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(Traduction EN>FR) Tirs manqués : la possibilité de tirer sur les loups a-t-elle fait défaut durant 20 ans parmi les mesures de protection du bétail en France ?

Authors:
  • CERPAM (Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes-Méditerranée)
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Afin d’éviter toute circulation de traductions automatisées vers le français (Google translate, etc), pouvant ensuite donner lieu à de mauvaises interprétations, Laurent Garde, Olivier Bonnet et moi, proposons ce document de travail, version traduite en français de notre article collectif en anglais publié par The Rangeland Journal : “Missing shots: has the possibility of shooting wolves been lacking for 20 years in France's livestock protection measures?” (DOI: 10.1071/RJ20046) == Il est important de noter que SEULE la publication d’origine en ANGLAIS FAIT FOI et peut être citée == Les loups ont été éradiqués en France à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Les éleveurs et les bergers n'étaient donc pas préparés à leur arrivée d'Italie en 1993, l'année suivant celle où la France s’est engagée auprès de l'Union Européenne à protéger l'espèce. Aujourd'hui, environ 580 loups, dont les effectifs augmentent exponentiellement, sont présents sur plus d'un tiers du territoire français. Au cours des dix dernières années, les pertes en bétail dues aux loups ont connu une croissance linéaire, passant de 3 215 en 2009 à 12 451 en 2019, malgré la mise en place depuis 2004 de mesures conséquentes de protection, notamment une présence humaine renforcée, des chiens de protection, des clôtures sécurisées et des parcs de nuit électrifiés. L'échec de la prévention des dommages est patent. Intelligents et opportunistes, les loups investissent des paysages en mosaïque où les animaux d’élevage au pâturage sont des proies abondantes et faciles. Strictement protégés, il semble qu'ils n'associent plus le bétail aux humains et les humains au danger. La moitié de leurs attaques réussies se produisent désormais en journée, malgré la présence de chiens et d'humains. Compte tenu des coûts élevés d'une protection insatisfaisante, la France a récemment modifié sa politique de gestion des loups. En plus des moyens de protection non létaux, les éleveurs ayant subi plusieurs attaques sont désormais autorisés, par dérogation prévue par la loi, à procéder aussi à des tirs de défense. Sur la base d’expériences issues d'autres pays, nous suggérons de rétablir une relation de réciprocité avec les loups. Les éleveurs et les bergers devraient être autorisés à défendre leurs troupeaux avec des tirs sans avoir à attendre que se soient déjà déroulées plusieurs attaques. Le tir de défense permettrait aussi d'améliorer l'efficacité des moyens de protection non létaux, en tant que signaux d'alerte à respecter par les loups. Plutôt qu'une coexistence passive, nous avons à considérer un processus dynamique et en constante évolution de coadaptation entre les humains et les loups, en nous appuyant sur les capacités d'adaptation de tous.
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Traduction par M. Meuret, L. Garde et O. Bonnet, au plus près de la publication d’origine :
Meuret M., Moulin C-H., Bonnet O., Garde L., Nozières-Petit M-O., Lescureux N., 2020. Missing
shots: has the possibility of shooting wolves been lacking for 20 years in France's livestock
protection measures? The Rangeland Journal.
Seule la publication en
ANGLAIS FAIT FOI
et peut être citée :
Accessible gratuitement en ligne ici : https://www.publish.csiro.au/RJ/pdf/RJ20046
Tirs manqués : la possibilité de tirer sur les loups a-t-elle fait
défaut durant 20 ans parmi les mesures de protection du bétail
en France ?
M. MeuretA, C-H. MoulinB, O. BonnetC, L. GardeC, M-O. Nozières-PetitA, N. LescureuxD
A Université de Montpellier, INRAE, SELMET, 34000, Montpellier, France
B Université de Montpellier, L’Institut Agro Montpellier SupAgro, SELMET, 34000, Montpellier, France
C CERPAM, 04100, Manosque, France
D CEFE, CNRS, Univ. Montpellier, EPHE, IRD, Univ. Paul Valéry Montpellier 3, 34000, Montpellier, France
Résumé
Les loups ont été éradiqués en France à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Les éleveurs et les
bergers n'étaient donc pas préparés à leur arrivée d'Italie en 1993, l'année suivant celle où la France s’est
engagée auprès de l'Union Européenne à protéger l'espèce. Aujourd'hui, environ 580 loups, dont les
effectifs augmentent exponentiellement, sont présents sur plus d'un tiers du territoire français. Au cours
des dix dernières années, les pertes en bétail dues aux loups ont connu une croissance linéaire, passant
de 3 215 en 2009 à 12 451 en 2019, malgré la mise en place depuis 2004 de mesures conséquentes de
protection, notamment une présence humaine renforcée, des chiens de protection, des clôtures
sécurisées et des parcs de nuit électrifiés. L'échec de la prévention des dommages est patent. Intelligents
et opportunistes, les loups investissent des paysages en mosaïque où les animaux d’élevage au pâturage
sont des proies abondantes et faciles. Strictement protés, il semble qu'ils n'associent plus le bétail aux
humains et les humains au danger. La moitié de leurs attaques réussies se produisent désormais en
journée, malgré la présence de chiens et d'humains. Compte tenu des coûts élevés d'une protection
insatisfaisante, la France a récemment modifié sa politique de gestion des loups. En plus des moyens de
protection non létaux, les éleveurs ayant subi plusieurs attaques sont désormais autorisés, par dérogation
prévue par la loi, à procéder aussi à des tirs de défense. Sur la base dexpériences issues d'autres pays,
nous suggérons de rétablir une relation de réciprocité avec les loups. Les éleveurs et les bergers devraient
être autorisés à défendre leurs troupeaux avec des tirs sans avoir à attendre que se soient déjà déroulées
plusieurs attaques. Le tir de défense permettrait aussi d'améliorer l'efficacité des moyens de protection
non létaux, en tant que signaux d'alerte à respecter par les loups. Plutôt qu'une coexistence passive, nous
avons à considérer un processus dynamique et en constante évolution de coadaptation entre les humains
et les loups, en nous appuyant sur les capacités d'adaptation de tous.
Introduction
Les loups ont été liés à l'homme depuis plusieurs millénaires dans tout l'hémisphère nord, occupant la
même niche écologique au cours du Paléolithique (Fritts et al. 2003) et partageant le même habitat. En
France, jusqu'à la seconde moitdu XIXe siècle, les loups étaient présents dans presque toutes les régions
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et se mêlaient, non sans conflit, aux habitants des zones rurales densément peuplées (de Beaufort 1988 ;
Moriceau 2007). Non seulement les loups s'adaptent aisément à la présence humaine, mais ils parviennent
à tirer profit de ses ressources alimentaires, que ce soit en s'attaquant au bétail, en se nourrissant de
cadavres d'animaux d’élevage ou en déterrant les déchets alimentaires humains (Peterson et Ciucci 2003).
Depuis que le bétail a été domestiqué, les loups ont probablement représenté un défi assez important au
regard des pertes et ont nécessité un travail supplémentaire pour la protection des troupeaux et l'aide
aux animaux blessés. En Eurasie, les éleveurs et bergers ont fait preuve d'imagination et de créativité en
mettant en œuvre diverses tactiques afin de protéger leurs animaux (Fritts et al. 2003). Ils ont également
exercé une pression constante sur les loups en tuant ceux qui attaquaient leur bétail (Mech 1995 ;
Breitenmoser 1998 ; Stépanoff 2018).
En Europe de l'ouest, les populations de loups gris ont considérablement diminué. Ils furent
exterminés dans des pays tels que la France à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Comme l'Allemagne
et d'autres pays de l'UE, la France n'a pas eu de populations de loups sauvages sur son territoire pendant
environ un siècle. En 1990, alors que les loups n'étaient pas encore officiellement présents, les autorités
françaises ont ratifié la Convention internationale de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du
milieu naturel en Europe. En 1992, la France a commencé à mettre en œuvre la Directive européenne
Habitats et son annexe II en tant qu'obligation légale de conserver des habitats naturels exceptionnels et
leurs espèces. Le loup gris était sur la liste, ayant à l'époque une population évaluée comme "vulnérable"
par la liste rouge de l'UICN (Boitani et al. 2018).
La présence des loups en France a épubliquement révélée au printemps 1993 par un magazine
populaire. Son éditorial (Peillon et Carbone 1993) soulignait que, "pour la sécurité des loups", leur arrivée
dans le Parc national du Mercantour par la frontière italienne avait été tenue secrète par les autorités.
Quatre ans plus tard, il a été révélé qu'une meute de six à huit loups vivait en réalité déjà dans ce Parc
l'année de la première annonce publique (Poulle et al. 1997, 1999). L'arrivée de ces loups n'ayant pas été
anticipée, les éleveurs n'étaient absolument pas préparés à s’y confronter, en particulier ceux élevant des
moutons et des chèvres qui pâturaient dans ou autour du Parc national. À cette époque, ces éleveurs
subissaient déjà des prédations fort inhabituelles, que les autorités attribuaient à des chiens domestiques
mal contrôlés (Garde 1997).
La France compte aujourd’hui une population de loups d'environ 580 adultes (voir ONCFS 2017
pour la méthode de recensement), sur environ un tiers du pays (Agence française de la biodiversité (OFB)
2020) occupant en permanence ou occasionnellement certaines zones du territoire. Le nombre de zones
la présence de loups est permanente (c'est-à-dire au moins avec trois preuves de présence pendant
deux hivers consécutifs) augmente de façon exponentielle, atteignant un effectif de 100 en fin d'hiver
2019-2020 (Fig. 1). Parmi elles, 81 zones de présence permanente correspondent à des territoires de
meutes, qui sont toutes, sauf une, localisées dans les Alpes et en Provence (OFB 2020). Les pertes de
bétail restent concentrées principalement dans les Alpes et en Provence, en particulier dans les sept
départements où les loups se sont d’abord installés (Fig. 1 et 2).
Depuis 1992 en France, les loups sont inscrits sous statut de protection stricte, avec interdiction de
toute forme de perturbation, de capture ou de mise à mort intentionnelle. La destruction illégale d'un
loup est punie de deux ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Les textes juridiques
européens envisagent néanmoins la possibilité d'une dérogation "afin de prévenir des dommages
importants si la population [de loups] est en bon état de conservation et en l'absence d'alternatives
satisfaisantes" (Conseil de l'UE 1992). Tout en ayant respecté le statut de protection des loups, la France
a autorisé les éleveurs à engager un contrôle létal en 2014-2015, s’ils mettent en œuvre au préalable des
moyens non létaux de protection et s’ils subissent néanmoins une prédation régulière. L'élimination de
loups à l’aide de tirs de défense au troupeau ont eu lieu, de façon administrativement très supervisée, et
jusqu'à un plafond de tirs autorisés, calculé et fixé chaque année au niveau national (DREAL Auvergne
Rhône-Alpes 2019c).
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Figure 1
Présence de loups détectée par période biennale pour 2005 (données de mars 2002 à mars 2005)
et pour 2019 (données de mars 2016 à mars 2019) à l'échelle de grilles de 10 x10 km et selon un critère de
quantité d'indices de présence, y compris les attaques sur le bétail. Une cellule de grille est considérée
comme présence régulière (gris foncé) si au moins deux indices ont été recueillis au cours de chacune des
deux dernières périodes biennales considérées (2005 : n= 112 ; 2019 : n= 382), sinon elle est considérée
comme présence irrégulière (gris clair) (2005 : n= 99 ; 2019 : n= 257). Source des données : Réseau OFB
Loup-lynx. La zone la plus prédatée (sept départements : Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence,
Hautes-Alpes, Isère, Savoie, Drôme et Var, située dans les Alpes et en Provence, est entourée d’un épais
trait noir.
Figure 2
Nombre d'animaux d'élevage
retrouvés après avoir été tués ou mortellement
blessés par des loups en 2018 selon les
départements français (Source des données :
DREAL et DDT(M) Auvergne Rhône-Alpes).
Depuis la fin des années 1990, la France a mis en place des mesures élaborées de protection
du bétail, telles que les chiens de protection de troupeaux (CPT), une présence humaine renforcée,
des clôtures sécurisées pour les parcs de pâturage ainsi que des regroupements systématiques de
nuit des animaux en enclos électrifiés ou en bâtiments sécurisés. Tous les éleveurs ont été vivement
encouragés à appliquer ces mesures, avec le soutien financier de l'État et de l'UE. Depuis 2002, des
milliers d'animaux d'élevage sont prédatés chaque année, principalement des ovins, mais aussi des
caprins, des bovins, des chevaux et des lamas. Ils ont éindemnisés après que leur mort ait été
attribuée à des loups (DREAL Auvergne Rhône-Alpes 2019a). Leur nombre a augmenté de façon
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linéaire au cours des 11 dernières années. Les mesures de protection des animaux d’élevage
engagèrent en 2018 un montant de 24,67 millions d'euros de fonds publics, l'indemnisation des
éleveurs pour leurs pertes de bétail ne se chiffrant qu'à 3,5 millions d'euros supplémentaires (DREAL
Auvergne Rhône-Alpes 2019b).
Comment expliquer l'échec de la politique française de protection des animaux d’élevage,
malgré les montants financiers importants et croissants alloués chaque année ? Au-delà de
l’inévitable imperfection des mesures de protection, nous suggérons que la principale raison
provient de l'adaptabilité des loups, notamment de leur capacité à avoir profité pendant 20 ans de
leur protection stricte et de conditions favorables.
Nous faisons l'hypothèse que les loups, après avoir été soumis à une pression de braconnage
en Italie (Boitani 2000 ; Galaverni et al. 2015 ; Hindrikson et al. 2016), ont trouvé dans les Alpes
françaises des conditions de vie plus confortables et sécurisées. Ils sont d'abord arrivés dans un Parc
national de montagne, bien approvisionné en ongulés sauvages naïfs et sans aucune activité de
chasse. Ils se sont ensuite progressivement dispersés, sur des lieux où leur présence était nouvelle,
inattendue, et leur braconnage bien moins développé qu'en Italie. Durant leurs deux premières
décennies de présence, les loups n'ont pas été confrontés à des humains hostiles, comme ceux qui
tireraient sur eux afin de fendre leurs troupeaux et/ou qui s'engageraient dans des chasses au
loup. Cet état de fait les aurait-il conduits à modifier leur comportement, en ciblant les animaux
domestiques comme des proies relativement faciles, et en n’associant plus l'homme, et notamment
les éleveurs et les bergers, au danger ?
Comment rétablir chez les loups un comportement d'évitement des humains et de leur bétail,
et instaurer ainsi une relation plus acceptable ? L'objectif de cet article est de dépasser l'opposition
entre les mesures non létales de protection du tail et les actions létales envers les loups. Sur la
base de nos expériences en France ainsi que dans d'autres pays, des données officielles des services
de l’État français et de la littérature scientifique, nous suggérons que les tirs de défense réalisés à
proximité des troupeaux soient intégrés au panel des mesures de protection en cours, ceci de façon
à provoquer et à entretenir chez les loups la peur vis-à-vis de l'homme et de renforcer aussi
l'efficacité des mesures de protection non létales. Notre analyse vise à contribuer au débat sur la
gestion des loups et des dommages qu'ils causent au bétail, en considérant les voies de solution
déjà empruntées, leurs résultats ainsi que les changements possibles.
Données et analyses sur la protection du bétail et les dommages causés par
les loups
Les sources de données
Depuis 1997, la France a encouragé et financé des programmes nationaux successifs visant à assurer
le rétablissement et la viabilité des loups tout en protégeant le bétail. L'actuel Plan national d’action
loup et activités d’élevage 2018-2023 (DREAL Auvergne Rhône-Alpes 2018) est un cadre très
administré de contrats de protection pour les éleveurs qui bénéficient de fonds publics, avec mise
à jour régulière au sujet du nombre d'attaques donnant lieu à des pertes et sur le nombre d'animaux
retrouvés morts ou mortellement blessés lorsque la prédation par les loups n'est pas exclue par les
responsables des constats de prédation.
Tous les agents en charge des constats sont formés et responsables devant l'Office national
de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui depuis 2020 fait partie de l'Agence française de
la biodiversité (OFB). Ils évaluent les origines d’attaques et vérifient aussi si les animaux prédatés
étaient ou non protégés contre les loups. Leur travail est souvent assez complexe et minutieux (Doré
2015).
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Les lieux et les nombres d'attaques ayant entraîné la mort d’animaux d’élevage, ainsi que le
nombre d'animaux retrouvés morts, sont rendus publics environ tous les mois pour chaque
département français. Ces informations proviennent d'une base de données nationale, appelée
"GéoLoup", alimentée par les agents responsables des constats sur appel des éleveurs. Ils
enregistrent les conditions de tous les événements de prédation dans les parcelles de pâturage ou
les enclos de nuit. Cette information n'est pas accessible au grand public, mais la plupart des
administrations publiques y ont accès, y compris et sous convention d’accès aux données, des
chercheurs dinstitutions publiques. Nous nous référons exclusivement à cette base de données
officielle pour les graphiques et analyses présentés ci-dessous.
La base de données GéoLoup ne tient pas compte des animaux disparus (non trouvés en
terrain accidenté et/ou dans des endroits très boisés et embroussaillés), ni de ceux trouvés morts
après une attaque mais dont l'origine de la prédation ne peut être certifiée (découvertes tardives,
après consommation par des vautours, des corbeaux ou des renards). Cela peut représenter jusqu'à
la moitié des animaux retrouvés sur un terrain accidenté ou très escarpé (Bacha et al. 2007).
L'indemnisation couvre actuellement 20 % de la valeur des animaux non retrouvés après une attaque
faite dans ces conditions, en plus des animaux trouvés morts ou mortellement blessés.
Outre la base de données GéoLoup, nous avons utilisé deux autres bases de données.
D’abord, l'estimation du nombre de loups, telle que publiée chaque année par l'OFB (voir
méthodologie dans ONCF 2017) à partir des observations du réseau Loup-lynx. Ensuite, les données
relatives aux contrats de protection, recueillies au niveau national par la DRAAF (Direction régionale
de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt) Auvergne-Rhône-Alpes, après que les éleveurs
aient sollicité ou renouvelé un contrat de protection sur cinq ans auprès de la Direction
Départementale des Territoires où se situe leur siège d’exploitation.
L’analyse des données
Nous avons testé différents modèles afin d’évaluer l'évolution interannuelle du nombre d'animaux
prédatés. Nous avons d'abord testé un modèle exponentiel par une analyse de régression linéaire.
Nous avons ensuite testé plusieurs modèles composites, construits à partir de deux ou trois
équations distinctes, ou segments, qui se recoupent. Les fonctions linéaire, exponentielle et de
puissance ont été testées pour les deux ou trois segments différents de la courbe. Les modèles
composites ont été ajustés aux données par minimisation de la déviation avec la fonction "optim"
du module "stats" dans le logiciel R (R Core Team 2018). Nous avons comparé les différents modèles
avec le critère d'information d'Akaike modifié pour les échantillons de petite taille (AICc), en
sélectionnant le modèle respectant les hypothèses de normalité et d'homogénéité résiduelles, et
avec l'AICc le plus bas comme étant le meilleur. La relation entre le nombre d'animaux prédatés et
le nombre moyen estimé de loups a été étudiée plus en détail par régression linéaire, car on peut
supposer qu'il existe une relation de cause à effet entre le nombre de loups et le nombre de proies
tuées. La significativité de la relation et l'existence de périodes historiques distinctes pour cette
relation ont été testées par ANCOVA au moyen d'une analyse des contrastes, avec "Période
historique" comme variable explicative catégorielle. Enfin, nous avons évalué l'effet du moment de
l'attaque (jour ou nuit) sur le nombre d'attaques ussies grâce à une analyse d'ANCOVA, avec
"Nombre d'attaques réussies" comme variable de réponse, "Année de l'attaque" comme variable
explicative continue, et "Période de la journée" comme variable explicative catégorielle. Toutes les
analyses ont été effectuées à l'aide du logiciel R 3.5.1 (R Core Team 2018). L'AICc a été calculé à
l'aide du module R AICcmodavg version 2.3-1. Tous les modèles ont été testés pour la normalité et
l'homogénéité des résidus.
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La mise en œuvre des mesures de protection
Les mesures de protection ont toutes été basées sur des pratiques traditionnelles de protection du
bétail (Mech 1995). Il s'agit de techniques interdépendantes, fondées sur trois postulats relatifs au
comportement des loups : (i) une présence humaine renforcée et continue auprès du troupeau est
suffisante pour tenir les loups à distance : les aides-berger ; (ii) un obstacle supplémentaire, souvent
plus attentif et vigilant qu’un humain, décourage les loups audacieux : les chiens de protection de
troupeaux (CPT) ; (iii) un troupeau enfermé durant la nuit sous la surveillance des hommes et des
chiens ne subit plus d'attaque : les enclos de nuit électrifiés. L'utilisation de ces mesures de
protection s'est généralisée (Fig. 3), notamment dans les Alpes et en Provence. Cette augmentation
des contrats de protection s'est déroulée dans un contexte général de diminution du nombre
d’élevages. Dans les Alpes et en Provence, le nombre d'élevages ovins a en effet diminué de 38 %
entre 1988 et 2000 et de 27 % entre 2000 et 2010 (Service statistique du Ministère français de
l'agriculture 2020). Actuellement, dans les Alpes et en Provence, il y a engagement généralisé des
éleveurs à se protéger envers les loups, le nombre de contrats de protection correspondant
étroitement au nombre d’Unités Pastorales dans les régions soumises à la prédation, en particulier
sur les alpages en été (Dobremez et al. 2016).
Figure 3
Nombre d'éleveurs ayant contracté des mesures de protection
non létales contre les loups en France (Source des données : DRAAF
Auvergne Rhône-Alpes).
Le rôle d'un aide-berger est de décharger le berger en titre des tâches supplémentaires liées
à la protection envers les loups ainsi que de faire face aux nombreuses conséquences des attaques,
comprenant la recherche d'animaux blessés ou morts, les premiers secours, la protection des
cadavres contre les charognards, et l'assistance aux agents chargés des constats de prédation
(Vincent, 2014). Ces tâches requièrent environ 200 heures par mois pour un troupeau collectif de
brebis gardé en été sur un pâturage de montagne (Silhol et al. 2007), et au moins 100 heures par
mois pour un troupeau individuel de brebis ou de chèvres à toutes les autres saisons (Garde et al.
2007). Dans un élevage individuel, et en dehors de la saison d’estive en montagne, les périodes de
travail supplémentaires ont généralement lieu tôt le matin, le soir et la nuit. Comme tous les éleveurs
voisins ont des exigences de travail similaires et aux mêmes heures, ils ne peuvent pas mutualiser
un employé.
Les chiens de protection de troupeaux (CPT), absents durant plus d'un siècle dans les Alpes
et le Massif central, y ont été introduits en urgence à partir de la fin des années 1990. Selon les
données administratives du soutien financier national, 4 258 CPT ont été enregistrés en France en
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2019, dont 92 % dans les Alpes et en Provence. Comme certains éleveurs dépassent le plafond de
financement maximal de CPT autorisé par exploitation, qui dépend des conditions et de la taille du
troupeau (MAA-DGPE 2018), nous estimons le nombre actuel total en France à environ 5 000 chiens.
En toutes saisons et dans tous les endroits où les troupeaux pâturent dans des parcs clôturés
et ne sont donc pas sous la surveillance constante d'un éleveur ou d’un berger, il est recommandé
de sécuriser les clôtures en assurant une électrification fiable, avec un fil de renforcement placé en
haut et en bas, et éventuellement de porter la hauteur des clôtures à environ 1,2 m (Garde 2012).
Les CPT doivent être maintenus dans chaque parc, et parfois aussi utilisés à patrouiller en périphérie.
Les grands enclos de nuit électrifiés ont été largement adoptés par les éleveurs de brebis et
de chèvres qui ne sont pas en mesure de rentrer leurs animaux en bâtiment sécurisé, en particulier
sur les estives de montagne. Dans ces enclos, parfois redoublés (double enceinte), où les animaux
ne doivent pas être trop entassés, le bétail, les chiens et les humains se retrouvent tous à proximité
(Garde 2012 ; Vincent 2014).
L'ampleur des dégâts de loup sur le bétail
Depuis 1992, le nombre d'animaux domestiques tués et retrouvés suite à des attaques attribuées
au loup n'a cessé d'augmenter en lien avec l'accroissement de la population du prédateur (Fig. 4).
Figure 4
Nombre d'animaux tués et retrouvés suite à des attaques attribuées aux loups
(barres grises), source : DREAL Auvergne Rhône-Alpes) ; estimation du nombre annuel
moyen de loups en France (ligne épaisse continue), source : OFB ; modèle de prédiction
de la variation du nombre d'animaux tués et retrouvés suite à des attaques attribuées
aux loups (ligne pointillée). Pour la période 19922005, y = 126 × x1.26 ; pour 20052009, y
= 5473 173x ; pour 20092018, y = 13713 + 991x.
En 2019, 12 451 animaux ont été tués ou mortellement blessés par des loups. Le total est
probablement plus élevé, car les animaux disparus suite aux attaques ne sont pas dénombrés. Une
telle hausse s'est produite dans un contexte de diminution du nombre d'ovins à l'échelle nationale
et régionale (les ovins représentent 90 % du bétail indemnisé au titre des dommages causés par les
loups). Au total, le cheptel ovin français comptait 6 877 000 têtes en 2017 (Idele 2019). Ce cheptel
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national diminue depuis des décennies et depuis 1980 à un rythme de 1 à 1,5 % par an. De 1988 à
2000, le cheptel des Alpes françaises et de la Provence avait stagné ou très légèrement augmenté
(+ 1,1 % sur la période), mais il a ensuite diminué de 10,3 % de 2000 à 2010 et de 3,6 % entre 2010
et 2017 (Service statistique du ministère français de l'agriculture 2020).
Le meilleur modèle pour prédire l'évolution du nombre d’animaux d’élevage prédatés est le
modèle composite (AICc = 428) composé de trois sections : une fonction puissance pour la période
1992-2005 (la fonction puissance permet de commencer avec zéro victime l'année de l'arrivée des
loups), une fonction linéaire pour 2005-2009, et une fonction linéaire pour 2009-2019 (Fig. 4). La
pente de la fonction linéaire pour 2005-2009 n'est pas significative (valeur t = -1,26 ; p = 0,22). Le
nombre annuel d'animaux prédatés au cours de cette période peut donc être considéré comme
constant. Le modèle exponentiel simple (AICc = 448) ne satisfait pas les hypothèses de normalité et
d'homogénéité des résidus. Il a systématiquement sous-estimé les données observées entre 1998
et 2005, et surestimé les données entre 2006 et 2012. Ce modèle a donc été rejeté.
Quatre périodes différentes ont été observées dans la relation entre le nombre d’animaux
prédatés et le nombre moyen estimé de loups (Fig. 5). Le nombre d’animaux tués est positivement
lié au nombre moyen estimé de loups sur les deux périodes 1992-2005 et 2010-2017 (Tab. 1 et 2).
Au cours de ces périodes, les deux coefficients de la relation ne sont pas significativement différents
(Tab. 2). À l'inverse, l'intercepte de la relation est significativement différente (tab. 2), ce qui indique
que le nombre moyen de bêtes tuées par loup a diminué entre les périodes 1992-2005 et 2010 -
2017. La relation est non significative tout au long des périodes 2006-2009 et 2017-2019 (Tab. 2).
Durant ces deux périodes, le nombre moyen estimé de loups a, respectivement, doublé ou
augmenté d’un tiers, alors que le nombre de bêtes tuées est resté relativement constant (Fig. 5).
Au cours des treize années ayant suivi l'arrivée des loups en France (1992-2005), le nombre
d'animaux d'élevage prédatés a augmenté en relation directe avec le nombre de loups (Fig. 5).
Durant cette période, l'adoption des mesures de protection par les éleveurs est restée limitée, avec
moins de 300 contrats de protection en 2004 (Fig. 3). Entre 2005 et 2009, un nouveau dispositif
financier initié par le Ministère de l'agriculture pour la mise en œuvre de mesures de protection a
été mis à disposition de tous les éleveurs dans les zones où vivaient des loups. Il a permis de plus
que tripler le nombre d'éleveurs ayant conclu des mesures combinées de protection des troupeaux
(Fig. 3). Même si la relation de cause à effet ne peut être testée entre les deux processus, cette
période correspond à la stabilisation du nombre danimaux prédatés, tandis que le nombre moyen
estimé de loups a doublé. Malheureusement, cet effet encourageant éventuel des mesures de
protection n'a pas persisté.
Tableau 1
– Résultats de l'ANCOVA de l'effet du nombre moyen estimé de loups (Loups) sur
le nombre d'animaux d’élevage prédatés avec la période historique (Période) comme
variable catégorielle.
Source de variation
df
F-value
Loups
1
1849
Période
3
8
Loups x période
3
16
9
Tableau 2
Analyse de contraste suivant l'ANCOVA de l'effet du nombre moyen estimé de loups
(Loups) sur le nombre des animaux prédatés avec la période historique (Période) comme variable
catégorielle. Les périodes historiques correspondent aux intervalles suivants : période 1 = 1992-2005 ;
période 2 = 2006-2009 ; période 3 = 2010-2016 ; période 4 = 2017-2019.
Intervalle d’années
t-value
P-value
Effet des loups (significativité de la pente)
Période 1
8.48
< 0.001
Période 2
0.57
0.57
Période 3
11.56
< 0.001
Période 4
0.74
0.47
Différence de pentes
Période 1 vs. 2
-3.71
< 0.001
Période 1 vs. 3
0.30
0.77
Période 1 vs. 4
-5.03
< 0.001
Période 2 vs. 4
-0.08
0.94
Différence d'intercept
Période 1 vs. 3
-2.44
0.025
Figure 5
gression linéaire du nombre d’animaux tués et retrouvés suite à des attaques
attribuées aux loups par rapport au nombre moyen estimé de loups en France. Valeurs
observées 1992-2005 (cercles noirs) ; 2006-2009 (carrés blancs) ; 2010-2016 (triangles noirs) ;
2017-2019 (triangles blancs) ; régression linéaire pour la période 1992-2005 (ligne
continue) ; régression linéaire pour la période 2010-2017 (ligne pointillée).
10
De 2009 à 2017, la situation s'est fortement détériorée. Le nombre d’animaux prédatés a de
nouveau augmenté de façon linéaire en lien avec le nombre de loups. Si le nombre moyen de
victimes par loup était légèrement inférieur à celui de la période 1992-2005, le rythme
d'augmentation fut identique. Une hypothèse couramment avancée est que les loups auraient
atteint d'autres régions de France où les éleveurs étaient mal préparés à protéger leurs troupeaux.
Toutefois, les données invalident cette hypothèse, car les sept départements les loups sont
apparus en premier en France (Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Isère,
Savoie, Drôme et Var, voir Fig. 1), qui subissaient 99,5 % des pertes en 2001 et 99 % en 2005,
enregistraient encore 87 % des pertes nationales en 2019 et concentraient 78 des 81 meutes de
loups identifiées en France au cours de cette même année. La majeure partie de l'augmentation du
nombre de victimes provient donc, et toujours, de la région de France initialement prédatée. Une
autre hypothèse couramment avancée est que les attaques de loups se produiraient dans des
troupeaux non encore protégés, mais cette hypothèse est également invalidée par le recensement
des conditions de chaque attaque réussie. Dans la zone la plus prédatée (la zone initialement
prédatée, qui comprend les sept partements cités ci-dessus), la majorité des attaques de loups
(> 92 %) ont eu lieu dans des troupeaux considérés comme protégés par les agents chargés des
constats (Fig. 6). Un troupeau reconnu comme proté appartient à un éleveur et/ou à une
association d'éleveurs ayant souscrit un contrat de protection effectivement mis en œuvre, cette
condition étant le plus souvent vérifiée lors du constat.
Figure 6
Nombre d'attaques réussies de loups sur le bétail entre 2010
et 2018 dans la zone la plus prédatée de France (départements des
Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Isère,
Savoie, Drôme et Var concentrant 90% des attaques), en distinguant les
troupeaux appartenant à un éleveur avec ou sans contrat de protection
(Source des données : base GéoLoup, DREAL Auvergne Rhône-Alpes).
Pourquoi alors le nombre d'animaux tués a-t-il recommencé à augmenter de façon linéaire
avec le nombre de loups, et au même rythme qu'avant la mise en œuvre des mesures de protection ?
Ceci malgré l'utilisation généralisée des mesures qui semblaient pourtant avoir fait leurs preuves
entre 2005 et 2009 chez les éleveurs exposés à la prédation ? Quel processus, dans la relation
complexe entre le bétail, les mesures de protection et les loups, explique la forte détérioration de
la situation après 2009 ?
11
L'adaptation tardive de la politique de gestion des loups et de leurs impacts
sur l’élevage
De 1993 à 2013, la France était très réticente à autoriser le contrôle létal de loups, en raison des
engagements juridiques pris en 1992 de reconstituer une population de loups dans un état de
conservation favorable. Cependant, de 2004 à 2013, plusieurs arrêtés de prélèvements de loups
particulièrement gênants pour des élevages, n'ont abouti qu'à des tirs de loups par des agents de
l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) très limités (Fig. 7). Cette faible mise
en œuvre s'explique par un manque d'expérience et d'équipement, ainsi qu'à des actions en justice
menées par des associations pro-loups (Audrain-Demey 2016). Des incidents de braconnage ont
également été signalés au cours de cette période (Doré 2015).
En 2014, et surtout en 2015, l'effectif total de loups ayant considérablement augmenté, jusqu’à
atteindre une moyenne nationale estimée alors à 300, le Ministre de l'Environnement a radicalement
modifié sa politique de gestion afin de tenter de réduire les dommages au bétail sans compromettre
le processus de restauration du loup dans le pays. Par conséquent, lorsque toutes les mesures de
protection non létales avaient été mises en œuvre sur des fermes ou sur des estives de montagne
mais apparaissaient avoir échoué, les tirs à proximité de ces troupeaux ont été progressivement
autorisés. Jusqu'en 2016, la majorité des tirs étaient des prélèvements de loups (barres blanches,
Fig. 7), principalement dans le cadre de battues confiées à des sociétés de chasse locales sous la
supervision de l'ONCFS. Les autorisations de tir de défense à proximité des troupeaux par les
éleveurs eux-mêmes, agissant seuls ou avec l'aide de chasseurs locaux autorisés (barres noires,
Fig. 7), restaient encore minoritaires. À l'automne 2015, une brigade nationale loup a été créée sous
la responsabilité de l'ONCFS. Disposant de compétences et du matériel adéquat pour des
interventions de jour comme de nuit, la brigade mobilise des agents en binôme afin dintervenir
auprès d'un éleveur à condition qu'il ait déjà mis en œuvre des mesures de protection non létales
puis obtenu l'autorisation officielle de défendre son troupeau suite à des attaques. Ces agents sont
habilités à tirer sur des loups qui s'approchent encore fréquemment, par exemple autour ou même
parfois à l'intérieur d'un enclos de nuit électrifié, le tail est regroupé sous la protection de
chiens.
A partir de 2016, la politique nationale a privilégié les tirs de défense par les éleveurs, seuls
ou avec l'aide de chasseurs autorisés, autour des périmètres proches des troupeaux (barres noires,
fig. 7), plutôt que de tenter d'éliminer des loups lors de battues le plus souvent infructueuses et non
ciblées. Dans les Alpes, en raison de la forte densité de loups, les battues n'avaient en effet pas
permis de s'assurer qu'étaient bien éliminés ceux qui causaient des dommages récurrents au bétail.
Jusqu'en 2018, les permis de tirs de loups, rassemblant les deux catégories, tirs de défense et de
prélèvement, étaient plafonnés chaque année au niveau national à un maximum de 10 % de la
population moyenne annuelle de loups estimée à la fin de l'hiver (mars-avril) de l’année en cours.
Ce chiffre était considéré comme relativement sûr pour ne pas affecter une population de loups qui
s'accroissait d'environ 15 à 22 % par an. L'augmentation des tirs entre 2015 et 2018 n'a pas réduit
de manière significative le taux de croissance de la population de loups (Fig.7).
12
Figure 7
Nombre de tirs légaux de loups en France (barres noires, tirs de défense
des troupeaux ; barres blanches, tirs de prélèvement de loups) et estimation du
nombre moyen de loups (ligne continue) en fin d'hiver (année/année + 1) (Sources
des données : DREAL Auvergne-Rhône-Alpes et OFB).
En 2019, la politique nationale a une nouvelle fois chan après évaluation par les deux
Ministères en charge du dossier. D’abord, l'effectif total estimé de loups avait atteint 527 (IC 477-
576), dépassant le seuil de 500 jugé satisfaisant pour assurer un état de conservation favorable de la
population, ensuite le taux de croissance annuel de la population de loups restait satisfaisant. Le
plafond annuel du nombre de tirs autorisés a été porté à 17 % de la population totale moyenne
estimée de loups, soit environ le double du nombre autorisé en 2018 (de Rugy et Guillaume, 2019).
Comme les personnes autorisées à tirer avaient acquis des compétences et que de nombreux
éleveurs demandaient des autorisations de tir de défense s'ajoutant à leurs moyens de protection
non létaux, le plafond annuel a presque été atteint cette année-, en grande majorité par des tirs
de défense opérés à proximité des troupeaux (barres noires, fig. 7). De 2018 à la fin de l'hiver 2019-
2020, le rythme de croissance de la population de loups s'est ralenti à 9 %, et l'effectif total esti
de la population de loups a atteint 580 (IC 528-633) (OFB, 2020). Le même plafond d'autorisations
de tirs a été renouvelé pour 2020, avec l'objectif de maintenir un effectif de loups plutôt stable, tout
en réduisant fortement les dommages de prédation causés aux troupeaux.
A partir de 2016, les pertes de bétail se sont stabilisées correspondant dans le temps avec
cette forte augmentation du nombre de tirs de défense, alors même que la population de loups
continuait à augmenter (Fig. 5). Nous devons rester prudents avec cette dernière relation, car elle
ne concerne que les deux dernières années de nos séries de données et nous ne pouvons pas tester
l'éventuelle relation de causalité.
Comment expliquer l'échec des mesures de protection ?
Les mesures de protection des troupeaux ont été préconisées par de nombreux acteurs de la
conservation des grands carnivores. Cependant, comme le notent Eklund et al. (2017), les études
expérimentales et quasi expérimentales sont encore rares sur le terrain, et très peu d'entre elles
appliquent un dispositif d'étude avec cas-témoin. Une étude plus récente de Khorozyan et Waltert
(2019) suggère une réduction de 100 % des dommages grâce à des clôtures électriques, et un
pourcentage élevé de réduction des dommages résultant de l'utilisation de chiens de protection.
13
Cependant, les résultats sont basés sur des publications (Ciucci et Boitani 1998 ; Wam et al. 2004 ;
Illiopoulos et al. 2009 ; Salvatori et Mertens 2012) qui ne répondent pas aux critères préconisés par
Eklund et al. (2017), notamment parce qu'aucun traitement de contrôle n'a été utili. Même avec
un contrôle, les résultats sont difficiles à interpréter, comme ceux de Wam et al. (2004) où les
attaques se sont apparemment arrêtées dans des pâturages équipés de clôtures électriques,
contrairement aux clôtures traditionnelles. Si l'on considère que cette étude a été réalisée sur un
seul territoire de loups, il est tout à fait possible que la prédation se soit déplacée depuis des
pâturages équipés vers des pâturages non équipés, la prédation totale restant stable. Il est donc
difficile d'interpréter ce résultat comme un succès, et encore moins d'en tirer des conclusions sur
l'efficacité des clôtures électriques une fois que tous les pâturages en sont équipés. En règle
générale, il est difficile d'évaluer l'efficacité dans l'absolu d'une méthode de protection à petite
échelle, car la prédation peut se reporter vers des troupeaux non protégés tant que la protection
ne se généralise pas sur la zone. À notre connaissance, aucune étude n'a été menée suggérant une
diminution de la prédation après la mise en œuvre de mesures de protection dans les grandes zones
où tous les troupeaux sont protégés. Or, il apparaît que presque tous les troupeaux sont protégés
dans les Alpes françaises (DREAL AURA 2019a), même si nous sommes conscients que les données
concernant le niveau d'application des mesures de protection dans certains élevages font parfois
défaut.
Non seulement l'efficacité des mesures de protection n'est pas clairement prouvée, mais le
premier postulat sous-jacent aux mesures de protection des troupeaux en France pendant 20 ans,
à savoir "une présence humaine supplémentaire et continue avec le troupeau est suffisante pour
tenir les loups à distance" sevèle éloigné de la alité vécue dans le pays. Il provenait
d'observations alisées dans d'autres pays les humains (éleveurs, bergers, chasseurs) sont en
mesure de repousser activement les grands carnivores en raison de la menace pour le bétail. Ils
établissent ainsi un paysage de coexistence où ces grands carnivores s'adaptent à l'homme grâce à
une ségrégation spatio-temporelle (Oriol-Cotterill et al. 2015). "Le loup craint l'homme" est une
hypothèse éculée, transposée de pays tels que le Canada, la Russie et la Scandinavie les loups,
de tous temps abondants, (Linnell et al., 2002), demeurent activement contrôlés, surtout lorsqu'ils
s'approchent des humains et de leurs troupeaux.
En outre, les mesures de protection n'ont pas tenu compte de la grande adaptabilité des
loups. En effet, les loups ont été décrits comme très intelligents, dotés d'une vie sociale en famille
(meutes), donc doués de capacités d’apprentissages individuels et collectifs, particulièrement
adaptables, opportunistes, souvent imprévisibles, et par ailleurs prolifiques (Mech et Boitani, 2003).
Un exemple de la capacité des loups à modifier leur comportement de manière opportuniste
en France est le nombre croissant d'attaques réussies désormais effectuées en journée (Fig. 8). De
2010 à 2018, les attaques diurnes ont augmenté plus rapidement que les attaques nocturnes
(comme l'indique l'interaction significative entre "Année de l'attaque" et "période de la journée",
Tab. 3). Alors qu’avant 2014, le nombre dattaques réussies était plus important durant la nuit, ce
nombre est devenu équivalent à partir de 2014 entre le jour et la nuit (comme indiqué par l'effet de
la période de la journée avant et après 2014, Tab. 3). La combinaison du confinement nocturne en
présence de trois ou quatre CPT peut offrir une certaine protection contre les attaques de loups
durant la nuit (Espuno et al. 2004). Cependant, les loups s'adaptent à cette protection en basculant
vers des attaques de jour. Un autre changement opportuniste est que, si les attaques se produisent
toujours sur les pâturages d’alpage en montagne, elles sont aussi de plus en plus fréquentes dans
les vallées et les plaines à presque toutes les saisons dans les régions peu enneigées, un phénomène
signalé également par les bergers kirghizes (Lescureux 2006). Faire pâturer un lot de brebis, de
chèvres, ou même des vaches et leurs veaux, à proximité immédiate d'une ferme, d'un village ou
d'un lotissement périurbain, n’est plus synonyme de tranquillité pour les éleveurs.
14
Figure 8
Nombre d'attaques réussies de loups sur le bétail
dans la zone la plus prédatée de France (départements des
Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes,
Isère, Savoie, Drôme et Var concentrant 90% des attaques)
entre 2010 et 2018, selon que les attaques ont eu lieu de nuit
ou de jour (Source des données : base GéoLoup).
Tableau 3
- Résultats de l'ANCOVA de l'évolution du nombre des attaques réussies selon le
temps (Année de l'attaque) et la période de la journée (jour / nuit) comme variable catégorielle.
Source de variation
t-value
P-value
Année de l'attaque
15.6
< 0.001
Période de la journée
3.9
0.001
Année de l'attaque x période de la
journée
-3.9
0.001
Intervalle 2010-2013
Année de l'attaque
7.1
< 0.001
Période de la journée
6.8
0.001
Intervalle 2014-2018
Année de l'attaque
6.7
< 0.001
Période de la journée
-0.2
0.85
Y a-t-il une piste de solution ?
Que ce soit par phénomène conscient ou non (Appleby et al. 2013 ; Gonçalves et Biro 2018),
la mort d'un congénère conduit certainement les individus loups à percevoir une menace associée
à des situations ou des contextes particuliers, comme la présence d'humains et de leur bétail.
Pendant 20 ans, les éleveurs et bergers en France, aussi motivés soient-ils, n'ont pas été en
mesure de montrer aux loups la menace qu'ils représentaient pour eux. Ce n'est que récemment
que certains éleveurs ont été autorisés à pratiquer du tir de défense au troupeau, mais uniquement
15
après que les loups aient réussi à jouer leurs autres moyens de protection. Un expert en
conservation des grands carnivores au Montana (États-Unis) nous a déclaré : "Lorsqu'un loup a déjà
obtenu un bénéfice alimentaire à partir du bétail à un endroit et à une saison donnée, il devient bien
plus difficile à repousser ensuite de cet endroit." (Matt Barnes, comm. pers.), un phénomène bien
connu en éthologie et en psychologie sous le nom de renforcement positif (voir, par exemple,
Vasconcellos et al. 2016).
D'autres expériences suggèrent que la coexistence entre le bétail et les loups nécessite
l'établissement, ou le rétablissement, de relations de réciprocité afin de maintenir une distance
acceptable et de minimiser les conflits (Lescureux 2006, 2007 ; Lescureux et al. 2018). La réciprocité
correspond à un ajustement proportionnel entre l'impact lié à la prédation (écologique,
économique, social et psychologique) et les moyens légaux d'exercer un contrôle direct sur la
prédation et les prédateurs. La réciprocité consiste aussi à tenir les prédateurs à distance lorsque
leur comportement représente une menace (c'est-à-dire, à proximité des fermes, des villages, des
banlieues urbaines et/ou des troupeaux domestiques).
La réciprocité implique l'utilisation possible de moyens létaux (tir et/ou piégeage) avant,
pendant ou juste après une attaque sur le bétail, afin d’éliminer les individus ou les groupes les plus
téméraires. Elle implique tout autant d'associer la présence d'humains travaillant avec les troupeaux
à une menace immédiate, prévisible et potentiellement grave (Bangs et al. 2006 ; Lescureux et al.
2018). La réciprocité établit ainsi une relation assez directe entre les humains locaux et les loups avec
qui ils partagent un territoire. Comme le signale Stépanoff (2018), le chasseur-berger sibérien
considère que les relations avec les loups impliquent respect, rivalité et justice, entraînant
l’élimination par tous les moyens possibles de ceux qui attaquent son troupeau. Par conséquent, le
rétablissement de la ciprocité en France impliquerait que les tirs de défense à proximité des
troupeaux soient accordés sur les zones où se trouvent des loups, dans des conditions temporelles
et spatiales adaptées au contexte local et de manière réactive. Les tirs de défense seraient
considérés comme un moyen de protection au même titre que les actuels moyens non létaux. Les
tirs de défense et les autres mesures de protection pourraient se compléter et se renforcer
mutuellement.
Il peut être difficile d'évaluer l'efficacité du contrôle létal. Les études suggèrent des résultats
divers à des échelles et des intensités de contrôle variables. Néanmoins, aux États-Unis, la
récurrence des attaques diminue dans les fermes équipées de pièges par rapport à celles non
équipées, mais sans effet visible au niveau plus large des États (Harper et al. 2008). DeCesare et al.
(2018) ont montré que cibler et éliminer des loups après prédation réduisait la probabilité de leur
récurrence au sein d'un district de chasse. Bien que Wielgus et Peebles (2014) aient trouvé un
résultat contre-intuitif avec du contrôle létal aboutissant à une augmentation de la prédation sur le
bétail, leur analyse a été contestée par Poudyal et al. (2016) et Kompaniyets et Evans (2017) qui ont
mesuré des effets statistiquement négatifs d'une telle élimination létale sur la prédation ultérieure.
Bradley et al. (2015) ont également constaté un effet à long terme de l'élimination des loups sur la
prédation du bétail, notamment suite à l'élimination rapide (en moins de 7 jours) et complète d’une
meute après un acte de prédation. Au vu de ces différents résultats, il apparaît que, comme l'ont
mentionné Treves et al. (2016), le contrôle des prédateurs ne devrait pas se faire "à l’aveugle". Il
doit être ciblé sur les individus ou les meutes qui s'attaquent au bétail, et son effet doit être évalué
à long terme. Cependant, contrairement à Treves et al. (2016), nous considérons que pour évaluer
l'effet des tirs de loups, ils doivent être autorisés et effectivement mis en œuvre. Comme l'a
récemment souligné Grente et al. (2020) pour le cas de la France, l'évaluation des effets des tirs de
loups doit tenir compte du contexte général (pratiques d'élevage, espèces de bétail concernées,
mesures de protection existantes...) aux différentes échelles spatiales et temporelles, afin de
prendre en compte le possible report de la prédation sur d'autres troupeaux.
16
Si, comme nous en formulons l'hypothèse, l'élimination ciblée de loups les amène à craindre
les humains ainsi que leurs infrastructures et leurs différentes espèces d'animaux d'élevage
associées, dans ce quOriol-Cotterill et al. (2015) considèrent comme un paysage de coexistence,
l'efficacité des moyens non létaux pourrait en être renforcée. En effet, sans conséquences attendues
et tangibles pour les loups (risque de blessure/mortalité), les dispositifs d'effarouchement
deviennent inutiles. Un examen des nombreuses techniques répulsives mises en œuvre depuis 15
ans dans les Montagnes Rocheuses nord-américaines a conclu que toutes les techniques, visuelles,
sonores ou olfactives, doivent être constamment associées à un danger immédiat et grave pour les
loups. Sinon, après plusieurs jours, les loups les ignorent et reprennent leurs comportements
prédateurs habituels (Bangs et al. 2006).
La capacité de vigilance des chiens de protection de troupeaux, notamment par l'odorat, est
sans commune mesure supérieure à celle des humains, mais ces chiens ne sont efficaces que
lorsqu'ils servent de "rappel" ; les loups doivent en effet déjà avoir appris qu'il y a un danger évident
à s'approcher des humains, des chiens de protection et du bétail. Sinon, les loups insistants finiront
par dominer les chiens. Multiplier le nombre de chiens pourrait être efficace, mais cela limiterait de
plus en plus l'utilisation des lieux pour des activités de loisirs comme la randonnée et le VTT.
La piste de solution proposée, fondée sur la réciprocité d'action, serait confrontée à la
Directive européenne "Habitats" (signée et mise en œuvre par la France à partir de 1992). Cette
réglementation impose en effet que le contrôle direct des loups, y compris les tirs de défense au
troupeau par un éleveur et ses aides, ne soit autorisé que par dérogation, c'est-à-dire avec
modération, et "... en l'absence d'alternatives satisfaisantes." (Conseil de l'UE 1992).
La difficulté à rétablir la réciprocité en France est donc la conséquence de deux facteurs. Le
premier tient à la longue histoire de la gestion des populations de loups sous la responsabilité de
l'État en Europe du sud et de l'ouest, une tradition qui remonte au moins au VIe siècle avant notre
ère en Grèce et qui a été suivie par la création d'officiers de chasse au loup, d'abord dans l'Antiquité
romaine, puis dans l'Empire de Charlemagne (Stépanoff 2018). Cette approche centralisée de la
gestion des relations homme-loup se perpétue aujourd'hui en France dans une approche de gestion
et de régulation des populations, qui peut à la fois empêcher de tuer les loups qui s'attaquent au
bétail, et conduire à tuer des loups inoffensifs. Les règles ne favorisent pas l'approche individuelle
et réciproque qui caractériserait les bergers kirghizes ou les chasseurs-bergers sibériens, lesquels
ne tueront que des loups attaquant leurs troupeaux, sans prétendre le moins du monde réguler la
population.
Le deuxième facteur concerne l'armement des éleveurs et des bergers, dont on attendrait
qu’ils fassent preuve d'une attention constante à l'égard des prédateurs. Par contraste avec ce qui
se passe dans d'autres pays, cette activité n'est généralement pas compatible avec la charge de
travail des éleveurs en France dans d'autres activités, et elle est également antagoniste de l'activi
de garde des troupeaux pour leur alimentation par des bergers (Meuret et Provenza 2015a, 2015b).
Dans plusieurs pays les bergers ou éleveurs agissent surtout en tant que "vigiles" contre les
prédateurs, le contrôle de l’alimentation du troupeau et de son impact sur les milieux pâturés est
fortement duit, les troupeaux étant lâchés le matin depuis l'enclos de nuit, surveillés à distance
durant la journée, puis rassemblés le soir avec l'aide des chiens de conduite (Ogada et al. 2003 ;
Barnes et Hibbard 2016).
La piste de solution que nous proposons consiste à néraliser en France l'autorisation des
tirs de défense sur les loups s'attaquant au bétail, ou s'approchant de près des troupeaux et
présentant un comportement prédateur (direction et vitesse de déplacement, attitudes...), sans avoir
à attendre l'échec répété des mesures de protection non létales. Le tir de défense pourrait être
effectué par l'éleveur avec l'aide de chasseurs locaux autorisés. En d'autres termes, la protection
des troupeaux contre les loups serait gérée collectivement à l’échelle locale afin d'assurer la
17
durabilité de l'activité d'élevage et de pâturage sur chaque territoire concerné. La possibilité de
recours supplémentaire à la brigade nationale loup devrait également être encouragé. Cependant,
cette brigade n'est souvent pas en mesure d'agir auprès d'un troupeau avec la réactivité et la
flexibilité nécessaires. Ces agents ne sont envoyés sur un site de pâturage que sur demande
administrative approuvée au niveau national, puis arrivent sur les lieux plusieurs jours après la
première attaque, et ils connaissent beaucoup moins bien les lieux que les chasseurs et éleveurs
locaux.
Conclusion
La protection des troupeaux en France, encadrée par une réglementation nationale basée sur une
directive européenne, part du principe que les loups ont peur de l'homme. Cette peur n'est pas, en
réalité, un trait intrinsèque et permanent de l'espèce. Il s'agit plutôt d'un comportement au moins
partiellement acquis, qui doit être constamment renforcé en associant explicitement une présence
humaine proche à une menace réelle. Les techniques d'effarouchement, ou de répulsion non létale,
ne sont utiles que comme signal pour rappeler le risque de mort ou de blessure grave dû au non-
respect des règles. Par conséquent, les techniques non létales et létales doivent être mieux
intégrées, ou utilisées en combinaison lorsque nécessaire (Bangs et al. 2006 ; Lescureux et al. 2018).
Plutôt qu'une coexistence passive, c'est un processus dynamique et en constante évolution
de coadaptation entre les humains et les loups qui doit être considédans des conditions réelles
et sans omettre les effets de contexte(Lescureux et Linnell 2013 ; Garde et Meuret 2017 ; Mech 2017).
Les tests de techniques de protection du bétail ne deviennent pertinents que lorsqu'ils sont réalisés
sur les territoires de vie et de chasse habituels du prédateur, ce qui permet de connaître tous les
autres attracteurs ou répulsifs du paysage, et dans le cadre des comportements humains existants,
et pour la plupart prévisibles. Il en va de même pour les tests comportementaux sur les chiens de
protection. Il en existe de nombreuses races, mais leurs compétences et leurs motivations pour
alerter et intervenir dépendent d'habitudes antérieures, acquises au sein de leur groupe social de
naissance, sur un terrain particulier et dans un contexte de travail tout aussi particulier (Lescureux et
Linnell 2014 ; Van Bommel et Johnson 2014 ; Candy et al. 2019). La transmission des compétences
au sein de groupes de chiens, en coordination avec les humains, est un sujet de recherche
prometteur.
Pour traiter simultanément des capacités d'adaptation des loups et des troupeaux, les
éleveurs et bergers ont un besoin urgent d'accompagnement. Certaines formes de gestion
adaptative soigneusement conçues dans des environnements réels peuvent être considérées
comme des quasi-expérimentations (Williams et Brown 2014 ; Johnson et al. 2015), les chercheurs
privilégiant alors les enquêtes et les suivis comparatifs sur le terrain. Compte tenu de l'étendue et
de la diversité des territoires occupés par les loups en Europe et ailleurs, de nombreuses situations
peuvent être étudiées. Elles sont instructives lorsque les résultats sont rigoureusement
contextualisés et présentés sans excès de généralisation (Mech 2012 ; Allen et al. 2017). Des
connaissances et des savoir-faire expérientiels existent, ils peuvent être collectés et leurs efficacités
comparées au moyen d'approches ethnoécologiques. Les pays ou régions en transition politique et
culturelle, entraînant des changements dans les pratiques d'élevage, de chasse et de gestion de la
faune sauvage, présentent des situations fort intéressantes, où les changements dans la gestion et
les pratiques de régulation peuvent ou non faciliter la coadaptation avec les prédateurs (Lescureux
et al. 2018).
Les loups menacent la viabilité, la vivabilité et la reproductibilité des élevages qui utilisent en
France des combinaisons de fourrages naturels et cultivés tout au long de l'année. La majorité
d'entre eux font pâturer des groupes d'animaux distincts (par exemple, ovins, bovins, caprins,
équins), dispersés sur des pâturages clôturés en fonction des besoins alimentaires et des ressources
18
à pâturer. Face aux loups, est-il possible de concevoir que tous ces herbages cultivés, pelouses
naturelles, parcours de broussailles et de sous-bois, soient équipés de hautes clôtures électrifiées
et de multiples chiens de protection ? Le tribut payé par le bétail et les éleveurs est déjà
considérable, mais ce n'est qu'une partie de l'histoire. Le reste est profondément inscrit dans le vécu
physique et émotionnel des éleveurs, des bergers et des communautés locales (Dumez et al. 2017,
Zahl-Thanem et al. 2020).
Plus largement, tout ceci interroge notre façon d'interagir avec la faune sauvage. Érigeons-
nous divers types de clôtures et de murs ainsi que des lois strictes pour protéger les animaux
sauvages contre l'homme ou pour protéger les activités humaines contre les animaux sauvages, ou
bien interagissons-nous avec les animaux sauvages en utilisant divers moyens d'adaptation, certains
parfois létaux, afin de maintenir une distance acceptable et une coexistence plus satisfaisante et
plus vivable ?
Remerciements
Les auteurs remercient les nombreux bergers, éleveurs, agents de développement, maires,
administrateurs et décideurs politiques ayant contribué à nos recherches. Nous sommes
reconnaissants envers l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et
l'environnement. (INRAE) qui a créé notre réseau de chercheurs et qui lui a ensuite donné les fonds
nécessaires pour les recherches. Veuillez consulter le site https://coadapht.fr/ pour une liste
détaillée des activités et des produits de notre réseau au fil des ans. Nous remercions les trois
évaluateurs anonymes ainsi que les éditeurs, dont les commentaires ont permis d'améliorer une
version antérieure de notre manuscrit. Enfin, nous remercions vivement Fred Provenza, professeur
émérite à l'Université de l'Utah, USA, pour nous avoir aidés à peaufiner notre anglais.
Financement
Cette recherche a reçu le soutien financier de l'Institut national de recherche pour l'agriculture,
l'alimentation et l'environnement. (INRAE), département de recherche Action, Transitions et
Territoires (ACT), ainsi que du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'Union
européenne dans le cadre du FEADER.
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Article
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En France, la protection des troupeaux contre les attaques de loup prévoit l’utilisation de tirs dérogatoires dans des contextes précis, notamment lorsque la pression des attaques est forte. Néanmoins, les effets de ces tirs sur les attaques restent mal connus. Nous dressons ici un état des connaissances scientifiques sur le sujet puis présentons les enjeux et le cadre méthodologique de l’étude en cours, qui s’attache à évaluer les effets des tirs dérogatoires sur les attaques et la population de loups en France.
Article
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Widespread damage by large mammalian predators to human assets (e.g., livestock, crops, neighborhood safety) requires the application of non-invasive (i.e., without direct contact with predators) and targeted interventions to promote predator conservation and local livelihoods. We compiled 117 cases from 23 countries describing the effectiveness of 12 interventions designed to protect human assets from 21 predators. We found: (a) the most effective interventions were electric fences, guarding animals, calving control, and physical deterrents (protective collars and shocking devices); (b) the most effectively protected asset was livestock; and (c) the most effective interventions being used were to protect assets from cheetahs (Acinonyx jubatus), Eurasian lynx (Lynx lynx), gray wolves (Canis lupus), and lions (Panthera leo). In all of these cases, the relative risk of damage was reduced by 50-100%. We combined these outcomes into a novel framework of most effective practices and discussed its structure, practicality, and future applications.
Chapter
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Until recently, the diversity of human-wolf relationships and the associated conflicts have mainly been explained through various socio-cultural contexts. The agency of wolves, notably their ability to adapt their behaviour to human practices, has been underestimated and so the intrinsic dynamic dimension of the relationships. Our surveys in several countries (Kyrgyzstan, Former Yugoslav Republic of Macedonia, France) showed that radical changes in husbandry or hunting practices have led to modifications in the socio-environmental context and the nature of human-wolf interactions, resulting in apparent changes in wolf behaviour. These changes have often resulted in an increased vulnerability of local people to wolf damages, a reduced acceptance for wolves and increasing conflicts, even in countries where humans and wolves have continuously coexisted. Therefore, the diversity of human-wolf relationships is not only the result of various socio-cultural contexts but also emerges in diverse historical trajectories that engage both humans and wolves in specific socio-ecological contexts. Considering wolves as active agents in the human-wolf relationship appears necessary to understand conflicts and adopt appropriate management strategies, not only based on damage prevention, but also implying direct pressure on wolves to make coexistence conceivable.
Article
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Evolutionary thanatology benefits from broad taxonomic comparisons of non-human animals' responses to death. Furthermore, exploring the sensory and cognitive bases of these responses promises to allow classification of the underlying mechanisms on a spectrum from phylogenetically ancient to more derived traits. We draw on studies of perception and cognition in invertebrate and vertebrate taxa (with a focus on arthropods, corvids, proboscids, cetaceans and primates) to explore the cues that these animals use to detect life and death in others, and discuss proximate and ultimate drivers behind their capacities to do so. Parallels in thanatological behaviour exhibited by the last four taxa suggest similar sensory–cognitive processing rules for dealing with corpses, the evolution of which may have been driven by complex social environments. Uniting these responses is a phenomenon we term ‘animacy detection malfunction’, whereupon the corpse, having both animate and inanimate attributes, creates states of fear/curiosity manifested as approach/avoidance behaviours in observers. We suggest that integrating diverse lines of evidence (including the ‘uncanny valley’ effect originating from the field of robotics) provides a promising way to advance the field, and conclude by proposing avenues for future research. This article is part of the theme issue ‘Evolutionary thanatology: impacts of the dead on the living in humans and other animals’.
Article
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Wolf control to reduce cattle depredation is an important issue to ecology and agriculture in the United States. Two recent papers use the same dataset having wolf population characteristics and cattle depredation, but come to opposing conclusions concerning the link between wolf control and cattle depredation. Our paper aims to resolve this issue by using the same dataset and developing a model based on a causal association that would explain the nature of the relationship between wolf control and cattle depredation. We use the data on wolf population, number of cattle, number of wolves killed and number of cattle killed, from the U.S. Fish and Wildlife Services Interagency Annual Wolf Reports over the period of 1987–2012. We find a positive link between wolf control and cattle depredation. However, it would be incorrect to infer that wolf control has a positive effect on the number of cattle depredated. We maintain that this link comes from a growing wolf population, which increases cattle depredation, and in turn, causes an increase in the number of wolves killed. While the wolf population is growing, we see both wolf removal and cattle depredation simultaneously grow. It is not until the wolf population growth nears the steady state, that removal of wolves has a sufficient negative effect to reduce or stabilize the number of cattle depredated.
Article
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Successful coexistence between large carnivores and humans is conditional upon effective mitigation of the impact of these species on humans, such as through livestock depredation. It is therefore essential for conservation practitioners, carnivore managing authorities, or livestock owners to know the effectiveness of interventions intended to reduce livestock predation by large carnivores. We reviewed the scientific literature (1990–2016), searching for evidence of the effectiveness of interventions. We found experimental and quasi-experimental studies were rare within the field, and only 21 studies applied a case-control study design (3.7% of reviewed publications). We used a relative risk ratio to evaluate the studied interventions: changing livestock type, keeping livestock in enclosures, guarding or livestock guarding dogs, predator removal, using shock collars on carnivores, sterilizing carnivores, and using visual or auditory deterrents to frighten carnivores. Although there was a general lack of scientific evidence of the effectiveness of any of these interventions, some interventions reduced the risk of depredation whereas other interventions did not result in reduced depredation. We urge managers and stakeholders to move towards an evidence-based large carnivore management practice and researchers to conduct studies of intervention effectiveness with a randomized case-control design combined with systematic reviewing to evaluate the evidence.
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The reappearance of large carnivores in Europe can be viewed as a conservation success, however, the increase in carnivore numbers has also resulted in an increase in livestock predation. While multiple studies have been conducted into farmers’ attitudes to large carnivores, the consequence of predation on farmers’ mental health and wellbeing is under-researched. Using a mixed-method approach, this study examines the potential regional impact of the presence of wolves on farmers’ psychological distress in Norway. Data from the nationally representative Trends in Norwegian Agriculture Survey was analysed using a multiple regression analysis. Psychological distress was measured using a 5 item Hopkins Symptom Checklist. Comparison with register data of livestock losses showed that sheep farmers living in regions where sheep have been killed by wolves within the last 5 years have higher psychological distress scores than (a) sheep farmers elsewhere in Norway, and (b) farmers in the same region without sheep. What makes our study different from others is that the Trends survey was not targeted at the wolf issue directly, meaning that accusations of farmer bias against wolves when responding to surveys cannot explain our results. We support this conclusion by exploring (and, ultimately, dismissing) alternative explanations and through 20 qualitative interviews with sheep farmers in a predation region (regional county of Hedmark) to investigate how carnivore presence is experienced. Stress, anxiety, sleep deprivation, and reduced quality of life were reported as key consequences of the carnivore pressure. The findings suggest that farmers do not need to experience animal deaths and injuries personally to experience the distress of predation. Living nearby and assisting farmer colleagues make this a shared condition.
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Wolf (Canis lupus) depredations of livestock are a ubiquitous source of conflict in every country where wolves and livestock overlap. We studied the spatial and temporal variation of wolf depredations of livestock in Montana during 2005–2015, including evaluations of targeted control efforts and public harvest as potential means to reduce depredations. During this time we collected spatial data for all confirmed wolf-livestock depredations, tallied the annual number of depredation events within hunting districts, and collected data for variables potentially predictive of depredation events. We decomposed variation in depredation data into 2 distinct components: the binary presence or absence of depredation events in each district-year, and the count of depredation events in district-years with ≥1 event. We found that presence-absence of depredations increased with wolf presence and wolf density, increased with livestock density, were highest at intermediate proportionate areas of agricultural land, and were a recurrent phenomenon such that districts with depredations the previous year were more likely to continue having them. Targeted removal, but not public harvest, significantly reduced the recurrent presence of depredations. The number of conflicts in district-years with ≥1 depredation event was positively correlated with wolf density, cattle density, intermediate proportionate areas of forested land, and the number of events during the previous year. Public harvest reduced the counts of depredation events in areas where conflict reoccurred, though with a modest predicted effect size of 0.22 fewer depredations/district-year, or 5.7 fewer depredation events statewide/year (8% of the annual average). Minimizing livestock losses is a top priority for wolf management. These results shed light on the broad-scale patterns behind chronic problems and the effectiveness of wolf management practices in addressing them. © 2018 The Wildlife Society.
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In the contiguous 48 United States, southern Canada, and in Europe, wolves (Canis lupus) have greatly increased and expanded their range during the past few decades.They are prolific, disperse long distances, readily recolonize new areas where humans allow them, and are difficult to control when populations become established.Because wolves originally lived nearly everywhere throughout North America and Eurasia, and food in the form of wild and domestic prey is abundant there, many conservation-minded people favor wolves inhabiting even more areas.On the other hand, wolves conflict in several ways with rural residents who prefer fewer wolves. This article discusses the recovery of wolves, their benefits and values, the ways in which they conflict with humans, and the potential for their expansion into new areas.It concludes that wolf conservation will best be accomplished by each responsible political entity adaptively prescribing different management strategies for different zones within its purview.Some zones for some periods can support total protection, whereas in others, wolf numbers will have to be reduced to various degrees or removed.