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Un autre regard sur les guêpes et les frelons

Authors:
  • IRSNB and Ulg Gembloux

Abstract and Figures

Un autre regard sur les guêpes et les frelons
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Volume 70
Fascicule 4
Revue trimestrielle de conservation de la nature
et de gestion durable d’Ardenne et Gaume • 4e trimestre 2015
Parcs réserves
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Un autre regard sur les guêpes et les frelons…
par Jean-Luc Renneson – Jeanluc_renneson@yahoo.com
Introduction
Parmi les insectes qui peuplent nos villes et nos
campagnes, les guêpes et frelons sont certaine-
ment en tête du hit-parade des animaux les plus
détestés par les gens. Ils inspirent la crainte, le
dégout, la méprise. Ils sont considérés comme
« nuisibles » sans aucune distinction d’espèces et
massivement détruits.
Pourtant, contrairement aux idées reçues, les
guêpes et frelons sont très utiles, ils jouent un rôle
important de régulateurs en consommant une
quantité très importante d’insectes et ainsi limitent
leur prolifération.
16 espèces de guêpes sociales en
Belgique
La famille des Vespidés comprend dans notre pays
16 espèces sociales (qui vivent en colonies) et 41
espèces solitaires.
Ces 16 espèces sociales sont divisées en 2 sous-
familles : Vespinae et Polistinae et en 4 genres :
Vespa, Vespula, Dolichovespula et Polistes.
Le genre Vespa (frelon) comprend deux espèces :
Vespa crabro (le frelon) et Vespa velutina (le frelon
asiatique).
Le genre Vespula comprend 4 espèces : Vespula
vulgaris (la guêpe commune), Vespula ger-
manica (la guêpe germanique), Vespula rufa
(la guêpe rousse) et Vespula austriaca (la guêpe
autrichienne).
Figure 1 - Vespula germanica Figure 3 - Dolichovespula saxonica
Figure 2 - Vespula rufa
© J-L RENNESON
© J-L RENNESON© J-L RENNESON
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Le genre Dolichovespula comprend 6 espèces :
D. saxonica (la guêpe saxonne), D. sylvestris (la
guêpe des bois), D. norwegica (la guêpe norvé-
gienne), D . adulterina (La guêpe adultérine) et D.
omissa (la guêpe omissa) et D. media (la guêpe
des buissons).
Le genre Polistes comprend 4 espèces :
Polistes dominula (la Poliste du gaulois), Polistes
biglumis, Polistes nimpha et Polistes bischoffi.
La biologie des guêpes sociales
Dans nos régions les colonies de guêpes sociales
sont toujours annuelles. Chaque colonie est consti-
tuée au départ d’une seule reine appelée « fonda-
trice ». Cette dernière va démarrer sa colonie au
printemps. Elle va bâtir son guêpier au moyen de
Figure 4 - Dolichovespula media (ouvrière)
Figure 7 - Guêpe saxonne - la naissance d'un nid
Figure 8 - Guêpe saxonne - le même nid le lendemain
Figure 9 - Guêpe saxonne (même nid) le 31 juillet 2015
Figure 6 - Guêpe saxonne récoltant des fibres de bois
Figure 5 - Polistes dominula
© J-L RENNESON
© J-L RENNESON© J-L RENNESON© J-L RENNESON
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fibres de bois qu'elle récolte sur les arbres, piquets
de clôtures, palissades en bois (Figure 6), etc... un
petit nid qui aura dans un premier temps la taille
d’une balle de ping-pong.
Elle y construira quelques cellules dans lesquelles
elle pondra un œuf. Ensuite, elle assurera
l’approvisionnement du guêpier en nourriture,
les larves sont nourries exclusivement avec des
protéines animales (insectes).
Au bout de quelques semaines, les larves vont
devenir des ouvrières qui vont travailler sans
relâche pour la colonie. Elles vont d’une part
agrandir le nid et acheminer de la nourriture pour
les jeunes larves.
La colonie va progressivement s’agrandir et le
nombre de guêpes va considérablement aug-
menter jusqu’à atteindre son maximum en été,
période durant laquelle la disponibilité en proies
est la plus importante.
La colonie arrive donc à maturité, les ouvrières
vont alors construire des plateaux de cellules plus
grandes qu’auparavant. Le nid aura atteint sa
taille maximum et les larves issues de ces grandes
cellules, très bien nourries, vont évoluer vers des
individus sexués: mâles et femelles (jeunes reines).
L’essaimage des sexués va se faire sur une courte
période (2 à 3 jours environ), les mâles vont alors
rapidement rechercher des femelles à féconder.
Il est très rare d’assister à un accouplement chez
les guêpes.
Après l’accouplement, les mâles vont périr assez
rapidement et les femelles fécondées vont cher-
cher un endroit pour hiverner (généralement dans
le sol), beaucoup d’entre-elles ne survivront pas
à la rigueur de l’hiver.
Quant aux ouvrières, n’ayant plus de rôle à jouer
au sein de la colonie et n’obéissant plus à l’emprise
de la reine fondatrice généralement morte de
vieillesse à cette époque, elles quittent le nid pour
errer dans la nature en quête de nourriture, elles
périront toutes avant l’hiver.
Les guêpes et frelons ont de nombreux prédateurs
naturels : la bondrée apivore, le guêpier d’Europe,
les pics, le blaireau et les sangliers mais égale-
ment des insectes qui parasitent les nids comme
les volucelles par exemple (diptères, syrphidae).
Le nombre de colonies de guêpes est très variable
d’une année à l’autre car elles sont assez sensibles
aux conditions climatiques (printemps surtout).
Des espèces « coucou »
Il est intéressant de savoir que parmi nos 16 vespi-
des, 3 espèces sont des espèces dites « coucou » :
V, austriaca, D,adulterina et D,omissa.
Figure 9 - Guêpe saxonne (même nid) le 31 juillet 2015
Figure 10 - Guêpe saxonne - essaimage
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Ces espèces ont développé une stratégie extraor-
dinaire. En effet elles ne produisent pas d’ouvrières
et ne participent pas à la construction des nids.
Elles s’introduisent dans la colonie lorsque celle-ci
devient mature, tue généralement la reine
fon-
datrice pour prendre sa place et pondre ses œufs
dans les cellules des futurs sexués, les larves seront
ainsi élevées par les ouvrières de l’espèce hôte.
Les nuisances occasionnées pas les
guêpes
Durant toute la période de développement des
nids, les guêpes ne provoquent quasi aucune
nuisance. C'est seulement après l'essaimage que
les ouvrières de certaines espèces causent des
nuisances et deviennent même insupportables
certaines années.
Ces nuisances sont causées par la guêpe vulgaire
et la guêpe germanique qui sont très attirées par
les aliments sucrés, fermentés et ou alcoolisés, les
fruits mûrs.
Elles sont curieuses, tournent volontiers autour des
gens, cette proximité bourdonnante agace et
engendre souvent la peur de piqûre et une envie
irrésistible de chasser les importunes.
Dans une bien moindre mesure, le frelon et la
Poliste du gaulois sont parfois attirés également
mais surtout par les fruits mûrs.
La pose d'un simple piège avec un mélange de miel
et d'eau permet souvent de limiter les nuisances
lors des années de fortes présence des guêpes.
Les 11 autres espèces ne provoquent absolument
aucune nuisance car elles ne sont pas attirées
par les aliments.
La destruction des guêpes
Un journal régional a fait une enquête auprès
des services de pompiers pour le mois de juillet
Figure 11 - Guêpes Vespula sp. dévorant une prune
Figure 12 - abreuvoir (les guêpes Vespula
sont fortement attirées par la bière)
Figure 13 - Un piège à guêpes (Pot en verre
avec un mélange d'eau et de miel)
© J-L RENNESON
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2015 en province de Luxembourg, résultat: 3280
guêpiers détruits.
Cette destruction massive a-t-elle un sens? Chaque
année, des milliers de guêpiers sont détruits et
pourtant les nuisances subsistent.
Les guêpiers les plus visibles et de ce fait le plus
souvent détruits appartiennent aux guêpes du
genre Dolichovespula, la guêpe saxonne, qui
est très commune. C'est la plus "gentille" de nos
guêpes et certainement aussi la plus détruite. Hors
ces espèces ne causent aucune nuisance.
Par contre les Vespula importunes vulgaris et ger-
manica nidifient très souvent dans le sol et passent
inaperçues, elles sont donc peu détruites.
Comment dès lors préserver les espèces les plus
utiles?
Toutes les guêpes se ressemblent très fort et
l'identification des différentes espèces est une
affaire de spécialiste. Par contre la structure des
nids permet de très bien différencier les genres.
Les guêpes Dolichovespula construisent leurs nids
de manière linéaires.
Les Vespula construisent en forme de coquillage.
Les Polistes font des nids de petite taille et sans
enveloppe.
Figure 14 - Nid de guêpe des buissons
Figure 15 - nid sous terrain de Vespula Figure 17 - Nid de Polistes biglumis
Figure 16 - à gauche nid de Dolichovespula saxonica,
à droite nid de Vespula germanica
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Le frelon est très reconnaissable à sa
grande taille.
Il serait donc assez facile de pouvoir
agir si nécessaire en connaissance de
cause.
La cohabitation avec une colonie de
guêpes est possible dans la plupart des
cas, à condition de ne pas déranger
le guêpier.
Les guêpes ont un effet très bénéfique
sur leur environnement en consom-
mant un grand nombre d'insectes, les
mouches font partie de leur nourriture
favorite. C'est un insecticide parfaite-
ment écologique et gratuit.
La méthode la plus répandue pour
détruire les nids est un mélange chimique à base
perméthrine de contact (poudre blanche) appli-
qué par injection sous pression dans les nids.
Le produit est un neurotoxique très puissant qui
tue les guêpes en quelques minutes, il est utilisé
en grande quantité et sans retenue ce qui bien
sûr pose question en terme de pollution de
l’environnement et des effets indésirables à long
terme. Pour exemple, on peut lire, dans la fiche
de donnée sécurité d’un des produits couramment
utilisés pour la destruction des guêpes, les risques
écologiques suivants :
« Ecologie - général : toxique pour les abeilles.
Ecologie - eau : Très toxique pour les organismes
aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à
long terme pour l'environnement aquatique. »
Le frelon (Vespa crabro)
Le frelon est une espèce de guêpe qui impressionne
par sa grande taille et sa mauvaise réputation. Il n’est
pourtant jamais agressif en dehors du dérangement
d’un nid, sa mauvaise réputation est injustifiée de
même que la dangerosité de ses piqûres.
On raconte que 3 piqûres pourrait tuer un cheval,
ce qui bien entendu ne repose sur aucun fonde-
ment. Bien sûr des cas mortels existent comme
avec les guêpes et les abeilles domestiques, mais
sans plus.
Le frelon consomme énormément de diptères et
autres insectes, mais s’attaque volontiers égale-
ment aux abeilles mellifères et aux guêpes qui sont
pour lui des proies faciles et abondantes.
Dans notre pays, le frelon est considéré comme
nuisible et est abondamment détruit, alors que chez
nos voisins allemands il est protégé légalement car
en régression et même considéré comme menacé
de disparition (source : Kosmeier, D, 1998-2015,
http://www.hornissenschutz.de/frelons.htm). La
Suisse étudie aussi sa mise sous statut de protection.
Figure 18 - grand nid de frelon à Brattert (GdLux)
Figure 19 - vue rapprochée de l'intérieur d'un nid de frelon
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Le frelon asiatique (Vespa velutina
nigrthorax)
Ce frelon, plus petit que notre espèce indigène est
apparu en 2004 dans le sud-ouest de la France,
apparemment importé avec des marchandises
(poteries) de Chine (Haxaire & ali, 2006).
Il s’est fortement et rapidement répandu dans
cette région et à l’heure actuelle il a colonisé une
grande partie de la France.
Il a également été observé en Espagne (nord),
au Portugal (nord-ouest) en Italie (nord-ouest) et
en Allemagne (sud –ouest).
A part l’observation d’un mâle à Flobecq en
2011, la Belgique semble encore épargnée par
cette nouvelle espèce qualifiée d’envahissante.
Il est cependant probable que le frelon asiatique
colonisera notre pays dans le futur.
Son régime alimentaire se compose comme nos
autres espèces de vespides, d’insectes mais avec
une nette préférence pour l’abeille mellifère, ce
qui peut en cas de forte présence porter préju-
dice à l’apiculture.
Une très forte médiatisation (pas toujours objec-
tive) existe à propos de cette nouvelle espèce. Elle
est qualifiée de dangereuse pour l’homme, très
agressive, mortelle…propos non fondés ou mal
expliqués. Il est évident que le dérangement d’un
nid de frelons asiatiques présente un danger bien
réel, d'autant que les colonies sont généralement
populeuses, mais ceci est valable également pour
toutes autres guêpes indigènes.
Figure 21 - Frelon dévorant une guêpe
Figure 23 - Frelon asiatique capturant une guêpe
Figure 22 - Extention de Vespa velutina (au 1/9/2015)
© J-L RENNESON
© q. ROME MNHN
© A. RIVIèRE
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Conclusions :
Les guêpes sont des insectes fort utiles, leur
destruction devrait être raisonnée et contrôlée,
pratiquée au cas par cas en fonction du réel
danger. L’utilisation de pesticides est fortement
déconseillé vu les risques d’effets néfastes pour
l’environnement. La cohabitation avec une col-
onie de guêpes ou de frelons est bien souvent
possible.
Remerciements :
Je tiens à remercier chaleureusement Quentin
Rome du MNHN de Paris et Antoine Rivière du
forum "guêpes et frelons" pour leur collaboration
et l'autorisation de reproduire leurs images.
Bibliographie :
GUIGLIA D. (1972) - Les Guêpes sociales (Hymenoptera
Vespidae) d'Europe Occidentale et Septentrionale.
Haxaire, J., Bouguet, J.-P., Tamisier, J.-P. 2006. Vespa
velutina Lepeletier, 1836, une redoutable nouveauté
pour la faune de France (Hym., Vespidae). Bulletin de
la Société entomologique de France, 111(2): 194.
Références internet :
http://guepes-frelons.forumgratuit.org
http://frelonasiatique.mnhn.fr/
http://www.hornissenschutz.de/frelons.htm
http://lesguepes.skynetblogs.be/
http://www.vespidae.be/
http://www.atlashymenoptera.net/page.asp?id=116
http://observations.be/soort/view/1672?waardplant=0
&poly=1&from=2015-09-07&to=2015-09-21&prov=15&m
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The first published mention of Vespa velutina in France (and in Europe). Specimen illustrated is the first collected Vespa velutina appearing in the entomological litterature.