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Abstract

Bien que la popularité des classes de maternelle quatre ans ait varié au cours des dernières années, les effectifs se trouvent en constante augmentation depuis leur création en 2013 (MEES, 2020). Au Québec, plus de 5000 personnes enseignantes oeuvrent à l’éducation préscolaire et il est anticipé que, si 50 % des enfants de 4 ans fréquentent les maternelles dans les prochaines années, 3500 personnes supplémentaires seront nécessaires (MEES, 2020). Des praticiennes de la petite enfance sont donc invitées à effectuer une transition vers l’enseignement préscolaire, avec leurs connaissances considérables sur le développement des jeunes enfants. Certes, ce sont des professionnelles, mais comment les aider à devenir enseignantes ? Les recherches sur les transitions professionnelles d’un métier vers l’enseignement (ex. Baeten et Meeus, 2016 ; Balleux et Perez-Roux, 2011) montrent que ce passage doit être accompagné, car il peut entraîner une perte de repères techniques, socioculturels et environnementaux et un choc des conceptions, malgré les rapprochements entre le métier et la nouvelle prestation d’enseignement. À cet égard, deux priorités ont été identifiées en collaboration avec 12 personnes étudiantes en enseignement anciennes éducatrices. Nous les présentons et exposons quelques pistes de réflexion qu’elles suscitent.
Formation et profession 29(2), 2021
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CHRONIQUE
Je suis professionnelle : suis-je enseignante ?
Andréanne Gagné
Université de Sherbrooke (Canada)
Charlaine St-Jean
Université du Québec à Rimouski (Canada)
Je suis professionnelle :
suis-je enseignante ?
doi: 10.18162/fp.2021.a232
©Auteures. Cette œuvre, disponible à
http://dx.doi.org/10.18162/fp.2021.a232, est distribuée
sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International
http://creativecommons.org/licences/by/4.0/deed.fr
ISSN 2368-9226
CHRONIQUE • Formation des maîtres
Bien que la popularité des classes de maternelle quatre ans ait
varié au cours des dernières années, les effectifs se trouvent en
constante augmentation depuis leur création en 2013 (MEES,
2020). Au Québec, plus de 5000 personnes enseignantes œuvrent à
l’éducation préscolaire et il est anticipé que, si 50 % des enfants de
4 ans fréquentent les maternelles dans les prochaines années, 3500
personnes supplémentaires seront nécessaires (MEES, 2020). Des
praticiennes de la petite enfance sont donc invitées à effectuer une
transition vers l’enseignement préscolaire, avec leurs connaissances
considérables sur le développement des jeunes enfants. Certes, ce sont
des professionnelles, mais comment les aider à devenir enseignantes ?
Les recherches sur les transitions professionnelles d’un métier vers
l’enseignement (ex. Baeten et Meeus, 2016 ; Balleux et Perez-Roux,
2011) montrent que ce passage doit être accompagné, car il peut entraîner
une perte de repères techniques, socioculturels et environnementaux
et un choc des conceptions, malgré les rapprochements entre le métier
et la nouvelle prestation d’enseignement. À cet égard, deux priorités
ont été identifiées en collaboration avec 12 personnes étudiantes en
enseignement anciennes éducatrices (PEEAE). Nous les présentons
et exposons quelques pistes de réflexion qu’elles suscitent.
Accompagner la construction des savoirs professionnels
Les PEEAE reconnaissent que l’expérience de formation en
enseignement est positive. Comme plusieurs aspects du travail
enseignant s’apparentent à celui d’éducatrice, le réinvestissement des
savoirs professionnels construits semble faciliter la transition, comme
l’exprime une PEEAE :
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« J’ai une belle aisance pour animer et enseigner devant une classe, résultat de mes 3 stages
précédents [en éducation à l’enfance]. Comme ce point est facile pour moi, j’ai pu aller plus
loin dans chacun de mes stages en prenant des initiatives, en prenant plus de moments en
charge, en animant plus d’activités, etc. J’aime beaucoup la suppléance aussi ! Le changement
de groupe ressemble quelque peu au remplacement en tant qu’éducatrice, ce qui ne m’a pas
trop déstabilisée » (É2).
Les réponses des PEEAE laissent même entrevoir que cette transition vers l’enseignement était prévue
ou désirée, comme lorsqu’elles mentionnent : « J’ai fait ma technique dans l’intention d’aller faire mon
BACC » (É2), « Je trouve que c’est une continuité pour moi. Je voulais faire la TÉE pour ma formation.
Je le savais aussi que je continuais au BACC après » (É8).
Pourtant, un élément retient l’attention dans leur discours : les PEEAE tiennent à travailler avec les
élèves plus jeunes (préscolaire ou premier cycle).
« J’aime mon expérience jusqu’à maintenant. Je sens que je suis à ma place. Par contre, je sais
que je veux travailler à l’éducation préscolaire. J’aime un peu moins être dans les classes aux
2e ou 3e cycles » (É8).
Le fait est qu’elles se sentent moins outillées et à l’aise avec les enfants plus vieux. Il appert que les
principaux savoirs construits (Morales Perleza, 2019) depuis qu’elles sont en formation sont les savoirs
expérientiels, soit ceux développés sur le terrain, suivis des savoirs liés aux relations et à la posture
d’enseignante. Les savoirs plus « formels » comme les savoirs disciplinaires, curriculaires, théoriques,
didactiques, pédagogiques, ainsi que les savoirs liés au contexte de l’éducation préscolaire sont ceux que
les PEEAE considèrent avoir le moins développés. Ce constat invite à s’interroger en priorité sur la
manière de les accompagner dans la construction de leurs savoirs professionnels.
Accompagner la transition de l’identité professionnelle
Pour comprendre leur dynamique identitaire, il apparaît pertinent de mentionner qu’elles ont choisi
l’enseignement pour deux principales raisons, soit l’amélioration de leur salaire et l’amélioration de
l’horaire de travail. Dans une moindre mesure, il y a également le désir de relever de nouveaux défis. De
même, elles conservent un souvenir positif de leur expérience de travail en tant qu’éducatrices.
« J’ai eu la chance de travailler dans un merveilleux CPE avec une équipe de travail
formidable. J’y ai créé de belles amitiés. J’adorais travailler avec les tout-petits et les voir
évoluer si rapidement. Par contre, je trouvais parfois les journées longues. Il manquait un
petit plus à mon travail. Je voulais avoir un plus grand impact sur le veloppement de
l’enfant et former la génération de demain » (É4).
Ainsi, lorsqu’elles sont invitées à se définir professionnellement pendant leur formation en enseignement,
les propos de nos collaboratrices témoignent d’un processus de transition plus ou moins avancé, de
« je suis une éducatrice qui a poursuivi sa carrière pour devenir enseignante au préscolaire » (É1), en
passant par « je suis une étudiante et future enseignante qui a bien hâte de se retrouver sur le marché
du travail » (É8), jusqu’à « je suis une future enseignante qui a été une excellente éducatrice avec les
enfants » (É12).
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CHRONIQUE
Je suis professionnelle : suis-je enseignante ?
L’identité professionnelle étant un construit social, entre l’affirmation de soi et l’ouverture à autrui
(Balleux et Perez-Roux, 2011), il a aussi été demandé aux PEEAE de s’exprimer à propos de ce
qui les distingue de leurs collègues étudiantes n’ayant pas de formation ou d’expérience à la petite
enfance. Trois éléments sont soulevés : la connaissance de l’enfant d’âge préscolaire (caractéristiques,
développement global, besoins), la maîtrise des compétences professionnelles en contexte d’éducation
préscolaire (conception d’activités, planification et gestion, préoccupation pour la place du jeu) et les
aptitudes personnelles (confiance en soi, maturité, capacité d’organisation, passion). Elles vont même
plus loin en distinguant leur travail d’enseignantes de celui déducatrices en mentionnant principalement
des limites liées au contexte de lenseignement, comme le fait de moins suivre le rythme des enfants,
d’enseigner de manière plus formelle ou de moins répondre aux besoins spécifiques des enfants (de
moins bouger, jouer ou explorer). Ces limites qu’elles intègrent comme des référents pour agir et
exercer leur rôle denseignantes au quotidien incitent à s’interroger en priorité sur la manière de les
accompagner dans la transition de leur identité professionnelle.
Que faire à la lumière de ces priorités ?
Les résultats nous amènent à poursuivre la recherche et la réflexion pour une meilleure prise en
compte des besoins de développement professionnel des personnes étudiantes en enseignement ayant
effectué une transition depuis le milieu de la petite enfance. Une formation en enseignement axée sur
le préscolaire et adaptée à la réalité particulière d’insertion professionnelle des PEEAE, par la prise en
compte des savoirs professionnels construits et de l’identité professionnelle consolidée antérieurement,
apparaît incontournable afin de limiter le décrochage au cours des premières années de carrière en
enseignement (Desmeules et Hamel, 2017).
Références
Baeten, M. et Meeus, W. (2016). Training second-career teachers: A different student profile, a different training approach?.
Educational Process: International Journal, 5(3), 173.
Balleux, A. et Perez-Roux, T. (2011). Transitions professionnelles et recompositions identitaires dans les métiers de l’enseignement
et de l’éducation. Nantes : Recherche en Éducation.
Desmeules, A. et Hamel, C. (2017). Les motifs évoqués par les enseignants débutants pour expliquer leur envie de quitter le
métier et les implications pour soutenir leur persévérance. Formation et profession, 25(3), 19-35.
Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES] (2020). Maternelle 4 ans à temps plein : objectifs, limites,
conditions et modalités, année scolaire 2020-2021. Gouvernement du Québec.
Morales Perleza, A. (2016). Les savoirs professionnels à la base de la formation des enseignants au Québec et en Ontario :
une étude comparative des modèles universitaires de professionnalisation et de leurs enjeux (èse de doctorat,
Université de Montréal, Montréal, Canada).
Pour citer cet article
Gagné, A., St-Jean, C. (2021). Je suis professionnelle : suis-je enseignante ? [Chronique]. Formation et profession, 29(2), 1-3.
http://dx.doi.org/10.18162/fp.2021.a232
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Plusieurs recherches tentent actuellement de mieux comprendre les effets des programmes d'insertion professionnelle (PIP) implantés pour remédier au décrochage enseignant. N'ayant obtenu aucun résultat significatif dans une étude quant aux différences entre les participants en fonction de leur participation à un PIP, nous nous sommes intéressés aux différences attribuables au fait d'avoir déjà pensé quitter l' enseignement. Cette étude vise à comprendre pourquoi les enseignants débutants ont eu cette pensée et quelles en sont les implications pour les PIP. Les réponses de 59 participants à deux questions issues de l' étude initiale ont été soumises à une analyse de contenu. Les résultats éclairent leurs motifs qui sont très diversifiés et appuient la nécessité d'une combinaison de mesures dans les PIP. Abstract Several studies are currently trying to understand the effects of induction programs (IP) implanted to remedy to teachers' attrition. Finding no significant results in a study about the differences between participants based on their participation to an IP, we are now interested in the differences regarding the thought of quitting teaching. This study aims to understand why beginning teachers had that thought and their implications for IP. Responses from 59 participants to two questions from the initial study were subjected to a content analysis. The results shed light on their motives, which are diverse and support the need for a combination of measures in IP.
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Second-career teachers are career changers who leave their current jobs to become teachers. This study conducts a narrative literature review which explores the student profiles of these teachers, asking how they differ from school leavers entering teacher education. The literature review also explores the characteristics of training approaches that are most suitable for second-career teachers based on their general student profile. Results show that second-career teachers are older, have strong intrinsic motivation, possess a wide range of knowledge and skills, have a self-directed and application-oriented approach to learning and teaching, and appreciate peer support. They benefit from teacher education programs that are flexible and include a preparatory period, that transfer their expertise into the teaching profession, provide opportunities for self-directed learning and peer support, integrate coursework and field experience, offer a significant amount of field experience and provide intensive mentoring support.