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Abstract

This article presents the results of a study about intrusive speech interruptions of girls in the school environment. Based on a corpus of interactions observed at a French as first language (L1) classroom, this study aimed to identify and describe the organizational sequence of intrusive interruptions, as well as the resources employed by the participants throughout these interruptions. The frequency of the interruptions suffered by the girls was identified as a means of discussing the systematicity of such interactional phenomenon. In this paper, an example from the analysis of a sequence of intrusive interruptions through a Conversation Analysis perspective will be presented, followed by a brief discussion of the results derived from the rate of girls' speech interruptions. The findings invite us to reflect on a probable devaluation of girls' participation in class and the effects of these interruptions on girls' learning processes. To conclude, some suggestions for practical applications aimed at building a truly gender-equitable learning environment for addressing gender concerns will be provided.
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Tema
This article presents the results of a study about intrusive speech interruptions of
girls in the school environment. Based on a corpus of interactions observed at a
French as first language (L1) classroom, this study aimed to identify and describe
the organizational sequence of intrusive interruptions, as well as the resources
employed by the participants throughout these interruptions. The frequency of
the interruptions suered by the girls was identified as a means of discussing the
systematicity of such interactional phenomenon. In this paper, an example from the
analysis of a sequence of intrusive interruptions through a Conversation Analysis
perspective will be presented, followed by a brief discussion of the results derived
from the rate of girls’ speech interruptions. The findings invite us to reect on a
probable devaluation of girls’ participation in class and the eects of these inter-
ruptions on girls’ learning processes. To conclude, some suggestions for practical
applications aimed at building a truly gender-equitable learning environment for
addressing gender concerns will be provided.
À L’ÉCOLE, LES FILLES SONT-ELLES
SYSTÉMATIQUEMENT INTERROMPUES ?
Introduction
Au cours des dernières décennies, des
études portant sur la différence entre
la parole des femmes et des hommes
(West & Zimmerman, 1975, 1983, 1987 ;
Tannen, 1990 ; Murata, 1994; Ford, 2008
; Jacobi & Schweers, 2017) ont montré
que les femmes sont plus interrompues
que les hommes dans une conversation.
De plus, les femmes sont interrompues
majoritairement par des hommes indé-
pendamment des niveaux d’intimité, des
attributs de personnalité ou du statut des
participants en interaction, que ce soit
dans la sphère professionnelle, sociale
ou privée. Les analyses présentées par ces
auteurs sont multiples et ne convergent
pas toujours vers les mêmes conclusions.
Cependant, tous évoquent tous la notion
d’une domination masculine qui résulte
de la division sexuée de la société, et
favorise davantage les hommes, comme
peut-être la cause la plus importante
d’une naturalisation de la coupure de la
parole des femmes et de la domination
masculine dans des conversations mixtes.
Dans une société non équitable à l’égard
du genre, la parole devient un objet de
pouvoir genré.
Bien que les résultats de ces recherches
aient pointé une systématicité de l’inter-
ruption de la parole des femmes dans des
contextes les plus variés, les études rela-
tives à ce type d’interruption à l’école – et
notamment dans les termes de l’Analyse
Conversationnelle (AC) – font défaut. Afin
de comprendre si un biais ‘genre’ concer-
nant le droit à la parole existe également
en milieu scolaire, nous avons réalisé une
étude portant sur les interruptions intru-
sives de leur parole subies par les filles en
classe de français langue première au se-
condaire I en Suisse Romande (Carvalho,
2019). Dans les cas où ces interruptions
ont été identifiées, notre étude visait la
description des séquences concernées, la
description des méthodes mobilisées par
les interactants lors de la production de
ces interruptions ainsi qu’une analyse
quantitative consacrée à la discussion du
caractère systématique des interruptions
de la parole des filles.
Bárbara Carvalho |
Université de
Neuchâtel
Bárbara Carvalho a ob-
tenu le titre de Master
en Leres et Sciences
humaines à l’Université
de Neuchâtel, 2019. Au
Brésil, elle est diplômée de l’Université
de São Paulo où elle a obtenu le titre de
Bachelor en Linguistique et la Licence
en enseignement de langue portugaise.
Elle s’intéresse aux études concernant la
construction des identités sociales dans
des pratiques communicatives au regard
de l’écart entre les genres en milieu d’ap-
prentissage.
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chaque leçon et comparés entre eux. Les
résultats ont montré que les filles ont été
interrompues de manière beaucoup plus
fréquente que les garçons.
Retenons ici les trois résultats les plus
importants : 1) dans une classe compo-
sée de 20 élèves, 9 filles et 11 garçons,
le temps de parole détenu en moyenne
par chaque garçon a été 50% supérieur à
celui des filles, et cela dans la situation
dans laquelle les filles ont parlé le plus.
Dans les contextes où les filles ont moins
parlé, un garçon a détenu la parole en
moyenne trois fois plus qu’une fille: les
garçons ont gardé la parole 23% du temps
contre 6% pour les filles; 2) les filles sont
plus interrompues que les garçons: 80%
plus que les garçons dans le cas où elles
étaient le moins interrompues ; 3) les
filles sont majoritairement interrompues
par des garçons, alors qu’elles sont moins
interrompues par d’autres filles. Dans une
des leçons observées, les garçons ont été
à l’origine de toutes les interruptions in-
trusives produites en classe, soit chez les
filles soit chez eux-mêmes. Ces résultats
peuvent, par exemple, nous orienter vers
une remise en cause de la croyance so-
ciale apposée sur l’idée que les femmes
seraient plus bavardes.
Dans cette contribution, nous présen-
terons d’abord un bref aperçu théorique
concernant la construction des identités
sociales à travers la parole en classe et
le concept d’interruption intrusive. La
deuxième section sera consacrée à la mi-
cro-analyse de la séquence d’interruption
déjà mentionnée. L’article se clôt par une
conclusion et une discussion d’implica-
tions pratiques pour l’école.
Cadre théorique
L’identité de genre est une parmi les mul-
tiples facteurs qui composent l’identité
sociale d’un individu. Tout d’abord, il
est important de garder à l’esprit qu’une
seule notion de genre, étant donné la
complexité du sujet, n’existe point. Nous
nous sommes intéressée aux approches
discursives de la construction de l’iden-
tité sociale mettant l’accent sur la no-
tion de genre et sa relation étroite avec
le langage (Bourdieu, 1998, 2014; Fou-
cault, 1989; Ostermman, 2008; Tannen,
1990; Weatherall, 2000, 2002; West
& Zimmerman, 1983, 1987). Dans cette
perspective, faire référence à un concept
disponible dans la réalité est faire, en
L’analyse a été fondée sur les principes
méthodologiques de l’AC (Sacks et al.,
1974). Les interactions analysées ont été
enregistrées par audio et vidéo et trans-
crites en détail. La classe observée était
composée de 9 filles et 11 garçons. Nous
avons saisi les interactions intégrées dans
des activités à l’oral, à savoir des discus-
sions sur des thèmes de société et sur
des livres qui étaient en train d’être lus
par les élèves. Une discussion est pro-
posée par l’enseignant et les apprenants
sont invités à exprimer leurs opinions.
L’enseignant a défini à l’avance des règles
pour la prise de parole, comme lever la
main pour demander la parole, et des
élèves individuels sont hétéro-sélection-
nés tour à tour. Le genre de l’enseignant
n’est pas pris en compte dans cette ana-
lyse. Nous nous sommes focalisée sur les
interactions entre pairs dans un contexte
de discussion guidée par l’enseignant avec
pré-allocation de tours de parole, c’est-à-
dire dans un cadre de contrôle sur l’orga-
nisation de la prise de parole. Toutefois,
même dans ce contexte, nous avons pu
constater l’occurrence d’interruptions
systématiques de la parole des filles.
Nous rapporterons ici certains résultats
obtenus dans notre étude. Nous présen-
terons une analyse illustrative d’une sé-
quence d’interruption intrusive subie par
l’apprenante Maya1. L’élève est choisie
par l’enseignant pour présenter son avis
à propos du sujet en discussion. Malgré
la pré-allocation du tour de parole et les
règles préalablement établies, l’élève a
été systématiquement interrompue avant
de réussir à achever son tour de parole.
Nous tâcherons ici de montrer la façon
dont l’élève réagit aux tours de parole
constituant des interruptions et les res-
sources interactionnelles mises en place
par les participants impliqués dans cette
interaction.
Une analyse quantitative a été également
réalisée afin d’identifier la fréquence avec
laquelle les filles ont été interrompues de
manière intrusive en classe. Pour ce faire,
premièrement, nous avons repéré toutes
les interruptions intrusives produites
dans les leçons observées. Ensuite, nous
avons comparé le nombre d’interruptions
subies par les garçons et les filles, respec-
tivement. Enfin, les taux d’interruptions
subies par les filles et les garçons, norma-
lisés avec le nombre des participants et
le temps de parole de chaque participant
de chaque genre, ont été calculés pour
1 Les participants sont identifiés par des
noms fictifs afin de les rendre anonymes.
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2 Le terme chevauchement fait référence à
l’acte de « plus d’une personne parle à la
fois » dans une conversation (Sacks et al.
1974).
et en fonction des objectifs pédagogiques
émergents et co-construits localement.
Le type d’activité en cours, les objectifs de
cette activité, le type de contenu étudié,
l’âge des participants impliqués dans l’in-
teraction et les conversations parallèles
entre les élèves sont quelques exemples
de facteurs jouant un rôle important lors
de l’organisation de la prise de parole
en classe. Des enseignants peuvent donc
instituer un système de pré-attribution
des tours où les élèves doivent prendre la
parole selon un ordre défini à l’avance ou
sur la base de l’hétéro-sélection par l’en-
seignant. Les élèves peuvent également
s’auto-sélectionner, comportement qui
peut être accepté et encouragé ou alors
dévalorisé et/ou sanctionné. Les élèves
mettent en scène leurs disponibilités ou
indisponibilités pour prendre la parole de
manière verbale ou non verbale (multi-
modale), comme en levant la main ou à
travers le contact visuel (Evnitskaya &
Berger, 2017). Enfin, les échanges peuvent
se dérouler en étant plus ou moins parse-
més de chevauchements2 ou de longues
pauses.
Les chevauchements peuvent être
non-intrusifs, par exemple quand un
élève prend la parole de manière anti-
cipatoire, juste avant la fin du tour d’un
de ses pairs, sans couper court au propos
d’autrui. Ou alors le chevauchement peut
relever d’une interruption intrusive. C’est
cette interruption intrusive que nous avons
examinée par rapport aux tours de parole
produits par des filles en classe de fran-
çais langue première, en nous focalisant
spécifiquement sur les moments où une
fille a été hétéro-sélectionnée par l’ensei-
gnant comme prochaine locutrice. Mu-
rata (1994) définit l’interruption en tant
qu’acte qui viole la parole d’un participant
à la conversation. L’interruption intrusive
peut être perçue comme agressive: le
participant qui interrompt prend la parole
en violant le droit de parler du locuteur
actuel, par exemple pour présenter un dé-
saccord avec ce qui est dit ou pour forcer
un changement de sujet de discussion. Il
convient de noter que ce qui est perçu
comme une interruption intrusive dans
une culture peut être considéré comme
coopératif dans une autre. La coupure
abrupte de la parole est en soi une inter-
ruption mais pas nécessairement intru-
sive. C’est surtout ce que les interactants
essaient de faire en se parlant qui dé-
termine le type d’interruption dans une
conversation. Les interruptions peuvent
effet, une référence au discours qui
construit cette réalité (Scot, 1998). Ainsi,
les concepts de genre et de rôles qui sont
associés aux genres sont historiquement
et culturellement variables: leur sens est
une construction négociée par des parti-
cipants impliqués dans ces interactions
situées aux niveaux social et historique.
En se basant sur ces études, la notion
de genre sur laquelle s’est fondée notre
recherche est celle proposée par Butler
(1990). Selon cette autrice, la division
sexuée entre les corps se construit à par-
tir d’un concept de sexe biologique créé
par le discours. De ce fait, une matéria-
lité sexuée du corps n’existe pas avant
le discours parce que c’est le discours
qui classe un tel corps (avec certaines
caractéristiques) en tant que masculin
ou féminin. Il existe donc un genre social
qui est préalable à la matérialité sexuée
du corps et qui est assigné à ce corps lors
de la naissance d’une personne. Ce sont
les genres sociaux qui sont inscrits dans
les corps pour qu’ils deviennent sexués.
A cet égard, il est tout à fait important de
réfléchir à la pluralité des genres sociaux
en sortant du binarisme féminin-mascu-
lin qui n’est pas assez représentatif des
différentes identités sociales.
L’identité sociale d’un sujet se configure
à travers ses discours et par rapport aux
discours d’autrui, dans un processus qui
implique l’altérité. L’une des institu-
tions clés qui participe à ce processus est
l’école. La construction de significations,
de rapports interpersonnels, d’identités
en classe se manifeste dans et à travers
la parole-en-interaction. La parole de cha-
cun s’ajuste aux contributions des autres
participants et les tours de parole sont
le résultat de ces ajustements mutuels
(Sacks et al. 1974: 726). Ainsi, c’est dans
l’élaboration de chaque tour de parole et
dans la coordination des changements
de tours de parole que peuvent se maté-
rialiser des comportements stéréotypés,
et ce sont ces mêmes éléments qui sont
susceptibles d’influencer la construction
d’une identité de genre d’un certain sujet
dans son rapport à autrui. Les interac-
tions en classe jouent donc un rôle fonda-
mental dans la construction des identités
sociales des élèves.
L’organisation des tours de parole en
classe se fait de façon particulière no-
tamment en raison des routines institu-
tionnelles propres mises en œuvre par les
participants impliqués dans l’interaction
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Dans l’ensemble de notre contexte d’ana-
lyse, les séquences d’interruption se sont
déroulées de manière stable et très sem-
blable à ce que nous pouvons observer
dans cet extrait. Celui-ci nous permet
ainsi de présenter les méthodes mobili-
sées par les interactants lors de la pro-
duction d’une interruption et ses consé-
quences séquentielles. Nous pouvons y
observer des exemples d’interruptions
intrusives, une interruption collaborative
et les conséquences séquentielles entrai-
nées par les deux types d’interruptions.
Les interruptions intrusives repérées
dans notre corpus ont été produites au
moyen de ressources interactionnelles
telles que l’étirement de syllabe dans un
tour de parole, l’augmentation du vo-
lume de la voix pour prendre la parole
et des chevauchements compétitifs en
dépit de la pré-allocation des tours faite
par l’enseignant. Pour faire face à ces
interruptions, les filles ont eu recours
notamment à deux stratégies, à savoir:
a) s’engager dans les chevauchements
compétitifs, et b) abandonner leur tour
de parole et attendre une intervention de
l’enseignant pour reprendre la parole. Il
faut noter que les filles ont aussi produit
des interruptions intrusives. Par contre,
elles l’ont fait avec une fréquence plus
basse par rapport aux garçons. La plupart
des interruptions produites par les filles
ont été comprises en tant que coopéra-
tives par les participants en interaction.
Les résultats obtenus dans notre re-
cherche pointent vers une systématicité
d’un comportement interactionnel qui ne
semble pas être lié à un simple désintérêt
des élèves impliqués dans l’interaction. Le
désintérêt ou l’écoute non-active peuvent
être des facteurs qui jouent un rôle im-
portant dans toutes les interactions.
Cependant, ces facteurs ne remettent
pas en question le constat que, dans le
corpus analysé, ce sont les filles qui sont
la cible des interruptions intrusives et
qu’elles ont dû s’engager, selon les cas,
trois fois plus qu’un garçon pour assurer
leurs rôles de locutrices et garder leurs
tours de parole.
donc être collaboratives ou intrusives. La
nature intrusive de l’interruption peut se
traduire par la manière dont le partici-
pant interrompu interprète et réagit à ces
interruptions tour après tour de parole au
cours de la conversation.
Comme les études de ce phénomène dans
une perspective d’AC en milieu scolaire
sont rares, nous ne pouvons pas conclure
que cette tendance à l’interruption sys-
tématique de la parole des filles se re-
produit avec la même fréquence ou les
mêmes caractéristiques linguistiques
dans d’autres contextes scolaires. Les
résultats peuvent varier en fonction de
plusieurs autres facteurs comme les en-
seignants qui gèrent l’activité en cours;
le genre de l’enseignant; les règles de
prise de parole négociées entre les inte-
ractants; les caractéristiques de la tâche
en cours; les types de cours concernés,
comme la biologie ou les mathéma-
tiques, par exemple; les tranches d’âges
des élèves et des enseignants impliqués
dans l’interaction. En d’autres termes, les
possibilités de recherches qui s’ouvrent
à propos de l’interruption systématique
de la parole des filles en milieu scolaire
sont vastes.
Analyse d’interruptions
intrusives de la parole des lles
à l’école
Le corpus utilisé dans cette étude a été
recueilli par le Centre de Linguistique
Appliquée (CLA) de l’Université de Neu-
châtel. Il s’agit d’interactions en classe
impliquant des élèves âgés de 13 à 14
ans, à l’école obligatoire en Suisse. Ces
enregistrements audiovisuels ont été
transcrits selon les conventions en vi-
gueur en AC. L’exemple ci-après (1) est
tiré d’une discussion où les élèves sont
invités à exprimer leur avis sur le sujet
suivant: « Quand les apprenants auront
des enfants, qui les élèvera, eux, leur
conjoint, quelqu’un d’autre ? Pourquoi
?». L’extrait ci-après montre des inter-
ruptions subies par Maya. La séquence
est initiée par l’enseignant qui clôt la
séquence produite avec Carine et sélec-
tionne la prochaine locutrice, Maya. Dans
notre exemple, Maya et Carine sont des
filles, Dominique est un garçon et le point
d’interrogation (?) désigne un participant
non identifié dont, dans ce cas, le genre
n’a pas pu être identifié.
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(1) Extrait du corpus Français langue première, secondaire I, discussion
de thème de société : L1-secI-DS-3 (vidéo 21m08s)
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vois pas comme ça », action qui implique
une réponse de la part de Maya et, par
ce fait, la sélectionne comme prochaine
locutrice. Or, le tour suivant de Maya est à
nouveau interrompu (ligne 26) par Carine
qui intervient en chevauchement avec la
parole en cours de Maya, et elle le fait en
énonçant une objection: « mais pas toute
la vie » (c’est-à-dire, elle affirme qu’il ne
s’agit pas de rester à la maison toute sa
vie quand on a une famille en tant que
femme, alors que Maya avait justement
suggéré cette contrainte).
Nous avons repéré les images de
l’interaction entre Maya et Carine. Maya
parle toujours en regardant tout droit, fi-
gure 1, (21 min 59 de la vidéo). Carine, par
contre, fait des mouvements vers d’autres
élèves, figure 2 (22 min 01 de la vidéo),
et met sa main à la bouche en cachant
partiellement son visage. Carine inter-
vient, « mais pas toute la vie », afin de
permettre à Maya de formuler un énoncé
conclusif (ligne 27): « en fait c’est ça »,
qui est toutefois chevauché par Domi-
nique, via une autre interruption intrusive
(l. 28). Dominique interrompt le topique
en cours (qui restera à la maison pour éle-
ver ses enfants?) pour adresser un énon-
cé offensif à l’égard de Maya. Cette action
déclenche les rires de la classe qui sont
suivis de l’intervention de l’enseignant
par l’interjection « [°chcht°]». Ainsi, ce
n’est qu’après plusieurs interruptions, à
partir de la ligne 33, que Maya parvient
à assurer son rôle en tant que locutrice
sans interruption de la part d’autres par-
ticipants.
Conclusion et implications
pratiques
L’un des objectifs des interactions en
classe est de favoriser les compétences
communicatives (ou: interactives) des
Maya commence un premier tour de pa-
role à la ligne 3; il est marqué par des
éléments d’hésitation : répétition de mots
(« les: les »), troncations (« i- ils »),
micro-pauses et allongement de syllabes
(« les: », « ça: »). Ce tour se termine avec
un rire (l.7), à un point de complétude
actionnelle et syntaxique: Maya a énon-
cé son opinion. Aux lignes 8-9, d’autres
participants s’auto-sélectionnent, in-
tervenant avec des signes de surprise
«hein?» « aah ? », ce qui incite Maya
à insister (l. 10): « [ouais] mais: [c’est
vrai] ». Les intrusions auto-sélectionnées
de ses camarades aux lignes 8 et 9 violent
les règles de prise de parole préétablies
au début de la séance, mais elles n’inter-
rompent pas le tour de Maya: ce ne sont
pas des interruptions intrusives. Après
avoir été relancée par l’enseignant (l. 11-
2) qui demande «pourquoi c’est tuant
cette image de femme au foyer», Maya
reprend son tour (l. 13) et revient sur sa
première opinion, «non c’est pas tuant»,
recourant alors à l’expression «je sais
pas» (Berger & Evnistakaya, 2017).
Maya, toutefois, continue son explication
dans un autre tour de parole (ligne 17)
mais, avant qu’elle achève la parole en
cours, pendant une pause (1,3 s), un par-
ticipant non identifié s’auto-sélectionne
en l’interrompant. Notons ici que le tour
de parole de Maya, « non c’est pas cre-
vant c’est », inachevé, demande pour être
complété grammaticalement un attribut
du sujet, ce qui est justement proposé
par le prochain locuteur : « chiant »
(l. 16). Ce type d’interruption peut être
compris comme collaboratif: il relève en
fait d’une co-construction d’un énoncé.
Cependant, Maya ne s’engage pas dans
une confirmation, par exemple « ouais,
c’est ça », mais, au contraire, reprend son
explication par « c’est pas que ça me plait
pas mais » (l. 17).
C’est ici qu’intervient une interruption
que nous caractérisons comme intrusive
étant donné la réaction de l’enseignant.
Carine s’auto-sélectionne (ligne 18), alors
que Maya, par son «mais», avait projeté
une continuation de son tour (l. 17); et,
lorsque l’enseignant s’oriente alors vers
l’énoncé projeté par Carine, Maya n’offre
aucune réaction. L’enseignant demande
le silence pour que Maya puisse achever
sa réponse. Maya reprend la parole (ligne
21) et a recours, encore une fois, à l’ex-
pression « je ne sais pas ». L’enseignant
lui pose alors une autre question « tu tu
Cependant, ces facteurs ne remettent pas en
question le constat que, dans le corpus analysé, ce
sont les lles qui sont la cible des interruptions
intrusives et qu’elles ont dû s’engager, selon les
cas, trois fois plus qu’un garçon pour assurer
leurs rôles de locutrices et garder leurs tours de
parole.
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Dans le cadre de discussions de thèmes de
société, les enseignants pourraient éga-
lement proposer des discussions concer-
nant le thème « interruption de la parole
de femmes », et les élèves pourraient
être exposés à des résultats de recherches
et être invités à présenter des proposi-
tions qui visent la construction d’une
pratique interactionnelle équitable. Pour
les enseignants qui souhaitent naviguer
dans les eaux des avancées technolo-
giques, il existe deux outils numériques
qui peuvent contribuer à cette prise de
conscience par rapport à une participa-
tion équitable en classe : les applications
Woman Interrupted et Equity Maps. Les
possibilités sont donc vastes. Et, dans ce
cas spécifique d’application de mesures
claires visant la diminution de l’écart
entre les genres, le plus important, tou-
tefois, nous semble de travailler sur la
sensibilisation des enseignants (et des
élèves) à cette problématique, ce qui fa-
voriserait des ajustements en classe en
vue d’un plus grand équilibre, entre les
genres, de la parole-en-interaction.
élèves afin de les préparer aux besoins
communicatifs qu’ils rencontreront
dans leur vie future, professionnelle ou
autre, que ce soit en langue première ou
seconde (Pekarek Doehler et al. 2017;
Pekarek Doehler, 2020). Dans cette op-
tique, et d’après les résultats obtenus dans
notre étude, nous pouvons nous poser
des questions relatives à l’impact des in-
terruptions sur l’apprentissage chez les
filles, car celles-ci risquent de diminuer
le temps de parole des filles et d’empiéter
sur leurs possibilités de participation aux
interactions en classe. Une telle réflexion
converge avec les propositions de l’Or-
ganisation des Nations Unies (UNESCO
& IIEP, 2017): l’un des objectifs de son
projet de Planification de l’éducation pour
les États membres, en effet, est d’assurer
un environnement équitable en matière
de genre à l’école. Or, ceci parait incom-
patible avec un temps de parole réduit
des filles ou une possible dévalorisation
de leur participation, voire de leurs pro-
pos, en milieu scolaire. L’interruption
systématique de la parole des filles est
un comportement naturalisé parmi tant
d’autres qui renforce les disparités entre
les genres à l’école. Ainsi, il nous semble
prioritaire de réfléchir à des pratiques
pédagogiques qui tiennent compte des
écarts entre les genres et leurs implica-
tions sur l’interaction lors de la plani-
fication d’une activité. Les solutions ne
sont pas simples, mais nous présentons
quelques pistes, à savoir :
a)
b)
c)
d)
Les élèves pourraient être invités à
des pratiques d’écoute-active dont
l’objectif est de créer un environne-
ment de respect et d’empathie avec
l’interlocuteur ;
L’établissement de règles claires avec
des objectifs explicites pour des dis-
cussions en classe lorsque l’orienta-
tion «lever la main et ne pas couper
la parole» n’a pas l’effet escompté ;
L’enseignant pourrait s’engager à
encourager les filles à s’exprimer,
dans le cas où il a observé un temps
de parole non-équitable entre les
interactants;
L’enseignant pourrait essayer d’in-
tervenir à chaque fois qu’une fille
est interrompue en la sélectionnant
lorsqu’elle manifeste une tendance
à l’abandon de son rôle de locutrice
après une séquence d’interruption.
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Research
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Le présent travail porte sur les interruptions intrusives chez les filles en classe de français langue première. La recherche vise à la description de la systématicité de ces interruptions à partir d’une perspective méthodologique de l’analyse conversationnelle. Les objectifs de ce travail sont : 1) la description des séquences d’interruption intrusives chez les filles ; 2) la description des méthodes mobilisées par les interactants lors de la production de ces interruptions et 3) la présentation d’un taux d’interruption et de la fréquence à laquelle le phénomène d’interruption intrusive chez les filles est produit dans les interactions étudiées. Le travail se conclu par une discussion concernant l’effet de ces interruptions sur la construction d’un environnement d’apprentissage vraiment équitable en rapport aux enjeux de genre à l’école.
Article
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Oral arguments at the U.S. Supreme Court are important-they affect case outcomes and constitute the only opportunity for outsiders to directly witness the behavior of the Justices of the highest court. This Article studies how the Justices compete to have influence at oral argument, by examining the extent to which the Justices interrupt each other; it also scrutinizes how advocates interrupt the Justices, contrary to the rules of the Court. We find that judicial interactions at oral argument are highly gendered, with women being interrupted at disproportionate rates by their male colleagues, as well as by male advocates. Oral argument interruptions are highly ideological, not only because ideological foes interrupt each other far more than ideological allies do, but also because, as we show, conservatives interrupt liberals more frequently than vice versa. Seniority also has some influence on oral arguments, but primarily through the female Justices learning over time how to behave more like male Justices, avoiding traditionally female linguistic framing in order to reduce the extent to which they are dominated by the men. We use two separate databases to examine how robust these findings are: a publicly available database of Roberts Court oral arguments, and another that we created, providing in-depth analysis of the 1990, 2002, and 2015 Terms. This latter data allows us to see whether the same patterns held when there were one, two, and three female Justices on the Court, respectively. These two sets of analyses allow us to show that the effects of gender, ideology, and seniority on interruptions have occurred fairly consistently over time. It also reveals that the increase in interruptions over time is not a product of Justice Scalia's particularly disruptive style, as some have theorized, nor of the political polarization in the country generally arising from the 1994 Republican Revolution. We also find some evidence that judicial divisions based on legal methodology, as well as ideology, lead to greater interruptions.
Article
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Drawing on recent conversation-analytic and socio-interactionist research on students’ participation in L1 and L2 classroom interaction in teacher-fronted activities, this paper makes a step further by presenting an exploratory study of students’ displays of willingness to participate (WTP) in classroom interaction and pedagogical activities across two educational and classroom settings (L2 classroom group work and CLIL classroom whole-class activity), both of which are characterized by the absence of teachers’ next-speaker selection practices. The study focuses on occasions where students self-select to provide a sequentially relevant second pair-part within the current activity and how it is oriented to by co-participants, particularly when the expected action is not accomplished. Using a multimodal conversation analytic approach, it shows that students’ WTP is indexed as a social, public demonstration of one’s interest to engage in the ongoing activity through displays of attentiveness to unfolding interaction and learning activities, emerging turn-taking and speakership establishment, engaging in foci of attention and participation frameworks, and taking on relevant participant roles. These findings indicate that WTP is not an absolute and fixed concept but is rather constituted by different aspects or levels of engagement displayed by the participants in interaction on a moment-by-moment basis.
Chapter
In this chapter I address what I see as the cornerstone for advancing our understanding of how results from empirical research into L2 interactional development can usefully be brought to bear on L2 education—be it curriculum design, teaching or testing—, namely an epistemologically coherent understanding of interactional competence and its development. For this purpose, I outline how current thinking about interactional competence—and more generally about L2 development—is rooted in a socio-constructivist, dialogic ontology of language, learning and competence as fundamentally situated, distributed, and emerging in and through social interaction. I discuss how this conceptualization differs from the notion of communicative competence, and argue that it stands in sharp contrast to the individualistic and cognitivist approaches to SLA that represent the epistemological backbone of L2 education in many contexts. Most centrally, I examine how existing findings from recent longitudinal studies on the development of L2 interactional competence can help us understand the challenges and the affordances of L2 classroom interaction, and I conclude with some larger implications for L2 education.
Article
Männliche Herrschaft. Dieser Versuch einer Analyse der männlichen Herrschaft, der Form symbolischer Herrschaft schlechthin, stützt sich auf ethnologisches Material aus der Kabylei. Die Gesellschaft der Kabylen, eine die Berbersprache sprechende Bergbevölkerung in Nord-afrika, hat insbesondere in seinen rituellen Praktiken, seiner Poesie und seinen mündlichen Überlieferungen ein System der Vision und Division lebendig gehalten, das der gesamten Mittelmeerwelt gemeinsam ist und auch heute noch in unseren mentalen und teilweise sozialen Strukturen vorhanden ist. Das Beispiel der Kabylei läßt sich mithin wie ein "vergrößertes Bild" behandeln, aus dem sich müheloser die grundlegenden Strukturen der männlichen Weltsicht herauslesen lassen. Ein erstes Ergebnis : Aufgrund des unmittelbaren Zusammenspiels zwischen zum einen den sozialen Strukturen, wie sie sich z.B. in der Organisation von Raum und Zeit oder in der Arbeitsteilung zwischen den Geschlechtern niederschlagen, zum anderen den mentalen Strukturen oder, genauer, den in Korper und Gehirn eingeschriebenen Prinzipien der Vision und Division, setzt sich die Ordnung des Männlichen im Modus der Evidenz, als vollkommen natürlich, durch. Tatsächlichwenden die Beherrschten -im vorliegenden Fall die Frauen- auf alle Dinge dieser Welt und nicht zuletzt auf die Herrschaftsbeziehung, der sie unterliegen, und auf die Personen, vermittels deren diese Beziehung sich realisiert -also auch auf sich als Personen-, ungedachte Denkschemata an, die als Produkt der Inkorporation der Machtbeziehung in Form von Gegensatzpaaren (oben/unten, groß/klein usw.) diese Beziehungen vom Gesichtspunkt der Herrschenden aus kontruieren und als natürliche erscheinen lassen. Die symbolische Gewalt realisiert sich über einen Akt der Verkennung und Anerkennung, der sich aulkrhalb der Kontrolle des Bewußtseins und Willens, in der Dunkelheit des Habitus vollzieht. In der Sozialisierung wird eine Somatisierung der Herrschaftsbeziehung angestrebt. Zunächst durch soziale Konstruktion der Anschauung vom biologischen Geschlecht, die selbst einer umfassenden mythischen Weltsicht zugrunde liegt. Dann durch Einüben einer körperlichen Hexis, die durchaus als inkorporierte Politik zu sehen ist. Vermittelt über diese doppelte, geschlechtlich differenzierte und differenzierende Arbeit der Einübung bilden sich zwingend bei Mann und Frau unterschiedliche Dispositionen in bezug auf die am wichtigsten erachteten sozialen Spiele aus, als da sind (in der kabylischen Gesellschaft) : Ehrenund Kriegsspiele, mit denen sich am besten Männlichkeit demonstrieren läßt ; oder in den differenzierten Gesellschaften alle Spiele, die hohe Geltung genießen, Politik, Kunst, Wissenschaft usw. Diese Beziehung der urspünglichen Ausschlieftung läßt sich sehr gut an Virginia Woolfs Roman Die Fahrt zum Leuchtturm analysieren : In Unkenntnis äerillusio, die dazu verleitet, sich in den großen sozialen Spielen zu engagieren, sind die Frauen auch frei von der libido dominandi und von daher in der Lage, einen relativ luziden Blick auf die männliche Spiele zu werfen, an denen sie in der Regel nur stellvertretend teilnehmen. Erklärungsbedürftig bleibt der inferiore Status, der den Frauen nahezu universell zugewiesen wird. Hier muß die Asymetrie der Statusse in Betracht gezogen werden, die beiden Geschlechtern in der Ökonomie des symbolischen Tauschs zugeschrieben wird : Während die Männer Subjekte der matrimonialen Strategien sind, durch die sie ihr symbolisches Kapital zu erhalten oder zu mehren suchen, werden die Frauen immer als Objekte dieses Tauschs behandelt, zirkulieren darin als Symbole mit der Fähigkeit, Bündnisse zu schmieden. Auf diese Weise mit einer symbolischen Funktion versehen, sind sie gezwungen, standig an der Erhaltung ihres symbolischen Werts zu arbeiten, durch Anpassung an das männliche Ideal der weiblichen Tugend, Scham und Keuchheit, und Erwerb der körperlichen und kosmetischen Attribute zur Erweiterung ihrer physischen Ausstrahlung und ihres Charmes. Der Status als Objekt, der den Frauen zugewiesen wird, la lit sich unzweideutig an der Bedeutung erkennen, den das mytischrituelle System der Kabylen ihrem Beitrag bei der Zeugung einräumt : Paradoxerweise wird die Schwangerschaft, diese genuine Arbeit der Frau, zugunsten der männlichen Intervention im Geschlechtsakt geleugnet. So bleibt auch in unseren Gesellschaften der privilegierte Part, den die Frauen bei der eigentlichen symbolischen Produktion -innerhalb wie aulkrhalb der Familieneinheit -spielen, verschleiert oder zumindest unterbewertet. Daraus folgt, daß eine Befreiung der Frau nur von einer symbolischen Revolution zu erwarten ist, die die Fundamente der Produktion und Reproduktion des symbolischen Kapitals selbst in Frage stellt, insbesondere aber die Dialektik von Prätention und Distinktion als der Grundlage der Produktion und Konsumtion der als Distinktionszeichen fungierenden kulturellen Güter.