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Criminologie
Perceptions des pratiques en matière d’audition de suspects
Une évaluation auprès des agents des douanes françaises
Perceptions of practices regarding suspects interview
Interviewing practices of French customs agents
Percepciones de las prácticas de audición de sospechosos
Una evaluación de los agentes a aduanas francesas
Mathilde Noc et Magali Ginet
Enquête policière et techniques d’enquête : un regard scientifique
Volume 53, numéro 2, automne 2020
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1074195ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1074195ar
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Éditeur(s)
Les Presses de l’Université de Montréal
ISSN
0316-0041 (imprimé)
1492-1367 (numérique)
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Citer cet article
Noc, M. & Ginet, M. (2020). Perceptions des pratiques en matière d’audition de
suspects : une évaluation auprès des agents des douanes françaises.
Criminologie, 53 (2), 255–287. https://doi.org/10.7202/1074195ar
Résumé de l'article
Le principal objectif de cette étude était d’évaluer les perceptions d’agents des
douanes françaises en matière d’audition de suspects. Étant donné le peu de
formation théorique existant en France, il était attendu que ces agents
déclarent utiliser des méthodes considérées comme néfastes, dans la littérature
scientifique, pour le déroulement et l’efficacité de la conduite d’auditions.
Soixante-quatorze agents des douanes ont répondu à un questionnaire les
invitant à évaluer l’usage, dans leur pratique, de méthodes d’audition de
suspects, certaines étant considérées comme bénéfiques et d’autres, néfastes.
Conformément à nos attentes, les résultats ont indiqué que les agents des
douanes déclaraient utiliser certaines méthodes bénéfiques pour le
déroulement de l’audition, mais aussi néfastes, telles que l’usage privilégié
d’un questionnement fermé, la maximisation, la pression, etc. Les niveaux
d’expérience et de présomption de culpabilité avaient également un impact sur
les méthodes utilisées. L’analyse du questionnement a permis de montrer que
les questions dirigées étaient largement utilisées. Des préconisations en termes
de formation professionnelle sont formulées.
Perceptions des pratiques en matière
d’audition de suspects
Une évaluation auprès des agents des douanes
françaises
Mathilde Noc1
Doctorante en psychologie
Université Clermont Auvergne
CNRS, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive, France
Mathildenoc.psychologue@gmail.com
Magali Ginet
Professeures des Universités
Université Clermont Auvergne
CNRS, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive, France
magali.ginet@uca.fr
RÉSUMÉ • Le principal objectif de cette étude était d’évaluer les perceptions d’agents
des douanes françaises en matière d’audition de suspects. Étant donné le peu de for-
mation théorique existant en France, il était attendu que ces agents déclarent utiliser
des méthodes considérées comme néfastes, dans la littérature scientifique, pour le
déroulement et l’efficacité de la conduite d’auditions. Soixante-quatorze agents des
douanes ont répondu à un questionnaire les invitant à évaluer l’usage, dans leur pra-
tique, de méthodes d’audition de suspects, certaines étant considérées comme béné-
fiques et d’autres, néfastes. Conformément à nos attentes, les résultats ont indiqué
que les agents des douanes déclaraient utiliser certaines méthodes bénéfiques pour le
déroulement de l’audition, mais aussi néfastes, telles que l’usage privilégié d’un ques-
tionnement fermé, la maximisation, la pression, etc. Les niveaux d’expérience et de
présomption de culpabilité avaient également un impact sur les méthodes utilisées.
L’analyse du questionnement a permis de montrer que les questions dirigées étaient
largement utilisées. Des préconisations en termes de formation professionnelle sont
formulées.
MOTS CLÉS • Conduites autorapportées, enquêteurs, douanes, audition de suspects.
1. Université Clermont Auvergne, 34, avenue Carnot, 63000 Clermont-Ferrand,
France.
Criminologie, vol. 53, no 2 (2020)
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criminologie, vol. 53 no 2
Introduction
Depuis les années 1990, les scientifiques ont mené une réflexion critique
sur les pratiques coercitives d’audition de suspects (Wakefield et
Underwager, 1998 ; White, 2003). La menace et l’intimidation physique
du suspect, la minimisation ou la maximisation des conséquences
judiciaires de l’acte, la prétention de posséder des preuves incriminantes,
la confrontation directe constituent autant d’exemples de ces méthodes
potentiellement problématiques (Klaver, Gordon et Lee, 2003 ; Powell,
Fisher et Wright, 2005). En effet, ces dernières posent des questions
éthiques, notamment en ce qui concerne l’augmentation du risque
d’apparition de faux aveux auprès de suspects innocents (Kassin et
Gudjonsson, 2004). De plus, elles entraînent le recueil d’une quantité
très pauvre d’informations utiles, l’objectif de l’audition étant perçu par
les enquêteurs comme consistant à obtenir des aveux plutôt que d’obte-
nir des détails sur l’affaire (Leahy-Harland et Bull, 2017). Cette volonté
d’obtenir des aveux relève d’une présomption de culpabilité des enquê-
teurs à l’égard des personnes auditionnées, les poussant à adopter des
comportements risquant de provoquer le recueil d’informations erronées
ou de faux aveux (Hill, Memon et McGeorge, 2008 ; Kassin, Goldstein
et Savitsky, 2003).
À la suite de ces différentes études ayant permis de démontrer les
limites des méthodes coercitives, des propositions pour améliorer ces
pratiques ont été formulées. En Grande-Bretagne, une méthode lar-
gement diffusée auprès des professionnels de justice est la PEACE2.
Elle est axée sur le respect de quatre principes fondamentaux : 1) le
rôle de l’enquêteur est d’obtenir des informations fiables et correctes ;
2) l’enquêteur doit adopter une attitude d’ouverture d’esprit ; 3) l’en-
quêteur doit agir éthiquement et justement ; 4) l’enquêteur pose des
questions pour établir la vérité (Bull et Soukara, 2010). Diverses études
évaluatives ont permis de montrer que la mise en place de cette
méthode avait entraîné un bénéfice, tant sur le plan des compétences
et des comportements des enquêteurs que des résultats des enquêtes
(c.-à-d. quantité d’informations recueillies, aveux ou récits complets
des évènements ; voir Leahy-Harland et Bull, 2017). Par exemple, Bull
et Soukara (2010) ont montré que les agents appliquant la méthode
2. L’acronyme en présente les différentes phases : Planning (phase de préparation), Engage
(phase d’introduction), Account (phase de rappel), Closure (phase de clôture), Evaluation
(phase de réflexion).
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PEACE utilisaient bien moins de techniques coercitives. De plus, les
enquêteurs employaient des méthodes préconisées dans ce protocole,
telles que l’utilisation des preuves de façon tactique (Dando et Bull,
2011), la création d’une relation de coopération entre l’enquêteur et
la personne auditionnée, le fait d’anticiper et de s’adapter aux réactions
de cette dernière. Ces observations témoignent, de la part des enquê-
teurs, de comportements significatifs d’acceptation du cadre standar-
disé de la méthode. En outre, des mesures telles que la mise en place
d’un système d’enregistrement audiovisuel des auditions en Grande-
Bretagne ou au Canada, ainsi que la formation des enquêteurs aux
risques tels que le recueil d’informations erronées ou de faux aveux,
ont entraîné la réalisation d’auditions de meilleure qualité (St-Yves et
Deslauriers-Varin, 2009).
Toutefois, certains comportements problématiques étaient toujours
présents, tels que les accusations directes, les coupures de paroles,
l’emploi de questions dirigées et la répétition des questions (Bull et
Soukara, 2010 ; St-Yves et Deslauriers-Varin, 2009). Or, la formulation
des questions peut avoir un impact direct sur les résultats d’une enquête,
les questions dirigées ayant, par exemple, une influence néfaste sur la
neutralité des informations recueillies (Bull et Soukara, 2010 ; Loftus
et Palmer, 1974 ; Walsh et Bull, 2010). La présence de ces comporte-
ments met en avant la difficulté des enquêteurs à respecter toutes les
recommandations préconisées par la méthode. Cependant, l’acceptation
globale et l’efficacité du protocole, malgré la persistance d’erreurs, ont
été mises en évidence dans plusieurs études supplémentaires. Walsh et
Bull (2010) ont montré que les enquêteurs qui utilisaient le plus de
techniques préconisées par la méthode PEACE obtenaient des récits
détaillés ou des aveux lors des auditions, alors que leurs comparses qui
n’utilisaient pas ces techniques n’obtenaient que des dénis ou des récits
partiels des évènements. En outre, Leahy-Harland et Bull (2017) ont
globalement confirmé ces observations, mettant en évidence que les
enquêteurs utilisant une majorité de techniques de la méthode PEACE
obtenaient de meilleurs résultats que d’autres enquêteurs qui ne les
utilisaient pas.
En France, il n’existe pas de telles formations à grande échelle, qui
pourraient concerner l’ensemble des professionnels susceptibles d’au-
ditionner des suspects (par ex., gendarmes, policiers, agents des
douanes). Cet état de fait est confirmé par Clément, Van de Plas, Van
den Eshof et Nierop (2009). Ces auteurs ont en effet constaté que, si
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des efforts sont déployés pour apporter des formations à certaines
institutions (c.-à-d. ProGREAI pour une minorité d’agents de la
gendarmerie, HumInt pour une minorité d’agents de l’armée), il
n’existe pas de formation effective pour les agents de police et des
douanes. L’une des raisons de ce manque d’investissement dans la
formation professionnelle provient sans doute d’une conception selon
laquelle les compétences en matière de conduite d’auditions ne
peuvent pas être obtenues de façon théorique, mais sont soit innées,
soit s’acquièrent avec l’expérience de terrain (Clément et al., 2009).
Pourtant, des études scientifiques ont permis de montrer que le niveau
d’expérience des enquêteurs pouvait être lié négativement à l’applica-
tion, sur le terrain, de méthodes bénéfiques nouvellement apprises
(Granhag, Clemens, Strömwall et Giolla, 2015 ; Lafontaine et Cyr,
2016 ; Powell, Hughes-Scholes, Smith et Sharman, 2012).
Notons toutefois que l’essentiel des études scientifiques menées sur
la problématique des techniques d’audition de suspects a été conduit
dans le contexte policier alors que d’autres institutions judiciaires,
potentiellement concernées, ont été négligées. Il en est ainsi des services
de douanes, qui réalisent pourtant les mêmes missions que les policiers
dans le cadre d’auditions de suspects et qui ont été sous-étudiés dans
la littérature (Granhag et al., 2015). Dans une étude testant de façon
inédite les compétences des agents douaniers, les auteurs évaluaient la
manière avec laquelle ces professionnels utilisaient les preuves maté-
rielles de façon stratégique au cours de l’audition de suspects (Granhag
et al., 2015). En effet, une bonne utilisation des preuves est considérée
comme un élément important pour une conduite efficace de l’entrevue
(Granhag et Hartwig, 2015), et la méthode de l’entretien tactique
(c.-à-d. confronter le suspect aux preuves de façon graduelle) est recom-
mandée dans ce cadre (Dando et Bull, 2011). Les résultats ont permis
de montrer que, globalement, l’utilisation des preuves était réalisée de
manière non stratégique, et que l’expérience de terrain seule, matéria-
lisée par le nombre d’années de travail sans formation, était négative-
ment corrélée à une utilisation stratégique des preuves matérielles. Seuls
les enquêteurs ayant reçu une formation théorique à la conduite d’entre-
tien utilisaient les preuves matérielles de façon stratégique. Ces résultats
montrent une carence de compétences des agents des douanes, notam-
ment expliquée par le manque de formation théorique. En effet, Jevinga
(2005) a mis en évidence ce manque chez les agents douaniers de
l’Union européenne, en imputant la faute à divers facteurs tels que
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l’absence de formateurs internes ou l’insuffisance de budget alloué à la
formation.
À notre connaissance, il n’existe pas d’évaluation rigoureuse des
pratiques douanières en France en matière de conduite d’auditions de
suspects. Or, une telle évaluation constitue un préalable indispensable
pour la création de formations futures adaptées aux besoins sur le
terrain. C’est le principal objectif de l’étude présentée. Il s’agira ainsi
d’explorer et de décrire les perceptions des pratiques des enquêteurs des
douanes, dans le contexte français.
Étant donné le manque de formation à l’audition du suspect en
France, nous nous attendons à ce que les douaniers déclarent avoir
développé leurs compétences à l’aide d’autres sources qu’une formation
théorique (c.-à-d. par l’expérience, les collègues, etc.). De plus, nous
nous attendons à ce qu’ils déclarent utiliser, dans leurs pratiques, des
techniques bénéfiques, mais surtout néfastes, au recueil d’informations.
Particulièrement, nous souhaitions observer si les enquêteurs possèdent
une présomption de culpabilité (c.-à-d. s’ils ont tendance à penser, en
amont de l’audition, que le mis en cause est coupable), et analyser de
façon exploratoire si cette caractéristique aurait un impact sur les com-
pétences que les agents disent mobiliser. De plus, nous souhaitions
observer l’influence de l’expérience du terrain sur les pratiques perçues
des enquêteurs, avec l’hypothèse que les enquêteurs expérimentés
devraient utiliser plus de techniques néfastes que les enquêteurs peu
expérimentés. En outre, les agents devraient privilégier les questions
fermées par rapport aux questions ouvertes, et poser, dans une certaine
proportion, des questions dirigées, négatives et complexes.
Méthodologie
Échantillon
Au total, 74 agents des douanes ont répondu au questionnaire (48 hom-
mes, 26 femmes), d’âge moyen de 38,92 ans (SD = 8,06), et d’ancienneté
moyenne de 11,52 ans (SD = 6,07), provenant de différents services de
la région Auvergne-Rhône-Alpes. À noter qu’en France, il n’existe
qu’une seule école pour les agents douaniers, et que tous les agents sont
formés au sein de ce même établissement. Les participants ont répondu
de façon volontaire à un questionnaire en ligne. Tous ont été prévenus
qu’aucune information personnelle ne serait demandée et que les
réponses seraient anonymes.
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L’expérience des agents de terrain était mesurée par le nombre d’audi-
tions qu’ils avaient menées depuis leur entrée dans le service des
douanes. Au total, 25 agents (34 %) ont déclaré avoir mené moins de
5 auditions, 19 agents (26 %) ont déclaré avoir mené moins de 10 audi-
tions, 18 agents (24 %) ont déclaré avoir mené moins de 15 auditions
et 12 agents (16 %) ont déclaré avoir mené plus de 15 auditions.
Mesures et variables à l’étude
Questionnaire autoévaluatif
Dans le but de recueillir les perceptions des compétences et des pra-
tiques des agents des douanes quant à l’audition de suspects, nous avons
fait passer un questionnaire autoévaluatif centré sur différents aspects.
Premièrement, nous souhaitions observer leur perception de leur degré
de compétences (1 item) et de la provenance de ces compétences
(3 items), étant donné l’absence de formation proposée en France
(Clément et al., 2009). Dans un deuxième temps, nous souhaitions
recueillir leur perception de l’audition (c.-à-d., 2 items : objectifs prin-
cipaux et règles à respecter, selon les agents) de façon à observer si
celle-ci était conforme aux recommandations issues de la littérature
scientifique. Nous souhaitions particulièrement observer si les enquê-
teurs avaient internalisé l’idée que l’obtention d’informations était plus
importante à atteindre que les aveux de la personne suspectée (Leahy-
Harland et Bull, 2017). Ensuite, nous souhaitions recueillir des enquê-
teurs leur perception des pratiques mises en place au quotidien dans
l’audition (34 items). Enfin, des questions démographiques étaient
posées (4 items) : âge, sexe, ancienneté au service des douanes, estima-
tion du nombre d’auditions réalisées pendant leur carrière.
L’organisation du questionnaire était la suivante : les premières ques-
tions, mesurées au moyen d’une échelle de 0 à 100 % (0 : pas du tout
et 100 : tout à fait), portaient sur leur perception globale du niveau de
compétences possédé en matière d’audition de suspects, sur l’apport de
compétences par les formations dispensées à l’École des douanes et par
l’expérience de terrain. Une question ouverte portait ensuite sur la
provenance de ces compétences (ce qui permettait aux agents de citer
éventuellement d’autres sources que la formation et l’expérience). Les
agents devaient ensuite évoquer, à l’aide de questions ouvertes, ce qu’ils
pensaient être les objectifs et les règles à respecter dans l’audition, ces
informations étant traitées en fonction de leur fréquence d’apparition.
261
Puis les participants devaient évaluer, grâce à une échelle de type Likert
en 11 points, à quel niveau ils emploieraient, lors d’une audition de
suspects, différentes techniques listées (1 = pas du tout et 11 = tout à
fait). La liste des techniques proposées dans le questionnaire est inspirée
à la fois du questionnaire utilisé par Kassin et al. (2007) et de la grille
d’observation de Leahy-Harland et Bull (2017). Particulièrement, les
propositions portaient sur les catégories suivantes : 1) la création d’une
relation de confiance : 4 techniques bénéfiques, 2 techniques néfastes ;
2) la gestion de l’audition : 5 techniques bénéfiques, 2 techniques
néfastes ; 3) la stratégie de questionnement : 2 techniques bénéfiques,
14 techniques néfastes ; 4) la posture de l’enquêteur : 3 techniques
néfastes ; 5) les réactions émotionnelles : 2 techniques néfastes. Ces
34 items sont présentés avec les résultats dans le Tableau 1. Les ques-
tions d’ordre démographique étaient posées à la fin du questionnaire.
Le questionnaire est présenté en Annexe A.
Exercice de formulation des questions
Dans le but d’analyser les compétences des agents des douanes en
questionnement, nous avons proposé un exercice dont l’objectif était de
formuler des questions à poser à un suspect, dans le cadre d’une « affaire
type ». Après avoir lu un texte de mise en situation, les participants
recevaient pour consigne d’écrire une liste d’une dizaine de questions
qu’ils souhaiteraient poser au suspect s’ils étaient l’agent responsable
de l’audition. L’objectif de cet exercice était d’évaluer le type de ques-
tions formulées par les agents au cours des auditions. Les questions for-
mulées par les enquêteurs étaient ensuite classées de façon dichotomique
dans les quatre catégories suivantes : 1) ouvertes / fermées ; 2) neutres /
dirigées ; 3) simples / complexes ; 4) positives / négatives. Cette catégo-
risation répondait aux critères suivants : 1) les questions ouvertes per-
mettent l’obtention d’une réponse riche et détaillée, alors que les questions
fermées conduisent généralement à des réponses concises et ciblées ; 2) les
questions neutres font référence à une dimension générale (par ex., la
couleur), alors que les questions dirigées possèdent un élément, dans leur
formulation, qui permet de déduire une réponse, parfois erronée (par ex.,
bleu) ; 3) les questions simples se rapportent à un seul élément, alors que
les questions complexes font référence à plusieurs éléments simultané-
ment ; 4) les questions positives suggèrent que la personne auditionnée
peut connaître la réponse, alors que les questions négatives laissent
supposer qu’elle ne saura pas répondre à l’enquêteur.
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Analyses statistiques
L’essentiel des analyses effectuées était de type descriptif et les mesures
portaient sur des positions moyennes sur différentes échelles, ou sur
des fréquences d’évocation lorsqu’il s’agissait de réponses à des ques-
tions ouvertes. Un exercice de formulation de questions était également
proposé. Dans ce cadre, le pourcentage de questions formulées appar-
tenant à chacune des quatre catégories déterminées préalablement était
calculé.
Deux variables inhérentes aux enquêteurs ont par ailleurs été iden-
tifiées : l’expérience et la présomption de culpabilité. L’effet de chacune
de ces variables sur la fréquence déclarée d’utilisation des différentes
techniques proposées dans le questionnaire (34 techniques ; sur une
échelle de type Likert en 11 points) a été analysé à l’aide de tests t pour
échantillons indépendants.
Résultats
Provenance des compétences des agents
Dans le cadre de l’autoévaluation de leurs compétences, les participants
au questionnaire ont déclaré se sentir compétents en techniques d’audi-
tion à 56 % en moyenne (SD = 14,05, IC [52,92 ; 59,43]). Par ailleurs,
les agents ont jugé la formation théorique apportée par l’École nationale
des douanes comme utile à 32 % en moyenne (SD = 12,52, IC [29,36 ;
39,13]), et ont jugé l’expérience apportée par le terrain comme utile à
67 % en moyenne (SD = 14,2, IC [64,33 ; 70,91]). Une comparaison de
moyennes a mis en évidence une différence significative entre ces deux
sources d’apprentissage, l’expérience du terrain étant jugée comme plus
utile que la formation théorique reçue pour leur apport en compétences
(t(73) = -15,99, p <,001, d = 3,99).
Une question ouverte supplémentaire a permis de mettre en évidence
d’autres sources d’apport de compétences, dont l’ordre est présenté de
la plus fréquente à la moins fréquente : 13,5 % des agents ont déclaré
obtenir des compétences grâce aux conseils de leurs collègues (n = 10),
8,1 % des agents ont mentionné le canevas de questions « prédéfinies »
fourni par leur structure (n = 6) ; 6,8 % agents ont déclaré utiliser des
techniques provenant de livres ou de films policiers (n = 5) ; 5,4 % des
agents ont déclaré tirer leurs compétences de leurs propres observations
et de leurs habitudes (n = 4) ; 1,4 % des agents ont cité l’aide des
supérieurs hiérarchiques (n = 1). En outre, 64,8 % des agents n’ont pas
263
déclaré l’existence d’une autre source d’apport de compétences que le
terrain (n = 48). À noter que, parmi les 10 agents ayant mentionné
l’aide de leurs collègues, l’un d’entre eux a précisé obtenir des conseils
d’un collègue ayant participé à une formation continue sur le thème de
l’audition, organisée au sein de l’École nationale des douanes.
Perception de l’audition
Une question visait à recueillir l’objectif principal de l’audition perçu
par les agents. Les réponses sont présentées dans l’ordre de la plus
fréquente à la moins fréquente : 33,8 % des agents (n = 25) ont men-
tionné l’obtention d’aveux ; 32,4 % des agents (n = 24) ont mentionné
l’obtention d’informations sur l’évènement ; 21,6 % des agents (n = 16)
ont mentionné l’obtention d’informations liées à la culpabilité (c.-à-d.
suffisamment d’éléments pour que le suspect soit considéré comme
coupable, sans aveux de sa part) ; 16,2 % des agents (n = 12) ont indiqué
apporter leur aide à l’enquête future, au juge ou à l’officier de police
judiciaire ; 4,1 % des agents (n = 3) ont indiqué aider à démanteler un
potentiel réseau ; 2,7 % des agents (n = 2) ont indiqué faire de la pré-
vention auprès de la personne auditionnée et la prévenir de ses droits ;
2,7 % des agents (n = 2) ont indiqué rédiger un procès-verbal fidèle à
la réalité ; 1,4 % des agents (n = 1) ont indiqué faire le lien entre la
déclaration du suspect et la réalité de l’évènement, 1,4 % des agents
(n = 1) ont indiqué profiter des informations obtenues « à chaud » ; et
1,4 % des agents (n = 1) ont indiqué piéger la personne auditionnée.
Ces résultats mettent en évidence le fait que chez 48 % des agents
(c.-à-d. la somme des agents ayant cité uniquement « des aveux » [24 %],
uniquement « des informations liées à la culpabilité » [15 %], et ces deux
éléments ensemble [9 %)]), il existe une présomption de culpabilité,
néfaste au recueil d’informations (Hill et al., 2008 ; Kassin et al., 2003).
La seconde question qui visait à recueillir la perception des agents
quant à l’audition traitait de la règle principale à respecter dans cette
mission. Dans l’ordre de la plus fréquente à la moins fréquente, les
réponses obtenues sont les suivantes : 24,3 % des agents (n = 18) ont
mentionné devoir retranscrire fidèlement les informations dans le pro-
cès-verbal ; 14,9 % des agents (n = 11) respecter la personne auditionnée
/ ses droits / proposer un avocat ; 9,5 % des agents (n = 7) essayer de
recueillir des informations ; 9,5 % des agents (n = 7) recueillir les
informations « à chaud » ; 5,4 % des agents (n = 4) poser des questions ;
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
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criminologie, vol. 53 no 2
TABLEAU 1
Pourcentages moyens de compétences perçues
Thème Attente théorique Item du questionnaire Score moyen
Rapport building
Bénéfique
- Je mettrais l’infracteur à l’aise
- J’essayerais de gagner la confiance de l’infracteur
- Je montrerais de l’intérêt pour la vie de l’infracteur
- Je commencerais l’audition par une présentation et une conversation neutres
3,14 (SD = 1,37)
3,30 (SD = 1,47)
2,95 (SD = 1,76)
1,96 (SD = 1,29)
Néfaste - Je mettrais la pression à l’infracteur
- Je ferais figure d’autorité
5,96 (SD = 1,68)
6,04 (SD = 1,71)
Audition
Bénéfique
- Je conduirais l’audition de façon privée, dans une salle calme
- Je préparerais mon audition en organisant les étapes à suivre
- J’expliquerais à l’infracteur comment se déroulera l’audition avant de commencer
- Je dirais à l’infracteur qu’il va gérer l’audition, que je vais pr incipalement l’écouter
- Je demanderais à l’infracteur de donner sa version de l’histoire par un récit ouvert
3,41 (SD = 1,33)
2,58 (SD = 1,47)
2,53 (SD = 1,64)
1,55 (SD = 1,44)
3,14 (SD = 1,73)
Néfaste - Je commencerais par poser des questions à l’infracteur
- J’éviterais que l’infracteur prenne une pause durant l’audition
8,34 (SD = 0,99)
6,91 (SD = 1,67)
Stratégie/questions Bénéfique - Je confronterais l’infracteur aux preuves, tout au long de l’audition
- J’utiliserai les contradictions du discours de l’infracteur pour le déstabiliser
6,04 (SD = 1,33)
6,78 (SD = 2,06)
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TABLEAU 1 (suite)
Thème Attente théorique Item du questionnaire Score moyen
Stratégie/questions Néfaste
- Je confronterais l’infracteur aux preuves, dès le début de l’audition
- Je confronterais l’infracteur aux preuves, tout à la fin de sa déclaration
- J’interromprais l’infracteur qui tenterait de nier ou d’argumenter
- Je ferais semblant de posséder des informations incriminantes
- Je minimiserais l’implication judiciaire que peuvent avoir les actes de l’infracteur
- J’exagérerais l’implication judiciaire que peuvent avoir les actes de l’infracteur
- J’utiliserais les croyances morales ou religieuses pour obtenir des aveux
- Je menacerais l’infracteur avec les conséquences de sa non-coopération
- J’empêcherais l’infracteur de parler librement, en amenant le sujet que je souhaite
- Je hausserais le ton durant l’audition pour mettre l’infracteur sous pression
- Après une réponse, je poserais immédiatement une nouvelle question
- Je couperais la parole à l’infracteur quand je jugerais que cela est nécessaire
- J’essayerais de donner à l’infracteur ma propre version de l’histoire
- Je répéterais la même question plusieurs fois au cours de l’audition
5,96 (SD = 1,50)
4,35 (SD = 2,21)
6,18 (SD = 2,17)
5,78 (SD = 1,84)
1,89 (SD = 1,58)
6,15 (SD = 1,56)
4,70 (SD = 2,10)
4,92 (SD = 2,07)
5,41 (SD = 1,76)
5,35 (SD = 2,42)
6,31 (SD = 1,74)
6,36 (SD = 1,45)
3,16 (SD = 1,41)
5,77 (SD = 2,03)
Posture Néfaste
- Je montrerais que je suis mécontent(e) ou impatient(e) par mon comportement
- J’intimiderais physiquement l’infracteur par ma posture
- J’utiliserais un langage technique douanier très spécifique
4,99 (SD = 2,10)
2,42 (SD = 1,39)
3,73 (SD = 2,01)
Émotions Néfaste - Je montrerais à l’infracteur de la sympathie et j’en serais proche
- Je trouverais des excuses et des explications aux actes de l’infracteur
1,39 (SD = 1,11)
1,49 (SD = 1,16)
Note : La consigne donnée au x enquêt eurs ét ait la suivante : pouvez-vous indiquer, sur une échelle de 1 (pas du tout) à 11 (tout à fait), à quel point vous utiliseriez les techniques proposées
lors d’une audition ?
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
266
criminologie, vol. 53 no 2
5,4 % des agents (n = 4) respecter la procédure ; 1,4 % des agents
(n = 1) ne pas laisser le suspect parler d’autre chose que de l’évènement.
Compétences perçues
L’analyse de chaque item du questionnaire a permis de mettre en évi-
dence les compétences perçues par les enquêteurs. Ces résultats, pré-
sentés dans le Tableau 1, montrent le score moyen d’utilisation perçue
de chaque technique. Ces scores moyens ont permis d’établir une
« audition type » perçue, qui serait la plus fréquemment mise en place
par les enquêteurs, présentée ci-après : l’enquêteur se présente comme
une figure d’autorité (M = 6,05, SD = 1,71), commence par poser
directement des questions à la personne auditionnée sans lui demander
un récit ouvert des évènements (M = 8,34, SD = 0,99). Au cours de
son discours, il utilise les incohérences de sa déclaration pour la désta-
biliser (M = 6,78, SD = 2,06) et lui présente les preuves matérielles
qu’il possède contre elle, tout au long de l’audition (M = 6,04, SD =
1,33). Il évite qu’elle prenne une pause (M = 6,91, SD = 1,67) et lui
coupe la parole lorsqu’il juge cela nécessaire (M = 6,36, SD = 1,45),
notamment lorsqu’elle tentera de nier ou d’argumenter en faveur de son
innocence (M = 6,18, SD = 2,17). Il pose tout de suite une question
après une réponse et ne laisse pas de silence (M = 6,31, SD = 1,74). Il
fait pression sur elle (M = 5,96, SD = 1,68), notamment en exagérant
l’implication judiciaire que peuvent avoir ses actes (M = 6,15, SD = 1,56).
De façon générale, les rangs d’utilisation de chaque technique par
les enquêteurs sont présentés à la Figure 1.
L’analyse préalable de la perception de l’audition, et notamment de
l’objectif perçu, a permis de mettre en évidence l’existence, chez presque
la moitié des agents (48 %), d’une présomption de culpabilité. Cette
caractéristique a alors été utilisée, lors des analyses statistiques, comme
variable invoquée dans le but d’analyser, de façon exploratoire, si la
présomption de culpabilité avait un impact sur les compétences perçues.
Les participants au questionnaire de l’étude 1 ont donc été répartis dans
deux groupes distincts pour la variable « présomption de culpabilité »
(avec versus sans). Dans ce cadre, une série de tests t pour échantillons
indépendants a été réalisée de façon à analyser l’influence de la pré-
somption sur les compétences perçues. Les analyses réalisées sont
présentées dans le Tableau 2. Plus précisément, une différence signifi-
cative a été observée pour l’item « j’exagérerais l’implication morale et
267
judiciaire que peuvent avoir les actes de l’infracteur ». En effet, les
agents possédant une présomption de culpabilité ont rapporté moins
utiliser cette technique (M = 5,78, SD = 1,8, IC [5,18 ; 6,38]) que les
agents n’ayant pas mis en avant cette présomption (M = 6,51, SD =
1,19, IC [6,12 ; 6,91]) (t(36) = -2,058, p = 0,043, d = 2,26). De plus,
pour l’item « je menacerais l’infracteur avec les conséquences de sa
FIGURE 1
Lien entre présomption de culpabilité et compétences perçues
1
2
3
3
4
5
6
7
8
9
Techniques bénéfiques
Je montrerais à l'infracteur de la sympathie et j'en serais proche
Je trouverais des excuses et des explications aux actes de l'infracteur
Je dirais à l'infracteur qu’il va gérer l'audition, que je vais…
Je minimiserais l'implication judiciaire que peuvent avoir les actes de…
Je commencerais l'audition par une présentation et une conversation…
J'intimiderais physiquement l'infracteur par ma posture
J'expliquerais à l'infracteur comment se déroulera l'audition avant de…
Je préparerais mon audition en organisant les étapes à suivre
Je montrerais de l'intérêt pour la vie de l'infracteur
Je demanderais à l'infracteur de donner sa version de l'histoire par un…
Je mettrais l'infracteur à l'aise
J'essayerais de donner à l'infracteur ma propre version de l'histoire
J'essayerais de gagner la confiance de l'infracteur
Je conduirais l'audition de façon privée, dans une salle calme
J'utiliserais un langage technique douanier très spécifique
Je confronterais l'infracteur aux preuves, tout à la fin de sa déclaration
J'utiliserais les croyances morales ou religieuses pour obtenir des aveux
Je menacerais l'infracteur avec les conséquences de sa non-…
Je montrerais que je suis mécontent(e) ou impatient(e) par mon…
Je hausserais le ton durant l'audition pour mettre l'infracteur sous…
J'empêcherais l'infracteur de parler librement, en amenant le sujet…
Je répéterais la même question plusieurs fois au cours de l'audition
Je ferais semblant de posséder des informations incriminantes
Je ferais pression sur l'infracteur
Je confronterais l'infracteur aux preuves, dès le début de l'audition
Je ferais figure d'autorité
Je confronterais l'infracteur aux preuves, tout au long de l'audition
J'exagérerais l'implication judiciaire que peuvent avoir les actes de…
J'interromprais l'infracteur lorsqu'il tentera de nier ou d'argumenter
Après une réponse, je poserais immédiatement une nouvelle question
Je couperais la parole à l'infracteur quand je jugerais que cela est…
J'utiliserais les contradictions du discours de l'infracteur pour le…
J'éviterais que l'infracteur prenne une pause durant l'audition
Je commencerais par poser des questions à l'infracteur
Gris clair = technique bénéfique ; Noir = technique néfaste.
En ordonnée : Score moyen d’usage déclaré (de 1 = pas du tout à 11 = tout à fait).
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
268
criminologie, vol. 53 no 2
non-coopération », les agents possédant une présomption de culpabilité
ont rapporté plus utiliser cette technique (M = 6,08, SD = 1,79, IC
[5,49 ; 6,68]) que les agents n’ayant pas mis en avant cette présomption
(M = 3,77, SD = 1,66, IC [3,20 ; 3,31]) (t(36) = 5,805, p < 0,001, d =
1,37). De plus, pour l’item « j’empêcherais l’infracteur de parler libre-
ment, en amenant le sujet que je souhaite », les agents possédant une
présomption de culpabilité ont rapporté plus utiliser cette technique
(M = 6,46, SD = 1,35, IC [6,01 ; 6,91]) que les agents n’ayant pas mis
en avant cette présomption (M = 4,35, SD = 1,48, IC [3,86 ; 4,84])
(t(36) = 6,42, p < 0,001, d = 1,51). Enfin, pour l’item « je répéterais la
même question plusieurs fois au cours de l’audition », les agents possé-
dant une présomption de culpabilité ont rapporté plus utiliser cette
technique (M = 6,35, SD = 2,06, IC [5,67 ; 7,04]) que les agents n’ayant
pas mis en avant cette présomption (M = 5,19, SD = 1,85, IC [4,57 ;
5,81] ) (t(36) = 2,553, p = 0,013, d = 0,60).
Lien entre expérience de terrain et compétences perçues
La question démographique ayant mesuré l’expérience des agents, en
termes de nombre d’auditions menées, a permis de créer une variable
« expérience » (faible versus forte) et de répartir les participants en deux
groupes. En effet, selon les recommandations de Powell et al. (2005)
sur la maîtrise de l’audition, les agents ayant mené un nombre total
d’auditions inférieur à 10 sont considérés comme possédant une « expé-
rience faible », alors que les agents ayant mené un nombre total d’audi-
tions supérieur à 10 une « expérience forte ». Nous avons donc utilisé
cette variable invoquée dans le but d’évaluer si l’expérience profession-
nelle permettait de prédire les compétences perçues. Dans ce cadre, une
série de tests t a de nouveau été réalisée de façon à analyser l’influence
du niveau d’expérience sur les compétences perçues. Les analyses réa-
lisées sont également visibles dans le Tableau 2. Plus particulièrement,
une différence significative a été observée pour l’item « je confronterais
l’infracteur aux preuves qui l’incriminent, tout à la fin de l’audition ».
En effet, les agents possédant une expérience faible ont rapporté moins
utiliser cette technique (M = 3,93, SD = 2,11, IC [3,29 ; 4,57]) que les
agents possédant une expérience forte (M = 4,97, SD = 2,25, IC [4,13 ;
5,81] ) (t(36) = -2,02, p = 0,047, d = 0,048). De plus, pour l’item
« j’utiliserais un langage technique douanier très spécifique », les agents
possédant une expérience faible ont rapporté plus utiliser cette tech-
269
TABLEAU 2
Impact de la présomption et de l’expérience sur les compétences
Présomption Expérience
t p t p
Item 1 : audition privée 0,520 0,604 0,559 0,578
Item 2 : mise à l’aise -0,507 0,614 0,873 0,385
Item 3 : confiance 0,949 0,346 1,617 0,110
Item 4 : pression -0,345 0,731 0,391 0,697
Item 5 : preuves précoces 0,231 0,818 - 0,190 0,850
Item 6 : version de l’enquêteur -0,327 0,745 -1,719 0,090
Item 7 : preuves tactiques -0,087 0,931 -0,672 0,504
Item 8 : preuves tardives -0,205 0,835 -2,018 0,047*
Item 9 : intérêt -0,791 0,431 -0,620 0,537
Item 10 : contradictions 0,790 0,432 -0,977 0,332
Item 11 : sympathie -732 0,467 -1,122 0,265
Item 12 : excuses à l’acte -0,598 0,552 -1,95 4 0,055
Item 13 : interruptions -0,160 0,873 0,903 0,370
Item 14 : bluff -1,012 0,315 -0,318 0,751
Item 15 : minimisation 0,000 1,00 1,626 0,108
Item 16 : exagération -2,058 0,043* -0,993 0,324
Item 17 : croyances -1,110 0,271 -1,00 6 0,318
Item 18 : comportement -0,165 0,869 -1,178 0,243
Item 19 : menace 5,805 < 0,001** -0,618 0,539
Item 20 : intimidation 0,417 0,678 -1,101 0,274
Item 21 : préparation -0,078 0,938 - 0,411 0,682
Item 22 : explication 0,493 0,623 -0,314 0,754
Item 23 : questions -0,580 0,563 -0,440 0,661
Item 24 : rôle actif 1,554 0,125 -0,062 0,951
Item 25 : langage -0,114 0,909 2,803 0,007*
Item 26 : pause -0,208 0,836 0,875 0,385
Item 27 : parole 6,42 < 0,001** 0,692 0,491
Item 28 : autorité 0,068 0,946 1,142 0,257
Item 29 : relation de confiance -0,267 0,790 -2,497 0,015*
Item 30 : ton -0,206 0,837 0,162 0,872
Item 31 : silence -0,600 0,550 2,142 0,036*
Item 32 : coupure 0,080 0,937 -0,334 0,740
Item 33 : répétition 2,553 0,013* -1,037 0,303
Item 34 : rappel libre 0,535 0,594 -0,674 0,502
Les éléments r appor tés dans le tableau correspondent aux résultats des t.tests pour chaque item (t) ainsi
que le niveau de significativité a ssocié (p). Les * et ** correspondent respectivement à des différences
significatives et très significatives.
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
270
criminologie, vol. 53 no 2
nique (M = 4,25, SD = 1,99, IC [3,65 ; 4,86]) que les agents possédant
une expérience forte (M = 2,97, SD = 1,85, IC [2,28 ; 3,66]) (t(36) =
2,80, p = 0,007, d = 0,66). De plus, pour l’item « je commencerais
l’audition avec une présentation et une conversation neutres », les agents
possédant une expérience faible ont rapporté moins utiliser cette tech-
nique (M = 1,66, SD = 1,16, IC [1,30 ; 2,01]) que les agents possédant
une expérience forte (M = 2,4, SD = 1,38, IC [1,88 ; 2,92]) (t(36) =
-2,5, p = 0,015, d = 0,59). Enfin, pour l’item « lorsque l’infracteur aurait
répondu à une question, je poserais tout de suite une nouvelle ques-
tion », les agents possédant une expérience faible ont rapporté plus
utiliser cette technique (M = 6,66, SD = 1,55, IC [6,19 ; 7,13]) que les
agents possédant une expérience forte (M = 5,8, SD = 1,88, IC [5,10 ;
6,50]) (t(36) = 2,14, p = 0,036, d = 0,51) .
Formulation des questions
À l’exercice pour lequel les enquêteurs devaient produire des questions
pour une audition type, chaque question rédigée a été classée de façon
dichotomique à l’intérieur des 4 catégories. En moyenne, les enquêteurs
ont posé 7,93 questions (SD = 1,21). Chaque question posée était
dirigée ou neutre, fermée ou ouverte, négative ou positive, complexe
ou simple. Le classement a mis en évidence les résultats suivants : au
total, sur 563 questions analysées, 57 % sont des questions dirigées
(n = 321), 85 % sont des questions fermées (n = 479), 100 % sont des
questions positives, 80 % sont des questions simples (n = 453). De plus,
la première question formulée par chaque agent n’est une question
ouverte que dans 12 % des cas (n = 9), ce qui montre que la stratégie
de l’entretien en entonnoir est peu utilisée. Ces informations sont
présentées dans le Tableau 3, de la même façon que les données des-
criptives analysées dans cette étude.
Discussion
L’objectif de cette étude était d’analyser les perceptions qu’ont les
enquêteurs douaniers de leurs propres compétences, et des pratiques
mises en place au quotidien lors des auditions d’individus mis en cause.
Tout d’abord, le sentiment de compétence moyen recueilli, s’élevant
à 56 % (sur un maximum de 100), montre que les enquêteurs ont
conscience d’une marge d’amélioration possible dans leurs techniques
271
d’audition. De plus, les résultats permettent de conclure que la forma-
tion théorique est jugée comme peu utile dans ce domaine, tandis que
l’expérience de terrain est perçue comme deux fois plus importante pour
l’acquisition des compétences. Ce phénomène avait déjà été observé
dans d’autres institutions par Powell et al. (2005). Selon cet auteur, les
enquêteurs de police ont tendance à dévaluer la formation théorique en
comparaison de l’expérience de terrain et des conseils apportés par les
collaborateurs plus expérimentés. Cette évaluation plus positive de
l’expérience de terrain, en termes d’apport de compétences, va de pair
avec les sources d’apprentissage citées par les participants de la présente
étude. En effet, les deux sources de compétences les plus citées sont les
conseils des collègues et les « canevas » de questions préétablies fournis
par leurs brigades respectives. En France, Clément et al. (2009) ont mis
en évidence l’absence de formation aux méthodes d’audition, pouvant
TABLEAU 3
Données descriptives recueillies
Sentiment de compétences M
SD
56 %
14,05
Utilité de la formation M
SD
32 %
12,52
Utilité du terrain M
SD
67 %
14,2
Autres sources de compétences Conseils des collègues
Canevas de questions
Littérature et cinéma
Observations
personnelles
Aide des supérieurs
13,5 %
8,1 %
6,8 %
5,4 %
1,4 %
Objectifs de l’audition Obtention d’aveux
Obtention
d’informations
Indices de culpabilité
Aide pour l’enquête
33,8 %
32,4 %
21,6 %
16,2 %
Règle de l’audition Retranscription fidèle
Respect des droits
Recueil d’informations
Questionnement
24,3 %
14,9 %
95 %
5,4 %
Type de questions posées Questions dirigées
Questions fermées
Questions positives
Questions simples
57 %
85 %
100 %
80 %
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
272
criminologie, vol. 53 no 2
ainsi expliquer la désignation d’autres sources d’apprentissage et la
faible évaluation de l’intérêt d’une formation théorique. En d’autres
mots, il est sans doute plus difficile d’évaluer l’intérêt d’une formation
que l’on n’a pas soi-même suivie.
Le manque de formation, d’une part, et la surévaluation de l’expé-
rience du terrain comme source d’apprentissage, d’autre part, peuvent
entraîner l’utilisation de techniques néfastes. En effet, selon Lafontaine
et Cyr (2016), l’absence de formation est négativement corrélée à
l’application de techniques bénéfiques chez les enquêteurs. En accord
avec cette observation, les résultats de la présente étude ont mis en
évidence le peu d’utilisation de techniques bénéfiques, telles que la
création d’une relation de confiance entre l’enquêteur et la personne
auditionnée, l’entretien en entonnoir, l’utilisation d’un rappel libre, dont
l’efficacité en termes de résultats à l’audition a été demontrée à de
nombreuses reprises (Walsh et Bull, 2010). De plus, le traitement des
questionnaires a permis de révéler l’utilisation de nombreuses tech-
niques néfastes, qui nuisent à la création d’une relation de confiance et
au recueil d’information (par ex. : se présenter comme une figure d’auto-
rité, commencer l’audition par des questions fermées, etc.). Granhag et
al. (2015) avaient indiqué, dans un contexte douanier, que l’utilisation
de techniques néfastes était positivement corrélée à l’expérience du
terrain. En effet, l’utilisation des preuves était réalisée de manière moins
stratégique par les enquêteurs expérimentés par rapport aux enquêteurs
non expérimentés. De façon à mettre en évidence l’impact de l’expé-
rience sur l’utilisation de techniques néfastes, nous avons souhaité
observer le lien entre les pratiques utilisées telles que déclarées par les
douaniers et l’expérience de terrain, matérialisée par le nombre d’audi-
tions menées (Powell et al., 2005). Les résultats de la présente étude
montrent qu’une seule technique néfaste est plus utilisée par les agents
expérimentés, par rapport aux agents peu expérimentés : le fait de
présenter les preuves matérielles de façon non stratégique (c.-à-d. tout
à la fin de l’audition, plutôt que graduellement). Selon l’étude menée
par Dando et Bull (2011) sur les techniques de présentation des preuves
matérielles, le fait de présenter les preuves graduellement supplantait
une présentation « précoce » (c.-à-d. tout au début de l’audition) ou
« tardive » (c.-à-d. tout à la fin de l’audition) en termes d’efficacité en
matière de détection du mensonge. Ces résultats rejoignent les obser-
vations réalisées par Granhag et al. (2015), selon lesquelles l’utilisation
des preuves matérielles est une compétence uniquement partiellement
273
acquise chez les agents des douanes. Aucune autre différence n’a été
observée entre les enquêteurs expérimentés et peu expérimentés en
matière d’usage de techniques néfastes. Au contraire, l’étude de l’impact
de l’expérience a montré une différence en ce qui a trait à trois tech-
niques profitables : les enquêteurs expérimentés préfèrent prendre du
temps pour construire une relation avec les mis en cause, utiliser un
vocabulaire adapté à ces derniers, et laisser des silences lors de l’audi-
tion. De façon générale, ces observations montrent que, mis à part
l’utilisation des preuves matérielles, l’expérience de terrain semble utile
à la mise en pratique de certaines techniques bénéfiques. Ces résultats
vont dans le sens du modèle d’acquisition de compétences de Dreyfus
(2004), selon lequel l’apprentissage d’une tâche se fait par la compré-
hension de cette dernière, de ses composantes, et des comportements
qui sont bénéfiques ou néfastes à son application. De plus, le modèle
de l’autodétermination de Deci et Ryan (2002) pourrait également
expliquer ces observations. En effet, selon les études sur la motivation
à réaliser une tâche, les enquêteurs les plus expérimentés pourraient
posséder un sentiment d’efficacité personnelle plus élevé, entraînant une
volonté de pratiquer un plus grand nombre d’auditions que les enquê-
teurs possédant un faible sentiment d’auto-efficacité. C’est alors le
« cercle vertueux » du sentiment de compétences, associé à un exercice
plus fréquent, qui pourrait expliquer la performance des agents expé-
rimentés (Judge, Jackson, Shaw, Scott et Rich, 2007). Il est toutefois
important de noter que les enquêteurs douaniers, de façon générale,
conduisent moins d’auditions que les enquêteurs de police ou de gen-
darmerie, et ont alors une expérience plus restreinte.
Hormis le niveau d’expérience des professionnels, la présomption de
culpabilité peut également avoir un impact sur les pratiques déclarées.
Hill et al. (2008) ont en effet montré qu’il existait, chez les enquêteurs,
une tendance à penser que l’individu mis en cause est coupable. Ce
phénomène pousse alors les agents à placer en objectif premier de
l’audition l’obtention d’aveux, provoquant alors l’utilisation de compor-
tements néfastes et de techniques coercitives (Leahy-Harland et Bull,
2017). Dans la présente étude, une présomption de culpabilité a été
dégagée chez près de la moitié (48 %) des enquêteurs. En effet, deux
des trois objectifs les plus fréquemment cités par ces derniers étaient
l’obtention d’aveux et d’informations liées à la culpabilité. Le taux de
présomption ici observé est supérieur à celui mis en évidence dans
certaines études. Par exemple, Walsh et Bull (2011) avaient montré que
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
274
criminologie, vol. 53 no 2
25 % des enquêteurs de police sondés rapportaient penser, au début de
l’audition, que le suspect était coupable. Nous avons donc souhaité
observer l’impact de la présomption sur l’utilisation des techniques, et
les résultats ont permis de montrer que les enquêteurs convaincus de la
culpabilité des mis en cause proféraient plus de menaces, prenaient une
place centrale dans l’audition et répétaient plusieurs fois les mêmes
questions. Au-delà de l’impact néfaste avéré de ces comportements sur
le recueil d’informations, de telles pratiques peuvent avoir pour effet
de provoquer chez la personne auditionnée un biais d’autoréalisation
des prophéties (Hill et al., 2008). En effet, la situation d’inconfort
psychologique provoquée par un enquêteur confrontationnel et mena-
çant entraîne chez la personne auditionnée une tendance à adopter une
gestuelle que les individus interprètent, à tort, comme vectrice d’un
discours malhonnête (par ex., évitement du regard, mouvements répé-
titifs des membres, etc. ; voir Bond et DePaulo, 2006 ; Hill et al., 2008).
Cette interprétation peut alors provoquer chez l’enquêteur un renforce-
ment de la menace, poussant parfois jusqu’à de désastreuses consé-
quences telles que les faux aveux (Gudjonsson, 2003 ; Kassin et al.,
2003 ; Kassin et Gudjonsson, 2004).
Il est toutefois important de noter que le contexte de travail des
enquêteurs ayant participé à cette étude est particulier. Plus précisément,
les agents de la Sûreté douanière travaillent dans des brigades dont les
auditions sont uniquement menées dans le cadre de flagrances, où les
suspects sont arrêtés en possession de marchandises ou liquidités illé-
gales. Cette particularité semble pouvoir expliquer la part importante
de présomption de culpabilité observée, le nombre de personnes inno-
centes auditionnées étant très faible dans ce type de mission. De façon
à pouvoir étendre les observations réalisées à l’ensemble des enquêteurs
douaniers, il aurait fallu obtenir des réponses au questionnaire de la
part d’agents de la seconde branche de missions des douanes : les opé-
rations commerciales (c.-à-d. les agents qui accompagnent les entre-
prises dans leurs démarches commerciales, et sont alors amenés à
effectuer des auditions dans le cadre de contrôles financiers de routine,
et non de flagrance). Les résultats présentés dans cette étude ne sont
donc généralisables qu’aux enquêteurs de la Sûreté douanière.
Les résultats du questionnaire ont également permis de montrer que
les enquêteurs, expérimentés ou non, rapportaient employer des tech-
niques avantageuses pour les résultats de l’audition, telles que l’utilisation
des preuves et des incohérences dans le but d’obtenir des informations
275
incriminantes, et la mobilisation des incohérences du discours de l’in-
fracteur pour déstabiliser ce dernier. Ces observations rejoignent à
nouveau le modèle de Dreyfus (2004), selon lequel des adultes sans
formation théorique peuvent également acquérir des compétences dans
leurs missions. En outre, les deux règles à respecter dans l’audition les
plus citées par les enquêteurs étaient la retranscription fidèle de la
déclaration du mis en cause, et le respect des droits et demandes de ce
dernier. Ces résultats montrent que la formation sur la procédure d’opé-
rationnalisation des enquêtes proposée à l’École des douanes (c.-à-d.
formation sur la gestion des procédures administratives et la transmis-
sion des dossiers judiciaires, durant laquelle la forme rédigée de l’audi-
tion est abordée sommairement) a pu avoir un impact positif sur les
comportements des enquêteurs. Les résultats traités dans la présente
étude montrent l’intérêt de l’expérience du terrain dans l’apport de
compétences utiles, mais mettent également l’accent sur l’utilisation de
comportements néfastes entraînée par l’absence de formation.
Les résultats jusqu’ici énoncés traitaient de l’observation de l’utilisa-
tion de techniques bénéfiques et néfastes, et de leurs liens avec l’expé-
rience et la présomption de culpabilité. Toutefois, la première limite à
ce recueil d’information est que le questionnaire utilisé est inspiré d’un
questionnaire (Kassin et al., 2007) et d’une grille d’observation (Leahy-
Harland et Bull, 2017) destinés à des agents de police et non des
douanes. Des habitudes douanières non anticipées existent alors peut-
être, mais n’ont pas pu être recueillies dans ce questionnaire. Cette limite
souligne la nécessité de poursuivre les études sur la population doua-
nière encore trop peu étudiée dans la littérature, et de mieux adapter
les questionnaires utilisés dans ce cadre (Granhag et al., 2015). De plus,
parmi les 34 items présentés aux agents, 23 sont des techniques
néfastes. Cette part non équivalente de techniques néfastes présentées
entraîne une difficulté à mettre en lumière l’utilisation de techniques
bénéfiques. La création d’un questionnaire plus équitable, ou basé sur
l’utilisation de questions ouvertes, permettrait d’améliorer la neutralité
des informations recueillies. En outre, une deuxième limite de ces
résultats porte sur la faible taille de l’échantillon de participants
(n = 74) ayant répondu au questionnaire. Un élargissement de l’échan-
tillon serait utile à un recueil de perceptions plus large.
La troisième limite de notre étude porte sur la difficulté de tirer des
conclusions sur les compétences et comportements réels des enquêteurs,
les mesures ici recueillies étant autorapportées. En effet, Van De Mortel
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
276
criminologie, vol. 53 no 2
(2008) a mis en évidence l’existence d’un biais de désirabilité sociale
dans les réponses de professionnels à des questionnaires, les poussant
à ne pas toujours déclarer des comportements fidèles à la réalité. Ce
phénomène a été observé dans le milieu judiciaire par Bull et Soukara
(2010), puisque les enquêteurs interrogés et observés dans leur étude
surévaluaient leur utilisation de techniques bénéfiques. C’est pourquoi
nous avons proposé aux participants à cette étude un exercice permet-
tant d’analyser leurs compétences réelles en questionnement. À la suite
de la lecture d’un cas pratique, les agents qui devaient formuler les
questions qu’ils poseraient au mis en cause ont proposé une majorité
de questions dirigées, fermées, et ont sous-utilisé la technique de l’entre-
tien en entonnoir, les questions neutres et ouvertes. Ces observations
rejoignent les conclusions habituelles portant sur les compétences en
questionnement des enquêteurs, qui utilisent trop souvent de questions
fermées inappropriées, de questions dirigées, et de questions répétées,
et ce, avec tous types de publics (c.-à-d. mis en cause mais également
témoins, victimes, adultes, enfants et adolescents ; voir Dodier, 2017 ;
Powell et al., 2012). Toutefois, le fait que les réponses obtenues dans le
cadre de cet exercice aient été recueillies par écrit est à prendre en
considération. En effet, les divergences entre les discours oraux et écrits
rendent difficile la tâche de généraliser les conclusions des uns aux
autres (Louwerse, McCarthy, McNamara et Graesser, 2004). Cette mise
en garde est d’autant plus à prendre en compte que les résultats ne
montrent l’utilisation d’aucune question négative sur un total de 563,
ce qui semble peu réaliste au vu de l’analyse préalable de questions dans
le cadre de discours oraux (Powell et al., 2012).
De façon générale, les résultats observés dans le cadre de la présente
étude sont similaires à ceux observés aux États-Unis et au Canada
(Kassin et al., 2007), ainsi qu’en Grande-Bretagne (Bull et Soukara,
2010). Au vu des résultats de ces différentes études portant sur les
pratiques déclarées, il est possible de supposer que les techniques
réellement utilisées par les agents des douanes seraient de qualité encore
plus faible, le phénomène de désirabilité sociale entraînant une sures-
timation des compétences dans les mesures autorapportées (Van de
Mortel, 2008). Or, rappelons que l’usage de techniques d’entretien
inadaptées risque d’engendrer des résultats d’enquêtes médiocres en
raison d’un recueil d’informations pauvre et d’un manque de neutralité
de l’enquêteur, ces deux facteurs pouvant être à l’origine d’une augmen-
tation du nombre d’erreurs et de faux aveux (Leahy-Harland et Bull,
277
2017). Une large observation sur le terrain des pratiques mises en place
serait nécessaire afin d’apporter un appui à cette supposition.
Les résultats de notre étude et les analyses précédentes réalisées dans
différents pays auprès d’agents d’institutions judiciaires permettent de
préconiser néanmoins l’apport de formations adaptées aux enquêteurs
français. En effet, les résultats de Bull et Soukara (2010) et de Leahy-
Harland et Bull (2017) montrent une tendance générale des agents à
accepter et appliquer, du moins partiellement, le cadre théorique de la
méthode préconisée par leurs institutions, et ainsi à mobiliser plus de
comportements bénéfiques et moins de comportements néfastes.
L’utilisation de méthodes bénéfiques par les agents français ayant par-
ticipé à cette étude, malgré le manque de fondation théorique, indique
l’existence d’autres sources d’apport de compétences, telles que l’expé-
rience du terrain par exemple. Toutefois, l’utilisation persistante de
techniques néfastes traduit l’insuffisance de ces sources, et le besoin de
formation au sein des institutions françaises. Les préconisations formu-
lées par les auteures de cette étude, en termes de formation, sont l’uti-
lisation d’une version française adaptée du protocole PEACE ou de
l’entretien cognitif pour suspects, dont l’efficacité des principes fonda-
mentaux a déjà été montrée dans le cadre d’études de terrain ou de
laboratoire (Walsh et Bull, 2010). Enfin, de façon à améliorer la repré-
sentation de l’utilité des formations, il serait pertinent de travailler à la
modification de cette perception, en valorisant l’expérience vicariante
et l’implication d’agents formés dans les cursus théoriques (Deci et
Ryan, 2002).
Conclusion
Cette étude auprès d’une population largement sous-étudiée dans la
littérature a permis de dresser un portrait nuancé des pratiques autodé-
clarées des enquêteurs douaniers. D’un côté, ils ont indiqué utiliser des
techniques recommandées pour le bon déroulement de l’interrogatoire
de suspects, y compris lorsqu’ils possédaient un certain niveau d’expé-
rience. D’un autre côté, ils semblent user de manière prépondérante de
techniques néfastes, ceci étant probablement lié au manque de formation
et à une certaine présomption de culpabilité. Afin de pallier ces limita-
tions, une formation théorique adaptée apparaît indispensable. Elle
devra toutefois répondre à un certain nombre de défis liés notamment
aux contraintes de terrain et à la perception des enquêteurs, qui
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
278
criminologie, vol. 53 no 2
semblent privilégier l’expérience à la formation théorique. L’enjeu sera
également d’éviter certains écueils déjà mis en évidence dans la littéra-
ture au sujet des formations théoriques aux méthodes d’entretien (voir,
par exemple, Hirn Mueller, Schreiber Compo, Molina, Bryon et
Pimentel, 2015), en ne sous-estimant pas l’importance de la mise en
œuvre et du suivi continu afin de produire des effets à long terme.
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Interviewing practices of French customs agents
ABSTRACT • The main objective of this study was to assess the way French customs
officers decide on the methods used to interview suspects. Given the limited theoretical
training available in France, it was expected that agents would report using methods
that have been described in the scientific literature as harmful to the conduct and
effectiveness of interviews. 74 customs officers completed a questionnaire asking them
to discuss their use of various methods for interviewing suspects. Some of these
methods were considered to be useful, while others were seen as harmful. In line with
our expectations, the results indicate that customs officers reported using not only
methods considered useful but also those that have been found to be harmful, such
as the use of private questioning, maximization of pressure, etc. The officer’s level of
experience and whether there was a presumption of guilt also had an impact on the
methods used. Analysis of the questions asked showed that leading questions were
widely used. Recommendations in terms of professional training are provided.
KEYWORDS • Self-reported behaviour, interviewers, customs, suspects interview.
Percepciones de las prácticas de audición de
sospechosos. Una evaluación de los agentes a
aduanas francesas
RESUMEN • El objetivo principal de este estudio era evaluar las percepciones de agentes
de aduanas francesas sobre la audición de sospechosos. Dada la poca formación teórica
existente en Francia, era de esperarse que estos agentes declararan utilizar métodos
281
considerados nefastos para el desarrollo y la eficacidad de la conducta de audiciones
por la literatura científica. Sesenta y cuatro agentes de aduanas respondieron a un
cuestionario que los invitaba a evaluar el uso, en sus prácticas, de métodos de audición
de sospechosos, algunas siendo consideradas beneficiosas y otras nefastas. Conforme
a nuestras expectativas, los resultados indicaron que los agentes de aduanas declararon
usar algunos métodos beneficiosos para el desarrollo de la audición, pero también
algunos nefastos, como el uso privilegiado de un cuestionario cerrado, la maximización,
la presión, etc. Los niveles de experiencia et de presunción de culpabilidad tuvieron
también un impacto en los métodos utilizados. El análisis del cuestionamiento permitió
mostrar que las preguntas directivas habían sido ampliamente utilizadas. Se formularon
algunas preconizaciones en términos de formación profesional.
PALABRAS CLAVE • Conductas auto-reportadas, investigadores, aduanas, audición de
sospechosos.
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
282
criminologie, vol. 53 no 2
ANNEXE A
Questionnaire
La profession d’agent des douanes nécessite l’application de différentes
missions et activités, et l’une d’elles est l’audition d’infracteurs ou de
mis en cause. L’objectif de ce questionnaire est de recueillir votre per-
ception sur cette mission.
Vos réponses sont et resteront anonymes. C’est pourquoi vous pouvez
répondre le plus sincèrement possible aux questions qui vous seront
posées.
a) Indiquez par un trait sur la jauge à quel point vous avez des com-
pétences pour l’audition.
0 % 10 0 %
b) Indiquez par un trait sur la jauge à quel point la formation à l’École
nationale des douanes vous a apporté des compétences.
0 % 10 0 %
c) Indiquez par un trait sur la jauge à quel point vous pensez que l’expé-
rience du terrain vous apporte des compétences.
0 % 10 0 %
d) Si vos connaissances proviennent d’ailleurs que de la formation,
pouvez-vous préciser d’où ?
___________________________________________________
___________________________________________________
___________________________________________________
e) Listez 3 objectifs à atteindre dans cette mission
___________________________________________________
___________________________________________________
___________________________________________________
f) Listez 3 règles importantes à respecter dans cette mission
___________________________________________________
___________________________________________________
___________________________________________________
Dans la partie suivante, pouvez-vous indiquer, sur une échelle de 1 (pas
du tout) à 11 (tout à fait), à quel point vous utiliseriez les techniques
proposées lors d’une audition ?
1. Je conduirais l’audition de façon privée, dans une salle calme
12345678910 11
283
2. Je mettrais l’infracteur à l’aise
12345678910 11
3. J’essayerais de gagner la confiance de l’infracteur
12345678910 11
4. Je ferais pression sur l’infracteur
12345678910 11
5. Je confronterais l’infracteur aux preuves qui l’incriminent, dès le début
de l’audition
12345678910 11
6. J’essayerais de donner à l’infracteur ma propre version de l’histoire
12345678910 11
7. Je confronterais l’infracteur aux preuves qui l’incriminent, tout au
long de l’audition
12345678910 11
8. Je confronterais l’infracteur aux preuves qui l’incriminent, tout à la
fin de sa déclaration
12345678910 11
9. Je montrerais de l’intérêt pour la vie de l’infracteur
12345678910 11
10. J’utiliserai les contradictions du discours de l’infracteur pour le
déstabiliser
12345678910 11
11. Je montrerais à l’infracteur de la sympathie et j’en serais proche
12345678910 11
12. Je trouverais des excuses et des explications aux actes de
l’infracteur
12345678910 11
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
284
criminologie, vol. 53 no 2
13. J’interromprais dès que possible les moments où l’infracteur tenterait
de nier ou d’argumenter
12345678910 11
14. Je ferais semblant de posséder des informations incriminantes
12345678910 11
15. Je minimiserais l’implication morale et judiciaire que peuvent avoir
les actes de l’infracteur
12345678910 11
16. J’exagérerais l’implication morale et judiciaire que peuvent avoir les
actes de l’infracteur
12345678910 11
17. J’utiliserais les croyances morales ou religieuses de l’infracteur pour
obtenir des aveux
12345678910 11
18. Je montrerais à l’infracteur que je suis mécontent(e) ou impatient(e)
par mon comportement
12345678910 11
19. Je menacerais l’infracteur avec les conséquences de sa
non-coopération
12345678910 11
20. J’intimiderais physiquement l’infracteur par ma posture
12345678910 11
21. Je préparerais mon audition, avant d’entendre l’infracteur,
en organisant les étapes à suivre
12345678910 11
22. J’expliquerai à l’infracteur comment se déroulera l’audition avant
de commencer
12345678910 11
23. Je commencerais par poser des questions à l’infracteur
12345678910 11
285
24. Je dirais à l’infracteur que c’est lui qui va gérer l’audition, que je
vais principalement l’écouter
12345678910 11
25. J’utiliserais un langage technique douanier très spécifique
12345678910 11
26. J’éviterais que l’infracteur prenne une pause durant l’audition
12345678910 11
27. J’empêcherais l’infracteur de parler librement, en amenant le sujet
que je souhaite
12345678910 11
28. Je ferais figure d’autorité
12345678910 11
29. Je commencerais l’audition avec une présentation et une conversation
neutres
12345678910 11
30. Je hausserais le ton à certains moments de l’audition pour faire
pression sur l’infracteur
12345678910 11
31. Lorsque l’infracteur aurait répondu à une question, je poserais tout
de suite une nouvelle question
12345678910 11
32. Je couperais la parole à l’infracteur quand je jugerais que cela est
nécessaire
12345678910 11
33. Je répéterais la même question plusieurs fois au cours de l’audition
12345678910 11
34. Je demanderais à l’infracteur de donner sa propre version de l’his-
toire par un récit ouvert
12345678910 11
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects
286
criminologie, vol. 53 no 2
S’il y a d’autres techniques que vous connaissez et que vous utilisez,
pouvez-vous les lister ?
La partie suivante est une mise en situation. Après avoir lu le petit
texte décrivant un évènement, pouvez-vous rédiger une liste de ques-
tions que vous poseriez à l’infracteur dans cette situation ?
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
_____________________________________________________
Mise en situation :
À la gare de péage proche de votre brigade, vous procédez au contrôle
d’un individu et de son véhicule personnel. Vous observez que l’homme
a en sa possession 8000 € en espèces et 22 grammes de résine de
cannabis. Vous procédez au transfert de la personne à la brigade pour
réaliser son audition. Après avoir posé les questions d’usage (décliné
l’identité de la personne), quelles questions pourriez-vous poser pour
obtenir des informations sur les éléments trouvés dans la voiture ?
Rédigez une liste d’une dizaine de questions que vous aimeriez poser
à la personne :
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
• ___________________________________________________
287
Quel est votre âge ? ____________
Genre ? Femme Homme
Depuis combien de temps travaillez-vous au service des douanes ?
_________
Combien d’auditions avez-vous menées ?
Moins de 5 Entre 5 et 10 Entre 10 et 15 Plus de 15
Conflit d’intérêts : Pas de conflit d’intérêts à déclarer.
Accords éthiques : Cette étude a été conduite en conformité avec la loi
française régissant le cadre éthique des recherches impliquant la per-
sonne humaine (loi Jardé, 2012).
Perceptions des pratiques en matière d ’audition de suspects