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Research in
Psychoanalysis
n° 31 › 2021/1
Body Detention:
Psychic and
Political Issues
Issue coordinated by
GiorgiaTiscini and
ThamyAyouch
Éditorial
Giorgia TISCINI
Psychanalyste, Psychologue clinicienne, Maître de conférences en psychopathologie
clinique, Univ Rennes, Recherches en Psychopathologie: nouveaux sy mptômes et lien
social - E A 4050, F-35000 Rennes.
Université Rennes
Place du recteur Henri Le Moal, CS 24307
35043 Rennes Cedex – France
Thamy AYOUCH
Psychanalyste, Professeur des Universités, Université de Paris, CRPMS (Centre de
Recherche en Psychanalyse, Médecine et Société), EA 3522.
Université de Paris – UFR IHSS – Bâtiment Olympe de Gouges
8, rue Albert Einstein – 75013 Paris – France
Trois mots nous renvoient immédiatement à la prison et aux pratiques carcé-
rales ou, en général, aux pratiques des institutions privatives de liberté :
l’enfermement, la détention et la réclusion. Bien qu’ils soient souvent consi-
dérés, à tort, comme synonymes, les termes d’enfermement et de réclusion
divergent puisque «le premier implique de mettre quelqu’un, contre son gré,
dans un lieu clos; le second, lui, désigne le fait de vivre enfermé, à l’écart».1
Si le point de croisement réside dans la privation de liberté, il en va de même
pour la conguration spatiale: l’enfermement et la réclusion impliquent un
lieu, une frontière, un dedans-dehors, ou tout simplement une institution.
L’enfermement peut aussi être conçu comme pratique –pratique discipli-
naire ou exercice de coercition, pour reprendre la lecture foucaldienne2– , t a nd is
que la réclusion se rapproche davantage d’un état, celui d’une personne qui
vit enfermée à l’écart, isolée. Ce terme de réclusion retient cependant la signi-
cation d’une peine afictive et infamante devenant, encore une fois à tort,
synonyme de détention et/ou d’emprisonnement. Nous ne nous pencherons
1. Es tangüi Gómez, R . & Pasq uier-Chamb olle, D. (20 08). De l'enfermement et des l ieux de réclu-
sion. Hypothèses 20 08/1 (11): p.141-150.
2. Cf. Foucault, M. (2013). La socié té punitive . Cours au Coll ège de France (1972 -1973). Pa ris: Seuil/
Gall imard, p.236.
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 1
Giorg ia Tiscini, T hamy Ayouch
toutefois pas sur ce dernier vocable dont la signication convoque celui de
prison, devenant presque son double spéculaire et redondant.
Quant au terme de détention, étymologiquement, il dérive du latin dētentĭo
qui pourrait aussi se traduire par demeure, séjour, ou action de détenir. Le
verbe detinēre est aussi polysémique pouvant signier à la fois tenir loin, rete-
nir, empêcher, détenir, conserver, posséder. Le préxe latin «de» exprime,
de surcroît, la cessation d’un état et/ou d’une action, ou l’état, l’action inverse.
Si dé-tenir, dans sa valeur privative, est censé vouloir dire «ne plus tenir»,
il est alors fort étonnant que ce terme en vienne à signier un «tenir» se
transformant ainsi en son opposé. De même, il est surprenant qu’il donne
lieu à un réseau tentaculaire dont la prédominance, de longue date, s’étend
aux champs pénal, judiciaire et pénitentiaire: détention préventive, déten-
tion pénale, personne détenue, juges des libertés et de la détention (JLD), etc.
En effet, dès le XVIIIesiècle, est attestée l’expression de «détention dans un
cachot obscur»3 pour caractériser une peine.
Qu’est alors ce qu’on détient ? Et qui détient-on ? Si ces questions
demeurent complexes et foisonnantes, au vu de la multitude de voies de
réexion qu’elles engagent, nous choisissons d’en interroger une réponse
possible: que l’on détienne des corps.
Dès Surveiller et punir, Michel Foucault éclaire la manière dont l’institu-
tion carcérale vise davantage à dresser les corps qu’à réinsérer l’individu: à
l’éclat des supplices, tranchant auparavant le corps dans sa chair, est subs-
tituée, dans la prison, une inféodation de l’esprit par la maîtrise du corps,
le contrôle de ses processus mentaux et affectifs, et la punition, dans l’acte,
de la passion qui, conçoit-on, l’aurait causé. Les fonctions carcérales de reso-
cialisation par le travail, instrument essentiel de la pénalité, par la famille,
agent de la correction, et par l’auto-culpabilisation, principe de la correction
pour un individu qui accepte la procédure de son châtiment, se retrouvent,
rappelle Foucault, hors de la prison, dans des établissements «alternatifs»,
3. L e Pellet ier de Saint-Fargeau, L . M. (1791). Abolition de l a peine de mort . Le déba t
de 1791 à l'Asse mblée nation ale const ituante. Rapport sur l e pr ojet du C ode pénal pré-
senté à l'Assemblé e n ationale, au nom de s comi tés de Cons titution et de lég islation cr iminelle.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/rapport _le-pelletier-de-saint-far-
geau_1791.asp
2 Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1)
relativement ouverts, puis dans le corps social tout entier.4 C’est là cette
essentielle extension de la détention des corps, sur-pouvoir carcéral aux
fonctions de surveillance, contrôle et resocialisation, que l’on retrouve dans
diverses institutions et pratiques, et que ce dossier souhaite éclairer. Les
pratiques disciplinaires et/ou normalisantes, exercées à travers les prisons,
les hôpitaux ou la société tout entière semblent ainsi se prolonger en pratiques
totalitaires puisque « les mouvements totalitaires sont des organisations de
masses d’individus atomisés et isolés».5
Le point de rebroussement se retrouverait alors dans ces institutions
totales qui enferment, emprisonnent, détiennent. Faute de pouvoir détenir
des sujets, on détient leur corps en espérant que par l’enfermement de celui-
ci, on puisse atteindre l’«âme»6, voire la psyché qui, seule, permettrait l’ex-
piation de ce qui est recelé dans le crime, l’acte ou le passage à l’acte: expia-
tion du péché, de la déviance, de l’atteinte à l’ordre social ou symbolique.
Cette recherche de l’expiation voire du repentir par la détention du corps
n’amène toutefois, le plus souvent, qu’à l’effet contraire, à l’instar de ce que
Dostoïevski décrivait de l’isolement cellulaire (détention à l’isolement): «Il
suce toutes les forces vitales de la personne, énerve son âme, l’affaiblit, l’ef-
fraie et nit par présenter une momie moralement desséchée, à moitié folle,
comme un modèle de redressement et de repentir.»7
La détention des corps et ses effets psychiques et sociaux excède donc
les emprisonnements pénaux pour envahir, entre bien d’autres, ces institu-
tions de réclusion qui enferment les migrant·es en situation irrégulière sur
le territoire français. Comment, du reste, donner un sens à un tel enferme-
ment, véritable incarcération, là où le crime, acte et/ou passage à l’acte, n’a
pas eu lieu? Comment concevoir un emprisonnement qui, normalement, ne
devrait être destiné qu’à celles et ceux qui ont transgressé la loi sociale par
un acte qui a été jugé? Le traitement de l’étranger·e en situation irrégulière
4. Bro deur, J.-P. (1993). «Alt ernatives» à la priso n: diff usion ou déc roissance du contrôle socia l:
une entre vue avec Michel Foucau lt. Criminologie, 26(1), p.13-34. https://doi.org/10 .7202/017328a r
5. A rendt, H. (2002). Le totalit arisme. Les origines du totalitaris me. E ichmann à Jéru salem (1958).
Paris: Q uarto Gall imard, p.634.
6. Nou s nous référons ici à l’âme telle que conçue par Ar istote, à savoi r l’âme en tant que forme du
corps: « Il faut donc nécessai rement que l’âme soit subst ance comme forme d’un cor ps naturel qui
a potentie llement la vie.» Cf. Arist ote (1995). De l’âme, II, 412a19-20. Paris: Vr in.
7. Dostoïevsk i, F. (1999). Les car nets de la maison m orte (1862). Arles: Actes Sud , p.34.
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Éditorial
Giorg ia Tiscini, T hamy Ayouch
semble rappeler celui du/de la délinquant·e analysé dans Surveiller et punir.
Plus qu’un appareil de répression des délits, la prison apparaît alors, soutient
Foucault, comme mécanisme de gestion, d’intensication différentielle,
de diffusion, de contrôle et de distribution des différents illégalismes: «la
prison, c’est l’illégalisme institutionnalisé »8 qui, plus qu’inhiber la délin-
quance, la produit. Et de même que le délinquant du XIXesiècle convoque et
autorise quadrillage policier et politique disciplinaire, de même, l’étranger·e
en situation irrégulière légitime un dispositif sécuritaire européen qui le
crée comme catégorie, l’institue et le démultiplie.
Il semble alors clair, et c’est là ce que ce dossier tente de mettre en exergue,
que les enjeux politiques de ces dispositifs sont redoublés par des enjeux
psychiques.
Ce sont ces enjeux qu’aborde Dario Alparone, en mettant en perspective
la symbolique de la Maa, d’un côté, et, de l’autre, la prison comme insti-
tution totale de contrôle et réhabilitation de la déviance sociale. Abordant,
dans un prolongement de l’analyse foucaldienne, la réduction du sujet à sa
dimension de corps, biologique, dompté et dressé, il propose, en contrepoint
aux discours totalisants de la prison et de la Maa, une pratique psychanaly-
tique susceptible d’offrir de réelles possibilités de subjectivation.
Cette dimension d’institution totale, surveillant la circulation des corps
tout en les punissant, se retrouve dans les centres de rétention administra-
tive et les programmes d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile,
sur lesquels se penchent Amira Yahyaoui et Léopoldine Manac’h. Dans la
visée de décrire les effets de ces enfermements sur les corps et psychés de
personnes exilées, les autrices développent une approche à la croisée de
l’individuel et du collectif, où les processus de subjectivation s’inscrivent
dans un contexte social et politique des plus délétères. L’article met alors en
exergue les expériences-limites vécues par ces sujets, et la fragmentation de
la psyché qui en résulte.
Face à un autre t ype d’enfermement, celui des trava illeuses domestiques
migrantes à Beyrouth, insérées dans un dispositif de travail non libre, Mira
8. Bro deur, J.-P. (1993). «Alt ernatives» à la priso n: diff usion ou déc roissance du contrôle socia l:
une entre vue avec Michel Foucau lt. Op.cit.
4 Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1)
Younes analyse le «travail de survie» mis en place par ces femmes soumises
à une mélancolisation psychique et sociale. Cette détention particulière des
corps confronte la psychologue clinique et sociale à une véritable clinique
de la déshumanisation où, face au déni du réel social entourant ces femmes,
sont déployées des pratiques subjectivantes susceptibles de rendre le monde
vivable.
La détention des corps est aussi le fait de l’institution psychiatrique, dont
l’évolution en France est étudiée par Emanuela Sabatini à la lumière de l’ex-
périence particulière d’Antonin Artaud. Si celui-ci procède à une reconstruc-
tion de son corps à travers le délire, le maniement de la lettre et l’invention
d’un «corps clos», c’est, souligne l’autrice, également grâce à un dispositif
d’enfermement-ouverture propre à la psychiatrie institutionnelle qui, tout
en connant les corps, aménage pour certain·es malades un espace de circu-
lation.
Le corps détenu peut également se faire abyme, véritable trou noir créé
par la situation réelle, spatio-temporelle et psychique du sujet en prison
soumis à des vécus archaïques, comme le décrit Apolline Carne. Si le recours
à l’acte correspondait à un mécanisme de survie psychique face à ces vécus
archaïques, c’est alors en établissant un travail psychothérapeutique que
peut être visée une traversée du trou noir.
Ce travail peut révéler, outre les effets délétères de la détention des corps,
la recherche, dans l’enfermement carcéral, d’une dimension de contenance
face à l’effraction du pare-excitation psychique. C’est là l’analyse que font
Mathilde Blin, Claudine Veuillet-Combier, François Pommier, et Guillemine
Chaudoye en se penchant sur le recours à l’agir chez de jeunes adultes incar-
cérés pour cambriolage. À travers des entretiens semi-directifs et la libre
réalisation d’un arbre généalogique, les processus psychiques propres au
recours à l’agir, à la liation, mais aussi à l’incarcération, sont ici éclairés.
Les deux textes hors dossier de ce numéro semblent à leur tour prolonger
la réexion sur la détention des corps. C’est d’abord la question d’une psyché
détenue, retenue dans une oscillation entre mégalomanie et inhibition,
omnipotence et soumission, que Mathieu Moreau éclaire à travers la présen-
tation clinique d’un sujet alcoolodépendant. Le propos est de souligner la
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Éditorial
Giorg ia Tiscini, T hamy Ayouch
manière dont l’abstinence ne modie pas, mais perpétue cette organisation
psychique. Seule alors l’élaboration psychique d’éléments archaïques de la
réalité interne permettrait de surmonter ce clivage du moi rendant impos-
sible la conciliation d’éléments psychiques contradictoires.
Cette élaboration régressive, empruntant les voies du travail psychana-
lytique d’énaction avec les bébés, est, pour Valérie Boucherat-Hue, la visée
d’une clinique péripsychotique de l’adulte. Dans une même continuité entre
détention du corps et de la psyché, l’autrice propose la notion de «déper-
sonnalisable », transformation transféro-contretransférentielle donnant
lieu à un travail co-associatif corporo-psychique réunissant l’analyste et
l’analysant·e dans un tissage «interintrasubjectif».
Comme le montrent donc les textes de ce dossier, les pratiques discipli-
naires, entre punition et «guérison», produites par des institutions totales
et visant une normalisation par la coercition ne sont qu’une utopie, attei-
gnant le corps et le façonnant en «corps incompréhensible, corps pénétrable
et opaque, corps ouvert et fermé: corps utopique».9
Corps exilé, sujet déterritorialisé, enfermement et auto-enfermement
(entre crime et folie) font du sort de la détention des corps un dénouement
à chaque fois singulier. Entre symptôme et liberté, détention et rétention,
incarcération et enfermement, réclusion et emprisonnement, internement et
exil, les contributions pluridisciplinaires de ce numéro interrogent ce sort,
en mettant constamment la clinique au-devant de la scène, car «l’être de
l’homme non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait
pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme la limite de sa
liberté».10
BIBLIOGRAPHIE
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(1958). Paris: Gallimard.
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10 . L acan, J. (1966). Propos sur la c ausalité psych ique (1946). Écrits. Par is: Seuil, p.176.
6 Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1)
Aristote (1995). De l’âme, II, 412a19-20. Paris: Vrin.
Brodeur, J.-P. (1993). « Alternatives » à la prison : diffusion ou décroissance du
contrôle social : une entrevue avec Michel Foucault. Criminologie, 26(1), 13-34.
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Foucault, M. (2019). Le Corps utopique (1966). Paris: Nouvelles Éditions Lignes.
Lacan, J. (1966). Propos sur la causalité psychique (1946). Écrits. Paris: Seuil.
Le Pelletier de Saint-Fargeau, L.M. (1791). Abolition de la peine de mort. Le débat de 1791
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l'Assemblée nationale, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/rapport_le-pelle-
tier-de-saint-fargeau_1791.asp
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Éditorial
Institution totale et
discours criminel
Formes de constriction du sujet
Dario ALPARONE
Psychologue. Doctor Europaeus en Sciences Polit iques. Membre associé de la Scuola
Lacaniana di Psicoanalisi. Auteur de plusieurs articles et essais scientiques au
croisement de la psychanalyse et des sciences sociales.
Via Vittor io Emanuele II, 49 – 95131 Catania – Italie
RÉSUMÉ
C’est seulement durant les derniers siècles que l’institution pénitentiaire est
devenue le moyen principal de contrôle, de management et de réintégration
de la déviance sociale. Un point central du pouvoir de l’instit ution totale
réside dans la division du sujet et sa réduction à sa dimension biologique.
La psychanalyse montre que la subjectivité est irréduct ible à une dimension
neurobiologique ; au contraire, le sujet est le produit d’une dimension sym-
bolique et sociale. Le sujet de la Maa est carac térisé par une Loi absolue; un
pouvoir totalitaire similaire à celui de l’instit ution totale. Cela éclaire le fait
que les prisons présentent souvent de sérieux problèmes quant au processus
de réhabilitation des délinquants. La psychanalyse, en tant qu’approche non
réduction niste, peut offrir au sujet emprisonné une nouvelle opportunité de
changer sa v ie.
MOTS-CLÉS : psychanalyse, prison, institution tota le, Maa, corps
ABSTRACT
Total Institution and Criminal Discourse. Forms of Constraint Placed on the
Subject
The histor y of prisons goes back a long way, and only in the last few centuries
has this institution become an important method of control, management,
and reintegration for social deviance. A cent ral point of the power of Total
Instit utions is t he splitting of the subject and their reduction to t he biologi-
cal dimension. Psychoanalysis shows how subjectivity cannot be reduced to
the neurobiological dimension; instead, the subject is produced in a sym-
bolic, and social dimension. The Maa subject is driven by a symbolic order
characterised by an Absolute Law; a totalitarian power similar to t hat of the
Total Institution. The aspects of a total power, characterised by an abso-
lute Law, that holds sway over subjects, are present in both. In th is respect,
prisons often present a ser ious problem for the process of rehabilitation of
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 8
delinquents. Psychoanalysis as a non-reductionist approach can offer t he
incarcerated subjec t a new opportunity to change t heir life.
KEYWORDS: psychoanalysis, prison, total institution, Maa, body
1.Introduction. La prison en échec
Il y a lieu de s’interroger sur l’efcacité de la prison comme procédure disci-
plinaire et de considérer ses limites en tant qu’institution normalisante. On
peut rencontrer en effet des dysfonctionnements de plus en plus évidents
dans sa fonction de rééducation et de réintégration sociale (Foucault, 1972-
1973, p.229-230). La réussite de la prison à cet égard est partout assez discu-
table (Aleo, 2016, p.47-48; Tiscini, 2018; Tiscini & alaora, 2019, p.331), au
point qu’il soit possible d’esquisser une sorte d’échec généralisé de la mission
rééducative du système pénitentiaire, tant en Italie (selon l’article 27 de la
Constitution italienne1) qu’en France. Si, idéalement, la peine est censée
réhabiliter les personnes qu’elle a contraintes, les effets de la détention sont
le plus souvent négatifs. À ce propos, Tiscini observe que l’exclusion sociale
produite par le délit ou le crime est «redoublée, voire répétée une deuxième
fois, par l’emprisonnement, qui est d’une durée variable. La question ne
devrait donc pas être “d’où vient le crime” et “pourquoi devient-on crimi-
nel”, mais “que pouvons-nous faire pour et avec ces sujets qui ont commis
un crime?» (Tiscini, 2018, p.51). Le crime aliène le sujet du reste du corps
social et, plutôt que viser à la réintégration au sein de la société, la peine
poursuit tout d’abord un processus d’exclusion.
Cet article envisage ce phénomène à partir de notre pratique de psycho-
logue clinicien et notamment sur notre expérience dans un établissement
pénitentiaire de haute sécurité en Italie. Il faut préciser qu’une prison de
haute sécurité comporte des caractéristiques qui la différencient de la
prison «normale», la rendant bien plus dure et «totale»; les prisonniers,
par exemple, passent environ vingt heures par jour dans leur cellule et
subissent, en général, davantage de restrictions au regard des occasions de
1. L’art. 27 de la Constitutio n ital ienne réc ite: «L e pene non pos sono consi stere i n trattament i
contra ri al senso di uma nità e devono t endere al la rieduc azione del condannato », « Les pei nes
ne pe uvent consist er en d es traite ments contr aires aux sentiments humanita ires et doivent vi ser
à la rééducat ion du condamné. », traduct ion fournie par le Sé nat de l a R épublique italien ne :
https://www.senato.it/application/xmanager/projects/leg18/le/repository/relazioni/libreria/
novita/XVII/CST_FRANCESE.pdf.
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 9
Instit ution totale e t discours cr iminel
Dario A lparone
socialisations. Dans cet établissement, tous les détenus étaient des criminels
accusés ou suspectés de crimes liés à l’organisation maeuse.
À partir de l’écoute de détenus incarcérés (condamnés) pour crimes
maeux, on relève une sorte d’isomorphisme structural entre le discours
maeux et celui de l’institution totale de la prison (Monteleone, 2016a). À
notre avis, il y a généralement un effet de dégradation de la personnalité du
sujet détenu, qui renforce celle qui est opérée par l’ordre symbolique criminel
en dehors de l’institution. L’un comme l’autre semblent présenter des formes
similaires de contrainte du sujet. L’effet d’appauvrissement passe également
au travers du postulat sous-jacent de l’institution totale (Basaglia, 1967,
p.102-105), qui reproduit sur le détenu une coupure entre corps-objet-orga-
nisme et corps-sujet. De ce point de vue, la psychanalyse peut offrir au sujet
la possibilité de retrouver des espaces de réinvention et réappropriation de
soi-même et donc de subjectivation.
La prison comme institution totale
La prison joue un rôle central dans les sociétés occidentales depuis désor-
mais deux siècles, comme forme à travers laquelle l’institution pénale exerce
les peines. La lecture foucaldienne éclaire cette transformation et fait valoir
qu’elle est au moins autant une manière de réorganiser le pouvoir de punir
an qu’il soit plus homogène, régulier et efcace, qu’un moyen d’adoucir
les peines (Foucault, 1975, p.96). À ce titre, la punition par l’enfermement
marque un changement de la prise en charge politique du corps, en passant
de la logique du pouvoir souverain, s’exerçant par «un droit de prise» et de
suppression (Foucault, 1976, p.179), à une logique disciplinaire qui cherche
à maîtriser les corps par la soumission à de multiples procédures régulant
mouvements, gestes et rapports de force.
Héritant de l’intelligibilité mécanique du corps (Foucault, 1975, p.160) et
de son projet de réguler l’intériorité par le dressage (Descartes, 1649, p.370;
Gonthier, 2001, p.30), les technologies disciplinaires visent ainsi le contrôle
de l’âme en assurant la docilité du corps. Elles consistent de la sorte en un
arsenal correctif et de contrainte qui réfère les pratiques à une norme et
cherche à réduire l’écart avec cette dernière.
10 Recherches en psychanalyse > n° 31 (20 21/1)
L’opposition entre le corps-sujet, doué d’une intériorité raisonnable, et le
corps-objet, prédiscursif et animal, se trouve être à la source de nos catégo-
ries juridiques. Esposito démontre, en effet, que le droit romain a produit la
catégorie de personne en tant que statut de propriétaire d’une chose, et en
premier lieu de son corps (Esposito, 2014, p.16):
Le corps –sur lequel la personne exerce son domaine propriétaire–
est pensé comme chose, chose corporelle et corps réié. Cela signi-
e que le dispositif de personne, dans le même individu, fonc-
tionne en même temps dans le sens de personnalisation –quant à
sa partie rationnelle– et dans le sens de dépersonnalisation, quant
à celle animale, c’est-à-dire corporelle. (Esposito, 2007, p.113)2
Le dispositif légal repose ainsi sur l’opposition entre personne et corps.
Dans un même temps, la prison entérine cette division en réduisant le sujet à
un corps objectivé et manipulable, mais cherche à résoudre cette tension en
agissant sur l’intériorité à partir de ce dernier. D’où la situation paradoxale
dans laquelle on vise la réintégration sociale et la réhabilitation morale du
condamné en réduisant sa liberté en tant que corps. En d’autres termes, la
prison contredit de fait le principe de liberté an d’opérer son rétablissement.
2.Le cas de A.
A. est un jeune homme détenu, pour crimes liés à la Maa, dans une maison
d'arrêt de haute sécurité. Il relève de ce qui est déni dans le champ judiciaire
comme homme de main de l’organisation maeuse: des criminels qui font de
la délinquance un métier sans occuper toutefois un rôle très important dans
l’organisation. En particulier, A. volait des voitures et s’occupait de racket.
Une fois arrêté, il a été conduit dans la maison d’arrêt de haute sécurité suite
à la révélation des liens entre ses crimes et l’association maeuse.
Il demande une consultation psychologique suite à des troubles du
sommeil et des situations d’anxiété. En particulier, il souffre depuis peu de
crises de panique qui se produisent dans un cadre bien précis: lorsqu’il est
accompagné de la salle d’audience du tribunal souterrain à la prison pour son
2. Traduction personnelle.
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 11
Instit ution totale e t discours cr iminel
Dario A lparone
procès, les policiers le menottent et le placent dans une étroite cabine métal-
lique à l’intérieur de la camionnette du transport de sécurité.
Dans ces moments, il éprouve alors une sensation envahissante d’angoisse
qui provoque une perturbation générale dans son corps. Il dit : «C’est une
chose que je ne souhaite à personne Dans ces moments je me sens mourir».
Lorsqu’on lui demande d’expliquer ce qu’il sent, il répond: «je suis à bout de
soufe», «je me sens étourdi», «j’ai des vertiges». Et puis il ajoute: «J’ai
l’impression que le monde s’effondre», « Comme s’il arrivait à sa n». «J’ai
peur J’ai peur comme si le camion se renversait», avant de conclure: «J’ai
peur de mourir en restant bloqué à l’intérieur».
A. raconte que les médecins lui ont parlé de claustrophobie, en expliquant
qu’il s’agirait d’un problème dû à ses facultés psychologiques et neurocogni-
tives. Il cone cependant sa perplexité face à ce diagnostic, dans lequel il ne
se reconnaît pas. Il perçoit au contraire cette claustrophobie comme quelque
chose d’étranger à lui-même, qui ne lui appartient pas. Il explique qu’il vit
désormais en permanence dans un espace clos: pourquoi devrait-il avoir peur
de cet espace étroit? Continuant de parler, il dit «Enn peu m’importe si je
suis claustrophobe ou non Je veux comprendre ce qu’il m’arrive Pourquoi
j’ai ces troubles. J’ai besoin d’aide pour comprendre pourquoi je souffre telle-
ment». «Je me dis que cette peur n’est pas réelle et elle est seulement dans
ma tête Mais je suis également terrié par la situation.»
A. a un problème de gestion de l’anxiété, qui produit en lui un malaise
assez envahissant dans sa vie quotidienne. L’anxiété se manifeste au niveau
somatique comme un état d’activation généralisé et difcile à tolérer, et elle
pourrait être interprétée comme une caractéristique cruciale de la réponse
de A. au régime carcéral. Du moment où A. est considéré comme corps-
organisme, sujet-organisme qui doit être géré, il se trouve dans un contexte
dépersonnalisant qui agit sur sa propre subjectivité, une subjectivité déjà
fragile en soi qui, ayant besoin d’identications très fortes, se trouve dépour-
vue de toute possibilité de se soutenir encore. En effet, lorsqu’il est soustrait
au réseau de relations dont son monde était fait et dans lequel il avait dans
une certaine mesure une place symbolique bien dénie (en tant que ls de)
(Lo Verso, 1998), il se trouve soudainement dans un contexte dépourvu de
sens et de ces identications qui, grâce à l’organisation sociale maeuse, lui
12 Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1)
procuraient un grand soutien. On peut dire en effet, en tant que psychologue
clinicien, qu’on a envisagé une «psychose carcérale», c’est-à-dire un fonc-
tionnement psychique, très fragile au fond, qui a éclaté pendant la détention
en prison.
Cette situation entraîne un basculement des identications de A. et le
surgissement d’une angoisse sans nom, dont la claustrophobie n’est qu’une
expression. La dégradation de sa santé mentale se rééchît donc au sein de
son corps, étant donné qu’il n’a pas les moyens d’articuler symboliquement
un discours autour de sa propre angoisse et de ses propres peurs concernant
le futur. Dans cette perspective, si la Maa produit un sujet totalement iden-
tié à son propre discours, la prison continue sur la voie de la contrainte et de
l’assujettissement avec un appauvrissement symbolique du contexte de vie
du sujet, qui passe lui aussi par la gestion de A. en tant que corps.
À partir du discours du patient, on peut, par ailleurs, relever que l’ins-
titution totale, dont les opérateurs incarnent les objectifs de normalisa-
tion, offre un modèle de soin qui structure l’individu en le conformant à
des schèmes d’évaluation dans une approche organiciste et réductionniste,
comme dans le cas de l’étiquetage-diagnostic de claustrophobie que les
médecins attribuent à A. Il n’a pas d'outils pour accéder à quelques formes
de «sublimation», c’est-à-dire d'instruments pour donner une forme à son
angoisse. Le diagnostic, comme l’institution totale elle-même, est une forme
de contrainte de A. après son incarcération, de la même manière que la Maa
l’était au dehors, avant l’incarcération.
Conçu comme simple organisme, le sujet, avec ses symptômes et sa souf-
france, est réié dans une identication qui lui est aliénante. En effet, la
référence directe de la catégorisation psychiatrique organiciste est le DSM-5
(American Psychiatric Association, 2013): c’est-à-dire que le sujet y est réduit
à son fonctionnement physiologique, qui serait la cause de tous les processus
psychologiques et pathologiques. Dans cette perspective, la claustrophobie
est un problème qui doit être résolu en visant la normalisation et l’objectiva-
tion du sujet, elle est ramenée à la dimension corporelle. L’écoute du sujet est
alors subordonnée aux devoirs de l’institution et le traitement de son corps
correspond à une colonisation par le pouvoir psychiatrique (Basaglia, 1967,
p.107-108). Le but principal est l’adaptation du sujet qu’on poursuit à travers
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 13
Instit ution totale e t discours cr iminel
Dario A lparone
le traitement de l’organisme biologique conçu comme ensemble des fonc-
tions neurophysiologiques.
3.Le sujet, le corps et la prise symbolique
On peut inférer des propos de A. une certaine résistance à être traité comme
corps-organisme, à être réduit en chose à gérer, ainsi que sa conviction
fondamentale d’avoir un corps et non de l’être. Dans cette sensation d’étran-
geté que le sujet éprouve face à son propre diagnostic psychiatrique, on
retrouve la différence radicale entre la sensation que le sujet a de lui-même
et le discours réductionniste de la psychiatrie dans son effet potentiellement
aliénant. C’est d’ailleurs le résultat du biologisme de la médecine et de la
psychologie contemporaines (Laurent, 2008; Venderveken, 2019, p.13-14).
r, vivre dans un contexte humain signie vivre dans un monde symbo-
lisé, c’est-à-dire un monde qui est habité par des objets qui sont le résultat
d’un découpage opéré par les signiants (Miller, 1981, 4). À ce propos, le philo-
sophe Cimatti considère que la perception de l’objet dans les êtres humains
est possible à partir d’un langage qui en délimite les contours (Wittgenstein,
1953, p.84-85, 216; ittgenstein, 1958, p.97; Cimatti, 2017, p.173). Il est
possible de transposer ce discours sur ce qu’on appelle «sujet»: «l’idée que
le je réel vit dans mon corps est liée à la grammaire particulière du mot «je»
(ou «mon»), et je pourrais les appeler «l’utilisation comme objet» et «l’uti-
lisation comme sujet » (ittgenstein, 1958, p.124). En d’autres termes, ce
sont les pratiques de vie, les habitudes linguistiques qui produisent le sujet
humain en tant que tel.
Le monde humain en tant que monde symbolisé par l’effet du langage est
un monde dématérialisé, mais en même temps le langage a des effets dans
l’expérience quotidienne de chacun, y compris dans l’expérience qui est faite
de soi-même: la conscience de chacun est le résultat de l’effet de coupure
que le langage produit sur le corps, sur la réalité naturelle. Cimatti consi-
dère en effet que le langage opère une séparation entre «psyche» et «soma»
pendant l’enfance, lorsque l’enfant devient capable de diriger volontairement
son attention envers les objets du monde (Cimatti, 2017, p.175). Les coutumes
sociales produisent donc certaines formes de vie en fournissant des règles
14 Recherches en psychanalyse > n° 31 (20 21/1)
qui donnent une signication au monde. La rencontre avec le langage, les
règles établies, la dimension sociale, a pour effet de produire une coupure
dans le corps-organisme en créant l’être humain (Cimatti, 2015, p.9) en tant
qu’être symbolique et social. C’est à partir de cette expérience d’assujettisse-
ment aux règles linguistiques et sociales qu’il est possible pour l’être humain
de dire «moi» (Ibid., 131). Par contre, ce qui advient dans la prison de haute
sécurité est la soumission d’un sujet à un régime très dur d’où la dimension
symbolique du monde humain, ft-il maeux, est absente et à laquelle se
substituent les règles rigides de l’institution totale, qui s’appliquent d’ail-
leurs à travers le réductionnisme aliénant du pouvoir psychiatrique.
L’être humain n’existe en tant que sujet-personne que dans le milieu
social, il n’existe pas à l’état naturel. En ce sens, personne ne peut xer une
règle par soi-même (Descombes, 2003, p.34), de fait une règle est dénie à
partir d’un contexte social qui en donne la signication ou, comme le dit
Lacan: «dès que se forme un système symbolique quelconque, il est d’ores
et déjà, de droit, universel comme tel» (Lacan, 1978, p.46). Un individu est
humain à partir d’un ordre symbolique, d’un contexte social qui donne une
signication aux règles établissant qu’il est un individu, un sujet.
Donc, l’individu humain s’institue dans un monde de symboles, un
monde linguistique, de règles et de rapports aux autres. C’est le monde de la
liberté qui peut produire l’être humain : un sujet-personne reconnu juridi-
quement (Schroeder, 2016, p.58-60) et, en tant que tel, caractérisé propre-
ment comme être moral, libre (Honneth, 2014).
De ce point de vue, lorsque l’institution totale, et en particulier la prison,
traite le sujet comme corps-organisme, elle opère une réduction qui est alié-
nante pour le sujet, en l’obligeant à être un sujet privé de liberté. Comment
peut-on prétendre, en effet, produire un sujet «autonome» en en faisant un
sujet sans liberté? u encore, si on le considère, comme dans le cas de A.,
comme simple dysfonctionnement neurophysiologique?
Au contraire, on observe une opération radicale de soumission du sujet-
corps, du corps symbolique (avec son histoire de vécus et de signications),
aux logiques du pouvoir. De surcroît, sa réduction à un organisme et à un
corps-objet-de-gestion, dans le cas de la prison par exemple, implique un
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Dario A lparone
appauvrissement au niveau symbolique de la vie de l’individu jusqu’à une
sorte de dépersonnalisation (Aleo, 2016, p. 45-46 ; Tiscini, 2018, p. 50 ;
Mannarà, 2020, p.250-251).
4.Le «symbolique» de la Mafia et
celui de l’institution totale
Les aspects de l’institution totale précédemment décrits relèvent d’une
réduction de la singularité du sujet à une déviance qu’il faut gérer et unifor-
miser en l’adaptant aux exigences de la société et de l’institution elle-même.
Simultanément, on assiste à une dépersonnalisation du sujet à plusieurs
niveaux, celui-ci étant par exemple réduit à son rôle de patient/prisonnier,
«client» de l’institution (Goffman, 1968; Goodman, 2013, p.80). À partir
de ce traitement, l’institution produit un sujet conforme à ses exigences, un
sujet aliéné à ses requêtes.
À ce propos, Carlo Monteleone (2020), psychanalyste italien et psychiatre
dans un institut pénitentiaire de haute sécurité, relève dans le discours des
détenus le vécu de la violence exercée par l’institution. Les détenus subissent
les règles très dures et restrictives de la prison de haute sécurité. Il parle ainsi
d’une sorte de «violence logique de l’institution totale sur les Maeux» (Ibid.,
p.76), pour faire valoir que l’institution elle-même ne favorise pas un procès
de subjectivation dans le sens psychanalytique. De plus, l’institution produit
un sujet construit à son image, à ses besoins. D’un point de vue psychanaly-
tique, il est néanmoins intéressant de constater que ce processus d’assujet-
tissement trouve chez les détenus maeux des conditions psychiques plus
favorables qu’ailleurs, en rendant manifestes les dysfonctionnements de
l’institution dans ces cas (Ibid.).
En effet, on peut relever que le sujet «maeux» a un rapport avec l’Autre
symbolique qui est caractérisé par des impératifs absolus, où le langage de
l’Autre a valeur d’ordonnance et engage le désir du sujet (Ibid., 78). Il s’agit
typiquement d’un Autre qui a un pouvoir identique à celui de la Loi et de
la jurisprudence sur le sujet (Puccio-Den, 2015). Dès son enfance, le sujet
maeux est subjugué par un discours qui l’immerge dans des valeurs et une
moralité alternatives à celles promues par l’État. La personnalité du sujet
16 Recherches en psychanalyse > n° 31 (20 21/1)
maeux se fonde par conformisme sur des aspects imaginaires, sur des
stéréotypes qui attribuent en outre une signication de la réalité et des rela-
tions sociales différentes.
Dans notre expérience de psychologue clinicien à l’hôpital, nous avons
eu l’opportunité d’écouter un sujet maeux qui avait été hospitalisé pour des
problèmes de santé. Dans la période où j’ai fait des entretiens psychologiques
avec lui il était assigné à résidence et, pour ces problèmes, se trouvait à l’hô-
pital. Ce patient avait été hospitalisé déjà plusieurs fois pour la même mala-
die, qui ne pouvait être guérie que par une opération chirurgicale. Pourtant,
chaque fois qu’il était hospitalisé, dès que les médecins envisageaient de
procéder à l’opération, le patient demandait sa sortie avec la meilleure théra-
pie d’analgésiques possible. En d’autres termes, ce patient maeux avait peur
de l’opération chirurgicale. À une occasion, parmi d’autres, où le patient était
hospitalisé, les médecins m’ont demandé de l’écouter. Je l’ai rencontré et j’ai
entrepris avec lui un bref parcours d’entretiens psychologiques en hôpital.
Le patient y a participé avec plaisir mais, au lieu de parler de sa peur d’être
opéré, il en a proté pour se présenter comme sujet, membre d’une famille
maeuse très puissante, au travers de laquelle (et de ses affaires illégales)
il a pu accumuler de grandes richesses, etc. Il disait: «J’ai payé pour ce que
j’ai fait en allant en prison, mais ça valait le coup… j’ai placé ma famille,
mes enfants aujourd’hui vont dans les meilleures écoles et connaissent déjà
plusieurs langues».
Ce patient observait une attitude très défensive envers ce qui était perçu
comme « étranger», et il a été un peu difcile d’obtenir sa conance; mon
cheval de Troie a été son narcissisme. Il s’agissait, en effet, d’une personna-
lité très narcissique, fortement liée au discours de la Maa, la délité à son
patron, le respect d’un ordre symbolique de valeurs comme: la masculinité,
la force physique, la violence verbale ou physique, la vengeance « obliga-
toire» contre les torts subis, etc. Il avait épousé la lle de son «boss», avant
que ce dernier ne meure en prison quelques années plus tard.
À certains moments, le sujet parlait de lui-même de façon maniaque, me
laissant à penser qu’il y avait une sorte de correspondance entre l’image de
soi actuelle et l’image idéale de soi-même, dans une dénégation totale de la
castration (Miller, Di Ciaccia, 2018, p.56-58). Il présentait, en outre, certaines
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 17
Instit ution totale e t discours cr iminel
Dario A lparone
des caractéristiques de personnalité typiques de la psychopathie: le narcis-
sisme, la séduction envers l’autre sexe, la poussée à l’action, la tendance à
agir les pulsions, etc. (Hare, 1993; Meloy, 2004). Dans cette modalité d’être
au monde, le sujet voit l’autre, la personne extérieure à sa famille ou à son
groupe, toute différence, comme un élément dont il faut suspecter une sorte
de menace. Dans cette perspective, pour le sujet narcissique qui est centré
sur sa propre image (phallique) de quasi-toute-puissance et d’infaillibilité,
l’opération chirurgicale représente une perte du contrôle sur soi-même et sur
son corps. L’opération est une déperdition et une dégradation de l’image de
soi, laquelle se fonde sur l’ordre symbolique maeux et sur son pouvoir tota-
lisant.
Ces aspects sociaux de puissance symbolique de la Maa sont à la base
de la distance symbolique des sujets maeux au regard du lien social propre-
ment dit (Monteleone, 2006, p.195). Le sujet maeux se construit dans un
ordre symbolique caractérisé par des signiants maîtres qui remplissent
tous les aspects de la vie de l’individu depuis son enfance. Les exigences de
la famille deviennent prioritaires par rapport aux règles qui soutiennent et
garantissent la coexistence sociale (Monteleone, 2020, p.78). L’ordre symbo-
lique, les valeurs de la Maa se caractérisent par l’emprise absolue sur le
sujet, qui est donc symboliquement séparé de la loi et de l’autorité juridique
de l’État (Legendre, 2005, p.356). Dans cette perspective, les sujets qui ont
le plus besoin d’un soutien psychique de l’image de soi trouvent, dans l’ordre
symbolique et social de la Maa, des identications totalisantes adaptées à la
construction d’une personnalité défensive, mais aussi, en même temps, très
fragile. En fait, dans les deux cas, les sujets maeux trouvent un étayage de
l’image de soi grâce au soutien que leur procure le discours à la fois cruel,
cynique, et très rassurant au niveau inconscient, de la Maa. Toutefois, ce
faisant, ils laissent la porte ouverte à l’angoisse lorsqu’ils rencontrent le réel,
soit sous la forme de la maladie physique, soit sous l’effet de l’appauvrisse-
ment identitaire généré par la contrainte du pouvoir due à l’institution totale.
Le sujet est produit de telle manière que sa conformité aux lois de la famille
et à ses impératifs criminels est aveugle et absolue. Il n’y a pas d’autres hori-
zons existentiels pour ces sujets. En adoptant une perspective plus philoso-
phique, on peut alors avancer qu’il n’y a pas d’«autonomie morale» au sens
propre (Alparone, 2019), à partir du moment où le sujet suit des règles qui
18 Recherches en psychanalyse > n° 31 (20 21/1)
lui sont imposées comme absolues. Dans ce sens, le sujet de la Maa a un
rapport d’aliénation plutôt que de séparation avec le signiant qui provient
de l’Autre. Il est absolument identié à la Loi qui provient du discours de
l’Autre (Izcovich, 2008, p.71), c’est-à-dire de l’organisation maeuse dont il
cherche la reconnaissance.
Certaines recherches ont montré que les sujets maeux ne relèvent pas
particulièrement de fonctionnements psychiques psychopathologiques
(Cra paro et al., 2017). En d’autres termes, la majorité des délinquants de la
Maa n’ont pas de troubles psychiques (ou neurobiologiques) proprement
dits. On pourrait plutôt dire qu’ils appartiennent à un ordre symbolique
précis qui fonde un lien social spécique avec ses valeurs et ses normes
propres. Le psychanalyste Girolamo Lo Verso (1998) relève que le fonction-
nement de l’organisation maeuse a les traits d’un fondamentalisme, lequel
repose sur une loi symbolique absolue et totalitaire:
La culture maeuse (qui dépasse l’appartenance stricto sensu à
une organisation maeuse) constitue une identité «moi» qui s’op-
pose au «nous» social représenté par l’état et ses règles sociales.
Mais ce «moi», cet égocentrisme maeux est en réalité un autre
«nous », le «nous » de la famille, des amis, des alliés. Ce deu-
xième «nous» est aussi intérieur à l’individu, il structure et sature
l’identité. (Ibid., p.29)
Il s’agit donc d’une sorte d’idéologie fondamentaliste, un symbolique fait
d’impératifs catégoriques où l’organisation criminelle règle tous les aspects
de la vie des individus dans la société. Elle est acceptée par les sujets comme
le seul horizon de sens dans lequel ils peuvent vivre. La Maa s’apparente
à une sorte de Loi absolue qui donne leur direction aux vies des individus
qui lui appartiennent (Monteleone, 2016b). C’est pour cette raison qu’on peut
parler d’impératif catégorique criminel pour le sujet, dès l’instant où cette
Loi pousse à l’action violente, au crime.
C’est une loi du tout ou rien où la sanction a en réalité valeur de loi.
Au sens que Lacan lui donne, à partir de ant et de Sade, c’est-à-
dire ce qui se perpétue à l’inni obéissant à une logique contenue
dans les prémisses, dans le programme, sans une clocherie, sans
un achoppement, sans autre cause que le programme lui-même.
Le point d’origine absolue, c’est le matérialisme comme cause
Recherches en psychanalyse > n° 31 (2021/1) 19
Instit ution totale e t discours cr iminel
Dario A lparone
et conséquence à la fois, réponse extrême, c’est-à-dire perverse, à
l’Autre qui n’existe pas. (Biagi-Chai, 2000, p.69).
La Loi qui soutient l’organisation maeuse est une Loi qui ordonne la
jouissance, en fondant un lien social qui oriente le sujet contre le système de
règles de l’État. Il s’agit d’une Loi qui répond de manière perverse au malaise
de la civilisation elle-même.
Dans cette perspective, on pourrait dire qu’il y a une sorte d’isomor-
phisme structural entre le discours de la Maa et celui de l’institution totale,
en tant que formes de contrainte du sujet. En fait, dans les deux cas, le sujet
se trouve assujetti, dominé par un ordre absolu de règles, qu’il accepte et
auxquelles il se conforme. D’une certaine façon, et surtout pour les sujets
qui ont une structure subjective fragile, l’institution offre des identications
bien précises et assez stables, qui ont des fonctions similaires à celles que le
sujet connaît en dehors de la prison, dans sa famille et dans l’organisation
maeuse. Ces règles organisent tous les aspects de leurs existences, exercent
une prise totale sur les corps des sujets eux-mêmes, sur lesquels s’opère
l’exercice de la violence.
L’enjeu pour la psychanalyse, et pour toutes les pratiques de soin ayant à
faire avec ce genre de sujets, serait de déstabiliser le système «pervers» du
pouvoir maeux qui opère de façon inconsciente dans le sujet et de dépasser
l’impératif de silence qui le soutient (Monteleone, 2016a, p.179). À travers
l’écoute du sujet, on peut rompre le cercle vicieux qui rend similaires la
prison, en tant qu’institution totale, et le discours «fondamentaliste», tota-
litaire de la Maa. En particulier, l’écoute psychanalytique, qui se concentre
sur le sujet dans sa singularité la plus radicale, se présente comme un élément
de rupture avec la logique de masse, entendue comme famille ou comme
groupe criminel, en favorisant la possibilité d’un procès de subjectivation
(Ibid.). Dans ce sens, la psychanalyse peut offrir un discours alternatif pour
le sujet, qui lui ouvre une fenêtre de non-sens dans la rigidité symbolique qui
caractérise le «monde sans espoir», cynique et conformiste du sujet maeux
(Monteleone, 2006, p.195).
20 Recherches en psychanalyse > n° 31 (2 021/1)
Conclusion
Le pouvoir de la prison vient de loin dans l’histoire et a désormais un rôle
fondamental dans la gestion de la déviance sociale. Son efcacité est toute-
fois très incertaine et, dans la majorité des cas, démentie. En tant qu’institu-
tion totale, la prison opère une prise de pouvoir sur le sujet qui passe surtout
à travers sa réduction à son corps réel, dépersonnalisé. Dans cette opéra-
tion d’aliénation de l’humanité du sujet, celui-ci perd toutes les caractéris-
tiques d’autonomie. Nos observations cherchent à confronter ce discours
et ces pratiques à ce qui est proposé par le discours maeux, en ce qu’ils
ont en commun d’être absolus et de n’offrir aucune possibilité de liberté
réelle. Dans les deux cas, il s’agirait donc de formes de contraintes sociales
et symboliques de la subjectivité, où la prison (en particulier celle de haute
sécurité) se pose pour le sujet maeux en continuité avec l’ordre symbolique
absolu maeux. Dans ces cas, la psychanalyse en prison peut présenter, en
tant que pratique de soin caractérisée par une approche non-organiciste, une
opportunité nouvelle pour ces sujets soumis à ces discours totalisants. Ils
pourraient alors franchir les limites de leur propre monde symbolique pour
embrasser de nouveaux horizons d’espoir, de sens.
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