ArticlePDF Available

L’économie sociale et solidaire après la loi du 31 juillet 2014 : le « choc des cultures »

Authors:

Abstract

The social and solidarity economy after the law of July 31, 2014: the "clash of cultures" The law of July 31, 2014 on the social and solidarity economy broadens the scope of the sector. In addition to associations, cooperatives, mutual societies and foundations which belong to the field by virtue of their statute, certain commercial companies have been now added under the condition that a) they pursue a social goal, b) they have a participatory governance, c) their profits are mainly invested in the maintenance or development of the activity. In this article, we focus on the effects of this law – and the recognition of what is called “social entrepreneurship” – with regard to three main issues : firstly, the place of the entrepreneur and the question of leadership it involves ; secondly, the mode of governance of social and solidarity economy (SSE) organizations : the law seems to accept a shift in meaning from a democratic conception, faithful to the principle of “one person = one voice”, towards other participatory forms, implying that the decision-making power of such commercial companies is not necessarily dissociated from capital ownership ; thirdly, the transformative and political aim of SSE organizations. Our results suggest that although the number of “social and solidarity economy commercial companies” remains very limited, the changes are deep and initiate a new phase in the development of the SSE.
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET
2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
Carole Bousquet, Vanessa Monties, Damien Richard
EMS Editions | « Question(s) de management »
2021/1 n° 31 | pages 81 à 92
ISSN 2262-7030
DOI 10.3917/qdm.211.0081
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2021-1-page-81.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour EMS Editions.
© EMS Editions. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 81 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
L’économie sociale et solidaire après la loi du 31 juillet 2014:
le «choc des cultures»
The social and solidarity economy after the law of July 31, 2014:
the "clash of cultures"
Résumé n
La loi du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire
élargit le périmètre du secteur. Outre les associations, coo-
pératives, mutuelles et fondations qui en font partie du
fait de leur statut, c’est dorénavant également le cas de
certaines sociétés commerciales à condition qu’elles pour-
suivent un but social, qu’elles disposent d’une gouvernance
participative et que leurs bénéfices soient majoritairement
consacrés au maintien ou au développement de l’activité.
Dans cet article, nous nous interrogeons sur les effets de
cette loi – et de la reconnaissance de ce que l’on appelle
« l’entrepreneuriat social » – au regard de trois enjeux
essentiels : la place de l’entrepreneur, autrement dit la
question du leadership ; le mode de gouvernance des orga-
nisations de l’ESS, la loi semblant accepter un glissement
de sens d’une conception démocratique fidèle au principe
« une personne = une voix » vers d’autres formes participa-
tives n’impliquant pas que le pouvoir décisionnel des socié-
tés commerciales concernées soit dissocié de la propriété
du capital ; la visée transformatrice et politique des orga-
nisations de l’ESS. Nos résultats suggèrent que même si le
nombre de « sociétés commerciales de l’économie sociale
et solidaire » reste à ce jour très limité, les changements
sont profonds et inaugurent une nouvelle phase du déve-
loppement de l’ESS.
n Mots-clefs : culture, économie sociale et solidaire, loi
du 31 juillet 2014, entrepreneuriat social, leadership.
n Summary
The law of July 31, 2014 on the social and solidarity econ-
omy broadens the scope of the sector. In addition to as-
sociations, cooperatives, mutual societies and foundations
which belong to the field by virtue of their statute, certain
commercial companies have been now added under the
condition that a) they pursue a social goal, b) they have a
participatory governance, c) their profits are mainly invest-
ed in the maintenance or development of the activity. In
this article, we focus on the effects of this law – and the
recognition of what is called “social entrepreneurship” –
with regard to three main issues: firstly, the place of the
entrepreneur and the question of leadership it involves;
secondly, the mode of governance of social and solidarity
economy (SSE) organizations: the law seems to accept a
shift in meaning from a democratic conception, faithful to
the principle of “one person = one voice”, towards other
participatory forms, implying that the decision-making
power of such commercial companies is not necessarily
dissociated from capital ownership; thirdly, the transfor-
mative and political aim of SSE organizations. Our results
suggest that although the number of “social and solidarity
economy commercial companies” remains very limited, the
changes are deep and initiate a new phase in the develop-
ment of the SSE.
n Keywords: culture, social and solidarity economy, law
of July 31 2014, social entrepreneurship, leadership.
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
82 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
INTRODUCTION
L’économie sociale et solidaire (ESS) en France a
fait l’objet le 31 juillet 2014 d’une loi-cadre qui en
a reconnu l’importance et a cherché à lui donner
les moyens de se développer davantage encore.
L’un des objectifs des pouvoirs publics est ainsi
de promouvoir un secteur qui crée des emplois
tout en poursuivant une finalité sociale et/ou en-
vironnementale (Bidet, 2019). Parmi toutes les
mesures prises pour que l’ESS change d’échelle
– alors qu’elle représente déjà plus de 10 % du
PIB, soit près de 10 % de l’emploi en France
(CNCRES, 2017a) – la loi modifie le périmètre
classique de l’ESS pour y inclure ce qu’il faut
dorénavant appeler les « sociétés commerciales
de l’économie sociale et solidaire » (SCESS).
Souhaité par les uns, dénoncé par les autres, le
changement est profond puisqu’il rompt avec
la façon dont l’ESS a été historiquement conçu
et défini. Jusqu’alors en effet, seules les asso-
ciations, coopératives, mutuelles et fondations
faisaient partie de l’ESS. C’est donc exclusive-
ment le statut qui déterminait l’appartenance
d’une organisation à l’ESS, celui-ci étant censé
correspondre à trois grands principes : un but
social autre que le seul partage des bénéfices ;
une lucrativité limitée ; une gouvernance démo-
cratique. Ce dernier critère renvoie au principe
« une personne = une voix » qui prévaut dans
toutes les structures de l’ESS et qui fait que le
pouvoir de décision est en droit partagé entre
tous les membres, alors que dans une entre-
prise classique il est généralement proportionnel
au capital détenu.
Si la loi de 2014 ne change aucune de ces dis-
positions, elle permet dorénavant à une société
commerciale d’intégrer le champ de l’ESS à la
condition qu’elle poursuive un but social, qu’elle
dispose d’une gouvernance participative et que
ses bénéfices soient majoritairement consacrés
à l’objectif de maintien ou de développement
de l’activité. La mention d’une gouvernance
participative prévoie « l’information et la parti-
cipation des associés, des salariés et des par-
ties prenantes aux réalisations de l’entreprise »
(article 1 de la loi), mais qu’elle n’est pas syno-
nyme de gouvernance démocratique puisqu’elle
n’implique pas une répartition équitable du pou-
voir de décision entre membres.
D’un point de vue strictement quantitatif, l’ouver-
ture du champ de l’ESS est mineure puisqu’on
ne comptabilisait que SCESS 236 en avril 2017
(CNCRESS, 2017b, p. 3). Les spécialistes esti-
ment qu’à l’avenir un maximum de 5000 SCESS
pourraient intégrer l’ESS
1
, ce qui est très peu au
regard du nombre total d’organisations.
Cette volonté d’inclusion visant à accorder à
certaines sociétés commerciales le statut d’or-
ganisations de l’ESS était un objectif prioritaire
du législateur, à tel point que Benoit Hamon,
alors ministre délégué à l’ESS, en avait fait un
élément non négociable durant toute la phase
de consultation qui a précédé le vote de la loi
(Chabanet, 2017, p. 33). Les partisans de l’entre-
preneuriat social s’en sont évidemment félicités
alors que les familles traditionnelles de l’ESS
se sont parfois inquiétées et ont pu manifes-
ter leur désaccord (Fraisse et al., 2016). Malgré
de fortes réticentes, la loi sur l’ESS est fondée
sur le pari que le rapprochement entre l’ESS
statutaire et l’entrepreneuriat social est utile et
nécessaire. En organisant un mariage quelque
peu forcé, l’objectif est de faire en sorte que
l’ESS dans son ensemble gagne en efficacité,
en professionnalisme et en pragmatisme. En
ce sens, la loi mise sur des phénomènes d’iso-
morphismes institutionnels, c’est-à-dire « des
processus contraignants qui forcent les unités
d’une population à ressembler aux autres uni-
tés qui affrontent les mêmes contraintes » (Di
Maggio et Powell, 1983, p. 150). Pour le dire
autrement, dans le contexte d’une crise à la
fois économique, sociale et environnementale,
l’objectif des pouvoirs publics est que de plus en
plus d’entreprises commerciales s’approprient
les valeurs de l’ESS d’une part et que ces der-
1 Entretien avec une universitaire spécialiste de
l’ESS, 17 février 2018.
Tableau 1 :
Nombre d’organisations de l’ESS selon leur statut
Coopératives Mutuelles Associations Fondations SCESS
27250 8368 185145 1568 236
Source : CNCRESS, 2017b
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 83 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
nières s’inspirent d’un certain nombre de tech-
niques d’action et de management issues du
secteur privé.
La loi de 2014 a constitué un moment rare qui
a permis aux différentes composantes de l’ESS
d’affirmer leurs valeurs et leurs principes, de
se positionner les unes par rapport aux autres
et donc de faire part de leurs divergences voire
de leurs oppositions. Les débats ont souvent
été âpres et sans concessions, dessinant des
croyances et des conceptions de l’économie
sociale – et au-delà de la vie en société – révéla-
trices de traditions spécifiques, souvent ancrées
dans une histoire séculaire (Petrella et Richez-
Battesti, 2014). Entre concurrence et complé-
mentarité, ces caractéristiques définissent « des
manières de penser, de sentir et d’agir » qui sont
au fondement de la conception durkheimienne
de la culture (Durkheim, 2013 [1895], p. 8). Les
jeux d’influence et en particulier les désaccords
qui ont émergé à l’occasion de la préparation de
cette loi ont ainsi eu le mérite de cristalliser des
enjeux qui traversent le champ de l’ESS depuis
plusieurs décennies et de clarifier les points de
vue de chacun. Au-delà des labellisations offi-
cielles, qui font qu’en France les termes « éco-
nomie sociale » et « économie solidaire » sont
depuis le début des années 1990 presque systé-
matiquement accolés – formant ce que certains
spécialistes appellent fort justement « un com-
promis imparfait » (Fraisse et al., 2016, p. 214)
– des lignes de tensions sont apparues, notam-
ment entre partisans de l’économie solidaire et
de l’entrepreneuriat social.
1. Les lignes de tensions des familles de
l’ESS
Les tenants de l’économie solidaire se livrent
souvent à une critique radicale de la libre concur-
rence et du marché (Draperi, 2010). D’après
eux, la reconnaissance de l’ESS par les pouvoirs
publics et la volonté affichée de ces derniers de
la concevoir essentiellement comme un instru-
ment au service de la lutte contre le chômage,
lui ferait perdre de sa force de contestation,
alors qu’elle devrait rester conforme à ses prin-
cipes originels, c’est-à-dire la solidarité et la lutte
contre toutes les formes de domination. Un des
objectifs essentiels de l’économie solidaire est
ainsi d’accroître l’autonomie des salariés et de
les inciter à se prendre en mains à travers des
collectifs de travail plus ou moins autogérés.
L’aspiration à un fonctionnement démocratique
des organisations est ici centrale. Même s’il y
aurait beaucoup à dire sur la mise en œuvre de
cet objectif, c’est un point auquel restent viscé-
ralement attachés les défenseurs de l’économie
solidaire (Petrella et Richez-Battesti, 2013). En
creux, se joue souvent ici une critique à l’égard
d’une partie de l’économie sociale et notam-
ment des associations caritatives, souvent ac-
cusées d’enfermer les populations à qui elles
viennent en aide dans l’assistanat plutôt que
de favoriser leur émancipation (Hély, 2004). Ce
projet est souvent associé à la recherche d’une
plus grande qualité de la vie, déconnectée d’une
croissance purement quantitative, monétaire ou
marchande, qui puisse accoucher d’un mode
alternatif de société. De ce point de vue, la sen-
sibilisation au développement durable a servi la
cause de l'économie solidaire, contribuant à son
regain depuis environ une trentaine d’années.
Les tenants de l’économie solidaire n’ont pas
manqué de mettre en exergue ce qu’ils consi-
dèrent être les dérives et les renoncements de
l’économie sociale, soulignant que son action
se conformait de plus en plus aux règles d’une
économie capitaliste. Il est vrai que sous la
pression du patronat français et avec l’aval de
la Commission européenne, à partir des années
1980, les mesures dérogatoires au marché
dont bénéficiaient beaucoup d’organisations
de l’ESS ont été progressivement dénoncées
par l’État français, de façon à assurer les condi-
tions d’une « concurrence libre et non-faus-
sée » (Demoustier, 2013). Dans les mutuelles
et les coopératives notamment, les statuts ont
été aménagés pour élargir le sociétariat à des
financeurs qui ne participent pas à l’activité mais
qui accroissent l’impératif de rentabilité (Bidet,
2003). De même, l’accès des coopératives aux
marchés publics a été restreint, si bien qu’elles
se retrouvent souvent en compétition avec des
entreprises commerciales classiques et, dès
lors, en adoptent le fonctionnement. Certaines
se débarrassent par exemple de leurs adhé-
rents les moins performants (Nicolas, 1985).
Des mutuelles d’assurance excluent ceux qui
présentent un risque considéré comme trop
élevé (Bode, 2000). Contrairement aux règles de
solidarité de base, des mutuelles de santé per-
sonnalisent leurs contrats pour que le montant
des cotisations varie selon l’âge, le sexe ou le
lieu d’habitation (Dumont, 1995). L’abandon d’un
tarif indifférencié signifie que la mission propre
des assureurs à but non lucratif – à savoir la
défense collective de la santé des adhérents à
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
84 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
partir d’un principe de solidarité amenant à mu-
tualiser le risque – a été perdue de vue. Ce sont
évidemment les personnes les plus fragiles qui
« se trouvent de plus en plus exclus du champ de
l’assurance complémentaire, au moment même
où le nombre de personnes dans le besoin va
croissant » (Bode, 2000, p. 72). Parallèlement,
en matière de protection sociale, de santé ou
d’éducation, un grand nombre d’associations ne
sont plus subventionnées par les pouvoirs pu-
blics et se trouvent donc contraints de nouer de
nouveaux partenariats et/ou de trouver de nou-
veaux financements, y compris avec des acteurs
privés (Tchernonog et Prouteau, 2019). Par pe-
tites touches, ce sont toutes les composantes
de l’ESS qui voient leurs liens historiques avec
la puissance publique et en premier lieu l’État
se défaire, ce qui les incitent à se rapprocher du
marché et de ses logiques concurrentielles.
Au final, beaucoup d’acteurs de l’ESS redoutent
que le développement du secteur soit surtout
un moyen de légitimer le retrait de l’État cen-
tral dans la gestion des affaires sociales et de la
solidarité (Demoustier et Colletis, 2012). La puis-
sance publique, tant au niveau national que local,
serait l’un des principaux initiateurs de cette évo-
lution, en créant des quasi-marchés pour assurer
des services dont elle avait auparavant la charge.
Elle se défausserait notamment sur les associa-
tions – qui sont et de très loin l’employeur le plus
important de l’ESS – d’un emploi fragile, précaire
et mal rémunéré. Sous prétexte de vouloir fa-
voriser l’emploi, notamment des jeunes, l’ESS
servirait d’alibi à la précarisation des nouvelles
générations (Hély et Moulévrier, 2013). Cette
conversion d’une partie de l’économie sociale
à des enjeux définis et régulés par le marché
serait une nouvelle variante de l'esprit du capita-
lisme (Boltanski et Chiapello, 1999) et une illus-
tration de sa capacité à intégrer les thématiques
de ceux qui à l’origine avaient vocation à « faire
de l’économie autrement » (Demoustier, 2001).
Dans le même temps, les partisans de l’entre-
preneuriat social contestent eux aussi l’hégémo-
nie de l’ESS et considèrent que le statut d’une
organisation ne saurait suffire à garantir son
utilité. Pour eux, c’est l’efficacité réelle de l’ac-
tion qui importe. Celle-ci doit donc être évaluée
selon des procédures précises et rigoureuses
qui seules permettront de convaincre des finan-
ceurs privés de plus en plus incontournables
compte tenu de la rareté des fonds publics.
Pour le dire autrement, la légitimité de l’État à
incarner l’intérêt général et à être le garant de la
cohésion sociale est de plus en plus contestée
(Rosanvallon, 1995) et en tout cas ne doit pas
faire obstacle à l’engagement de sociétés com-
merciales ou d’acteurs de la société civile, dès
lors qu’ils sont porteurs d’un d’intérêt général.
Cette conception entrepreneuriale de l’ac-
tion sociale a aujourd’hui le vent en poupe en
France et se décline de plusieurs façons. On en
trouve la marque au travers des politiques de
Responsabilité sociale des entreprises (RSE),
qui connaissent un succès grandissant et qui
sont même devenues obligatoires depuis 2012
pour les sociétés cotées en bourse. Il en est de
même de la notion « d’entreprise sociale », for-
gée par le réseau Émergence des entreprises
sociales en Europe (EMES), qui s’est s’imposée
largement en France comme ailleurs. Fondée
sur une liste de neuf indicateurs (Defourny,
2004), elle combine rentabilité et finalité sociale,
en utilisant pour cela des outils de gestion et de
management ayant fait la preuve de leur effica-
cité en entreprise. Surtout, elle ne fait référence
à aucun statut et valorise beaucoup l’initiative in-
dividuelle. Dans ce contexte favorable, une mul-
titude d’organisations voient le jour au début des
années 2000 pour promouvoir l’entrepreneuriat
social et exercent un important travail d’influence
pour le faire reconnaître auprès des pouvoirs pu-
blics : le mouvement des entrepreneurs sociaux
(MOUVES), Ashoka France, le Collectif pour
le Développement de l’Entrepreneuriat Social
(CODES), ou encore l’Agence de valorisation
des initiatives socio-économiques (AVISE), sont
parmi les structures les plus actives en ce sens.
Ces nouveaux acteurs collectifs sont porteurs
d’un changement de discours et de personnes.
Comme l’affirme Jacques Dasnoy, Délégué gé-
néral du MOUVES, « une nouvelle génération
émerge, qui cherche à la fois la réussite et l’épa-
nouissement personnel en se rendant utile. Les
générations précédentes, pétries d’idéologies,
rêvaient de transformer la société. Depuis les
années 1990, les plus jeunes inventent des solu-
tions pragmatiques ici et maintenant… en créant
des sociétés » (cité par Gérome, 2015, p. 54). Le
pari de ces nouveaux entrepreneurs sociaux est
que l’efficacité économique peut être mise au
service de l’intérêt général. En d’autres termes,
ils cherchent à concilier les principes de l’éco-
nomie de marché ou du capitalisme, auxquels
ils adhèrent, aux vertus de la solidarité et de
l’action sociale, nécessaires selon eux pour lut-
ter contre les inégalités et garantir un minimum
de cohésion. Ils renvoient plus ou moins impli-
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 85 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
citement les partisans d’une économie sociale
et solidaire historique à leurs « vieilles lunes »,
c’est-à-dire à une vision qu’ils considèrent à la
fois idéologique et peu efficace de l’économie
sociale (Duverger, 2019).
La question des sources de financement de
l’ESS est évidemment cruciale et fait aussi
l’objet de controverses intenses (Glémain et
Richez-Battesti, 2018). Les études en la ma-
tière soulignent que l’État central mais aussi
les Communes allouent de moins en moins de
moyens à l’ESS, tandis que les Conseils régio-
naux sont au contraire des bailleurs de fonds
de plus en plus importants, essentiellement
sous la forme de commandes. Par ailleurs, les
Social Impact Bond sont l’un des dispositifs
mis en place par la loi de 2014 pour dynamiser
le secteur en l’incitant à adopter des critères
d’évaluation et de retour sur investissement
qui sont la règle dans une économie de marché
fondée sur la recherche du profit, même limité.
Le principe général est le suivant : un investis-
seur privé finance un projet de l’ESS. À l’issu
du programme, une évaluation indépendante
se prononce sur l’atteinte des objectifs. La puis-
sance publique rembourse alors l’investisseur
– avec intérêts – uniquement si l’impact social
constaté est conforme aux prévisions (Dermine,
2019). Plusieurs appels d’offre de ce type ont
été lancés par l’État français depuis 2016 et
ont permis de financer une dizaine de projets
pour des montants pouvant atteindre 1,7M
chacun. Ouverts à tous les acteurs de l’ESS,
ces dispositifs restent encore relativement mo-
destes à l’échelle des besoins du secteur (Haut-
Commissariat à l’Economie sociale et solidaire et
à l’innovation sociale, 2019), mais le gouverne-
ment français est déterminé à poursuivre dans
la même voie, puisqu’il a décidé en septembre
2019 de créer un « fonds de paiement au résul-
tat français » doté de 30 millions d’euros, exclu-
sivement réservé aux organisations de l’ESS.
Si les acteurs du secteur se félicitent que les
moyens de financement se multiplient depuis
quelques années, les critiques à l’adresse des
Social impact bonds restent vives. Les griefs
sont nombreux. Certains notent que les dossiers
sont excessivement complexes, chronophages
et sont donc, de fait, inaccessibles à la plupart
des petites structures, associatives notamment
(Fraisse, 2017). D’autres affirment que la notion
même d’impact social, telle qu’elle est entendue
par les pouvoirs publics, conduit souvent à s’in-
téresser avant tout à des actions dont les effets
sont facilement quantifiables et qui se font sen-
tir à court terme, alors que certaines mesures
peu quantifiables sont souvent très efficaces
à long terme (Hély, 2017). Enfin et plus fonda-
mentalement, on peut se demander si l’action
sociale doit nécessairement être soumise à des
principes de rentabilité (Bidet, 2003).
Toutes ces questions animent, divisent même,
le champ de l’ESS et se posent avec encore
plus d’acuité depuis la loi de juillet 2014. Les
exemples de « greenwashing » ou de « social-
washing » de certaines sociétés commerciales
peuvent « laisser à penser que les entrepre-
neurs sociaux sont les "idiots utiles" des grandes
entreprises soucieuses de redorer leur image »
(Gérome, 2015, p. 59). Les controverses récur-
rentes que concentrent le groupe SOS – l’une
des SCESS les plus en vues, qui emploie plus
de 12 000 personnes travaillant dans près de
350 sites implantés un peu partout en France
– en fournissent une excellente illustration.
L’organisation se présente sous la forme d’éta-
blissements aux activités diverses (allant de
l’aide à l’insertion, en passant par le conseil aux
entreprises, jusqu’à la gestion immobilière, etc.)
dont les statuts juridiques sont très hétérogènes
(associations, sociétés commerciales, coopé-
ratives, etc.) et sont placées sous l’autorité de
trois associations : SOS-Drogues, SOS-Habitat
et soins, SOS-Insertion. Cette structuration favo-
rise la constitution de fonds propres et permet
de contracter des emprunts à des taux extrême-
ment bas. L’un des objectifs du groupe est ainsi
de capter des capitaux auprès des banques ou
des fonds d’investissements pour financer les
activités sociales de ses entreprises. La renta-
bilité de ces dernières est en moyenne de 5 %
(Gérome, 2015, p. 58). Rarement la logique et
les instruments du monde de la finance auront
été autant imbriqués avec ceux de l’ESS. La ges-
tion du groupe et de son très charismatique fon-
dateur – Jean-Marc Borello – a été plusieurs fois
épinglée par les pouvoirs publics, qui pointent
une « concentration du pouvoir décisionnel »
normalement peu compatible avec l’idéal démo-
cratique de l’ESS, mais également l’importance
des contrats précaires et un turn over particu-
lièrement élevé. Des témoignages font par ail-
leurs état de pratiques managériales agressives,
usantes, mal supportées par une partie du per-
sonnel (Hély, 2012). Au final, si certains obser-
vateurs se félicitent de la réussite d’un groupe
dont le volume d’activités ne cesse de croître
et qui développe des dispositifs d’insertion et
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
86 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
d’aide sociale innovants et ambitieux (Dhoquois,
2016), d’autres dénoncent plutôt l’ambiguïté
des discours et des pratiques, voire le dévoie-
ment qui consiste à faire du social un business
comme un autre (Russo, 2020).
En France, l’ESS est à une phase cruciale de son
histoire. D’un côté, elle est reconnue comme
jamais elle ne l’a jamais été par les pouvoirs
publics, de l’autre ses spécificités et son ambi-
tion réformatrice risquent de s’effacer et de
s’atténuer. Pour beaucoup d’observateurs, les
deux phénomènes sont liés (Duverger, 2016).
L’ensemble des débats qui traversent « les
familles de l’ESS » s’articulent autour de trois
enjeux principaux qui questionnent a) la nature
individuelle ou collective du projet porté. C’est
ainsi la place de l’entrepreneur dans l’économie
sociale qui est posée ; b) la dimension démo-
cratique du système décisionnel mis en place.
S’agit-il de vouloir partager le pouvoir entre
membres – ce que suppose le principe « une
personne = une voix » – ou de s’en tenir à des
formes de gouvernances participatives, qui n’im-
pliquent pas une telle égalité ? ; c) enfin, l’ESS a-
t-elle vocation à avoir une visée transformatrice,
autrement dit doit-elle s’inscrire dans un projet de
société alternatif ? Ces trois interrogations défi-
nissent des conceptions très différentes et, plus
encore, des sensibilités culturelles spécifiques
de l’ESS. Pour tenter de mieux comprendre les
clivages mais aussi les éventuels points de rap-
prochement entre économie sociale, solidaire
et entrepreneuriat social, nous avons interrogé
une diversité de spécialistes et de praticiens du
secteur.
2. Méthodologie
Notre démarche est qualitative et a été conçue
pour apporter des éléments de réponse à nos
trois questions. Dans le cadre du programme de
recherche européen "For a Better Tomorrow :
Social Enterprises on the Move” (FAB-MOVE)
2
,
nous avons interrogés entre mai 2016 et dé-
cembre 2018 15 acteurs de l’ESS, que l’on
peut répartir en trois grandes catégories : des
universitaires spécialistes du secteur, des entre-
preneurs sociaux et des responsables publics
ou administratifs impliqués dans des disposi-
tifs qui encadrent ou régulent l’ESS en France.
L’échantillon ainsi constitué n’a aucun caractère
2 https://www.uni-muenster.de/IfPol/FAB-MOVE/Pro-
ject/
représentatif, mais il couvre l’ensemble des dif-
férentes familles qui nous intéressent ici. Le
guide d’entretien utilisé portait sur le contenu de
la loi de 2014 et la façon dont il pouvait rappro-
cher – ou pas – les trois courants de l’ESS. Les
entretiens, d’une durée moyenne d’une heure,
ont tous été enregistrés et retranscrits intégra-
lement.
3. Résultats
Dans ce qui suit, nous analysons successive-
ment les réponses aux trois dimensions qui
nous intéressent, à savoir la place de l’entrepre-
neur dans l’ESS ; la question des formes de gou-
vernance démocratiques ou participatives mises
en œuvre ; enfin la nature du projet politique qui
est ainsi porté.
3.1. Projet individuel / projet collectif ?
Toutes les personnes interrogées soulignent
que l’ESS est historiquement fondée sur des
causes et des projets collectifs. Même si elle
est portée par de grands noms (Gueslin, 1987),
elle ne se résume jamais à l’ambition ou à l’aven-
ture d’un individu. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle dans l’ESS traditionnelle le statut de
l’organisation prime finalement sur l’identité de
celui qui la dirige. Les hommes sont importants,
mais ils sont au service d’un projet (social) qui
les dépasse.
« On est une économie collective et si on n’est
pas une économie collective, on passe à côté.
Alors on dira "certaines coopératives se créent
à deux", c’est vrai, mais elles se créent à deux
si tu as un marché ! Autrement, il n’y a pas de
base économique. Une économie sociale qui
ne représente pas un besoin collectif exprimé
collectivement, c’est du faux, c’est de l’engage-
ment individuel » (entretien n°13).
C’est la rencontre entre une initiative qui a l’ori-
gine peut être individuelle – celle d’un entrepre-
neur – et une cause bien plus générale, celle
d’une communauté de personnes ou d’un terri-
toire, par exemple – qui fonde la grandeur et la
légitimité de l’ESS. Sous cet angle, certains se
méfient de la mythologie qui entoure la figure
héroïque de l’entrepreneur.
« Moi, en tant qu’historienne de l’ESS, ce qui
m’intéresse ce sont les dynamiques collectives.
Bien sûr, les hommes ou les femmes comptent,
mais je dirais c’est souvent le petit bout de la
lorgnette, pour qu’un mouvement comme le
mouvement coopératif s’installe dans la durée,
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 87 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
© Éditions EMS
dans des villes, dans des régions, dans des ter-
ritoires, c’est qu’il y a des racines, un ensemble
de raisons très profondes qui font que ça prend.
Tu ne peux pas comprendre ça si tu ramènes les
choses à un individu » (entretien n°2).
Le décalage culturel avec l’entrepreneuriat so-
cial est à cet égard flagrant, pour qui la question
du leadership est en effet assumée et même re-
vendiquée. Quand il présente son organisation,
le Délégué général du MOUVES insiste pour dire
qu’il s’agit :
« d’un mouvement de personnes, ce sont les di-
rigeants qui adhèrent, et non pas les structures,
ce qui nous distingue d’un certain nombre de
réseaux de l’économie sociale et solidaire. Ces
dirigeants sont à la tête d’associations, de coo-
pératives, d’entreprise d’insertion, d’entreprises
adaptées, mais aussi de SAS et de SARL, et ils
partagent tous les pratiques de l’entrepreneuriat
social » (entretien n°6).
L’entrepreneuriat social aime à valoriser l’initia-
tive et le mérite individuel. Dans les récits, la
question du charisme, de la vision, de la prise de
risque du chef d’entreprise et de la façon dont
il exerce son leadership sont essentielles. Cela
ne signifie pas que ces éléments soient absents
des dynamiques propres à l’ESS, mais ils ne
sont pas valorisés au même degré. Le profil des
générations montantes d’entrepreneurs sociaux
peut en partie expliquer cette différence. Issus
souvent de grandes écoles (de commerce),
dotés d’un bagage culturel important, pour cer-
tains fortement médiatisés, beaucoup parmi eux
assument d’être des leaders et y trouvent une
source de motivation et de légitimité. Ils disent
« je » sans complexe, n’hésitent pas à se mettre
Tableau 2 :
Présentation des personnes interrogées
Entretien Personnes interrogées Durée de l’entretien (mn)
Universitaires
1 Spécialiste de l’ESS, membre du Réseau Interuniversitaire
de l’ESS
74
2 Spécialiste de l’ESS 53
3 Spécialiste de l’ESS 45
4 Spécialiste de l’ESS, Membre du Centre de Recherche sur
l’Entrepreneuriat Social
65
5 Spécialiste des associations en France 58
Entrepreneurs sociaux
6 Délégué général du MOUVES 50
7 Entrepreneur social 62
8 Entrepreneur social 51
9 Consultant pour une coopérative d’entrepreneurs,
spécialiste des politiques de lutte contre les discriminations,
l’exclusion et la pauvreté
75
Responsables publics
10 Chargé de mission à la FAS (Fédération des acteurs de la
solidarité)
68
11 Dirigeant de la FAS 57
12 Responsable de programme à l’AVISE 73
13 Consultant en économie sociale, membre de l’Association
Rencontres sociales
49
14 Dirigeante de coopérative 43
15 Membre du Crédit coopératif, ancien Délégué
interministériel à l’économie sociale
67
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
88 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
en avant, tout en défendant la finalité sociale de
leur action. En tout état de cause, leur démarche
est portée par une ambition personnelle forte,
considérée comme légitime. Les plus jeunes
n’hésitent pas à affirmer leur volonté d’épa-
nouissement et de réalisation personnelles, tout
en la mettant au service d’une cause collective.
« On a quand même une génération qui est très
pragmatique, qui ne renonce pas à faire carrière,
monter son entreprise, vivre la vie d’un entrepre-
neur mais qui trouve dans l’entrepreneuriat so-
cial finalement une bonne manière de combiner
cette aspiration individuelle et l’intérêt général »
(entretien n°1).
En écho, la trajectoire du fondateur et président
du groupe SOS, l’une des figures aujourd’hui
les plus connues de l’entrepreneuriat social, est
interprétée de la façon suivante :
« L’aventure de SOS c’est l’aventure individuelle
de Jean-Marc Borello. Il s’est adjoint des gens
au fur et à mesure mais au départ c’est claire-
ment une aventure individuelle et il est très fort
là-dessus et quand il dit que les statuts ne font
pas vertu il a raison » (entretien n°4).
À travers la question relative à la place et au rôle
du dirigeant, c’est plus fondamentalement la dé-
finition même du champ de l’ESS qui est en jeu.
D’un côté, les tenants de l’entrepreneuriat social
contestent que le statut d’une organisation per-
mette, de droit, à celle-ci de faire partie de l’ESS.
Ils estiment que ce principe ne reconnaît pas les
mérites et le travail de beaucoup de sociétés
commerciales sensibles à des causes sociales
et/ou environnementales. De l’autre, les parti-
sans de l’ESS traditionnelle, qui redoutent que
les valeurs fondatrices du secteur soient gal-
vaudées par des initiatives personnelles hasar-
deuses, non contrôlées et éventuellement mani-
pulatoires.
3.2. Gouvernance démocratique ou
participative ?
Sur ce point, les discours des tenants de l’ESS
soulignent à la fois l’importance des principes
démocratiques dont ils sont normalement dépo-
sitaires et en même temps le caractère problé-
matique de leur mise en pratique. Le dirigeant
d’une entreprise d’insertion rappelle l’impor-
tance d’une « gouvernance collective qui est
le seul garant de la prise en charge d’un inté-
rêt collectif et d’un désintéressement et d’une
primauté de l’objet social sur la finalité écono-
mique, bien que la finalité économique soit à
préserver » (entretien n°7). Les statuts de l’ESS
sont d’ailleurs conçus pour « casser le lien entre
le pouvoir de décision et l’argent, autrement dit
la détention de l’entreprise, du capital » (entre-
tien n°3). Dans son idéologie comme dans ses
pratiques, l’ESS a vocation à interroger la ques-
tion des rapports de pouvoir, des conditions de
participation des salariés et donc, fondamenta-
lement, l’exercice de la démocratie dans les or-
ganisations et notamment dans l’entreprise. En
même temps, cette ambition a pu être dévoyée
et le fonctionnement de certaines structures de
l’ESS satisfait bien mal aux idéaux affichés.
« Il faudrait honnêtement s’interroger sur la réa-
lité de la pratique démocratique dans un certain
nombre d’associations, on voit bien de ce point
de vue que dans les associations, en particulier
dans les grosses structures historiques de l’éco-
nomie sociale, la démocratie a laissé place à une
cooptation de vieux copains » (entretien n°9).
Dans les mutuelles ou les coopératives, les
limites à l’idéal démocratique sont également
soulignées. La dirigeante d’une grande coopé-
rative française constate ainsi que la participa-
tion en interne de sociétés commerciales met
à mal le sacro-saint principe « une personne =
une voix ».
« On a des sociétés commerciales dans notre
réseau, on a de plus en plus d’adhérents qui se
transforment en sociétés commerciales, coopé-
ratives souvent mais pas que et aujourd’hui on
se retrouve complètement débordé, on a des
gens de notre réseau qui créent des sociétés,
on a des entrepreneurs sociaux qui veulent venir
chez nous parce qu’ils trouvent que c’est génial
et donc on sait plus ce que l’on met derrière le
terme démocratique » (entretien n°14).
D’une certaine façon, les tenants de l’économie
solidaire, de l’économie sociale et de l’entre-
preneuriat social se retrouvent très largement
autour de cette critique. Elle fragilise le poids de
vue des acteurs traditionnels de l’ESS lorsqu’ils
reprochent aux entrepreneurs sociaux de ne
pas accorder suffisamment d’importance à la
question de la participation démocratique. Sous
cet angle, la loi leur semble constituer un recul
puisqu’elle se contente de faire référence à une
gouvernance participative dont les contours
restent flous et qui, en tout état de cause,
n’implique pas d’égalité décisionnelle entre les
membres de l’organisation : « la participation, ça
n'est qu'un mot … » (entretien n°4). En écho, un
dirigeant de la FAS estime que le texte adopté
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 89 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
par le législateur rend possible un glissement de
sens qui serait très dommageable à l’ESS.
« La gouvernance démocratique mentionnée
renvoie à l’information et à la participation des
salariés et des parties prenantes aux réalisations
de l’entreprise. On ne dit que ça, un comité des
Sages ad hoc, sans pouvoirs décisionnaires
semblerait suffire à la loi, je trouve l’exercice
minimaliste » (entretien n°11).
Ce point est évidemment à rapprocher du pré-
cédent – celui relatif à la place prépondérante
de la figure de l’entrepreneur social – et on peut
aisément concevoir que pour le dirigeant d’une
SCESS, la question de la démocratie en entre-
prise ne soit pas prioritaire au même titre que
pour les structures traditionnelles de l’ESS. Le
fait est que dans nos entretiens avec des entre-
preneurs sociaux, le thème ne revient quasi-
ment jamais. D’après un chargé de mission de
la FAS, « ces derniers se sont battus pour que
l’entrepreneuriat social intègre officiellement le
champ de l’ESS, le reste était à leurs yeux très
secondaire » (entretien n°10). Une spécialiste de
l’ESS, membre par ailleurs du Conseil supérieur
de l’ESS, qui est l’une des principales instances
de dialogue des acteurs de l’ESS, porte un avis
formel :
« Le MOUVES, je l’ai vu faire, il était là au début,
il a obtenu ce qu’il voulait, l’article 1
sur l’inclu-
sion, ensuite il a plus remis les pieds au Conseil
supérieur. Il voulait ça, le reste il s’en fichait roya-
lement, il est allé aux premières réunions, quand
il a su que c’était gagné il n’y a plus remis les
pieds » (entretien n°2).
3.3. Transformer la société ou réduire de
façon pragmatique les inégalités ?
Le processus d’institutionnalisation à l’œuvre au
travers de la loi de juillet 2014 fait l’objet de lec-
tures ambivalentes. Les uns se félicitent que les
pouvoirs publics reconnaissent l’utilité de l’ESS
et cherchent à lui donner les moyens de se dé-
velopper, tandis que d’autres considèrent que
ce processus nuit à son ambition réformatrice et
même à son « potentiel subversif », revendique
un spécialiste de l’ESS (entretien n°3). Celui-ci
se déclare séduit par l’économie solidaire, préci-
sément parce qu’elle vise à :
« construire quelque chose qui puisse transfor-
mer, peut-être à une échelle très restreinte de
la société, mais en tout cas avancer, imaginer,
mettre en application des propositions qu’on
peut penser utopiques mais qui aident à rendre
le monde meilleur Voilà, le gros de l’économie
sociale me semble avoir perdu de vue tous ces
éléments, ces perspectives » (entretien n°3).
Pour un entrepreneur social très engagé dans
l’alimentation durable et les circuits-courts, le
discours des responsables politiques sur l’ESS,
en particulier depuis la crise de 2008, montre
bien que cette dernière est avant tout considé-
rée comme un moyen de créer des emplois, qui
plus est solidement ancrés dans les territoires
pour qu’ils soient difficilement délocalisables, ce
qui est en soi un objectif louable mais constitue
un appauvrissement de la dimension politique
de son projet sociétal. Il manifeste à cet égard
son désaccord, en affirmant haut et fort que :
« le soutien à l’ESS ne peut se résumer à la lutte
contre le chômage, surtout s’il s’agit de créer
des petits boulots. Il faut se donner les moyens
d’un changement ou d’une rupture de para-
digme que certains appelleront la décroissance,
le socialisme, ou une version revisitée du solida-
risme, etc. » (entretien n°8).
À l’inverse, certaines personnes interrogées
revendiquent un certain pragmatisme, recon-
naissant que l’économie de marché crée des
injustices – et qu’à ce titre elle doit être régu-
lée – mais qu’elle constitue également un cadre
économique pour l’heure indépassable. À cet
égard, l’ancien Délégué interministériel à l’éco-
nomie sociale s’affiche fièrement social-démo-
crate, regrette que le terme soit « souvent consi-
déré en France comme un gros mot » et pense
que l’ESS doit s’adapter à son époque et faire
preuve d’efficacité.
« Qu’il y ait des sensibilités différentes au sein
de l’ESS est une chose normale et saine. On
peut et on doit avoir une biodiversité de façons
d’entreprendre. Mais il faut rénover l’économie
sociale. Or, il y a une espèce d’approche hexa-
gonale très traditionnelle, un peu arrogante,
c’est-à-dire on est les meilleurs évidemment, les
anglo-saxons sont tous des vendus au Capital,
des gens dégoûtants. C’est plus compliqué que
cela, aux États-Unis, il y a des courants extrê-
mement intéressants. Il faut aller vers l’entre-
preneuriat social et ne pas se contenter de la
coopérative de papa » (entretien n°15).
On voit clairement se dessiner une ligne de cli-
vage entre ceux qui estiment que l’ESS doit être
un moyen de réformer et de contester l’ordre
économique et politique dominant et ceux qui
se soucient avant tout de son efficacité et de sa
capacité à obtenir des résultats probants, défi-
nis en termes « d’utilité sociale » ou « d’impact
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
90 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
social », eux-mêmes mesurés à l’aune du mar-
ché. La question se pose notamment à propos
du financement de l’ESS. C’est au nom de la
raréfaction des deniers publics qu’il paraît né-
cessaire « d’aller chercher l’argent là où il est,
c’est-à-dire auprès des investisseurs privés et
de ceux qui peuvent apporter les capitaux dont
l’ESS a besoin » (entretien n°15). Pour la spécia-
liste des associations en France, « les marges
de manœuvre du tissu associatif sont de plus
en plus limitées du fait de l’affaiblissement de
leurs ressources publics depuis au moins trente
ans » (entretien n°5). Face à cette situation, à
mots plus ou moins couverts, les entrepreneurs
sociaux se démarquent des marqueurs idéolo-
giques qui sont consubstantiels à l’histoire de
l’ESS. Dans le contexte actuel, caractérisé par
un affaiblissement des appartenances et des
allégeances partisanes, cette capacité à dépoli-
tiser l’ESS suscite beaucoup d’intérêt de la part
de l’opinion publique et des décideurs. Pour un
responsable de l’AVISE, c’est une des clefs d’ex-
plication du succès de l’entrepreneuriat social.
« Les jeunes entrepreneurs sociaux n’ont connu
que la crise, ils ont été assez marqués par le
chômage, par la précarité, par la dégradation
de l’environnement, ils sont moins confits dans
l’idéologie droite / gauche, où en gros le social et
l’entreprise, ça peut absolument pas fonctionner
ensemble, c’est deux choses séparées, ils ont
une vision beaucoup plus pragmatique, donc ils
vont tout faire pour que leur projet réussisse, les
gens sont sensibles à ça aujourd’hui, c’est sans
doute ce qu’on attend d’un entrepreneur social
aujourd’hui » (entretien n°12).
On le voit, l’ESS décline une diversité de pro-
jets, certains acteurs revendiquant une volonté
de transformation sociétale, dans un rapport
plus ou moins critique à l’économie de marché,
tandis que d’autres cherchent simplement à tra-
vers leur action à avoir un impact social ou envi-
ronnemental positif. Ces orientations clivaient
déjà l’économie sociale et l’économie solidaire.
L’intégration de l’entrepreneuriat social dans le
champ de l’ESS ravive ces tensions et les accen-
tuent, son pragmatisme revendiqué était consi-
déré comme du « green ou du social washing »
par ses adversaires.
DISCUSSION CONCLUSIVE
En élargissant le périmètre de l’ESS, la loi de
2014 opère une rupture symbolique et pratique
importante. L’intégration, sous certaines condi-
tions, des sociétés commerciales bouscule en
effet les repères et les croyances traditionnelles
et amène tous les acteurs du champ à s’inter-
roger sur trois points essentiels : la place de
l’entrepreneur, ce qui pose la question du lea-
dership ; le mode de gouvernance des organisa-
tions de l’ESS, la loi semblant accepter un glis-
sement de sens d’une conception démocratique
fidèle au principe « une personne = une voix »
vers d’autres formes participatives moins ambi-
tieuses n’impliquant pas que le pouvoir décision-
nel des SCESS soit dissocié de la propriété du
capital ; la visée transformatrice et politique de
l’ESS.
Ce sont les fondements historiques et culturels
de l’ESS qui sont ainsi remis en cause. La loi
inaugure en ce sens une période nouvelle dont
il sera intéressant d’analyser les effets dans la
durée. Pour les tenants de l’ESS, le coup est
rude puisque les statuts ne sont plus la seule
condition pour faire partie de l’ESS. On peut
considérer ce changement comme un recul ou
un renoncement, mais aussi comme une dyna-
mique régénératrice, qui va obliger chacun à aller
plus loin dans l’affirmation de ses valeurs. D’une
certaine façon, l’inclusion de l’entrepreneuriat
social dans l’ESS donne l’occasion aux asso-
ciations, mutuelles, coopératives ou fondations
de faire la preuve de leur spécificité et de leur
capacité à honorer les missions pour lesquelles
elles ont été créées. De même, les SCESS vont
devoir répondre aux exigences de la loi de 2014
à propos notamment de la finalité sociale pour-
suivie. En ce qui concerne leurs systèmes de
gouvernance, l’étude du CNCRESS sur ce point
reste très prudente et conclut à la nécessité
d’approfondir la question (2017b).
La période actuelle est favorable à l’entrepre-
neuriat social. Le désengagement de l’État,
l’affaiblissement des grandes idéologies, ou en-
core la valorisation de l’initiative individuelle sont
aujourd’hui des tendances lourdes qui guident
l’action publique. Son projet est en phase avec
les attentes des décideurs. Par contraste, l’ESS
a plus de mal à se faire entendre et à convaincre.
Dans une période de crise économique pro-
fonde, où la lutte contre le chômage est l’obses-
sion de tous, la portée politique de son projet est
souvent considérée, à tort ou à raison, comme
moins prioritaire. En particulier, son ambition
démocratique et plus généralement le thème
de la démocratie d’entreprise, qui était le fer de
lance de certains syndicats et de la « deuxième
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021 / 91 © Éditions EMS
Carole BOUSQUET, Vanessa MONTIES et Damien RICHARD
gauche » à la fin des années 1970, n’ont plus
qu’un écho résiduel dans l’espace public au-
jourd’hui. Pour autant, le dynamisme de l’éco-
nomie solidaire montre qu’en dehors des grands
discours et sans promettre le « grand soir », sur
le terrain des projets continuent de réinventer
la démocratie et se développent en dehors du
marché ou selon des logiques qui ne sont pas
uniquement celles de l’offre et de la demande.
Pour que le pari de la loi de juillet 2014 soit
tenu, autrement dit pour que la fertilisation
croisée attendue du rapprochement des dif-
férents courants de l’ESS produise des effets
positifs, il est important que chacun d’eux ait
les moyens d’exister (Baudet, 2016). Ce sera le
travail des instances représentatives de faire en
sorte qu’elles puissent toutes s’exprimer et se
développer, À l’heure où l’ESS bénéficie d’une
reconnaissance institutionnelle inégalée, il est
essentiel que la diversité des manières d’entre-
prendre socialement soit cultivée, de sorte que
les traditions, les sensibilités et les cultures qui
la constitue perdurent.
BIBLIOGRAPHIE
Baudet I. (2016), Quelle place pour les sociétés
de capitaux dans l’ESS ? Analyse du choix de leur
intégration par le législateur français, Réseau Inter-
national de Recherche sur les Organisations et le
Développement Durable, Ecole des Mines de Saint
Etienne https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01349950/
document
Bidet É. (2003), L’insoutenable grand écart de
l’économie sociale Isomorphisme institutionnel et
économie solidaire, Revue du MAUSS, no 21, p. 162-
178.
Bidet É. (2019), L’économie sociale et solidaire
en France, un secteur en expansion, Informations
sociales, n° 199, p. 10-13.
Bode I. (2000), De la solidarité au marché ? En
France et en Allemagne, nouveaux défis pour les
organismes d’assurance maladie à but non lucratif,
Revue internationale de l’économie sociale, n° 278,
p. 67-79.
Boltanski L. & Chiapello E. (1999), Le nouvel esprit
du capitalisme, Paris, Gallimard.
CNCRESS – Observatoire national de l’ESS
(2017a), Atlas commenté de l’économie sociale et
solidaire https://www.cncres.fr/fr/dossiers-thema-
tiques/les-chiffres-cles-de-less (dernier accès le 10
août 2020).
CNCRESS – Observatoire national de l’ESS
(2017b), Les sociétés commerciales de l’économie so-
ciale et solidaire : premiers éléments d’analyse https://
www.cressidf.org/wp-content/uploads/2018/06/
Ste %CC %81sCommercialesCNCRESS_2017.pdf
(dernier accès le 10 août 2020).
Defourny J. (2004), L’émergence du concept d’en-
treprise sociale, Reflets et perspectives, n° 3 (XLIII),
p. 9-23.
Demoustier D. (2001), L’économie sociale et soli-
daire, Paris, Syros.
Demoustier D. (2013), Economie sociale et poli-
tiques publiques. Une construction chaotique en
France, in Demoustier D. et Chaves R. (éd.), L’émer-
gence de l’Economie sociale dans les politiques pu-
bliques, Bruxelles, Peter Lang, p. 217-238.
Demoustier D. & Colletis G. (2012), L’économie
sociale et solidaire face à la crise : simple résistance
ou participation au changement, Revue internationale
de l’économie sociale, n° 325, p. 21-33.
Dermine T. (2019), Contrat à impact social : une
opportunité pour le financement de l’action sociale ?,
Informations sociales, n° 199, p. 116-123.
Dhoquois A. (2016), Raconter l’entrepreneuriat
social, de l’enseignement à la pratique, Paris, Ateliers
Henry Dougier.
Di Maggio P.J. & Powell W.W. (1983), The Iron
Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Col-
lective Rationality in Organizational Fields, American
Sociological Review, n° 48, p. 147-160.
Draperi J.-F. (2010), L’entrepreneuriat social, du
marché public au public marché, Revue internationale
de l’économie sociale, n° 316, p. 18-40.
Dumont J.-P. (1995), Mutualité française, Sécurité
sociale et compagnies d’assurance, Revue internatio-
nale de l’économie sociale, n° 257, p. 17-34.
Durkheim É. Les règles de la méthode sociolo-
gique, Paris, Presses Universitaires de France, 154 p.
Duverger T. (2016), L’économie sociale et solidaire
Une histoire de la société civile en France et en Eu-
rope de 1968 à nos jours, Lormont, Le Bord de l’eau.
Fraisse L. (2017), Co-construire l’action publique :
Apports et limites des politiques locales de l’Écono-
mie sociale et solidaire en France, Revue Politiques et
Management Public, n° 34, p. 105-120.
Gérome C. (2015), Les entrepreneurs sociaux à
l’assaut du monde associatif, Mouvements, n° 81,
p. 51-59.
Glémain P. & Richez-Battesti N. (2018), De l’éco-
nomie sociale et solidaire à l’entreprise sociale : entre
tournant entrepreneurial et innovation. Une clé de lec-
ture, Marché et organisations, n° 31, p. 13-19.
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
92 / Question(s) de Management ? / N°31 / Février 2021
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE APRÈS LA LOI DU 31 JUILLET 2014 : LE « CHOC DES CULTURES »
© Éditions EMS
Gueslin A. (1987), L’invention de l’économie so-
ciale. Le 19e siècle français, Paris, Economica.
Haut-Commissariat à l’Economie sociale et soli-
daire et à l’innovation sociale, Pour un développement
du Contrat à impact social au service des politiques
publiques, Paris, Ministère de la transition écolo-
gique et solidaire, 56 p. https://iilab.fr/wp-content/
uploads/2019/09/Rapport-Lavenir-contrat-a-impact-
social.pdf
Hély M. (2004), Les différentes formes d’entre-
prises associatives, Sociologies pratiques, n° 9, p. 25-
51.
Hély M. (2012), Le travail salarié associatif est-il
une variable d’ajustement des politiques publiques ?,
Informations sociales, n° 172, p. 34-42.
Hély M. (2017), De l’économie sociale « histo-
rique » à « l’économie sociale et solidaire » : une
nouvelle configuration des relations entre monde
associatif et collectivités publiques, Revue française
d’administration publique, n° 163, p. 543-556.
Hély M. & Moulévrier P. (2013), L’économie so-
ciale et solidaire : de l’utopie aux pratiques, Paris, La
Dispute.
Fraisse L., Gardin L., Laville J.-L., Petrella F. &
Richez-Battesti N. (2016), L’entrepreneuriat social
est-il soluble dans l’économie sociale et solidaire,
in Lethielleux L. et Combes-Joret M. (éd.), Formes
et fondements de la créativité dans l’ESS, Reims,
Presses Universitaires de Reims, p. 221-238.
Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’éco-
nomie sociale et solidaire, https://www.legifrance.
gouv.fr/affichTexte.do ;jsessionid=691F4BA9F015F0
BFA5916E6272D51277.tplgfr31s_2?cidTexte=JORFT
EXT000029313296&idArticle=&categorieLien=id
Nicolas P. (1985), Quelques observations ponc-
tuelles sur l’adéquation des principes dits rochaldiens
à la situation actuelle des coopératives agricoles,
Revue internationale de l’économie sociale, n° 16,
p. 14-28.
Petrella F. & Richez-Battesti N. (2013), Business
social, entreprise sociale et ESS : quelles formes de
gouvernance ?, in Hiez D. et Lavillunière E., Vers une
théorie de l’économie sociale et solidaire, Louvain-la-
Neuve, Larcier, p. 353-370.
Petrella F. & Richez-Battesti N. (2014), Social
entrepreneur, social entrepreneurship, social enter-
prise : semantics and controversies, Journal of Inno-
vation Economics & Management, n° 14, p. 143-156.
Rosanvallon P. (1995), La nouvelle question so-
ciale. Repenser l’Etat-providence, Paris, Seuil.
Russo P.-D. (2020), Souffrance en milieu engagé.
Enquête sur des entreprises sociales, Paris, Editions
du Faubourg, 180 p.
Tchernonog V. & Prouteau L. (2019), Le paysage
associatif français : mesures et évolutions, Paris, Dal-
loz.
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
© EMS Editions | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info par Damien RICHARD via Grenoble Ecole de Management (IP: 109.190.253.15)
Article
L’économie sociale et solidaire constitue le terreau de l’innovation sociale visant à répondre à des problématiques de société, aujourd’hui mal satisfaites par les politiques publiques et le marché. Les mutations des crises sociales et écologiques et les difficultés des pouvoirs publics nationaux et locaux à y faire face ont conféré un rôle grandissant aux acteurs de l’ESS. De nouveaux concepts et méthodologies, orientés autour des capacités de transformation sociale et assis sur des dispositifs originaux de coopération comme le Labcom Destins , ont émergé afin d’outiller ces acteurs pour qu’ils investissent de nouveaux champs d’action et contribuent au développement de ce secteur économique.
Article
Full-text available
Co-construction of public policies : contributions and limits of social and solidarity economy local policies in France. Local public policies in favour of social and solidarity-based economy (SSE) are a new field public action in France. Local elected officials as the actors of SSE publicly advocate the notion of co-construction in order to stress the processes of policymaking and implementation. This opened and organised participation of various members of civil society to the formulation, monitoring and assessment of local public policies can be explained by the willingness of doing politics differently as much as pragmatic considerations.This article analyses different configurations of such co-construction of SSE local policies underlining the contributions and limits of process placed between representative and participative democracies. Keywords : social economy, solidarity economy, co-construction, co-production, public policies, participative, democracy, local authorities.
Article
Full-text available
In France, a 2014 legislative act gave a dedicated legal framework to a specific form of companies whose corporate object is intended to pursue social values. The context of this act is marked by a new role of civil society which is tasked by public bodies to deliver numerous social policies (social cohesion, insertion, education, environment...). It is then worth differencing non-profit practices arising from "social economy" approach, in the sense of the historical movement that took root at the beginning of the XIX century, from the "social and solidarity economy" in the sense of a group of bodies which may be considered as key players in the field of social innovation cutting across the boundaries between private and public sectors.
Article
Les bouleversements subis par l'agriculture francaise a partir de la fin des annees 50 ont modifie les principes de fonctionnement de la cooperation agricole. En effet, la necessite de s'adapter au progres technique et a l'evolution des marches a incite les cooperatives a favoriser les innovations, remettant en cause le principe de solidarite vis a vis des exploitations en difficulte. Un effort est fait actuellement pour conjurer la menace que fait peser le mouvement de concentration et d'internationalisation des entreprises sur l'exercice du pouvoir democratique dans le secteur cooperatif. Cet effort porte sur une relance de l'education specifiquement cooperative des administrateurs, associee a leur formation de gestionnaire.
Article
Les Contrats à impact social (CIS) ( Social Impact Bonds ) sont des partenariats multipartites qui impliquent des acteurs privés et sont conçus pour financer des activités d’action sociale, réputées pour être non rentables. Depuis le premier projet de ce type mené au Royaume-Uni en 2010, d’autres initiatives ont vu le jour dans plusieurs pays dont la France. Cet article analyse tout d’abord les conditions de succès et les avantages théoriques de ce nouveau mode de financement. Puis ces avantages théoriques sont revus à la lumière du premier CIS mis en œuvre en Europe continentale, lancé en Belgique en 2014. Enfin, plusieurs pistes pour le développement et l’utilisation des CIS sont esquissées dans la conclusion de l’article.
Article
D’inspiration nord-americaine, l’entrepreneuriat social est un mouvement mondial qui vient aujourd’hui bousculer le monde de l’economie sociale et solidaire (ESS) francaise. Avancant les idees d’ouverture, de finalite sociale, d’ambition de changement social, d’interet general, de changement d’echelle, l’entrepreneuriat social porte par le recent Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) incite l’economie sociale a sortir d’une forme de routine et l’economie solidaire a mieux prendre la mesure des enjeux des evolutions economiques, politiques et sociales actuelles. La presente contribution vise a comprendre le cadre historique et theorique qui fonde l’entrepreneuriat social. L’etude des relations etroites entretenues entre le monde de la Bourse et la nouvelle philanthropie qui irrigue l’«« entrepreneuriat social« » a l’anglo-saxonne permet de situer les origines de l’entrepreneuriat social francais. Les rapports a l’aspiration egalitaire, a la construction sociale des pratiques d’entreprise, au droit et aux statuts ou encore aux grandes entreprises interdisent de superposer les conceptions d’«« economie sociale« » et d’« entrepreneuriat social« » telles qu’elles existent en France. L’article conclut sur les conditions qui permettent d’envisager entre elles un partenariat dans le respect de leurs specificites.