et
de la capacité à adopter et mettre en œuvre les réformes institutionnelles en
mesure d’accompagner les nouvelles politiques de l’eau, et notamment à
faire adhérer à ces réformes l’ensemble des acteurs de l’eau.
Le présent ouvrage s’articule autour des quatre thématiques centrales du
secteur de l’eau en Tunisie : (i) la connaissance et la maîtrise du bilan
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hydrique national ; (ii) la relation dialectique entre sécurité hydrique et
sécurité alimentaire, qui découle d’une vision holistique du concept de
sécurité hydrique et détermine toute politique de gestion de l’eau ; (iii) la
valorisation de l’eau par la gestion de la demande : usage optimal de la
ressource et maîtrise de l’efficience des systèmes hydrauliques ; (iv) la
maitrise de l’approvisionnement en eau et les réformes institutionnelles qui
concourent à la cohérence et à l’efficacité des politiques de l’eau.
Chacune de ces thématiques fait l’objet d’un chapitre. Il nous a toutefois
paru nécessaire d’apporter à ces thématiques fondamentales un triple
éclairage, une triple perspective : (i) une perspective géographique et
internationale, sous forme d’un aperçu des grands problèmes de l’eau dans le
Monde ; (ii) une perspective historique et analytique des politiques de l’eau
menées en Tunisie ; (iii) une perspective d’avenir, avec la mise à plat,
doublée d’un essai de prospective, des grandes questions sur l’eau qui font
actuellement débat, parmi les experts mais également dans l’opinion
publique, et qui détermineront les enjeux futurs.
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Références
bibliographiques
LeParisien.fr (2004) : http://www.leparisien.fr/val-d-oise/danone-
commercialise-les-stocks-d-eau-de-secours-15-05-2004-2004984071.php
Norman E., Bakker K., Cook C., Dunn G., Allen D. (2010) : La Sécurité
Hydrique, Guide d’Introduction ; Rapport d’orientation politique.
http://www. watersecurity.ca
US EPA (2011): http://water.epa.gov/infrastructure/watersecurity/lawsregs/
index. cfm#bioterror
Liste des Acronymes
AEP
ANPE
BIRH
CI
CT
COPEAU
CRDA
CRUESI
DGBGTH
DGGREE
DGRE
DPH
ENIT
ERESS
EUT
FAO
GDA
GDE
GIRE
INAT
INS
JORT
MARH
OMS
OMVPI
ONAS
OSS
PASA
PDEC
PDEN
PDES
PISEAU
PNEE
PPI
R&D
SECADENORD
SINEAU
SONEDE
alimentation en eau potable
Agence nationale de la protection de l’environnement.
Bureau d’inventaire des ressources hydrauliques
Nappe du continental intercalaire
Nappe du complexe terminal
Réseau de surveillance et de contrôle de la pollution de l’eau.
Commissariat régional au développement agricole
Centre de recherches sur l’utilisation de l’eau en irrigation
Direction générale des barrages et grands travaux hydrauliques
Direction générale du génie rural et de l’exploitation des eaux
Direction générale des ressources en eau (MARH)
Domaine public hydraulique
Ecole nationale des ingénieurs de Tunis
Etude des ressources en eau au Sahara septentrional
eau usée traitée.
Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture
Groupement de développement agricole (AIC/ GIC)
Gestion de la demande en eau.
Gestion intégrée des ressources en eau.
Institut national agronomique de Tunisie
Institut national de la statistique
Journal officiel de la République tunisienne
Ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques
Organisation mondiale pour la santé
Office de mise en valeur des périmètres irrigués
Office national de l’assainissement.
Observatoire du Sahara et du Sahel
Programme d’ajustement structurel agricole
Plan directeur de l’utilisation des eaux du centre.
Plan directeur de l’utilisation des eaux du nord.
Plan Directeur de l’utilisation des eaux du sud
Projet d’investissement dans le secteur de l’eau
Programme national d’économie d’eau
périmètre public Irrigué
recherche et développement
Société d’exploitation du canal et adductions des eaux du nord.
Système d’information national sur l’eau
Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux