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Exploration de la lexicographie numérique pour des apprenants du français en milieu professionnel

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Cet article explore les apports des applications numériques dans un contexte spécifique, celui de l’apprentissage du français par des immigrants qui travaillent dans de petits commerces au Québec. Nous nous intéresserons aux besoins d’apprenants travaillant dans un dépanneur (petite épicerie de quartier aux heures d’ouverture étendues), notamment à la nécessité de connaître la dénomination d’un nombre important d’articles variés, et ce dans différents registres. Les solutions proposées tiennent compte des technologies disponibles, mais surtout des possibilités qu’ouvre la culture numérique qui permet une souplesse dans le traitement des données en plus d’ajouter à l’écrit les apports de l’oral et de l’image.
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EXPLORATION DE LA LEXICOGRAPHIE NUMÉRIQUE POUR DES
APPRENANTS DU FRANÇAIS EN MILIEU PROFESSIONNEL
Wim Remysen, Nadine Vincent
Klincksieck | « Éla. Études de linguistique appliquée »
2021/1 N° 201 | pages 49 à 61
ISSN 0071-190X
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-ela-2021-1-page-49.htm
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EXPLORATION DE LA LEXICOGRAPHIE NUMÉRIQUE
POUR DES APPRENANTS DU FRANÇAIS
EN MILIEU PROFESSIONNEL
Résumé : Cet article explore les apports des applications numériques dans un
contexte spécifique, celui de l’apprentissage du français par des immigrants qui tra-
vaillent dans de petits commerces au Québec. Nous nous intéresserons aux besoins
d’apprenants travaillant dans un dépanneur (petite épicerie de quartier aux heures
d’ouverture étendues), notamment à la nécessité de connaître la dénomination d’un
nombre important d’articles variés, et ce dans différents registres. Les solutions
proposées tiennent compte des technologies disponibles, mais surtout des possibili-
tés qu’ouvre la culture numérique qui permet une souplesse dans le traitement des
données en plus d’ajouter à l’écrit les apports de l’oral et de l’image.
1. INTRODUCTION
Nous nous proposons de rééchir dans cet article aux possibles applications
de la lexicographie numérique dans un contexte spécique d’apprentissage
du français, celui du projet de jumelage linguistique J’apprends le français,
développé depuis 2017 par la Chambre de commerce du Montréal métropo-
litain (CCMM). Plus particulièrement, nous nous interrogeons sur la possi-
bilité de développer un outil destiné à l’enrichissement du vocabulaire chez
des apprenants qui ne suivent pas de cours de français traditionnels sur les
bancs d’école, mais qui apprennent plutôt cette langue sur leur lieu de travail,
en interaction avec les clients, et avec l’aide d’une mentore ou d’un mentor
étudiant. Dans ce contexte, les outils à la disposition des formateurs et des
apprenants sont assez limités et se résument essentiellement à des ouvrages
et cahiers d’apprentissage du français langue seconde et à des dictionnaires
professionnels généraux ou de spécialité, en version papier ou en ligne. La
créativité des formateurs fait le reste. Or, les besoins premiers sont générale-
ment plus oraux qu’écrits, et le projet se diffusant, il serait pertinent de pouvoir
disposer d’outils mieux adaptés à la clientèle cible. Plus particulièrement, ces
outils devraient faciliter le développement des compétences non seulement
linguistiques, mais aussi sociolinguistiques des apprenants (voir à ce sujet
Mougeon et al. 2002, Dewaele 2004, Howard et al. 2013).
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La question n’est pas simple et demande une révision des paramètres pris
habituellement en compte au moment de la description de la langue dans
les dictionnaires : quelle attention faut-il accorder à la norme ? comment
faut-il traiter les registres de langue, la variation diatopique ? un traitement
thématique (onomasiologique) ne serait-il pas plus utile qu’un traitement
alphabétique par liste de mots (sémasiologique) ? est-il possible de penser à
un outil évolutif s’adaptant aux apprentissages des utilisateurs ? L’exemple
choisi pour alimenter notre réexion est celui des apprenants travaillant dans
un dépanneur (petite épicerie de quartier aux heures d’ouverture étendues),
ce qui impliquera des besoins généraux (salutations, échanges de base) et
plus spéciques (connaissance des noms pour désigner un nombre important
d’articles variés). Nous tiendrons compte des limites des ressources actuelles,
mais surtout des possibilités qu’ouvre la culture numérique qui permet une
souplesse dans le traitement des données en plus d’ajouter à l’écrit les apports
de l’oral et de l’image.
2. LA FRANCISATION AU QUÉBEC
Le Québec accueille, bon an mal an, près de 50 000 immigrants par année,
dont environ 40 % ne parlent pas le français au moment de leur arrivée (chiffres
pour la période de 2012 à 2016, basés sur la connaissance linguistique déclarée
par les immigrants ; v. MIDI 2017 : 25 et suiv.). Sur le marché du travail, les
connaissances linguistiques constituent pour les nouveaux arrivants un enjeu de
taille, la maîtrise du français étant indispensable à l’accès à plusieurs emplois
et professions. Sur le plan social, l’insertion dans la société québécoise, la
participation à la vie de quartier et l’accès aux services gouvernementaux
nécessitent aussi une connaissance de la langue publique commune du Québec.
Si bien qu’en 2013, le Conseil supérieur de la langue française a déclaré que
l’apprentissage du français est un droit pour tous les habitants du Québec :
La réaffirmation du droit à l’apprentissage du français pour tous les Québécois et sa
concrétisation dans des actions doivent viser, d’une part, à accroître la maîtrise du
français, notamment à l’écrit, de tous les citoyens du Québec, qu’ils soient franco-
phones, anglophones ou allophones ; d’autre part, à permettre non seulement l’acqui-
sition du français par l’ensemble des Québécois allophones qui ne connaissent pas la
langue commune, particulièrement les nouveaux arrivants, mais aussi l’acquisition de
compétences techniques tant à l’oral qu’à l’écrit par ces derniers. (CSLF 2013 : 45)
Dans le contexte nord-américain, marqué par l’omniprésence de l’anglais,
la francisation n’est par ailleurs pas seulement un enjeu important pour assurer
la réussite socioprofessionnelle des immigrants ; l’adoption du français chez
les nouveaux arrivants est, depuis l’entrée en vigueur de la Loi 101 (ou Charte
de la langue française) en 1977, un élément-clé de la politique linguistique
québécoise
1
et elle demeure une préoccupation constante pour assurer la vitalité
et le maintien du français au Québec et plus largement au Canada (Corbeil
1. À titre d’exemple, la Loi 101 oblige les enfants immigrants à fréquenter l’école française, alors
qu’auparavant, plusieurs d’entre eux s’inscrivaient à l’école anglaise. Corbeil parle du « plus grand
succès de la Charte de la langue française » (2007 : 280).
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2007). Cela est d’autant plus vrai que la majorité de la population immigrante
au Québec choisit de s’établir dans la grande région de Montréal, où l’anglais
est plus présent qu’ailleurs dans la province. En 2016, près de 85 % (environ
930 000 personnes) des immigrants québécois se sont en effet installés dans
la région, où ils représentent près du quart de la population (OGM 2019).
Tout comme l’accueil des nouveaux arrivants, la francisation est, depuis
l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration en 1991
2
, une responsabilité
qui incombe au gouvernement du Québec. Ce dernier détient des pouvoirs
particuliers dans le domaine de la sélection de ses immigrants économiques et
de leur intégration. Le gouvernement québécois fait ainsi d’importants efforts
pour que les nouveaux arrivants puissent apprendre le français, à travers tout
un éventail de programmes et de cours de langue 3, dont plusieurs sont offerts
en collaboration avec des partenaires issus des milieux public, parapublic et
privé ; que l’on pense entre autres aux commissions scolaires, aux cégeps
(des établissements d’enseignement postsecondaires) et aux universités, aux
organisations syndicales ou encore à certains organismes à but non lucratif
(CSLF 2018). Des formations sont aussi offertes en milieu de travail, surtout
dans certains domaines professionnels comme la santé, l’administration, le
droit ou encore le génie et les sciences.
Malgré une offre de cours variée, la francisation des adultes soulève de
nombreux problèmes qui sont désormais bien documentés (v. CSLF 2018 :
74 et suiv. pour une synthèse des travaux consacrés à la problématique). Il
demeure en effet difcile de rejoindre certaines personnes et le nombre d’appre-
nants du français qui atteignent l’autonomie langagière à l’oral a fortement
reculé au cours de la dernière décennie, selon une étude récente menée par le
Véricateur général du Québec (2017). Les obstacles à la francisation sont
de plusieurs ordres (v. CSLF 2018 : 89 et suiv.) :
économique (pensons à la disponibilité des ressources nancières per-
mettant de se consacrer à l’apprentissage du français) ;
organisationnel (absence de guichet unique, accessibilité aux cours,
éloignement du lieu de formation, gestion du temps) ;
culturel (difculté pour les femmes, dans certaines communautés, de
s’inscrire aux cours) ;
social (interactions limitées avec des locuteurs du français en dehors
de la salle de classe) ;
didactique (inadéquation entre les attentes des apprenants et l’orientation
des cours).
Le dernier point est particulièrement important pour nos propos et concerne
deux problèmes récurrents dans la conception des cours de francisation. D’une
part, l’approche communicative qui est privilégiée dans les cours en franci-
2. Cette situation est particulière dans le contexte canadien étant donné que l’immigration est
une compétence qui relève du gouvernement fédéral.
3. Voir entre autres la page « Apprendre le français » sur le site du gouvernement du Québec,
disponible à quebec.ca/education/apprendre-le-francais (page consultée le 15 janvier 2021)
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sation peut nuire à l’approfondissement du français écrit chez les apprenants
plus avancés (Yaba et al. 2016). Pourtant, la maîtrise de l’écrit est souvent
un facteur d’employabilité important pour les nouveaux arrivants. D’autre
part, cette même approche communicative ne tient pas toujours sufsamment
compte de l’enseignement de la norme du français oral, en général, et celle du
français oral en contexte québécois, en particulier (v. à ce sujet Calinon 2009 :
242 et suiv.). Pourtant, il est essentiel pour un nouvel arrivant au Québec de
se familiariser avec certaines particularités de l’oral ; par exemple, il a besoin
d’apprendre que les phrases interrogatives peuvent être formées, en français
québécois, par l’ajout de la particule -tu (comme dans On y va-tu ?) ou encore
que, comme ailleurs dans la francophonie, les Québécois n’utilisent que peu
le ne dans les phrases négatives en contexte spontané. C’est sans compter
l’apprentissage de toute une série de mots courants dans la langue quotidienne
que les manuels de français passent souvent sous silence.
L’absence d’enseignement explicite de ces mots et de ces traits, auxquels
les apprenants sont pourtant fréquemment exposés, est à l’origine de bien
des frustrations de la part des apprenants dont plusieurs ont déjà beaucoup
de difculté à concilier un emploi du temps fort occupé avec l’investissement
nécessaire pour l’apprentissage d’une nouvelle langue. Dans leur rapport, basé
sur une étude menée auprès de 110 nouveaux arrivants installés à Montréal,
Amireault et Lussier (2008) recommandent d’ailleurs que l’apprentissage de
la langue informelle soit davantage mis de l’avant dans les cours de français :
Il est primordial de mettre davantage l’accent sur l’apprentissage informel afin que
les immigrants puissent mieux comprendre et se faire comprendre dans leur vie quo-
tidienne[.]
Il pourrait être souhaitable d’insister sur certains éléments linguistiques et culturels
propres au français parlé au Québec. Selon les participants, il s’agit là d’une des prin-
cipales lacunes des cours de francisation ; les immigrants se sentent à l’aise en français
dans la salle de cours, mais ont de la difficulté à comprendre les Québécois franco-
phones dans la vie de tous les jours. (Amireault et Lussier 2008 : 40)
3. LE PROJET DE JUMELAGE LINGUISTIQUE
J’APPRENDS LE FRANÇAIS DE LA CHAMBRE DE COMMERCE
DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN
Pour compléter l’offre de cours en matière de francisation, la Chambre de
commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a mis sur pied, en janvier 2017,
un projet de jumelage linguistique dans le but d’offrir des ateliers de conversation
à des apprenants de français. Cette initiative, baptisée J’apprends le français,
consiste plus particulièrement à jumeler des étudiants universitaires (appelés
mentors) issus de domaines variés (langues et linguistique, communication,
traduction, littérature) à des commerçants immigrants qui souhaitent apprendre
le français (ou le perfectionner), mais qui manquent de temps pour s’inscrire
à des cours, une difculté fréquemment soulevée comme nous l’avons vu.
Les apprenants, qui travaillent dans des commerces de proximité (restaurant,
nettoyeur, dépanneur, salon de coiffure, épicerie locale, etc.), suivent leur cours
pendant leurs heures de travail : ce sont les étudiants qui se déplacent et qui
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accompagnent l’apprenant pendant une partie de sa journée de travail (p.ex.
lorsqu’il fait la caisse, passe une commande, discute avec les clients, etc.).
Le projet est par ailleurs accompagné d’une campagne publicitaire destinée à
sensibiliser les clients francophones des commerces participants au rôle qu’ils
jouent dans le processus d’apprentissage des nouveaux arrivants. Un sondage
mené par la CCMM (et rapporté dans CCMM 2017 : 21) a en effet montré
que les clients francophones ont souvent tendance, lorsqu’ils échangent avec
les commerçants allophones, à utiliser l’anglais comme langue d’échange,
ce qui peut créer une situation où le commerçant juge que l’apprentissage du
français n’est pas prioritaire. Or, en sensibilisant la clientèle à l’importance
du choix de la langue ou encore aux difcultés que vivent les apprenants du
français, les clients comprennent rapidement qu’ils peuvent devenir des acteurs
dans le processus de francisation, par exemple en ralentissant leur débit, en
expliquant un nouveau mot ou une nouvelle expression, ou simplement en
encourageant l’apprenant à poursuivre ses efforts.
D’abord implanté dans le quartier Côte-des-Neiges, un des quartiers les
plus plurilingues de Montréal, puis déployé dans plusieurs autres arrondisse-
ments montréalais, ce projet a fait depuis 2018 ses premiers pas à l’extérieur
de la région métropolitaine, notamment à Sherbrooke, grâce à un projet-pilote
soutenu par le Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage
au Québec (CRIFUQ) de l’Université de Sherbrooke. Sherbrooke est un lieu
tout à fait désigné pour l’implantation du projet : 7,1 % de la population sher-
brookoise est d’origine immigrante 4 et la ville accueille un nombre important
de réfugiés. Comme à Montréal, le projet sherbrookois est basé sur le principe
de l’accompagnement personnalisé. Les étudiants formateurs passent deux
heures par semaine dans les commerces des apprenants et orientent la matière
enseignée en fonction des besoins spéciques de ceux-ci, ce qui implique
de tenir compte du type d’entreprise, mais aussi de la maîtrise du français
de chacun, et plus globalement de son alphabétisation et de ses capacités et
motivations à se retrouver dans un processus d’apprentissage. Cette approche
personnalisée est au cœur de la démarche privilégiée. La formation offerte
est axée sur l’oral, puisqu’il s’agit de faire du français la principale langue
d’accueil et de service utilisée par le commerçant.
Le projet utilise l’Échelle québécoise des niveaux de compétence en fran-
çais des personnes immigrantes adultes (MICC 2011), qui sert de cadre de
référence commun à toutes les initiatives dans le domaine de la francisation
au Québec. Cette grille permet notamment d’évaluer le niveau des apprenants
et de mesurer leur progression. L’échelle compte 12 niveaux d’apprentissage,
regroupés en trois stades : débutant (niveaux 1-4), intermédiaire (niveaux
4. Cette situation ne se compare bien sûr pas au contexte montréalais (23,4 %), mais la proportion
d’immigrants qui vit à Sherbrooke (7,1 %) est plus élevée que celle que l’on trouve dans la région
de Québec, qui est la capitale nationale de la province (5,7 %). À titre comparatif, à Trois-Rivières
et à Saguenay, des villes de taille comparable à celle de Sherbrooke, la proportion se chiffre res-
pectivement à 3,2 % et 1,3 % (selon Statistiques Canada 2016 ; voir https://www12.statcan.gc.ca/
census-recensement/2016/dp-pd/prof/index.cfm?Lang=F (page consultée le 15 janvier 2021)
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5-8) et avancé (niveaux 9-12)
5
. Les apprenants qui s’inscrivent au projet
sont de niveau débutant ou intermédiaire et le but ultime est de les amener à
devenir des locuteurs autonomes. Dans les faits, cela revient à leur permettre
d’atteindre le niveau le plus avancé du stade intermédiaire (niveau 8 sur 12
niveaux possibles). C’est à ce niveau que l’apprenant est censé « maîtriser
le vocabulaire usuel de son champ professionnel » (MICC 2011 : 27), cible
de formation particulièrement importante compte tenu des orientations du
projet. Plus largement, l’apprenant doit disposer à ce stade des compétences
suivantes en ce qui concerne la langue orale :
(Production orale) Communique de façon autonome, quand la situation est prévisible
ou partiellement prévisible, dans des conversations ou des présentations informelles
sur des thèmes concrets ou certains sujets d’intérêt général liés à des besoins courants
ou particuliers à des groupes de personnes. (MICC 2011 : 26)
(Compréhension orale) Comprend sans aide, quand la situation est prévisible ou par-
tiellement prévisible, le contenu de conversations ou de discours en français standard
et au débit normal portant sur des thèmes concrets ou sur certains sujets d’intérêt
général liés à des besoins courants ou particuliers à des groupes de personnes. (MICC
2011 : 54)
L’enseignement du français oral utilisé en contexte québécois demeure
un dé pour tous les mentors impliqués dans le projet. S’il existe certaines
méthodes qui mettent de l’avant des traits de la langue orale (que l’on pense
au manuel Par ici), les outils disponibles sont généralement peu adaptés au
contexte québécois. Un autre problème fréquemment soulevé est l’absence
de listes de vocabulaire thématiques qui permettraient aux apprenants de
mieux se familiariser avec le lexique lié à leur milieu de travail. Par ailleurs,
les mentors n’ont pas toujours une formation avancée en linguistique et ils
transmettent, bien souvent malgré eux, certains préjugés à l’endroit de la
langue orale ou encore à l’endroit du français québécois aux apprenants.
Il est donc important de leur proposer des outils qui portent un regard non
normatif sur la langue qu’ils doivent enseigner. Les rencontres régulièrement
tenues avec les mentors ainsi que la consultation des journaux de bord qu’ils
produisent après chaque séance montrent bien que les questionnements sont
nombreux. En tant que responsables du projet à Sherbrooke, et membres
du comité pédagogique du projet à Montréal, nous estimons que dans le
dossier de la francisation, il est essentiel de rééchir à des façons d’outiller
à la fois les mentors (par exemple par la préparation d’ateliers de formation
sur la norme de l’oral, v. Vachon 2020) et les apprenants (par exemple par
la conception de lexiques thématiques et d’outils lexicographiques). Pour
ce dernier point, la lexicographie numérique nous paraît ouvrir des pistes
innovantes et prometteuses.
5. Pour le lecteur davantage familier avec le cadre de référence européen, ces niveaux correspondent
respectivement aux niveaux A1 et A2 (débutant), B1 et B2 (intermédiaire) et C1 et C2 (avancé).
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4. LES LIMITES DE LA LEXICOGRAPHIE ACTUELLE
Pour l’apprentissage du français, et spécialement du français oral, les pos-
sibilités qu’offre le numérique sont encore sous-utilisées. Les dictionnaires en
ligne, pour ne citer qu’eux, reproduisent les mêmes informations et la même
organisation que l’on peut retrouver dans les ouvrages papier.
Prenons à titre d’exemple la description des formules de salutation et
comparons ce que disent pour le mot ciao le Petit Robert 2021, dictionnaire
français qui duplique en ligne le contenu de sa version papier, le dictionnaire
québécois Usito
6
, outil professionnel entièrement conçu en version numérique,
et le dictionnaire collaboratif Wiktionnaire, qui n’existe lui aussi qu’en ligne
7
.
Figure 1 : Tchao et ciao dans le Petit Robert 2021, Usito et le Wiktionnaire
Les trois ouvrages indiquent, avec le même langage codé, que ce mot est
d’origine italienne, que c’est une interjection (le Robert l’atteste aussi comme
nom masculin), qu’il est de registre familier, qu’il signie « au revoir », qu’il se
prononce [tʃaw] ou [tʃao], et qu’il en existe une variante graphique, plus conforme
à la prononciation en français (qui est la même qu’en italien d’ailleurs) : tchao.
Notons que le français n’a emprunté à l’italien qu’une de ses acceptions : alors
qu’en italien ciao peut servir de salutation de prise de contact et de départ, en
français on ne dit ciao qu’en se quittant. Pour les apprenants du français, bien des
renseignements sont ici absents ou ardus à décoder (comme les abréviations ou les
symboles qui sont utilisés), notamment en raison de traditions liées à la contrainte
d’espace. En ligne, les informations pourraient être présentées différemment.
Par exemple, comme l’alphabet phonétique international n’est générale-
ment pas connu des utilisateurs, la transcription des prononciations n’est pas
transparente. La prononciation du mot pourrait être entendue en cliquant sur
un icone, comme plusieurs dictionnaires en ligne l’offrent déjà. Ensuite, plutôt
que de dénir ciao par un synonyme précédé d’une marque abrégée (fam.),
il serait souhaitable d’améliorer la lisibilité de l’information en la phrasant :
« Formule familière pour saluer quelqu’un que l’on quitte ou qui s’en va. »
L’absence de limite spatiale et l’organisation différente de l’information pour-
rait aussi permettre la création d’un hyperlien pour « formule familière » où
dans une autre fenêtre on apprendrait qu’elle ne s’emploie qu’avec des gens
que l’on connaît (famille, amis, proches). Il serait aussi pédagogiquement
intéressant d’indiquer les combinaisons possibles, mais aussi les combinaisons
6. Ce dictionnaire est disponible à l’adresse usito.usherbrooke.ca.
7. Ce dictionnaire est disponible à l’adresse https://fr.wiktionary.org/wiki/Wiktionnaire:Page_d’accueil.
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impossibles. Ainsi, il serait adéquat de dire « Ciao tout le monde », « Ciao les
enfants » ou « Ciao Julien », mais on ne dira pas « Ciao Monsieur » ou « Ciao
Madame ». Et les limites sont innies. Le déploiement de l’information per-
mettrait ici de donner davantage d’exemples puisés dans des contextes authen-
tiques et de proposer d’autres formules familières possibles (par exemple : à
la prochaine, à la prochaine fois, à la revoyure, bye, bye-bye, salut). Compte
tenu de l’importance pour les apprenants de se familiariser avec les registres
de langue, l’information proposée pourrait inclure des formules neutres (au
revoir et bonjour, avec possibilité ici de « Au revoir Monsieur ! », « Bonjour
Madame ! », en précisant que bonjour comme formule de salutation de départ
est spécique au Québec). Le mot serait ainsi présenté dans son contexte
d’utilisation plus large, ce qui permettrait de signaler les combinaisons de
salutations possibles (Ciao, à demain ! Ciao, à la prochaine ! Ciao, bonne
soirée ! Ciao-bye !), et de l’insérer dans tout un champ conceptuel, par exemple
en faisant des liens vers les formules de salutation de prise de contact (bonjour,
salut, etc.) ou spéciques à certains moments de la journée (bon matin, bonne
soirée, bonne nuit, etc.) et ainsi de suite.
Cet éclatement de la description du français se déploiera sans doute dans les
prochaines générations de dictionnaires en ligne, mais le numérique peut aussi
permettre de moduler davantage l’apprentissage d’une langue en fonction de
besoins spéciques. Par exemple, l’information concernant l’étymologie d’un
mot n’est pas pertinente pour un apprenant débutant, mais elle pourrait être
d’intérêt pour un apprenant plus avancé. Ou encore, les exemples fournis pour un
mot pourraient changer selon le degré d’avancement de l’apprenant qui pourrait
progressivement être confronté à des exemples plus complexes et plus riches.
5. LE DÉFI D’UN DÉPANNEUR
POUR DES APPRENANTS DÉBUTANTS
Comme nous l’avons précisé plus tôt, nous avons tenté d’imaginer, dans
un contexte de francisation d’immigrants travaillant dans des commerces de
proximité, comment la technologie pouvait s’adapter à l’apprenant plutôt que
de demander à l’apprenant de s’adapter au modèle traditionnel de description
et d’apprentissage de la langue.
Pour la présente démonstration, nous nous sommes arrêtés au contexte
d’un dépanneur, petite épicerie de quartier aux heures d’ouverture étendues.
Une des caractéristiques de ce type de commerce est l’inventaire important
de produits d’usage courant, mais assez disparates (lait, pain, bière, sucre,
farine, journaux, billets de loterie, cigarettes, conseries, produits de nettoyage,
articles d’hygiène, etc.).
Nous supposons que le client entre généralement dans un dépanneur à la
recherche d’un produit précis, dont il a un besoin urgent, ce qui génère des
questions qui nissent par toutes se ressembler :
Je voudrais… du (beurre), de la (conture), des (cigarettes)…
Je cherche le…
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Avez-vous du…
Est-ce que je pourrais avoir du…
Pouvez-vous me dire où est le…
T’as-tu du…
• Etc.
Quel que soit le registre employé par le client, et bien que les constructions
puissent varier, le produit recherché termine habituellement la phrase. Au
stade « débutant » (niveaux 1 à 4), il apparaît donc plus utile que l’apprenant
commence par bien connaître son inventaire et toutes les façons dont on peut
nommer un même produit que de se concentrer sur les différents types de
questions possibles, par exemple.
En effet, en raison de leur proximité dans la vie quotidienne, les produits
disponibles dans un dépanneur connaissent parfois plusieurs dénominations
marquées par la variation. Cette diversité des possibilités demande à l’appre-
nant d’enrichir sa compréhension de l’oral, et de distinguer ce qu’il entend de
ce qu’il pourra lui-même reproduire dans sa production orale.
Ainsi, si un client entre dans un dépanneur et demande de la petite vache,
le commerçant doit comprendre qu’on lui demande du bicarbonate de soude
(ou bicarbonate de sodium). Certaines personnes appellent familièrement
ce produit de la petite vache, en raison de la vache apparaissant sur la boîte
de marque Cow Brand, très populaire à une certaine époque 8. Les marques
s’étant diversiées, l’appellation petite vache est en voie de disparition chez
les jeunes générations. C’est ici un cas typique de variation diachronique.
Le commerçant, quand il fera affaire avec son fournisseur, doit donc utiliser
la dénomination standard bicarbonate de soude, mais doit être en mesure
de comprendre ce qu’on lui demande si un client cherche de la petite vache.
La variation diaphasique est assurément une grande productrice de synonymes
pour les articles que l’on retrouve dans un dépanneur. En guise d’exemples, le
dentifrice s’appelle aussi pâte à dents (de l’anglais toothpaste), le fromage en
grains, crottes de fromage, la levure chimique, poudre à pâte, et la gomme à
mâcher, gomme balloune. Parfois, les emplois familiers sont d’ailleurs beau-
coup plus courants que les emplois standard. Ainsi, les clients demanderont
assurément un gratteux s’ils désirent un billet de loterie à gratter, la majorité
des gens ignorant la dénomination standard de ce produit (billet à gratter). Les
noms de loterie (6-49, Lotto Max, Banco, etc.) peuvent aussi être directement
utilisés, comme les noms déposés pour une multitude d’autres produits (kleenex,
popsicle, barre Mars, 7Up, Pepsi, Du Maurier, Q-tips, Cutex, Nutella, etc.).
Enn, nous ne pourrions passer sous silence ici la variation diatopique,
puisque plusieurs Québécois, d’immigration récente ou non, utilisent des
mots qui sont habituels dans d’autres variétés de français plutôt que dans
8. Dans une publicité de 1988 de bicarbonate de soude de marque Cow Brand, la petite vache
devient un personnage qui s’active pour assurer la fraîcheur du réfrigérateur (voir l’annonce en ligne
https://www.youtube.com/watch?v=aLH92tlBmQg).
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la variété québécoise. Un commerçant doit donc savoir qu’on lui parle de
la même chose lorsqu’il se fait demander du pain tranché (Québec) ou du
pain de mie (France), du yogourt (Québec) ou du yaourt (France), de la laine
d’acier (Québec) ou de la paille de fer (France).
Et toutes ces variations peuvent bien sûr se cumuler ; on n’a qu’à penser aux
différentes façons de nommer une cigarette (mot standard et panfrancophone) :
smoke (Québec, familier), clope (France, familier), Gauloises, Players, etc.
L’apprenant se trouve donc face à une liste nie de référents, mais face à une
multitude de dénominations possibles.
6. LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE L’APPRENTISSAGE
DU FRANÇAIS LANGUE SECONDE
Si un même produit peut avoir plusieurs appellations, quel est l’ADN distinct
de chacun d’eux, ou plutôt son empreinte digitale ? Dans un commerce, c’est
son code-barres (ou code à barres). Un code-barres est un codage spécique,
détectable par lecteur optique, et constitué d’une série de barres verticales
numérotées. Chacun est unique et correspond à un seul produit (incluant le
format et la marque). Cette banque de données stable, et partagée par les
commerces, nous semble être un point de départ intéressant à explorer pour
l’acquisition du vocabulaire.
L’avenue que nous proposons est très ciblée en fonction d’un apprenant
spécique et des contraintes de son environnement de travail. En utilisant
les codes-barres et en nous servant du lecteur optique comme support infor-
matique 9, nous avons cherché à bonier un appareillage déjà présent. Nous
pensons qu’il serait possible de proposer une ressource légère et pertinente pour
permettre l’enrichissement du vocabulaire des commerçants en apprentissage.
En ajoutant un module au procédé de décodage existant, le commerçant
aurait accès, en lisant un code-barres :
1) Au nom du produit ;
2) À sa prononciation ;
3) À des exemples d’utilisation ;
4) À l’indication de la présence/fréquence du mot à l’oral et à l’écrit ;
5) À ses synonymes courants, notamment ceux utilisés dans d’autres
registres (accompagnés des mêmes informations), ou encore aux mots
apparentés (des hyperonymes, par exemple) ;
6) À des hyperliens vers des informations supplémentaires (produits
apparentés, par exemple).
9. Nous sommes bien conscients que l’espace sur un lecteur optique est limité et que certaines de
nos propositions seraient sans doute plus faciles à développer pour un téléphone intelligent. Il serait
alors possible de recourir à des applications ouvertes (par exemple Open Food Facts) qui permettent
de numériser des produits et d’y associer des informations de nature diverse.
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Prenons le cas d’un dentifrice de marque Colgate. Il en existe plusieurs
formats (70 ml, 90 ml, 130 ml) et plusieurs déclinaisons : en pâte, en gel, en
poudre, liquide, à croquer, blanchissant, antitartre, qui combat la carie, etc.
La fenêtre du lecteur optique pourrait être divisé en trois sections. Selon le
modèle proposé plus bas, la première section serait consacrée aux informations
linguistiques liées au produit. On trouverait donc d’abord la dénomination
neutre (standard) de l’article ainsi que sa prononciation. Des icones (une
bouche pour l’oral, un crayon pour l’écrit) et les signes de sommation ou de
soustraction permettraient d’indiquer la présence ou non du mot à l’oral (et
plus largement dans la langue spontanée) et à l’écrit (et plus largement dans
la langue soignée). Puis des exemples illustreraient l’utilisation du mot, ici en
présentant un cooccurrent fréquent (tube de dentifrice) et le genre masculin du
mot (du dentifrice). Enn seraient proposés les synonymes (ici pâte à dents) et
de nouveau la prononciation, la fréquence à l’oral et à l’écrit et des exemples.
Dans la deuxième section, on trouverait les informations commerciales du
produit, c’est-à-dire une image du produit lui-même, sa marque, son nom, son
format et son prix (variable, d’un magasin à l’autre). Un lien cliquable et lié
à l’inventaire permettrait de savoir quels autres dentifrices sont disponibles
dans le commerce (marque, format, prix, etc.).
La troisième section proposerait des produits apparentés accompagnés des
noms qui les désignent, permettant ainsi à l’apprenant de se familiariser avec
d’autres mots qui pourraient lui être utiles et ainsi élargir son vocabulaire (ici,
brosse à dents, rince-bouche et soie dentaire). Ces noms seraient cliquables, ce
qui permettrait à l’apprenant d’avoir accès à des informations supplémentaires
au sujet des noms apparentés dans les ches qui leur seraient consacrées.
Seule la section commerciale varierait d’un dentifrice à l’autre, alors que
la section linguistique et celle sur les produits apparentés seraient stables. Le
commerçant pourrait ainsi identier sous un même nom les différents denti-
frices, malgré parfois des formats très différents. Et bien sûr, les informations
pourraient être enrichies en fonction du niveau de l’apprenant.
Figure 2 : Fenêtre du lecteur optique pour le dentifrice Colgate Total blanchissant de 70 ml
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Nous aurions pu multiplier les exemples, mais tel n’était pas l’objet de cet
article. Nous soumettons en fait à la réexion une proposition concrète, non
pas parce que nous la trouvons exemplaire (elle n’a pas été testée), mais bien
pour démontrer que d’autres modèles sont possibles, conçus d’abord et avant
tout en fonction de l’utilisateur visé, ici l’apprenant du français.
7. CONCLUSION
Les propositions contenues dans cet article visent à démontrer que les
possibilités du numérique restent encore à explorer. Nous n’en sommes qu’à
la phase d’idéation de ce projet et sommes bien conscients qu’il faudra, notam-
ment, passer plusieurs heures dans un dépanneur pour étudier la dynamique
commerçant-client et mener quelques expériences pilotes pour valider ou
bonier les solutions proposées.
Notre motivation première était de démontrer que l’utilisation du numérique
devrait permettre de repenser la description de la langue plutôt que de ne faire
que transférer sur un nouveau support des modèles déjà rebattus. Ainsi, nous
avons voulu ici proposer une modulation des outils en fonction de besoins
spéciques plutôt que d’uniformiser la description. Cette modulation, en
contexte d’apprentissage de l’oral pour des commerçants immigrants au stade
débutant, met l’accent sur l’usage, en priorisant la fréquence des emplois plutôt
que leur valeur normative. Nous soulignons la distinction entre la fréquence
à l’oral et à l’écrit, parce que l’apprenant devra se diriger progressivement
vers une maîtrise de la langue écrite également et qu’il y est confronté dès le
départ (par son contact avec ses fournisseurs, par exemple).
Les outils numériques sont ainsi appelés à combler des besoins non satis-
faits par d’autres supports (papier, audio, visuel, etc.). Pour ce faire, il sera
indispensable de faire travailler de concert les concepteurs d’outils et les
fournisseurs de contenu. Le recyclage de contenus existants sur des supports
nouveaux a constitué le premier échelon des technologies numériques. Le
temps est venu de changer de paradigme.
Wim REMYSEN et Nadine VINCENT
Université de Sherbrooke
RÉFÉRENCES
AMIREAULT, Valérie et Denise LUSSIER. 2008. Représentations culturelles,
expériences d’apprentissage du français et motivations des immigrants adultes
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CALINON, Anne-Sophie. 2009. Facteurs linguistiques et sociolinguistiques de
l’intégration en milieu multilingue : le cas des immigrants à Montréal, thèse
de doctorat présentée à l’Université de Montréal et à l’Université de Franche-
Comté.
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Livre ELA 1-2021.indb 61Livre ELA 1-2021.indb 61 06/04/2021 11:0806/04/2021 11:08
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Chapter
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Book synopsis: From its beginnings in the 1960s, sociolinguistics developed several different subfields with distinct methods and interests: the variationist tradition established by Labov, the anthropological tradition of Hymes, interactional sociolinguistics as developed by Gumperz, and the sociology of language represented by the work of Fishman. All of these areas have seen a great deal of growth in recent decades, and recent studies have led to a more broadly inclusive view of sociolinguistics. Hence there is a need for a handbook that will survey the main areas of the field, point out the lacunae in our existing knowledge base, and provide directions for future research. The Oxford Handbook of Sociolinguistics will differ from existing work in four major respects. First, it will emphasize new methodological developments, particularly the convergence of linguistic anthropology and variationist sociolinguistics. Second, it will include chapters on sociolinguistic developments in areas of the world that have been relatively neglected in the major journals. Third, its chapters are written by contributors who have worked in a range of languages and whose work addresses sociolinguistic issues in bi- and multilingual contexts, i.e. the contexts in which a majority of the world's population lives. Finally, it will include substantial material on the rapidly growing study of sign language sociolinguistics.
Article
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The present contribution presents an overview of studies in French as a second (L2) and/or foreign language that consider the effects of extralinguistic variables (mostly instructional, experiential and situational factors) on the development of sociolinguistic competence. It focuses specifically on variation between informal and formal variants in phonology, morphology, morpho-syntax and the lexicon.
Article
Full-text available
In this paper we present a synthetic overview of the findings of research on the learning sociolinguistic variation by advanced learners of French as a foreign or second language. Our paper is chiefly focused on advanced learners in an educational setting. Before we present our overview, we discuss the notion of linguistic variation and we place the above-mentioned research in the broader field of SLA studies. We briefly describe the goals and methodology of a research project on the spoken French of Immersion students in Ontario, which constitutes a good illustration of this line of research.
L'embarras des langues : origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise
  • Jean-Claude Corbeil
CORBEIL, Jean-Claude. 2007. L'embarras des langues : origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise. Montréal : Québec Amérique.
Échelle québécoise des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes
MICC (Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles). 2011. Échelle québécoise des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes. Québec : Gouvernement du Québec.
La norme de l'oral en français québécois et son application dans l'enseignement du français langue seconde en contexte d'immigration au Québec, essai de maîtrise présenté à l
  • Paméla Vachon
VACHON, Paméla. (2020). La norme de l'oral en français québécois et son application dans l'enseignement du français langue seconde en contexte d'immigration au Québec, essai de maîtrise présenté à l'Université de Sherbrooke.
Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l
  • Vérificateur Général
  • Québec
VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC. 2017. Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l'année 2017-2018. Québec, rapport non publié.
« La première francisation des immigrants adultes au Québec : clef de l'intégration sociale ou barrière pour l'insertion professionnelle ?
  • André Yaba
  • Olivier Dezutter
  • Lacourse France
YABA, André, Olivier DEZUTTER et France LACOURSE. 2016. « La première francisation des immigrants adultes au Québec : clef de l'intégration sociale ou barrière pour l'insertion professionnelle ? », Enjeux, n o 90, p. 47-59.