Content uploaded by Romain Beauset
Author content
All content in this area was uploaded by Romain Beauset on May 25, 2021
Content may be subject to copyright.
Pour citer cet article : Duroisin, N. & Beauset, R. (2021).Fractures et changements. Cahiers
Pédagogiques, Hors-série numérique n°57, 49-50.
Fractures et changements
Enquête auprès des enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur
l’équipement des élèves et l’utilisation des outils numériques par les enseignants en
temps de pandémie.
Duroisin Natacha, Professeure, Université de Mons
Beauset Romain, Aspirant FRS-FNRS, Université de Mons
Le 12 mars 2020, en Belgique, le gouvernement fédéral et les entités fédérées ont pris, à l’issue du
premier Conseil national de sécurité, une série de mesures afin de freiner la propagation de la
Covid-19. Parmi celles-ci, la suspension des cours en présentiel dans toutes les écoles de la
Fédération Wallonie-Bruxelles à partir du 16 mars.
Les défis étaient alors de taille pour les écoles : trouver des plateformes et des outils adéquats
pour proposer l’enseignement à distance, établir et maintenir le contact avec les élèves tout en
tenant compte de la fracture numérique, s’assurer que chacun d’eux, depuis son domicile, puisse
accéder aux contenus des leçons, etc. Face aux multiples circulaires et recommandations délivrées
par les autorités belges, les enseignants ont donc dû rapidement réfléchir pour mettre en place un
enseignement complètement à distance ou hybride, en fonction du niveau d’enseignement et de
l’évolution de la crise sanitaire.
Dans ce contexte, depuis le début du confinement, notre équipe de recherche a décidé
d’investiguer les pratiques enseignantes en temps de pandémie par le biais d’enquêtes
quantitatives (questionnaires écrits diffusés en ligne). Ces enquêtes ont pour principal objectif de
fournir un état des lieux de la situation d’enseignement-apprentissage à différents moments de la
pandémie. En questionnant les enseignants de l’enseignement maternel, primaire et secondaire
de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les chercheurs explorent différentes thématiques telles que
les inégalités scolaires, les apprentissages scolaires, l’usage du numérique, les actions
d’enseignement, les difficultés rencontrées, le positionnement des enseignants par rapport aux
prescriptions légales, la gestion de classe, le bienêtre, etc.
Pour cet article, nous nous concentrons sur les résultats des deux premières enquêtes réalisées
en juin 2020 et en octobre 2020 auprès d’un échantillon de convenance de plus de 1 000
enseignants (N= 505 pour la première enquête ; N = 518 pour la seconde enquête). Nous
présentons ici les principaux résultats portant sur les thématiques relatives à l’équipement et
l’utilisation des outils numériques par les enseignants et leurs élèves, en mettant l’accent sur l’évo-
lution des pratiques entre la fin du premier confinement (mai) et le début du second (octobre).
FRACTURE NUMÉRIQUE : LES ENSEIGNANTS AUSSI
Le tableau 1 propose un condensé des résultats provenant de la première enquête. Si la fracture
numérique des élèves a pu, à de nombreuses reprises, être évoquée dans les médias, l’enquête
permet de révéler qu’il existe également une fracture numérique dans le chef des enseignants. De
nombreux enseignants estimaient ne pas être suffisamment bien équipés et peu d’entre eux ont
admis ne pas avoir rencontré de difficultés face à l’utilisation des outils numériques.
Un besoin de formation s’est d’ailleurs fait ressentir chez une bonne partie des enseignants.
L’enquête met également en évidence le fait que bon nombre d’enseignants ne connaissaient pas
les équipements numériques de leurs élèves, alors qu’il s’agit d’une information essentielle pour
pouvoir proposer un enseignement à distance. Malgré les difficultés, notamment dues au
caractère précipité et imprévu de la situation, il semble que l’enseignement à distance forcé ait
permis à la plupart des enseignants de progresser dans le maniement des outils numériques. Ces
derniers se sont principalement formés de manière autodidactique ou grâce aux échanges entre
collègues.
Pour citer cet article : Duroisin, N. & Beauset, R. (2021).Fractures et changements. Cahiers
Pédagogiques, Hors-série numérique n°57, 49-50.
Tableau 1 : Quelques résultats de la première enquête
La seconde enquête a été menée quelques mois après la première enquête pour évaluer la
situation à la rentrée scolaire. Le tableau 2 illustre quelques-uns de ses résultats principaux. À la
rentrée scolaire, pour la plupart des enseignants interrogés, la priorité ne fut pas la préparation
des élèves à l’utilisation d’outils à distance et l’anticipation d’un éventuel reconfinement. En effet,
les enseignants indiquaient en priorité vouloir rattraper la situation de l’année scolaire
précédente, en considérant comme davantage prioritaire le développement de la motivation des
élèves ou encore la remise à niveau des apprentissages. Par ailleurs, comme nous l’avions fait lors
de la première enquête, il nous semblait important de questionner les enseignants sur les
connaissances dont ils disposaient, à la rentrée, des équipements numériques de leurs élèves.
Tableau 2 : Quelques résultats de la deuxième enquête
Les résultats renforcent l’idée que la préparation à un éventuel enseignement hybride ou à
distance n’était pas la priorité des enseignants, puisque bon nombre de ces derniers n’ont pas
interrogé chacun de leurs élèves sur leur(s) équipement(s) numérique(s). Ce questionnement
nous parait pourtant fondamental, car il conditionne, quasi à lui seul, le succès ou non d’un
enseignement hybride ou complètement à distance. Concernant les compétences numériques des
enseignants à la rentrée, il ressort qu’une bonne partie se sentait davantage capable d’utiliser
certains outils numériques par comparaison avec l’année précédente. Ceci peut être expliqué par
le fait que de nombreux enseignants ont choisi de se former durant l’été ou dès la rentrée scolaire
Pour citer cet article : Duroisin, N. & Beauset, R. (2021).Fractures et changements. Cahiers
Pédagogiques, Hors-série numérique n°57, 49-50.
à l’utilisation du numérique. Les résultats montrent par ailleurs qu’à la rentrée, les enseignants
ont dû faire des choix en matière d’enseignement-apprentissage, étant donné la situation de
certains élèves. Si l’utilisation des outils numériques s’essouffle chez certains enseignants,
d’autres semblent capitaliser sur le potentiel de ces outils. Par ailleurs, on observe qu’une partie
des répondants a, dès la rentrée, continué à utiliser des outils numériques découverts durant le
confinement ou a conservé des habitudes prises liées à l’usage du numérique. Les enseignants
n’ayant pas poursuivi l’utilisation d’outils numériques ou n’ayant pas conservé certaines
habitudes ont justifié cela par le manque de temps, un manque d’intérêt, un manque de maitrise,
une expérience non concluante pour eux ou pour leurs élèves l’année précédente, un manque
d’équipement, etc.
UN TABLEAU EN DEMI-TEINTE
Des deux enquêtes, il ressort un tableau en demi-teinte concernant les pratiques liées au
numérique. Si l’enseignement à distance forcé, provoqué par le confinement, a poussé les
enseignants à exploiter des outils numériques, la mise en place de telles pratiques ne s’est pas
faite sans difficultés. Certains enseignants se sont sentis complètement perdus face à l’ampleur et
la nouveauté de la tâche. Le manque d’équipement, de formation à certains outils ainsi que la
méconnaissance et la disparité des situations de chacun des élèves ne les ont sans nul doute pas
aidés. Malgré cela, bon nombre d’enseignants sont parvenus à s’adapter à la situation
d’enseignement à distance dès le premier confinement. Les enquêtes montrent qu’un certain
nombre d’enseignants ont appris seuls à se servir des outils numériques (pratique autodidacte)
et ont progressé dans la maitrise de ces outils. Malgré tout, même si des difficultés ont été
rencontrées, l’expérience vécue semble avoir eu un impact sur la pratique de certains enseignants
par rapport au numérique, puisque plusieurs d’entre eux continuent à utiliser les outils
découverts et à conserver des habitudes prises lors du premier confinement. La situation met en
évidence la faculté d’adaptation des enseignants et souligne les manques de formations proposées
pour les aider à faire face à la situation. Enfin, ces résultats montrent surtout que fournir un
accompagnement aux enseignants semble essentiel pour assurer un enseignement à distance de
qualité. Compter sur la bonne volonté, l’adaptation, la flexibilité et l’improvisation des enseignants
ne suffira pas à faire évoluer l’école (toutes les écoles) en matière d’intégration du numérique. Des
mesures politiques concrètes doivent accompagner le changement initié par certains enseignants
si l’on veut que l’école profite de cette crise sanitaire pour s’engager, réellement et sur le long
terme, sur le chemin de l’enseignement à distance.
L’ensemble des résultats de ces enquêtes sont disponibles via le site www.capte.be