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11820.26
G. Bellis, M. Carella, J.-F. Léger, A. Parant Populations et crises en Méditerranée
Populations
et crises
en Méditerranée
Ouvrage collectif coordonné par Gil Bellis,
Maria Carella, Jean-François Léger
et Alain Parant
FrancoAngeli
La passione per le conoscenze
La Méditerranée constitue un espace unique au monde sur le plan cul-
turel. La «mer entre les terres» assure en effet un lien entre des sociétés
différentes qui se nourrissent pourtant les unes des autres des échanges
nombreux qu’elles ont eus et continuent d’avoir. La démographie est un
bon exemple de la diversité des pays qui la bordent et des liens qui les
unissent : les croissances démographiques faibles et les populations
âgées des rives nord contrastent par exemple avec le dynamisme et la
jeunesse de celles des rives sud et est, cependant que les flux migratoires
séculaires et toujours très contemporains attestent des interactions entre
les pays méditerranéens. Quand des crises surviennent ici ou là, leurs ef-
fets dépassent donc nécessairement les frontières nationales, mais la va-
riété des contextes nationaux explique que les pays leur apportent, ou
s'efforcent de leur apporter, des réponses différentes.
L’objectif du groupe de démographes réunis par et autour d’Alain Parant
dans le cadre du projet
PopCrises
est précisément de saisir, d’un point de
vue démographique, la diversité des crises récentes auxquelles les popu-
lations méditerranéennes sont confrontées et celles qui pourraient émer-
ger ou s’affirmer dans les prochaines années. Cet ouvrage dresse un pre-
mier panorama non exhaustif des défis que les populations méditer-
ranéennes doivent relever ou d’ores et déjà se préparer à affronter.
Les coordonnateurs de cet ouvrage, Gil Bellis (Institut national d’études
démographiques, Paris), Maria Carella (Département des sciences politi-
ques, Université de Bari Aldo Moro), Jean-François Léger (Institut de dé-
mographie de l’université Paris 1) et Alain Parant (Futuribles International,
Paris), sont démographes.
ISBN 978-88-351-1629-5
€21,00 (edizione fuori commercio)
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Copyright © 2021 by FrancoAngeli s.r.l., Milano, Italy. ISBN 9788835114994
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Populations
et crises
en Méditerranée
Ouvrage collectif coordonné par Gil Bellis,
Maria Carella, Jean-François Léger
et Alain Parant
Copyright © 2021 by FrancoAngeli s.r.l., Milano, Italy. ISBN 9788835114994
Cet ouvrage a été publié avec le concours financier de :
- l’Institut national d’études démographiques (Ined), Paris, France;
- l’Université de Bari Aldo Moro, dans le cadre du projet “The Great
Demographic Recession”, MIUR-PRIN 2017 (Prot. N° 2017W5B55Y), financé
par le ministère italien de l’Université et de la Recherche. Responsable national
de la recherche : Professeur Daniele Vignoli. Responsable locale pour
l’Université de Bari Aldo Moro : Professeure Anna Paterno;
- l’Association internationale DemoBalk, Volos, Grèce.
Volume évalué par les pairs.
Mise en page : Isabelle Brianchon
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Pubblicato con licenza Creative Commons Attribuzione-Non Commerciale-Non opere derivate
4.0 Internazionale (CC-BY-NC-ND 4.0)
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POPULATIONS ET CRISES EN MÉDITERRANÉE
SOMMAIRE
Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Dimensions socio-spatiales du phénomène des NEET
dans les pays méditerranéens du Sud de l’UE:
une dynamique régionale hétérogène dans le sillage de la crise
Efe Emmanouil, Michalis Poulimas, Ioannis Papageorgiou,
Anne Hege Strand, Stelios Gialis . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
L’émigration des jeunes espagnols vers l’Europe
après la crise économique de 2008 :
le désenchantement d’une génération déclassée
Alberto Capote, Antía Pérez Caramés, Belén Fernández Suárez . . 45
Migrations internationales légales en Espagne et au Portugal
avant et après la crise de 2008
Francisco Zamora López, Noelia Cámara Izquierdo,
Maria Cristina Sousa Gomes, Dulce Pimentel . . . . . . . . . . . 65
L’impact de la Grande Récession sur les modèles familiaux
des jeunes adultes en Europe du Sud
Maria Carella, Frank Heins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Insécurité résidentielle en période d’incertitude
Julián López-Colás, Alda Botelho Azevedo, Juan A. Módenes . . 109
Crise économique et mortalité
en Grèce, en Espagne et au Portugal
Byron Kotzamanis, Konstantinos Zafeiris . . . . . . . . . . . . . 127
Les inégalités territoriales de l’offre de soins, la forte mortalité
maternelle et néonatale: indicateurs de crise de santé en Algérie
Farida Laoudj Chekraoui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
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Les implications démographiques du «printemps arabe»
dans les pays du Maghreb
Khalid Eljim, Salah Eddine Sahraoui . . . . . . . . . . . . . . . 165
Évolution des migrations clandestines de l’Algérie vers l’Espagne
Juan David Sempere Souvannavong, Zoulikha Benkaaka . . . . . 183
Action publique et crise environnementale :
le cas du site sidérurgique de Tarente (Italie)
Lidia Greco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Crise du mariage et évolution du droit de la famille en Italie
Maria Carella, Valeria Corriero, Elita Anna Sabella . . . . . . . 213
Toujours plus de diplômés du supérieur en France et en Italie :
une bonne idée ?
Maria Carella, Jean-François Léger . . . . . . . . . . . . . . . 235
La lutte contre les maladies génétiques
dans les pays méditerranéens. Une approche
des politiques de santé par la génétique des populations
Gil Bellis, Alain Parant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
Futur démographique et enjeux environnementaux
dans les pays riverains de la Méditerranée
Christophe Bergouignan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
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L’ÉMIGRATION DES JEUNES ESPAGNOLS
VERS L’EUROPE APRÈS LA CRISE ÉCONOMIQUE
DE 2008 : LE DÉSENCHANTEMENT
D’UNE GÉNÉRATION DÉCLASSÉE
Alberto Capote *, Antía Pérez Caramés **,
Belén Fernández Suárez ***
Introduction
La crise économique de 2008 a entraîné une modication du cycle migra-
toire en Espagne. Alors qu’elle était le principal pays d’accueil des migrations
internationales dans l’Union européenne au cours des années 2000, l’Espagne
est devenue un pays d’émigration nette pendant les premières années 2010 :
les ux d’entrées ont considérablement ralenti à mesure que les ux sortants
augmentaient (Torres y Gadea, 2015 ; Arango et al., 2014). Dans les sorties
guraient des retours d’immigrés dans leur pays d’origine, la remigration vers
des pays tiers, et des migrations d’Espagnols vers d’autres pays d’Europe
principalement et d’Amérique latine.
Il est évident que les racines de cette nouvelle émigration se trouvent dans
les effets de la crise de 2008 sur la société espagnole : la croissance du taux de
chômage, les politiques d’austérité imposées par la Troïka (Commission euro-
péenne, Banque européenne et Fonds monétaire international) et le pessimisme
des jeunes quant à leur avenir et la politique menée en Espagne. La crise n’a
pas affecté la population de la même manière pour des raisons différentes. La
vulnérabilité de la population d’origine immigrée était plus importante et ses
* Université de Grenade, Espagne (alama@ugre.es).
** Université de La Corogne, Espagne (antia.perez@udc.es).
*** Université de La Corogne, Espagne (belen.fernandez.suarez@udc.es).
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membres ont été les premiers touchés par le chômage, en particulier les hommes
employés dans le secteur de la construction (Gil Alonso et Vidal Coso, 2015 ;
Torres et Mahía de Arce, 2014). Dans les premières années, la destruction
d’emplois a essentiellement affecté les hommes, mais l’impact de la crise s’est
fait différemment sentir selon les stades du cycle de vie. Les hommes d’âge
moyen ont été poussés au chômage et ont éprouvé de grandes difcultés pour
réintégrer le marché du travail. Les jeunes, avec ou sans formation supérieure,
ont également été fortement touchés par le chômage, les emplois précaires et
le manque d’opportunités. Et, bien sûr, la crise a eu un impact très inégal selon
les origines sociales des familles.
La récente émigration espagnole a été caractérisée par sa jeunesse et la
présence presque aussi marquée d’hommes et de femmes (Ortega Rivera et
al., 2016). Bien que les jeunes diplômés de l’université se démarquent, on
peut cependant parler d’une diversité de prols : des jeunes en début de vie
professionnelle, pour lesquels cette migration a signié une transition brutale
vers la vie adulte (Pérez Caramés, 2017) ; des jeunes ayant déjà vécu la frus-
tration de leurs attentes et cherchant de meilleures opportunités à l’étranger ;
des jeunes saisissant l’opportunité de la mobilité pour augmenter leur capital
culturel, trouver un travail ou simplement acquérir une expérience personnelle
(Pumares, 2017). L’émigration des jeunes Espagnols a été beaucoup plus
diversiée socialement que l’image stéréotypée du discours médiatique et
politique (Moncusí et Gómez Ferri, 2015) : celle du jeune diplômé qui émigre
en recherche de nouvelles opportunités dans le contexte de la libre circulation
dans l’Union européenne.
Les motivations et les attentes de ces jeunes sont similaires à celles d’autres
jeunes du sud de l’Europe : Italiens, Grecs ou Portugais (Stanisccia et Benassi,
2018 ; Moldes Farelo et Gómez Sota, 2015 ; King, 2015). La littérature acadé-
mique parle d’un syndrome du retard pour parler des jeunes du sud de l’Europe :
retard dans l’accès à l’indépendance, retard dans la recherche de stabilité d’em-
ploi, retard pour avoir un premier enfant, …, en raison d’un marché du travail
limitant fortement les attentes vitales des jeunes (Dubucs et al., 2017). C’est un
fait que les jeunes Espagnols se caractérisent par un retard dans leur processus
d’émancipation économique et résidentielle, un retard de la mise en couple
avec un partenaire stable et, par voie de conséquence, de la décision d’avoir un
premier enfant, ce qui se traduit par un des taux de fécondité parmi les plus bas
d’Europe (Castro-Martín et al., 2018). Les jeunes Espagnols s’émancipent en
moyenne à 29,5 ans, contre 26,2 ans pour la moyenne des jeunes dans l’UE-27
en 2019 ; en France, le départ du domicile familial s’effectue en moyenne 6 ans
plus tôt qu’en Espagne (Eurostat, 2020). En 2018, l’âge moyen à la maternité
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était en Espagne égal à 32,2 ans, contre 30,8 ans dans l’Union européenne
(Eurostat, 2019). L’âge moyen des Espagnols au premier mariage était égal à
35,6 ans en 2018 (Eurostat, 2018). En 2019, le taux de chômage moyen des
jeunes espagnols âgés de 15 à 29 ans s’établissait à 24,7%, contre 11,4 % en
moyenne dans l’UE-28 et 14,9 % en France (Eurostat, 2020).
En fait, on parle d’une nouvelle phase de migration intra-européenne ca-
ractérisée par la mobilité des jeunes du sud de l’Europe vers des destinations
comme la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne ; une phase qui fait suite
à celle des années 2000 durant lesquelles les jeunes migrants étaient majo-
ritairement originaires de pays de l’Est (Pologne, Bulgarie, Roumanie). Ces
migrations récentes ont été contextualisées dans la dynamique des migrations
intra-européennes (Castro Martín et Cortina, 2015). L’un des concepts les
plus largement utilisés est celui de migrations liquides (la métaphore liquide
est d’usage fréquent pour évoquer les migrations et les migrants ainsi que les
solutions visant à limiter leur ampleur : inltration, vague, submersion, ltrage,
endiguement, …) : des projets de durée variable, caractérisés par l’imprévisi-
bilité et les changements, motivés par des raisons diverses. Migrations au sein
de l’Union européenne pour lesquelles les pays membres jouent un rôle très
déni de pays d’accueil (Allemagne, France, Royaume-Uni avant le Brexit)
ou de pays fournisseurs, reétant les inégalités au sein de l’Union européenne
(Wihtol de Wenden, 2017).
De manière générale les nouveaux migrants européens bien formés ont
été bien reçus et des politiques d’attraction ont même été mises en place
(notamment en Allemagne). Il n’en va pas de même pour les personnes sans
qualication, parfois perçues comme une charge sociale (Laeur et Stanek,
2018). La littérature académique indique que l’insertion de ces jeunes sur le
marché du travail des pays de destination a été segmentée : certains dans les
secteurs spécialisés qui exigent un niveau de qualication (secteur de la santé
par exemple) ; d’autres, avec des positions plus précaires, dans les secteurs
comme la construction ou l’hôtellerie (Roca et Martín Díaz, 2017).
L’objectif de cette étude est d’analyser l’émigration espagnole vers l’Europe
que celle-ci a connue après la crise économique de 2008 : analyse de l’évolution
et des caractéristiques des ux vers les trois principales destinations ; analyse
des motifs des jeunes espagnols pour émigrer ; évaluation que ces jeunes mi-
grants font de leur projet migratoire. Nous partons de l’idée qu’au sein de cette
récente émigration espagnole nous trouvons des prols sociodémographiques
très variés : jeunes ayant déjà une expérience professionnelle ; jeunes ayant suivi
des études universitaires, une formation professionnelle ou une formation de
base mais n’ayant aucun vécu professionnel ; jeunes descendants de familles
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immigrées en Espagne, très souvent oubliés dans les études sur la nouvelle
émigration espagnole.
L’étude est structurée en deux blocs : d’une part, l’analyse des statistiques
sur les migrations élaborées par l’Institut national des statistiques d’Espagne ;
d’autre part, l’analyse qualitative basée sur une série d’entretiens semi-direc-
tifs réalisés auprès d’un échantillon de jeunes émigrants d’Espagne vers la
France, le Royaume-Uni et l’Allemagne durant la période 2008-2017. Avant
de passer aux résultats, nous décrivons plus en détail la méthodologie adoptée
et les sources utilisées.
I. Méthodologie, sources et lieux d´étude
La méthodologie combine l’analyse quantitative basée sur des sources
statistiques de l’Institut national des statistiques d’Espagne (INE) et l’analyse
qualitative fondée sur une série d’entretiens semi-directifs de personnes qui
ont émigré d’Espagne vers l’Europe au cours des dix dernières années.
L’analyse sociodémographique a été réalisée à travers l’exploitation des
microdonnées de la Statistique des variations résidentielles (EVR). L’EVR,
élaborée par l’INE, est la source statistique principale pour l’étude des ux et
des processus migratoires aussi bien internes qu’internationaux. Elle se base
sur le registre local de population, le recensement municipal des habitants,
ainsi que sur le registre consulaire des Espagnols à l’étranger. L’information
liée aux mouvements migratoires est obtenue à partir des inscriptions et des
exclusions des registres de population et consulaires. Comme indiqué dans une
publication précédente (Pérez-Caramés et al., 2019), l’EVR a des difcultés
pour recueillir statistiquement le pays de destination des émigrés de nationalité
étrangère et, en général, souffre d’un certain sous-enregistrement des sorties
à l’étranger. Malgré tout, il s’agit toujours de la meilleure option pour comp-
tabiliser les ux migratoires vers et depuis l’Espagne.
En ce qui concerne l’analyse qualitative, le travail de terrain a été effectué dans
plusieurs villes du Royaume-Uni (Londres et Édimbourg), de France (Bordeaux,
Nice et Paris) et d’Allemagne (Düsseldorf et Berlin). L’échantillonnage a été
exploratoire mais avec le but d’atteindre un échantillon diversié de prols :
personnes ayant ou non suivi des études universitaires, des deux sexes, âgées
de 20 à 26 ans (jeunes adultes) et de 27 à 33 ans (jeunes adultes plus mûrs). La
sélection s’est faite par le biais des réseaux sociaux numériques (notamment
Facebook), des plateformes et par boule de neige. Les entretiens ont été menés
au printemps et à l’été 2018. Le guide d’entretien comprenait des questions sur
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la trajectoire éducative, professionnelle et migratoire, la prise de décision, les
projets migratoires avant et après l’émigration, la participation aux mouvements
sociaux et l’évaluation par les enquêtés de leur trajectoire.
II. Bilan statistique : la récente émigration espagnole vers l’Europe
Cette section est axée sur l’analyse des ux migratoires entre l’Espagne et
le reste du monde, l’attention étant plus particulièrement portée sur le courant
récent d’émigration vers différents pays européens. Dans un premier temps,
nous prenons cependant un peu de recul en examinant l’évolution des ux
d’entrées et de sorties internationales et celle du solde migratoire extérieur
sur la période 2002-2019.
Des données illustrées par la gure 1, il ressort que durant la période précédant
la Grande Récession, c’est-à-dire avant 2008, les ux migratoires se caractéri-
saient en Espagne par une importante immigration, qui a atteint son pic en 2007
avec près d’un million d’entrées, et une émigration comparativement faible bien
qu’en constante augmentation de seulement 36 000 départs en 2002 (première
année de registre) à plus de 200 000 en 2007. Ces deux courants se traduisent
par un solde migratoire très largement positif – supérieur à 700 000 personnes en
2007 – et facteur explicatif premier de la forte croissance démographique alors
enregistrée en Espagne. Évoquant cette période et le boom migratoire qui l’a
caractérisée, certains parlent de décennie prodigieuse (Arango, 2009).
Figure 1. Espagne, 2002-2019.
Évolution des ux d’immigration et d’émigration et du solde migratoire
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
-200 000
-100 000
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
800 000
900 000
1 000 000
Solde migratoire
Immigration
Émigration
Source : Institut national de statistique, statistique des variations résidentielles.
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L’année 2008 marque un tournant et le début d’une nouvelle phase, qui
s’étendra jusqu’en 2014, caractérisée par une chute importante de l’immigration
– qui tombe au plus bas en 2013, avec un peu moins de 350 000 entrées – et
une augmentation considérable des départs à l’étranger, qui atteindront éga-
lement leur sommet en 2013 en passant la barre de 450 000. En conséquence,
le solde migratoire s’effondre jusqu’à devenir négatif en 2013 et 2014. Cette
courte période, d’un peu plus d’un lustre, est celle de la « nouvelle vague »
d’émigration depuis l’Espagne.
À partir de 2014, l’immigration reprend de la vigueur et revient en 2019,
dernière année de données disponibles, à son niveau de 2007, avant la crise.
La diminution de l’émigration, en revanche, n’est pas aussi marquée, le ux
annuel des sorties avoisinant 400 000 sorties. L’Espagne est redevenue un pays
attractif mais l’émigration paraît une tendance durable. Le solde migratoire
renoue avec les valeurs positives, mais à un niveau plus faible que lors de la
période du grand boom migratoire.
Le cadre général de l’évolution récente de la migration internationale en
Espagne étant posé, nous pouvons dès lors nous centrer sur les principales
caractéristiques du courant d’émigration sur la période courant depuis la
Grande Récession.
La gure 2 illustre l’évolution des ux de sorties par pays de naissance, en
distinguant personnes nées en Espagne et personnes nées à l’étranger, et par
nationalité, en différenciant Espagnols et étrangers. La première observation
Figure 2. Évolution de 2008 à 2019 des ux d’émigration depuis l’Espagne
par pays de naissance (Espagne/étranger) et nationalité (espagnole/étrangère)
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
350 000
400 000
450 000
500 000
Personnes nées
en Espagne
Personnes nées à l'étranger
Nationalité espagnole
Nationalité étrangère
Source : Institut national de statistique, statistique des variations résidentielles.
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renvoie à ceux qui ont joué un rôle premier dans cette vague d’émigration :
majoritairement, des personnes nées à l’étranger, donc immigrées en Espagne,
et des personnes de nationalité étrangère. Les ux d’autochtones (des personnes
nées en Espagne) augmentent également de façon signicative, même s’ils
s’avèrent systématiquement plus faibles que les ux de départs d’étrangers.
Une deuxième observation a trait à la temporalité différente de l’émigra-
tion des immigrés et de l’émigration espagnole et autochtone. La première se
concentre autour des années les plus difciles de la crise, de 2008 à 2013 et
diminue de façon signicative à partir de cette date. L’émigration espagnole
et autochtone afche, quant à elle, une plus grande stabilité au l du temps
et la réduction observée dans la période post-crise est beaucoup plus faible.
Dans le ux des sortants, nous pouvons distinguer trois courants (gure 3).
Le premier, important sur le plan quantitatif, est celui du retour de nombreux
immigrés dans leurs pays respectifs d’origine. Contraints par les difcultés à
recueillir des informations sur les pays de destination, c’est malheureusement
un ux que nous ne pouvons pas évaluer de façon rigoureuse. L’émigration
autochtone est en hausse continue de 2010 à 2015, année où elle s’élève à
60 000 avant de diminuer et de se stabiliser plus ou moins à 50 000 sorties.
Le dernier courant est celui de la remigration, c’est-à-dire la sortie d’Espagne
d’immigrés (personnes non natives d’Espagne) à destination d’un pays diffé-
rent de leur pays de naissance. La tendance suivie par ce ux est à la hausse
jusqu’en 2016, année où il représente 20 000 sorties, niveau auquel il est depuis
Figure 3. Évolution de 2008 à 2019
de l’émigration autochtone, de l’émigration de retour et de la remigration depuis l’Espagne
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
30 000
35 000
40 000
45 000
50 000
55 000
60 000
65 000
Émigration autochtone
Retour
Remigration
Source : Institut national de statistique, statistique des variations résidentielles.
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stabilisé. Pour une large part, la hausse de ce ux de remigration s’explique par
une modication de la procédure de naturalisation des immigrés installés en
Espagne ; en particulier, des immigrés latino-américains auxquels il n’est plus
exigé de démontrer dix ans de résidence légale dans le pays mais seulement
deux pour accéder à la nationalité espagnole.
Abstraction faite des émigrants de retour dans leur pays d’origine, quand
ceux qui décident d’abandonner l’Espagne doivent choisir, ce sont les destina-
tions européennes qu’ils privilégient. La liberté de déplacement et d’installation
dans les différents pays qui forment l’Union européenne pour les personnes
de nationalité espagnole, ainsi que la proximité, les faibles coûts de déplace-
ment et les possibilités d’emploi semblent être les raisons qui encouragent ces
migrations vers des destinations européennes. Parmi celles-ci, les trois princi-
paux pays d’établissement, aussi bien pour l’émigration autochtone que pour
les personnes qui remigrent, sont le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France.
L’évolution de 2008 à 2019 des ux d’émigration autochtone et de remigration
vers ces trois pays suit la même tendance que celle observée précédemment
pour l’émigration non liée au retour : hausse constante jusqu’en 2015 (2016,
dans certain cas) et diminution au-delà.
Le prol des personnes qui émigrent depuis l’Espagne vers des destinations
européennes (émigrés autochtones et rémigrés) est assez jeune. Les personnes
âgées de 20 à 39 ans prédominent, les rémigrés étant quelque peu plus âgés
en moyenne, et la composition par sexe est assez équilibrée.
Figure 4. Évolution de 2008 à 2019 des ux d’émigration autochtone et de remigration
depuis l’Espagne vers le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
0
1 000
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Source : Institut national de statistique, statistique des variations résidentielles.
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En résumé, nous pouvons dire que l’entrée en Espagne en récession éco-
nomique a agi comme un coup de fouet sur les ux migratoires, les arrivées
diminuant fortement tandis que les sorties augmentaient fortement, majo-
ritairement sous forme de retours aux pays d’origine, mais également sous
forme de départs de personnes natives et d’anciens immigrés vers des pays
tiers. La période post-crise, qui commence à partir de 2014, traduit un certain
changement de tendance avec une remontée signicative des ux d’immigra-
tion et une diminution plus mesurée des ux d’émigration. Les destinations
européennes, tout particulièrement le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France,
sont les destinations plébiscitées par les émigrants ne retournant pas dans leur
pays d’origine, des émigrants par ailleurs majoritairement jeunes.
III. Prols et motivations de jeunes émigrants
dans le contexte de la crise économique
Dans l’analyse des témoignages, nous allons nous concentrer sur les prols
les plus jeunes. Il n’est pas possible d’identier un seul prol de jeunes, mais
plutôt des réponses différentes de ces jeunes selon différentes variables telles
que l’âge, le capital culturel, le capital économique et le capital spatial.
Coexistent :
- des jeunes entre 23 et 30 ans ayant suivi des études universitaires. Ici,
il faut distinguer les jeunes qui ont une formation universitaire pour
des secteurs en forte demande de main-d’œuvre (agents de santé et
ingénieurs) et ceux qui ont suivi un cursus dans des branches d’études
moins demandées (sciences sociales ou humaines). Cette catégorie de
jeunes a souvent déjà connu une expérience de mobilité (séjour Erasmus,
séjour en binôme, autres séjours de formation). Ils sont pour la plupart
célibataires.
- des jeunes de 31-39 ans, diplômés universitaires. Contrairement aux précé-
dents, ils ont une expérience professionnelle plus solide en Espagne, voire
dans d’autres pays. Certains sont mariés, mais ils ont rarement des enfants.
- des jeunes de moins de 30 ans ayant une formation professionnelle. Ils
ont rarement une expérience de mobilité internationale. Pour beaucoup,
la transition de la période de formation à l’âge adulte se fait avec leur
expérience migratoire. Ils sont pour la plupart célibataires.
Les jeunes diplômés universitaires ont émigré après avoir terminé leurs
études ou après des premières expériences professionnelles frustrantes. Ils se
méent des offres du marché du travail en Espagne et refusent de se sentir
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sous-évalués dans leurs professions. Si ces raisons sont en lien direct avec la
dégradation du marché du travail espagnol, il en est d’autres qui ont trait à la
requalication du capital culturel : apprendre une autre langue, acquérir une
expérience de travail à l’étranger, formation continue, etc.
Les projets sont très variés et présentent différents degrés de planication.
L’émigration des jeunes du secteur de la santé est l’une des plus répandues
et des plus connues (inrmières, physiothérapeutes, médecins). La France et le
Royaume-Uni ont été les deux principales destinations. Les politiques d’aus-
térité qui y ont été menées pendant les années de crise économique, avec pour
objectif de réduire signicativement le décit public, ont considérablement
affecté le secteur de la santé (Galbany-Estragués et Sioban, 2016) à un moment
où existait une forte demande de personnel.
Comme pour les autres jeunes diplômés, la motivation à partir ne repose
pas tant sur la peur du chômage que sur les conditions de travail précaires :
statut temporaire et bas salaires. Carmen, diplômée en physiothérapie, prend
la décision d’émigrer en France après une courte expérience professionnelle
en Espagne. La exibilité de son contrat de travail ne la faisait pas se sentir
en sécurité. En outre, des informations sur le besoin de kinésithérapeutes en
France ont circulé parmi son cercle d’amis et d’anciens collègues de la faculté.
Il existait même une page Facebook regroupant les kinésithérapeutes espagnols
en France, avec des offres d’emploi, des informations administratives, des
offres de logement, … (Fisiterapeutas en Francia).
« Avant de partir, je travaillais en freelance dans trois endroits à la fois ; j’étais
toujours en déplacement. J’étais en train de devenir folle… J’ai décidé d’aller à
l’étranger, d’apprendre une autre langue,… de m’éloigner puisque je ne pouvais
pas trouver un travail intéressant » (Carmen, 30 ans, Nice, France).
C’est le cas aussi, par exemple, de Julián, jeune homme diplômé en phy-
siothérapie qui décide d’émigrer en France après avoir terminé ses études
universitaires, soutenu par des collègues de l’université qui facilitent la prise
de décision et aident à l’organisation.
Les migrations intra-européennes des jeunes ne se font pas toujours sans
difcultés comme le montre ce témoignage :
« Tu quittes l’Espagne parce que tu as le sentiment d’être exploité ; ils font
ce qu’ils veulent avec toi… Mon idée était de venir en France parce que j’avais
compris qu’il y avait beaucoup de travail en kinésithérapie, une discipline couverte
par la sécurité sociale. Il y a beaucoup plus de travail en France qu’en Espagne.
Je suis donc allé à Toulouse pour participer à un entretien. Ils m’ont sélectionné,
mais je n’avais pas fait le stage nécessaire. Mes papiers ont été rejetés une fois.
J’ai rencontré une lle qui travaillait à Paris et qui m’a dit que dans son entreprise,
ils fournissaient des papiers. Mon idée était d’aller en France en général, je me
chais de l’endroit » (Julian, homme, 29 ans, Paris, France).
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Le malaise de cette jeunesse ne trouvait pas son origine unique dans un
marché du travail n’offrant pas sufsamment d’opportunités. Il était plus pro-
fond et déclenchait des mouvements comme Juventud sin futuro (Jeunesse sans
avenir). Ce type d’initiative s’est retrouvé dans les mouvements post-2010,
tels que le Printemps arabe ou La nuit debout. Les revendications dénoncent
l’impact de la mondialisation (précarité de l’emploi, insécurité, réduction des
services publics, …) et revendiquent une justice sociale au niveau local, en
cherchant des formules alternatives de participation politique. Pour certains
de ces jeunes, le mouvement du 15 mai 2011 signiait un avant et un après
dans leurs trajectoires. Auparavant, ils n’avaient pas manifesté un réel intérêt
particulier pour les mouvements sociaux ou les préoccupations politiques et
syndicales. Manuel et Daniel, ingénieurs, ont émigré en Allemagne dans les
premières années de la crise. Sans avoir travaillé en Espagne, ils terminent
leurs études et décident d’émigrer en 2011. Autrement dit, ils ne font même
pas le premier pas pour chercher un emploi en Espagne dans leurs domaines
d’ingénierie respectifs tant le marché du travail espagnol leur paraît déprimé.
Leurs regards se portent vers l’Allemagne. Daniel étudie même l’allemand à
l’université.
« En janvier 2011, je pense, ou en février 2011, est publié un article resté très
célèbre dans lequel est annoncé que l’Allemagne a besoin de 200 000 travailleurs
qualiés espagnols ou d’Europe du Sud, quelque chose comme ça. Tous les mé-
dias ont fait écho et c’était un peu le coup de départ » (Manuel, homme, 29 ans,
Duisburg, Allemagne).
« En fait, contrairement aux autres immigrants, j’aurais pris la décision de
partir même sans la crise économique. J’ai eu l’idée, je ne sais pas pourquoi, qu’il
était plus facile de débuter une carrière professionnelle à l’étranger plutôt qu’en
Espagne ; c’était une intuition. Je pensais qu’en Espagne, on travaillait dans une
catégorie inférieure, comme technicien de la formation professionnelle, alors
qu’ici tu commences tout de suite comme ingénieur » (Daniel, homme, 31 ans,
Düsseldorf, Allemagne).
La décision de ces jeunes coïncide avec la mise en œuvre en Espagne des
premières mesures d’austérité décidées par le gouvernement, à l’origine de
la grève des fonctionnaires en juin 2010 et de la grève générale en septembre
2010. Mais l’événement qui marque vraiment nos interlocuteurs a lieu un an
plus tard : le mouvement citoyen des indignés. Ce mouvement est né de la
manifestation du 15 mai 2011, organisée par différents groupes. Les principales
revendications portaient sur une démocratie plus participative et la critique des
politiques d’austérité parallèles à la crise.
« Cet été-là, il y a une importante grève des fonctionnaires, je suis parti un peu
en disant ‟ce pays ne change pas, c’est une blague”. Car, à ce moment-là, après
la grève générale, on pouvait déjà anticiper la chute de Zapatero et l’absence
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d’alternative. Puis la victoire écrasante de Rajoy a eu lieu. Alors, j’ai dit ‟Bon,
je pars d’ici. C’est tout. Je cherche la vie. Cela ne peut pas changer, etc.”. Après
quelques mois de présence ici, 15M s’est produit avec une large diffusion à la
télé ; je m’implique beaucoup, mais toujours de l’extérieur » (Manuel, homme,
29 ans, Duisburg, Allemagne).
« Le 15 Mai 2011 a été pour moi un choc, je ne sais pas comment le dire, ça m’a
beaucoup changé. Je ne sais pas comment l’expliquer, étant de nature égoïste, j’ai
commencé à m’inquiéter pour que mes collègues aillent bien et j’ai commencé à
m’entraîner » (Daniel, homme, 31 ans, Düsseldorf, Allemagne).
Daniel et Manuel s’impliquent plus tard à Düsseldorf dans le mouvement
« Marea Granate ». Le mouvement tire son nom de la couleur du passeport
espagnol (Marée Grenat). C’est un mouvement né en 2013, principalement
composé de jeunes Espagnols qui ont émigré dans différents pays. Selon ses
membres, le mouvement a émergé avec un double objectif : établir un réseau
international capable de mener des actions communes au niveau international
et aider le migrant qui vient d’arriver dans les pays de destination. Le mouve-
ment dénonce le fait que le départ des jeunes espagnols ne réside pas dans un
esprit aventureux ou une initiative personnelle, mais s’explique plutôt par la
politique menée en Espagne, un marché du travail précaire et un manque de
perspectives d’évolution professionnelle après avoir terminé ses études. L’une
de leurs devises est : « Nous ne partons pas, ils nous expulsent ».
La littérature académique a insisté sur l’augmentation de la mobilité des
personnes diplômées de l’enseignement supérieur : la probabilité de migrer à
l’intérieur de l’Europe augmente à mesure que le niveau d’études augmente
(Van Mol, 2016). Les programmes de formation internationaux (Erasmus,
Service volontaire européen, …), l’internationalisation de l’économie ou la libre
circulation sont des facteurs qui ont facilité cette mobilité. Sans aucun doute,
la libre circulation a favorisé les échanges et l’expansion de l’espace de vie de
nombreux jeunes européens. Ainsi, certaines études révèlent que les étudiants
ayant une expérience Erasmus expriment le désir d’une nouvelle mobilité à
leur retour dans leur pays d’origine, pour étudier ou pour travailler (Ballatore,
2017). Cependant, Wihtol de Wenden (2017) s’interroge sur le fait de savoir
si cette mobilité a été accessible à tous les jeunes, indépendamment de leur
origine sociale. La mobilité antérieure a joué un rôle clé dans la trajectoire de
ces jeunes, mais dans des conditions très inégales.
À titre d’illustration, on peut s’arrêter sur les trajectoires d’Athéna et de
Mateo. Athéna est une jeune femme de 25 ans qui vit avec sa mère (femme de
ménage) et sa petite sœur. Elle a une formation professionnelle en comptabi-
lité. Elle ressentait une frustration de ne pas avoir pu faire un séjour Erasmus.
Elle a donc recouru à l’une des solutions alternatives les plus utilisées par
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les jeunes lles : une mobilité au pair en Irlande. Bien qu’elle représente une
porte d’entrée vers l’indépendance, une expérience dans un autre pays, l’ap-
prentissage d’une langue, …, cette mobilité est néanmoins mal perçue, les
conditions dans lesquelles elle s’est réalisée étant dénies comme exploitantes
car ne respectant pas les accords et ressemblant davantage à une ubérisation
du service domestique.
« C’était la première fois que je quittais ma maison comme ça, ... Nous sommes
arrivés à un niveau où nous acceptons tout et nous ne devrions pas avoir à tout
accepter, vous savez ? Il n’y a rien de mal à repasser les culottes. Mais il ne faut
pas être exploité … et les gens exploitent beaucoup » (Athénea, femme, 25 ans,
Nice, France).
L’expérience s’avère néanmoins globalement positive en raison de l’appren-
tissage de la langue et des connaissances acquises. Athénea, après sa mobilité au
pair en Irlande, est retournée à Barcelone avant de migrer de nouveau à Nice.
Le parcours migratoire de Mateo commence alors qu’il est étudiant. La
formation universitaire commence en Espagne et se poursuit aux États-Unis
(deux ans). Il avait auparavant suivi des cours d’été d’anglais en Angleterre
et aux États-Unis et suivi un master en Italie avec une bourse Erasmus (1 an).
L’aide nancière de ses parents s’est révélée essentielle.
« Mes parents m’ont toujours dit qu’ils paieraient toutes mes études ou mon
apprentissage, qu’ils le géreraient, mais ils ne m’ont jamais aidé à conclure un
accord d’études, ni à trouver un appartement ou un logement, ou quoi que ce soit.
Je veux dire, j’ai tout fait, ils m’ont juste donné de l’argent ».
À la n de ses études, Mateo retourne en Espagne. Le pays est en pleine
récession économique et il est temps de chercher du travail. Mateo exclut de
rechercher du travail en Espagne et il décide de le faire dans d’autres pays
pour revenir plus tard, plus compétitif. Pour cela, il dispose à la fois d’un
capital économique (aide des parents), d’un capital culturel (il est ingénieur
et a une connaissance des langues) et d’un capital spatial acquis depuis ses
études secondaires. La littérature académique qualie ce type de parcours de
« chercheurs de carrière » : la mobilité est perçue par eux comme une ressource
pour avancer dans la carrière professionnelle ; par conséquent, ils se déplacent
là où ils estiment pouvoir progresser et sont toujours ouverts au changement.
« C’est une accumulation de choses, c’est-à-dire que je me sentais à l’aise d’être
loin, car je gagnais beaucoup plus d’argent. Et puis, l’expérience sur le CV. À
40 ans, par exemple, avec un parcours international, en sachant parler plusieurs
langues, en ayant eu des postes de responsabilité, je pense qu’il sera plus facile
de retourner en Espagne ».
Il existe un prol moins traité dans les études menées sur l’émigration es-
pagnole récente : celui des jeunes issus de l’immigration. De parents d’origine
étrangère, nés en Espagne, ils ont été confrontés aux mêmes problèmes que les
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autres jeunes espagnols. Des travaux de recherche suggèrent que leur probabilité
d’être au chômage est plus élevée (Arcarons et Muñoz Comet, 2018). Ils ont
entrepris un projet migratoire comme leurs parents l’ont fait dans le passé. Pour
eux, ce projet a signié une première expérience d’indépendance vis-à-vis de
la famille. C’est le cas de Zahia et Mourad, jeune couple espagnol d’origine
marocaine. Ils ont émigré en Allemagne après s’être mariés en Espagne. Les
deux expriment les difcultés à démarrer une vie commune en tant que jeune
famille en Espagne.
« Un jeune peut travailler en Espagne, payer son café et s’amuser. Mais il en
va autrement lorsqu’il doit payer un logement, veut avoir des enfants et les édu-
quer. Tel est le problème en Espagne et c’est la frustration de beaucoup de jeunes.
Maintenant, il y a des jeunes qui ont même des problèmes pour étudier. Vous ne
pouvez pas combiner études et travail » (Mourad, 29 ans, Düsseldorf, Allemagne).
« J’ai essayé de voir si je pouvais combiner l’éducation de ma lle, les études et
le travail, car pour étudier, je devais payer, et pour payer je devais travailler. Tel est
le cercle vicieux. Il fallait payer la crèche, payer les études, le train, les dépenses de
la maison, ... Avec le travail de mon mari, vele ne sufsait pas et je ne voulais pas
non plus manquer l’enfance de ma lle » (Zahia, 27 ans, Düsseldorf, Allemagne).
IV. Projets migratoires anticrise
Les projets migratoires des jeunes apparaissent très divers et plus ou moins
bien dénis. Le niveau d’éducation, l’âge ou les expériences migratoires an-
térieures inuencent les perspectives migratoires. Ce sont des projets qui ont
souvent beaucoup évolué entre l’idée initiale du départ et la réalisation dans
le pays d’accueil. Les processus migratoires sont ici ouverts aux réadaptations
et aux changements.
Dans les pays de destination, on distingue trois types de projets : ceux
qui sont orientés vers la formation ou l’amélioration du capital culturel ; ceux
qui visent un développement professionnel ; ceux qui privilégient l’amour
transnational.
S’agissant des projets orientés vers la formation, l’objectif est clairement
d’échapper à une situation socio-économique espagnole déprimante et de pro-
ter de la mobilité pour fortier des compétences et en acquérir de nouvelles :
apprendre une langue, commencer une nouvelle formation ou simplement vivre
une expérience de vie intéressante. Ce sont des projets plus ou moins bien dénis
et qui laissent une place à l’improvisation. Ce type de projet et assez courant
parmi les jeunes qui ont émigré au Royaume-Uni ; le but étant d’améliorer ou de
perfectionner leur anglais en vue d’un retour généralement prévu à moyen terme.
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Rafael a émigré à Londres, encouragé par des amis rencontrés auparavant.
Il a fait des études d’électricien professionnel. Dans son espace de vie, beau-
coup de jeunes ont pris la décision de partir. Ses frères et ses amis étaient au
chômage. Rafael exprime qu’il avait deux objectifs : apprendre l’anglais et
vivre un changement. En une semaine, il obtient un emploi dans l´hôtellerie
en tant que serveur. Lorsqu’il atteint un bon niveau d’anglais, son projet subit
un changement : il décide de s’inscrire dans une université londonienne pour
étudier le journalisme.
« J’étais électricien en Espagne, mais je n’ai jamais pensé que c’était l’œuvre
de ma vie. Au début, en plus d’apprendre l’anglais, ils m’ont demandé un diplôme.
J’ai donc dû étudier l’anglais et j’ai pensé « je fais les deux ». Être électricien n’est
pas ma passion ... Comme j’avais déjà un bon niveau d’anglais et que j’avais la
possibilité d’étudier, j’ai commencé mes études à l’université » (Rafael, homme,
27 ans, Londres, UK).
Dans les projets orientés vers un développement professionnel, l’objectif
est de trouver un emploi en adéquation avec la formation reçue, d’améliorer
les conditions de travail, de se sentir reconnu et valorisé dans le travail, de
pouvoir bénécier d’une mobilité sociale ascendante. Les jeunes qui ont ce
type de projet ont suivi des études et sont ingénieurs, architectes, inrmiers,
physiothérapeutes, chercheurs, ... Pour eux, le retour et la remigration vers un
pays tiers gurent parmi les options futures, pour autant que cela implique une
progression professionnelle. C’est le cas des jeunes espagnols hautement quali-
és du secteur sanitaire en France et au Royaume-Uni, des ingénieurs basés en
Allemagne, mais aussi de ceux qui ont une véritable formation professionnelle.
Beaucoup de ces jeunes commencent à développer leurs projets migratoires
avant de terminer leurs études. David a terminé ses études d’ingénieur indus-
triel en 2011, en pleine crise économique. Mais il a pris la décision d’émigrer
en Allemagne pendant ses études en Espagne. Comme beaucoup d’ingénieurs
espagnols, il a estimé qu’il était difcile de briguer dans son pays un emploi
en adéquation avec sa formation, et que rester signiait travailler à une échelle
inférieure. Alors qu’il étudiait à l’université, David collecta des informations
concernant l’Allemagne auprès des étudiants Erasmus, en particulier sur les
entreprises. Ses attentes et illusions étaient élevées. Malgré un départ difcile,
il a atteint ses objectifs, sans perdre son point de vue critique.
« Quand je suis arrivé, j’ai commencé comme chercheur et à la vérité j’étais assez
déçu, le niveau était plutôt mauvais. Et puis j’ai trouvé cette entreprise, une petite
entreprise très innovante. Et disons que maintenant, tout va bien, l’entreprise gure
parmi les meilleures du secteur » (David, homme, 31 ans, Düsseldorf, Allemagne).
Pour ce qui concerne enn les projets orientés vers la consolidation de l’amour
transnational, les liens avec la crise économique espagnole ne sont pas pour autant
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absents. La plus grande mobilité des jeunes espagnols lorsqu’ils étudient et/ou
effectuent des stages en entreprise en tant que premiers placements à l’étranger
conduit souvent à des situations de couples transnationaux. Les termes du contrat
amoureux favorisent l’installation dans l’un des pays d’origine des membres du
couple, et c’est en toute bonne logique celui qui a le moins à perdre qui nit par
se lancer dans une migration résidentielle. Ce sont le plus souvent les femmes
qui migrent ; elles sont les plus « émues par l’amour », mais leur situation est
également plus précaire et instable sur le marché du travail d’origine.
Claudia est architecte. Ses débuts en Allemagne ont également été difciles,
mais elle a l’impression d’avoir progressé petit à petit. La crise du secteur de
la construction n’offrait pas le meilleur scénario pour une jeune architecte en
Espagne. La stratégie de Claudia pour entreprendre son projet de migration
est partagé par bien d’autres jeunes lles européennes : partir comme lle au
pair, en l’occurrence dans une famille allemande, avec pour objectif premier
d’apprendre la langue. Après avoir passé dix mois comme lle au pair, elle
a commencé à chercher un emploi en tant qu’architecte. Son premier emploi
d’architecte en Allemagne s’est déroulé sans contrat. Mais elle a continué à
chercher jusqu’à ce que sa situation s’améliore. Par la suite, sa situation pro-
fessionnelle s’est stabilisée et elle a rencontré quelqu’un. Le projet d’avenir de
Claudia continue d’être inuencé par son avenir professionnel, mais maintenant
aussi par sa vie de couple. Elle envisage de se présenter à un examen pour un
emploi de fonctionnaire.
« Je pense que, tant que j’ai mon petit ami ici, mon travail n’a pas d’importance.
Je reste là parce que nous sommes très bien, nous sommes très heureux et nous
avons des projets d’avenir ensemble. Je suis heureuse avec lui et je suis contente
de ma vie ici. Je suis heureuse quand je vais en Espagne et que je vois ma famille.
Si je réussis l’examen, ce sera formidable car je n’aurai plus à me soucier de
mon avenir. Je dois, d’une manière ou d’une autre, proter des fruits de tous les
efforts que j’ai déployés durant ces dernières années » (Claudia, femme, 33 ans,
Düsseldorf, Allemagne).
Conclusion : les non conformistes errants
En Espagne, la jeunesse est la fraction de la population qui a été la plus
affectée par la crise économique et le lent processus de reprise. Le taux de
chômage des jeunes est parmi les plus élevés de l’Union européenne. La crise
économique de 2008 a fait basculer l’Espagne du statut de pays européen à
jeunesse fortement enracinée et qui percevait l’émigration comme un échec
social, au statut de pays à jeunesse concevant l’émigration comme un moyen
d’échapper à la situation sociale, économique et politique du pays. Cette
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nouvelle vague d’émigration espagnole reprend en partie les vieux chemins
tracés par les émigrés des années 1960. L’Europe apparait comme la destination
privilégiée et les principaux pays d’établissement sont les mêmes que dans
les années 1960 : le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France. Ce qui change
néanmoins, c’est le prol des migrants.
Par delà des prols divers et des âges différents, les émigrants ont en
commun d’avoir souffert de la précarité du marché du travail en Espagne.
La libre circulation dans l’Union européenne a fourni un cadre permettant à
ces jeunes de rechercher des solutions alternatives : pour poursuivre une for-
mation, pour acquérir une expérience personnelle et professionnelle ou pour
satisfaire un projet migratoire à caractère indéni. Pour les jeunes employés
dans les secteurs de la santé, de l’ingénierie et d’autres à forte demande sur le
marché du travail international, la migration intra-européenne a constitué un
véritable refuge. Pour d’autres, la migration a signié le début de leur activité
professionnelle après la n de leurs études. En ce sens, l’émigration espagnole
récente reproduit certaines caractéristiques des migrations intra-européennes
actuelles : la mobilité de jeunes majoritairement formés, avec des projets
exibles, pouvant traverser plusieurs pays.
Une partie de cette jeunesse a critiqué ces processus migratoires : en raison,
parfois, de l’accueil reçu dans les pays de destination et, surtout, des facteurs
qui expliquent leur départ d’Espagne. C’est une migration à la fois volontaire
et forcée : c’est une décision individuelle et libre de ces jeunes qui font usage
du cadre de la liberté de mouvement en vigueur en Europe, mais en même
temps, ils prennent la décision en raison du manque d’opportunités d’emploi
en Espagne, plus particulièrement pendant la récession économique mais éga-
lement après. L’Union européenne apparaît comme un cadre favorisant cette
libre mobilité, mais en même temps comme le reet des inégalités en son sein.
Les motivations et les projets de ces jeunes espagnols sont similaires à ceux
d’autres jeunes du sud de l’Europe et, dans une certaine mesure, des jeunes
d’Europe de l’Est qui ont émigré en Europe centrale depuis les années 2000.
La crise économique, politique et sociale a mis en lumière les attentes sociales
profondes de la jeunesse espagnole et le fait qu’elle vivait des conditions de tra-
vail et économiques pires que celles de la génération précédente. Leur mobilité
intra-européenne est celle d’anticonformistes qui, pour une raison ou pour une
autre, ne se résignent pas à un avenir qu’ils ne méritent pas, empreint de précarité
et d’inégalité sociale croissante. Leur mobilité a un coût : l’éloignement de leur
famille et de leurs pairs. La plupart d’entre eux retourneront en Espagne, mais
leur départ a instauré un champ migratoire transnational susceptible, à son tour,
d’ouvrir les portes de l’Europe à de nouvelles générations de non conformistes.
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