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L'arbre et sa contribution dans la valorisation de l'image de l'espace urbain

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  • ISA-IRESA-Sousse University

Abstract and Figures

L’étude du réaménagement de la promenade du grand axe de la ville de Tunis a constitué une véritable approche d’investigation menée autour des questions que pose la gouvernance de l’arbre en ville. Les représentations et les attentes des usagers concernant la promenade des ficus ont été prises en compte, tout en respectant le rôle moteur de l’arbre sur lequel se sont fondés les principes de réaménagement. En outre, les pouvoirs publics, soucieux de donner à l’avenue une certaine image de modernité, ont accordé une réelle importance à l’arbre et sa valeur affective et patrimoniale auprès des usagers de l’espace public. C’est à partir de l’époque coloniale que l’arbre urbain a pris une place significative dans la ville de Tunis. De nombreuses plantations ont ainsi accompagné la construction du tissu urbain, et les ficus de l’avenue Habib Bourguiba (à l’époque avenue Jules Ferry), plantés à la fin du XIXième siècle, ont été les premiers arbres d’alignement à contribuer à l’édification du centre ville. D’abord arbres de prestige pour la plus belle avenue de la capitale, les ficus ont traversé au cours du temps un certain nombre de mutations quant à leur rôle dans la ville. Après une certaine période, l’avenue a vu son statut décliner pour devenir un simple lieu de passage où les arbres ne jouaient qu’un rôle secondaire. Par la suite, avec la poursuite naturelle de leur croissance, ceux-ci ont fini par devenir encombrants, occupant tout l’espace aérien en perturbant la visibilité et l’image de l’avenue. Face à cette situation, plusieurs débats ont été conduits avant de parvenir à un projet de réaménagement. Si celui-ci a pu être mis en œuvre et aboutir à une solution acceptable par tous, c’est grâce à la mise en place préalable d’une démarche de concertation à laquelle ont été conviés les pouvoirs publics, les professionnels et les usagers. Le réaménagement ne s’est pas limité à la simple mise en route des travaux par des services techniques, il a résulté d’un ensemble de propositions et d’analyses prenant en compte tous les acteurs concernés, tant d’un point de vue technique que social, culturel ou patrimonial. C’est bien cet ensemble, avec toutes ses composantes, qui a pu garantir la réussite du projet : c’est une question de gouvernance de l’arbre en ville.
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L’arbre et sa contribution dans la valorisation de l’image de l’espace urbain
Rejeb H(1)., Kalti-Nabli N(1) ., Meddeb S(1) . et Vidal R(2)
(1) Unité de Recherche Horticulture, Paysage et Environnement de l’ESHE
rejeb.hichem@iresa.agrinet.tn
(2) Laboratoire d’Etude des Politiques et des Pratiques du Paysage
ENSP Versailles France
Résumé
L’étude du réaménagement de la promenade du grand axe de la ville de Tunis a constitué une véritable
approche d’investigation menée autour des questions que pose la gouvernance de l’arbre en ville. Les
représentations et les attentes des usagers concernant la promenade des ficus ont été prises en compte,
tout en respectant le rôle moteur de l’arbre sur lequel se sont fondés les principes de réaménagement.
En outre, les pouvoirs publics, soucieux de donner à l’avenue une certaine image de modernité, ont
accordé une réelle importance à l’arbre et sa valeur affective et patrimoniale auprès des usagers de
l’espace public. C’est à partir de l’époque coloniale que l’arbre urbain a pris une place significative
dans la ville de Tunis. De nombreuses plantations ont ainsi accompagné la construction du tissu
urbain, et les ficus de l’avenue Habib Bourguiba l’époque avenue Jules Ferry), plantés à la fin du
XIXième siècle, ont été les premiers arbres d’alignement à contribuer à l’édification du centre ville.
D’abord arbres de prestige pour la plus belle avenue de la capitale, les ficus ont traversé au cours du
temps un certain nombre de mutations quant à leur rôle dans la ville. Après une certaine période,
l’avenue a vu son statut décliner pour devenir un simple lieu de passage les arbres ne jouaient
qu’un rôle secondaire. Par la suite, avec la poursuite naturelle de leur croissance, ceux-ci ont fini par
devenir encombrants, occupant tout l’espace aérien en perturbant la visibilité et l’image de l’avenue.
Face à cette situation, plusieurs débats ont été conduits avant de parvenir à un projet de
réaménagement. Si celui-ci a pu être mis en œuvre et aboutir à une solution acceptable par tous, c’est
grâce à la mise en place préalable d’une démarche de concertation à laquelle ont été conviés les
pouvoirs publics, les professionnels et les usagers. Le réaménagement ne s’est pas limité à la simple
mise en route des travaux par des services techniques, il a résulté d’un ensemble de propositions et
d’analyses prenant en compte tous les acteurs concernés, tant d’un point de vue technique que social,
culturel ou patrimonial. C’est bien cet ensemble, avec toutes ses composantes, qui a pu garantir la
réussite du projet : c’est une question de gouvernance de l’arbre en ville.
Mots clés
Ville de Tunis, arbre, promenade, réaménagement, gouvernance, urbanisme végétal
Introduction
L’arbre est fondamentalement lié à l’histoire et à l’image de la ville, il représente l’élément naturel
dominant du paysage urbain. Depuis deux siècles, l’arbre est replanté dans les parcs publics et les
jardins privés, comme si le lien antique entre les hommes et lui ne devait jamais être rompu (Donadieu
et Périgord, 2005). Ce lien à l’arbre trouve sa racine dans l’inconscient collectif, dans l’histoire de
l’homme. Protecteur, pourvoyant à presque tous ses besoins, l’arbre était considéré comme une
manifestation de la présence des dieux sur terre (Broose, 2001). A ce titre, le symbole de l’arbre de vie
et de connaissance revêt une signification subconsciente extraordinaire. L’arbre en ville, filière de la
foresterie urbaine, constitue un patrimoine vivant au même titre que les paysages culturels. Ce
patrimoine correspond souvent à une vision idyllique du paysage, reflétant une harmonie entre la
société et son milieu. L’arbre en ville façonne l’image paysagère des diverses structures urbaines:
parcs, jardins, alignements, zones résidentielles, industrielles et autres. Offrir aux citoyens un
environnement arboricole urbain de qualité nécessite la mise en œuvre des actions concrètes pour
assurer la survie de cette ressource dans un milieu hostile fortement minéralisé et artificiel que
constitue la ville. C’est dans cette lignée de spécialisation que la foresterie urbaine voit son apparition
et son développement. En effet, la foresterie urbaine est une approche d’entretien et de gestion des
arbres de la ville en vue d’assurer leurs bienfaits sur l’homme et sur le milieu urbain. Des institutions
internationales ont mis en place un réseau de recherche sur les arbres urbains. Ce réseau a pour
principal objectif de renforcer la coordination des connaissances nécessaires pour améliorer la
planification, la conception, la mise en place et la gestion des forêts urbaines et des arbres urbains
(Nilsson et Randrup, 1996). Aujourd’hui, l’arbre est au centre de la question de la politique verte de la
ville de Tunis. Il est en étroite intégration avec les composants du milieu urbain. S’intéresser à l’arbre
en ville, c’est renverser quelque part le regard habituel de l’arboriculture, s’ouvrir à des ensembles qui
englobent l’arbre dans une composition artistique et culturelle plus vaste, dans laquelle l’arbre n’est
plus seulement un objet d’intérêt et de connaissance, mais aussi un outil de création de paysage, de
manipulation du regard et des sens. L’arbre, par l’harmonie de la forme, de son volume et de sa
couleur, se comprend comme une œuvre d’art lorsque sa silhouette a une valeur exceptionnelle. C’est
le cas des Ficus de la promenade du grand axe de la ville de Tunis; ces arbres façonnent une image de
la ville. En revanche, la disproportion et leur occupation exagérée de l’espace aérien ont induit un
"naturel-artificiel" non maîtrisé, entravant la multifonctionnalité du site. Ainsi, il s’avère important de
rechercher les ajouts ou les transformations nécessaires pour la récupération de la primauté des arbres
dans cette avenue. Cette étude est menée pour retracer les éléments essentiels, pour rétablir un
compromis entre l’arbre et son site urbain. Une approche multidisciplinaire s’avère utile, ce qui
associe plusieurs champs d’investigations tels que le domaine du paysage et du paysagisme
(Donadieu, 2005), le domaine de la sociologie et de l’urbanisme (Ben Slimen, 2005) et le domaine de
la foresterie urbaine (Rejeb et al., 1999). Un dialogue transdisciplinaire sera un passage obligé pour
répondre aux attentes des usagers, pour respecter l’image de la ville et pour redonner à l’arbre sa place
potentielle. Cette analyse esquissera dans une approche progessive :
- l’arbre de la ville de Tunis : genèse et fonctionnalités,
- l’alignement des ficus pour une avenue de prestige,
- l’arbre renouvelé pour une ville moderne : une question de gouvernance dans le domaine de
l’urbanisme végétal.
2. Arbre de la ville de Tunis
2.1. Principaux traits marquant la genèse de l’arbre urbain de la ville de Tunis
La ville de Tunis a connu dans le temps plusieurs étapes d’évolution, à l’instar d’autres grandes villes.
C’est à partir de l’influence européenne, que la ville de Tunis s’est caractérisée par la présence
marquée des arbres dans les divers aménagements. C’est ainsi que la notion de l’arbre en ville est
parue avec des mouvances relatives. La ville de Tunis a éfondée à la fin du VIIième siècle par les
Arabes (Sebag, 1998). A cette époque, l’élément majeur de construction a été la Grande Mosquée. Au
IXième siècle, à l’époque des Aghlabides, la ville a connu la création d’une vraie citadelle urbaine
(Santelli, 1995). Appelée Médina, elle répondait à un modèle précis de l’urbanisme arabo-musulman.
L’arbre se concentrait dans les vergers et les jardins des châteaux de l’aristocratie des Aghlabides en
dehors de la Médina (Santelli, 1995). A l’arrivée des Andalous, plusieurs essences ligneuses fruitières
et d’ornement, initialement cultivées en Espagne, ont été introduites dans la ville de Tunis (Ibn Al
Awam, d’après Muret et al., 1977). Principalement, à l’époque des Hafsides (surtout vers la fin du
XVième siècle et le début du XVIième siècle, les sultans ont manifesté un intérêt considérable pour les
arbres d’ornement dans les jardins entourant leurs châteaux de plaisance de la banlieue de Tunis
(Santelli, 1995). Comme exemple, on peut citer les jardins du château du Bardo, qui ont été plantés
d’arbres fruitiers, agrémentés de fontaines et de pièces d’eau. Ce centre, ainsi que d’autres étaient
assez proches de Tunis pour que l’on puisse s’y rendre et revenir dans la même journée (Sebag, 1998).
C’est à partir de cette époque qu’il y a eu l’introduction de plusieurs variétés d’arbres d’ornement et
fruitiers. Après le protectorat espagnol, les Turcs ont déclaré la fin des Hafsides. Le pays fut partie de
l’empire ottoman, sous le nom de Régence Ottomane de Tunis. L’intérêt pour les arbres d’ornement à
cette l’époque des Beys, surtout ceux de la famille Husseïnite, s’était bien exprimé dans les immenses
jardins des palais de villégiature dans la banlieue de Tunis (Santelli, 1995). A cette époque, la notion
d’arbre d’ornement a gardé le même centre d’intérêt qu’à l’époque des Andalous. C’est à l’arrivée des
colons français que la notion de l’arbre en ville s’est manifestée davantage. En effet, une multitude
d’espèces ligneuses ornementales à vocation urbaine ont été introduites (Guillochon, 1913). La ville
de Tunis a connu un rythme de développement urbain très rapide (Fig. 1). Le but était d’aligner la ville
de Tunis sur les métropoles similaires des différents pays européens (Santelli, 1995).
A cette époque, la présence d’arbres d’ornement dans la conception des nouveaux projets pour
l’aménagement urbain était une condition majeure pour le développement à l’européenne de la
nouvelle ville (Gaillard, 1944). De plus, le désir du colon français de créer une nouvelle attitude envers
les ligneux d’ornement avait suscité l’accomplissement de divers aménagements paysagers urbains
tels que les parcs, les squares ou les alignements des boulevards et des avenues. A cet égard, des
actions d’introduction et d’acclimatation de nouvelles espèces ligneuses d’ornement ont été mises en
place. Pour cela, des établissements ont été créés tels que la pépinière municipale, le jardin botanique,
l’Ecole coloniale d’Agriculture et la Société Internationale des Amis des Arbres de Tunisie.
Désormais, la notion de l’arbre en ville s’est clairement manifestée, tout en montrant plusieurs
fonctions.
Hachette, imp. Hélio. Lemercier,
Paris, 1888.
Santelli S., 1995.
Figure 1 : Évolution de l’urbanisme à l’époque coloniale.
2.2. Principales fonctionnalités de l’arbre urbain de la ville de Tunis
L’arbre est un élément majeur de la nature urbaine. Il constitue une composante essentielle des
aménagements urbains. Dans la ville européenne de Tunis, il y a eu de multiples façons d’utiliser
l’arbre afin d’en conjuguer les effets pour créer des ambiances dans les divers aménagements urbains.
On le rencontre en alignement avec une grande diversité de forme, d’écartement, de disposition et
d’agencement avec d’autres structures. La majorité de ces alignements était présente depuis l’époque
coloniale, surtout ceux du centre ville. Ces arbres présentaient plusieurs fonctions : celles qui relèvent
de l’aménagement urbain et celles liées à l’arbre lui-même. Les fonctions d’aménagement sont liées à
l’architecture de la ville. En effet, les arbres d’alignement de la ville de Tunis ont contribué à marquer
les avenues et les rues en créant des lieux urbains. Ils ont permis de façonner des unités, des caractères
et des points de repère et même du quadrillage. C’est le cas de l’actuelle avenue Habib Bourguiba, où
la création du centre ville de Tunis a été largement favorisée par l’existence des alignements de Ficus
(Santelli, 1995). Ces plantations répondent au modèle spatial de la foresterie urbaine décrit par Smit
et Nasr (1992). Ainsi, d’autres créations d’avenues et de rues, parallèlement à l’aménagement des
alignements d’arbres ont vu le jour ; telles que l’avenue de Paris, l’avenue de Carthage, ou la rue
Abdenasser (ancienne rue Sadiki) (Fig.2).
L’arbre aménagé dans un square se présente isolé ou en groupe. Il offre en compensation de l’espace
bâti, un équilibre naturel dans les villes. C’est dans cet esprit que l’actuel square Ibn Khaldoun a été
aménagé au bout de l’avenue de l’axe principal de la ville de Tunis (Fig.6). Plusieurs squares sont
apparus à l’époque coloniale tels que le square de la gare situé sur l’actuelle place de Barcelone, le
square de la Qasba, actuellement Place du gouvernement (Zhioua, 1998).
L’avenue de Carthage en 1910
La rue Sadiki (actuelle rue Abdenasser) en 1910.
Ancienne carte postale de 1910.
Ancienne carte postale de 1910.
Figure 2 : Les alignements ligneux accompagnant rues
et avenues de Tunis.
L’Arbre du jardin public est un lieu de détente, de promenade, de récréation et de découverte
d’ambiance. C’est aussi un lieu de richesse d’urbanisme végétal. Dans la ville de Tunis au cours des
premiers temps de l’indépendance, l’utilisation de l’arbre pour la création de jardins publics a été bien
marquée. C’est l’époque de l’urbanisme moderne en suivant la même stratégie que celle décrite par Le
Corbusier en France (Stefulesco, 1997). A cette époque, les édiles ont décidé de faire de la ville de
Tunis une capitale moderne. Dans l’optique de façonner une image moderne de la ville, la municipalité
a créé des jardins publics tels que le jardin du Gorjani et celui de Habib Thameur, aménagés sur
d’anciens cimetières. Actuellement, dans les milieux anciennement urbanisés, la possibilité de créer de
nouveaux jardins publics est assez rare à cause du manque de terrains disponibles. Par contre, dans le
cadre d’une action de rénovation urbaine, on commence à remplacer des arbres morts dans les jardins
déjà aménagés de Habib Thameur et celui de Gorjani. Dans ce cadre, il ne faut pas oublier les jardins
des établissements publics tels que les hôpitaux, les ministères ou les établissements d’enseignement
où les arbres créent des ambiances variées et diversifiées.
L’Arbre du parc urbain de la ville Tunis fut réalisé le premier à la fin du XIXe siècle (Zhioua, 1998).
Ce parc représentait un lieu d’attraction, riche d’une grande variété d’espèces ornementales.
3. Arbre pour une avenue de prestige
L’avenue Habib Bourguiba est le siège de la création de la ville européenne de la capitale, Tunis,
depuis à peu près un siècle et demi (Ben Becher, 2003). Une valeur historique s’est développée autour
de cette avenue qui a subi plusieurs mutations. Les arbres de Ficus, constituant la composante majeure
de la verdure au centre ville, sont pour la plupart centenaires. Ces arbres sont passés eux aussi par des
étapes de changement dans l’histoire millénaire de la capitale. Ils se présentent en alignements,
constituant la promenade du plein centre ville. Cette promenade commence du côté sud à partir du port
de France, limite de la Médina et arrive jusqu’à la station du métro TGM (Tunis-Goulette-Marsa) du
côté nord. Ci-après on analysera le trajet des mutations par lequel est passée la promenade du grand
axe, et de montrer son important rôle de prestige quelle joue au centre ville.
3.1 Alignement de Ficus à l’époque coloniale
La signature du traité de Bardo en 1881 a sonné le glas d’un développement harmonieux et continu de
la ville. La création et l’expansion d’une ville neuve face à la Médina ont profondément bouleversé le
paysage urbain de Tunis, en particulier dans sa partie orientale hors des remparts de la ville, vers le
lac. Cette zone était une aire d’épandage des égouts de la ville, une zone de marécages
particulièrement inhospitalière, qui se déversait en contrebas dans le lac (Santelli, 1995). Sur une
aquarelle de Crapelet datant de 1865, l’avenue était une étroite bande de terre bordée par les avancées
marécageuses du lac et limitée par la colline Sidi Belhassen. Cette bande longiligne, embryon de la
future artère principale, répondait aux besoins d’extension du quartier franc, le quartier européen (Ben
Becher, 2003). A la fin du XIXièmesiècle, la Maison de France était construite hors des remparts,
incarnant ainsi le centre de la nouvelle ville neuve (Santelli, 1995). A cette époque, l’avenue de la
Marine était alors créée, reliant la Porte de France à la Darsa, qui arrivait un peu plus bas que
Figure 3 : Le square Ibn Khaldoun sur l’avenue
Habib Bourguiba
Ben Bechr, 2003.
l’emplacement actuel de la statue d’Ibn Khaldoun. Vers cette même époque, un service municipal de
plantation de la ville de Tunis était aussi créé (Loth, 1906). Cette avenue, devenue d’une longueur de
plus de 700 mètres, était alignée de quatre rangées de Ficus, de hauteur ne dépassant pas les 70 cm ;
les Ficus ont été cédés par le général Baccouche (Zaouch, 1929), (Fig. 4).
A partir de 1881, date de la colonisation française de la Tunisie, cette avenue s’était nommée alors
avenue de Jules Ferry. Ses Ficus, de forme taillée, avaient suscité un attrait pour un cadre de vie
moderne, avec la construction de nouveaux édifices tels que hôtel, théâtre, etc (Santelli, 1995). Ainsi,
cette promenade de Ficus avait constitué le premier espace urbain majeur du centre ville. En 1900, des
voitures électriques avaient assuré le transport dans la ville. Un nouveau siècle avait commencé et
avec lui une cité nouvelle et une nouvelle manière de vivre. A l’époque coloniale, le double
alignement des Ficus a été aménagé de façon à porter la perspective depuis la porte de France (Bab
Bhar) jusqu’au port. En réalité, cette ouverture vers l’extérieur a été exprimée depuis l’époque de Léon
Roche, consul de France. Le consul a fait déplacer Bab Bhar (future Porte de France), pour bien
marquer son intention de créer un nouveau modèle d’organisation spatiale (Abdelkafi et al, 1985).
Ainsi, la perspective a présenté une ambiance spectaculaire grâce à la longueur de vue portée vers le
port. Cet effet de perspective est accentué par les alignements de Ficus taillés en rideaux. Les
plantations de Ficus ont joué un rôle attrayant, aussi, d’ombrage et d’agrément. Ces plantations ont
suscité l’affirmation de la notion d’espaces publics, de la perspective visuelle et de la monumentalité
(Pire, 1930). Cet aménagement n’a pas éune simple réponse à la demande sociale, à une certaine
mode arrêtée à un moment donné de l’histoire. En réalité, ils ont voulu emporter avec eux l’image
d’une ville moderne semblable aux grandes villes européennes modernes (Gaillard, 1944).
Ben Becher F., 2003.
La Tunisie Illustrée, 1920
Figure 5: Vue prise en dessus de l’avenue Jules Ferry lors d’un défilé
militaire, 1920.
Carte postale, fin du XIXième siècle.
Le traitement majestueux des plantations des Ficus de cette promenade n’est pas seulement fait pour
l’esthétisme et l’ombrage, mais aussi pour attirer des visiteurs (Pire, 1930), (Fig.32). C’est grâce à une
taille architecturée maintenue et à l’installation en 1926 d’un système d’irrigation souterrain qu’on a
essayé d’entretenir une promenade verdoyante, donc un cadre
de vie meilleur.
A la fin de la période d’entre deux guerres, on a essayé de
prolonger l’avenue Jules Ferry en direction de la Goulette. Le
but majeur a été d’amorcer l’extension naturelle du port vers
l’Est. L’avenue reliant le Port de France à la Gare Marine,
s’est étendue sur une longueur de 1100 mètres, et elle est
peuplée de 380 pieds de Ficus nitida disposées en quatre
lignes parallèles dans la partie centrale de l’avenue, en double
alignement de Ficus au Sud et au Nord pour la partie nouvellement prolongée, (Fig. 6).A la fin la
deuxième guerre mondiale, la ville de Tunis s’est trouvée démolie en partie et en crise économique
(Abdelkafi et al, 1985). De ce fait, l’administration coloniale est perdue peu à peu et, au fur et à
mesure que le combat pour l’indépendance s’est intensifié, l’illusion de faire de la Tunisie une terre
Française s’est éloigné (Bergaoui, 1996). Tous ces événements se sont répercutés sur une négligence
dans l’entretien des Ficus de l’avenue durant ces années.
3.2 Alignement des Ficus après l’indépendance
A l’aube de l’indépendance de la Tunisie en 1956, l’avenue de la Marine, objet de toutes les faveurs, a
pris le nom de l’avenue Habib Bourguiba. C’est par un souci de modernisme et d’esthétique que
l’avenue a reçu tout l’intérêt des édiles (Ben Becher, 2003). L’ancienne ville coloniale a changé de
contenu social : elle est devenue un espace Tunisien qui, toutefois, dans les premières années de
l’indépendance a connu peu de transformation. L’heure a été à la réutilisation du cadre bâti et non pas
à sa transformation (Abdelkafi et al., 1985).Au sein de l’avenue, la structure commerciale est affectée
par le changement des facteurs économiques. Les petits commerces, les cafés, ont disparu au profit du
système bancaire. Les opérations de rénovation et de restructuration sont visées pour ce qui est bâti,
mais pas pour la promenade des Ficus. Ce n’est qu’en 1968 que la subdivision municipale des
plantations de la ville de Tunis a entrepris une action pour essayer de remédier aux problèmes des
plantations de Ficus. La municipalité de la ville de Tunis a pris l’initiative d’adopter une technique
bien précise concernant l’entretien des alignements de Ficus. Le but est visé d’une part pour améliorer
l’esthétique de l’artère principal de la capitale et d’autre part, pour rétablir l’équilibre entre la partie
aérienne et le système radiculaire des Ficus. La technique consistait à procéder à la taille, l’irrigation et
la fertilisation. A cette période, le système d’irrigation est réhabilité. Lors de travaux antérieurs sur les
chaussées, le réseau est abîmé, ce qui explique la montée superficielle des racines. Ces dernières sont
devenues des portes d’entrée pour les parasites et les champignons. Ceci a causé le mauvais
développement de certains sujets et même la mort d’autres arbres. Les tailles n’étant pas appliquées
avec des équipements performants, (de sécurité et de précision nécessaire) et selon les exigences
techniques (époque, rigueur), les alignements des Ficus en rideaux ne sont plus droits
Sur une photo aérienne de 1960, la partie centrale de l’avenue présente une masse de Ficus taillés,
mais sur la tranche du côté de la Porte de France ainsi que celle du côté du port, le développement des
arbres est moins favorisé (Fig. 7).
Figure 7 : Déséquilibre dans la perspective des Ficus. Photo aérienne datant de 1960.
La Tunisie illustrée, 1920.
Office de la Topographie et de la
cartographie de Tunis, 1960.
Figure 32: Avenue Jules Ferry 1930
N
NN
NN
Nn
NN
NN
NN
NN
Alignement discontinu des Ficus
Des tailles sévères entreprises dans les années 80 à 90 ont participé à la diminution des réserves de
certains sujets centenaires. Durant cette période, la plupart des plantations centenaires de l’avenue ont
souffert donc, et ont présenté une certaine fragilité et une hétérogénéité (Rejeb et al., 2003). Vers la fin
des années 90 du siècle dernier, il n’y a plus de continuité dans le double alignement des Ficus. A cet
égard, la perspective a perdu de son charme. Le double alignement de Ficus n’est plus en équilibre
avec le milieu environnant. L’effet de l’esplanade est réduit à un simple tronçon (de la place Ibn
Khaldoun jusqu’à la place 7 novembre. Au delà, l’allée centrale n’est devenue qu’une zone de passage
vers la gare TGM. Les plantations de Ficus ont ainsi perdu leur équilibre harmonieux du point de vue
de la taille. Sur la figure 8, on remarque l’effet fort dominant de ces plantations sur la promenade. La
masse de la frondaison des Ficus est devenue exaspérante, très compacte et non harmonieuse avec
l’espace environnant, arrêtant ainsi le regard du spectateur. Ce déséquilibre dans la perspective et
même dans toute l’avenue a donc suscité un réaménagement urgent.
4. Arbre renouvelé pour une ville moderne : Une question de gouvernance des Ficus
En parcourant plus d’un siècle de mutations, la promenade de l’avenue Habib Bourguiba s’est imposée
en partie grâce à l’aspect majestueux de ses Ficus. A l’époque coloniale, elle a connu son apogée.
Après l’indépendance, elle est considérée simplement comme un lieu de passage. Cet état perturbateur
a induit une phase les Ficus ont accompagné le site d’une façon secondaire. Heureusement, la
promenade revit et sort de ce processus de dégradation, grâce à un projet ambitieux de réaménagement
donnant naissance à une ville qui vit, se transforme et s’embellit (Ben Becher, 2003). C’est l’arbre qui
accompagne ces transformations pour une ville modernisée : ville durable, tout en gardant son
authenticité paysagère.
4.1. Arbre et valorisation de l’espace urbain
Aujourd’hui, les concepteurs et aménageurs du nouveau projet du grand axe de la capitale ont voulu
donner à travers l’aménagement de ce lieu stratégique, une image de prestige et de modernité digne
d’une capitale où la promenade des Ficus en fait une partie intégrante. Ces arbres participent à travers
leur fonction d’image, à l’expression d’une modernité de plus en plus convoitée dans l’aménagement
Douik F. , 1999.
Figure 8 : Forte dominance des Ficus de l’avenue Habib Bourguiba avant les
transformations 1999).
urbain du centre ville. La transformation de l’axe majeur de la capitale compris entre la place de la
Victoire et l’extrémité Est de l’avenue Habib Bourguiba s’inscrit dans un programme de revalorisation
de l’espace public du centre ville de Tunis. Cette transformation est née d’une inadéquation entre
l’image de marque de l’avenue et sa réalité. En effet, cette inadéquation est devenue tellement
flagrante dans les immeubles riverains, dans l’obstruction de l’espace par le stationnement, dans la
surcharge des kiosques disparates et dans la signalétique lumineuse hétéroclite banalisant la
perspective. Cette inadéquation se trouve aussi dans le déséquilibre des plantations de Ficus avec le
milieu environnant et la discontinuité de la perspective du double alignement. Toutes ces causes ont
suscité à faire réaménager le grand axe de la ville et à le faire revivre de nouveau. Ainsi est né, au
terme d’études du site et de son évolution, un projet soutenu par les pouvoirs publics, mené et porté
par la ville de Tunis, le Ministère de l’intérieur, l’Association de Sauvegarde de la Médina et un
bureau d’étude et d’ingénierie privé, (Ammar, 2002). Les objectifs de la transformation de l’axe
avenue de France / avenue Habib Bourguiba sont notamment, de sauvegarder et de préserver
l’existant tout en construisant une avenue digne du centre de la capitale.
Selon la municipalité de la ville de Tunis, trois objectifs majeurs sont visés par le projet de
réaménagement du grand axe :
• revitaliser le centre historique de la capitale,
répondre aux revendications multiples et différenciées sur l’espace public et remédier aux conflits
d’usage liés à sa multifonctionnalité (circulation, stationnement, promenade piétonnière, emplacement
pour terrasses de cafés…),
• donner, à travers l’aménagement de ce lieu stratégique, une image de prestige et de modernité digne
d’une capitale.
Une proposition est retenue au début qui bouleverse radicalement l’espace et installe la circulation
automobile au centre de l’axe. A ce niveau on prévoit que la perspective soit dédoublée sur les
trottoirs élargis à 18 m et le double alignement existant se déplace ainsi vers les deux côtés latéraux
(Fig.9). Les réactions de discussions et de critiques de professionnels ou de citadins se sont
manifestées. Cette proposition contestable pour résoudre la question de circulation sur cet axe par cette
intervention lourde a été rejetée, car elle masque le caractère « promenade ».
Le début de la transformation de la promenade de l’avenue Habib Bourguiba s’est élaboré en août
2000. Les variations et les compromis ont porté sur l’espace public et la répartition entre chaussée,
trottoirs, terre-plein central et plantations de Ficus (Fig. 10). Pour ce faire, :
on a essayé d’arrêter son déclin en valorisant toutes ses composantes (bâti, pavage, mobilier
urbain et les végétaux),
on a visé à relancer son animation en définissant des espaces cohérents fonctionnant avec
l’environnement bâti et végétal (trottoirs, terrasses…),
On a restitué la vocation de promenade, de lieu de rencontre et d’échange et d’espace
fédérateur de la ville (accès, desserte, stationnement, etc..),
Figure 9:Perspective de la première proposition du
réaménagement de l’avenue Habib Bourguiba.
Douik F., 1999.
on a visé à rééquilibrer la fréquentation des différents tronçons de l’avenue en développant
d’autres centres d’intérêt et en facilitant les déplacements.
En réalité, il y a eu plusieurs propositions concernant le choix de l’espèce à replanter dans le nouveau
projet. Voulant donner à cet axe urbain les critères de modernité à savoir un aspect amplement
homogène, ouvert et épuré, le Jacaranda est jugé plus approprié que le Ficus par les concepteurs et la
majorité des décideurs. Il répond, tant de part sa forme que de sa transparence et de sa légèreté, aux
critères dites de modernité, et permet par ailleurs de mettre en valeur le caractère urbain (l’étendu
linéaire de l’axe, les revêtements au sol, les façades urbaines, la signalétique…etc.). Mais la décision
définitive s’est portée sur la reconduction des Ficus, puisqu’on a visé à respecter la mémoire collective
et à garder l’effet du prestige historique que possède la promenade.
Une démarche importante est prise en considération lors du réaménagement de la promenade des
Ficus : c’est la concertation. Elle se définie aussi comme toute démarche publique menée par le maître
d’ouvrage d’une infrastructure ou d’un équipement public, en phase d’études ou de réalisation, visant
à associer l’ensemble des acteurs concernés à l’élaboration du projet. Elle peut prendre plusieurs
formes, de la simple information à une implication forte du public, à chaque étape du projet (Conan,
1994). Les responsables du projet du grand axe de la ville de Tunis suivent cette démarche de
concertation avec des moyens divers.
La concertation intra et inter-institutionnelle: le service des espaces verts de la ville de Tunis a
travaillé de concert avec le service d’urbanisme et d’embellissement. Les études et les
programmations se font de manière à s’engager dans l’avenir à moyen ou à long terme.
La collaboration avec des structures privées : le service municipal de la ville de Tunis a
coopéré avec les entreprises privées chargées par exemple de la transplantation des Ficus âgés
par une entreprise privée spécialisée
La concertation avec le grand public : A chaque étape d’avancement du projet du grand axe,
des articles de presse, des affiches publicitaires, sont parus. Il s’agit là de communiquer au
public le maximum d’éléments sur les caractéristiques du projet , sa finalité, l’avancement des
procédures, etc. D’autres actions que la municipalité de la ville de Tunis s’est engagée à faire
tels que les recommandations exposées lors des conférences municipales pour associer le
citoyen et les associations à l’action municipale
Le planning de travaux : pour arriver à une collaboration entre les diverses institutions et les
entreprises privés, un planning de travaux est réalisé dans lequel chaque institution exécute
son travail en synchronisation avec les autres
4.2. Nouvelle lecture de la promenade
La lecture de la promenade des Ficus d’un point de vue paysager permettra de mieux comprendre
comment ces arbres ont participé à la renaissance de la promenade, voire à la création d’une image de
Figure 10 : Projet définitif de réaménagement de
l’avenue Habib Bourguiba.
Douik F., 1999.
la ville tunisienne d’aujourd’hui. Certes, les plantations d’alignements constituent toujours un élément
de base du répertoire paysager de la ville. La promenade des Ficus fait donc partie intégrante du
paysage urbain. Ce paysage ne se réduit pas seulement aux données visuelles qui l’entourent, il se
rapporte à des objets concrets et qui existent réellement (Berque, 1994). C’est à travers ce point de vue
qu’on procèdera à une évaluation paysagère de la promenade des Ficus. Pour apprécier le paysage, il
existe selon Mottet (2002), des critères d’appréciation qui s’inspirent de trois thèmes, à savoir, il faut
que l’espace aménagé permette de se sentir en sécurité, de ne pas se sentir seul ou en isolé et
finalement d’avoir des repères.
Appliqué à l’arbre dans le paysage, cela se traduit, notamment, par :
La nécessité d’éviter la fermeture de l’espace,
La nécessité d’exalter l’esprit des lieux, la typicité des paysages,
La nécessité de maintenir un ordre visuel.
De ce fait la transparence, la légèreté et la stylisation deviennent des critères de modernité qualifiant la
qualité des matériaux d’aménagement (Mottet, 2002). Dans cette perspective, et pour le cas de
l’avenue Habib Bourguiba, il est donc question de mettre en exergue la pureté du « vide minéral » par
la réduction de l’impact visuel du « plein végétal ». Dans cette lignée de raisonnement, un mariage et
une harmonie entre lumière et ombrage s’avèrent établis (Kalti-Nabli et al., 2004). En effet, en terme
d’éclairage, il y a eu suppression de l’effet « couloir d’ombre » donné par le double alignement de
Ficus et homogénéisation du « rapport au ciel » et, donc, de l’éclairage naturel sur toute la largeur de
la promenade (Fig.11).
Pour l’éclairage nocturne, les concepteurs décident d’accompagner les alignements de Ficus d’une
part, par des candélabres correspondant à la monumentalité de l’avenue et, d’autre part, des
lampadaires de faible hauteur créant ainsi une identité non plus monumentale mais à taille humaine.
Donc, ce traitement varié de l’éclairage urbain donne une plus value à la promenade des Ficus et
amène à faire jouer aux lumières un véritable rôle signalétique.Les alignements de Ficus participent
aussi à donner une perspective qui s’exprime par une longueur de vue relativement importante. Cette
composante est en fait, l’un des constituants majeurs de la mise en valeur d’un paysage (Neuray,
1982). En adoptant cette approche d’évaluation objective du paysage, on procède comme suit : en se
plaçant sur un point de l’avenue se trouvant soit devant la statue d’Ibn Khaldoun, et en dirigeant la vue
vers le port, soit on se plaçant à partir de la place 7 novembre en dirigeant la vue vers la Porte de
France, on remarque que la longueur de vue est importante. La perspective entre ces deux points de
vue donne un effet spectaculaire d’esthétique et de prestige très recherché (Fig.12).
Figure 11: Jeu d’ombre et de lumière sur l’avenue Habib
Bourguiba 2004.
Ben Becher F., 2003.
Dans ce site, il existe aussi des vues majeures et d’autres mineures. Les deux vues majeures dites aussi
vistas cadrées (Neuray, 1982), sont créées par les alignements de Ficus. La première vue majeure
conduit vers la Place Ibn Khaldoun et la deuxième conduit vers la Place du 7 novembre. Les
plantations d’alignements constituent un bon exemple de fausse masse : vues en enfilade, elles
forment une masse compacte dirigeant le regard. Regardées transversalement elles peuvent cadrer une
vue (Neuray, 1982 ). En fait, une fausse masse est un ensemble d’éléments qui, vus sous un certain
angle, forment un écran plus ou moins impénétrable au regard, alors que sous un autre angle ils
permettent la vue (Neuray, 1998). Si on regarde l’alignement des Ficus de la partie centrale à partir
d’un certain angle de vue depuis l’extérieur, on voit bien une masse végétale compacte. Par contre, la
vue, depuis l’intérieur de la promenade, permet de voir une masse plus transparente, la vue peut
être lucide : c’est l’effet d’une dimension cachée de la vision crée par le prestigieux arbre. Il s’agit
bien de l’effet de « fausse masse » (Fig.13).
En comparant l’ancienne promenade avec la nouvelle, on remarque qu’auparavant la masse de la
frondaison des Ficus était très dominante, compacte et arrêtait le regard du spectateur. Or, avec le
nouvel aménagement la masse est éclatée, la frondaison des arbres taillés en boule est plus légère, le
regard n’est plus arrêté. La vue est plus transparente sur les façades des constructions. L’avenue donne
l’impression d’être plus large. L’avenue de France, qui se présente comme une continuité à l’avenue
Habib Bourguiba vers la Médina, ne présente pas un double alignement des Ficus et le terre-plein
central est en fait absent. A ce niveau, le degré de lisibilité d’une perspective diminue par rapport au
tronçon central. L’idée de faire des couronnes individualisées donne vraisemblablement une meilleure
transparence (Fig.14).
Figure 13: Effet de fausse masse.
Figure 12: La longueur de vue remarquable donne à l’avenue un effet d’esthétique et de
prestige très recherché.
Kalti- Nabli, 2004.
Ben Becher F., 2003.
Kalti-Nabli N., 2004.
De l’autre côté Est, c’est à dire, le tronçon de la gare TGM, l’espacement des arbres par rapport aux
constructions est relativement grand, ce qui donne l’impression d’être dans un espace plus libre, plus
aéré. Il s’agit d’une autre ponctuation de verdure qui laisse le passage d’autres diversions urbaines
(Fig.15).
Lors du réaménagement du centre ville il a été question de concevoir non pas des réalisations
ponctuelles mais plutôt un tout structuré. Bien évidemment, l’acteur du centre ville a besoin d’un
cadre de vie agréable pour des besoins fonctionnels. En effet, les concepteurs ont visés à ce que la
nouvelle transformation puisse servir à se socialiser (espace de rencontre), communiquer, se distraire,
se détendre et à agrémenter le cadre de vie. Une profonde réflexion sur la multi-fonctionnalité de
l’espace public est exprimée.
5. Conclusion
L’arbre de la ville de Tunis ne représente pas un simple objet ou encore moins une simple composition
dans le tissu urbain. Il s’agit d’une véritable intention liée à l’évolution de la ville de Tunis. Cette
étude a permis de souligner la place importante des Ficus. En effet, ces arbres ont le mérite de créer
une image, encore plus, d’instaurer un lien d’appropriation « homme-végétal » dans la capitale, et
précisément la promenade des Ficus de l’avenue Habib Bourguiba. A travers cette étude, plusieurs
faits ont été dégagés relatifs à l’arbre en ville. En effet, c’est à partir de l’influence européenne, que la
notion de l’arbre en ville s’est clairement manifestée. L’arbre urbain est utilisé dans les aménagements
urbains qui sont créés au fur et à mesure que la ville s’est développée. La création des arbres en
alignements, en squares, dans des jardins et des parcs, ont formé ainsi une prémisse de foresterie
urbaine. Elle est devenue une réalité qui a ancré l’arbre dans la ville et qui a évolué vers une filière
d’arboriculture urbaine. Les fonctions de l’arbre liées à la création des ambiances, à l’hygiène, à
l’ombrage et au rafraîchissement de la ville, n’ont cessé d’évoluer vers une vocation
environnementale urbaine et culturelle de plus en plus revendiquée. Par ailleurs, l’arbre comme étant
Figure 48 : Lavenue de France, continuité à l’avenue
Habib Bourguiba vers, les couronnes des Ficus sont
individualisées.
Figure 49: Tronçon de la gare TGM, limpression de l’espace
plus ré est exprimée par les plantations de Ficus.
Kalti- Nabli, 2004.
Ben Becher F., 2003.
un système biologique doit être en intégration avec son milieu. Dans la promenade, les Ficus ne
doivent pas présenter une seule face, celle qui se limite à l’esthétique, mais aussi, ils doivent participer
à la face fonctionnelle du site, en jouant un rôle distingué dans la manipulation de regard et la création
d’ambiance. C’est dans ce cadre, qu’il a été question de respecter le cadre de vie et les nouvelles
exigences de la ville et de ses acteurs. Certes, La promenade, grâce à l’aspect majestueux de ses Ficus,
a créé une image et une authenticité pour cette avenue : C’était le siége de la genèse de la nouvelle
ville. Une nouvelle vie s’est développée au centre ville, donnant ainsi une image spécifique et de
prestige, digne d’une ville moderne. Cette image a évolué vers un « naturel- artificiel » très compact et
dominant sur l’espace environnant. Il a fallu donc réajuster cette évolution spontanée de l’image de la
ville respectant la vie contemporaine. En l’occurrence, il importe de rechercher une image rénovée
basée sur la notion de gouvernance de l’arbre en ville. Dans cette recherche, on a démontré que les
élus et les concepteurs ont voulu infléchir cette image lors des nouvelles transformations de l’avenue,
en adoptant cette démarche de gouvernance. Leurs actions témoignent en fait, de la volonté d’apporter
à ce projet des alternatives concrètes par rapport à la situation ancienne de la promenade. Par ailleurs,
cette recherche a permis de dégager des alternatives visées, pour donner une image de modernité
digne d’une capitale. Il s’agit d’actions qui s’inscrivent dans la rénovation de la promenade, dans la
réhabilitation et la plus-value des plantations, avec une gestion différentielle pour les conditions
d’existence et d’évolution de ces arbres. Il s’agit aussi, des actions de concertations que les élus et
concepteurs ont mené pour donner un rôle central à l’espace public, pour créer les conditions
adéquates d’une vie sociale urbaine, avec la restitution de la vocation de promenade, de lieu de
rencontre et d’échange.
Gérer à long terme, c’est aussi la nécessité de l’information et de la communication entre le secteur
public et le secteur privé. Ainsi, une réflexion d’ensemble dans la mise en place de processus de
médiation est un moyen d’évaluation de ce type de situation urbaine et évolutive. Des conseillers
spécialisés peuvent jouer ce rôle de médiation et de communication. L’organisation de journée de la
promenade des Ficus est une façon concrète, participative, constructive chacun peut exprimer son
avis, ses intentions évolutives vis-à-vis de cet espace urbain.
Dès lors, il convient d’ouvrir un champ de recherche multidisciplinaire pour mieux assurer l’approche
de gouvernance urbaine des arbres. La réhabilitation de la promenade des Ficus de l’avenue Habib
Bourguiba traduit clairement une question de gouvernance et pourrait constituer un schéma de
rénovation d’autres sites arborés urbains en Tunisie
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... arboré : L'arbre est fondamentalement lié à l'histoire et à l'image de la ville, il représente l'élément naturel dominant du paysage urbain (Rejeb et al. 2006). Depuis deux siècles, l'arbre est replanté dans les parcs publics et les jardins privés, comme si le lien antique entre les hommes et lui ne devait jamais être rompu (Donadieu et Périgord, 2005). ...
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Ce travail s’interroge sur la place des plantations arborées de la ville de Sousse. Une caractérisation spatio-temporelle s’avère intéressante laquelle a permis de redéfinir l’approche d’une configuration spatiale des arbres en ville. Deux principales phases expliquent la construction des paysages arborés de la ville (i) la période coloniale et (ii) la période des années quatre-vingt-dix suite à la création du ministère de l’environnement. Les principaux faits observables pour le domaine de la ville sont la diversité et la fragilisation biologique des arbres d’alignement. Cette relative richesse qui représente les deux tiers de la palette nationale d’arbres d’agrément est amputée par des états comportementaux qui ne répondent pas aux normes aménagistes appropriées. L’état actuel de ce potentiel arboré exige de nouvelles actions systémiques basées sur le néo paysagisme.
Article
This paper describes how cities can be transformed from being only consumers of food and other agricultural products into important resource-conserving, health-improving, sustainable generators of these products. In particular, agriculture in towns, cities and metropolitan areas can convert urban wastes into resources, put vacant and under-utilized areas into productive use, and conserve natural resources outside cities while improving the environment for urban living. Agriculture within urban and peri-urban areas is defined as a common and beneficial land use. This paper also gives examples of urban agriculture programmes which help alleviate poverty while creating these benefits. -Authors
Tunis un siècle d'évolution urbaine
  • J Abdelkafi
  • F Ben Bechr
  • J Binous
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Le projet d'embellissement de l'hyper centre : de l'avenue de France à l'avenue Habib Bourguiba, transformation et réhabilitation de l'héritage
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