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Humanités numériques
3 | 2021
Humanitésnumériquesspatialisées
Restituer les bidonvilles de Nanterre : l’apport d’un
outil de visualisation 3D à un projet de sciences
sociales
Restoring the Shantytowns of Nanterre: Benefits of a 3D Visualisation Tool for a
Social Sciences Project
PaulLecat,ÉmileBlettery,LætitiaDelavoipière,FrédéricSaly-Giocanti,
SylvaineConord,ValérieGouet-Brunet,AlexandreDevaux,MathieuBrédif
etFrédéricMoret
Éditionélectronique
URL : https://journals.openedition.org/revuehn/1946
ISSN : 2736-2337
Éditeur
Humanistica
Référenceélectronique
Paul Lecat, Émile Blettery, Lætitia Delavoipière, Frédéric Saly-Giocanti, Sylvaine Conord, Valérie Gouet-
Brunet, Alexandre Devaux, Mathieu Brédif et Frédéric Moret, « Restituer les bidonvilles de Nanterre :
l’apport d’un outil de visualisation 3D à un projet de sciences sociales », Humanités numériques [En
ligne], 3 | 2021, mis en ligne le 01 mai 2021, consulté le 10 mai 2021. URL : http://
journals.openedition.org/revuehn/1946
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3 | 2021
Humanités numériques spatialisées
INTÉGRATION ET USAGES DES DONNÉES HISTORIQUES ET PATRIMONIALES
Restoring the Shantytowns of Nanterre: Benefits of a
3D Visualisation Tool for a Social Sciences Project
Paul Lecat, Émile Blettery, Lætitia Delavoipière, Frédéric
Saly-Giocanti, Sylvaine Conord, Valérie Gouet-Brunet,
Alexandre Devaux, Mathieu Brédif et Frédéric Moret
Au milieu des années 1950 surgissent à Nanterre les premières ca-
banes de fortune abritant des travailleurs algériens. Bientôt, ces ba-
raques informelles s’agrègent et finissent par former des ensembles
urbains, présentés et administrés comme des bidonvilles, et la ville de
Nanterre y est alors durablement associée. Cet article se propose de reve-
nir sur une expérience de recherche interdisciplinaire autour de cet objet
d’étude. Des chercheurs en histoire et en sociologie urbaine ont collaboré
avec des informaticiens de l’IGN afin d’utiliser et d’enrichir une plate-
forme de spatialisation et de visualisation de données hétérogènes pour
documenter l’histoire de ces bidonvilles et comprendre la formation et la
permanence de ces lieux dans la mémoire collective actuelle.
In the mid-1950s, the first improvised huts for Algerian workers ap-
peared in Nanterre. Soon, these informal shacks grew together and end-
ed up forming urban complexes, presented and administered as
shantytowns, and the city of Nanterre was then durably associated with
them. This article proposes to review an interdisciplinary research expe-
rience around this object of study. Researchers in urban history and so-
ciology collaborated with computer scientists from the IGN in order to
use and enrich a platform for spatialisation and visualisation of hetero-
humanités
numériques
Restituer les bidonvilles de Nanterre :
l’apport d’un outil de visualisation 3D à un
projet de sciences sociales
Résumés
geneous data to document the history of these shantytowns and to un-
derstand the formation and permanence of these places in the current
collective memory.
humanités numériques spatialisées, histoire, système d’information géographique,
sociologie, imagerie, analyse spatiale
spatial digital humanities, geographic information system, history, sociology, image
processing, spatial analysis
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MOTS-CLÉS :
KEYWORDS:
Dans les années 1950, alors que la France se reconstruit progressive-
ment, les taudis et les bidonvilles s’étendent dans les périphéries des
villes, en particulier dans l’agglomération parisienne. Cette nouvelle
« crise du logement » (Fourcaut et Voldman 2013) et la « question des bi-
donvilles » (Blanc-Chaléard 2016) s’imposent dans le débat public, sur-
tout après l’appel de l’abbé Pierre lors de l’hiver 1954. En parallèle de
vastes opérations urbaines modernes, une autre ville se construit donc,
particulièrement précaire et caractérisée par une mobilité et une fluidité
intense. Les bidonvilles de Nanterre, qui se forment au milieu des an-
nées 1950, s’imposent rapidement dans les esprits comme le symbole de
cet habitat délabré, cristallisent de ce fait toutes les représentations et
attirent le regard des observateurs sociaux et de l’administration. Pour
autant, le moment et les raisons de la formation de ces bidonvilles de-
meurent méconnus. De même, la matérialité concrète de ces ensembles
urbains s’efface souvent devant les quelques photographies misérabi-
listes qui restent bien gravées dans les mémoires. Du fait de leur nature,
les logements informels de ces bidonvilles laissent effectivement peu de
documentation archivistique au moment de leur formation et dispa-
raissent ensuite sans laisser de traces matérielles. Il n’est effectivement
pas nécessaire de déposer un permis de construire ou de procéder à
l’achat d’un terrain devant un notaire pour élever sa baraque sur un ter-
rain vague de Nanterre. Les sources concernant ces formes urbaines
existent pourtant : les bidonvilles ont été largement investis par le mi-
lieu associatif et les pouvoirs publics, qui ont produit une abondante do-
cumentation peu exploitable car elle est éclatée au sein de nombreux
lieux de conservation avec de fortes difficultés d’accès. En particulier,
deux types d’archives ont retenu notre attention pour aborder ces pro-
blématiques : d’une part, le recensement de 1954 du département de la
Seine à l’échelle de l’îlot livre des données sur la morphologie sociale et
spatiale de la ville de Nanterre, notamment sur la situation du loge-
ment ; d’autre part, les fonds de photographies aériennes permettent
d’appréhender la matérialité de ces constructions et d’intégrer une vi-
sion diachronique des changements urbains de la commune. Pour ex-
ploiter ces sources et composer ce corpus de recherche, il convient donc
de procéder au traitement et au croisement de ces données de natures
très diverses qui n’ont pour seul point commun qu’un certain ancrage
spatial. Évidemment, le classique système d’information géographique
(SIG) s’est imposé dans un premier temps, en particulier pour l’exploita-
1
tion du recensement. Cependant, le besoin d’un outil de traitement et de
visualisation plus poussé nous a conduits à nous emparer de la plate-
forme de l’IGN iTowns. Cette plateforme est un moteur de restitution
permettant une navigation spatiotemporelle, immersive et interactive
dans un environnement tridimensionnel qui ne demande qu’à être enri-
chi de fonds iconographiques anciens avant d’être dévoilé au grand pu-
blic. Dans le cadre de cette étude sur les bidonvilles de Nanterre, cet outil
a permis de réunir l’ensemble de la documentation utilisée pour per-
mettre d’éclairer les phénomènes de constitution de ces formes urbaines
si particulières et leur persistance dans les mémoires collectives
actuelles.
Ces premiers travaux de recherche ont aussi une valeur de test et
visent à valider une méthodologie qui permettrait d’aborder bien
d’autres problématiques liées au développement de l’agglomération pari-
sienne au milieu du xxe siècle. Effectivement, les sources et les données
utilisées concernent l’ensemble du Grand Paris et ouvrent de nom-
breuses opportunités de recherche 1. Cet article se propose donc de reve-
nir sur les méthodes permettant la constitution de ce corpus de sources,
puis de présenter la plateforme iTowns et son utilité pour des recherches
en sciences sociales, ainsi que les premiers résultats de cette enquête.
2
Les données spatiales
Deux types d’archives ont été mobilisés pour mieux comprendre ces
phénomènes urbains. D’une part, le recensement de 1954 2 a fait l’objet
d’un lourd travail de saisie avec la constitution d’un SIG. En parallèle, les
fonds photographiques de l’IGN ainsi que les images des archives dépar-
tementales des Hauts-de-Seine (AD92, utilisées dans le programme ALE-
GORIA) géoréférencés au sein d’un contexte 3D dans iTowns3.
3
Spatialiser le recensement de 1954
Le projet Seine 54 a été lancé au cours de l’année 2019 suite à la décou-
verte d’une source statistique sans équivalent. En mai 1954, quelques
mois après le vibrant appel de l’abbé Pierre, la France organise une vaste
opération de recensement. Ce recensement général de la population a
laissé comme archives les fiches nominatives de chaque famille du pays,
encore inaccessibles au public, ainsi que des synthèses présentées sous
forme de tableaux agrégés à plusieurs échelles administratives (le pays,
les régions, les départements, etc.). Ces sources classiques qui per-
mettent l’étude de la répartition par âge ou par composition socioprofes-
sionnelle offrent un aperçu synthétique de la population française, mais
n’autorisent que peu d’analyses fines spatialisées des phénomènes so-
ciaux dans le tissu urbain métropolitain. Mais en 1961, sous l’impulsion
de la préfecture de la Seine, l’Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE) et l’Institut d’aménagement et d’urba-
nisme de la région Île-de-France (IAURP, aujourd’hui Institut Paris Ré-
gion) produisent pour 71 communes de la Seine ainsi que Paris4 des
traitements statistiques du recensement de 1954 à l’échelle de l’îlot ur-
bain, détaillant les catégories socioprofessionnelles mais aussi l’équipe-
ment et le confort des logements ainsi que des informations sur
l’ancienneté des constructions (figure 1). L’échelle de l’îlot par sa préci-
sion 5 permet d’appréhender la spatialisation des structures sociales.
C’est en 1946 que l’îlot a été utilisé pour la première fois de manière sys-
tématique comme unité élémentaire de recensement pour la ville de Pa-
ris. En 1954, son emploi a été étendu à la majeure partie des communes
suburbaines de la Seine.
4
FIGURE 1. CARTE DES COMMUNES DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE QUI ONT FAIT L’OBJET DE L’ENQUÊTE
STATISTIQUE PAR ÎLOT
Sur les 80 communes du département de la Seine, 71 fascicules comprenant l’enquête ont
été retrouvés. En gris, les communes absentes du recensement.
Carte des auteurs
Pour chaque commune, quatre tableaux traitent successivement de la
population, de la population active, du logement et du bâti. Au total, une
multitude de variables qui permettent d’aborder des aspects très divers
dans une perspective spatiale fine. Le premier tableau concerne la popu-
lation. Outre la répartition par sexe et par âge, le recensement indique,
uniquement pour Paris, le nombre d’étrangers et, pour chaque îlot du
département, celui des « Musulmans d’Algérie ». Le recensement diffé-
rencie les types de ménages, ceux dits « ordinaires » selon l’INSEE et les
ménages collectifs (hôtels, pensions, communautés religieuses, etc.). Le
deuxième tableau, celui de la population active, donne la répartition des
actifs selon les toutes nouvelles catégories socioprofessionnelles
conçues par l’INSEE en 1954. Les individus sont classés selon leur situa-
tion professionnelle en tenant compte de plusieurs critères : le métier
proprement dit, l’activité économique, la qualification, la position hié-
rarchique et le statut privé ou public (Desrosières et Thévenot 2000). Le
troisième tableau renseigne le degré d’occupation des logements et le
nombre de pièces. Il recense également leur équipement (eau, gaz, élec-
tricité, w.-c. particuliers, douche, chauffage central, téléphone). On peut
ainsi savoir combien de logements disposaient de l’eau courante ou du
chauffage central dans chaque îlot. On connaît le nombre de logements
en situation de surpopulation admissible ou critique selon les critères de
l’INSEE. Le dernier tableau concerne le bâti, en particulier, la nature
(maisons d’habitation, hôtels, etc.), la date de construction ou le nombre
d’étages des bâtiments. Ces 72 registres agrégeant près de 15 000 îlots se
font ainsi le reflet des préoccupations de l’administration au début des
5
années 1960. Outre les traditionnelles mesures des classes d’âge et des
catégories socioprofessionnelles, la question du logement, de la qualité
et de la modernité du bâti y apparaît centrale.
L’exploitation des registres du recensement n’a donc pas nécessité une
phase de construction de base de données et de réflexion particulière-
ment complexe, tant on a pu aisément calquer l’organisation des re-
gistres au sein d’un SIG. Néanmoins, elle a impliqué un travail important
de saisie des données. Cette tâche avait déjà été réalisée pour l’ensemble
de Paris dans le cadre de l’écriture de l’Atlas des Parisiens (Pinol et Gar-
den 2009). La masse d’information restante à traiter (71 communes,
11 000 îlots) interdit cependant toute retranscription manuelle et im-
plique un travail en deux phases : la numérisation et l’océrisation 6.
6
Les 71 fascicules concernant les villes de banlieue ont été minutieuse-
ment numérisés. À partir du logiciel ScanSnap 7, nous avons ensuite pro-
cédé au traitement des images (redressage des pages, recadrage,
unification de la lumière, métadonnées…) et produit 71 documents PDF
qui pourront être reversés à la bibliothèque de l’Hôtel de Ville. L’étape es-
sentielle du projet correspond au travail de reconnaissance des carac-
tères, à partir du logiciel OCR Nuance, permettant de transformer le
document PDF en tableur éditable. La principale difficulté à laquelle
nous avons été confrontés réside justement dans les erreurs produites
lors de cette phase d’océrisation. Malgré des résultats très satisfaisants,
des coquilles apparaissent régulièrement : une confusion entre des 3 et
des 5 ou des 8, et des ajouts de signes typographiques aux chiffres ren-
dant impossible leur traitement quantitatif. D’autre part, l’absence de
ligne horizontale dans les registres a souvent posé des difficultés de lec-
ture pour le logiciel qui a parfois fusionné plusieurs lignes entre elles.
Cette multitude de petites erreurs a nécessité un important travail de
relecture. L’ensemble du travail d’océrisation et de relecture a pris autour
de deux mois de travail à temps complet, dont près de 70 % de ce temps
consacré au minutieux travail de relecture.
7
La phase de développement de la base de données achevée, il fut pos-
sible de passer à la construction du SIG à proprement parler. Pour ce
faire, il était nécessaire de vectoriser les 10 850 îlots des communes de
banlieue. L’idée de départ était de partir des îlots actuels, vectorisés par
l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) en faisant le pari que les îlots d’au-
jourd’hui sont le résultat de divisions parcellaires de ces 50 dernières an-
nées, permettant ainsi, à partir d’outils de fusion, d’aisément s’y
retrouver. La pratique fut tout autre. Certes, la majorité des îlots sont
bien le résultat de ces phénomènes d’évolution du parcellaire, cependant
de trop nombreux cas particuliers ont empêché une systématisation de
la méthode. Et encore, c’est sans compter les immenses modifications
du tissu urbain survenues lors de la création des axes autoroutiers, des
lignes de RER ou de la construction de certains grands ensembles. Nous
avons été contraints d’adopter une méthode classique de géoréférence-
ment de l’ensemble des plans des communes annexés aux fascicules,
puis d’un dessin vectoriel manuel pour tous les îlots. La difficulté de nu-
mériser ces larges feuillets accrochés au registre a produit de nom-
breuses imprécisions, tout comme l’assemblage de l’ensemble des
communes entre elles. Ces difficultés ont nécessité de nombreux ajuste-
8
FIGURE 2. DU REGISTRE AU SIG
Ce schéma montre les deux étapes de traitement des données du recensement. D’abord
l’océrisation des tableaux en base de données au format Excel, puis la vectorisation des
îlots avec le logiciel QGIS. Les données et le plan vectoriel ont été connectés à partir d’un
identifiant commun.
Schéma des auteurs
ments manuels. Ce travail de vectorisation des îlots du département de
la Seine a là encore nécessité deux mois de travail à temps complet
(figure 2).
FIGURE 3. EXEMPLES D’IMAGES AÉRIENNES OBLIQUES DE L’IGN
L’ensemble de ces vues montrent à voir différentes zones de Nanterre sur la période 1947-
1960.
© IGN
Les photographies aériennes et leur géoréférencement
En parallèle de ce travail sur les données du recensement élaboré par
le projet Seine 54, le programme ALEGORIA travaille à la valorisation des
fonds iconographiques anciens. Le corpus est constitué de photogra-
phies aériennes représentant la France à différentes périodes, issues des
fonds de l’IGN et l’AD92. Depuis les années 1920, l’IGN a régulièrement
procédé à des relevés du territoire national via des vues aériennes verti-
cales, mais aussi obliques. Ces dernières étaient alors centrées sur des
zones spécifiques telles que celles subissant des changements impor-
tants (destructions, reconstructions…). Les vues verticales permettent
de se positionner facilement et leur lecture est très similaire à celle
d’une carte. Contrairement aux images obliques, elles offrent une repré-
sentation exhaustive du territoire. En revanche, elles permettent une
meilleure perception de la topographie ou de l’architecture par exemple,
car leur angle de vue est plus proche de celui de nos yeux, du fait d’une
prise de vue à plus basse altitude (Humbert, Courtot et Renard 2013).
Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur ces dernières, dont
les caractéristiques se révèlent particulièrement intéressantes pour les
analyses historiques et sociologiques. La collection étudiée se compose
d’environ 30 000 clichés numérisés, dont environ 700 pour Nanterre
(voir quelques exemples dans la figure 3) et environ 200 qui concernent
plus spécifiquement ses bidonvilles. D’autres collections existantes, hé-
bergées par divers GLAM (Galleries, Libraries, Archives and Museums)
pourraient également être envisagées pour élargir le cadre de cette
étude.
9
Les travaux présentés ici supposent la géolocalisation dans l’environ-
nement 3D de ces contenus photographiques. Différents niveaux de loca-
lisation sont généralement disponibles :
10
Tout d’abord, un niveau de métadonnées textuelles (nom du dépar-
tement, de la ville…). Un outil de géocodage possède une base de ré-
férence qui permet de faire correspondre ces noms de lieux à des
coordonnées 2D, généralement placées au centre de l’emprise spa-
tiale de ces lieux. C’est souvent le degré de localisation associé aux
collections des GLAM.
Dans un deuxième niveau, une pose (une position 3D et trois angles
d’orientation) déterminée au moment de l’acquisition est connue
avec plus ou moins de précision. C’est le cas des collections acquises
par les agences cartographiques comme l’IGN.
Pour finir, certaines images peuvent être intégralement dénuées de
toute information de localisation. Pour remédier à cela, différentes
approches existent pour estimer une première pose pour l’image,
chaque approche ayant différents degrés d’automatisation et d’in-
teraction avec l’utilisateur, comme nous le verrons ci-après. Afin
d’automatiser le processus de géolocalisation précise des images, un
large spectre de techniques a été développé en photogrammétrie,
vision par ordinateur et robotique ; plusieurs états de l’art existent
sur le sujet : Lowry et al. (2016), Garcia-Fidalgo et Ortiz (2015), Brej-
cha et Cadik (2017), Piasco et al. (2018).
Une fois ces deux jeux de données géoréférencés, il était nécessaire de
faciliter leur croisement pour permettre une analyse fine de ces phéno-
mènes. La plateforme iTowns a permis leur appariement et a surtout of-
fert un outil de visualisation immersif, aidant le chercheur à prendre
conscience de l’espace.
11
Un outil de covisualisation des données
spatiales hétérogènes
La plateforme iTowns a été mobilisée par les chercheurs en SHS des
deux projets pour qu’ils exploitent leurs jeux de données, en les inscri-
vant dans l’espace. iTowns est effectivement une plateforme de visuali-
sation Web interactive et immersive permettant à l’utilisateur d’afficher
différentes images et de naviguer entre elles – qu’elles soient aériennes
obliques, aériennes verticales ou même terrestres – ou couches de don-
nées statistiques, projetées au sein d’un même modèle 3D de référence
représentant la Terre. Le retour d’expérience des usages des chercheurs
en SHS a permis aux ingénieurs de l’IGN d’affiner la plateforme et de
proposer de nouveaux outils de navigation adaptés aux pratiques de la
recherche en sciences sociales. La visualisation de données, parfois hété-
rogènes, dans un cadre géoréférencé est donc un enjeu important, en
particulier pour les humanités numériques. Un certain nombre de plate-
formes ont ainsi été développées ces dernières années pour répondre à
ce besoin.
12
État de l’art
On peut distinguer deux types de plateformes : celles en deux dimen-
sions permettant une représentation à plat de photos ou de plans et les
premières expériences de plateformes 3D.
13
Plateformes 2D
Une première catégorie d’applications se concentre sur les vues aé-
riennes verticales telles que les orthomosaïques. Citons tout d’abord le
projet Planet Explorer 8 qui permet à l’utilisateur de visualiser des images
satellites du monde entier, couplant cela à des outils permettant de les
comparer. De manière similaire, de nombreuses agences nationales de
cartographie valorisent leurs données anciennes via des portails Web (en
particulier des cartes et des photographies aériennes). On peut donc y
visualiser, comparer et même télécharger des données anciennes à l’ins-
tar du portail « Remonter le temps 9 » de l’IGN où l’on peut retrouver des
données du xviie siècle à nos jours. Ces plateformes ont pourtant
quelques inconvénients : l’utilisateur ne peut pas visionner ses propres
images, la visualisation n’est qu’en 2D et toute la donnée a été géolocali-
sée manuellement.
14
Une seconde catégorie se concentre sur la simple localisation de don-
nées de différents types (images, cartes, statistiques ou même articles
de recherche). Les plateformes sont nombreuses et bien souvent sont au
service d’une communauté en particulier. On peut ainsi citer Navigae 10
qui permet aux utilisateurs de visualiser des images ou des cartes an-
ciennes grossièrement géolocalisées au sein d’une application cartogra-
phique. Le groupe de recherche Inventer le Grand Paris 11 a aussi
développé un portail qui localise les projets de recherche concernant les
métropoles mondiales. La plateforme devient donc un filtre spatiotem-
porel de ces projets.
15
Pour finir, d’autres plateformes se concentrent sur les photographies
et leur visualisation dans un paradigme mixant 2D et 3D. Tout d’abord, le
projet Mapillary 12 qui localise des clichés pris au niveau de la rue dans le
monde entier et qui permet de les visionner de manière fluide en navi-
guant entre images de proche en proche. Navilium 13, quant à elle, se veut
une plateforme collaborative avec des documents visuels localisés datant
du xixe siècle. Il y est même possible de comparer visuellement « côte à
côte » en 2D la vue ancienne et celle de Google StreetView à la même po-
sition. Le projet HistoryPin 14 permet aux utilisateurs de créer des collec-
tions d’images similaires, soit par leur localisation, soit par leur
thématique. Elles sont également « épinglées » sur une carte 2D, mais on
peut aussi les afficher dans Google StreetView. L’estimation de la pose du
cliché est rudimentaire, c’est une simple superposition de l’image sur
une position de caméra StreetView. Dès lors, il est impossible de se mou-
voir dans la scène 3D, chaque déplacement de la caméra de l’utilisateur
fait perdre de vue le document. Pour finir, on peut présenter le projet Ar-
chiMediaL 15 qui cherche à interconnecter de manière automatique des
images pour des études comparées du bâti ancien et contemporain. Pour
cela, une plateforme d’annotation (construite en partie sur le visualiseur
de Mapillary) a été développée et permet d’enrichir sémantiquement les
images. Les photographies sont donc référencées comme prises depuis
la rue ou prises en intérieur et les changements éventuels sont enregis-
trés sémantiquement (destruction partielle, nouvelle construction…).
Ces images peuvent ensuite être utilisées en conjonction avec d’autres
données historiques issues de domaines de recherche variés. Cependant,
16
la plateforme ne permet pas d’afficher d’autres types de données an-
ciennes et pour ces dernières il faut utiliser d’autres moyens de
visualisation.
Plateformes 3D
Le nombre de plateformes en ligne utilisant un environnement 3D est
bien plus réduit. L’utilisation de la 3D survient naturellement, en lien
avec la nature de la donnée manipulée (par exemple, les objets architec-
turaux en trois dimensions). C’est le cas de la plateforme collaborative
Aïoli 16, par exemple, qui vise la documentation et le partage de notre pa-
trimoine architectural. En alternant entre visualisation 2D et 3D, l’utili-
sateur peut annoter les photographies et les modèles 3D, ces annotations
se propageant ensuite à tous les utilisateurs, mais aussi de manière au-
tomatique à d’autres formes de documentations ou modèles d’un même
objet d’étude. Par ailleurs, la navigation multitemporelle est possible,
par exemple pour évaluer l’évolution du processus de conservation et
identifier de potentielles dégradations.
17
Un autre visualiseur 3D est UrbanHistory4D, dédié à la présentation
du patrimoine urbain de Dresde en Allemagne. Différents documents,
peintures, esquisses, etc., datées de 1675 pour les plus anciennes, issues
de différentes collections iconographiques sont positionnées précisé-
ment et visualisées dans le modèle 3D d’un quartier de la ville. On peut
visionner les diverses vues dans le contexte du modèle 3D des bâtiments.
D’autres modes de visualisation sont possibles tels que la carte de cha-
leur de la distribution spatiale ou bien une « carte radar » des orienta-
tions des documents. Cependant, l’utilisateur ne peut pas afficher ses
propres images pour les localiser et seule une petite zone d’étude sur
Dresde est disponible.
18
Pour finir, Smapshot 17 est une plateforme Web suisse qui fait partici-
per l’utilisateur à la géolocalisation de représentations anciennes de pay-
sages fournies par la bibliothèque de l’École polytechnique fédérale de
Zürich ou l’office fédéral de topographie. L’utilisateur doit sélectionner
au moins six correspondances entre l’image et le modèle 3D et égale-
ment fournir la position approchée de la caméra prenant la photogra-
phie sur une carte en 2D et la direction approximative de prise de vue. La
plateforme se concentre en revanche uniquement sur la Suisse et une
équipe doit valider la localisation de l’image faite par l’utilisateur.
19
Le nombre grandissant de plateformes de visualisation témoigne de
l’engouement pour ces outils. L’IGN a développé de son côté sa solution
propre visant à créer un outil souple aux usages multiples correspondant
aux missions de l’IGN. En particulier, l’accent a été mis sur le caractère
immersif de l’expérience.
20
FIGURE 4. COVISUALISATION DE DONNÉES HÉTÉROGÈNES
Cette figure présente une juxtaposition de données hétérogènes : en 3D, le bâti actuel, les
îlots en dégradé de vert correspondent à un traitement statistique du recensement de
1954 et l’on voit apparaître à gauche une photographie aérienne.
© IGN
Développement d’une application Web de visualisation
immersive
Les différents outils formant cette plateforme reposent sur iTowns,
une librairie open source (Devaux, Brédif et Paparoditis 2012) développée
depuis 2008. Son utilisation à grande échelle est par ailleurs assurée par
le fait qu’elle est le moteur de visualisation 3D du Géoportail de l’IGN.
Faisant appel à des services Web géographiques, iTowns permet de re-
présenter la Terre sous la forme d’un globe virtuel avec différentes don-
nées hétérogènes, comme de l’imagerie du sol (images, nuage de
points 3D), mais aussi des données vecteurs (bâtiments, réseaux rou-
tiers, etc.), et cela à grande échelle avec une grande précision. Par
ailleurs, cette librairie permet de naviguer de façon continue entre des
points de vue au niveau de la rue et des points de vue aériens verticaux
ou obliques, ce qui en fait un cadre de référence idéal pour nos outils.
21
Au sein de ce cadre de référence, différents « fonds de carte » sont dis-
ponibles pour s’adapter à la visualisation souhaitée avec, par exemple,
des cartes anciennes ou plus récentes, des photographies aériennes ver-
ticales, mais également des ortho-images établies à différentes dates,
permettant la comparaison visuelle du territoire à travers les époques.
De la donnée vecteur peut également être projetée sur le modèle 3D, ce
qui apporte de nouvelles informations sur la zone d’étude, que ce soit
simplement ses limites administratives ou bien des statistiques plus
complexes, telles que celles issues du SIG de Seine 54 (figure 4). Tous ces
types de données peuvent donc être covisualisés de manière fluide et
immersive.
22
FIGURE 5. LOCALISATION SEMI-AUTOMATIQUE D’UNE IMAGE DANS ITOWNS
Ces deux exemples concernant le port de Noirmoutier représentent un exemple de la ca-
pacité de localisation des vues aériennes dans iTowns. À gauche, la sélection des paires de
points 2D (vert) et 3D (orange) et, à droite, l’image géoréférencée : la caméra de visualisa-
tion est placée aux mêmes position et orientation que la pose estimée de l’image géoréfé-
rencée, de sorte à superposer le format en 2D et le monde virtuel 3D. Cette fonctionnalité
permet de spatialiser aisément et rapidement d’importants corpus comme ceux mobilisés
dans cette étude.
© IGN
La géolocalisation interactive des images dans la
plateforme Web
Dans le cadre de cette étude sur Nanterre, l’outil iTowns a permis de
facilement replacer dans l’espace les photographies aériennes mobili-
sées. Effectivement, nombre des vues utilisées n’étaient pas précisément
géolocalisées et orientées et elles étaient encore moins visualisables
dans l’environnement 3D. Une fonctionnalité importante d’iTowns re-
pose sur la possibilité pour l’utilisateur de géolocaliser lui-même les
images anciennes. On s’appuie ici sur une méthode semi-automatique
de géolocalisation, en particulier celle proposée dans Harrach, Devaux et
Brédif (2019). De manière interactive, l’utilisateur sélectionne au moins
quatre paires de points correspondants en 2D sur la photographie à loca-
liser et en 3D sur le modèle 3D de référence (figure 5). Le modèle 3D ex-
ploité est le modèle numérique de terrain (MNT) utilisé pour créer le
globe virtuel. Il est possible d’y ajouter d’autres informations, comme un
modèle numérique de surface (MNS 18) ou des nuages de points 3D ac-
quis par scan laser ou par une technique de vision par ordinateur (Struc-
ture from Motion). Dans notre cas, une représentation 3D des bâtiments a
été exploitée dans l’objectif d’améliorer la précision de la géolocalisation.
Les paires de points en correspondance sont ensuite utilisées en entrée
d’un logiciel de photogrammétrie qui estime la pose du cliché. Le proces-
sus employé est la résection spatiale au sein de scènes architecturales
(Busayarat 2006). Ce processus utilise la position des objets dans l’espace
et la position de ceux-ci dans l’image pour déterminer les paramètres de
la pose de la caméra (ou de l’image), à savoir trois positions et trois
rotations.
23
FIGURE 6. VISUALISATION DE LA DISTRIBUTION SPATIALE DES IMAGES À L’AIDE D’UNE CARTE DE
CHALEUR
Carte de chaleur de la densité d’images disponibles. Leur forte présence pour l’Ouest pari-
sien et, en particulier, Nanterre, nous a conduits à orienter nos recherches vers ce secteur
de la métropole parisienne.
© IGN
Une navigation immersive à travers le temps et
l’espace
L’enjeu du projet était de covisualiser un très grand nombre d’images
aériennes, associées à des données statistiques géolocalisées et datées.
Pour faciliter le croisement de ces sources, il convient d’être capable de
naviguer à travers le temps et l’espace de manière ordonnée, intuitive et
ergonomique. iTowns offre de nombreuses fonctionnalités permettant
cette navigation, mais l’observation de nos besoins et de nos pratiques a
aussi permis de faire évoluer iTowns avec le développement de nouvelles
fonctionnalités.
24
Lors de l’élaboration du projet, nous nous sommes en particulier ap-
puyés sur un outil de visualisation de la plateforme qui permet une re-
présentation globale de la donnée disponible. Ainsi, une carte de chaleur
de la répartition des clichés sur l’ensemble du territoire (figure 6) a pu
identifier les lieux riches en données et attirer l’attention sur certaines
zones propices à l’étude à l’aide de l’outil de visualisation.
25
Pour permettre la navigation la plus fluide possible, la plateforme pro-
cède à un filtrage des données pour traiter et télécharger uniquement les
images du secteur sélectionné par l’utilisateur. À noter que les images ne
sont pas téléchargées localement, mais seulement récupérées ponctuel-
lement auprès de l’institution de conservation au moment de la visuali-
sation, de manière à respecter les droits d’utilisation et de diffusion sur
ces contenus.
26
Outre cette sélection spatiale, le travail réalisé sur les bidonvilles de
Nanterre a fait émerger l’importance de disposer d’un outil de sélection
temporel. Afin de ne visualiser que les données correspondant à la pé-
riode souhaitée lors de l’étude, un curseur temporel permettant de sélec-
tionner l’intervalle de temps de l’étude a été développé. Tout type de
donnée qui possède une date sera ainsi affecté par ce choix. Cette fonc-
27
FIGURE 7. DIFFÉRENTS POINTS DE VUE DE VISUALISATION
Exemple d’une navigation sur la plateforme iTowns. À gauche, on voit une photographie
de la cité des Provinces françaises, mitoyenne du bidonville, depuis le point de vue de la
caméra qui a pris la photo et, à droite, le point de vue libre permet de replacer cette photo-
graphie dans son contexte urbain actuel.
© IGN
tionnalité apparaît nécessaire lorsque l’outil est utilisé pour des études
au spectre temporel assez restreint, comme l’analyse de la formation
d’un bidonville. Cela permet en effet de trier rapidement les données in-
téressantes, mais aussi d’améliorer la visualisation en enlevant le
« bruit » lié à la présence de données « parasites ». Ainsi, lors de l’étude de
Nanterre, alors que de nombreuses représentations de l’IGN étaient dis-
ponibles pour Nanterre, pouvoir jouer avec l’intervalle temporel autour
de 1954 permettait de se concentrer sur l’avant, le pendant ou l’après du
phénomène étudié et de ne visualiser que la donnée pertinente pour
notre réflexion.
Afin d’assurer une certaine fluidité dans la visualisation, différents
points de vue (figure 7) s’offrent à l’utilisateur et les manières d’en chan-
ger s’avèrent également multiples. Il peut ainsi se mouvoir librement
dans l’espace, visionnant les images à la position de leur acquisition, au
milieu des autres types de données visibles. L’utilisateur peut ensuite cli-
quer sur une photographie pour se placer à la position de la caméra et
ainsi visualiser la scène comme elle était à l’époque de la prise de vue. Cet
outil simple à prendre en main a permis de sélectionner et d’étudier les
images utiles à cette étude. Cette liberté de mouvement permettait de
« tourner » autour du bidonville pour visualiser au mieux l’évolution et
les déplacements de cette entité en constante mutation.
28
En outre, la fonction de transparence des couches de la plateforme fa-
cilite l’analyse de différentes images ou de différents types de données,
ainsi que leur comparaison. Elle permet aussi une comparaison avec le
bâti actuel, modélisé en 3D, donnant à voir la fulgurante mutation ur-
baine qui a pris place sur ce secteur ces cinquante dernières années. En-
fin, un outil de géocodage a été développé afin de se rendre rapidement
dans une autre zone d’étude en tapant son nom dans un champ de saisie.
29
Parallèlement, pour naviguer facilement dans la collection de photo-
graphies, un carrousel en bas de l’écran présente les images se trouvant
dans la scène visualisée (figure 8). On peut ainsi les faire défiler et cli-
quer sur celle de notre choix. Si sa pose est connue, on se placera au ni-
veau de l’image, comme expliqué précédemment. Sinon, l’interface de
géolocalisation manuelle sera affichée afin de déterminer la pose si on le
souhaite. Cela permet d’avoir un aperçu exhaustif du corpus mobilisé
dans le projet. Par ailleurs, lors d’études sur des lieux très spécifiques
comme dans notre cas, un autre outil peut être utilisé. Il sélectionne un
point 3D dans le modèle et n’affiche que les images qui « voient » ce
30
FIGURE 8. NAVIGATION ENTRE LES VUES ET CARROUSEL D’IMAGES
Le carrousel d’images permet de voir l’ensemble des photographies aériennes concernant
un espace et une période donnés.
© IGN
point. Cela met également à jour le carrousel, afin de naviguer entre les
photographies pertinentes. Combiné avec la sélection temporelle, cet
outil trie très rapidement les images pour trouver celles qui nous
intéressent.
iTowns se prête donc particulièrement à une analyse spatiale de jeux
de données différents. Pour les chercheurs en sciences sociales, il peut
effectivement représenter un instrument extrêmement puissant, autori-
sant une navigation entre des sources extrêmement diverses. Il permet
d’aller plus bien loin que d’autres plateformes, telle que « Remonter le
temps », en offrant des possibilités de géoréférencement semi-automati-
sé et un cadre de visualisation immersif en 3D.
31
À la Folie, genèse d’un bidonville
nanterrien
À partir de l’outil iTowns, qui permettait la covisualisation des traite-
ments statistiques réalisés sur le système d’information géographique
exploitant les données issues du recensement de 1954 et des photogra-
phies aériennes géoréférencées et datées, nous nous sommes attachés à
reconstituer le moment de cristallisation du bidonville de la Folie à Nan-
terre au milieu des années 1950. Notre objectif était de mieux com-
prendre la genèse et les raisons de la formation de cette forme urbaine si
particulière. Par définition, la construction de ces habitats de fortune
laisse peu de traces dans les archives et il est très difficile de documenter
le moment de leur formation. Le croisement des recensements et des
vues aériennes offrait une opportunité pour appréhender ces phéno-
mènes avec un regard nouveau.
32
Nanterre en 1954
Nanterre connaît d’immenses transformations au début du xxe siècle,
suite à l’expansion urbaine et à l’industrialisation de l’agglomération pa-
risienne. Au moment du recensement de 1954, Nanterre comptait
53 011 habitants, soit presque quatre fois plus que la population de la
commune en 1900 (14 140 habitants). À la date du recensement, Nanterre
se trouve à la veille de changements majeurs puisque, dans les an-
nées 1950 et 1960, la ville devient un lieu clé de l’agglomération pari-
sienne avec l’installation de l’université annexe à la Sorbonne et sa
désignation comme chef-lieu du nouveau département des Hauts-de-
Seine qui s’accompagne de la construction d’une nouvelle préfecture. En
outre, à partir de 1951, sous l’impulsion de Raymond Barbet, maire com-
muniste, des milliers de logements sociaux sont construits. Toutes ces
transformations ont lieu à l’écart du vieux village au nord de la commune
et constituent un pôle incarnant la modernité urbaine de l’époque. Mais,
dans le même temps, des dizaines de quartiers d’habitat informel et de
bidonvilles se développent, abritant des Algériens récemment arrivés
dans la métropole.
33
Le territoire de Nanterre en 1954 est typique des communes de ban-
lieue parisienne. En grande partie, l’extension urbaine de la commune
s’est appuyée sur le développement de vastes opérations de lotissements
avec la construction de nombreux logements individuels de mauvaise
qualité autour du centre-ville et de sa gare (Fourcaut 2000). Ces nou-
velles formes urbaines se sont développées de manière concentrique au-
tour du vieux centre villageois, au plus près de la gare. En marge de ces
territoires, de nombreux terrains se trouvent dans une forme d’entre-
deux urbain. Ce sont encore des espaces essentiellement ruraux en dé-
clin, où se mêlent terres agricoles et terrains vagues, avec parfois l’irrup-
tion d’un certain nombre d’industries qui s’installent sur ces îlots, en
particulier ceux situés en bord de Seine. Les quelques logements sont
différents de ceux du centre-ville. Ils apparaissent proportionnellement
plus surpeuplés avec la présence de nombreux garnis. On perçoit ainsi
dans les données du recensement une véritable fracture entre le Nan-
terre centre et le nouveau Nanterre environnant.
34
FIGURE 9. CLASSEMENT ASCENDANT HIÉRARCHIQUE DES RÉSULTATS DE L’ANALYSE FACTORIELLE DES VA-
RIABLES POPULATION ET LOGEMENT DU RECENSEMENT DE POPULATION PAR ÎLOTS EN 1954
La carte met en évidence des groupes d’îlots (d’une même couleur) semblables au regard
des variables considérées. Plus la couleur varie sur une échelle allant du gris au rouge,
plus les îlots sont dissemblables. On voit ainsi des territoires en rouge et orange essentiel-
lement au nord-est de la commune qui se différencient des îlots en gris au sud. Les îlots
hachurés en bleu représentent la zone d’extension maximale du bidonville de la Folie dans
les années 1960.
Carte des auteurs
Sur la figure 9, les îlots rouges incarnent le nouveau Nanterre en voie
de transformation à la fois industrielle et urbaine, avec un habitat et une
population plus fragile. Cette précarité se perçoit par la surreprésenta-
tion des hôtels garnis sur ces îlots, mais aussi par une proportion plus
forte d’ouvriers non qualifiés. Les îlots rouges du centre sont souvent de
petits îlots où la population se concentre au sein d’un ou deux hôtels
garnis.
35
L’îlot 165, de couleur rouge et hachuré en bleu sur la carte, correspond
approximativement au site de la cité des Provinces françaises. C’est au
sud de cette cité que les premières cabanes de la Folie ont vu le jour.
Dans l’îlot 165, on compte alors 240 individus pour à peine 35 logements.
Un petit tiers de ces logements se trouve en situation de surpopulation
critique 19, pour seulement un cinquième en moyenne dans l’ensemble de
la commune. Ce sont des hommes à plus de 70 % et un quart d’entre eux
36
ont entre 20 et 24 ans. Enfin, les Musulmans d’Algérie sont beaucoup
plus nombreux qu’ailleurs, ils représentent 48 % de la population pour
4 % en moyenne à Nanterre.
Les Algériens à Nanterre
Pendant vingt ans, dans les années 1950-1960, la France favorise la ve-
nue de travailleurs étrangers pour les besoins de l’industrie en pleine
croissance. Les ressortissants nord-africains, issus des anciennes colo-
nies françaises, fournissent une main-d’œuvre abondante, peu qualifiée
et bon marché pour les secteurs du bâtiment et de l’automobile. Les im-
migrés algériens, qui peuvent circuler librement jusqu’en 1962, fin de la
guerre d’Algérie, continuent d’affluer en nombre croissant. Ils sont
210 000 en 1954, 460 000 en 1964, puis plus de 700 000 en 1975. Cette im-
migration maghrébine des années 1960 demeure alors majoritairement
le fait d’hommes seuls 20. En 1964, 43 % des Algériens de France vivent
dans des bidonvilles, ceux de Nanterre abritent 14 000 personnes.
37
Le problème des bidonvilles qui surgit à la fin des années 1950 est in-
trinsèquement lié à la question de la présence des Algériens en France
(Blanc-Chaléard 2016). Même si l’habitat précaire et fragile est une
constante de l’agglomération parisienne du xixe siècle et du début du
xxe siècle et n’intéresse que peu l’État. Mais les Algériens dans les années
1950 sont une population considérée comme particulièrement inquié-
tante par les pouvoirs publics, à mesure de l’aggravation des troubles en
Algérie. Leur concentration au sein de baraquements préoccupe l’État.
Le terme même de bidonville est une importation en métropole d’un
concept colonial développé dans les années 1930 (Barros 2012). L’admi-
nistration multiplie alors les enquêtes et s’empare du problème des bi-
donvilles. Les traitements statistiques de l’INSEE et de l’IAURP
s’inscrivent dans cette démarche (Barros et Cohen 2019). Pour les pou-
voirs publics, il s’agit de dénombrer les Algériens et de spatialiser leur
présence dans l’espace urbain. Pour les nommer, ils reprennent la caté-
gorie coloniale spécifique de Français que sont les « Musulmans d’Algé-
rie ». Français de jure, leur nationalité est vidée de facto de sa substance
(Escafré-Dublet, Kesztenbaum et Simon 2018 ; Weil 2005 ; Barros 2005).
38
FIGURE 10. LES MUSULMANS D’ALGÉRIE À NANTERRE EN 1954
Cette carte représente le nombre d’Algériens recensés sur le territoire de Nanterre en
1954. On constate une concentration dans le centre, mais surtout dans le nord de la com-
mune, pourtant relativement peu bâti. Sur le territoire du futur bidonville de la Folie,
deux garnis abritent 115 d’entre eux.
Carte des auteurs
Le recensement des Algériens est peu précis tant l’opération de dé-
nombrement fut compliquée par les conditions de logement, le mode de
vie des Algériens marqué par les 3 × 8 et leurs réticences face à une opé-
ration perçue comme une forme de contrôle social. L’INSEE évalue que
cette population est sous-estimée de 20 à 30 % (Barros et Cohen 2019). La
cartographie des Algériens recensés (figure 10) montre qu’ils semblent
se concentrer au nord-est de la ville, au sud-est et à proximité de l’ac-
tuelle gare de RER. À l’aide des photographies aériennes de 1954, on ob-
serve que ces quartiers sont encore peu urbanisés, on y trouve
essentiellement des terres agricoles et parfois de grands bâtiments, des
hangars ou des sites industriels. Si l’on considère en particulier les
îlots 164 et 165 (encadrés en rouge), où les premières cabanes du bidon-
ville de la Folie commencent à apparaître, les Algériens y sont propor-
tionnellement plus présents que sur le reste du territoire de la
commune. Si seuls 14 immeubles sont recensés abritant 35 logements, il
semblerait que les 115 Algériens soient logés dans les deux immeubles
présentés comme des hôtels garnis 21 (figure 11) attestant ainsi l’idée
39
FIGURE 11. CARTE STATISTIQUE DU NOMBRE D’HÔTELS GARNIS PAR ÎLOT
Depuis la plateforme iTowns, il est possible d’insérer des cartes statistiques réalisées à
partir du SIG. À partir d’un outil de transparence, on peut ainsi jouer entre les différentes
données photographiques et statistiques.
© IGN
La Folie était un îlot perdu au milieu de nulle part. Autour, c’était un im-
mense terrain vague […] on parle d’un temps qui n’est pas si éloigné, où au-
tour de Paris, c’était encore des petits pavillons, des petites cultures et un
espace qui allait être terrassé et radicalement transformé en 30 ans. On
sent que c’est un lieu à l’écart. Il y a une certaine modernité des bâtiments
qui s’affiche en arrière-plan, avec quelques grues. Mais on sent qu’on est
un peu perdu. On est dans un entre-deux, un espace d’attente et de transi-
tion entre l’Algérie et la vie future. (Maffre 2012)
qu’ils sont surpeuplés. Les bidonvilles se seraient constitués d’abord
dans les arrière-cours de ces immeubles avant d’investir les terrains
vierges environnants (Sayad 1995).
La formation du bidonville
L’usage des photographies aériennes complète ces travaux ainsi que
les résultats statistiques du recensement. À partir de l’outil iTowns, nous
avons retracé la chronologie de la constitution du bidonville de la Folie.
La plateforme a aussi permis de placer ce corpus photographique dans
une dimension diachronique. Un curseur temporel, ajouté aux outils du
carrousel ou de la représentation conique, offre la possibilité d’une navi-
gation facilitée dans le temps et l’espace (figures 7 et 8). Pour les histo-
riens, cela représente une façon d’appréhender ces fonds
photographiques selon des modalités nouvelles et particulièrement
heuristiques.
40
Le premier survol en 1954 donne à voir un terrain parsemé de rares
constructions, correspondant à la description du bidonville par Laurent
Maffre :
41
Cependant, les grandes opérations urbaines du nord de Nanterre dé-
butent. On voit ainsi sortir de terre le boulevard des Provinces fran-
çaises, première pièce d’une grande opération urbaine consistant à
l’ouverture d’un nouvel axe structurant pour Nanterre avec l’avenue Jo-
42
FIGURE 12. CABANONS DE FORTUNE EN 1954 SUR LE SITE DE CONSTRUCTION DE LA CITÉ DES PROVINCES
FRANÇAISES
À partir des recherches sur l’outil iTowns, les premières traces du bidonville de la Folie
ont été retrouvées au moment même des premiers travaux sur la zone.
© IGN
liot-Curie et la construction d’une vaste cité de logements sociaux (fi-
gure 12). Les travaux ne font que commencer et pourtant, à proximité
d’une petite maison, peut-être un hôtel garni occupé par des travailleurs
algériens, les premières cabanes de fortune apparaissent.
Un an plus tard, les fondations de la cité de logements débutent. La
précédente maison a déjà disparu, certainement détruite pour faire
place nette aux nouvelles constructions (figure 13). Les cabanes pourtant
demeurent et s’agrègent les unes aux autres pour former des ensembles
de plus en plus cohérents.
43
FIGURE 13. LE CHANTIER DE LA CITÉ DES PROVINCES FRANÇAISES EN 1955
Vue d’une photographie aérienne oblique géoréférencée depuis la plateforme iTowns. En
rouge les premières baraques, en vert, les fondations des Provinces françaises.
© IGN
FIGURE 14. LE CHANTIER DE LA CITÉ DE PROVINCES FRANÇAISES LE 1ER FÉVRIER 1956
L’ensemble de la zone est en pleins travaux. Le bidonville s’est fortement agrandi et a dé-
bordé de l’autre côté de la nouvelle avenue.
© IGN
En février 1956, avec l’accélération des chantiers, les besoins en main-
d’œuvre redoublent. Les cabanes prolifèrent et constituent un ensemble
qui s’étend de plus en plus et débordent de l’autre côté de l’avenue Joliot-
Curie (figure 14). En quelques mois, ce sont des dizaines de nouvelles
constructions informelles qui se créent.
44
Quelques semaines ou mois plus tard, les promoteurs immobiliers
consentent à édifier des baraquements pour loger leurs ouvriers, au plus
près du chantier (figure 15). Est-ce une première réaction face au déve-
loppement de ces bidonvilles ? Il s’agit peut-être de loger les ouvriers
dans des conditions plus salubres et de les extraire des cabanes environ-
45
FIGURE 15. CONSTRUCTION DES BARAQUEMENTS POUR LES OUVRIERS DU BÂTIMENT DE LA CITÉ DES PRO-
VINCES FRANÇAISES EN JUIN 1956
© IGN
nantes. On perçoit une surprenante juxtaposition de logements ouvriers
entre les baraquements officiels, les taudis informels et la cité de loge-
ment social en devenir.
La série de photographies aériennes permet ainsi de réaliser la conco-
mitance de la formation du bidonville et des grandes opérations ur-
baines. Ces habitats précaires sont donc apparus très tôt, dès le début
des chantiers et ont connu une très forte croissance vers le sud en direc-
tion de l’avenue Joliot-Curie, en cours d’aménagement. Ces construc-
tions pourraient avoir servi de logements aux ouvriers du bâtiment
engagés pour les grands chantiers de Nanterre, qui auraient ensuite été
rejoints par d’autres travailleurs en mal de logement.
46
En 1961, sept ans après les premières cabanes de 1954, à l’occasion de la
première mission de photographie aérienne, on est surpris de constater
qu’au pied du grand ensemble, les cabanons initiaux ont disparu, et que
seules subsistent les traces des chemins boueux (figure 16). Si le bidon-
ville a été résorbé au nord, il s’est au contraire étendu, densifié, organisé
et structuré au sud de l’avenue. Certains secteurs ont disparu alors que
d’autres sont apparus. Le bidonville est en effet un objet mouvant, en
perpétuelle reconfiguration.
47
FIGURE 16. VUE AÉRIENNE DU SECTEUR EN 1961
Le secteur initial du bidonville a disparu, mais l’on peut encore voir l’emprise au sol des
cabanes. Au sud de l’avenue, le bidonville s’est encore densifié et structuré.
© IGN
L’outil de visualisation des données iTowns réunissant photographies
aériennes et données du recensement offre un nouvel aperçu de la for-
mation de l’urbain à cette époque et a permis une ébauche d’étude sur la
cristallisation du bidonville de la Folie à Nanterre. L’usage des photogra-
phies obliques, peu courant chez les historiens, a conduit à une
meilleure appréhension de l’espace et à une meilleure compréhension
des changements urbains. Au sein de la plateforme iTowns, l’évolution
des paysages est aisément visible et vient compléter les données issues
des archives produites par la puissance publique.
48
Les célibataires avaient une vie un peu décousue, donc il n’était pas ques-
tion qu’ils se mélangent avec les familles. Parce qu’ils buvaient, ils se ba-
garraient… et donc ça a été fait naturellement [la séparation]. (Ahmed)
Raconter les bidonvilles des 66 et 97 de la
rue des Prés
L’approche géosociologique développée dans le projet ALEGORIA a
permis de compléter la collecte des données historiques analysées dans
le projet Seine 54 (émanation du programme Archival City) par des re-
cherches dans les archives photographiques de l’IGN et des archives dé-
partementales des Hauts-de-Seine. Ces recherches menées par une
sociologue, Sylvaine Conord accompagnée d’une géographe, Lætitia De-
lavoipière, ont apporté de nouveaux éléments de connaissance sur l’es-
pace des bidonvilles de la rue des Prés de Nanterre, considéré dans cette
démarche sociogéographique comme un produit sociétal et non comme
un objet autonome. C’est-à-dire qu’à travers l’histoire géospatiale de ces
lieux, alimentée par les propos d’habitants nanterriens et l’utilisation de
la plateforme iTowns, nous allions pouvoir valoriser des fonds photogra-
phiques de l’IGN et travailler sur les représentations sociales des bidon-
villes à partir de témoignages sur images. Une méthodologie a été mise
au point en faisant appel au recueil qualitatif d’informations orales en
entretien et à la technique de la photo elicitation interview (Collier et Col-
lier 1986 ; Conord 2007 ; Bigando 2013), c’est-à-dire la photographie
comme support d’entretien libérant la parole. Le but est d’établir une
évaluation des fonctions de la plateforme iTowns exprimée par des habi-
tants de Nanterre (Camille, nouvelle directrice de l’office de tourisme de
Nanterre, et Alain Bocquet, trésorier de la Société d’histoire de Nanterre
[SHN]), et des ex-habitants des bidonvilles de la rue des Prés (Kader,
Ahmed).
49
Au moment de l’installation des populations à Nanterre dans les an-
nées 1950, les différents bidonvilles de Nanterre n’ont pas tous la même
histoire et diffèrent « par leur ampleur, par l’importance et l’origine de
leurs habitants, par leur équipement » (Cohen 2011). Ainsi, les 66 et
97 rue des Prés sont les seuls à être approvisionnés en eau et en électrici-
té (Santelli et al. 2019). Le 66 n’est fréquenté que par des familles, le 97
par des hommes seuls. À travers les témoignages de Kader et Ahmed sur
leur enfance dans les bidonvilles de la rue des Prés, nous avons pu com-
prendre les raisons de la distinction entre le 66 et le 97 :
50
Les familles et les hommes seuls ne se mélangeant pas, les deux
adresses fonctionnaient donc différemment. Par exemple, les allées du
66 étaient bétonnées, ce n’était pas le cas du 97. Les entretiens sont in-
dispensables en sociologie pour connaître des aspects précis de la vie so-
ciale du passé ou du présent.
51
Ainsi, notre corpus est composé de photographies (IGN, AD92),
d’images visualisées en 3D (iTowns) et des paroles des interviewés té-
moins d’une réalité sociale observée. Alors que la ville de Nanterre, à
l’image de ses bidonvilles, est riche historiquement, l’association des
52
FIGURE 17. LES BIDONVILLES DE LA RUE DES PRÉS À NANTERRE DANS LES ANNÉES 1960
Les deux bidonvilles de la rue des Prés à Nanterre en 1960 : le 66 à gauche, le 97 à droite.
© IGN
photographies, d’une plateforme de visualisation et des témoignages de
connaisseurs grâce à l’usage de la photo elicitation ouvre une nouvelle
perspective.
N’ayant qu’une série de quatre photos en 1960 présentant les 66 et
97 rue des Prés, nous avons opté pour le cliché où les deux bidonvilles
sont cadrés le plus au centre possible de la photo (figure 17), permettant
ainsi d’avoir un plan large sur les alentours et ainsi d’ouvrir la discussion
sur les activités pratiquées autour de leur lieu de vie.
53
Contrairement à l’observation d’une photo aérienne ancienne seule, la
plateforme de visualisation iTowns permet de naviguer dans un environ-
nement tridimensionnel contemporain dans lequel on va venir intégrer
des images anciennes. Ce procédé est apprécié des connaisseurs du ter-
ritoire pour la mise en visibilité très nette des changements urbains au
fil des années (figure 18). La plateforme iTowns a aussi été perçue
comme très utile pour des visiteurs qui connaissent peu la ville et son
histoire. Camille, directrice de l’office de tourisme de Nanterre, évoque le
rôle du guide qui accompagne les visites de la ville. Ce guide est, selon
elle, voué à disparaître pour laisser place à des balades où le visiteur est
moins passif. Si la tablette requérant Internet peut poser des contraintes
54
L’objectif ce n’est pas pour les gens qui connaissent déjà le territoire, c’est
vraiment pour les inconnus qui voudraient découvrir. (Camille)
[iTowns] ne peut pas être à jour dans une ville comme la nôtre [Nanterre]
où tous les 6 mois tu as une inauguration. L’école Makeba n’y est pas. […]
On la voit en chantier [sur iTowns] alors qu’on l’a inaugurée la semaine
dernière. (Alain Bocquet)
[la cité de transit] « André Doucet » qui borde le 66 rue des Prés, puis la cité
« Gutenberg », un peu plus loin, nommée par ses habitants la « cité
blanche » où s’installent la plupart des familles du 66. (Kader)
de mobilité, Camille est convaincue qu’iTowns consultable dans l’office
de tourisme (situé au centre-ville) serait très attractif pour les visiteurs
internes ou externes à la ville de Nanterre. Ainsi, d’anciens Nanterriens
viennent régulièrement rendre visite à Camille pour retrouver le nom
des rues dans lesquelles ils ont résidé, et pour admirer des photogra-
phies. N’ayant à l’office que quelques livres sur la ville, elle leur conseille
de prendre contact avec la Société d’histoire de Nanterre. Mais Camille a
l’intention de réaménager l’office et de l’agrémenter d’un ordinateur avec
des applications pédagogiques et la plateforme iTowns, par exemple.
Quand cette plateforme sera accessible au public, elle pourra éveiller la
curiosité des nouveaux habitants comme des touristes.
Nous avons également noté à travers les résultats des entretiens
quelques-unes des limites de cette plateforme, essentiellement d’ordre
technique, qui pourront ainsi être prises en compte par les concepteurs
de l’équipe d’ALEGORIA, afin d’améliorer les usages de cet outil perfor-
mant. Alain Bocquet, connaissant très bien la ville de Nanterre et son
histoire, précise que l’image proposée par la plateforme et reconstituée
doit être très récente et juste.
55
La plateforme iTowns a été présentée aux interviewés dans sa forme
provisoire. Elle est en développement jusqu’en 2021, fin du projet ALEGO-
RIA, et nous prolongerons d’ici là la réflexion sur l’importance de la di-
mension temporelle des images présentées.
56
Si certains bidonvilles nanterriens se résorbent au début des années
1960, les autres sont détruits en 1972. Les conditions de relogement ne
sont pas les mêmes pour tous les habitants. Si une petite part des fa-
milles est hébergée en HLM, ou accède à un marché privé plus ou moins
salubre, la plus grande partie, faute de ressources économiques et rela-
tionnelles, est relogée en cités de transit à Nanterre ou à Gennevilliers
(cités provisoires construites pour quelques années dans l’attente des
HLM). Malgré leur fonction initiale de transition, ces cités ont été main-
tenues longtemps en l’état. Parmi elles,
57
FIGURE 18. VISUALISATION DES BIDONVILLES DE LA RUE DES PRÉS EN 1960 DANS ITOWNS ET COMPARAI-
SON AVEC L’URBANISATION ACTUELLE
Une image de bidonville en 1960 présentée en transparence grâce à la plateforme iTowns.
© IGN
Lire grâce à iTowns les images en transparence d’un quartier en vue
aérienne prises à un moment donné dans le passé, puis rendre visibles,
peu à peu, tous les changements urbanistiques de cet espace jusqu’à nos
jours par la superposition de photographies récentes, offre un tout autre
point de vue sur la ville, actualise les perceptions et améliore les inter-
prétations de l’histoire d’un territoire.
58
Conclusion
Dans ces deux études de cas, l’espace en trois dimensions représenté
au sein de la plateforme devient une modalité privilégiée d’articulation
des données. Pour les historiens, l’outil offre l’opportunité de mieux ap-
préhender la constitution du bidonville de la Folie en croisant une étude
de la morphologie sociale à une étude de la morphologie spatiale, et ce à
plusieurs échelles. Pour les sociologues, cette plateforme et son outil de
géoréférencement semi-automatisé sont devenus un instrument de res-
titution de l’histoire du territoire et une porte d’entrée afin d’étudier la
mémoire de ces lieux, à partir d’une démarche de photo elicitation.
59
Ces premiers travaux sur la formation et les traces mémorielles des
bidonvilles de Nanterre permettent, nous semble-t-il, de valider cette
expérience de collaboration entre chercheurs en sciences sociales et de
l’IGN. D’une part, l’outil de visualisation iTowns a fait dialoguer des do-
cumentations très disparates, offrant un nouvel outil de manipulation
des données à des historiens et des sociologues. D’autre part, les retours
d’expérience de cette étude de cas ont conduit l’IGN à développer de nou-
velles fonctionnalités plus immersives pour un public qui ne maîtrise
pas le code informatique.
60
Ces deux approches sociogéographique et historique de la plateforme
iTowns témoignent bien des vastes possibilités d’usage de cet outil de
spatialisation de données hétérogènes. Pour les chercheurs en sciences
sociales, c’est une nouvelle façon d’aborder les questions urbaines en
s’appropriant au mieux la réalité spatiale du passé. Au travers d’Archival
City et d’ALEGORIA, les synergies interdisciplinaires ont vocation à s’ap-
profondir et à prolonger les études réalisées sur cette plateforme en
s’adressant à tous les chercheurs travaillant sur les passés de la métro-
pole parisienne. En particulier, le recensement de 1954 offre de nom-
breuses pistes de recherche et Archival City souhaite mettre à disposition
de tous les chercheurs ces données afin de susciter des travaux sur la
métropole parisienne au milieu du xxe siècle. À n’en pas douter, cer-
taines de ces recherches chercheront à croiser cette source avec d’autres
données et iTowns peut représenter une solution idoine à ces nouveaux
projets. En outre, dans le cadre d’Archival City, d’autres types d’archives
sont en cours de traitement et de spatialisation, tandis que l’IGN pour-
suit l’intégration de nouveaux fonds photographiques. Le croisement de
ces nouvelles données fera certainement émerger dans les prochaines
années de nouveaux sujets de recherche et de nouveaux projets en
collaboration.
61
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2 Recensement général de la population de mai 1954. Données statistiques, sur la popula-
tion et les logements des communes de la Seine. Répartition par îlot. Bibliothèque de
l’Hôtel de Ville (Paris). Cote 28677 (1954)/516B 23.
3 Fonds photographiques de l’IGN et fonds photographiques des archives départemen-
tales des Hauts-de-Seine.
4 9 communes de banlieue ont échappé à la production de ces synthèses pour des raisons
inconnues.
5 L’îlot se définit comme la plus petite partie du territoire communal, entièrement déli-
mité par des voies communales publiques ou privées.
6 La reconnaissance optique des caractères (ou OCR, Optical Character Recognition) est un
processus consistant à extraire du texte d’une image. Après OCR, le texte devient éditable
sur l’ordinateur ; il n’est donc pas nécessaire de le retaper.
7 Logiciel fourni en complément du scanner de la marque Fujitsu.
8 https://www.planet.com/products/explorer/.
9 https://remonterletemps.ign.fr.
10 https://www.navigae.fr.
11 http://www.inventerlegrandparis.fr.
12 https://www.mapillary.com.
13 https://www.navilium.com.
14 https://www.historypin.org.
15 http://archimedial.eu.
16 http://www.aioli.cloud.
17 https://smapshot.heig-vd.ch.
18 Le MNT est un ensemble de points 3D contenant les données d’altitude d’un territoire
sous la forme de semis de points irréguliers ou de grille de points à maille carrée ou trian-
gulée qui représente le sol. Le MNS est similaire à un MNT, mais il contient les données
d’altitude non seulement du sol, mais aussi du sursol (bâti et végétation).
19 Sont considérés en état de surpopulation critique, les logements où le nombre de per-
sonnes du ménage représente le double du nombre de pièces, à l’exception des logements
avec une seule pièce où la jauge est fixée à trois résidents.
20 Le regroupement familial prend son essor à la fin des années 1960 et pendant les an-
nées 1970 à la suite du boom économique. Le décret de 1976 entérine des pratiques cou-
rantes d’immigration familiale (Cohen 2012).
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Notes
1 Deux projets de recherche, réunissant une dizaine de chercheurs en histoire, sociologie
et géomatique, ont collaboré dans le cadre de cette étude. D’une part, le projet ALEGORIA,
financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), vise à faciliter la valorisation de
fonds institutionnels iconographiques anciens à partir du développement de la plate-
forme iTowns. Au sein d’ALEGORIA, des sociologues et géographes ont développé une ex-
périence de sociologie visuelle en vue de tester la plateforme sur la question de la
mémoire des lieux. En parallèle, le projet Seine 54, émanation du programme Archival
City, cherche à comprendre les premiers processus de métropolisation du Grand Paris au
milieu du xxe siècle. Il s’agit en particulier de se pencher sur les questions d’expansion ur-
baine et du mal-logement à partir du croisement des données quantitatives du recense-
ment du département de la Seine en 1954 avec le fonds de photographies aériennes de
l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière).
21 Ils sont enregistrés dans les catégories types de ménages « autres », distincts des « mé-
nages ordinaires ».
EA 3350 ACP, université Gustave-Eiffel, Marne-la-Vallée, France
Doctorant et ingénieur d’études au sein du projet Archival City, Paul Lecat est spécialiste
des périphéries populaires de la métropole parisienne aux xixe et xxe siècles.
ORCID 0000-0003-0588-0900
paul.lecat@univ-eiffel.fr
EA 3350 ACP, université Gustave-Eiffel, Marne-la-Vallée, France
Ingénieur d’études en géomatique à l’ENSG, Émile Blettery est membre des projets Archi-
val City et ANR ALEGORIA. Il conduit ses recherches sur la visualisation Web de données
anciennes à l’université Gustave-Eiffel dans les laboratoires ACP et LASTIG.
emile.blettery@gmail.com
Université Sorbonne–Paris-Nord, Villetaneuse, France
Lætitia Delavoipière est étudiante en master 2 Géographie et aménagement du territoire,
spécialité Territoires et développement durable à l’université Sorbonne–Paris-Nord. Elle a
participé au projet ANR ALEGORIA dans le cadre d’un stage de trois mois au laboratoire
LAVUE.
laetitia.delavoipiere@laposte.net
EA 3350 ACP, université Gustave-Eiffel, Marne-la-Vallée, France
Frédéric Saly-Giocanti est maître de conférences en histoire contemporaine. Il travaille
sur l’histoire urbaine de l’Allemagne et de la France. Il est spécialiste des sources statis-
tiques et de l’usage des méthodes quantitatives et cartographiques en histoire.
ORCID 0000-0002-0260-3521
frederic.saly-giocanti@u-pem.fr
UMR 7218 LAVUE, université Paris-Nanterre, Nanterre, France
Sylvaine Conord est maîtresse de conférences en sociologie, spécialisée en sociologie vi-
suelle urbaine et membre du projet ANR ALEGORIA.
sconord@parisnanterre.fr
UMR LASTIG, IGN, Saint-Mandé, France
Valérie Gouet-Brunet est directrice de recherche au ministère de la Transition écologique
et solidaire (MTES), en poste à l’IGN dans le laboratoire LASTIG. Ses recherches en
sciences et technologies de l’information et de la communication portent sur l’indexation
multimodale d’images à large échelle appliquée à la valorisation du patrimoine culturel et
naturel. Elle est responsable du projet ANR ALEGORIA et membre du projet Archival City
et du comité de pilotage de l’association européenne Time Machine.
ORCID 0000-0003-3666-5146
valerie.gouet@ign.fr
UMR LASTIG, IGN, Saint-Mandé, France
Alexandre Devaux est ingénieur de recherche en géovisualisation, spécialisé dans les mé-
thodes de rendu 3D.
alexandre.devaux@ign.fr
Auteurs
Paul Lecat
Émile Blettery
Lætitia Delavoipière
Frédéric Saly-Giocanti
Sylvaine Conord
Valérie Gouet-Brunet
Alexandre Devaux
UMR LASTIG, IGN, Saint-Mandé, France
Mathieu Brédif est ingénieur des mines, spécialisé en géovisualisation et dans les mé-
thodes de rendu 3D.
mathieu.bredif@ign.fr
EA 3350 ACP, université Gustave-Eiffel, Marne-la-Vallée, France
Frédéric Moret est professeur d’histoire contemporaine. Il est spécialiste de l’histoire ur-
baine en France et en Angleterre. Membre du programme de recherche Archival City, il y
dirige le projet Seine 54.
frederic.moret@univ-eiffel.fr
Mathieu Brédif
Frédéric Moret
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