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AnthropoCité, no 2, 2021 17
Migration et santé : l’accès aux soins
de la communauté Pasi ka
en Nouvelle-Zélande
Alizée Lajeunesse
oBJECTiF de ce texte est de cher-
cher à comprendre comment se
manifeste l’accès aux soins de san-
té en Nouvelle-Zélande pour la com mu-
nauté insulaire du Paci que immi grante,
dite Pasi ka, composée de Polynésiens,
Mélanésiens ou Micronésiens d’origine.
C’est à Aotearoa, la désigna tion Māori
de la NouvelleZélande, que l’on re
trouve la plus grande concentra tion de
migrants insulaires du Paci que, plus
précisément à Auckland, considérée
comme étant la « capitale polynésienne
du monde » (Bedford 1994 ; Dunsford
et al. 2011). Cette communauté constitue
d’ailleurs le deuxième plus grand groupe
au pays qui soit issu de l’immigration
contemporaine (New Zealand Govern-
ment 2019). Néanmoins, une fois ces
insulaires du Paci que établis au sein de
leur société d’accueil, il se développe de
croissantes inégalités entre ces derniers
et les Néozélandais Palagi, c’estàdire
les Occidentaux de peau blanche : les
Pasi ka seraient en moins bonne santé
physique et mentale et utiliseraient
moins les services de médecine géné
raliste que la population majoritaire
néozélandaise d’origine européenne
(Lotoalaet al. 2014 ; Ludekeet al. 2012 ;
Southwick et al. 2012). Au sein du do
maine médical, les explica tions de ces
inégalités de santé opposent souvent la
communauté autochtone Māori et la
communauté Pasi ka, amal gamées sous
une même classi cation ethnique et
comportementale stigmati sante, aux
Palagi. Ces inégalités de santé ainsi re
présentées sont alors com munément
L’ considérées comme l’éten dard d’un pro-
blème propre aux com munautés du
Paci que (Dunsford et al. 2011 ;
Southwick et al. 2012). Il est donc per
tinent de se pencher davantage sur les
facteurs et obstacles in uençant la tra
jectoire de ces migrants insulaires du
Paci que au sein de la société et de son
système de santé. Cette trajectoire peut
non seulement façonner la présence ou
l’absence d’accès aux services de santé
d’Aotearoa, mais également la possibi
lité pour les membres de la communauté
de vivre une expérience d’utilisation po-
sitive des services.
Par le biais d’une démarche alliant
les thèmes de migration et de santé,
j’aborderai les notions clés des inégalités
sociales et des déterminants sociaux de
la santé, des pratiques et dynamiques de
soins, ainsi que de l’expérience vécue,
en nuançant une approche plus inter
prétative de la santé, par une approche
critique (Grønseth 2009). Il sera sujet,
dans un premier temps, de poser un état
des lieux des populations insulaires du
Paci que, en passant par un aperçu de
l’histoire de leur migration en Nouvelle
Zélande, ainsi que l’évolution de la « san
té du Paci que » (Paci c health). Nous
survolerons par ailleurs les sujets de l’ac
cès aux soins, ainsi que du système de
santé néozélandais. Dans un second
temps, nous étudierons ce qui a été écrit
au sein de la littérature face à l’accès pro-
blématique des services de soins pour la
communauté Pasi ka, ainsi que des fac
teurs d’in uence de la sousutilisation
des services selon l’expérience des pa-
18 Migration et santé : l’accès aux soins de la communauté Pasika en Nouvelle-Zélande ~ A. Lajeunesse
tients. Dans un troisième et dernier temps, nous examinerons
les initiatives d’amélioration de l’accès aux services, par le biais
de projets communautaires, des dynamiques de soins, et de
recommandations intégrant la perspective du corps médical.
Cadre méthodologique et conceptuel
Cet article de synthèse effectue un état de l’art de la pro
blématique, tout en se positionnant et en prenant place dans le
débat analytique de l’accès aux soins en contexte d’immigra
tion. La question du soin a été et continue à être documentée
d’une manière riche et différentielle, du care au cure, du pou
voir aux pratiques, ainsi que dans ses dimensions relationnelles
et techniques ou encore morales et éthiques (Brugère 2017 ;
Tronto 2008 ; Winnicott 2015 ; Worms 2012). En revanche,
la question de l’accès aux soins est souvent prise pour acquise,
simpliée ou généralisée, renvoyant vers la responsabilité de
« l’Autre » et faisant d’un examen du soi, du « Nous ». L’éti
quette de la vulnérabilité, apposée et imposée à l’immigrant et
à sa santé fait reposer les problèmes de santé sur ses comporte
ments et attitudes, ses conditions de vie ou encore le contexte
de son expérience migratoire (Cognet 2004). Mais, comme
avancé par Cognet, les problèmes de santé sont rarement rat
tachés aux causes structurelles, au système de santé de la so
ciété d’accueil, à ses préjugés et stéréotypes. Dans le contexte
de diversité, voire d’hyperdiversité, qui existe en Nouvelle
Zélande, certains groupes sont tantôt visibles et écoutés, tantôt
invisibilisés et ignorés. Nous verrons où se situe l’état des re
cherches sur ce sujet en comparant différentes approches et
perspectives : la perspective, d’abord, du corps médical, dans
une position appliquée de la pratique clinique, et l’approche
quantitative de certains auteurs tendant parfois vers le cultu
ralisme. Nous nuancerons ces propos par une perspective an
thropologique pouvant permettre de saisir les dynamiques de
soins et le rôle que prennent ces médecins dans l’accès aux
soins des Pasika, ainsi que par l’analyse d’ethnographies
recueillant la perspective et l’expérience des migrants insu
laires du Pacique. Nous ferons aussi état de rapports de
recherches pertinents an de saisir l’état des lieux, les
recommandations, ainsi que l’évaluation des résultats et des
programmes d’accès aux soins mis en place par les autorités
gouvernementales néozélandaises. Les auteurs choisis, de
perspectives Pasika ou Palagi, s’adressent au corps médical,
au gouvernement, au domaine académique ou communautaire.
Au travers de ce corpus, nous verrons ce qui peut être retenu
en termes d’enjeux et de tentatives de résolution, tout en exa
minant ce qui peut être remis en question, ainsi que les points
d’accord ou de contestation sur lesquels il conviendrait de se
pencher davantage dans le cadre d’une ethnographie future.
LES PASIFIKA EN NOUVELLEZÉLANDE
La question de la « santé des migrants » mérite d’être explorée
en regard des contextes socioéconomiques dans lesquels elle
s’inscrit, des politiques publiques, des institutions et de leurs
acteurs, ainsi que de leurs effets sur les inégalités et les pro
cessus discriminatoires institutionnalisés. Ceuxci affectent la
possibilité des migrants d’accéder aux soins et d’être traités au
sein de différentes localités et à différents niveaux (Cognet et
al. 2012). Pour ce faire, il importe de se pencher au préalable
sur le contexte de la trajectoire des migrants Pasika. Plus de
22 communautés du Pacique sont présentes à Aotearoa,
constituant 8,1 % de l’ensemble de la population du pays en
2018 (soit environ 382 000 Pasika). S’y comptent notam
ment les communautés des îles Samoa, des îles Cook, de
Tonga, de Niue, de Fidji et de Tokelau qui y représentent la
plus grande proportion (New Zealand Government 2019 ;
Tiatia-Seath 2014). Ces différentes nationalités insulaires po
lynésiennes, micronésiennes ou mélanésiennes se rencon trent
sous la plus large appellation de « communauté insulaire du
Pacique », ainsi que sous les dénominatifs Pacic Islanders ou
Pasika, en NouvelleZélande. Ces termes sont utilisés an de
désigner cette grande communauté, mais il convient toute fois
de reconnaître et de rendre place aux spécicités de chaque
groupe aux langues et identités propres sans les homogé né i
ser. Ainsi, cet article traitera de cas précis de communautés im
migrantes provenant des îles Samoa, de Tuvalu ainsi que des
îles Kiribati, installées à Auckland. Zone urbaine la plus peu
plée du pays, Auckland rassemble environ le tiers de la popula
tion de NouvelleZélande et correspond à 32 % de la croissance
populationnelle totale du pays selon le National populational
estimate de 2019. En 2007, les deux tiers de la population du
Pacique de NouvelleZélande résidaient en milieu urbain,
dans l’ouest d’Auckland (Pack et al. 2013). Ceuxci seraient
surreprésentés par un statut socioéconomique peu élevé, des
logements surpeuplés ou précaires, un taux élevé de maladies
chroniques, tout en étant confrontés à de gros changements de
mode de vie à leur arrivée au pays, passant de l’insularité plutôt
homogène à l’urbanité multiculturelle (Southwick et al. 2012 ;
Emont & Anandarajah 2017). Les inégalités sociales s’inscri
vant en étroite connexion aux inégalités de santé, la commu
nauté Pasika fait en général face à de moins bonnes conditions
de santé, des taux de mortalité considérée évitable fortement
plus élevés que chez les Néozélandais européens ou asia tiques,
et, tel que fréquemment répété et martelé par les autori tés, elle
ferait surtout moins usage des services de santé (Pack et
al. 2013).
Survol historique :
migration, et santé du Pacique
C’est dans le contexte d’accélération économique des années
1950 et du besoin grandissant de travailleurs manufacturiers
que l’immigration pacique en NouvelleZélande connaît les
balbutiements de son essor tel que connu aujourd’hui. De par
les liens coloniaux du pays au sein de la région pacique, et
surtout de par le narratif colonial néozélandais toujours présent
visàvis des petits États insulaires du Pacique, la Nouvelle
Zélande est, dès cette époque, particulièrement intéressée à
recruter la maind’œuvre insulaire du Pacique (Dunsford et
al. 2011). La migration Pasika continue son ascension dans
les décennies suivantes, bien que les conditions de vie, notam
ment de surpeuplement des logements, soient difciles pour
les immigrants du Pacique : on y compte environ 8 000 Pasi
ka en 1956, 63 000 en 1976, pour atteindre 130 000 en 1986
(ibid., 6). Suite à la décolonisation, la migration des travailleurs
des îles Cook, Niue et Tokelau est d’autant plus facilitée par
leur accès à la citoyenneté néozélandaise en libreassociation,
alors que pour les migrants provenant d’autres nations du Paci
AnthropoCité, no 2, 2021 19
que, le dépassement de la validité de leur visa est commu
nément ignoré par les autorités, grand besoin de maind’œuvre
oblige (ibid.). Mais alors que le ralentissement économique des
industries frappe dès le milieu des années 70, beaucoup de mi
grants du Pacique, alors les cibles de discri mination grandis
sante au sein de la société, notamment en ce qui a trait à l’accès
au logement, se retrouvent sans emploi et en proie aux raids de
rapatriement pour résidence non valide (Dunsford et al. 2011).
Cependant, la population Pasika con tinue toute de même son
accroissement grâce à la mise en place du système d’immigra
tion par quota et du programme de ré unication familiale.
C’est également à partir des années 80 que les autorités se
voient forcées de réaliser la portée des dis parités de santé tou-
chant la communauté insulaire du Pacique qui, jusqu’alors,
demeuraient invisibilisées : les leaders de la santé Pasika re
vendiquent en effet sur la place publique et au près des autorités
sanitaires le besoin d’adresser la « santé du Pacique » comme
une entité aux enjeux qui lui sont propres (ibid.). Ce mouve-
ment des soignants Pasika et de la commu nauté revendique
ainsi la mise en place de services de santé dédiés aux insulaires
du Pacique au sein du système général, qui soient plus acces
sibles, appropriés et efcaces pour la san té de leur commu
nauté. L’État opère alors, dans les années 90, une réforme du
nancement centralisé et de l’approvision nement des services,
menant à l’introduction, en 2001, de la Primary Health Care
Strategy (Pack et al. 2013). C’est à ce mo ment que débute l’im
plantation des Pacic-led Primary Health Organisations
(PHOs), des organisations non gouverne men tales locales et
dirigées par des membres de la commu nauté Pasika, béné
ciant d’une augmentation du nance ment par l’État (ibid.).
De pair avec ce programme sont intro duits le paie ment Very
Low Cost Access (VLCA) en 2006, ainsi que le nancement
Services to Improve Access (SIA) : le premier a pour objectif de
permettre aux PHOs de maintenir des tarifs bas pour leurs usa
gers à plus faibles revenus confor mément à leurs besoins ; le
second, de fournir des services ac cessibles, exibles et incluant
des praticiens Pasika au sein de la com munauté (ibid.).
En bref : l’accès aux soins
et le système de santé néozélandais
L’accès aux soins de santé dont il sera question représente ce
qui empêche ou facilite la capacité des personnes à recevoir des
soins et services du système de santé, non seulement par la
présence de ressources potentielles, mais aussi de moyens an
de favoriser leur utilisation réelle (Anderson 1995, cité dans
Bidwell 2013). Ainsi, pour que l’individu puisse avoir accès
aux services, ces derniers doivent pouvoir répondre aux be
soins présents, d’où l’importance de considérer les relations et
la communication interculturelles, ainsi que la sécurisation
culturelle (Cohen-Émérique 1993 ; Montgomery & Bourassa-
Dansereau 2017 ; Doutrich et al. 2012). Le contexte des ser
vices se doit également d’être efcace, par les dynamiques rela
tionnelles et interactionnelles de soin, les pratiques de soin en
ellesmêmes, mais aussi par l’environnement et la culture orga
nisationnelle au sein desquelles prennent place les services. Au
niveau de l’offre des services donc, la variation de la disponi
bilité, de la qualité, du coût et de l’information de manière non
équitable entre les groupes de la population sont des facteurs
qui peuvent affecter l’accès aux soins (Goddard & Smith 2001,
cité dans Bidwell 2013). Mais il importe également de consi
dérer l’inuence des déterminants sociaux de la santé dans
l’accès aux soins pour le patient : il s’agit de ses conditions de
vie, son environnement ou le contexte politicoéconomique et
social plus larges entourant le patient, son histoire, son quoti
dien, bref l’expérience de sa situation singulière. Pour re
prendre l’approche de Fassin sur l’incorporation des inégalités
sociales de santé, l’ordre social et les disparités économiques
et politiques s’inscrivent dans le corps physique ; ils sont natu
ralisés dans le biologique, et pourraient donc avoir un impact
différentiel sur l’accès aux soins de santé (Fassin 2002, cité
dans Carricaburu & Cohen 2002 ; Cognet 2004). Cette ac
cessibilité, ainsi que ses entraves et obstacles sont visibles au
se in du système de santé néozélandais. Celuici est subven
tionné par la taxation, et accessible aux citoyens néozélandais,
résidents permanents, détenteurs de visa de travail ou aux in
dividus postulant au statut de réfugié (New Zealand Govern-
ment 2020). Les services admissibles à la gratuité pour ces ca
tégories de personnes sont les traitements hospitaliers et
am bulatoires des hôpitaux publics, les soins en cas d’accident,
les soins de maternité et de fertilité, les services de soutien en
cas de handicap, ainsi que les prescriptions subventionnées
(ibid.). Les personnes immigrantes dont le statut ne corres
pond pas aux critères d’éligibilité n’ont donc pas accès à la
gratuité des soins, et celles qui le sont doivent tout de même
payer des frais partiels ou copaiements pour tout autre service
que ceux mentionnés (Ministry of Health NZ 2020). Les
soins de santé primaires de médecine générale sont ainsi nan
cés à 60 % par le gouvernement et à 40 % par les copaiements
des patients admissibles (Bidwell 2013). Le sys tème de santé
néozélandais est ainsi structuré par l’accessibilité en fonction
des statuts légaux, excluant les personnes Pasika dont le sta
tut légal témoigne d’une trajectoire historique de discrimi
nation.
LES PROBLÉMATIQUES
D’ACCÈS AUX SERVICES DE SOINS
POUR LA COMMUNAUTÉ PASIFIKA
Cette structure du nancement des soins de santé impacte for
tement la communauté Pasika : l’aspect nancier est une bar
rière principale à l’accès aux soins des communautés du Paci-
que, des patients indiquant parfois reporter leurs visites chez
le médecin ou leur collecte d’ordonnance pour cette raison
monétaire (Norris et al. 2009 ; Bidwell 2013). Les immigrants
sans papiers doivent débourser jusqu’à huit fois plus que les
patients admissibles pour avoir accès aux soins, accroissant
encore davantage leur exclusion du système et exacerbant les
vulnérabilités déjà présentes (Emont & Anandarajah 2017). En
santé publique, Lotoala et al. (2014) posent d’ailleurs le statut
socioéconomique comme le plus important déterminant de la
santé sur lequel agir an de réduire les inégalités de santé et
d’améliorer cette dernière, en ce qui a trait notamment aux
personnes âgées d’origine pacique établies en Nouvelle
Zélande. L’ethnicité pacique est alors présentée comme un
facteur d’exclusion permettant un moins bon accès aux res
sources. Par contre, certains auteurs du domaine de la santé de
20 Migration et santé : l’accès aux soins de la communauté Pasika en Nouvelle-Zélande ~ A. Lajeunesse
l’Université d’Auckland pour The New Zealand Medical Jour-
nal avancent que c’est « le coût et l’ethnicité [qui] jouent un
rôle important dans la faible utilisation des services de soins de
santé primaires par les populations du Pacique » (Low et
al. 2005, 8). Certaines communautés du Pacique sont pré
sentées comme étant plus susceptibles d’initier les soins pré
nataux tardivement que d’autres, et une meilleure « éducation »
de ces femmes sur la pertinence qu’elles assistent aux soins
prénataux est mise de l’avant comme une nécessité par les
chercheurs de l’étude Pacic Islands Families portant sur la
santé des Pasika (ibid.).
Une telle approche au sein du domaine médical néo-
zélandais peut conduire à la stigmatisation et l’ethnicisation
des membres de la communauté pacique dans une case étan
che, par un manque de nuance. En effet, la responsabilité
semble être trop souvent reportée sur le statut des usagers, les
« mauvais » comportements associés à la non-utilisation des
services, et la culture des personnes, plutôt que d’évoquer les
enjeux et les réalités plus complexes liés aux trajectoires des
migrants dans la société et son système de santé, ainsi qu’aux
obstacles structurels rencontrés. Comme le soutient Fassin,
les approches culturelles associant catégories sociales aux
mauvais comportements sont des manifestations et non des
explications des disparités (Fassin 2002, cité dans
Carricaburu & Cohen 2002, 9). Comme nous le verrons, la
considération des complexités et des particularités culturelles
constitue un atout à la prestation de soin. Mais elle ne peut
donner place à une justication culturelle des croyances et
comportements déviants de la norme, associés par le groupe
majoritaire à une méconnaissance de la science et à un « pro
blème culturel » du migrant. C’est ce que Fassin (2000)
nomme la surinterprétation culturelle. La mise de l’avant d’un
regard interactionniste (Strauss 1992 ; Poupart 2011) dans le
domaine biomédical permettrait plutôt d’observer la place et la
voix des acteurs, mais aussi les dynamiques relationnelles qui
s’inscrivent au sein de la culture organisationnelle de l’espace
de soins, façonnant pratiques, savoirs et trajectoires person
nelles, professionnelles, thérapeutiques et identitaires. En in
tégrant une telle approche dans le domaine biomédical, il serait
ainsi possible de tenir compte des perspectives et réalités so
ciales des informateurs du milieu, ainsi que de leurs inuences
et du sens que prennent leurs expériences. Dans le même
ordre d’idées, d’autres auteurs du milieu de la médecine géné
raliste ont davantage tenté d’éclairer les obstacles structuraux
qui entravent l’accès aux soins, mettant de l’avant des caracté
ristiques de l’expérience d’utilisation des soins relevées par les
usagers Pasika (Ludeke et al. 2012). Il conviendrait ainsi non
seulement de considérer la disponibilité des services, mais
aussi leur acceptabilité, c’estàdire le fait qu’ils soient vécus
d’une manière positive par la communauté.
Voix de patients
La barrière de la langue anglaise et de la communication médi
cale est abondamment mentionnée par les auteurs du domaine
médical et anthropologique comme une inégalité d’accès aux
soins (Ludeke et al. 2012 ; Montgomery & Tamouro 2012 ;
Southwick et al. 2012). En plus d’encadrer l’interprétation
mutuelle du message transmis, les barrières linguistiques com
promettent le diagnostic, les décisions cliniques et le consen
tement éclairé du patient. La maîtrise de la langue locale de
meure un facteur d’exclusion pour les patients migrants qui ne
correspondent pas à la norme attendue et qui, dans le contexte
clinique, peuvent d’ailleurs être privés de certaines informa
tions, lorsqu’ils sont perçus comme inaptes à les comprendre
(Fortin et al. 2011). Dans l’étude de Ludeke et al. (2012), l’en
jeu est relevé non seulement pour les patients comprenant
moins bien l’anglais, mais aussi en ce qui concerne le jargon
médical utilisé dans les consultations. Cet obstacle linguistique
peut mener à une moins bonne adhérence aux indications du
médecin ou à la médication, par manque de clarté, ainsi que par
les sentiments d’anxiété, d’intimidation et de manque de con
ance en soi ressentis et rapportés par les patients Pasika.
Ces résultats sont, d’un autre côté, soutenus par les médecins
interviewés par un panel de chercheurs d’origines paciques
du Pacic Health Research Centre. Dans un rapport à l’inten
tion du ministère de la Santé de NouvelleZélande, leurs pro
pos rapportent l’insufsance de la traduction du langage
textuel face à la nécessité de traduire aussi les concepts et per-
ceptions lors de la rencontre clinique (Malua 2014). Dans ce
contexte, faire appel à un interprète peut contribuer à améliorer
l’accès aux soins et leur qualité (Montgomery & Tamouro 2012).
Par contre, la relation entre le patient et l’interprète familial
peut rendre l’accès à la voix du patient difcile, au travers d’une
multiplicité de tabous, de perceptions et d’objectifs personnels
qui peuvent différer entre eux. De plus, un nombre important
de patients Pasika ne seraient pas informés à priori de l’exis
tence du service d’interprètes au sein des hôpitaux et peuvent
reporter des consultations pour cette raison. D’autres patients
auxquels le recours à un interprète est présenté, que celuici
soit un proche ou un membre de sa communauté, indiquent
être retenus par la peur de dérogation de condentialité perçue
dans cette relation triadique et inédite soignantinterprète
patient (Malua 2014 ; Southwick et al. 2012). Par ailleurs, cer
tains hôpitaux n’ont accès qu’à un service d’interprètes télé
phonique pour une plage horaire limitée et non accessible à
l’ensemble des consultations ou hospitalisations. De plus, il a
été rapporté par les soignants que le Bislama, langue parlée par
les Vanuatans et un nombre important de travailleurs saison
niers en NouvelleZélande, n’était toujours pas disponible en
milieu clinique en date de 2019 pour cette communauté Pasi
ka (Blaker 2019).
Les consultations précipitées représentent également un
aspect problématique de l’accès aux soins, car elles décourage
raient les usagers à adhérer au traitement, à la médication, ou à
utiliser les services primaires de santé (Ludeke et al. 2012). En
effet, il serait important pour les patients de pouvoir discuter
avec le soignant, d’établir une relation permanente de con
ance et que le va (l’espace sacré) soit respecté (Southwick et
al. 2012). Dans les cultures Pasika particulièrement, le va
peut être compris comme la construction de relations durables.
Selon les conclusions de Southwick et al. (2012), anthropo
logues d’origine pacique, la qualité des soins pour les Pasika
dépendrait largement du respect du va. Cette qualité de la rela
tion de soin, possible lors d’un moment d’échange avec écoute
active du patient dans laquelle la conance peut s’instaurer, et
dans laquelle la validation de l’autre peut s’opérer constituerait
AnthropoCité, no 2, 2021 21
la base de la coconstruction du projet thérapeutique du patient
(Fortin 2013).
Un autre facteur signalé par les groupes de discussion et
les entrevues auprès des patients dans plusieurs études
(Ludeke et al. 2012 ; Tiatia-Seath 2014 ; Southwick et
al. 2012) est le manque de exibilité de la disponibilité des
rendezvous, des horaires et de la possibilité de se présenter
sans rendezvous. En effet, les insulaires du Pacique peuvent
être habitués à la façon de faire du système sans rendezvous
immédiat, mais il est également possible, en raison de leur si
tuation sociale, qu’ils ne puissent pas se permettre d’être exi
bles au niveau de leurs empêchements de travail, de famille ou
de transport (Ludeke et al. 2012). Il s’agit d’une situation où
les déterminants et inégalités socioéconomiques viennent à
leur tour renforcer les inégalités de santé. Par conséquent, le
fait de ne pas pouvoir se présenter à la consultation brime la
disponibilité des soins, alors que d’incessamment consulter un
nouveau médecin peut mener à un manque de constance, de
suivi, d’engagement, et donc de qualité et d’acceptabilité des
soins (ibid.).
Autrement, l’espace social de la clinique et l’environne
ment hospitalier sont parfois paradoxalement vécus comme
inhospitaliers pour des patients Pasika qui ne s’y sentent pas
à leur place. Lorsque l’accueil à la clinique et l’expérience au
sein de la structure de soin sont empreints de discrimination,
l’usager ne peut se sentir le bienvenu à y accéder de nouveau :
les premières communications, l’expression faciale, l’attitude
du personnel, le langage à connotation positive ou négative, la
personnalisation du service, et la bonne prononciation du nom
du patient sont d’une grande importance pour les Pasika in
terrogés et peuvent faire la différence quant au fait de revenir
consulter les services ou non (ibid. ; Tiatia-Seath 2014 ;
Southwick et al. 2012). On voit donc apparaître l’importance
de l’intégration de l’approche interculturelle et de la com
munication interculturelle dans le domaine de la santé. L’ap
proche interculturelle « se fonde sur le respect de la personne,
de sa vision du monde, de son système de valeurs et de ses bes
oins » (Cohen-Émérique 1993, 71). Elle appelle au respect des
différentes facettes de l’identité socioculturelle de l’autre,
sans l’essentialiser et en prenant en compte son caractère dy
namique. Elle amène également à penser les enjeux inter
culturels et les stratégies communicationnelles qui traversent
les rencontres entre individus de cultures différentes, autant
dans leurs dimensions micro que macro, an de mieux accom
pagner les personnes migrantes dans le cadre d’un partenariat
égalitaire (Montgomery & Bourassa-Dansereau 2017). Dans
ce contexte, il importe donc de travailler sur la communication
et la compréhension mutuelle, tout en reconnaissant les rap
ports de domination en jeu, et en évitant la violence symbolique
causée par l’imposition d’un code culturel sur un autre (ibid. ;
Cohen-Émérique 1993). Ainsi, l’approche interculturelle in
cite à la reconnaissance, ainsi qu’à la résolution de conits de
valeurs impliqués dans les interactions sociales interculturelles,
par le biais de la communication, de la négociation, et de la
médiation (Cohen-Émérique 1993). Autrement dit, il s’agit de
ce que CohenÉmérique nomme un processus « d’apprentis
sage à la tolérance et à la coexistence » entre cultures au sein
d’une même société, an de trouver un certain accord ou com
promis (1993, 87). D’une manière complémentaire, Rodri
guez et al. (2006) soulignent l’importance de prendre en
compte l’usager en tant qu’acteur central de son soin, mais
aussi de s’assurer de la place accordée à son point de vue et à sa
participation.
Dans le contexte néozélandais, les usagers Pasika indi
quent ainsi se sentir réticents et moins confortables d’utiliser
des services fournis par un personnel Palagi pouvant moins
bien comprendre leur situation et moins bien effectuer une tra
duction culturelle adéquate selon eux. Les résultats suggèrent
inversement que la présence de personnel du Pacique agirait
d’une manière positive sur l’expérience d’engagement des Pa
sika envers les structures de soin (Southwick et al. 2012, cité
dans Tiatia-Seath 2014).
La littératie en santé néozélandaise est également un as
pect important de l’accès aux soins (Southwick et al. 2012). À
Tuvalu par exemple, où le système de santé ne comprend pas
de soins de santé primaires tels que conçus en Nouvelle
Zélande, les soins sont dispensés gratuitement aux patients
des cliniques d’urgence qui indiquent ne se présenter en con
sultation que lorsqu’ils sont aux prises avec un sérieux pro
blème de santé (Emont & Anandarajah 2017). Il peut ainsi être
difcile pour ces migrants, ayant vécus différentes façons de
percevoir et de faire l’expérience de la santé, d’être informés
de prime abord sur les façons de faire du système de première
ligne néozélandais, que ce soit en termes de prévention et de
gestion des maladies chroniques, ou de la pertinence et de l’ef
cacité de certaines médications.
Ces propos d’usagers illustrent le fait que la structure,
ainsi que la manière d’opérer au sein des services peuvent pro
voquer une appréhension auprès des immigrants insulaires du
Pacique, instaurant un malaise et dissuadant leur accès à ces
services. Ces obstacles structuraux de l’expérience d’utilisa
tion ont d’ailleurs été bien étudiés au sein de la littérature. Les
inégalités sociales et les déterminants de la santé sont plus
complexes, moins facilement discernables au quotidien et
moins étudiés. Couplés ensemble cependant, les premiers exa
cerbés par les deuxièmes, ils permettent de se rapprocher un
peu plus de la portée des entraves à l’accès vécues par les im-
migrants insulaires du Pacique en NouvelleZélande.
L’expérience des services de santé mentale
pour les Samoans d’Auckland
Au niveau des soins de santé mentale plus spéciquement, la
sousutilisation des services demeure toujours prépondérante
pour la communauté insulaire du Pacique, qui est d’ailleurs
aux prises avec un plus haut taux de problématiques de santé
mentale que la moyenne populationnelle néozélandaise, no
tamment un plus haut taux de tentatives de suicide ou d’idées
suicidaires (Tiatia-Seath 2014). Des facteurs ayant inuencé
négativement l’utilisation de ces services de santé mentale ont
été relevés auprès des usagers de la communauté Pasika
samoane, dans le cadre de l’étude ethnographique de Tiatia
Seath (2014). Ces usagers soulèvent de prime abord la mau
vaise expérience vécue lorsque le clinicien est issu d’un milieu
différent du leur, ou lorsque la rencontre se fait dans une di
22 Migration et santé : l’accès aux soins de la communauté Pasika en Nouvelle-Zélande ~ A. Lajeunesse
mension clinique brusque et directe, exempte du talanoa. Le
talanoa, cette norme conversationnelle polynésienne, per
mettrait de créer un rapport de conance par la discussion, le
partage et en se racontant réciproquement, en apprenant à se
connaître respectivement (ibid.). Au sein de ces dynamiques
interactionnelles soignantsoigné, les acteurs font face à une
dualité, ou même une pluralité, d’« univers moraux locaux » qui
doivent être pris en compte dans le soin (Kleinman 2006). Le
manque de compétence culturelle des professionnels révèle
une différence de perceptions, de valeurs et d’attentes entre les
usagers Pasika et les soignants Palagi, en ce qui a trait à la
relation de soin. Le manque d’inclusion familiale dans les
interventions est également mentionné comme étant un facteur
répulsif important à l’accès aux soins de santé mentale, que le
patient samoan soit né dans les îles ou en NouvelleZélande,
étant donné l’importance soulignée chez les participants de
l’entourage familial (Tiatia-Seath 2014). Ainsi, la relation thé
rapeutique est inégale et n’inclut pas la dynamique familiale
que les usagers auraient besoin d’y trouver, affectant la sécu
risation culturelle des soins reçus par les migrants Pasika. Le
concept de sécurisation culturelle fut développé en Nouvelle-
Zélande dans les années 80 dans le but de répondre aux dispa
rités en matière de santé, mais aussi à la marginalisation et à la
discrimination sanitaires vécues par la communauté Maori, et
ce, en passant par des soins qui soient « culturellement sécuri
taires » pour la population autochtone (Doutrich et al. 2012).
Dans la pratique, la sécurisation culturelle implique un pro
cessus d’acquisition de connaissances et de réexion sur
l’identité culturelle des différents acteurs ou groupes en rela
tion : « [elle] désigne des soins qui sont prodigués dans le
respect de l’identité culturelle du patient, qui visent l’équité et
qui sont exempts de relations de pouvoir nocives entretenues
par le système de santé dominant » (Leclerc et al. 2018, 50).
Dans le contexte néozélandais, le manque d’intégration de la
relation thérapeutique triadique, et de la dynamique soignant
patient-famille dans le processus décisionnel pourrait donc
agir comme facteur d’exclusion à l’accès aux soins pour l’usa
ger Pasika et sa famille, si cette dernière n’est prise en compte
que dans une moindre mesure par les soignants du système
biomédical. L’expérience d’une usagère montre d’ailleurs la
difculté à s’orienter entre les perceptions médicales occiden
tales avancées par le médecin, et les perceptions samoanes
soutenues par son entourage familial (Tiatia-Seath 2014, 117).
Ce conit de perceptions pose parfois une dichotomie difcile
à gérer pour la personne qui se fait poser différents diagnostics
opposés et qui peut se sentir obligée de dissimuler une partie
de sa situation médicale, de sa spiritualité, de ses valeurs ou
perceptions, pouvant être perçues d’un côté comme de l’autre
comme invalides. Au sein d’un environnement pluriel, la ren
contre interculturelle de diverses perspectives, et la négociation
entre une diversité de valeurs et de normes, entre localité et
altérité, peuvent voir émerger un conit entre soignant
famille-patient (Fortin 2013 ; Cohen-Émérique 1993). Un tel
pluralisme admet la coexistence de plusieurs épistémologies et
demande à ce que les différentes ontologies et étiologies de la
maladie, ou même de la relation de soin et de l’itinéraire thé
rapeutique, soient prises en compte, incluses et articulées. Le
principe et la pratique de la communication interculturelle
prend ici une grande importance (Montgomery & Bourassa-
Dansereau 2017) : le patient doit pouvoir partager son vécu et
sentir que le récit de sa maladie est valorisé, an de donner un
sens qui puisse mener vers une résolution personnelle. Fina
lement, de jeunes patients samoans indiquent se sentir peu en
gagés, retrouvant peu de ressources et d’informations les con
cernant et les incitant à accéder aux soins nécessités
(Tiatia-Seath 2014). Au travers des discriminations vécues par
le migrant, des disqualications ou dévalorisations de ses bases
identitaires, lorsque le jeune Samoan n’est pas perçu comme
un acteur de sa propre trajectoire sociale, les inégalités vécues
peuvent être intériorisées jusque dans sa trajectoire théra
peutique.
LES INITIATIVES D’AMÉLIORATION :
SERVICES DE SANTÉ SPÉCIFIQUES
Églises et communautés
Faisant suite au Primary Health Care Strategy de 2001, les
membres de la communauté Pasika, autorités, soignants et
intervenants se concentrent à développer des services de santé
spéciques an d’améliorer l’accès aux soins. Des projets de
promotion de la santé sont ainsi menés directement dans l’en-
tourage des personnes, par le biais d’églises et d’organismes
communautaires, favorisant la participation et l’engagement
par et pour les membres de la communauté insulaire du Paci
que. L’église occupe une place de respect et de grande in
uence au sein, notamment, de la communauté Pasika tuva
luane, dans les îles des Tuvalu comme en NouvelleZélande
(Malua 2014). Les églises paciques d’Auckland ont com
mencé à s’engager face aux problématiques et besoins sani
taires de leurs communautés, par exemple, en rendant acces
sibles à leurs membres des séances d’information avec le West
Fono Health Trust et le Service régional de santé publique
d’Auckland, ou en encourageant des pratiques d’amélioration
de la santé lors des rassemblements sociaux organisés par
l’église (ibid.). Également, le projet Enua Ola mené par le con-
seil de santé du district en collaboration avec la communauté
tuvaluane et ses églises permet l’accès aux Tuvaluans immi
grants à des cours et ateliers de promotion de la santé, de nutri
tion et d’exercice physique. Certes, d’un point de vue an
thropologique critique, ces initiatives d’amélioration réfèrent
encore aux comportements et renvoient en quelque sorte la
responsabilité sur l’individu migrant, sans miser directement
sur les facteurs sous et susjacents de l’accès. Par contre, ce
genre d’initiatives du niveau communautaire commencent tout
juste à être mises en place au niveau micro, au champ d’appli
cation qui relève de la localité. Dans le cas où un manque de
regard réexif et de prise d’action adéquate des institutions à
d’autres niveaux sociétaux serait décelé par la communauté, les
regroupements et associations Pasika ont le potentiel d’insti
guer, d’animer et de soulever positivement la discussion au
niveau des instances macro, tout en étant un point de départ
pour le développement de futurs engagements plus soutenus.
Présentement, les églises et organismes communautaires
pourraient tout de même favoriser un certain accès des insu-
laires du Pacique immigrants aux services de santé au sein de
leur propre milieu, en misant sur leur propre agentivité, et en
AnthropoCité, no 2, 2021 23
prenant en compte l’importance de la force et du maintien des
liens et des valeurs communautaires pour ceuxci, an d’in
uencer favorablement leur relation aux structures de soins et
de santé néozélandais.
Le cas des PHOs :
West Fono Health Trust
Dans ce même ordre d’idées de tentatives d’amélioration de
l’accès aux soins, penchonsnous sur un des premiers projets
de PHOs à avoir été mis en place sous le nouveau programme
de nancement spécique aux populations: la clinique mé
dicale West Fono Health Trust mentionnée cihaut. Depuis
1990, celleci offre des services de santé spéciquement dé
diés par et pour les Pasika, accueillant les insulaires du Paci
que de l’ouest d’Auckland, y compris les immigrants sans pa
piers et les familles dans le besoin (Malua 2014). De prime
abord, quelques interrogations surgissent : un tel service de
PHOs favorisetil une certaine ségrégation des soins, et des
personnes selon l’ethnicité ? Et une telle séparation entre les
soins « généraux » à la population majoritaire ou aux Pasika
ne pouvant avoir accès aux PHOs, et les soins « culturellement
ou ethniquement spéciques » aux minorités issues de l’immi
gration récente atelle le potentiel performatif de creuser da
vantage le fossé de l’altérité ? Ou au contraire, favorisetelle
une prise en charge plus adaptée, pertinente, efcace et non
stigmatisante par laquelle les patients se sentiraient à leur aise,
compris et acceptés, et à travers laquelle leur identité pourrait
s’exprimer plus librement ? Pour répondre à ces questions,
examinons d’abord le projet de recherche The Tuvalu Com-
munity in Auckland : A focus on health and migration.
L’auteure Sagaa Malua (2014) est ellemême issue de la com
munauté Pasika tuvaluane néozélandaise et a mené cette
étude de terrain anthropologique par le biais d’entrevues et
d’observation participante auprès de patients tuvaluans et de
membres du personnel de la clinique West Fono. Au sein de la
clinique, l’accent est mis sur la nonhomogénéisation des na
tionalités, cellesci étant individuellement représentées par le
personnel soignant. Malua y décrit un modèle non conven
tionnel de soins primaires : la clinique de médecine générale
offre des services à faibles coûts, les tarifs y étant moins de la
moitié de ceux de la majorité des cliniques. Les inrmières
communautaires et le personnel soignant parlent les langues
du Pacique partagées par les patients, ce qui permet un accès
de santé atténuant la barrière culturelle ou linguistique. Les
soignants indiquent mettre de l’avant une approche basée sur
le dialogue non infériorisant, ce qui peut diminuer l’impression
de rapport de pouvoir intimidant. Se dessine donc l’approche
interculturelle d’échange et d’écoute compréhensive, d’ac
ceptation et de conance telle que décrite par CohenÉmérique
(1993). Ce modèle de soin comprend également des pro
grammes de sensibilisation, ainsi que des services sociaux, de
santé mentale et de promotion de la santé au travers desquels
les travailleurs communautaires effectuent des visites scolaires,
de groupes communautaires, ou à domicile. Selon les observa
tions de Malua (2014) auprès de soignants et de patients, la
famille est incluse dans le processus et dans les soins, et les
besoins du patient sont considérés d’une manière holiste : le
prestataire effectue les liaisons vers les instances pouvant ré-
pondre aux besoins corollaires des patients, que ce soit du
soutien matériel, alimentaire, économique, de logement ou
même de transport s’ils n’y ont pas accès. Cette manière de
faire proposerait ainsi un accès plus global aux services de san
té. Le personnel Pasika soutient qu’il s’agirait d’une meilleure
approche que celle des services généraux ciblant uniquement
les besoins individuels du patient : « [cette approche] permet
aux familles de se familiariser au système néozélandais et les
encourage à aller chercher un accès aux soins pour répondre à
leurs besoins de santé (…) en valorisant la conance en soi et
l’autonomie du patient » (Malua 2014, 38). Par contre, la
popularité de la clinique pousse parfois les patients à parcourir
de très longues distances pour avoir accès à ce service, qui ne
possède pas les ressources sufsantes pour rejoindre et desser
vir l’entièreté de la grande communauté du Pacique, et ce,
même pour la région de l’ouest d’Auckland.
À travers la démarche de cette clinique, des facteurs visant
à promouvoir l’utilisation efcace et l’acceptabilité des ser
vices de soin ont été mis en place, adressant les problématiques
d’accès mentionnées précédemment en incluant la com-
munauté. Cette initiative d’amélioration de l’accès aux soins
semble ainsi faire ofce de pont entre les membres de la
communauté Pasika et les structures de santé. Cela pourrait
également favoriser l’appropriation des décisions de santé et
l’autonomisation de la communauté face à des soins qu’elle
jugerait ellemême appropriés et efcaces à accéder et à utili
ser. Par contre, il convient d’apporter une nuance au concept
de compétence culturelle. Il pourrait être possible que cela po
sitionne l’altérité au premier plan en séparant et essentialisant
la culture au détriment de l’individu. En comparaison avec le
contexte d’hyperdiversité clinique de Hannah (2011), à Bos
ton aux ÉtatsUnis, on remarque les effets que pourrait avoir le
développement de critères utilisés en milieu clinique par les
soignants an de distinguer les patients selon des catégories
raciales, ethniques, culturelles, et même sociales, tels le statut
d’immigration, la classe sociale, la nationalité ou la langue
parlée. Un système basé sur la séparation dite ethnique a le
potentiel de reproduire des présomptions culturelles, de clas
ser et ger l’identité des acteurs selon des stéréotypes et des
catégories assignées et plus ou moins fermées. Certains mem
bres du personnel hospitalier pourraient être plus facilement
capables de s’identier et de sympathiser avec le patient qui
partage le même background ethnique qu’eux (Hannah 2011).
Mais la possibilité d’opérer un traitement différentiel, que
celuici soit positif ou négatif, est également réelle, en fonction
des relations entre valeurs, perceptions, normes, croyances ou
représentations au sein des dynamiques interactionnelles de
l’espace de soin, qu’il s’agisse de la structure générale de soins,
ou de la structure de soins culturellement spéciques. En com
paraison, une telle infrastructure de PHO similaire à celle de la
clinique West Fono a été abordée dans le contexte de la com
munauté chinoise de San Francisco aux ÉtatsUnis. Celleci
représenterait un « microcosme ethnique », un soussystème
de santé pouvant surmonter les obstacles associés à la langue et
à la culture, une solution structurelle et une nouvelle porte
d’accès aux soins permettant d’améliorer les disparités dans le
soin de santé selon les auteurs (Yang & Kagawa-Singer 2007).
Ainsi, on pourrait qualier le processus entourant l’espace cli
nique d’un allerretour délicat entre la considération de
24 Migration et santé : l’accès aux soins de la communauté Pasika en Nouvelle-Zélande ~ A. Lajeunesse
l’individu d’une manière égalitaire, et le fait de prendre en
compte la diversité culturelle d’approches ou de perspectives.
En outre, il convient de prendre en compte la singularité et le
contexte propres au patient. Dans le contexte néozélandais, les
cliniques spécialisées et le concept de compétence culturelle
pourraient ainsi également être un moyen pour l’individu in
sulaire du Pacique d’avoir une plus grande maîtrise et recon
naissance de ses ressources symboliques et sociales au sein
d’un système qui se voudrait autrement hégémonique. À l’ins
tar de Fortin, le patient qui manipule les codes d’usage, dont la
place est reconnue et valorisée, et qui peut construire des
alliances au sein de l’espace social de la clinique, peut plus fa
cilement faire entendre sa voix dans le parcours thérapeutique,
en tant que partenaire de soin et comme acteur à part entière
(Fortin et al. 2011 ; Fortin 2013).
Dynamiques de soin :
le rôle des professionnels de la santé
Le
Pacic Immersion Programme
Les dynamiques de soin, le rôle et l’expérience des profes
sionnels de la santé dans l’accès aux soins pour les insulaires du
Pacique en NouvelleZélande constituent une facette sup
plémentaire importante à prendre en compte. L’exemple du
Pacic Immersion Programme de la University of Otago
Dunedin School of Medicine, introduit en 2010 et évalué dans
The New Zealand Medical Journal par des auteurs du corps
médical, permet de se pencher sur ces dimensions (Mauiliu et
al. 2013). L’enseignement de la santé du Pacique a été ajouté
au curriculum théorique en classe, mais aussi plus particu
lièrement au curriculum basé sur l’expérience pratique. À tra
vers ce programme, de futurs praticiens vivent une immersion
dans les familles de la communauté pacique locale comme
méthode d’enseignement des facteurs importants à considérer
dans leur future pratique de la santé du Pacique. Mais l’objec
tif visé et rapporté est aussi de faire en sorte que la communauté
ellemême se sente engagée et en conance, ainsi que de
soutenir un rapprochement dans la relation avec les acteurs de
santé. Ce type d’initiative favorise ainsi l’empowerment (le
développement du pouvoir d’agir) de la communauté
(Ninacs 2008 ; Le Bossé 2003) ainsi que la participation et le
partenariat communautaires. Lors d’entretiens de groupe, les
membres de la communauté ont d’ailleurs souligné que les
efforts d’engagement des étudiants avaient permis de solidier
la cohésion au sein de la communauté, en plus de permettre un
apprentissage mutuel (Mauiliu et al. 2013). Des familles ont
donc accueilli des étudiants pour de courts séjours au cours de
l’année. Les objectifs listés étaient de faire l’expérience, d’ob
server, de pratiquer, et de partager la vie familiale, les in
uences de l’environnement social sur la santé, la communi
cation interculturelle, les enseignements de la communauté
sur leur propre santé et la collaboration clinique, ainsi que les
éléments importants à intégrer dans la pratique clinique pour
les étudiants (ibid.). Pour les familles hôtes de la communauté,
l’objectif était de transmettre leur vision de l’accès aux soins
médicaux, de l’usage de pratiques non biomédicales, ainsi que
de partager leurs conditions de vie, valeurs, comportements et
parcours. Selon les retours d’expérience entre futurs médecins
et familles Pasika, un tel programme permettrait d’initier des
discussions sur la santé d’une manière moins formelle, de ten
ter de diminuer l’asymétrie du rapport clinique entre norme et
altérité, ainsi que de favoriser un partage plus égalitaire entre
les espaces culturels (ibid.). Comme soutenu par Ricoeur,
c’est dans la relation à l’autre et la mutualité des échanges que
se construit la reconnaissance, possible lorsque la mécon
naissance est admise et, pour Levinas, lorsque l’altérité est
acceptée (Ricoeur 2005 ; Levinas 1996 ; Fortin 2013). On
peut ainsi dire que cette reconnaissance permet d’engager le
processus et la trajectoire de connaissance. Comme l’indique
Fortin : « Meintel invite à penser la reconnaissance pardelà les
paradigmes identitaires, ethniques, culturels » (2013, 191).
Ainsi, l’exemple du Pacic Immersion Programme pourrait
permettre d’ouvrir une nouvelle voie sur l’importance de la
légitimation du patient dans l’échange, tout en favorisant une
diversité de points de vue dans l’apprentissage de l’altérité et
dans la rencontre de dynamiques interactionnelles situées.
Possiblement, pour le soignant, et par le biais de l’immersion,
une telle tentative d’amélioration pourrait permettre la
personnication du problème traité en des termes médicaux,
corporels, biologiques, tout en diminuant son association im
personnelle à un soidisant « problème culturel » venant de la
personne migrante. En outre, cela permet de se pencher sur un
des déterminants de la santé : les stéréotypes et préjugés des
institutions et des professionnels de santé de la société d’ac-
cueil qui inuencent négativement l’accès aux soins et leur
qualité entre les groupes (Cognet 2004). C’est notamment
par ceuxci, lorsque non adressés, et par les rapports politiques
et de pouvoir historiquement construits entre les groupes que
se développent les inégalités sociales de santé, reet des vulné
rabilités dont les migrants sont étiquetés.
Recommandations des soignants
En outre, plusieurs recommandations sont posées par et pour
le corps médical, notamment au sein du journal Kai Tiaki Nur-
sing New Zealand (Schutz et al. 2019). Leur objectif est de
sensibiliser les praticiens au développement d’une pratique
qui se veuille selon eux mieux adaptée à la réalité des immi
grants et à la qualité de soins attendue, et donc plus acceptée,
utilisée et accessible. Ces auteurs du milieu inrmier traitent
notamment des migrants Pasika d’origine iKiribati, dont
l’afuence pourrait continuer d’augmenter en Nouvelle
Zélande, notamment en contexte de changements climatiques.
Les auteurs présentent la possibilité que les patients puissent
naviguer entre une dualité de paradigmes et de modèles de pra
tiques et de soins, en combinant les systèmes médicaux cultu
rels. Autrement dit, Schutz et al. (2019) mettent en lumière
l’importance de communiquer sur les pratiques en santé de
manière à ce que les patients puissent l’entendre, et an d’ad
resser les enjeux liés aux besoins informationnels quotidiens
du migrant (Caidi et al. 2010).
À ce sujet, Caidi et al. (2010) soulèvent l’importance pour
une société d’accueil d’adopter des pratiques informationnelles
qui puissent prendre en compte les migrants et participer à re
lever les obstacles liés à leur accès aux services et à leur exclu
sion sociale. Se pencher sur l’expérience vécue et les compor
tements informationnels des migrants peut aider à favoriser
AnthropoCité, no 2, 2021 25
une meilleure navigation, participation et inclusion dans leur
environnement (ibid.). C’est d’ailleurs ce que révèlent des
membres de la communauté samoane par le biais d’une étude
qualitative de santé : leur recherche (ou non) d’un traitement
au sein des services biomédicaux serait inuencée par l’utili
sation d’alternatives ou leur combinaison à l’usage de soins et
de soignants samoans traditionnels, ou fofo, pour faire sens,
diagnostiquer et traiter des maladies dites de nature samoane
(Norris et al. 2009). Les auteurs du milieu inrmier recom
mandent donc aux praticiens de prendre en compte les pra-
tiques locales de traitement utilisées par le patient et leur im
pact sur ses symptômes ressentis, son bienêtre général et son
lien culturel identitaire, le tout avec respect de la pertinence et
de la valeur des savoirs locaux lorsque ceuxci sont abordés par
le patient (Schutz et al. 2019, 26). Ils recommandent égale
ment d’informer le patient iKiribati sur les raisons et les
manières de diagnostiquer et d’opérer au sein du système de
santé néo zélandais qui peuvent lui être nonfamilières, tout en
s’assurant régulièrement du niveau de compréhension du pa
tient et, s’il y a lieu, de son accompagnateur familial (ibid.).
Finalement, le corps médical recommande de considérer le pa
tient Pasika dans son entièreté, sa santé et sa culture d’une
manière uniée. Ils indiquent également la nécessité de
prendre en compte les perspectives de celuici, ce qui l’in
uence à rechercher et accéder aux services de santé, tout en
favorisant la communication et le dialogue d’une manière
inclusive. Selon les auteurs, ces pratiques aideraient à établir
« une conance envers le clinicien et le système de santé, et
encourageraient un meilleur accès du patient iKiribati aux
services de santé » (Schutz et al. 2019, 27). Par contre, il est
important de garder en tête qu’il peut exister des fossés entre
les recommandations théoriques ou académiques présentées
en 2019 par Schutz et ses collègues, et la pratique, ou ce qu’il
est possible de mettre en pratique, dans le contexte clinique
réel et actuel. Des obstacles structuraux, des limitations de
temps, des divergences normatives pourraient par exemple,
selon une diversité de contextes hospitaliers, rendre difcile
l’application réelle des recommandations. Également, il con
vient de nuancer l’accent porté par ces auteurs sur les pratiques
kiribatiennes et samoanes traditionnelles. Il leur est louable
d’informer le corps médical sur la culture kiribatienne et sa
moane, ainsi que sur le respect des coutumes et croyances pour
une migration en toute dignité, tel que mentionné. Mais il ne
s’agit pas nécessairement d’un cadre comportemental modèle
et universellement applicable. Il convient de rester prudents
face à la généralisation des croyances traditionnelles ou aux
préjugés culturalistes que cela pourrait instaurer au sein de la
pratique. Plus que culturels, les valeurs, les savoirs, les con
ceptions sont aussi contextuels, historiques et mouvants.
D’ailleurs, comme exposé par Fortin, non seulement la culture
n’estelle pas attribuable qu’aux soignés, mais le modèle de
conception biomédical n’est luimême pas univoque
(Fortin 2008 ; Fortin et al. 2011). Les soignants sont in
uencés par un ensemble de valeurs, de moralités et de repré
sentations à reconnaître au même titre que celles de l’Autre.
Pour ce qui est de la vérication régulière du niveau de com
préhension du patient, bien que celleci soit évidemment
cruciale, on peut s’interroger sur le potentiel sentiment de
dévalorisation et d’infantilisation que cela pourrait amener au
patient, compte tenu de la façon de l’appliquer et en fonction
de la manière par laquelle la vérication est faite. Les recom
mandations de ces professionnels de la santé permettent toute-
fois d’offrir des outils intéressants an de mieux cibler et de
tenter d’agir sur certains éléments problématiques à l’accès
aux soins de la communauté mentionnés précédemment. Ces
recommandations illustrent l’intérêt par et pour le corps médi-
cal de faire preuve d’inclusion, permettant au praticien de
mieux comprendre le patient et de mieux naviguer entre deux
systèmes ou visions lorsque nécessaire. Ainsi comme nous
l’avons vu et comme soulevé par Fortin (2013), dans un tel
contexte de diversité au sein de la relation thérapeutique, le
patient peut être perçu comme résultat de sa culture, celleci
expliquant tout comportement ou attitude dérogeant à la nor
me établie par le groupe majoritaire. Cette culture peut égale
ment être effacée et sa prise en compte peut être jugée inutile
dans le soin au corps biologique, séparé du corps social et
culturel. Mais la relation thérapeutique peut aussi placer
l’individu au centre du soin, dans sa globalité et sa diversité
contextualisée et incluse dans l’intervention d’une manière
collaborative. Les recommandations des soignants tentent
donc de situer l’importance de la relation soignantsoigné du
care, au sein du cure. C’estàdire que les aspects interactionnels
du soin (ou du care) et le contact humain permettant la com-
préhension de la situation singulière du patient, tout en éta
blissant un lien de conance, revêtent autant d’importance que
les aspects techniques, le savoir expert et la biomédicalisation
du cure, dans leur impact sur un soin qui se veuille accessible et
de qualité pour le patient. La perspective de Schutz et de ses
collègues du corps médical reète ainsi l’idée de ne pas s’ap
puyer uniquement sur une approche reétant la culture ou les
caractéristiques du groupe majoritaire pouvant exacerber des
inégalités de santé et favoriser la nonutilisation des services.
Mais il importe tout de même d’être proactifs face à la vision
statique de la culture, ainsi que les préjugés et stéréotypes qui
pourraient en être instigués, tout en gardant en tête que la
prise en compte du contexte global et des conditions de vie
sociale demeure une partie importante de l’équation.
CONCLUSION
En somme, les barrières à l’accès aux soins des Pasika en
NouvelleZélande mentionnées représentent en grande partie
des problématiques dans l’adaptation dite culturelle des ser
vices. Il s’agit de caractéristiques relevant à première vue du
champ micro, incorporées dans la relation patientsoignant ou
reposant sur des facteurs économiques personnels, qui sont
principalement mentionnées par les auteurs, mais aussi par les
membres de la communauté lorsqu’euxmêmes sont interrogés.
Par contre, il ne faut pas exclure la conception de ces adapta
tions ou de ces compétences culturelles comme relevant aussi,
et peutêtre même davantage, de facteurs systémiques et con
textuels macro inuençant les inégalités d’accès aux soins de
santé pour cette population. Ces adaptations ne sont pas
nécessairement à aborder comme un bris d’égalité, ou comme
la mise à l’écart de cette population, mais plutôt comme une
façon de favoriser le pluralisme, et l’autodétermination de ce
que représente l’efcacité dans l’accès aux soins. Cela montre
26 Migration et santé : l’accès aux soins de la communauté Pasika en Nouvelle-Zélande ~ A. Lajeunesse
tout de même l’intersectionnalité des facteurs et mécanismes
en jeu dans les inégalités d’accès aux services, aux soins et à la
santé entre différents niveaux d’action : depuis la pratique, à
l’environnement, jusqu’au contexte. Plusieurs initiatives
d’amélioration se font voir, cellesci engageant la communauté,
les autorités gouvernementales, les patients et les soignants
d’une manière partenariale, mais les problématiques d’accès
prouvent que plusieurs inégalités demeurent et que certaines
approches possiblement plus culturalistes sont toujours pré
conisées. Certes, la recherche dans ce cadre et ce courant spé
ciques en est encore à ses débuts, surtout pour un sujet se
mouvant au l des politiques et des changements sociaux
ensuivis d’une telle façon.
La Covid-19 et ses inégalités
Finalement, dans le présent contexte de Covid19, il est né
cessaire de se pencher sur ce que pourraient représenter les
effets du fardeau pandémique sur un groupe qui présentait déjà
moins d’accès aux soins et aux services de santé avant la décla-
ration de l’état d’urgence néozélandais, le connement et ses
conséquences sociétales. Dans le cas d’une nouvelle et rapide
transmission communautaire qui exercerait un stress sur le
système de santé, la difculté d’accès de certains groupes et le
processus décisionnel du triage aurait le potentiel d’exacerber
encore davantage des enjeux éthiques de conit entre normes,
valeurs, représentations, discrimination, ou culture. La pan
démie de Covid19, en effet, révèle les inégalités, en crée de
nouvelles et exacerbe les vulnérabilités déjà en place au sein de
nos sociétés (Napier 2020 ; Worms 2020). Des premières
études médicales ont récemment émergé sur les taux inégaux
de fatalité de la Covid19 en lien avec l’ethnicité, avec les
comorbidités associées, et portant globalement sur « les effets
de l’ethnicité sur la Covid19 » en NouvelleZélande (Steyn et
al. 2020). L’« ethnicité Pasika » y est encore une fois pré
sentée comme un groupe à haut risque, auquel le pays doit
répondre aux besoins spéciques, et qui doit être protégé. Au
mois d’août 2020, il a été révélé dans les médias néozélandais
que la résurgence du virus et la nouvelle éclosion de cas étaient
survenues à Auckland auprès d’une première famille Pasika
pour se propager majoritairement au sein de la communauté
Pasika dans les semaines suivantes. Devant l’émoi créé, le
Dr Collin Tukuitonga, médecin sénior de la Pasika Medical
Association, appelait publiquement à ce que sa communauté
soit mieux informée et comprenne son risque élevé face à la
Covid19 pour une meilleure autonomisation de ses membres
(Tukuitonga 2020). D’autres voix Pasika ont aussi émergé,
notamment des membres de la communauté pour qui cette
identication des cas a été vécue comme une stigmatisation et
une culpabilisation de la communauté, un traitement diffé
rentiel axé sur l’ethnicité et porteur d’un narratif colonial,
ayant comme résultat de renforcer les préjugés à leur égard
(Meredith 2020). Car au travers de la pandémie, la com
munauté migrante des îles du Pacique et les individus qui la
composent se voient encore identiés comme groupe à risque,
à part, différent, vulnérable, « en danger ». Internaliser cette
mise en emphase de l’altérité, cette catégorisation, cette sépa
ration toujours plus coupante entre le « Eux » et le « Nous »
continue à assigner une identité à la marge et à maintenir le
néocolonialisme de la dominance, ainsi que l’hégémonie du
groupe majoritaire. Celleci s’exprime envers ceux qui sont
perçus comme nécessitant une protection, parfois sans capa
cité d’agentivité, et comme porteurs d’un risque pour la
sécurité de tous. Dans ce contexte, et avec la réduction et la
relégation des soins noncovidiens au sein des structures de
santé, il convient d’autant plus d’être conscients de la réalité
des conséquences de la pandémie sur le long terme pour les
personnes vivant des inégalités quotidiennes, ainsi que de sou
tenir la collaboration au sein des organes de décision et auprès
des groupes Pasika an que leur voix fasse partie des plans
d’intervention et de réhabilitation face à la pandémie.
Interrogation future :
et la santé des réfugiés climatiques ?
D’autre part, dans le cadre d’une recherche ethnographique
future, il sera également intéressant de se pencher davantage
sur la question inhérente et grandissante de la santé et de l’ac
cès aux soins des réfugiés climatiques provenant des petits
États insulaires du Pacique, en NouvelleZélande. Une
grande proportion des auteurs clés cités dans cet article y font
brièvement allusion, sans toutefois trop s’avancer dans la spé
culation des conséquences concrètes pour l’accès aux soins de
ces communautés du Pacique. Les petits États insulaires du
Pacique revendiquent une situation qualiée de vulnérabilité
auprès de l’ONU dont elles reçoivent des aides nancières in
ternationales an de s’adapter au niveau marin croissant et aux
conditions et évènements climatiques extrêmes qui s’inten
sient (Barnett & Campbell 2010). Les îles Kiribati ont
d’ailleurs capté l’attention internationale il y a quelques années
face à leur achat de terres refuges aux Fidji. Pour Barnett et
Campbell, spécialistes de l’impact des changements clima
tiques, ce ne sont sûrement pas les conditions environ
nementales et climatiques directes qui pousseront la migration
des habitants de ces îles, mais plutôt leurs conséquences so
ciales en termes de pauvreté, de marginalisation, et de pertur
bation des conditions de vie, ainsi que leurs impacts sur la
santé (ibid.). Les professionnels de la santé néozélandais de
vraient commencer à s’y préparer rapidement, car la
relocalisation des migrants environnementaux est susceptible
de provoquer des risques et inégalités de santé supplémentaires
(Schutz et al. 2019 ; Emont & Anandarajah 2017). En sol
néozélandais, l’augmentation prévue d’immigration climatique
pourrait amener des difcultés quant à l’accueil, au support et
à la distribution de soins. En effet, le statut de réfugié climatique
n’est présentement pas reconnu par la convention de l’ONU
sur les réfugiés de 1951 (Malua 2014). En 2013 d’ailleurs, le
cas d’un homme iKiribati demandant ce statut aux autorités de
l’immigration néozélandaise est apparu à la Cour suprême,
pour nalement être refusé dans un bouleversement médiatique
(ibid.). La question de l’accès aux soins en NouvelleZélande
pour ces migrants environnementaux, faute de terme déterminé
et accepté, représente donc un enjeu additionnel important et
concordant à ceux abordés ici, dans les contextes climatique,
social, politique, législatif et sanitaire présents et futurs.
AnthropoCité, no 2, 2021 27
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