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Université Libre de Bruxelles
POLI-D503-0-
202021 :
Sociologie de
l’action publique
– Compte rendu
de livre
Jacob Hacker et Paul Pierson - “Winner-Take-All Politics: How
Washington Made the Rich Richer and Turned Its Back on the
Middle Class”
Leclercq Arno (000432586)
13/01/2021
Introduction
« The Winner-Take-All Politics » est un ouvrage rédigé par Jacob.S. Hacker et Paul Pierson, deux
professeurs de sciences politiques travaillant respectivement à Yale et Berckley. Le livre porte sur la
croissance des inégalités aux États-Unis, et notamment sur la manière dont « Washington » a rendu les
plus riches « encore plus riches » et a « abandonné les classes moyennes ». L’ouvrage a été publié en
2010, soit deux ans après le début de la crise financière de 2008 qui a suivi la crise des Subprimes de
2007. La crise des prêts hypothécaires a frappé durement « l’américain moyen » et a engendré une
méfiance vis à vis des marchés financiers, annonçant « the worst economic downturn since the great
depression » (Hacker & Pierson, 2010 : 1). Cette crise financière trouve ses racines dans les politiques
économiques américaines liées au tournant néolibéral des années 1970 qui a favorisé la financiarisation
de l’économie et la spéculation. C’est à cette même époque, sous présidence de Nixon, que les accords
de Bretton Woods établissant l’équivalence entre le dollar et l’or sont rompus. Cette rupture a permis
de déconnecter la valeur de la monnaie fiduciaire de celle de la monnaie financière, l’économie réelle
du Marché. Wall Street devient alors le lieu de la politique du « Winner-take-all » qui idéalise « le
marché libre et dérégulé » et les politiques néolibérales (ibid. : 69) mettant en avant les vertus des
gains vertigineux obtenus grâce à la redistribution de « la main invisible ». L’ouvrage de Hacker et
Pierson vise à casser cette perspective pour mettre en avant « la main visible de l’État » au profit des
plus riches (ibid. : 71) qui a séparé Wall Street de Main Street ; le Capital du Travail.
L’argument principal du livre porte sur le fait que les inégalités aux Etats-Unis n’ont cessé de croitre
depuis les années 1970, pour atteindre aujourd’hui des sommets jamais été atteints depuis la crise
économique de 1929. Alors que les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent en laissant sur le
rivage les classes moyennes; le propos du livre est de montrer que ces inégalités ne sont pas le résultat
d’inégalités naturelles, de la mise en concurrence des Hommes suite à la mondialisation, de changements
techniques ou d’un « skill shift » (ibid. : 5), mais la conséquence des politiques publiques américaines
ayant suivi le démantèlement progressif de l’état providence au profit des plus riches. Il ne s’agit pas
de tomber dans une opposition entre les « have » (70-99%) et les « have not », mais bien de mettre en
avant la situation des « have-it-all » (ibid. : 3), ceux dont les gains ont augmenté de la manière la plus
significative depuis les années 1970 parce que le gouvernement ne les taxe plus comme par le passé.
L’argumentaire d’Hacker et Pierson s’ancre dans une perspective inspirée du néo-institutionnalisme qui
insiste sur l’importance de garder en tête la résilience des institutions et le caractère relativement
« incrémental » des changements politiques. L’aspect incrémental du changement politique montre que
le mythe de la compétence démocratique doit être temporisé au regard de la stabilité des institutions et
du manque de participation du citoyen moyen.
Déjà dans les années 1970, Cobb et Elder voulaient d’avantage s’intéresser au petit nombre qui « font »
l’opinion, aux groupes « légitimes » qui sont en mesure de faire pression sur les gouvernements. Il est
alors nécessaire de jeter un regard sur la politique informelle, la manière dont elle définit un agenda et
permet de« faire bouger les lignes » pour s’intégrer à l’agenda institutionnel (Cobb & Elder, 1971 : 902).
Il est en effet important de garder à l’esprit que la mise à l’agenda est le fruit de rapports de force dans
l’arène politique, visant à déterminer quels sont les problèmes urgents et que « l’agenda institutionnel »
ne reflète donc pas « l’agenda systémique » (ibid. : 909). Plus récemment, Pierson (1994) abordait le
démantèlement de l’État providence aux USA et au Royaume-Uni, en insistant sur le fait de prendre en
compte la configuration institutionnelle, le mode de scrutin et les habitudes en terme de gouvernance
sur la résilience des institutions et sur la manière dont cela oriente les politiques publiques dans le temps,
notamment par le biais de différents types de « policy feed-back » (ibid. : 38). En effet, les organisations
institutionnelles sont influencés par les structures des politiques publiques précédentes, qui donnent une
légitimité et une existence aux organisations déjà mises en place (ibid. :40) et sur lesquelles les décideurs
politiques se reposent pour ajuster et accommoder à la marge les politiques publiques (ibid. :42). Il y a
alors un effet de « path-dependence » (ibid. : 44) qui influe sur l’inertie des politiques publiques.
Transformation des années 1970
Hacker et Pierson (2010 : 76) avancent que l’optique enchantée de la politique selon laquelle la
démocratie permet de temporiser la croissance des inégalités est trop optimiste (ibid.). Les auteurs
insistent sur le fait qu’il n’y a pas de marché pré-politique; que la tendance au laissez-faire et à la
concentration économique et du pouvoir politique est une position politique qui fixe le rôle de l’état
comme spectateur. La tendance de l’Etat américain à ne pas traiter les inégalités tient donc aussi de son
organisation institutionnelle liée à la gouvernementalité néolibérale qui préfère agir comme arbitre
plutôt que comme producteur de norme. En effet, depuis les années 1960, l’État devient le régulateur
et moins le producteur de l’activité économique (ibid.). Il y a donc aujourd’hui une difficulté pour le
système américain à agir efficacement contre les excès du capitalisme, préférant se reposer sur la
capacité d’auto-planification décentralisée du Marché (Hayek, 1986 : 126). Hacker et Pierson (2010)
montrent que la montée des inégalités et l’exercice d’une politique en faveur des plus riches n’est pas
née avec l’accession de Reagan au pouvoir en 1980, et que le manque de problématisation des inégalités
sociales aux USA ainsi que le caractère non-interventionniste de l’État ne sont pas apparus en un jour.
La « révolution conservatrice » doit davantage être conçue comme s’inscrivant dans la continuité des
politiques de Carter, et même si le tournant néolibéral des années 1980 a bien eu un impact féroce sur
les inégalité de revenus, ces politiques s’inscrivent dans la continuité des précédentes et non pas eu
autant d’impact sur État providence (Pierson, 1994 : 5).
Sous la forme d’une enquête policière, Hacker et Pierson vont s’attacher tout au long du livre à présenter
les facteurs politico-économiques ayant mené à cette montée des inégalités, en mettant en évidence
l’évolution des rapports de forces entre les différents acteurs de l’action publique durant cette « guerre
de 30 ans » (Hacker & Pierson, 2010 : 1). Ils s’attachent à montrer que les politiques publiques depuis
les années 1970 ont été menées au profit des plus riches, par la diminution de l’imposition et l’octroi de
cadeaux fiscaux, mais également de par la dérèglementation de l’industrie et la perte de pouvoir des
syndicats. Ces phénomènes mèneront alors à l’hyper-concentration des capitaux au profit des 1% les
plus riches et à la croissance des inégalités (ibid. : 3). Le livre s’oriente alors vers une posture du type
« debunking » en partant du postulat de Piketty et Saez (2003) sur l’inégalité de distribution des revenus
économiques aux USA et dans les pays riches, en se basant sur les revenus « après taxes » (le
contribuable étant obligé de déclarer ce qui est taxé) au profit des classes les plus riches (ibid. : 22).
Ainsi, à l’inverse de l’idéologie du ruissellement, les auteurs montrent que les politiques publiques
favorisent davantage un « trickle-up » (Hacker & Pierson, 2010 : 20). Il y a une croissance inégalitaire
des revenus qui favorise les plus riches. Si les classes les moins aisées avaient bénéficié de la même
croissance des revenus entre 1979 et 2007, ces classes moyennes et pauvres auraient aujourd’hui un
revenu bien supérieur. Dès lors, nous pouvons remarquer que les années 1970 ont constitué un
« changement d’objectif » pour les politiques économiques, passant d’une lutte contre le chômage à une
lutte contre l’inflation. On a certes pu observer une croissance du PIB par habitant, mais une nouvelle
stagnation de l’économie s’en est suivie depuis les années 2000, annonçant la crise de 2007. On observe
alors une contraction du marché de l’emploi et de la mobilité sociale intergénérationnelle. La croissance
post-new deal n’est donc pas une croissance où « tout le monde y gagnerait » ; les inégalités sont liées
à des politiques de taxation et d’exemption fiscale au profit des plus riches. Il y a alors une croissance
inégalitaire des revenus qui n’est pas liée à un mauvais ajustement du capital humain vis-à-vis de l’offre
de l’emploi. Il ne s’agit pas d’une phénomène lié à un manque de formation, mais bien d’inégalités
politiques (ibid. : 13).
Les auteurs réfutent l’argument du « skill gap » qui serait plus élevé que dans les autres pays riches,
pour remettre l’analyse des politiques publiques au centre de leur argumentation : « public policies
really matter » (ibid. : 44). C’est dans les détails des politiques publiques qu’on trouve les raisons des
inégalités qui ont nourri la politique du « winner take-it all ». Hacker et Pierson insistent ainsi sur le
fait que c’est l’Etat qui a réécrit les règles du jeu en faveur du marché (ibid. : 54). De de ce fait, cette
perspective s’apparente à la manière dont Miliband (1973) s’oppose à la vision enchantée de la
démocratie pluraliste, percevant la dynamique entre l’Etat, le capital et le travail comme s’apparentant
à une situation de concurrence libre. Miliband insiste sur le fait que les rapports de force entre les
différents groupes d’intérêt au sein d’un Etat sont en réalité biaisés (ibid. : 165). Les intérêts du patronat
et du capital sont davantage défendus et pèsent plus sur les politiques publiques de par l’influence que
le milieu des affaires a sur l’action de l’Etat et par sa capacité idéologique à se faire passer pour
« l’intérêt national » (ibid. : 168). Le patronat s’engage donc dans une négociation avec des atouts qui
sont bien meilleurs que ceux des syndicats : ils sont 1) cohérents idéologiquement, 2) représentatifs du
point de vue de leurs intérêts, 3) ils ont des moyens de pressions plus efficaces pour faire plier les Etats
(ibid.). L’Etat n’est donc généralement pas en mesure de faire plier les entreprises et de les contraindre
à des politiques publiques sans leur bonne volonté, et ces dernières sont même disposées à infléchir ces
politiques – ce que Miliband appelle « la force d’inertie des entreprises privées » (ibid. : 168). Dès
lors, les gouvernements qui se veulent réformateurs par rapport aux intérêts du monde de la finance
sont défavorisés dans leurs négociations en raison du manque d’appui du milieu des affaires, et sont
davantage contraints au compromis que les gouvernements conservateurs.
Hacker et Pierson (2010 : 158) adoptent alors une posture qui s’oppose au point de vue pluraliste sur
l’action publique, en mettant en avant le poids supérieur de certains groupes d’intérêt dans l’arène
politique. Bien que l’opinion publique en 2007 ait été en faveur d’une taxation des plus riches et de la
lutte contre l’évasion fiscale, l’on observe dès 1990 une inattention de la classe politique pour les classes
moyennes au profit des lobbys de Wall-Street et des corporations exerçant une pression aussi bien sur
les républicains que les démocrates en faveur d’une générosité en faveur des plus riches. L’un des traits
de cette politique pro-riches peut se manifester par : 1) une confiance et un appui du monde de la finance
et du patronat en faveur des politiques conservatrices, 2) une problématisation différente des inégalités
sociales, de la pauvreté et des politiques redistributives. Suivant ce point de vue, , Hassenteufel (2011 :
226) met l’influence de nouvelles structures et des « think tanks » sur « le soubassement de l’action
publique » à partir des années 1960-1970 par l’émergence de « fondations prônant des principes
libéraux […] en réaction au keynésianisme ». Par ailleurs, ces structures auraient participer à la
définition des agendas politiques néolibérales aux États-Unis et au Royaume-Unis (ibid.). Il est alors
fondamental de tenir compte de « la dimension décisive de la concurrence entre problèmes » (ibid. : 50),
de ce que l’attention publique est une ressource rare et de ce que la mise à agenda est le résultat d’une
lutte entre différents problèmes dans l’arène politique afin d’occuper l’espace institutionnel (ibid.). Dès
lors, à partir des années 1960-1970, nous pouvons observer une individualisation et une monétisation
de la pauvreté avec l’idée sous-jacente est « qu’être pauvre, c’est manquer d’argent et de pouvoir
d’achat ».
La manière dont la pauvreté a été problématisée est le résultat des luttes politiques pour la définition du
problème en lui-même et de la sélection des alternatives au dépend d’autres pour lutter contre les
inégalités. Dès lors, il est nécessaire de se souvenir que constituer une action publique est le fruit de la
mise en forme par des acteur des problèmes, d’un travail de constitution des problèmes qui repose sur
des manières différentes de joindre les responsabilités « causales » et « politiques » (Gusfield, 1984 :
14). Dès lors, l’imposition de certains problèmes en privilégiant certaines responsabilités au dépend
d’autres, c’est aussi l’élimination d’autres alternatives (ibid. : 5) , autrement dit, de l’inscription de
certaines causalités dans le champ politique par des acteurs sociaux qui possèdent la souveraineté sur le
champ politique (Bourdieu & Boltanski, 1976). De la sorte, les acteurs hégémoniques du champ
politique sont en position favorable pour définir les problèmes publics selon des principes moraux qu’ils
font passer pour « aller de soi » (ibid.).
Harcker et Pierson (2010) mettent ainsi en avant la modification des rapports de force au sein des partis
politiques. Les démocrates ont dû modifier leurs tactiques politiques en se séparant des discours
populistes pour espérer un financement des partis par le milieu des affaires, les poussant à adopter des
politiques défavorables à leur base militante initiale. Ces observations nous rappellent que la politique
n’est pas quelque chose d’immatériel, qu’il faut voyager dans l’histoire politique des Etats-Unis et au
cœur de la « Winner-Take-All Politics » pour prendre en compte les changements organisationnels
ancrés dans la politique américaine et dans le capitalisme (ibid. : 6) et envisager la politique américaine
comme une lutte. Les lois visent alors au maintien du statu quo au profit de coupes dans les taxes et à
éviter les changements pouvant altérer l’environnement fiscal et économique en faveur des plus
riches tout en renforçant leur influence politique.
En même temps, on observe une radicalisation du Great Old Party (GOP) depuis les années 1990,
notamment par ses (re)financements privés venant directement des 1% les plus riches, tout en revêtant
une perspective profondément anti-étatiste et individualiste (ibid. : 189). Le GOP va également
convertir, à partir des années 1970, une part des évangélistes et des anciennes classes ouvrières victimes
de la désindustrialisation, par la mobilisation d’un argumentaire populiste, allergique aux classes et
individualiste. Du côté démocrate, on observe un retournement progressif des objectifs du parti contre
sa base électorale via l’adoption de lois néolibérales et via une préoccupation pour les « consumer
value » plutôt que les « material issues » (ibid. : 235). Le parti démocrate se positionne alors en faveur
de politiques régulatrices, de la mise en place d’un « code de la route » et d’un rejet de
l’interventionnisme étatique. Les auteurs mettent également en avant le déclin des syndicats et
l’apparition d’une perspective individualiste sur le marché. Là où la période du New Deal avait redéfini
le capitalisme américain sous des bases interventionnistes et redistributrices donnant part à la
négociation collective, les années 1990 initient la naissance du « managerism », de « l’agency society »
où les managers se représentent eux-mêmes (ibid. : 63), et où les politiques sociales s’opposent aux
syndicats.
L’état des rapports de forces politiques en faveur des institutions financières et des plus riches peut donc
s’expliquer par la conversion à l’idéologie dominante d’une grande part des politiques américaines et
aux perspectives néolibérales sur la pauvreté en défaveur d’un traitement politique des inégalités aux
États-Unis. Par la conversion des élites économiques aux perspectives néolibérales et aux intérêts du
monde de la finance, de manière hégémonique les politiques américaines s’évertuent à ne pas mettre à
l’agenda les inégalités sociales, à ne pas reconnaître ce problème comme étant légitime. La non-décision,
le « no-deal », fait alors figure de politique permettant de « tuer dans l’œuf » toute tentative de redéfinir
les politiques en faveur d’un interventionnisme de l’Etat en défaveur des plus riches et luttant contre les
inégalités (Cobb & Elder, 1971 : 905). Ainsi, par une politique du « no deal » jouant sur des alliances
politiques de circonstance ou des stratégies de « pourrissement » des débats au sénat, Hacker et Pierson
dénoncent ainsi une véritable démocratie du « 60 », l’usage du « filibuster » pour faire passer des lois
pro-riches en jouant sur la conversion de sénateurs démocrates « modérés » (Republican for a day) ou
en mettant un terme aux débats (Hacker & Pierson, 2010 : 267).
Conclusion
Le soutien du GOP pour les cadeaux fiscaux envers les plus riches n’est pas forcément quelque chose de
caché et fait souvent fit de l’opinion public. Comment obtenir le consentement, ou du moins agir contre
les intérêts de la majorité alors que les USA ne sont pas fondamentalement « plus tolérants face aux
inégalités » ? Il faut noter que durant les années 1990, les campagnes présidentielles deviennent des
« horse race », non plus des luttes politiques. Il y a alors un changement dans l’environnement
médiatique, caractérisé par une compétition accrue pour l’audience et une pression pour fournir du
spectacle. Il s’agit alors de comprendre la politique comme une arène de combat, comme un spectacle
politique pour l’exercice de l’autorité et du pouvoir politique. L’idée de la course de chevaux réactive
une éthique individualiste préférant le « clash médiatique » entre célébrités (Hacker et Pierson, 2010 :
102) et la personnification du pouvoir (fixant les élections sur un processus visant à repérer « who to
shoot » et non pas les causes organisationnelles des inégalités. Il s’agit de comprendre la politique
comme un « combat organisé » au pouvoir fragmenté, fait de groupes d’intérêts divergents. Cette
importance des organisations et des différents acteurs institutionnels est la cause de la grande inertie du
pouvoir en faveur des plus riches, et qui a permis la constitution des milieux des affaires comme une
« classe » : « buisnessman of the world united » (ibid. : 118). En effet, la néolibéralisation s’est
accompagné « d’une profonde reconfiguration de la classe dominante » (Harvey, 2014 : 56) en
restaurant un pouvoir de classe aux mains de la finance, « des principaux membres du conseil de
direction des entreprises et les chefs de l’appareil financier, juridique et technique qui entourent le foyer
de l’activité capitaliste » (ibid. : 59).
Il serait nécessaire qu’un réel « changement de paradigme » (Hall, 1993) survienne pour que l’on puisse
observer un changement politique aux Etats-Unis. Alors même que les contradictions du modèle
néolibéral s’accumulent, qu’il y a un débat et des frictions intenses pour un changement du cadre du
traitement de la pauvreté et de la place de l’État aux USA; alors même que le problème des inégalités a
été traduit sous formes de politiques et de législations, que des groupes sociaux et des partis politiques
plaident pour une réelle lutte contre les inégalités sociales et la toute-puissance du monde de la finance,
il manque une réelle volonté politique et institutionnelle de la part des responsables politiques
républicains et démocrates pour traiter cette question et pour induire un réel changement.
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