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Les différences intellectuelles entre garçons et filles. Trente-cinq ans d’évolution du WISC-R au WISC-V.

Authors:

Abstract

De nombreuses représentations circulent à propos des différences de compétences cognitives en fonction du genre. Ces représentations sociales influencent les attitudes des parents et des enseignants, et peuvent avoir d'importantes conséquences en termes d'orientation scolaire. La publication du WISC-V nous offre l'opportunité d'examiner ces représentations sur la base des performances d'un important échantillon de jeunes de six à 16 ans représentatif de la population française. Les données d'étalonnage du WISC-V ne confirment pas les stéréotypes qui circulent à propos de compétences intellectuelles des filles et des garçons. Quelques différences statistiquement significa-tives subsistent, mais elles sont généralement d'ampleur réduite, sans implication pratique. La seule différence de taille plus importante est à l'avantage des filles. Elle concerne les performances dans les tâches de vitesse de traitement qui demandent un important contrôle de l'attention et de la coordination oculomotrice. Many representations are circulating on the differences in cognitive skills according to gender. These social representations influence the attitudes of parents and teachers and can have important consequences in terms of educational guidance. The WISC-V gave us the opportunity to examine these representations based on the performances of a large sample of children between 6 to 16, representative of the French population. WISC-V standardization data did not support the stereotypes that circulate about the intellectual skills of girls and boys. Some statistically significant differences were observed, but were generally small with no practical implications. The only biggest difference was to the advantage of girls. It concerns performance in speed tasks that require a high control of attention and oculomotor coordination.
A.N.A.E. 2020 - 169 - 001-009
A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020 1
Pour citer cet article : Grégoire, J. (2020). Les
différences intellectuelles entre garçons et
lles, 35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V.
A.N.A.E., 169, 000-000.
© copyright ANAE
Université de Louvain, Belgique.
Conits d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir
aucun conit d’intérêt.
Les différences intellectuelles entre garçons et
lles, 35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
J. GréGoire
RÉSUMÉ : Les différences intellectuelles entre garçons et lles,
35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
De nombreuses représentations circulent à propos des différences de
compétences cognitives en fonction du genre. Ces représentations
sociales inuencent les attitudes des parents et des enseignants, et
peuvent avoir d’importantes conséquences en termes d’orientation
scolaire. La publication du WISC-V nous offre l’opportunité d’exami-
ner ces représentations sur la base des performances d’un important
échantillon de jeunes de six à 16 ans représentatif de la population
française. Les données d’étalonnage du WISC-V ne conrment pas les
stéréotypes qui circulent à propos de compétences intellectuelles des
lles et des garçons. Quelques différences statistiquement signica-
tives subsistent, mais elles sont généralement d’ampleur réduite, sans
implication pratique. La seule différence de taille plus importante est à
l’avantage des lles. Elle concerne les performances dans les tâches de
vitesse de traitement qui demandent un important contrôle de l’atten-
tion et de la coordination oculomotrice.
Mots clés : WISC-V – Intelligence − Genre – Différences − Stéréotypes.
SUMMARY: xxxx
Many representations are circulating on the differences in cognitive skills
according to gender. These social representations inuence the attitudes
of parents and teachers and can have important consequences in terms
of educational guidance. The WISC-V gave us the opportunity to exa-
mine these representations based on the performances of a large sample
of children between 6 to 16, representative of the French population.
WISC-V standardization data did not support the stereotypes that cir-
culate about the intellectual skills of girls and boys. Some statistically si-
gnicant differences were observed, but were generally small with no
practical implications. The only biggest difference was to the advantage
of girls. It concerns performance in speed tasks that require a high control
of attention and oculomotor coordination.
Key words: WISC-V – Intelligence – Gender – Differences − Stereotypes.
RESUMEN: xxx
xxxx
Palabras clave: xxxx.
J. GréGoire
2 A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020
© copyright ANAE
Certains préjugés ont la peau dure. C’est
le cas des représentations qui circulent
encore aujourd’hui à propos des diffé-
rences de compétences cognitives en fonction
du genre. Les lles seraient plus « littéraires »
et moins « scientiques » que les garçons. Les
premières seraient moins compétentes que
les seconds dans les tâches numériques et
visuospatiales, et dès lors, moins à même de
réussir dans certains domaines d’étude et
dans certaines professions. Cette représenta-
tion sociale des compétences intellectuelles en
fonction du genre inuence la représentation
de soi et les attitudes des parents et des ensei-
gnants. Elle peut avoir d’importantes consé-
quences en termes d’éducation et d’orienta-
tion scolaire (Gaudron, 2020).
Mais les différences de compétences en fonc-
tion du genre ne sont-elles qu’un construit
social ou reposent-elles sur des différences
objectives ? La publication du WISC-V nous
offre l’opportunité d’examiner ces différences
sur la base des performances d’un important
échantillon de jeunes de six à 16 ans repré-
sentatif de la population française, à une large
gamme d’épreuves cognitives. Après avoir
passé en revue la littérature scientique sur
la question des différences de performances
intellectuelles en fonction du genre, une série
d’hypothèses ont pu être mises à l’épreuve
à l’aide des résultats de l’échantillon d’éta-
lonnage du WISC-V. Ces analyses ont été
confrontées à celles réalisées sur les résultats
des échantillons d’étalonnage de versions
antérieures du WISC dont la récolte s’éche-
lonne sur 35 années.
Que nous dit la littérature
scientique ?
La première approche scientique des dif-
férences intellectuelles entre les hommes et
les femmes remonte à la seconde moitié de
19e siècle avec les travaux du neuroanatomiste
Pierre Broca. Comparant le poids moyen du
cerveau des hommes et des femmes, Broca
(1861) observe une différence de poids d’envi-
ron 10 % à l’avantage des hommes. Bien qu’il
ne dispose alors d’aucune mesure objective
de l’intelligence1, Broca infère une relation
de causalité entre cette petitesse relative du
cerveau des femmes et leur infériorité intellec-
tuelle moyenne.
Les premières mesures objectives de l’intel-
ligence réalisées au début du 20e siècle ne
conrment pas le postulat de Broca d’une
infériorité intellectuelle moyenne des femmes.
Ainsi, Terman (1916), sur la base de son adap-
tation américaine du test d’intelligence de
Binet, constate une légère supériorité du QI
1 Le premier test d’intelligence est publié par Binet en 1905.
des lles entre cinq ans et 13 ans ; les garçons
n’étant supérieurs aux lles qu’à l’âge de 14
ans. Un constat similaire est fait par Wechsler
(1944, p. 106) avec son test d’intelligence pour
les adultes : « Comme le montre aujourd’hui
notre échelle, il n’y a aucune différence statis-
tiquement signicative du score total entre les
sexes, bien que les femmes aient tendance à
avoir un résultat moyen supérieur à celui des
hommes dans quasi tous les groupes d’âge. »
Certains auteurs (par exemple, Garcia, 1981)
ont toutefois mis en question les observa-
tions de Terman et Wechsler, les considérant
comme des artefacts, car les deux psycho-
métriciens auraient éliminé de leurs tests
les épreuves désavantageant les femmes,
faisant ainsi disparaître toute différence. Il
est vrai que tant Terman (1916) que Wechsler
(1944) reconnaissent avoir écarté certaines
épreuves qu’ils jugeaient inéquitables pour
l’un ou l’autre sexe. Mais cette sélection
des épreuves est marginale et son impact
doit être relativisé. Pour ce qui concerne les
échelles de Wechsler, il est utile de rappe-
ler que sept de 11 épreuves de sa première
échelle d’intelligence, la Wechsler-Bellevue
Intelligence Scale de 1939, provenaient de
l’armée américaine qui les avait utilisées en
1917 pour sélectionner les soldats envoyés sur
le front lors de la Première Guerre mondiale.
Rien n’indique que l’armée américaine se
soit préoccupée des biais de genre lors de la
création d’épreuves intellectuelles destinées
uniquement à la sélection des hommes de son
contingent. Pour ce qui concerne les versions
les plus récentes des échelles de Wechsler,
nous avons pu nous-mêmes constater, lors
de notre participation à leur développement
américain (WISC-IV, WAIS-IV et WISC-V) et à
leur adaptation française (toutes les échelles
depuis le WISC-III), une absence de volonté
d’écarter des épreuves qui pourraient défavo-
riser les femmes. La seule préoccupation des
développeurs a toujours été de sélectionner
des tâches qui couvrent largement le spectre
des aptitudes intellectuelles et représentent
le mieux possible les grandes composantes
de l’intelligence an que le score total au test
fournisse une mesure valide de l’intelligence
générale. Ce faisant, les échelles de Wechsler
permettent aussi une bonne estimation du
facteur g qui est au cœur de la structure de
l’intelligence. Or, Colom et al. (2000) ont
observé, dans une importante étude portant
sur 4 256 femmes et 6 219 hommes, que la
différence entre les hommes et les femmes sur
le facteur g est quasi nulle.
S’il est aujourd’hui bien établi qu’en moyenne,
les hommes et les femmes ne diffèrent pas
signicativement du point de vue de leur
intelligence générale, certains auteurs ont
attiré l’attention sur de possibles différences
Les différences intellectuelles entre garçons et lles,
35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020 3
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plus subtiles. Feingold (1992) a avancé l’hy-
pothèse que des scores moyens identiques
chez les hommes et les femmes masqueraient
des variances différentes. Une telle hypo-
thèse n’est pas neuve. Elle a été proposée au
19e siècle par Ellis (1894) pour tenter d’expli-
quer la surreprésentation des hommes dans les
institutions pour retardés mentaux et parmi les
personnalités intellectuelles éminentes. Selon
cette hypothèse, la courbe de distribution
des performances intellectuelles des hommes
serait plus étendue que celle des femmes,
ce qui conduirait à la surreprésentation des
hommes aux deux extrémités de cette courbe,
sans mettre en évidence de différence de
moyenne entre les sexes. Quelques études
ont mis cette hypothèse à l’épreuve des faits,
avec des résultats variables. Feingold (1992)
présente des données conrmant cette hypo-
thèse sur la base d’épreuves de raisonnement
quantitatif, d’analyse visuelle, d’orthographe
et de connaissances générales. Larkin (2013)
obtient des résultats allant dans le même sens
avec des épreuves de raisonnement verbal,
non verbal et numérique. Par contre, Johnson
et al. (2008) observent, sur la base des résul-
tats à un test d’intelligence générale, passé
par la quasi-totalité des enfants écossais âgés
de 11 ans, une distribution asymétrique des
performances intellectuelles les garçons
sont surreprésentés par rapport aux lles prin-
cipalement dans les niveaux les plus faibles.
Lynn (1994), quant à lui, avance l’hypothèse
que l’absence de différence entre les hommes
et les femmes du point de vue de l’intelli-
gence générale masquerait des différences
variant en fonction de l’âge. Aucune diffé-
rence signicative ne serait observée jusqu’à
14-15 ans, car la maturation plus précoce des
lles permettrait de compenser des poten-
tialités différentes en fonction du sexe. Par
contre, au-delà de 14-15 ans, la matura-
tion des garçons se prolongerait et ferait
apparaître une différence d’intelligence géné-
rale à l’avantage de ces derniers. Lynn et
Irwing (2004) ont publié une méta-analyse de
57 études sur les différences de performances
aux Matrices de Raven en fonction du sexe
qui tend à conrmer cette hypothèse. Des
différences signicatives entre les hommes et
les femmes apparaissent en effet à ce test de
raisonnement inductif à partir de 15 ans. Ces
différences restent toutefois modestes, de
l’ordre de 0,25 écart-type.
Par ailleurs, de nombreux auteurs ont observé,
au sein des batteries d’épreuves utilisées pour
mesurer le QI, des différences de résultats
entre les hommes et les femmes en fonction
des tâches, certaines d’entre elles étant mieux
réussies par les garçons et d’autres par les
lles. Wechsler (1944) remarquait déjà que les
femmes étaient souvent meilleures dans les
épreuves de vocabulaire et les hommes dans
celles de raisonnement arithmétique. Par la
suite, les études empiriques se sont multi-
pliées et ont identié diverses épreuves mieux
réussies par l’un ou l’autre sexe. Dans une
importante méta-analyse, Hyde et Lynn (1988)
ont conrmé que les lles sont généralement
meilleures que les garçons dans les épreuves
verbales, du moins dans les études antérieures
à 1973. Après cette date, les différences ne
cessent de décroître pour devenir quasi nulles.
Else-Quest et al. (2010) ont, dans une autre
méta-analyse, mis en évidence de meilleures
performances des garçons dans les épreuves
de mathématiques. Ces différences sont tou-
tefois variables d’un pays à l’autre en fonction
des pratiques éducatives. Beaucoup d’études
se sont également intéressées aux différences
de performances dans les épreuves de raison-
nement visuospatial en fonction du sexe. Voyer
et al. (1995) en ont réalisé une méta-analyse
qui montre que les garçons sont souvent meil-
leurs que les lles dans ce type d’épreuves.
Toutefois, l’importance de cette supériorité est
variable d’une épreuve à l’autre. Elle est parti-
culièrement marquée dans les épreuves chro-
nométrées de rotation mentale (Voyer, 2011).
Enn, plusieurs chercheurs se sont intéressés
aux différences entre les garçons et les lles
aux épreuves de vitesse de traitement. Camara
et Woodcock (2006) et Roivainen (2011) ont
mis en évidence une très nette supériorité des
lles dans ces épreuves. Ces mêmes auteurs
ont souligné qu’une même supériorité est
observée en lecture et en écriture. Roivainen
avance l’hypothèse que la supériorité des lles
dans ces deux derniers domaines pourrait
expliquer leur supériorité dans les épreuves
de vitesse de traitement. L’hypothèse inverse
est toutefois aussi plausible et le lien de
causalité n’a pas pu être prouvé. Il est plus
vraisemblable qu’une compétence commune
intervienne dans l’écriture et les épreuves de
vitesse de traitement et permette d’expliquer
les différences observées dans les deux types
d’activités. Il pourrait s’agir de la motricité ne,
compétence où les lles sont généralement
meilleures (Peyre et al., 2019). Pour notre part
(Grégoire, 2009, 2019), nous avons avancé
l’hypothèse que cette différence pourrait être
due à un meilleur contrôle attentionnel chez
les lles que chez les garçons. Les épreuves de
vitesse de traitement, en particulier, celle de
Code, sont en effet les moins bien réussies par
les enfants souffrant de troubles de l’attention
et de la concentration (Schwean & Saklofske,
2005 ; Mayes & Calhoun, 2006). Or, les études
épidémiologiques montrent que le décit de
l’attention et l’hyperactivité sont plus fréquents
chez les garçons que chez les lles, le taux de
prévalence étant de 2/1 (American Psychiatric
Association, 2015).
J. GréGoire
4 A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020
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La publication du WISC-V français, étalonné
sur la base d’un échantillon représentatif de
la population française de six à 16 ans, offre
une belle opportunité de tester les hypo-
thèses présentées ci-dessus à propos des
différences intellectuelles entre les hommes
et les femmes. Comme nous disposons des
données récoltées lors de la normalisation
des trois précédentes versions de l’échelle de
Wechsler pour les enfants (WISC-R, WISC-III
et WISC-IV), nous avons jugé intéressant de
les inclure dans cette étude, ce qui permet
de couvrir une période de 35 ans. Il est ainsi
possible de mettre en évidence de possibles
évolutions des différences sur une période
durant laquelle l’éducation des lles et la
place de la femme dans la société ont connu
d’importantes transformations. Sur la base
des données des échantillons d’étalonnage
des quatre échelles d’intelligence de Wechsler
pour les enfants, nous pourrons examiner
l’évolution des différences entre les garçons
et les lles du point de vue de l’intelligence
générale et des différentes facettes de l’intelli-
gence mesurées par les indices et les subtests.
Nous analyserons également les différences
de variabilité des performances des garçons
et des lles pour le QI et les cinq indices du
WISC-V. Enn, sur la base des données de ce
dernier test, nous vérierons si les différences
entre lles et garçons diffèrent en fonction des
groupes d’âge.
Méthode
Tests
Les échelles de Wechsler sont une source
particulièrement intéressante d’informations
pour étudier les différences intellectuelles
entre les garçons et les lles. Elles procurent
non seulement une mesure globale de l’intel-
ligence sous la forme d’un QI, mais aussi des
mesures de plusieurs facettes de l’intelligence
qui nous permettent d’examiner certaines
compétences intellectuelles susceptibles de
fonctionner de manière différenciée en fonc-
tion du sexe des individus. Un autre avantage
des tests de Wechsler est la qualité de leur
construction. Les subtests et échelles compo-
sites (QI et Indices) ont toujours été élaborés
avec soin et procurent des mesures dont la
validité et la délité sont démontrées. Peu
de tests d’intelligence possèdent des qualités
métriques du niveau des échelles de Wechsler.
Depuis leur création en 1939, les échelles
de Wechsler ont évolué lentement. Plusieurs
subtests présents dans la version initiale se
retrouvent dans toutes les versions ultérieures.
Dans certains cas, les items n’ont guère chan-
gé, comme dans les subtests de Code ou de
Cubes. Dans d’autres cas, comme pour les
subtests de Vocabulaire ou d’Arithmétiques,
les items ont été largement modiés pour
prendre en compte les évolutions sociales et
culturelles. Dans ce cas, les constructeurs des
échelles ont veillé à garantir une continuité
du point de vue de la nature des tâches et
de leur difculté. Cette relative stabilité des
subtests et des scores composites permet de
comparer les performances des cohortes au
cours du temps et d’étudier les différences
de résultats des garçons et des lles sur une
longue période.
Dans cet article, les données d’étalonnage aux
quatre échelles de Wechsler pour les enfants
qui se sont succédé sur une période de
35 ans ont été utilisées pour nos analyses. Ces
quatre échelles sont les adaptations françaises
des échelles américaines correspondantes. Il
s’agit des :
Wechsler Scale for Children-Revised (WISC-R),
publiée en France en 1981. Elle comprend
11 subtests permettant d’obtenir pour chacun
une note standardisée. Sur cette base, trois
notes composites sont calculées : un QI Total,
un QI Verbal et un QI de Performance.
Wechsler Scale for Children-3rd Edition (WISC-
III), publiée en France en 1996. Elle comprend
13 subtests sur la base desquels un QI Total,
un QI Verbal et un QI de Performance peuvent
être calculés. Comme alternative à ces deux
derniers QI, il est possible de calculer trois
Indices dont la composition est plus homo-
gène : Compréhension verbale, Organisation
perceptive et Vitesse de traitement.
Wechsler Scale for Children-4th Edition
(WISC-IV), publiée en France en 2005. Elle
comprend 13 subtests qui, en plus du tradi-
tionnel QI Total, permettent de calculer quatre
Indices : Compréhension verbale, Raisonne-
ment perceptif, Mémoire de travail et Vitesse
de traitement.
Wechsler Scale for Children-5th Edition
(WISC-V), publiée en France en 2016. Elle
comprend 15 subtests permettant de cal-
culer un QI Total et cinq indices corres-
pondant à cinq facteurs de second niveau
dans le modèle de Cattell-Horn-Carroll (CHC
; McGrew, 2009) : Compréhension verbale,
Visuospatial, Raisonnement uide, Mémoire de
travail et Vitesse de traitement.
D’une version du WISC à l’autre, le QI Total
est calculé à partir des résultats à un ensemble
variable de subtests. Cette variation n’em-
pêche toutefois pas de pouvoir comparer les
QI obtenus avec les différentes versions du
test. Dès le moment les épreuves utilisées
pour calculer le QI sont sufsamment nom-
breuses et variées, les estimations du QI sont
généralement proches et bien corrélées (Gré-
Les différences intellectuelles entre garçons et lles,
35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
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goire, 2019). La situation est, par contre, diffé-
rente dans le cas des indices qui sont calculés
sur la base d’un petit nombre d’épreuves.
Lorsque ces épreuves sont trop différentes,
les Indices ne sont pas comparables d’un
test à l’autre. C’est le cas des Indices Orga-
nisation perceptive (WISC-III), Raisonnement
perceptif (WISC-IV) et Visuospatial (WISC-V)
dont les noms laissent penser qu’il s’agit de
synonymes, alors que ces scores composites
recouvrent de compétences cognitives sen-
siblement différentes. Par conséquent, dans
cette étude, nous avons choisi de ne com-
parer que les scores comparables d’un test à
l’autre, en l’occurrence, le QI Total, les Indices
Compréhension verbale et Vitesse de Traite-
ment et un certain nombre de subtests dont
les caractéristiques générales n’ont guère
changé (Vocabulaire, Similitudes, Compréhen-
sion, Information, Arithmétique, Mémoire de
chiffres, Séquences Lettre-Chiffres, Code et
Symboles). Dans le cas du WISC-R, seules les
notes composites sont encore disponibles.
Nous n’avons dès lors pas pu inclure les notes
aux subtests de cette échelle dans nos ana-
lyses.
Données d’étalonnage
Les analyses ont été réalisées sur la base des
données des étalonnages français des quatre
échelles de Wechsler mentionnées plus haut.
La date de parution, la taille des échantillons
d’étalonnage et l’étendue des âges inclus sont
mentionnées dans le tableau 1. Dans tous les
cas, il s’agit d’un échantillonnage aléatoire
stratié. Les différentes strates et leur taille
ont, à chaque fois, été déterminées sur la base
du recensement général de la population fran-
çaise le plus récent. Les strates tiennent tou-
jours compte de l’âge, du sexe et de la zone
géographique du domicile. Pour le WISC-R, le
WISC-III et le WISC-IV, la catégorie sociopro-
fessionnelle du chef de famille a également
été prise en compte. Pour la WISC-V, cette
variable a été remplacée par le niveau d’étude
des parents. Au vu des variables prises en
compte et du soin pris pour constituer les
échantillons, nous pouvons considérer que
les échantillons d’étalonnage des différentes
versions du WISC nous offrent une bonne
représentation de la population française de
six à 16 ans.
Analyses et résultats
Le tableau 2 présente les QI moyens des gar-
çons et des lles de six à 16 ans aux quatre
versions du WISC analysées. Nous pouvons
constater qu’à la version la plus ancienne,
le WISC-R, le QI moyen des garçons est
signicativement différent de celui des lles
(p < .01). Le même phénomène est observé
au WISC-III, mais le seuil de signication
n’est plus que de « .05 ». À partir du WISC-
IV, les différences entre les deux groupes ne
sont plus statistiquement signicatives. Il est
important de souligner que, même lorsque les
différences sont signicatives, leur ampleur
reste assez réduite. Pour pouvoir apprécier
cette ampleur, nous avons calculé à chaque
fois le d de Cohen qui consiste à diviser la
différence observée par l’écart-type moyen
des deux groupes comparés. Nous pouvons
ainsi constater que la différence la plus élevée
observée au WISC-R correspond à un d de
0,19. En d’autres termes, cette différence est
légèrement inférieure à un cinquième d’écart-
type. Selon Cohen (1988), un d de 0,20 peut
être considéré comme de petite taille.
Le tableau 3 présente les comparaisons des
scores des lles et des garçons aux trois
échelles de Wechsler (WISC-III, WISC-IV et
WISC-V) pour lesquelles nous disposons des
données détaillées. Ces comparaisons ont été
faites pour les Indices et les subtests compa-
rables entre les trois tests.
Au WISC-III, les garçons obtiennent des résul-
tats supérieurs à ceux des lles à lindice
Compréhension verbale et à trois des quatre
subtests qui font partie de cet Indice (Voca-
bulaire, Compréhension et Information). Dans
le modèle CHC de l’intelligence, cet indice
et ces subtests sont des mesures typiques de
Tableau 1. Étalonnage français des différentes versions du WISC.
Tableau 2. QI moyen des garçons et des lles aux différentes versions du
WISC
Nom Date
de parution
Taille des échantillons
d’étalonnage Étendue d’âges
WISC-R 1981 1 066 6 ans 6 mois à 16 ans 6 mois
WISC-III 1996 1 120 6 ans 6 mois à 16 ans 6 mois
WISC-IV 2005 1 103 6 ans à 16 ans 11 mois
WISC-V 2014 1 049 6 ans à 16 ans 11 mois
Garçons Filles Différence d
WISC-R Moyenne 101,21 98,48 2,73** 0,19
Écart- type 15,25 15,23
N 533 533
WISC-III Moyenne 101,08 98,99 2,09* 0,14
Écart-type 14,59 15,43
N 548 572
WISC-IV Moyenne 99,21 100,78 -1,57 0,10
Écart-type 15,41 14,63
N 554 549
WISC-V Moyenne 99,64 100,47 -0,83 0,06
Écart-type 14,60 14,55
N 517 532
Note : ** = p < .01 et * = p < .05
J. GréGoire
6 A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020
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l’intelligence cristallisée (Gc) qui est largement
tributaire de l’éducation et de l’acquisition
du langage. Les résultats des garçons sont
également supérieurs au subtest Cubes, qui
est une mesure classique de l’intelligence
visuospatiale (Gv), et au subtest Arithmétique.
La nature de ce que mesure ce dernier subtest
est largement discutée (Grégoire, 2019). Au
cours de l’histoire des échelles de Wechsler,
ce subtest a été inclus dans divers scores
composites. Il implique en effet un ensemble
de capacités cognitives dont le poids a varié
d’une version à l’autre. Les principales capa-
cités qui sous-tendent les performances à
ce subtest sont la compréhension verbale,
les connaissances arithmétiques, le contrôle
attentionnel et la résolution de problème.
Toujours au WISC-III, les lles sont nette-
ment supérieures aux garçons à l’Indice
Vitesse de traitement (Gs dans le modèle
CHC). La différence atteint près d’un écart
type, ce qui est très élevé. Cette différence
s’observe aux deux subtests qui composent
cet indice. Elle est toutefois beaucoup plus
importante au subtest Code (0,38 écart-type)
qu’au subtest Symboles (0,17 écart-type). Ces
deux épreuves mesurent la vitesse d’analyse
visuelle, le contrôle attentionnel, la mémoire
associative et la vitesse graphomotrice. Ces
deux dernières capacités jouent toutefois un
rôle plus important en Code qu’en Symboles.
Au WISC-IV, les résultats supérieurs des gar-
çons disparaissent largement, à l’exception
de ceux aux subtests Information et Arithmé-
tique les différences restent signicatives
et d’ampleur modérée. Par contre, les per-
formances des lles sont signicativement
supérieures à celles des garçons au nouveau
subtest Matrices qui est une épreuve classique
d’intelligence uide (Gf). Les lles sont égale-
ment très supérieures aux garçons à l’Indice
Vitesse de traitement. Leurs performances
sont les meilleures à l’épreuve de Code. Elles
sont également signicativement supérieures
à celles des garçons au subtest Symboles et
Barrage, mais avec une ampleur moindre.
Barrage est un nouveau subtest introduit dans
le WISC-IV qui fait appel à la vitesse d’analyse
perceptive et demande un grand contrôle
attentionnel.
Au WISC-V, les garçons ne présentent des
performances signicativement supérieures
à celles des lles qu’à deux épreuves de rai-
sonnement uide : Balances et Arithmétique.
Ces subtests demandent de résoudre des
problèmes qui, tous les deux, font appel à
des connaissances numériques. Les lles sont
signicativement supérieures aux garçons
aux subtests Compréhension et Mémoire des
images. Comme dans les versions précédentes
du WISC, elles réalisent des performances très
supérieures à celles des garçons à l’Indice
Vitesse de traitement. Cette supériorité se
retrouve aux trois subtests qui composent cet
Indice avec, comme précédemment, un avan-
tage toujours plus marqué au subtest Code.
Il est intéressant d’observer qu’aux trois ver-
sions du WISC que nous venons d’analyser,
les performances des garçons et des lles sont
quasi identiques aux subtests Similitudes et
Mémoire de chiffres.
Pour tester l’hypothèse de Feingold (1992)
d’une inégalité des variances des scores des
lles et des garçons, nous avons comparé
la variance de leurs scores au QI et aux six
Indices du WISC-V à l’aide du test de Levene.
Les résultats de cette analyse sont présentés
dans le tableau 4. On peut constater que,
contrairement à l’hypothèse de Feingold, la
variance des QI des garçons et des lles est
quasi identique. Pour ce qui concerne les
Indices, les différences de variance restent
faibles et n’atteignent le seuil de signication
de « .05 » que dans le cas de l’Indice Visuos-
patial la variance des scores des garçons
est supérieure à celle des lles. Même si cette
différence de variance est statistiquement
signicative et va dans le sens de l’hypothèse
de Feingold d’une plus grande étendue des
scores des garçons, elle est d’ampleur réduite
et sans implication pratique.
Pour tester l’hypothèse de Lynn (1994) d’une
modication avec l’âge des différences de
performances intellectuelles en fonction du
sexe, nous avons examiné l’évolution des
différences de scores des lles et des gar-
çons au QI et aux cinq Indices au travers des
11 groupes d’âge de l’échantillon d’étalon-
Tableau 3. Différence entre les scores moyens des garçons et des lles aux
Indices et aux subtests des différentes versions du WISC.
WISC-V WISC-IV WISC-III
Indice Compréhension verbale
Similitudes
Vocabulaire
Compréhension
Information
-0,83
-0,02
-0,11
-0,45*
0,30
0,05
-0,10
0,21
-0,07
0,74**
2,35**
0,11
0,44*
0,36*
0,68**
Indice Visuospatial
Cubes
Puzzles visuels
0,55
-0,03
0,20
-
0,34
-
-
0,41*
-
Indice Raisonnement uide
Matrices
Balances
Arithmétique
1,08
-0,15
0,52**
0,41*
-
-0,44*
-
0,78**
-
-
-
0,55**
Indice Mémoire de travail
Mémoire de chiffres
Mémoire des images
Séquences lettres-chiffres
-1,61
0,00
-0,57**
-0,34
-
-0,02
-
-0,34
-
-0,02
-
-0,13
Indice Vitesse de traitement
Code
Symboles
Barrage
-4,33**
-0,98**
-0,56**
-0,38*
-4,52**
-1,22**
-0,40*
-0,43*
-4,69**
-1,13**
-0,51**
-
Notes : Les valeurs négatives indiquent un score moyen des lles supérieur à celui des garçons ; ** = p < .01 et
* = p < .05.
Les différences intellectuelles entre garçons et lles,
35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020 7
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nage du WISC-V. Les résultats de cette ana-
lyse sont présentés dans le tableau 5. Pour
ce qui concerne le QI, les différences sont
de faible amplitude et n’atteignent le seuil
de signication de « .05 » qu’à 13 ans, où
les performances des lles sont supérieures
à celles des garçons d’un peu plus d’un tiers
d’écart-type. Aucun des résultats observés
ne conrme l’hypothèse de Lynn d’une diffé-
rence qui changerait de sens et deviendrait à
l’avantage des garçons vers 15-16 ans. Pour
ce qui concerne les indices, aucune différence
signicative entre les lles et les garçons n’est
observée dans les 11 groupes d’âge pour les
Indices Compréhension verbale, Visuospatial et
Mémoire de travail. Une différence signica-
tive (.05) à l’avantage des garçons est obser-
vée pour l’Indice Raisonnement uide à l’âge
de 10 ans. Mais il s’agit d’une différence isolée
sans signication développementale appa-
rente. Par contre, une évolution très nette est
observée en fonction de l’âge entre les scores
des lles et ceux des garçons à l’Indice Vitesse
de traitement. Jusqu’à l’âge de neuf ans, les
différences en fonction du sexe sont de faible
amplitude et non signicatives. À partir de
10 ans, la taille de cette différence va crois-
sante. Elle atteint le seuil de signication de
« .05 » à 10 ans et celui de « .01 » à 13 ans.
Des variations aléatoires sont observées d’un
âge à l’autre, mais la tendance est claire : les
lles manifestent des performances nettement
supérieures à celles des garçons à partir de
10 ans à l’Indice Vitesse de traitement. Cette
supériorité s’accentue jusqu’à l’âge de 16 ans.
Une telle courbe d’évolution des différences
à l’Indice Vitesse de traitement est à l’opposé
de celle attendue sur la base de l’hypothèse
de Lynn.
Discussion
Entre le WISC-R (1981) et le WISC-V (2014),
nous pouvons constater que la différence de
QI moyenne entre les garçons et les lles a
totalement disparu. Cette évolution n’a rien
d’étonnant puisque l’absence de différence
entre le QI moyen des hommes et des femmes
est un constat fait de longue date dans les
pays développés. Le phénomène étonnant
est l’existence de différences statistiquement
signicatives au sein des échantillons d’éta-
lonnage français les plus anciens, ceux du
WISC-R et du WISC-III. Ces différences sont
certes de petite taille (d = 0,19 et 0,14),
mais elles sont bien réelles. Nous ne dis-
posons malheureusement plus des résultats
aux subtests de l’échantillon d’étalonnage du
WISC-R pour mieux comprendre la source des
meilleures performances des garçons. Pour
ce qui concerne le WISC-III, nous pouvons
constater que les garçons présentent des
performances supérieures dans trois épreuves
d’intelligence verbale (Information, Vocabu-
laire et Compréhension), dans trois épreuves
d’intelligence visuospatiale (Cubes, Complè-
tement d’images et Assemblages d’objets)
et à l’épreuve d’Arithmétique. Ces bonnes
performances des garçons sont partiellement
compensées par les performances supérieures
des lles dans deux épreuves de vitesse de
traitement (Code et Symboles). L’avantage
des garçons dans les épreuves visuospatiales
et d’arithmétique n’est guère étonnant, car
leur supériorité dans ces deux domaines a été
régulièrement observée dans le passé. Par
contre, les meilleures performances des gar-
çons dans trois épreuves verbales du WISC-III
sont surprenantes, car les lles ont toujours
eu la réputation d’être meilleures dans ce
domaine. Nous pouvons avancer l’hypothèse
que cette différence est liée à des particulari-
tés du système éducatif français. Quoiqu’il en
soit, la supériorité des garçons aux subtests
Vocabulaire et Compréhension disparaît au
WISC-IV et au WISC-V. Et leur supériorité au
subtest Information persiste au WISC-IV pour
nalement disparaître au WISC-V. Quant à
la supériorité des garçons au subtest Cubes,
Tableau 4. Différence de la variance des scores composites
du WISC-V pour les garçons et les lles.
Tableau 5. Différences entre les garçons et les lles des scores composites du
WISC-V pour les onze groupes d’âge de l’échantillon d’étalonnage.
Test de Levene
Écarts-types F p
Indice Compréhension verbale G = 14,798
F = 14,212 0,610 0,44
Indice Visuospatial G = 15,418
F = 14,223 3,834 0,05
Indice Raisonnement uide G = 15,233
F = 14,528 1,201 0,27
Indice Mémoire de travail G = 13,853
F = 14,874 2,794 0,10
Indice Vitesse de traitement G = 13,539
F = 14,354 0,846 0,36
QI Total G = 14,603
F = 14,551 0,004 0,951
QIT ICV IVS IRF IMT IVT
6 ans 2,24 3,82 3,03 1,62 1,94 2,03
7 ans -0,40 -2,82 -1,61 2,19 -1,95 -1,42
8 ans 3,18 2,10 4,58 4,90 -1,04 0,50
9 ans -2,10 -3,86 -0,32 -0,45 0,60 -3,73
10 ans 3,60 2,39 5,67 6,29* 1,35 -6,21*
11 ans -1,47 0,91 -1,60 0,24 -4,70 -4,51
12 ans -0,03 0,25 4,46 2,32 -0,60 -5,22
13 ans -5,94* -4,55 -3,85 -3,23 -5,00 -9,23**
14 ans -1,96 1,06 -2,59 -1,40 -2,98 -8,27**
15 ans -3,44 -0,79 -3,85 -2,58 -4,28 -4,66
16 ans -4,38 -4,46 1,36 0,65 -1,86 -8,50**
Note : * p < .05 ; ** p < .001
J. GréGoire
8 A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020
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elle disparaît dès le WISC-IV. Les deux autres
subtests mesurant l’intelligence visuospatiale
ont été remplacés par le subtest Puzzles dans
le WISC-V, la différence entre les garçons
et les lles est nulle. La seule supériorité per-
sistante des garçons au travers des différentes
versions du WISC est observée au subtest
Arithmétique. Bien que statistiquement signi-
cative, la taille des différences à cette épreuve
est petite (d = 0,14 au WISC-V).
L’absence de différence entre le QI moyen
des lles et des garçons s’accompagne d’une
distribution des QI dont la variance est iden-
tique pour les deux sexes. Les données de
l’étalonnage français du WISC-V ne conrme
donc pas l’hypothèse de Feingold (1992)
d’un aplatissement plus important de la dis-
tribution des QI des garçons. Ces mêmes
données d’étalonnage n’ont pas permis non
plus de conrmer l’hypothèse de Lynn (1994)
d’une différence de QI entre les lles et les
garçons qui n’apparaîtrait que vers 15-16 ans
et qui serait alors à l’avantage des garçons.
Les différences observées au WISC-V à 15 et
16 ans sont à l’avantage des lles, mais elles
ne sont pas statistiquement signicatives. La
seule différence observée qui soit statistique-
ment signicative concerne l’Indice Vitesse
de traitement. Elle est de grande ampleur
(d = 0,56) et est à l’avantage des lles.
Si au niveau de la mesure globale de l’in-
telligence, les différences entre lles et gar-
çons ont disparu, la situation est quelque
peu différente pour les grandes facettes de
l’intelligence situées au second niveau du
modèle hiérarchique de Carroll. Au WISC-V,
les indices Compréhension verbale, Visuospa-
tial, Raisonnement uide et Mémoire de travail,
mesurant respectivement Gc, Gv, Gf et Gsm,
ne présentent aucune différence signicative
en fonction du sexe. Des différences signi-
catives, mais de faible ampleur, sont toutefois
observées en faveur des garçons dans deux
épreuves, Balances (d = 0,17) et Arithmétique
(d = 0,14), faisant appel à des compétences
numériques. Et des différences signicatives
en faveur des lles sont observées en Compré-
hension (d = 0,15) et en Mémoire des images
(d = 0,19).
Le phénomène le plus marquant à ce niveau
d’analyse est la différence en faveur des lles
à l’Indice Vitesse de traitement qui est une
mesure de Gs. Cette différence est d’ampleur
modérée (d = 0,29). Les lles sont signicati-
vement meilleures à tous les subtests qui font
partie de cet indice, particulièrement en Code.
Cet avantage des lles dans les épreuves de
vitesse de traitement a été également obser-
vé dans les versions précédentes du WISC,
ce qui rend ce phénomène très robuste.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer les
performances supérieures des lles en vitesse
de traitement. Elles pourraient découler de
meilleures compétences en lecture qui favori-
seraient un traitement plus rapide des stimuli
visuels. Elles pourraient aussi provenir d’une
motricité ne plus précise et d’une meilleure
coordination oculomotrice. Elles pourraient
enn être la conséquence d’un contrôle atten-
tionnel plus efcace. À ce stade, aucun de ces
facteurs ne peut être écarté. Il n’est pas exclu
que les performances supérieures des lles
aux épreuves de vitesse de traitement soient
déterminées par une combinaison de ces dif-
férents facteurs.
Conclusion
Sur la base de l’analyse des données d’éta-
lonnage du WISC-V et des trois versions
précédentes de cette échelle d’intelligence,
nous pouvons constater que les différences
de performances aux épreuves intellectuelles
entre les lles et les garçons se sont largement
estompées au cours du temps. Aujourd’hui,
nous n’observons plus de différence en fonc-
tion du genre, non seulement au niveau du QI,
mais aussi au niveau des principales facettes
de l’intelligence. Les données d’étalonnage
du WISC-V ne conrment pas les stéréotypes
selon lesquels les lles seraient meilleures
dans les tâches verbales et les garçons dans
les tâches visuospatiales. Quelques différences
statistiquement signicatives subsistent, mais
elles sont généralement d’ampleur réduite,
sans implication pratique. La seule différence
de taille plus importante est à l’avantage
des lles. Elle concerne les performances
dans les tâches de vitesse de traitement qui
demandent un important contrôle de l’at-
tention et de la coordination oculomotrice.
Cette différence peut expliquer, en partie, le
comportement scolaire plus appliqué des lles
et leurs performances scolaires supérieures
à celles des garçons à l’adolescence et au
début de l’âge adulte. En dehors de cette dif-
férence, les données d’étalonnage du WISC-V
ne mettent en évidence aucune prédisposi-
tion intellectuelle particulière aux lles ou aux
garçons pour certains apprentissages ni pour
certaines lières de formation.
Les différences intellectuelles entre garçons et lles,
35 ans d’évolution du WISC-R au WISC-V
A.N.A.E. N° 169 DÉCEMBRE 2020 9
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Thesis
Full-text available
En l’état actuel des connaissances et du relatif consensus international, l’identification du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) passe par la réalisation d’un bilan psychologique et la passation d’un test d’intelligence approuvé conduisant à l’obtention d’un score général de QI égal ou supérieur à 130, ce qui correspond à environ 2.3% de la population. Tandis que près de 370000 jeunes de moins de 20 ans seraient concernés en France, et alors que la littérature scientifique tend à montrer que les enfants et adolescents à haut potentiel intellectuel (EHPI) ne semblent pas éprouver davantage de difficultés que leurs pairs tout-venants, leur identification, résultant pour le plus grand nombre de consultations psychologiques ou psychiatriques, serait la conséquence de problématiques s’inscrivant dans le domaine scolaire ou familial. Les principaux travaux de recherche à ce sujet, principalement menés en psychologie, se sont cantonnés pour nombre d’entre eux au domaine scolaire. Mais qu’en est-il de leur évolution dans l’univers extrascolaire, et plus précisément au regard de leur pratique physique et sportive ? Notre principale ambition de recherche a été d’interroger, au prisme de la sociologie, le parcours d’Activités Physiques Sportives (APS) suivi par ces enfants et adolescents identifiés à HPI tout en tenant compte de leurs possibles singularités. Cette question centrale s’est vue enrichie par la mise en lumière du cheminement parental conduisant à l’identification de leur(s) enfant(s), de sa prise en compte, ainsi que des répercussions personnelles et interpersonnelles en découlant. Pour ce faire, nous avons engagé une démarche de recherche mixte permettant la convergence de données quantitatives et qualitatives. Alors que les données récoltées à l’aide d’un questionnaire, renseigné par les parents de 513 enfants de moins de 20 ans identifiés à HPI, nous ont permis de dresser un état des lieux de l’univers physique et sportif de ces derniers, l’analyse discursive issue de 22 entretiens menés auprès de parents concernés est venue préciser, discuter et enrichir ces résultats statistiques tout en faisant émerger des problématiques, tant enfantines que parentales, s’inscrivant dans l’itinéraire de vie de ces familles. Parmi les divers éclairages, nombreux et variés, que cette étude peut apporter, l’un des apports remarquables réside dans le fait que les enfants et adolescents identifiés à HPI, notamment les filles, sont très engagés dans la pratique d’APS, surtout lorsque celles-ci sont individuelles et encadrées. Mots-clés : enfant, adolescent, haut potentiel intellectuel, intelligence, surdoué, identification, activité physique et sportive, sport.
Book
L’échelle d’intelligence de Wechsler pour les enfants (WISC) est aujourd'hui le test d'intelligence le plus largement utilisé par les psychologues francophones. Le professeur Jacques Grégoire a été le premier à proposer un ouvrage de base en français consacré à ce test, rapidement devenu une référence utilisée par les formateurs et les praticiens. Le présent ouvrage est consacré à la nouvelle version de ce test, le WISC-V. L’auteur a été membre du comité scientifique américain qui a supervisé le développement du WISC-V. Il a également été associé à l'adaptation française de ce test, qu’il utilise dans sa propre pratique clinique. Son livre présente une méthode rigoureuse d'interprétation des résultats au WISC-V. Cette méthode s’appuie sur une connaissance approfondie des bases théoriques et des propriétés métriques des scores obtenus à ce test. Elle permet aux praticiens d’assurer pleinement leur rôle d’interprètes des résultats et de tirer un maximum d’informations pertinentes et utiles des protocoles de WISC-V.
Chapter
This chapter describes current theories and research that informs the psychologist who plays a central role in the initial diagnosis and subsequent assessments of children with attention deficit hyperactive disorder (ADHD). Knowing the overall cognitive ability of a child with ADHD is of relevance in planning behavioral and educational programming. Current theories described in this chapter have, for example, also implicated the significance of working memory impairments in ADHD. The Wechsler Intelligence Scale for Children-Fourth Edition (WISC-IV) also has considerable clinical value for monitoring cognitive changes of paramount importance in determining the efficacy of medical, psychological, and educational programs. Intelligence testing plays an integral role in the assessment process. Intelligence tests like the Wechsler scales are not sufficiently sensitive to be used exclusively in making a diagnosis of ADHD or for discrimination among the various subtypes of ADHD. Clinical and educational needs may require a reexamination of a child's ability in a short span of time to confirm the first test results or to ensure an accurate diagnosis.
Article
Contemporary research on sex differences in intellectual abilities has focused on male-female differences in average performance, implicitly assuming homogeneity of variance. To examine the validity of that assumption, this article examined sex differences in variability on the national norms of several standardized test batteries. Males were consistently more variable than females in quantitative reasoning, spatial visualization, spelling, and general knowledge. Because these sex differences in variability were coupled with corresponding sex differences in means, it was demonstrated that sex differences in variability and sex differences in central tendency have to be considered together to form correct conclusions about the magnitude of cognitive gender differences.
Article
Sex differences in cognitive abilities, particularly at the extremes of ability distributions, have important implications for the participation of men and women in highly valued and technical career fields. Although negligible mean differences have been found in many domains, differences in variability and high ratios of males to females in the tails of the ability distribution have been found in a number of studies and across domains. A few studies have also observed trends over time, with some noting the decreasing ratios of boys to girls in the highest levels of mathematics test performance. In this study, sex differences in means, variances, and ratios were evaluated in four cohorts (1984, 1992, 2000, and 2011) in verbal, quantitative, and nonverbal/figural reasoning domains as measured by the Cognitive Abilities Test. Samples included US students in grades 3–11. Overall, the results were consistent with previous research, showing small mean differences in the three domains, but considerably greater variability for males. The most surprising finding was that, contrary to related research, the ratio of males to females in the upper tail of the quantitative reasoning distribution seemed to increase over time. Explanations for this finding are explored.
Article
A review of recent large-scale studies on gender differences in processing speed and on the cognitive factors assumed to affect processing speed was performed. It was found that females have an advantage in processing speed tasks involving digits and alphabets as well as in rapid naming tasks while males are faster on reaction time tests and finger tapping. Females also outperform males in reading and writing skills. However, no significant gender differences were found in general, crystallized (verbal) or fluid (nonverbal) intelligence, nor in the more narrow skills measured by individual subtests of common IQ tests, nor in short-term memory or inspection time. It is concluded that gender differences in reading and writing fluency may have a significant effect on gender differences in processing speed tasks. Following Lynn and Mikk (2009), it is suggested that female superiority in reading and writing skills may be partly based on their deeper engagement in language related activities at school and at home. Male superiority in reaction time and finger tapping tests is most likely based on other factors. The results of the study support the theory of several speed abilities as opposed to a general processing speed ability.
Article
The idea that general intelligence may be more variable in males than in females has a long history. In recent years it has been presented as a reason that there is little, if any, mean sex difference in general intelligence, yet males tend to be overrepresented at both the top and bottom ends of its overall, presumably normal, distribution. Clear analysis of the actual distribution of general intelligence based on large and appropriately population-representative samples is rare, however. Using two population-wide surveys of general intelligence in 11-year-olds in Scotland, we showed that there were substantial departures from normality in the distribution, with less variability in the higher range than in the lower. Despite mean IQ-scale scores of 100, modal scores were about 105. Even above modal level, males showed more variability than females. This is consistent with a model of the population distribution of general intelligence as a mixture of two essentially normal distributions, one reflecting normal variation in general intelligence and one refecting normal variation in effects of genetic and environmental conditions involving mental retardation. Though present at the high end of the distribution, sex differences in variability did not appear to account for sex differences in high-level achievement. © 2008 Association for Psychological Science.