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Abstract

Réponse à une tribune de la Ligue des droits de l'homme qui s'inquiétait des dangers de la méditation de pleine conscience pour les enfants.
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La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) vient de publier un communiqué mettant en
cause la pratique de la méditation de pleine conscience à l’école. Elle y exhorte Jean-
Michel Blanquer à fermer les portes de l’Ecole publique à des pratiques jugées non
seulement contradictoires avec la laïcité mais aussi potentiellement nocives pour les
enfants. D’abord dénoncée comme inefficace, la pleine conscience y est ensuite
assimilée par la LDH à une lobotomisation douce : conditionnement avec perte d’esprit
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critique et assujettissement de l’individu, baisse de la vigilance conduisant les
pratiquants vers des états de sujétion narcotique. Ces allégations sont étonnantes et
erronées.
La manière dont la Ligue des Droits de l’Homme présente la méditation de pleine
conscience et ses effets ne reflète ni les expériences de terrain ni l’état des savoirs
scientifiques. Sur le terrain, rappelons que cette pratique consiste à entraîner
l’attention sur l’expérience présente, et que, loin de tout conditionnement, elle invite
l’individu à conserver une ouverture d’esprit et une sereine curiosité.
Le berceau oriental de cette pratique n’implique pas de dimension religieuse et relève
de connaissances sur le fonctionnement de l’esprit et du corps. La méditation est une
pratique qui n’est pas fondée sur quelque système de croyance que ce soit et qui est
exercée par des personnes de toutes confessions ainsi que des personnes athées. Ce
qui est proposé aux enfants à l’école n’est rien d’autre qu’un apprentissage et un
entrainement attentionnel ainsi qu’une éducation émotionnelle en proposant de
développer la capacité à porter volontairement et durablement son attention sur
l’expérience dans l’instant aux sensations dans son corps, à sa respiration, à ses
pensées, à ses émotions et à les appréhender avec curiosité et bienveillance. Cette
attitude contribue à développer la lucidité et le discernement et une meilleure
connaissance de son fonctionnement émotionnel, source de sens critique et
d’indépendance d’esprit.
Quant à la littérature scientifique consacrée à la méditation de pleine conscience, si
l’on se donne la peine de la lire, on est surpris de découvrir que des milliers de
recherches ont été publiées sur ses effets dans les champs les plus variés : gestion
du stress, dépression, trouble du comportement alimentaire, concentration, bien-être
scolaire, qualité de vie de malades chroniques du cancer, sommeil… Par exemple une
vaste étude en imagerie cérébrale, le ReSource project dirigée par la Professeure
Tania Singer en Allemagne et financée par le Conseil de Recherche Européen, a pu
démontrer l’impact de différents styles d’exercices de méditation sur la neuroplasticité
du cerveau. Une quarantaine de publications scientifiques notamment dans le journal
Science Advances ont documenté les effets de cette intervention sur les fonctions
exécutives, l’empathie et les comportements pro-sociaux. Lorsque la LDH écrit, sans
citer aucune source, que « certaines conséquences préoccupantes de la pratique de
la méditation de pleine conscience ont été signalées, conduisant à une
dépersonnalisation, à des attaques de panique ou à des épisodes psychotiques », elle
mélange l’anecdote aux faits réguliers et instille une panique morale sans aucun
discernement. Concernant l’école, il existe pourtant sur le sujet des données publiques
internationales, y compris en langue française. Par exemple, des chercheurs de
l’université de Genève, sous la direction du Professeur Edouard Gentaz, ont réalisé
une synthèse des recherches scientifiques internationale publiées entre 2005 et 2017
impliquant 39 études indépendantes. Elle concluait que les interventions basées sur
la pleine conscience en milieu scolaire avaient un effet favorable sur le bien-être des
élèves, diminuaient la dépression, l’anxiété et certains comportements agressifs. Elle
renforçait chez la plupart d’entre eux les capacités attentionnelles, et les résultats
scolaires des élèves progressaient par rapport à un groupe témoin. De plus, les élèves
qui en bénéficiaient avaient des comportements plus coopératifs et se montraient plus
aptes à réguler leurs émotions. Les effets observés étaient notamment attribuables à
l’amélioration des compétences psychosociales comme la gestion des émotions,
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compétences qui font partie du programme officiel de l’Education nationale depuis
2016.
On ne voit donc pas clairement sur quoi repose l’alerte de la Ligue des Droits de
l’Homme. La suspicion de l’introduction clandestine d’une orthodoxie bouddhiste à
l’école ? La LDH suggère un « pilotage » et un « financement » par l’institut Mind and
Life de cette recherche dans laquelle siège des « émissaires () bouddhistes ». Il est
important ici d’être factuel en témoignant en tant que scientifiques acteurs de ce champ
de recherche depuis de nombreuses années. Nous sommes affectés par le caractère
complotiste et imprécis de ce propos car il vise implicitement à instiller le doute sur
l’intégrité et l’indépendance des scientifiques impliqués dans ces études. L’institut
Mind and Life, crée par feu Francisco Varela, directeur de recherche à l’INSERM, a
joué un rôle d’incubateur dans ce champ de recherche en organisant des conférences
au cours desquelles un dialogue constructif s’est établi entre les traditions
contemplatives, notamment de la tradition Bouddhiste, et les traditions scientifiques.
Ces conférences ont été co-organisées par des universités réputées comme le MIT,
l’université du Wisconsin aux Etats-Unis ou l’université de Strasbourg et ont été
l’occasion d’initier et de développer des programmes de recherche scientifique.
La méditation de pleine conscience, introduite par des personnels habilités par
l’Education nationale et aujourd’hui souvent expérimentée dans des cadres prudents
de recherche et d’évaluation n’a rien à voir avec celle que semble décrire la LDH.
Découverte par des centaines de milliers de Français depuis quelques années, la
méditation est une pratique intéressante qui peut contribuer à cultiver l’attention et
développer la présence qualitative à soi et aux autres. Par ailleurs, elle ne s’oppose
en rien à l’engagement voire à la contestation sociale. Bien au contraire, n’est-ce pas
la dérivation de l’attention et l’incapacité à poser un regard distant sur le monde et
nous-mêmes qui peuvent nous transformer en citoyens passifs et consentants ? Au
regard des bénéfices susmentionnés de la méditation, il est difficile de croire que
certains de nos enfants et adolescents ne puissent en tirer grand bénéfice. Des travaux
menés par le professeur Gregory Michel de l’université de Bordeaux montrent que cela
est particulièrement le cas pour les élèves en difficulté. N’est-ce pas une manière très
concrète de promouvoir l’égalité des chances ?
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