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Thèse de doctorat
20 avril 2021
Diffusion, adoption et implémentation du BIM
dans les agences d’architecture en France
Elodie Hochscheid
SOUTENANCE
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Livret de
soutenance
Ce livret reprend certains éléments du
manuscrit de thèse provisoire déposé
auprès de l’Université de Lorraine en vue
d’obtenir l’autorisaon de soutenance. Il
permet aux personnes externes au jury de
prendre connaissance des principaux enjeux
et principales conclusions de ce travail de
recherche.
Directeur de thèse : Gilles Halin
Ecole Doctorale : IAEM Lorraine
Laboratoire MAP-CRAI
Centre de Recherche en Architecture et Ingénierie
UMR MAP n°3495 (CNRS/MC MAP)
École Naonale Supérieure d’Architecture de Nancy
Financement : Ministère de la Culture, Région Grand-Est
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RAPPORTEURS
Mme Sylvie JANCART,
Chargée de cours,
Université de Liège, Belgique.
M. Erik POIRIER,
Professeur,
École de Technologie Supérieure de
Montréal, Canada.
EXAMINATEURS :
M. Mohamad KASSEM,
Professeur,
Université de Northombria, Newcastle,
Grande-Bretagne
M. Florent CHAMPY,
Directeur de recherche au CNRS,
Université de Toulouse, France.
DIRECTEUR DE THÈSE :
M. Gilles HALIN,
Maître de conférences, HDR, directeur
adjoint de l’UMR MAP (CNRS/MC),
Université de Lorraine,
Nancy, France.
INVITÉ À PARTICIPER AUX DÉBATS
(hors jury)
M. Olivier CELNIK,
Architecte, enseignant, expert BIM, Di-
recteur du Mastère Spécialisé BIM École
des Ponts ParisTech,
Paris, France.
Composition du jury
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Le Building Informaon Modeling (BIM) est
une technologie innovante qui regroupe
un ensemble de méthodes, procédés et
ouls de travail permeant d’alimenter et
d’exploiter une base de données contenant
des informaons d’un un ouvrage tout au long
de son cycle de vie. Il permet d’améliorer la
performance des ouvrages et la manière dont
on les conçoit, construit et gère. Sa diusion
est encouragée en France et à travers le
monde car il porte un important potenel
à la fois pour le secteur de la construcon
dans son ensemble et pour le gesonnaire de
patrimoine qu’est l’Etat.
Le BIM nécessite cependant la mise en place
d’un cadre technique, règlementaire et
humain conséquent. Sa diusion est lente
et il suscite des réacons assez contrastées
chez les professionnels, et en parculier
les architectes. Ces derniers, par la place
importante qu’ils ennent dans l’équipe
de maîtrise d’œuvre, sont un acteur
incontournable de la transion de l’ensemble
du secteur vers des praques BIM. Bien
qu’il s’agisse d’une innovaon collaborave,
l’adopon de praques BIM impacte chacune
des entreprises qui le met en place à tre
individuel. Cet impact est très peu connu
et étudié pour l’instant, tant au niveau
organisaonnel qu’à l’échelle du secteur.
Dans ce travail de recherche, nous proposons
des modèles permeant d’appréhender
la diusion et l’adopon du BIM au sein
des organisaons. Nous avons également
référencé les facteurs qui inuencent les
organisaons à adopter des praques
BIM et ceux qui inuencent le succès de
l’implémentaon. Ces modèles nous ont
permis de réaliser une enquête auprès
des agences en pour cartographier l’état
du secteur de l’architecture, l’avancement
de la diusion des praques BIM au sein
des agences, et la manière dont elles les
implémentent. L’enquête a mis en évidence
certaines contradicons entre la culture
professionnelle des architectes et la
nature du BIM. Le fait que les agences aient
commencé à déployer des praques BIM
malgré ces nombreuses contradicons peut
être le marqueur d’un changement culturel
important pour la profession d’architecte.
Notre immersion au sein de plusieurs agences
nous a permis d’étudier les mécanismes
à l’œuvre au cours de l’implémentaon
d’ouls et de praques BIM. Cee phase de
changement souvent radical pour une agence
est dicile à mener. Nous nous sommes
enn appuyés sur l’ensemble de nos résultats
pour proposer des recommandaons et une
feuille de route à desnaon des agences qui
souhaitent implémenter des praques BIM.
Mots clés : BIM, Building Informaon Modeling,
Diusion, adopon, implémentaon, agences
d’architecture, changement, feuille de route,
enquête, recherche-acon
Résumé
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Genèse du sujet
Le sujet développé dans cee thèse est né
dans un contexte polique, scienque
et personnel parculiers. J’ai obtenu mon
diplôme d’Etat d’architecte ainsi que
le Master spécialisé AME (Architecture
Modélisaon, Environnement) au cours
de l’année universitaire 2014-2015 : c’est
l’année de l’intégraon du BIM (Building
Informaon Modeli-ing/Management)
dans les stratégies de l’Etat français.
Au cours de cee année, de nombreux
débats sur le BIM ont animé le secteur
de la construcon, et notamment les
architectes. Pourtant, ce sujet a été
quasiment absent de mes études en
architecture. J’ai même toujours eu le
senment que les ouls numériques
étaient problémaques pour une pare
des architectes, en parculier au sein
des ateliers de projet dans les écoles
d’architecture.
En 2015, j’ai réalisé un stage au sein
du laboratoire MAP-CRAI de l’ENSAN
et un mémoire de recherche, tous
deux orientés sur la thémaque du
BIM. En 2016, j’ai travaillé en agence
d’architecture, dispensé des cours à
l’ENSAN (notamment sur le BIM), et
écrit plusieurs arcles scienques. La
combinaison de ces trois expériences
simultanées (milieu professionnel –
enseignement – recherche) a mis en
évidence pour moi l’intérêt de leur
recoupement et a eu un impact décisif
sur le développement et déroulement de
cee thèse.
En janvier 2017, j’ai nalement
commencé cee thèse de doctorat sur la
diusion, l’adopon et l’implémentaon
des praques BIM au sein des agences
d’architecture françaises. Avec Gilles
Halin, qui a dirigé ce travail, nous avons
rapidement été convaincus que les
approches habituelles du laboratoire
MAP-CRAI orientées principalement
sur le développement de soluons
techniques et sur des problémaques
organisaonnelles ne permeaient pas
à elles seules de traiter le sujet. Une
approche à l’échelle de la profession
était nécessaire pour comprendre la
transion en cours et les réacons qu’elle
suscite chez les architectes. Le rapport
HCERES du laboratoire MAP a d’ailleurs
précisé, en juin de cee même année
qu’« une plus forte imprégnaon par
les réexions des sciences humaines et
sociales serait souhaitable pour donner
toute son ampleur au projet [scienque
du laboratoire MAP] » (HCERES 2017).
Introduction
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Contexte et problémaque
Depuis quelques années à l’étranger, puis
en France, les méthodes BIM sont de plus
en plus plébiscitées et ulisées. Depuis
2014, une direcve européenne autorise
les Etats membres à rendre les livrables
BIM obligatoires pour les marchés
publics et plusieurs pays européens ont
commencé à s’engager dans ce sens. La
France ne l’a pas rendu obligatoire mais
le BIM est entré dans les stratégies de
l’Etat pour améliorer la geson de son
patrimoine bâ.
La technologie innovante du BIM
regroupe un ensemble de méthodes,
procédés et ouls de travail qui
permeent d’alimenter et d’exploiter une
base de données intégrée de l’ouvrage.
Elle a pour objet la raonalisaon
de la geson des informaons de
l’ouvrage tout au long de sa vie, en
vue d’améliorer les performances de
sa concepon, construcon, geson,
exploitaon, et maintenance. Pour les
phases de concepon et de construcon
qui concernent le plus les architectes,
cee méthode est censée favoriser les
échanges entre les acteurs de la maîtrise
d’œuvre très tôt lors de la concepon, pour
intégrer les contraintes lorsque le coût
des modicaons sur le projet est encore
faible. Pour les maîtres d’ouvrages, c’est
l’occasion de recueillir des informaons
issues de la construcon qui peuvent être
ules à la geson de l’ouvrage et donc de
leurs parcs immobiliers.
La diusion du BIM reste néanmoins lente
et nécessite la mise en place d’un cadre
technique, règlementaire et humain
conséquent. Les modalités d’exécuon
des prestaons sont modiées et des
nouvelles missions et professions
se développement. La montée en
compétence ainsi que l’équipement
des professionnels du secteur de la
construcon à réaliser est conséquent.
La fragmentaon du secteur de la
construcon en petes entreprises et le
renouvellement des équipes de projet
à chaque opéraon de construcon
ralent encore davantage la diusion
d’une technologie collaborave comme
le BIM.
L’architecte est un acteur clé de la
maîtrise d’œuvre : c’est généralement lui
qui réalise la synthèse architecturale du
projet. Il fait l’interface entre diérents
acteurs de la maîtrise d’œuvre et est à
l’origine des premiers modèles du projet
qui sont échangés. Les architectes sont
donc un maillon incontournable de la
diusion du BIM. Ils ont pourtant à son
égard des réacons très contrastées.
Outre le coût de la technologie, certains
architectes craignent que le BIM ait
un impact négaf sur la producon
architecturale. Quant aux agences qui
souhaitent implémenter ces praques,
elles ne savent pas toujours par où
commencer et expriment leurs dicultés
qui vont bien au-delà de dicultés
économiques ou techniques.
Notre connaissance de l’état de la
diusion du BIM dans le secteur français
est très lacunaire, parculièrement
concernant les agences d’architecture
(verrou n°1). Nous manquons
également d’ouls conceptuels pour les
analyser ecacement (verrou n°2). Le
développement des praques BIM au
niveau français et internaonal semble
secouer la profession d’architecte sans
que l’on soit en mesure de comprendre
les enjeux et l’impact de sa diusion
sur la profession (verrou n°3). Enn, il
semble que les praques BIM soient
parculièrement diciles à implémenter.
Pourtant, les guides et la documentaon
qui vise à faciliter la mise en œuvre
de ces praques vont rarement au-
delà des dimensions techniques de
l’implémentaon pour s’intéresser aux
ressorts culturels, professionnels et
organisaonnels qui sont alors en jeu
(verrou n°4).
Notre travail répond à deux objecfs
principaux. Le premier est de constuer
une connaissance des facteurs, processus
et problémaques opéraonnelles liés à
l’intégraon de praques BIM dans les
agences d’architecture. Le second est de
proposer des ouls et recommandaons
pour faciliter l’implémentaon de
praques BIM dans les agences
d’architecture.
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Plan de thèse
Ce travail est constué de quatre pares
qui regroupent en tout huit chapitres
(voir Figure 1).
La première pare est un état de l’art
concernant d’une part la maîtrise d’œuvre
et la profession d’architecte, d’autre part
la technologie BIM, et enn l’intégraon
des innovaons dans les organisaons.
Cee pare constue donc notre premier
résultat (R1) : un socle de connaissances
muldisciplinaire.
Sur la base de ce dernier, nous avons
constué un cadre de recherche en
deux volets dans une seconde pare. Ce
cadre est composé d’un modèle unié
de processus d’adopon des innovaons
(R2) et d’une taxonomie des facteurs
qui peuvent inuencer l’adopon d’une
innovaon dans les organisaons (R3).
Nous nous sommes appuyés sur ces deux
résultats dans la suite de notre travail.
Dans une troisième pare, nous
présentons les résultats de l’enquête que
nous avons menée auprès des architectes.
Celle-ci s’est déroulée en deux temps :
nous avons d’abord réalisé des entreens
(R4), puis diusé un quesonnaire auprès
des agences françaises (R5).
Enn, dans la dernière pare, nous
présentons des recommandaons et une
feuille de route à desnaon des agences
qui souhaitent implémenter des praques
BIM. Elle est composée de deux volets : les
résultats de la recherche-acon menée
au sein des agences que nous avons
suivies au cours de l’implémentaon de
praques BIM (R6) et une feuille de route
à desnaon des agences pour faciliter
le déploiement des praques BIM (R7).
Pour ces recommandaons et la feuille
de route, nous nous sommes appuyés sur
l’ensemble des résultats de ce travail de
recherche.
Figure 1. Plan général du manuscrit intégrant les verrous idenés et les principaux résultats
PARTIE 1
État de l’art
Chapitres 1, 2 et 3
PARTIE 2
Proposition d’un cadre de recherche
Chapitres 4 et 5
PARTIE 3
Enquête sur les pratiques des agences
Chapitres 6 et 7
PARTIE 4
Feuille de route pour l’implémentation
Chapitres 8 et 9
V1
Faible connaissance de l’état de
la diusion des praques BIM
dans les agences françaises
V2
Manque d’ouls conceptuels pour
analyser ecacement l’état de la
diusion et le processus d’adopon
du BIM
V3
Faible compréhension des enjeux
de la diusion et de l’adopon
du BIM pour les architectes et la
profession d’architecte
V4
Manque de documentaon
relave aux problémaques
organisaonnelles de
l’implémentaon du BIM dans
les agences
VERROUS PLAN DE LA THÈSE RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
R1 Etat de l’art muldisciplinaire
R2 Modèle unié de processus d’adopon
des innovaons
R3 Taxonomie des facteurs qui peuvent
inuencer l’adopon d’une innovaon
dans les organisaons
R4 Résultats des entreens avec des
architectes
R5 Résultats d’une enquête par
quesonnaire menée auprès d’agences
R6
Résultats de la recherche-acon menée
au sein des agences que nous avons
suivies au cours de l’implémentaon de
praques BIM
R7 Feuille de route à desnaon des
agences pour faciliter le déploiement des
praques BIM
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Chapitre 1 :
L’ouvrage, la maîtrise d’œuvre
et l’architecte
Ce premier chapitre décrit le contexte
général du secteur de la construcon
et de la profession d’architecte. Après
avoir décrit le cycle de vie d’un ouvrage
ainsi que les diérents acteurs qui y
contribuent, nous présentons la maîtrise
d’œuvre, ses missions et son évoluon
progressive issue de la diversicaon et
spécialisaon des missions de concepon
d’un ouvrage. Nous évoquons également
les missions et la déontologie de
l’architecte ainsi que la constuon de
son identé professionnelle.
Chapitre 2 :
Le BIM, une technologie de rupture ?
Dans ce chapitre, nous présentons la
genèse du BIM, les implicaons de son
développement, la cohérence et le
décalage que cee technologie peut avoir
avec le secteur de la construcon ainsi
que les iniaves gouvernementales qui
ont vocaon à favoriser sa diusion.
PARTIE 1 : ETAT DE L’ART
Résumé des chapitres
Chapitre 3 :
L’acceptaon des innovaons et le
changement dans les organisaons
Ce chapitre présente la noon
d’innovaon, la manière dont elles se
diusent dans une populaon donnée,
les raisons qui poussent les organisaons
et les individus à les adopter, ainsi que
le déroulement des changements dans
les organisaons. La mise en place des
innovaons est abordée dans ce chapitre
à trois principales échelles : celle de
la populaon d’organisaons, celle de
l’organisaon, et celle de l’individu.
Chapitre 4 :
Processus d’adopon du BIM
Ce chapitre prend appui sur l’état de l’art
réalisé pour proposer le Modèle Unié
du Processus d’Adopon des Innovaons,
qui décrit les diérentes étapes que
traverse une organisaon lorsqu’elle est
confrontée à une innovaon et qu’elle
la met en œuvre. Nous y proposons
une claricaon des noons de
diusion, adopon, implémentaon et
appropriaon sur lesquelles nous nous
appuyons dans le reste de notre travail.
Chapitre 5 :
Les facteurs qui inuencent le processus
d’adopon
Ce chapitre s’appuie sur le processus
d’adopon pour disnguer deux types
de facteurs qui peuvent inuencer
l’adopon d’une innovaon : ceux qui
inuencent la décision de mere en place
une innovaon et ceux qui inuencent
le succès de son implémentaon. Nous
nous appuyons dans ce chapitre sur une
liérature très variée issue des domaines
de l’économie, de la sociologie des
organisaons, du management, ainsi que
la psychologie sociale pour proposer une
taxonomie des facteurs qui inuencent le
processus d’adopon d’une innovaon.
PARTIE 2 :
PROPOSITION D’UN CADRE DE
RECHERCHE
Chapitre 6 :
Une enquête par entreens
Ce chapitre présente les résultats
d’entreens menés avec des architectes.
Ils ont permis de mere en évidence un
large éventail de situaons et réacons
des architectes par rapport à la mise en
place de praques BIM. Ils ont permis
d’idener des stratégies qu’ils meent
en œuvre pour éviter d’avoir à mere
en place des praques BIM, ainsi que
les principales préoccupaons des
architectes par rapport à l’implémentaon
de praques BIM.
Chapitre 7 :
Une enquête par quesonnaire
Dans ce chapitre, nous présentons
l’enquête par quesonnaire que
nous avons réalisée auprès d’agences
d’architecture françaises. Celle-ci avait
pour objet de cartographier le secteur de
l’architecture et la populaon d’agences
an d’étudier la réparon de certaines
praques au sein de cee populaon.
Nous avons également pu dresser un
état des lieux des praques BIM au sein
des agences et idenes les principales
stratégies qu’elles meent en œuvre
pour implémenter des praques BIM.
PARTIE 3 : ENQUÊTE SUR LES
PRATIQUES NUMERIQUES DANS
LES AGENCES
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Chapitre 8 :
Suivi de quatre agences au cours de
l’implémentaon de praques BIM
Ce chapitre présente les résultats d’une
recherche-acon menée au sein de quatre
agences d’architecture que nous avons
suivies au cours leur implémentaon de
praques BIM. Nous proposons un cadre
d’accompagnement de l’implémentaon
en nous appuyant sur les résultats de nos
précédents travaux. Ce cadre est ulisé
pour suivre les agences et pour analyser
les résultats de nos observaons au cours
de ces expérimentaons.
Chapitre 9 :
Une feuille de route pour
l’implémentaon de praques BIM dans
les agences
Dans ce chapitre, nous nous appuyons
sur l’ensemble des connaissances
produites et rassemblées dans ce
travail de recherche pour proposer
un ensemble de recommandaons à
desnaon des agences d’architecture
qui implémentent des praques BIM. Ces
recommandaons sont organisées sour
la forme d’une feuille de route qui a fait
l’objet du développement d’un prototype
d’applicaon desné à la valoriser de
façon ludique auprès des agences.
PARTIE 4 : UNE FEUILLE DE
ROUTE POUR IMPLEMENTER DES
PRATIQUES BIM
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Ce travail de recherche porte deux
objecfs principaux. Le premier est
d’améliorer l’état des connaissances sur
la diusion et l’adopon du BIM dans les
agences d’architecture françaises ainsi
que la manière dont elles l’implémentent.
Le second est de proposer des ouls
permeant de faciliter l’implémentaon
de praques BIM dans ces mêmes
agences. Nous avons développé des
ouls méthodologiques permeant
d’étudier l’adopon du BIM dans les
organisaons. Ces ouls ont été ulisés
dans une enquête par entreens et une
enquête par quesonnaire à desnaon
des architectes. Nous avons complété
nos observaons notamment sur
l’implémentaon du BIM en agence en
suivant quatre agences d’architecture
qui ont implémenté des praques BIM.
Les résultats de notre enquête, de la
recherche-acon réalisée ainsi que d’un
état de l’art s’appuyant sur le champ
d’étude de la geson du changement
nous ont permis de proposer des
recommandaons à desnaon des
agences pour faciliter l’implémentaon
de praques BIM. Celles-ci ont été
présentées sous la forme d’une feuille
de route. La nature originale de ce travail
réside dans la complémentarité des
approches et des échelles d’étude ici
traitées.
Principales conclusions
21
20
Des outils méthodologiques
pour analyser l’état de la
diffusion de l’adoption du BIM.
Le processus d’adopon
Le modèle du processus d’adopon des
innovaons proposé par Rogers dès les
années 60 décrit les phases par lesquelles
passent des adoptants (organisaons,
individus) lorsqu’ils sont confrontés
à une innovaon qu’ils nissent
par intégrer dans leurs praques. Il
comporte cependant des lacunes car il
est très centré sur la décision d’adopter
l’innovaon, omeant ainsi les échecs
possibles du processus. Le Modèle Unié
du Processus d’Adopon des Innovaons
que nous avons proposé permet de lever
cee lacune. Il permet de posionner
les principaux jalons du processus
d’adopon, ses possibles arrêts, ainsi que
les facteurs qui l’inuencent.
Ce modèle a montré sa pernence
comme cadre pour étudier les facteurs
qui inuencent le processus d’adopon
en permeant notamment la disncon
entre les facteurs qui inuencent la
décision d’adopter une innovaon
et ceux qui inuencent le succès
de l’implémentaon. Nous l’avons
également exploité dans le cadre de
notre enquête par quesonnaire pour
posionner les praques des adoptants :
le modèle a alors permis de cartographier
l’état de l’adopon des praques BIM
des agences d’architecture. Ce modèle
a permis de réaliser des observaons
cohérentes et a permis de présenter les
résultats de façon très intelligible. Enn,
ce modèle a également servi d’appui pour
le posionnement et la valorisaon d’une
proposion de feuille de route desnée
aux agences d’architecture.
Le Modèle Unié du Processus
d’Adopon des Innovaons a donc
montré sa robustesse dans diérentes
situaons. Il peut tout à fait être exploité
dans d’autres contextes que celui du BIM
et dans d’autres domaines que celui de la
construcon.
La taxonomie des facteurs d’adopon
La taxonomie des facteurs qui inuencent
l’adopon du BIM que nous avons
proposée intègre quatre domaines
de facteurs qui peuvent inuencer
l’adopon du BIM : le contexte externe
d’une organisaon, ses caractérisques
internes, les caractérisques de
l’innovaon ainsi que les caractérisques
du changement. Ce dernier domaine est
un apport de notre travail par rapport à la
liérature scienque sur l’adopon des
innovaons qui ne considère aujourd’hui
pas le changement (et sa percepon
par les adoptants) comme domaine
d’inuence sur l’adopon.
Nous avons exploité la taxonomie des
facteurs d’adopon ainsi que le cadre
permeant de la posionner dans notre
recherche. Nous avons ulisé la liste des
facteurs de décision et d’implémentaon
pour construire notre enquête par
quesonnaire. Les facteurs ainsi mesurés
dans notre enquête sont des marqueurs
de l’état d’avancement de la diusion
du BIM dans les agences. Les facteurs
d’implémentaon (qui inuencent
l’implémentaon du BIM) ont été ulisés
pour développer une feuille de route:
tous les éléments qui inuencent le
succès de l’implémentaon peuvent être
pris en compte lors de l’élaboraon d’une
stratégie d’implémentaon de praques
BIM dans une agence.
La taxonomie que nous avons proposée
ne couvre qu’une pete pare du disque
PEFA-BIM (Disque de Posionnement
des Etudes sur les Facteurs d’Adopon
du BIM). Nous n’avons travaillé que
sur les facteurs qui inuencent les
organisaons à adopter le BIM (échelle
micro). Le référencement des facteurs
qui inuencent l’adopon du BIM aux
échelles meso et macro sur le cadre
proposé porte un fort potenel pour des
recherches à venir.
23
22
L’état de l’art sur l’évoluon de la
profession d’architecte d’une part et
le développement des technologies de
l’informaon et de la communicaon
d’autre part a révélé des antagonismes
entre la nature du BIM et la culture
professionnelle des architectes. Ces
antagonismes expliquent en pare
les réacons vives que nous avons pu
observer chez certains architectes au
sujet du BIM.
La dimension collaborave du BIM et
« l’architecte maître de l’œuvre ».
La constuon et la reconnaissance très
tardive des modes d’exercice salarié et
associé a eu pour conséquence d’ancrer
la praque en indépendant chez les
architectes, formant aujourd’hui un
secteur principalement composé de très
petes entreprises (même si le secteur
évolue largement vers le mode d’associé,
préféré par les jeunes architectes). Ainsi,
ce n’est que très récemment (et pour une
pete pare seulement des agences) que
les quesons d’organisaon rééchie et
raonnelle du travail ont commencé à
se poser. En ce sens, le discours sur les
praques BIM construit principalement
sur la raonalisaon du travail et des
échanges ainsi que sur la collaboraon
Les contradictions entre
le BIM et la culture
professionnelle des
architectes sont nombreuses
ne concerne que très peu les architectes
et peine à susciter leur intérêt. Cela
correspond à nos observaons lors de
notre enquête par quesonnaire : les
praques BIM de niveau 1 (relaves à
la meilleure geson des informaons
de l’ouvrage en interne de l’entreprise)
suscitaient moins l’intérêt des agences
que les praques de niveau 2 (très
plébiscitées).
Tandis que l’on reconnaît à l’architecte
la « propriété intellectuelle » de l’œuvre
architecturale depuis qu’il a acquis
un statut d’arste (Carvais 2018a),
l’implicaon de nombreux acteurs sur
le projet de construcon (et maintenant
jusque sur la maquee numérique),
quesonne ce droit. Pour les architectes,
la diusion des praques BIM est
donc loin de n’être qu’une queson
de traçabilité de la responsabilité des
erreurs. C’est la paternité de l’œuvre qui
se joue.
La maîtrise d’œuvre pluridisciplinaire
que l’on connaît aujourd’hui s’est
construite en réacon au développement
des contraintes techniques du projet.
Elle est issue de la spécialisaon
des missions qui étaient auparavant
aribuées principalement à l’architecte.
Le développement des praques BIM
et notamment les niveaux avancés qui
sont associés à une forme d’ingénierie
concourante s’inscrit dans la connuité
de la diversicaon des contraintes et
des acteurs de la concepon. Celle-ci est
souvent vécue par les architectes comme
la déchéance de leur statut au sein de la
maîtrise d’œuvre. C’est pour cee raison
que de nombreux architectes voient dans
la diusion du BIM une énième manière
d’aaiblir le rôle de l’architecte et sa place
dans l’équipe de maîtrise d’œuvre.
La dimension technique du BIM et le
statut d’arste des architectes
Les problémaques auxquelles répondent
la technologie BIM sont principalement
techniques et concernent peu (voire
pas du tout) les dimensions sociales et
sensibles de l’architecture qui sont au
cœur des préoccupaons des architectes.
Certains architectes craignent donc que
le développement du BIM amène à la
prévalence systémaque des quesons
techniques dans les projets au détriment
de la qualité architecturale.
Le BIM concerne des acvités et
thémaques dont les architectes se sont
progressivement détournés ; d’abord
en se constuant une identé d’arste,
et, plus récemment, en délaissant
progressivement les missions liées au
suivi du chaner. Ils ont donc réduit leur
champ d’acon sur le cycle de vie de
l’ouvrage tandis que les praques BIM
tendent à impliquer les contraintes de
l’ensemble du cycle de vie, notamment
au moment de la concepon.
25
24
La culture libérale de la profession et la
dimension économique, raonnelle et
industrielle du BIM
Le statut d’arste de l’architecte a
souvent été évoqué comme principale
source de rejet de la raonalisaon du
travail car l’opmisaon du processus
créaf est souvent considérée comme
dicile. Pourtant, il semble que
l’ancrage libéral de la profession et plus
parculièrement du caractère d’intérêt
public de l’architecture entre fortement
en conit avec la raonalisaon.
Le rôle de l’architecte (désintéressé, qui
perçoit des bénéces non commerciaux) a
été dès le début de l’instuonnalisaon
de la profession fortement détaché de
celui d’entrepreneur (qui a vocaon à
s’enrichir). La raonalisaon du travail est
donc souvent vue comme une recherche
d’économie ou d’enrichissement
du maître d’ouvrage, qui est source
d’appauvrissement de la proposion
architecturale. La dimension raonnelle
du BIM entre donc en conit avec
la culture libérale de la profession
d’architecte dans le sens où elle nuirait à
sa mission d’intérêt général.
C’est également cee culture libérale et
d’intérêt public qui explique en pare la
méance envers les éditeurs de logiciels
que nous avons observée tout au long de
notre enquête. Ces derniers n’œuvrent
pas dans le même but que les architectes
(ils ont une acvité à but lucrave) :
cela ase la méance de nombreux
architectes.
Le caractère innovant du BIM et l’inere
de l’enseignement et de la recherche en
architecture
Les jeunes architectes sont un des
principaux moteurs de la transion
des agences vers des praques BIM.
Même si la formaon connue permet
aux professionnels de monter en
compétence, ce sont souvent de jeunes
diplômés aux prols de « superusers
» qui sont à l’origine des importants
changements dans les agences.
Cependant, les ENSA peinent à intégrer
des enseignements BIM. L’actualisaon
du contenu pédagogique, principalement
permis dans les universités et les écoles
d’ingénieur par la forte présence de
chercheurs à la pointe dans leur domaine
fait pour l’instant défaut dans les écoles
d’architecture. Une réforme des ENSA est
en cours pour développer la recherche
mais celle-ci va prendre du temps à
se mere en place et suscite de vives
réacons dans la profession.
L’enseignement de la CAO concerne
aujourd’hui principalement uniquement
l’ulisaon des ouls mais ne sont
presque jamais reliés aux problémaques
de concepon ou de collaboraon dans
le projet. Les ateliers de projet sont restés
d’importants vecteurs de tradions et
sont pour l’instant encore assez peu
perméables aux sujets portés par la
recherche universitaire. Leur capacité à
préparer la transion à venir d’équipes de
maîtrise d’œuvre encore plus diversiées
est faible.
27
26
Une profession qui évolue
Au moment de notre enquête, en
2019, environ un ers des agences
d’architecture en France ulisent de
façon généralisée un oul BIM dit « de
modélisaon » (niveau 1) ; une pare
d’entre elles exploitent cet oul depuis
longtemps. 12% environ ont mis en place
des praques BIM plus avancées de
niveau 2. Les praques BIM bénécient
dans l’ensemble d’une image plutôt
posive auprès des architectes mais un
quart d’entre eux sont parculièrement
défavorables à sa diusion. Cee
proporon d’architectes défavorables
au BIM peut sembler importante.
Mais, compte tenu des contradicons
que nous avons pu relever entre la
nature (collaborave, économique,
technique et innovante) du BIM et la
praque (historiquement solitaire,
libérale, arsque et tradionnelle)
des architectes, elle est nalement
assez faible. Elle pourrait même être le
marqueur d’un important changement de
culture professionnelle des architectes.
L’état de l’adoption des
pratiques BIM dans les
agences françaises
La résilience des petes agences et
l’inere des plus grandes
L’ulisaon d’ouls BIM dits « de
modélisaon » est répare de façon
très homogène au sein de la populaon
des agences, et ce indépendamment
de leur taille ou du type de projets
qu’elles réalisent. On note même que les
grandes agences ulisent moins souvent
ces ouls que les plus petes d’entre
elles, probablement à cause de l’inere
qu’elles rencontrent et qui limite leur
capacité de changement. La thèse et la
croyance très répandue que les ouls
BIM sont inaccessibles pour les petes
agences car leur coût est trop élevé est
donc à nuancer, même si la proporon
de logiciels « piratés » (et donc non
coûteux) est certainement plus élevée
et non négligeable au sein de ces petes
agences.
Les praques BIM avancées (niveau 2)
ne sont pas réservées aux très grandes
agences : elles sont plus présentes au
sein des agences de taille moyenne au
moment de notre enquête. Ce sont
pourtant les agences les plus grandes
qui sont les plus soumises aux pressions
contextuelles qui les poussent vers des
praques BIM. Il est tout à fait possible
que ces pressions les incitent dans les
années à venir à implémenter plus
largement les praques BIM, rarapant
ainsi leur « retard ».
Les petes et moyennes agences se
montrent très résilientes, malgré leur
plus faible capacité d’invesssement
et leur manque d’aracvité pour les
prols d’architectes spécialisés en BIM.
C’est notamment grâce à l’impulsion
des jeunes diplômés qui y trouvent une
marge de manœuvre plus importante
que dans les grandes agences pour y
proposer et développer des praques
BIM. Le développement d’enseignements
spécialisés BIM dans les ENSA permera
(s’il a lieu) en pare d’absorber les
transformaons au sein des petes et
moyenne agences. Nous avons montré
que les agences ont tendance à s’agrandir
au l des années : le recrutement d’un
nouveau collaborateur est alors un
moment stratégique de la vie d’une
pete agence car il lui permet de faire
face aux changements du secteur. Les
agences les plus grandes meront quant
à elle en place des praques BIM sous
l’impulsion des pressions externes et de
façon beaucoup plus lente que les petes
agences.
29
28
Les praques de niveau 1 et de niveau 2:
des enjeux diérents
Les praques BIM de niveau 2 sont plus
aracves et mieux connues des agences
que les celles de niveau 1, même si
leur diusion est limitée par le faible
avancement du secteur de la construcon
dans son ensemble. L’implémentaon
des praques de niveau 1 est alors pour
l’instant vue principalement comme un
tremplin vers le niveau 2 qui permet de
s’assurer une place sur le marché.
On observe que l’adopon des praques
de niveau 1 suscitent des réacons plus
marquées et négaves que celles du
niveau 2. L’implémentaon du niveau
1 est également beaucoup plus radicale
pour une agence que la mise en place
du niveau 2, qui se fait relavement
progressivement et de façon souvent
assez naturelle dans les agences surtout
dans la période actuelle au cours de
laquelle ces praques avancées ne sont
pas encore très cadrées.
L’implémentaon du niveau 1 implique
quant à elle à l’oul de producon
principal des architectes, qu’ils
considèrent généralement comme
indissociable du processus de concepon.
Ainsi, en changeant d’oul, ils craignent
de voir leur producon architecturale
dénaturée. La mise en place du niveau
1 entraîne donc généralement un
quesonnement profond sur l’identé de
l’agence et celle de sa producon.
Au travers de la diculté de
l’implémentaon du niveau 1 transparaît
également la diculté des agences
à intégrer une vision raonnelle de
leur travail. Si le niveau 2 concerne la
raonalisaon des informaons et des
échanges tout au long du cycle de vie
de l’ouvrage, le niveau 1 est quant à
lui centré sur les problémaques et
opmisaons internes que les agences
n’ont jamais mises en œuvre. Notre
enquête par quesonnaire illustre bien
ce phénomène : parmi les agences
qui travaillent en niveau 1 au moment
de l’enquête (30% environ), seule la
moié d’entre elles exploite les ouls
d’automasaon permeant un gain de
temps considérable comme la créaon
automasée de tableaux de surface des
pièces.
Dans les années 1990-2000, lorsque les
agences se sont équipées d’ordinateurs,
elles sont généralement préféré les ouls
de dessin 2D aux ouls de modélisaon
3D sémanque. Les principaux ouls
BIM de modélisaon que l’on connaît
aujourd’hui étaient pourtant déjà sur le
marché. Les ouls 2D ont été préférés car
ils sont plus proches du dessin à la main
(on appelle bien AutoCAD la « table à
dessin numérique ») que la modélisaon
3D orientée objet. Ce « choix », réalisé
il y a vingt ans a pourtant engagé les
agences dans une direcon qui leur
rend aujourd’hui l’implémentaon de
praques BIM bien plus complexe. C’est
pour cee raison que le BIM apparaît
« disrupf » aujourd’hui alors que ses
prémisses (et ses ouls) existaient déjà
au cours des années 2000 et même
quelques années auparavant.
31
30
les jeunes diplômés protent de cee
transion pour évoluer assez rapidement
au sein des agences. A travers eux
apparaît l’impact de la mise à jour des
programmes des ENSA sur la profession,
et les porosités entre recherche,
enseignement et milieu professionnel.
Enn, l’ensemble des éléments ici
présentés sont très liés au contexte de
l’année 2019. Si ce dernier a certainement
déjà un peu évolué entre le moment
de l’enquête (2019) et le moment de
la rédacon de ces lignes (2021), il est
suscepble de changer assez fortement
dans les cinq à dix années à venir. La
période concernée par l’enquête (2015-
2021) a l’avantage de capturer une
situaon à un moment clé de la transion.
Nous avons notamment pu observer un
basculement au cours de cee période
entre les prols d’adoptants. Plutôt férus
de nouvelles technologies avant 2015,
les agences qui adoptent des praques
BIM aujourd’hui sont principalement
centrées sur des préoccupaons liées
à l’évoluon du marché. Ce sont des
agences plus sensibles aux risques
d’implémentaon que les premiers
adoptants : ils seront donc d’autant plus
récepfs à la documentaon qui vise à les
accompagner dans l’implémentaon.
Notre enquête reste cependant
relavement restreinte dans la
durée, en parculier l’enquête par
quesonnaire qui devrait être reconduite
régulièrement pour aner et vérier
les résultats ici présentés. Une étude
longitudinale permerait d’évaluer
l’impact des poliques incitaves sur la
populaon d’agences et sur le secteur de
la construcon.
Les évoluons en cours
L’accès à la commande était déjà aecté
par le développement des exigences BIM
dans les projets au moment où nous
avons réalisé notre enquête (2019). Les
agences de toutes tailles réalisent des
projets suscepbles d’être concernés
par des exigences et livrables BIM. Nous
avons cependant observé des stratégies
d’évitement qu’elles meent en œuvre
pour ne pas avoir à implémenter des
praques BIM. Cela peut entraîner à
moyen terme une redistribuon des
missions et types de projets dans la
populaon d’agences. L’impact et la
nouvelle réparon de ces projets
dépendra certainement des types de
projets et programmes qui seront en
premier proposés principalement en BIM.
Cela donne des pistes d’enquêtes futures
pour étudier l’évoluon du secteur.
Le développement des praques BIM
commence à se traduire par un passage
accéléré de généraon d’architecte
: tandis que les plus expérimentés
regreent généralement la disparion
de l’organisaon du travail telle qu’ils
l’ont connue au début de leur carrière,
33
32
Les dicultés de l’implémentaon
L’implémentaon des praques BIM est
un moment assez dicile pour beaucoup
d’agences, en parculier lorsqu’il s’agit du
niveau 1. Il arrive que l’implémentaon
ne fonconne pas, malgré l’achat des
ouls et la réalisaon de formaons. Cet
échec peut même mere les agences
dans une situaon économique très
délicate.
Même lorsqu’elle se passe bien,
l’implémentaon nécessite un important
invesssement en temps et en argent.
Cela entraîne généralement une baisse de
producvité au cours de l’implémentaon
qui nécessite d’être ancipée. Peu
d’agences développent des stratégies
pour traiter ces dicultés. C’est pour
cee raison que nous avons proposé des
recommandaons et une feuille de route
qui permeent aux agences d’anciper et
de faire face à ces dicultés.
L’implémentation des
pratiques BIM et ses
difcultés
Une proposion de feuille de route pour
accompagner les agences
Nous nous sommes appuyés sur les
résultats de notre enquête, sur le suivi
de plusieurs agences ainsi que sur le
domaine de la geson du changement
pour proposer des recommandaons aux
agences qui souhaitent implémenter des
praques BIM. Ces recommandaons
ont pris la forme d’une feuille de route
en quatre étapes, qui intègrent de
nombreuses dimensions de la geson
de projet (idencaon des besoins,
planicaon, geson des risques,
etc.) et les principes de la geson du
changement. Dans une perspecve de
valorisaon, la feuille de route proposée
a fait l’objet du développement d’un
prototype d’applicaon pour en proposer
une version interacve, synthéque et
ludique.
Notre travail portait deux principaux
objecfs : de construire un socle de
connaissance sur la diusion, l’adopon
et l’implémentaon du BIM dans les
agences ; et de proposer des ouls
pour en faciliter l’implémentaon. Une
grande pare de notre recherche s’est
orientée sur le premier objecf, car le
socle de connaissances à constuer était
conséquent. Nous avons idené de
nombreuses lacunes dans la liérature
sur l’adopon du BIM que nous avons
tenté de combler. Les ouls que nous
proposons sont pour l’instant lacunaires,
mais la connaissance que nous avons
contuée sur la diusion, l’adopon
et l’implémentaon du BIM permera
d’alimenter de futures recherches et de
formaliser des proposions et ouls à
desnaon des agences.
Enn, notons que la proposion d’une
feuille de route est une réponse très
parelle aux dicultés que les agences
rencontrent pour implémenter des
praques BIM. En eet, nous avons abordé
principalement des problémaques
organisaonnelles du changement.
Mais nous avons vu également que la
culture professionnelle des architectes,
qui a impacté la structure, culture, et
les praques des agences portait en elle
des contradicons avec les praques
BIM que les agences tentent aujourd’hui
d’implémenter. C’est pour cee raison
que la probmlémaque de diusion,
d’adopon (et même d’implémentaon)
du BIM dans les agences ne peut être
dissociée de l’impact de cee culture
professionnelle aujourd’hui en évoluon.
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34
Le développement des praques BIM
et les poliques incitaves ont accéléré
l’évoluon de l’organisaon de la maîtrise
d’œuvre. Celles-ci vont certainement
faire évoluer la loi MOP qui ne permet
pour l’instant pas réellement un
fonconnement en mode concourant.
Le posionnement des architectes vis-
à-vis des missions BIM est certainement
déterminant et impactera l’orientaon
des règlementaons futures.
La noon de « profession libérale »
des architectes entre aujourd’hui en
contradicon avec une maîtrise d’œuvre
toujours plus diversiée et qui n’est ni
soumise à une mission d’intérêt général ni
à une déontologie professionnelle. Dans
la connuité de l’évoluon de la maîtrise
d’œuvre, la noon de « profession
libérale », réservée aux architectes
aujourd’hui pourrait évoluer vers des «
acvités libérales » ou « groupements
momentanés d’entreprises libérales »
(Chesneau 2018b) qui concerneraient
l’ensemble de la maîtrise d’œuvre.
Dans tous les domaines, le cloud
compung commence à externaliser la
puissance de calcul hors des entreprises.
Les logiciels migrent progressivement
vers des services et applicaons web.
Pour l’architecture et la construcon, cela
se manifeste par la diusion des licences
par abonnement qui intègrent désormais
Perspectives
des services (espace de stockage,
puissance de calcul), avec les avantages
et les inconvénients que cela comporte.
De nombreux livrables et démarches
administraves comme des demandes
d’autorisaon d’urbanisme ou des permis
de construire sont progressivement
dématérialisés, comme cela est envisagé
dans le plan BIM 2022. Dans ce cadre, le
développement de standards ouverts et
d’une règlementaon des logiciels seront
incontournables pour garanr l’intérêt
commun et le respect des données
personnelles.
Notre travail de recherche a donc
permis de dresser un panorama et une
photographie de l’état de la diusion du
BIM au cours d’une période charnière.
Il permet d’en comprendre les ressorts
culturels en France et d’envisager son
impact sur la populaon des agences
françaises. La dimension internaonale
de la diusion des praques BIM appelle
des études conduites à des échelles
plus importantes que celle de la France
et dépassant très largement la seule
profession d’architecte. Les pistes de
recherche concerQnant la thémaque du
BIM sont très nombreuses car il reste de
nombreuses problémaques techniques,
humaines et éthiques à invesr dans ce
domaine pour permere une geson
ecace et souhaitable des informaons
du bâment.
Enn, alors qu’il intervient dans un
contexte de réforme des ENSA, ce travail
a souligné l’impact des programmes
pédagogiques des écoles d’architecture
sur le secteur de l’architecture. Le
développement de la recherche permet
en eet l’ancipaon des transformaons
de la société, nécessaire à l’exercice de la
profession et à son évoluon.
Elodie Hochscheid
37
36
Liste de publications
scientiques de l’auteure
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2020. Les agences d’architecture françaises à l’ère
du BIM : contradictions, pratiques, réactions et perspectives. Les Cahiers de la Recherche
Architecturale Urbaine et Paysagère. N°9/10 «L’agence d’architecture», Décembre 2020. DOI
10.4000/CRAUP.6201
hp://bit.ly/EH_CRAUP20
Gilles HALIN, Veronika BOLSHAKOVA, Elodie HOCHSCHEID, Henri-Jean GLESS, Aida SIALA,
2020. Four approaches for integrating BIM practices in AEC projects. 25th International
Conference of the Association for Computer-Aided Architectural Design Research in Asia (CAADRIA),
Conférence virtuelle, Août 2020.
hp://bit.ly/EH_CAADRIA20
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2020. Baromètre BIM : une enquête sur l’adoption du
BIM dans les agences d’architecture en France (BIM Barometer : A survey on BIM adoption in
french architecture rms). Séminaire Conception on Architecture Numérique (SCAN’20). Conférence
virtuelle, Novembre 2020.
hp://bit.ly/EH_SCAN20
Souhail ELHOUAR, Elodie HOCHSCHEID, Ammar ALZARRAD, Chance EMANUELS, 2020.
Will articial intelligence (AI) take over the construction world ? A multidisciplinary
exploration. Proceedings of the Creative Construction Conference 2020 (CCC2020), Conférence
virtuelle, Juin-juillet 2020.
hp://bit.ly/EH_CCC20
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2019. Generic and SME-specic factors that inuence
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hp://bit.ly/EH_FEM2019
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2019. A framework for studying the factors that
inuence the BIM adoption process. Proceedings of the International Council for Research and
Innovation in Building and Construction Conference (CIBw78). Newcastle, Angleterre. Septembre
2019. p. 275-285.
hp://bit.ly/EH_CIB2019
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2019. Micro BIM adoption in design rms : Guidelines
for doing a BIM implementation plan. Proceedings of the Creative Construction Conference 2019
(CCC2019). Budapest, Hongrie. Juin 2019.
hp://bit.ly/EH_CCC2019
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2018. L’adoption du BIM dans les agences
d’architecture en France (BIM adoption for architecture rms in France). Actes du Séminaire
Conception on Architecture Numérique (SCAN’18). Nantes, France. Octobre 2018. p. 257-264. DOI
10.1051/shsconf/20184701009
hp://bit.ly/EH_SCAN18
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2018. BIM implementation in architecture rms :
Interviews, case studies and action research used to build a method that facilitates
implementation of BIM processes and tools. Proceedings of the 36th eCAADe annual
conference (Education and research in Computer Aided Architectural Design in Europe). Lodz, Poland.
Septembre 2018
hp://bit.ly/EH_eCAADe2018
Elodie HOCHSCHEID, Gilles HALIN, 2018. A model to approach BIM adoption on process
and possible BIM implementation failures. Proceedings of the Creative Construction Conference
2018 (CCC2018). Ljubljana, Slovenia. Juin-juillet 2018.
hp ://bit.ly/EH_CCC2018
Elodie HOCHSCHEID, Marc RIBEREAU-GAYON, Gilles HALIN, Damien HANSER, 2016. BIM
Implementation in SMEs: an Experience of Cooperation between an Architect Agency
and a Carpentry Firm. Proceedings of the International Conference on Computing in Civil and
Building Engineering conference (ICCCBE). Osaka, Japon. Juillet 2016.
hp://bit.ly/EH_ICCCBE16
Elodie HOCHSCHEID, Marc RIBEREAU-GAYON, Gilles HALIN, Damien HANSER, 2016.
Intégration de pratiques BIM en agence : Bilan d’une expérience de coopération
numérique entre une entreprise et des architectes (BIM implementation in architecture rms
: an experimentation). Actes du Séminaire Conception Architecture Numérique (SCAN'16). Toulouse,
France. Septembre 2016.
hp://bit.ly/EH_SCAN16
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Dotorante : Elodie Hochscheid
Directeur de thèse : Gilles Halin
Ecole Doctorale : IAEM Lorraine
Laboratoire MAP-CRAI
Centre de Recherche en Architecture et Ingénierie
UMR MAP n°3495 (CNRS/MC MAP)
École Naonale Supérieure d’Architecture de Nancy
Financement : Ministère de la Culture, Région Grand-Est