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L’économie des sports d’hiver: des JO de Grenoble 1968 à ceux d’Albertville 1992

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Cette nouvelle analyse des grands évènements sportifs internationaux (GESI) procède par comparaison historique, quantitative quand c’est possible, du contexte économique dans lequel ils se sont produits après avoir précisé que ce contexte influence l’impact économique de l’évènement et la valeur du multiplicateur d’impact. La nouvelle analyse comparative est illustrée et mise en oeuvre respectivement pour les Jeux Olympiques de Grenoble 1968 et les Jeux Olympiques d’Albertville 1992, tous deux localisés dans la même région économique (Rhône Alpes). La même analyse n’aurait évidemment pas pu être conduite en 1968, l’économie du sport en tant qu’analyse appliquée aux sports d’hiver n’existait pas encore. On verra que les premiers articles économiques publiés consacrés aux sports d’hiver n’auraient été d’aucune aide pour l’étude des Jeux d’hiver d’Albertville 1992 non plus.
C
H AP I TR E
2
L’économie des sports d’hiver :
des JO de Grenoble 1968 à ceux
d’Albertville 1992
__________________________________________
Wladimir ANDREFF
1
En 1950, une paire de skis se composait de deux planches de bois traitées
et incurvées, fabriquées par une industrie nommée la menuiserie. Grenoble
était une ville industrielle en pleine expansion, le premier producteur de
skis français était localisé dans sa zone périurbaine à Voiron. En 1980,
Albertville était une petite ville enclavée, mal desservie par les réseaux
routier et ferroviaire, célèbre pour ses embouteillages créés par l’afflux de
skieurs dans les stations savoyardes aux périodes de vacances; située au
cœur de vallées alpines dont l’industrialisation était liée à l’hydraulique,
frappées par la crise et un fort taux de chômage. Ces deux contextes
économiques si contrastés ont eu des effets positifs et négatifs diffé-
renciés sur l’accueil des Jeux Olympiques d’hiver. L’impact économique
des JO ne pouvait y être semblable, pas plus que l’héritage enregistré
quelques décennies plus tard. En outre, séparés de 24 ans seulement, les
JO de Grenoble et d’Albertville ont lieu à deux moments très différents
de l’histoire de la pratique du ski et de l’expansion du marché des sports
d’hiver, de l’innovation dans l’industrie du ski et de l’internationalisation
économique du sport. Cependant, ils partagent des traits communs à
toutes les éditions des Jeux d’hiver: un dépassement des coûts initiaux (ex
ante), un déficit et un endettement financier, un impact et un héritage
1
Professeur émérite à l’Université de Paris 1, Président du Conseil scientifique de
l’Observatoire de l’économie du sport, Président d’honneur de la International Association
of Sports Economists et de la European Sports Economics Association.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
44
significatifs même s’ils ne sont pas que positifs. Le présent papier retrace
(une partie de) cette histoire de l’économie des sports et des JO d’hiver.
Cette nouvelle analyse des grands évènements sportifs internatio-
naux (GESI) procède par comparaison historique, quantitative quand
c’est possible, du contexte économique dans lequel ils se sont produits
après avoir précisé que ce contexte influence l’impact économique de
l’évènement et la valeur du multiplicateur d’impact. La nouvelle analyse
comparative est illustrée et mise en œuvre respectivement pour les Jeux
Olympiques de Grenoble 1968 et les Jeux Olympiques d’Albertville
1992, tous deux localisés dans la même région économique (Rhône
Alpes). La même analyse n’aurait évidemment pas pu être conduite en
1968, l’économie du sport en tant qu’analyse appliquée aux sports d’hiver
n’existait pas encore. On verra que les premiers articles économiques
publiés consacrés aux sports d’hiver n’auraient été d’aucune aide pour
l’étude des Jeux d’hiver d’Albertville 1992 non plus.
ÉTUDE D’IMPACT ET ANALYSE HISTORIQUE :
LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE
DES JEUX OLYMPIQUES
Le présupposé de base des études d’impact économique dédiées aux
GESI, notamment aux Jeux Olympiques, est que l’accueil d’un évènement
sportif déclenche un choc exogène (investissement, afflux de touristes)
qui, par le jeu du multiplicateur keynésien, va créer de la valeur ajoutée
dans l’économie d’accueil qui n’aurait pas été créée en l’absence des Jeux.
Les limites et les biais méthodologiques des études d’impact ont été
longuement soulignés par les économistes
2
. Le premier tient à la délimi-
tation du territoire sur lequel il convient d’estimer l’impact des JO (plutôt
local ou régional que national).
Les principaux autres biais proviennent des hypothèses de calcul
de l’injection nette initiale et jouent, pour la plupart, dans le sens d’une
2
Notamment dans Baade et al. (2008), Baade et Matheson (2016), Barget et
Gouguet (2010), Crompton (1995), Hudson (2001), Jeanrenaud (1999), Késenne (2005),
Lertwachara et Cochran (2007), Matheson (2005, 2006 & 2009), Porter (1999),
Zimbalist (2010, 2011 & 2015).
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surestimation de celle-ci. Ils consistent en: confusion entre le poids éco-
nomique du GESI (agrégation de chiffres d’affaires) et son impact
économique (valeur ajoutée nette), doubles comptages, prise en compte
d’injections afférant en fait à un projet autre que le GESI (ex. : inves-
tissements pour la réalisation du Grand Paris affectés à un GESI accueilli
à Paris ou en Île-de-France), effets de substitution des dépenses des
spectateurs locaux et effets d’éviction de la clientèle touristique habituelle
non pris en compte
3
, déplacements temporels et effets d’éviction sur les
investissements locaux, non déduction des fuites hors du circuit écono-
mique local (paiement des importations, rémunération de prestataires
extérieurs au territoire, profits ou dividendes payés à des non résidents)
conduisant de facto à approximer l’injection nette par l’injection brute,
comptabilisation en monnaie courante et non en monnaie constante. De
plus, l’étude d’impact n’est pas conçue pour estimer et mesurer les
externalités, positives (ex. : services fournis par des infrastructures non
sportives construites pour accueillir le GESI) ou négatives (nuisances,
pollution créées par le GESI), ni pour ajouter les premières et soustraire
les secondes de la mesure de l’impact. Elle n’est pas destinée à tenir
compte du coût d’opportunité du GESI, lequel pourrait éventuellement
conduire à la conclusion qu’un autre projet (ex. : hôpital, écoles) aurait
un plus grand impact avec une injection initiale nette identique à celle du
GESI.
Une fois qu’on a éliminé tous ces biais, comme dans l’étude d’impact
ex post de l’Euro 2016 en France (CDES & Kénéo, 2016), il reste un
dernier biais sur-estimateur qui est évidemment le choix de la valeur du
multiplicateur k. L’utilisation fréquente dans les études d’impact de
valeurs de k > 2 est peu crédible
4
. Des valeurs supérieures à 2 sont surtout
obtenues avec le multiplicateur de Léontief
5
et ne sont pas validées par
3
Le survey de l’OCDE insiste sur la tendance quasi-systématique à surestimer le
nombre de visiteurs et de touristes, à laquelle correspond souvent une sous-estimation
des coûts, notamment de sécurité, d’installations sanitaires et de dégradation de l’environ-
nement (Mountford, 2016).
4
Le multiplicateur utilisé fut de 3 pour les JO de Los Angeles 1984, de 2,99 pour
Séoul 1988 (Kim et Kim, 1989), de 2,4 pour Barcelone 1992 (Cotrina et Sauri, 1992), et
de 1,25 modèle METRIC de l’INSEE - pour la Coupe du Monde FIFA accueillie en
France 1998 (Foucard et Torrenti, 1991).
5
Qui calcule l’impact comme s’il se poursuivait, en décroissant période après période,
jusqu’à l’infini.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
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les modèles macro-économétriques d’estimation du multiplicateur
keynésien. Plus intéressante est une vision du multiplicateur dont la
valeur est forte à proximité du choc exogène et diminue de manière non
monotone à mesure que l’on s’éloigne dans le temps du choc initial. Telle
est l’approche du modèle MESANGE de l’INSEE (Bardaji et al., 2017) :
le multiplicateur culmine à 1,6 dans l’année immédiatement après le choc
initial, 7 ans après le choc il vaut 1,2 et ensuite il tend vers 1 (disparition
de l’impact). Au-delà de ce modèle, on doit considérer que la valeur
future du multiplicateur peut varier en fonction d’autres variables telles la
croissance de l’économie, l’inflation ou le commerce extérieur. Le multi-
plicateur est donc le facteur essentiel et unique par le biais duquel les
études d’impact tentent de prendre en compte le contexte économique
dans lequel se déroule ou va se dérouler un GESI et d’évaluer son
influence effective, une fois passé le choc initial.
Autrement dit, l’impact ne va pas être le même si l’économie ou la
région d’accueil est en forte croissance ou en récession, en forte inflation
ou en déflation, avec un fort chômage ou proche du plein emploi, en
situation d’exportateur net ou d’importateur net et ainsi de suite. La
valeur du multiplicateur keynésien sera différente dans les deux contextes
économiques opposés. Pour une bonne analyse des effets économiques
de l’accueil des JO, il convient de compléter l’étude d’impact par une
analyse du contexte économique dans lequel ils prennent place, en se
rapprochant au plus près des faits observés, tel est le principal message
de ce papier.
L’idée est de conduire une analyse comparative entre les contextes
économiques de différents JO et d’associer le relatif succès économique
de l’un de ces évènements par rapport aux autres à un contexte différent.
Ici un problème surgit: les JO successifs n’ont jamais lieu deux fois de
suite au même endroit. On est donc face à l’arbitrage suivant: soit l’on
compare des JO successifs dans des villes incomparables d’un point de
vue économique (ex : Turin, Vancouver et Sotchi), soit l’on compare des
JO qui se déroulent en un même lieu en des dates différentes (ex : Lake
Placid 1932 et 1980), mais dont le contexte économique a changé dans
l’intervalle. La seconde méthode semble plus appropriée pour cerner
l’effet du contexte économique proprement dit à l’exclusion de facteurs
géographiques, politiques, diplomatiques (boycott) ou urbains. La
comparaison n’est alors possible que pour des villes (ou des régions)
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ayant accueilli les JO plus d’une fois; elle devient en quelque sorte un
sujet relevant de l’histoire économique, sous réserve des obstacles à la
collecte de données anciennes ou inexistantes ou non conservées.
L’échantillon des villes ayant accueilli trois fois les JO est mince : Paris
1900, 1924 et 2024 ; Londres 1908, 1948 et 2012 ; Los Angeles 1932,
1984 (et 2028). Si l’on élargit l’échantillon aux villes ayant accueilli deux
fois les JO, le choix s’ouvre à : Athènes 1896 et 2004, Innsbruck 1964 et
1976, Lake Placid 1932 et 1980, Pékin 2008 et 2022, Saint Moritz 1928 et
1948, et Tokyo 1964 et 2020.
On peut toutefois considérer que l’accueil des JO plus d’une fois
dans une même région, au sens étroit, doit procurer une comparaison de
contexte économique aussi intéressante que si l’on comparait deux
éditions des JO dans la même ville et même plus intéressante en ce
qu’elle permet de comparer plusieurs sites d’accueil des JO dans une
même région. De ce point de vue, la région Rhône Alpes présente une
expérience unique avec les Jeux d’hiver de Chamonix 1924, Grenoble
1968 et Albertville 1992 (Arnaud et Terret, 1993). Peu de données étant
disponibles au sujet de Chamonix 1924, on se concentre sur la compa-
raison historique des contextes économiques des JO d’hiver de Grenoble
1968 et d’Albertville 1992 qui ne sont séparés que par 24 ans.
LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE DES JEUX
OLYMPIQUES D’HIVER DE 1968 ET DE 1992
La conception retenue du contexte économique est pluridimensionnelle.
Tout d’abord elle contient la macroéconomie nationale (taux de
croissance, d’inflation, de chômage) puis locale, celle des zones urbaines
de Grenoble et d’Albertville. Elle s’appuie ensuite sur une dimension
sectorielle, à la fois le marché des sports d’hiver qui évolue avec la
pratique de ces sports en France (nombre de pratiquants licenciés, taux
de fréquentation des stations de sports d’hiver, durée des séjours en
stations) et l’industrie qui fabrique les articles de sports d’hiver (les skis
en particulier) – cette industrie étant concentrée aux deux tiers en Rhône
Alpes – et qui n’est pas dans une phase économique similaire en 1968 et
en 1992; en particulier quant à son degré d’internationalisation et au type
d’innovations qui y survient. Enfin les Jeux de Grenoble et d’Albertville
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
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prennent place dans la séquence mondiale d’organisation des JO mar-
quée par une montée, et surtout un dépassement systématique, de leur
coût.
Le contexte de l’économie française
en 1968 et en 1992
La France accueille les JO d’hiver dans un contexte économique plus
favorable en 1968 qu’en 1992. Les JO de Grenoble interviennent dans
les années 1960s pendant une phase de croissance forte de l’économie
française au taux de croissance du PIB en moyenne de 5,7% par an
(Tableau 1). Les Jeux sont attribués par le CIO à Grenoble en 1964, l’une
des meilleures années de la décennie pour la croissance (6,6%) ; l’année
des Jeux, la croissance est encore à 4,5%. Pendant la phase de prépa-
ration et de déroulement des Jeux (1964-1968), la croissance est rapide
(5,2%) et elle l’est encore davantage juste après les Jeux (1969-1974:
5,6%) malgré le premier choc pétrolier juste à la fin de cette séquence.
Les Jeux de Grenoble s’inscrivent dans une période florissante de la
croissance française, propice à la dépense de consommation et d’investis-
sement et peu favorable à l’épargne de précaution en une période de taux
d’intérêt réels faibles. La propension à consommer est forte et donc le
multiplicateur d’impact est élevé en France.
A contrario, les années 1980 et 1990 correspondent à une croissance
économique en France nettement moins rapide, respectivement 2,4% et
2.0% en moyenne. C’est le début d’une crise de longue durée. Les Jeux
sont attribués à Albertville en 1986 lorsque le taux de croissance du PIB
est à 2,4%, mais lors d’un début d’accélération de la croissance en fin de
décennie 1980. L’année des Jeux, la croissance est tombée à 1,6%, trois
fois moindre que lors des Jeux de Grenoble. Pendant la phase de
préparation et de déroulement des Jeux (1986-1992), la croissance est
plus faible (2,8%) que dans les années 1960 et elle le reste après les Jeux
(1993-1998: 2,9%). La dépense de consommation et d’investissement est
loin de ses sommets des années 1960, près de vingt années de crise ont
suscité des comportements de précaution et davantage d’épargne. La
propension à consommer a baissé, le multiplicateur d’impact est plus
faible en France que 24 ans plus tôt. L’impact économique des Jeux
d’Albertville devrait être plus limité qu’il ne l’a été à Grenoble 1968.
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Tableau 1
TAUX DE CROISSANCE DU PIB EN VOLUME, FRANCE, 1961-1999
1961 5.0 1971 5,3 1980 1,6 1990 2,9
1962 6,8 1972 4,5 1981 1,1 1991 1.0
1963 6,2 1973 6,3 1982 2,5 1992 1,6
1964 6,6 1974 4,3 1983 1,3 1993 -0,6
1965 4,8 1975 -1.0 1984 1,5 1994 2,3
1966 5,2 1976 4,3 1985 1,6 1995 2,1
1967 4,9 1977 3,5 1986 2,4 1996 1,4
1968 4,5 1978 4.0 1987 2,6 1997 2,3
1969 7,1 1979 3,6 1988 4,7 1998 3,6
1970 6,1 1989 4,4 1999 3,4
m (1960s) 5,7 m (1970s) 3,9 m (1980s) 2,4 m (1990s) 2.0
m (1964-68) 5,2
m (1986-92) 2,8 m (1986-92) 2,8
1969-1974 5,6
1993-1998 2,9
Source : INSEE.
L’Agence Nationale pour l’emploi est créée en 1967. Jusque le
chômage était un problème secondaire en France. Le taux de chômage
tourne autour (ou en dessous) de 2%, soit à peu près la valeur du
chômage frictionnel à la mobilité entre deux emplois et au temps de
passage d’un emploi au suivant. Il est de 3.0% en 1968. L’économie
française est quasiment au plein emploi. Les JO de Grenoble ont une
faible probabilité de créer de l’emploi sous réserve de la situation du
marché du travail local. Il ne faut surtout pas déduire d’une valeur élevée
du multiplicateur un impact équivalent sur l’emploi quand l’économie est
quasiment au plein emploi.
Entre 1974 et 1983, le taux de chômage a triplé en France par
rapport aux deux décennies précédentes, mais il reste (légèrement)
inférieur à sa valeur moyenne en Europe de l’Ouest. Les JO d’Albertville
sont attribués, organisés et se déroulent dans une économie française
le taux de chômage est en moyenne de 10%; il monte même à 12% en
moyenne pendant les cinq années suivant les Jeux. Même avec un
multiplicateur plus faible qu’en 1968, les Jeux d’Albertville interviennent
dans un marché du travail en excès d’offre qu’ils seraient susceptibles de
dynamiser par des créations nettes d’emploi. C’était d’ailleurs l’un des
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espoirs de la mairie d’Albertville en portant sa candidature au CIO pour
1992 : atténuer le taux de chômage dans la vallée de la Tarentaise en
phase de désindustrialisation (Andreff, 1991).
Tableau 2
TAUX DE CHOMAGE EN FRANCE ET EN EUROPE DE L’OUEST, 1950-1998
1950-73 1974-83 1984-93 1994-98
France 2.0 5.7 10.0 12.1
Europe de l’Ouest 2.6 6.0 9.2 10.7
Source : Maddison (1995).
La valeur du multiplicateur d’impact est influencée par l’inflation : quand
on raisonne en euros constants, elle est dans une relation inverse au taux
d’inflation. Plus l’inflation est forte plus l’impact inter-temporel en
termes réels s’en trouve réduit, et inversement si l’inflation est faible. De
ce point de vue, les JO sont attribués à Grenoble quand l’inflation est de
3,4%, inférieure à la moyenne de la décennie 1960 (4.0%), ils sont
préparés pendant que l’inflation est en moyenne à 3,2% et s’ouvrent en
1968 au taux d’inflation de 4,5%, avant la phase de forte inflation en
France qui déjà affecte les six années d’après-Jeux. Les JO sont attribués
à Albertville quand l’inflation est à 2,7%, ils sont préparés avec une
inflation en moyenne de 3.0% et s’ouvrent en 1992 au taux d’inflation de
2,3%. Le différentiel d’inflation n’est pas très important entre la période
précédent les JO de Grenoble et celle qui précède les Jeux d’Albertville,
avec un léger avantage pour cette dernière, mais pas de quoi faire une
grosse différence dans la valeur réelle du multiplicateur et de l’impact. En
revanche, les deux riodes post-Jeux sont nettement différentes: 7,6%
d’inflation en moyenne après les JO de Grenoble, 1,4% après ceux
d’Albertville. L’impact réel ex post des Jeux est amoindri à Grenoble par
une inflation significativement plus forte qu’à Albertville.
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51
Tableau 3
TAUX D’INFLATION*, FRANCE, 1961-1999
1961 3,3 1971 5,7 1980 13,6 1990 3,4
1962 4,8 1972 6,2 1981 13,4 1991 3,3
1963 4,8 1973 9,2 1982 11,8 1992 2,3
1964 3,4 1974 13,7 1983 9,6 1993 2,1
1965 2,5 1975 11,8 1984 7,4 1994 1,7
1966 2,7 1976 9,6 1985 5,8 1995 1,9
1967 2,7 1977 9,4 1986 2,7 1996 2.0
1968 4,5 1978 9,1 1987 3,1 1997 1,2
1969 6,5 1979 10,8 1988 2,7 1998 0,6
1970 5,2 1989 3,6 1999 0,5
m (1960s) 4.0 m(1970s) 9,5 m(1980s) 7,4 m(1990s) 1.9
m (1964-68) 3,2 m(1986/92) 3.0 m(1986/92) 3.0
1969-1974 7,6 1993-1998 1,4
* Déflateur du PIB, Source : INSEE.
Si l’on considère l’ensemble du contexte macroéconomique, il est plus
favorable à un impact économique important à Grenoble 1968 qu’à
Albertville 1992.
Le contexte économique dans les zones urbaines
de Grenoble et d’Albertville
Grenoble n’est pas vraiment une ville de montagne, les premières pistes
de ski étant distantes d’une trentaine de kilomètres. La ville et sa zone
urbaine et périurbaine sont en pleine expansion en 1968 (Frappât, 1979)
alors que la Tarentaise est en quasi-stagnation économique et en phase
de désindustrialisation en 1992. La première zone est beaucoup moins
enclavée en 1968, notamment en desserte routière et ferroviaire, que ne
le sont Albertville et la Tarentaise en 1992.
Grenoble en 1968 est en pleine expansion économique: partant de
102 000 habitants en 1946, la population (intra-muros) atteint 161 616
habitants en 1968 et 166 037 habitants en 1975. L’agglomération est
passée de 166 200 habitants en 1954 à 236 300 en 1962, 329 600 en 1968,
389 100 en 1975, 392 000 en 1982, 400 000 en 1990. De 1962 à 1968, la
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52
population augmente dans l’agglomération, avec banlieues et zone péri-
urbaine, au rythme annuel moyen de 4,3%, le plus élevé des villes
françaises de plus de 100.000 habitants à l’époque. Puis, la croissance
démographique se ralentit, tombant à 2,3% de 1968 à 1975 ; elle est
soutenue par l’immigration venue de l’Afrique du Nord représentant
18,5% des étrangers en 1968, 30,5% en 1975 et 35,5% en 1979 (Chauveau
et Hollard, 2011). Le ralentissement se poursuit dans les années 1980. La
population est en faible progression depuis 1990. Les trois-quarts de la
croissance des années 1950 et 1960 sont dus au solde migratoire positif.
L’expansion économique de Grenoble a été attractive.
La ville attire du personnel qualifié, 20% de cadres moyens et 11%
de cadres supérieurs, 31% d’ouvriers dans la population. Les emplois
industriels dans la région de Grenoble, en pleine phase d’industrialisa-
tion, sont passés de 25.000 en 1946, à 55 000 en 1962, puis 67 000 en
1975. De 1968 à 1973, il se créa dans la région grenobloise davantage
d’emplois que dans l’ensemble du département du Rhône (Frappât, 1979).
Les entreprises fabriquant du matériel électrique, des équipements liés au
nucléaire et de l’appareillage électronique ont un effet d’entraînement sur
l’industrie grenobloise à l’époque. Mais de 1973 à 1975, la production
industrielle locale baisse, puis devient étale de 1976 à 1978 ; le nombre de
chômeurs dans l’Isère passe de 4 000 à 17 000 de fin 1973 à fin 1977;
l’industrie locale perd 10 000 emplois en trois ans de crise.
Depuis les années 1950, une nouvelle génération d’entrepreneurs
est apparue à Grenoble tels Marc Braillon (RMO), Yvon Gattaz (Radiall),
Auguste et Lucienne Faller (Lou), Vincent Rivier (Phénix), Serge Kampf
(Cap-Gemini-Sogeti), Daniel Cathiard (Genty-Cathiard), Gaston Cathiard
(remontées mécaniques Pomagalski), Laurent Boix-Vives (skis Rossignol),
Bernard Deconinck (Sommer-Allibert) et Jean-Pierre Dini (Le 38) qui
contribuent au dynamisme économique de la zone urbaine. Celle-ci attire
des investisseurs étrangers avant et après les Jeux : Caterpillar implante
une usine de tracteurs à chenilles pour les travaux publics (3 000 employés)
en 1962, puis Becton-Dickinson (600 emplois) y produit du matériel para-
médical, Hewlett-Packard (400 emplois) fabrique des mini-ordinateurs en
1970, Ford rachète Richier (pelleteuses) à Pont-de-Claix en 1972, le
groupe Empain prend une participation dans Pomagalski en 1976 puis
rachète Neyrpic (9.500 employés) en 1977.
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Rien de tel à Albertvile où le contexte économique local est totale-
ment différent (Kukawka, 1991). Sa zone urbaine est dix fois plus petite
qu’à Grenoble. Née en 1835 de la réunion de deux agglomérations
jumelles, Conflans et L’Hôpital, séparées par le fossé de l’Arly (Gex, 1921),
en 1992 Albertville est une ville de taille modeste, avec un héritage indus-
triel, moins tournée vers les hautes technologies que Grenoble et sans
campus universitaire foisonnant. La population de la ville est de 15 739
habitants en 1968, 16 970 en 1982, 17 411 en 1992 ; elle baisse après les
JO à 17 340 en 1999, puis reprend avec 18 009 en 2006, 18 832 en 2011,
et 18 950 en 2014. A cette date, la zone urbaine, en incluant Ugine et le
Beaufortain, compte 43.225 habitants. La population active se répartit en
agriculteurs 0,4% ; artisans, commerçants, chefs d’entreprise 7,4% ; cadres,
professions intellectuelles 7,7%; professions intermédiaires 21,2% ; em-
ployés 30,7% et ouvriers 32,6%.
L’industrie lourde s’est développée dans le bassin d’Albertville à
proximité des sources d’hydro-électricité. Elle se maintient dans le fond
des vallées, orientée vers la métallurgie, la sidérurgie, le matériel élec-
trique et la chimie.
En 1992, Albertville n’est pas plus une ville touristique que ne
l’était Grenoble en 1968, mais elle est située sur la route des grandes
stations de sports d’hiver, au carrefour de quatre vallées (Tarentaise,
Beaufortain, Val d’Arly, Combe de Savoie). En Haute-Tarentaise, 29%
de la superficie des alpages ont été transformés en stations de sports
d’hiver et en domaine skiable (Reffay, 1974). Par conséquent, la ville
subit tous les hivers un engorgement quotidien aux millions de
touristes fréquentant les grandes stations de ski savoyardes. L’accueil des
Jeux en a fait une ville où le secteur tertiaire est dominant et le tourisme
est la principale activité (30% des effectifs salariés en 2009), avec 20 941
lits hôteliers disponibles. Des commerces et des services sont désormais
concentrés dans les stations de sports d’hiver (CCI Savoie, 2004). Les
massifs savoyards entourant Albertville représentaient en 1986 70% du
marché des sports d’hiver français et accueillaient régulièrement des
épreuves de coupes du monde de ski alpin (Val d’Isère, Trois Vallées), de
championnat de ski artistique acrobatique (Tignes) et des compétitions
internationales de ski de vitesse (Les Arcs), mais manquaient d’infra-
structures pour les sports de glace.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
54
L’évolution de la pratique des sports d’hiver en France
Il est difficile d’estimer exactement l’évolution du nombre de pratiquants
des sports d’hiver. Les indications figurant au Tableau 4 montrent que la
pratique du ski au niveau mondial est en forte expansion après les JO de
Grenoble – multiplication du nombre de skieurs dans le monde par 1,8 en
8 ans entre 1972 et 1980 – mais qu’elle croît beaucoup moins vite ensuite,
dont pendant les JO d’Albertville multiplication du nombre de skieurs
par 2,1 en 36 ans entre 1980 et 2016. En 1987, il y a 55 millions de skieurs
dans le monde, 30 en Europe de l’Ouest, 9 en Amérique du Nord et 12 au
Japon. Comme l’indique le cas représentatif des États-Unis, la pratique du
ski alpin et du ski de fond est en régression après les Jeux d’Albertville, ce
que ne compense pas la substitution du ski par le snowboard et les
raquettes de neige, sports en pleine croissance en 1998-2003. Toutefois, le
nombre de pratiquants du snowboard, à son tour, a diminué de 28% de
2003 à 2013. Le nombre de journées passées par la population dans les
stations de sports d’hiver régresse dans le monde, en particulier dans les
deux pays leaders en la matière, les États-Unis (60 millions en 2011) et la
France. En 2015, on estime à 2 000 le nombre de stations de sports
d’hiver dans le monde, dont 510 en Allemagne avec 1
787 remontées
mécaniques (rm), 547 au Japon (2 422 rm), 481 aux États-Unis (3 122 rm),
349 en Italie (2 006 rm), 325 en France (3 790 rm), 288 au Canada (888 rm),
254 en Autriche (3 313 rm) et 240 en Suisse (2 284 rm). Quelques pays
émergents s’équipent rapidement tel la Chine dans la dernière décennie.
En France, le taux de départ en vacances d’hiver, défini comme le
pourcentage de la population ayant fréquenté une station de sports d’hiver
dans l’année, augmente de 2,4% en 1964 pour atteindre 3,1% après les JO
de Grenoble (1971) et culminer à 10% en 1983, puis entamer une baisse
historique à partir de 1984 (Tableau 5a). Ce pourcentage est toujours très
inférieur au taux de départ des Français en vacances (toutes sortes de) qui
au contraire connaît une croissance historique de 17,1% en 1974 à 27,3%
en 1988. La durée moyenne de séjour en station de sports d’hiver chute de
13,2 en 1975 à 8,8 en 1988
6
, ce qui s’explique à la fois par la baisse de
l’engouement et un changement de la clientèle en termes de revenus et de
CSP. En 1964, 90% des skieurs appartiennent à la moitié supérieure de la
6
En 2014, 47% des séjours de ski durent seulement une demi-journée, une journée
ou un week-end, selon la FIFAS.
W l a d i m i r A n d r e f f
55
distribution des revenus, 65% aux deux déciles supérieurs, 50% au décile
supérieur et 33% aux cinq centiles supérieurs. Sport des hauts revenus,
après les JO de 1968 la pratique du ski (et des sports d’hiver) commence à
devenir à la mode en France et s’étend au-delà des élites et des CSP
supérieures vers les classes moyennes (Tableau 5b). En revanche, en 1992
le marché du ski de fond et du ski alpin est à saturation depuis la deuxième
moitié des années 1980 (voir infra) et il faut de nouvelles pratiques (monoski,
snowboard, free style, half pipe) et de nouvelles conditions de vente
(location, marché de l’occasion) pour ralentir un peu le déclin de la mode
et le ralentissement de la demande de sports d’hiver – et pallier la difficulté
pour les couches populaires affectées par la crise économique d’accéder à
la pratique des sports d’hiver.
Tableau 4
INDICATIONS SUR LE NOMBRE DE SKIEURS DANS LE MONDE
(en milliers)
Pays 1972 1980** 2016
Skieurs aux USA
Allemagne 4500 8000 14607 En : 1998 2004 Variation
Autriche 1500 2000 2960 Ski alpin 7680 5903 -23,1%
Espagne ensemble
ensemble
2369 Ski de fond 2643 2352 -11.0%
et Portugal
900 1500 216 Snowboard 3635 6572 81.1%
France 2000 4500 8574 Raquettes 857 1014 18,30%
R.U. 400 1000 6340 Journées aux sports d’hiver en 2015 (millions)
Italie 2000 4000 4919 France 53,9
Monde en
Pays Bas 75 200 n.d. Etats-Unis 53,6 2014-15 400
Suède ensemble
ensemble
1824 Autriche 51,8
et Norvège
2000 4000 1181 Japon 34.0 France en :
Suisse 2000 2500 2959 Italie 30,5 2008-09 59
USA ensemble
ensemble
13910 Suisse 22,6 2009-10 56
et Canada 7000 14000 n.d. Canada 18,7 2010-11 56
Japon 8000 16000 n.d.
Rép. tchèque
14.0 2013-14 55
Yougoslavie
150 n.d. n.d. Chine 8,5 2014-15 53,9
Autres 1002 n.d. 19773* Suède 8,5
Total 31627 57800 120000**
* Autres pays européens - ** Estimations
Sources : Di Ruzza et Gerbier (1977), Lipsey (2006) et Statista.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
56
Tableaux 5a
TAUX DE DÉPART EN VACANCES D’HIVER ET DURÉE DE SÉJOUR, FRANCE 1964-1989
Saison Au moins 1 départ Taux de départ Durée moyenne Millions de
en vacances* dans population** de séjour*** vacanciers d’hiver
1964-65 2,4
1972-73 3,1
1973-74 3,4 1.70
1974-75 17,1 3,8
1975-76 18,1 4,8 13,2
1976-77 5,5 11,4 2,87
1977-78 21,1 6,6 3,47
1978-79 7,1 3,79
1979-80 22,7 7,8 10.0 4,19
1980-81 23,8 7,9 9,9 4,17
1981-82 24,6 8,2 4,44
1982-83 24,3 9,2 4,95
1983-84 26,2 10.0 5.50
1984-85 24,9 8,8 9,8 4,83
1985-86 27,1 9,6 9,5 5,26
1986-87 27,6 8,8 9,2 4,87
1987-88 28,2 8,8 9,1 4,87
1988-89 27,3 7,9 8,8
* Pourcentage de la population partant en vacances au moins 1 fois/an ; ** Pourcentage de la
population ayant fréquenté une station de sports d’hiver dans l’année ; *** En nombre de jours.
Sources : Andreff (1990 & 1991).
Tableaux 5b
LA PRATIQUE DES SPORTS D’HIVER EN FRANCE, 1964-1974
(Taux de départ en vacances de sports d’hiver)
Revenu annuel
(francs)
1964
-
65
1968
-
71
1974
-
75 CSP
1964
-
65
1968
-
71
1974
-
75
19
87
-
88*
< 6.000 2,4 0,3 1,6
Exploit.
salariés agricoles 0 0,4 0,5
6.000 - 10.000 0,3 0,1 0,2 Patrons 4,3 5,3 5,1
10.000 - 15.000 1,1 0,8 0,5
Prof
es.
libérales,
cadres sup 12,8 18,6 17,2 29,8
15.000 - 20. 000 1,2 1,2 0,4 Cadres moyens 2,9 8,7 10,5 17,6
20.000 - 30.000 5.0 2,9 1,2 Employés 1,2 2,2 2,8 9,1
30.000 - 50.000 10,1 8,7 3,6 Ouvriers 0,7 1,6 1,4 4,8
> 50.000 29,9 23.0 34,7 Inactifs 0,7 1,7 0,5
Ens
emble
population 2,4 3.0 3,8
Ensemble
population 2,4 3.0 3,8 8,8
* En Savoie.
Source : Adapté de Lavaud (1970), Di Ruzza et Gerbier (1977) et CGS (1989).
W l a d i m i r A n d r e f f
57
Le taux de fréquentation des stations de sports d’hiver en France diminue
depuis 1984 et la durée moyenne des séjours en station baisse depuis 1976
alors même que la France s’est dotée du plus grand parc de remontées
mécaniques au monde en 2005, et du troisième plus grand nombre de
stations de sports d’hiver après le Japon et les États-Unis (Tableau 6).
Même en Savoie, alors que les Jeux d’Albertville approchent, le taux de
fréquentation commence à baisser à partir de 1982-1985, notamment pour
des stations destinées à accueillir les JO comme Val-d’Isère, Les Arcs, La
Plagne et Tignes ; la commercialisation de logements neufs en montagne y
diminue aussi depuis 1981 (CGS, 1989). Le marché français des stations de
sports d’hiver est largement saturé depuis 1992 (Damour et Garigue, 1998)
malgré l’effort d’attraction tenté autour des JO d’Albertville.
Tableau 6
STATIONS DE SPORTS D’HIVER ET DE REMONTÉES MÉCANIQUES, 2005
Pays Nombre de:
Stations & centres de ski Remontées mécaniques
France 308 3.865
Italie 200 3.100
Autriche 255 3.016
Suisse 230 1.672
Allemagne 322 1.311
Espagne 28 338
Andorre 4 104
États-Unis 494 3.004
Canada 267 1.001
Japon 752 3.051
Source: La lettre de l’économie du sport, 21 octobre 2005.
L’évolution des effectifs licenciés
7
à la Fédération Française de Ski (FFS)
a connu une croissance exceptionnelle depuis 1949, et surtout entre 1959
et 1967 (Tableau 7, infra). Les JO de Grenoble interviennent alors que le
nombre de skieurs licenciés croît déjà un peu moins vite, bien qu’à un
7
Ce chiffre est très représentatif de la pratique effective car à l’époque l’achat d’un
forfait aux remontées mécaniques entraînait automatiquement l’obtention d’une licence
de la FFS.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
58
rythme encore soutenu. L’après JO enregistre une croissance lente des
effectifs puis une diminution continue de 1973 à 1979. Après un retour à
la croissance des effectifs de 1979 à 1987, le nombre des pratiquants du ski
entame une baisse historique en 1988, jusqu’à 2016
8
. Le contexte est
beaucoup moins favorable pour les JO d’Albertville que pour ceux de
Grenoble, puisque la pratique du ski en France perd un quart de ses
effectifs entre 1992 et 1995, puis encore 50% de 1995 à 1998. Les Jeux
d’Albertville ont engendré tout sauf une augmentation de la pratique du ski.
La FFS est une des 3 plus grosses fédérations sportives françaises en
1987 avec près d’un million de licenciés, elle tombe sous le seuil des 500 000
licenciés en 1995 et en dessous de 200 000 en l’an 2000. Dans les sports de
glace, le nombre de licenciés augmente de 267 000 en 1964 à 612 000 à
1973, puis connaît une baisse à 543 000 en 1979 et remonte pour atteindre
son point culminant à 994 000 en 1987 (Chifflet et Raspaud, 1991).
En 1968, il y avait 5 000 pratiquants du ski de fond en France. On
impute parfois aux JO de Grenoble le nouvel engouement pour le ski de
fond qui aurait atteint jusqu’à 500 000 pratiquants en 1976 (Di Ruzza et
Gerbier, 1977), mais l’effondrement du marché du ski de fond dans les
années 1980 (infra) ne confirme pas la durabilité de cet effet. Plus
largement, les 9 médailles gagnées par l’équipe de France aux JO de
Grenoble ont-elles entraîné l’augmentation de la pratique des sports
d’hiver enregistrée après 1968 ou bien celle-ci s’inscrit-elle simplement
dans la tendance croissante des années 1970 ? Le nombre de médailles
remportées par la France à Sapporo 1972 puis à Innsbruck 1976
(Tableau 8) ne valide pas l’hypothèse d’un effet de démonstration, jamais
statistiquement testé avec succès, selon lequel les victoires aux JO
déclencheraient une augmentation de la pratique de masse; ni ladite
«théorie de la pyramide» suivant laquelle une base de pratiquants élargie
est le gage du nombre accru de victoires de l’élite sportive. Effet de
démonstration et pyramide sportive deviennent même paradoxaux avec
les JO d’Albertvilleautant de médailles françaises qu’à Grenoble 1968
alors qu’on est en pleine décroissance de la pratique du ski
9
et
8
Elle est cependant moindre que ce qui apparaît au Tableau 7 en raison du dévelop-
pement d’une pratique sans licence, estimée à 136.000 skieurs en 2014. Mais 79% des
skieurs continuent à pratiquer sur piste, non hors piste.
9
Selon l’INSEE, en 1988 16,5% des Français de plus de 14 ans font du ski - 18,7%
des hommes et 14,5% des femmes (Moati, 1990).
W l a d i m i r A n d r e f f
59
davantage après 1992 les performances olympiques d’hiver de
l’équipe de France n’ont, en moyenne, jamais été aussi bonnes alors que
la pratique de masse et le marché des sports d’hiver sont en phase de
déclin. Les médailles gagnées aux JO d’Albertville n’ont pas enrayé la
baisse de la demande de pratique des sports d’hiver, mais marquent un
tournant positif dans les succès de la FFS et sans doute des progrès
dans la préparation olympique des athlètes.
Tableau 7
NOMBRE DE LICENCIÉS DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SKI, 1949-2016
(taux de croissance en pourcentage
et nombre en milliers)
Période Croissance Année Nombre
1949-1954 11.0 1987 994.0
1954-1959 11,9 1991 561,1
1959-1964 15,3 1992 625,7
1964-1967 17,6 1993 578,5
1967-1970 10,7 1994 531,4
1970-1973 1,3 1995 471,5
1973-1976 -3,3 1996 303,2
1976-1979 -0,7 1997 268,4
1979-1982 8,1 1998 234,9
1982-1985 6,4 1999 206,2
1985-1987 9,6 2000 183.0
1987-1989 -15,4 2001 165,9
1989-1992 -11,5 2003 157,8
1992-1995 -24,7 2005 155,8
1995-1998 -51,2 2006 151,1
1998-2001 -29,4 2007 138,1
2001-2004 -3,2 2008 139,3
2004-2007 -14,1 2010 137,8
2007-2010 -0,3 2012 134,7
2010-2013 -1,2 2014 130,4
2013-2016 -11,5 2016 120,4
Sources : Andreff (1991) et Ministère des Sports.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
60
Tableau 8
MÉDAILLES REMPORTÉES PAR L’ÉQUIPE DE FRANCE
Jeux Olympiques Total Or Argent Bronze
Innsbruck 1964 7 3 4 0
Grenoble 1968 9 4 3 2
Sapporo 1972 3 0 1 2
Innsbruck 1976 1 0 0 1
Lake Placid 1980 1 0 0 1
Sarajevo 1984 3 0 1 2
Calgary 1988 2 1 0 1
Albertville 1992 9 3 5 1
Lillehammer 1994 5 0 1 4
Nagano 1998 8 2 1 5
Salt Lake City 2002 11 4 5 2
Turin 2006 9 3 2 4
Vancouver 2010 11 2 3 6
Sotchi 2014 15 4 4 7
Source : CIO.
Le marché et l’industrie des articles de sports d’hiver :
leur mondialisation
Les JO de Grenoble et ceux d’Albertville ne se situent pas dans la même
phase du cycle de vie du produit ski, ni à la même étape d’internationa-
lisation du marché et de l’industrie des articles de sports d’hiver. La
croissance du marché mondial du ski et de ses accessoires fut exception-
nelle de 1962 à 1978, un contexte très favorable aux Jeux de Grenoble
(Tableau 9a). Les ventes mondiales de skis alpins passent le seuil de 4
millions de paires en 1972, quatre ans après les Jeux, et atteignent leur
point culminant en 1979 avec 7 millions de paires. Depuis lors, elles
n’ont cessé de régresser pour tomber à 6,3 millions de paires en 1992,
l’année des JO d’Albertville, puis à 4 millions de paires en l’an 2000 et
moins de 3 millions de paires en 2015. Déclin séculaire du marché du ski
alpin que le réchauffement climatique ne peut que renforcer à l’avenir. Le
marché du ski de fond connaît une évolution similaire depuis son
maximum atteint en 1979 (4,1 millions de paires) puis une chute des
ventes à 1,5 millions de paires en 1989 ; la croissance de ce marché lors
W l a d i m i r A n d r e f f
61
des JO de Grenoble contraste avec sa régression lors des JO d’Albert-
ville. Le marché mondial des chaussures de ski et des fixations de ski est
moins régressif. En revanche, le snowboard, inventé à la fin des années
1970, est un produit nouveau en 1992 avec un marché en pleine
expansion bien qu’il ait mis du temps à trouver sa clientèle: ainsi en 1994
en France, il s’est vendu 26 000 planches, aux 7% de skieurs adeptes du
snowboard (14% en 2004).
Tableaux 9a
VENTES MONDIALES DE SKI
(Millions de paires vendues, milliers pour chaussures, fixations, snowboards)
Saison
Skis
alpins Variation
Skis
de fond Variation
Chaussures
de ski Fixations Snowboards
1971-72 3,7
1972-73 4,1 11%
1973-74 4,4 7%
1974-75 4,8 9%
1977-78 6.0 25% 3,3
1978-79 6,7 12% 3,8 15%
1979-80 7.0 5% 4,1 11%
1980-81 6,3 -11% 3,4 -12%
1981-82 5,8 -36% 3,1 -10%
1982-83 5,8 0 3,3 6% 400 365
1983-84 5,6 -4% 2,9 -14% 370 345
1984-85 6,1 9% 3.0 3% 350 335
1985-86 6,6 8% 3.0 0 365 350
1986-87 6,9 5% 3,2 7% 480 420
1987-88 6,6 -5% 2,6 23% 430 370
1988-89 6,2 -7% 2.0 -30%
1989-90 5,9 -5% 1,5 -33%
Skis alpins+skis de fond
1992-93 6,3 150
1993-94 6.0 350
1994-95 5,9 650
1995-96 5,4 900
1996-97 4,7 -22%
1997-98 4,2 -11%
2008-09 3,5 -17%
2009-10 3,5 0
2012-13 3,4 -3%
2015-16 2,9 -15%
Sources: Andreff (1991) et presse.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
62
Tableaux 9b
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU MARCHÉ MONDIAL DU SKI
(Millions de paires)
Skis* 1972 1973 1974 1975 1988 1989**
France 220 270 334 370 740 380
Etats-Unis 690 1.500 950 1.000 1650 1100
Canada 120 170 190 205 700 420
Japon 140 210 325 390 1280 1400
Allemagne 410 510 430 610 1230 690
Italie 130 160 180 190 500 330
Suisse 470 720 790 800 500 380
Autriche 560 420
Suède 460 130
Autres*** 633 430
Chaussures de ski alpin
Etats-Unis 1300 1200
Japon 1200 1400
Allemagne 700 700
France 550 450
Italie 440 360
Autriche 380 400
Suisse 380 380
Canada 360 450
Suède 200 150
Autres (+) 475 465
* Skis alpins + skis de fond ; ** Skis alpins seulement ; *** Norvège, Finlande,
Royaume Uni, Espagne, Pays Bas, Danemark, Australie, Belgique, Corée du Sud, (+)
Norvège, Finlande, Pays Bas, Royaume Uni, Espagne, Danemark, Belgique.
Sources : Di Ruzza et Gerbier (1977), Andreff (1991).
Entre les Jeux de Grenoble et d’Albertville, le premier marché intérieur
du ski reste celui des États-Unis (Tableau 9b) cependant que le Japon
émerge comme le second marché au monde, dépassant celui de
l’Allemagne, de la France et de la Suisse. Dans les années 1980, 1990 et
2000, à part le snowboard, les marchés intérieurs du ski, de ses
accessoires et des chaussures de ski sont marqués par une croissance
ralentie, une stagnation, et finalement un déclin des ventes en France,
W l a d i m i r A n d r e f f
63
aux États-Unis, en Suisse et au Royaume Uni (Tableau 10). Même les
ventes de snowboard finissent par chuter après 2007, aux États-Unis.
Tableau 10
VENTES DE SKIS SUR LES MARCHÉS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
(Milliers de paires)
France 1983 1985 1987 1989 1992 2009
Skis alpins 425 390 500 380 470 360
Skis de fond 324 240 219 142 65
ensemble
Chaussures de ski 590 690 740 680 450 400
Fixations de ski 385 370 385
Vêtements sports d’hiver* 8,7 7,4 9,5 11,4 10,4
Etats-Unis 1998 2004 Variation
Skis alpins 717,7 457,5 -36,3%
Skis de fond 66,2 40,7 -38,5%
Snowboards 163,8 269,9 64,80%
Accessoires 671,1 722,1 7,60%
Patins à glace 153.0 142.0 -7,2%
2007 2010 2011 2012 2023
Snowboards 325 295 273 253 255
Suisse 1995 1996 1997 1998 1999
Skis alpins 351 323 305 305 332
Snowboards 52 71 90 92 100
Fixations skis alpins 284 281 261 292 309
Chaussures de ski 325 289 301 293 302
Chaussures snowboard 38 60 78 96 107
Skis de fond 52 45 46 34 31
Chaussures ski de fond 53 48 48 37 38
Fixations skis de fond 40 41 30 31
Royaume Uni** 1989 1990 1991 1992 1993 1994
Skis & accessoires 17.0 14.0 7.0 6,8 5,7 4,9
Chaussures de ski 9,2 9.0 7,7 6,9 6,5 5,6
Vêtements de ski 75 65 48 44 40 34
* En millions de pièces ; ** En millions £
Sources : Moatti (1990), Lipsey (2006), Jan (1999), Hudson (2000) et presse.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
64
En France, l’industrie des articles de sports d’hiver est en pleine crois-
sance en 1968, notamment en Rhône-Alpes et dans la vallée de l’Isère
(Grenoble), alors qu’en 1992 elle a déjà subi les premiers effets du ralen-
tissement de la croissance de la pratique du ski, des ventes décroissantes
de skis, et des restructurations et délocalisations de la production.
L’emploi dans les industries liées aux sports d’hiver en Rhône-Alpes (qui
concentre alors deux tiers de cette industrie et du domaine skiable
français) augmente de 3,5% par an en moyenne de 1970 à 1978, mais il
diminue de -7,2% par an en 1978-1981 (Reydet et Robert, 1983) et de
-2,5% en 1978-1987 (Reydet, 1989a). Ses effectifs en Rhône-Alpes
chutent de 6 640 employés en 1978 à 5 322 en 1987, soit une perte de
1 318 emplois (Reydet, 1989b). Cette industrie est peu présente en
Tarentaise, spécialisée dans des industries lourdes, y compris quelques
friches industrielles en 1992, et sa capacité à attirer l’industrie des articles
de sports d’hiver est faible car elle est localisée dans la vallée d’à côté,
celle de l’Isère.
La vente de skis a chuté sur le marché français au début des années
1980, suivie d’une reprise en 1987 pour les skis alpins, mais d’un déclin
continu pour les skis de fond. En 1985, le taux d’équipement de la
population française en skis alpins était de 18,6% et en skis de fond de
8,8%, niveau élevé même pour un sport à la mode à l’époque. Le marché
des chaussures de ski se retourne à la baisse en 1987 et ne retrouvera
plus jamais son niveau de 740 000 paires vendues. Seul le marché des
vêtements de sports d’hiver poursuit sa croissance ininterrompue. Les
tendances récessives du marché français sont accentuées par le dévelop-
pement de la location de l’équipement du skieur; la location de skis finit
par représenter 60% du marché en France, contre 20% aux États-Unis et
0% au Japon. Donc les JO de Grenoble surviennent dans un marché
français du ski en expansion, ceux d’Albertville dans un marché en phase
de maturité dans le cycle de vie du produit « ski et accessoires ».
Seuls le snowboard, le monoski et le ski court sont en croissance
en 1992 et l’on comprend que des épreuves de ski acrobatique et de ski
de vitesse aient été introduites aux Jeux d’Albertville.
D’autre part, les JO de Grenoble consacrent l’internationalisation
du marché et de l’industrie du ski et des sports d’hiver, ceux d’Albertville
sont contemporains de sa mondialisation. L’internationalisation de l’éco-
W l a d i m i r A n d r e f f
65
nomie du sport, des sports d’hiver et de l’industrie du ski n’en est qu’à
ses débuts en 1968, alors qu’elle est très avancée en 1992 (Andreff, 1989),
bien que n’ayant pas encore atteint sa totale mondialisation (Andreff,
2012a). En 1960 à Squaw Valley,
Jean Vuarnet gagne la descente olympique et inaugure l’essor de
Rossignol et la réussite des skieurs français au moment s’ouvre un
énorme marché international des sports d’hiver. En 1966 aux champion-
nats du monde de Portillo, l’équipe de France de ski remporte treize
titres. Aux JO de Grenoble, les victoires de Jean-Claude Killy et Marielle
Goïtschell marquent l’apogée à la fois des skieurs et du matériel français,
facilitant la pénétration des marchés étrangers. Rossignol en position
dominante, détenant 21% du marché mondial, devient une firme multi-
nationale (FMN) en s’implantant à l’étranger. En 1972, Rossignol devient
le n°1 mondial en vendant 500 000 paires de skis, puis 1,5 million en
1977, malgré la déroute de l’équipe de France aux JO de Sapporo 1972.
Dès 1965, Rossignol avait développé, à la veille des Jeux de
Grenoble, un réseau de filiales à l’étranger, au nombre de 11 en 1983 - 3
en Suisse, 2 en Italie, 2 aux États-Unis, 1 au Canada, 1 en Autriche, 1 en
Allemagne et 1 en Espagne ne réalisant plus que 30% de son chiffre
d’affaires consolidé en France. Ainsi, une filiale de Rossignol aux États-
Unis vendait des skis fabriqués en Espagne (coût unitaire du travail plus
faible) et commercialisait des chaussures de ski fabriquées par l’Italien
Nordica. Conséquence, Rossignol réduisit ses effectifs employés en France
de 3 029 en 1986 à 2 773 en 1990 alors même que Salomon les accrois-
sait de 1 689 à 2 831. Salomon disposait en 1991 de 15 filiales étrangères
dans les articles de sports d’hiver et réalisait 85% de son chiffre d’affaires
à l’étranger. En 1994, Dynamic a délocalisé son usine de Saint-Étienne
de Saint-Geoirs en Autriche et supprimé 123 emplois. Au moment des
JO 1992, il n’y a plus guère de nouveaux marchés étrangers à conquérir, à
part les pays de l’Est en crise de transition post-communiste.
Quand Albertville se prépare à accueillir les Jeux, le marché français
des sports d’hiver est parvenu à maturité et les grandes stations de la
Tarentaise espèrent surtout conquérir des parts de marché à l’étranger
(mais le marché y est aussi à maturité). Le nombre de marques de skis
concurrentes sur le marché mondial est en cours de diminution et une
réduction substantielle du nombre de firmes dans l’industrie est inéluc-
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
66
table. Les principaux producteurs sont (en ventes mondiales) : Rossignol
(950 000 paires), Atomic (Autriche, 720.000), Élan (Yougoslavie, 590 000),
Head (Autriche, 580 000), Dynastar (570 000), Blizzard (Autriche, 510 000),
Fischer (Autriche, 480 000) et Kästle (Autriche, 300 000). Mais seuls
Rossignol, Atomic, Élan, Head, Dynastar, puis Salomon sont devenues
des FMN présentes sur la plupart des marchés étrangers. La concurrence
sur le marché français du ski était moins pressante en 1968 que 24 ans plus
tard. Surtout, en 1992, la concurrence se joue surtout à l’international et
l’industrie française du ski profite encore un peu de la position domi-
nante de Rossignol et innovatrice de Salomon.
La France, comme ses principaux concurrents autrichiens, suisses
et italiens, a un commerce extérieur excédentaire pour les skis et acces-
soires. Juste après les JO de Grenoble, le taux de couverture des
importations par les exportations est de 600 en 1973 et 450 en 1975. À
l’époque, aucune étude ne fut réalisée pour tester s’il y a eu un « effet
olympique »
10
favorable au commerce extérieur. Tout au long des années
1980 et 1990 (Andreff 1989 ; M. et W. Andreff, 2009), ce taux de couver-
ture va rester supérieur à 500 pour les skis et accessoires, même s’il
commence légèrement à s’effriter; il passe de 897 en 1986 à 742 en 1992,
pour les chaussures de ski de 409 à 231 (Andreff et Nys, 1994). Avec la
perte de position dominante des FMN françaises de l’industrie du ski, le
solde commercial finit par se rétrécir à partir de la fin des années 2000 et
le taux de couverture tombe pratiquement à 100. En 2013, cette industrie
affiche même un (léger) déficit de son commerce extérieur et un taux de
couverture < 100. Cette évolution reflète aussi l’effet sur le commerce
extérieur des délocalisations de la production par les FMN de l’industrie
désormais mondiale du ski vers des zones à plus faible coût unitaire du
travail. La France n’est plus exportatrice nette de skis et accessoires.
10
Rose et Spiegel (2011) ont testé un effet positif statistiquement significatif du fait
d’accueillir les JO sur les exportations du pays hôte (et par voie de conséquence une
hausse des importations également).
W l a d i m i r A n d r e f f
67
Tableau 11
COMMERCE EXTÉRIEUR DE SKIS ET ACCESSOIRES DE LA FRANCE
Année 1980 1981 1982 1986 1992 1999 2000 2001 2009 2010 2013
Export. X 612 541 670 1292 1409 268 283 295 146 159 102
Import.M 114 109 114 144 190 45 56 67 133 155 109
Solde (X-M) 498 482 556 1148 1219 223 227 228 13 4 -6,7
Taux de M/X
537 496 588 897 742 595 505 440 110 103 94
1980-1992: millions F; 1999-2015: millions € (1 = 6,56F).
Sources : Douanes, StatInfo (Ministère des sports), Andreff (1989).
En effet, ses FMN (Rossignol, Salomon) soutiennent de plus en plus
difficilement la concurrence et finiront par être absorbées par des
concurrents étrangers. Il en va de même des stations de sports d’hiver
françaises soumises encore à une concurrence traditionnelle (Suisse,
Autriche, Italie) en 1968, alors que les stations proches d’Albertville sont
concurrencées en 1992 par des sites allemands, scandinaves, nord-
américains et même polonais ou tchèques avec le début de la transition à
l’Est de l’Europe. Cette évolution est due en partie à ce que les princi-
pales firmes de l’industrie du ski ont anticipé le retournement du marché
du ski vers sa phase de maturité en se diversifiant et en procédant à des
restructurations industrielles par voie de rachat et d’acquisition
11
. Pour
une autre partie, par diversification ou acquisition, ces firmes visent soit à
maîtriser la production de l’ensemble skis-fixations-chaussures, soit à
s’engager dans des productions les ventes ne déclinent pas comme
pour les skis. En conséquence, le nombre de producteurs n’a cessé de
diminuer dans l’industrie du ski et accessoires des années 1970 aux
années 2000, ce qui est typique d’une industrie dont le produit est
parvenu à maturité.
En fait, dès 1965 Rossignol rachète deux producteurs suisses de
skis Hadelmann, puis Authier en 1973. À partir de 1974, Salomon, pro-
ducteur de fixations, se diversifie dans la production de chaussures de
ski, puis de skis, enfin de snowboards. Dès 1977, plusieurs FMN de
l’industrie du ski se diversifient dans la production de raquettes de tennis
(Rossignol, Head, Fischer, Kneissl, Völkl), puis dans celle d’équipements
11
Pour une présentation détaillée de cette restructuration de l’industrie du ski: Andreff
(1990, 2006 & 2012a).
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
68
de golf, Salomon acquérant Taylor Made en 1985, Rossignol rachetant
Cleveland en 1991, tandis que Look passe de la fabrication de fixations
de ski à celle de cycles et accessoires en 1984. Nordica (chaussures de
ski) et Atomic (skis) ont commencé à produire des rollers, Fischer,
Dynamic et Authier se sont lancés dans la fabrication de VTT et de
mountain bikes. Les processus de fusion acquisition ne cesseront plus.
Dans les années 1990 et 2000, Head prend le contrôle de Brixia
(chaussures de ski), en 1993 Salomon rachète San Giorgio (chaussures de
ski) et finit par être absorbé à son tour par Adidas en 1997, K2 absorbe
Volkl en 2004, puis Amer Sports acquiert Atomic et Bonfire (snow-
boards), le groupe US Nyse (fibre de verre) prend le contrôle des skis K2
et Quicksilver de Rossignol en 2006.
Au total, les JO de Grenoble sont ceux de l’expansion et de l’inter-
nationalisation de l’industrie française du ski et des sports d’hiver, les JO
d’Albertville sont ceux de sa restructuration et de sa concentration (Andreff,
1990) en vue de la véritable mondialisation des firmes survivantes.
Les vagues d’innovation
dans les articles de sports d’hiver
Dans l’après-guerre, Grenoble devient le berceau d’un nombre croissant
d’innovations. Ainsi dans les techniques de progression verticale Petzl
(Hollard, 2011), après les Jeux de 1968, va se diversifier vers la fabrica-
tion de produits pour l’escalade et l’alpinisme. Ensuite Petzl innove en
1975 avec une fixation pour le ski de randonnée puis une lampe frontale
et un harnais d’escalade et finit par créer une filiale à Salt Lake City en
1988 (Schut, 2012). Des trajectoires semblables sont suivies par les
firmes de l’industrie du ski. Après guerre, le bois commence à disparaître
de la fabrication du ski, quittant la branche industrielle de la menuiserie
d’abord pour celle de la métallurgie, puis celle de la chimie de synthèse
(plastiques, fibres synthétiques) tout en empruntant des techniques issues
de l’aéronautique – contre-collage de matériaux synthétiques utilisé pour
les ailes d’avion (Encadré 1). Pour opérer une telle transformation, les
firmes ont dépenser beaucoup en R&D. En 1971-1972, Rossignol,
Dynamic et Salomon consacraient entre 5% et 8% de leur chiffre
d’affaires à des dépenses de R&D.
W l a d i m i r A n d r e f f
69
En 1950, Head introduit le ski sandwich en métal qui va progres-
sivement remplacer le ski en bois. En 1952, Salomon innove en fabriquant
de nouvelles fixations de ski qui, au moment des JO de Grenoble, lui
assurent une renommée mondiale. Une forte vague d’innovations
(substitution des fibres synthétiques au bois, automatisation de la chaîne
de production) dans l’industrie du ski et des autres articles de sports
d’hiver marque la période 1949-1975 (Di Ruzza et Gerbier, 1977) dont la
plupart des produits nouveaux sont en compétition aux JO de Grenoble.
Pour ces Jeux, en ski de fond à Autrans, Longines met au point de
nouveaux appareils électroniques de chronométrage, un grand tableau
lumineux placé à l’arrivée donnant les temps des concurrents à certains
points du parcours. Le Télé-Longines permet de suivre simultanément
tous les concurrents en piste et d’afficher au choix le temps de l’un ou de
l’autre. En patinage artistique, Longines innove avec un affichage des
notes du jury en chiffres lumineux.
La révolution industrielle de la production du ski se poursuit dans
les années 1970, le tal est rempladans la structure sandwich par
diverses matières plastiques et surtout des matériaux synthétiques
composites. Puis apparaît dans les années 1980 le ski à boîte de torsion,
permettant la mise au point de robots pour l’automatisation de
l’assemblage des skis. À la fin des années 1980, ces deux technologies
représentent 90% du marché mondial du ski quand s’achève cette vague
d’innovations qui a entièrement transformé le produit ski. Ainsi la
production de cet article de sport d’hiver fait appel à une technologie de
plus en plus complexe entre les années 1960 et 1980 en intégrant des
compétences et des matériaux provenant de la métallurgie, de la
mécanique, de la chimie et du textile.
Un tel produit devient aussi complexe du point de vue des propri-
étés recherchées par les consommateurs – légèreté, résistance, rigidité,
anticorrosion, design, esthétique, anti-vibrations (Desbordes, 2001), mais
ceci est plutôt lié à une seconde vague d’innovations qui démarre avant
les JO d’Albertville. Face à un marché en déclin, les innovations recher-
chées ne sont plus celles qui avant tout améliorent les performances des
skieurs en compétition, mais celles qui permettent un accès facile de
quiconque, du plus jeune au plus âgé, à la pratique du ski des
innovations d’euphémisation de la pratique sportive (Andreff, 1985 &
1991). Ou des innovations répondant à la demande d’articles de sport
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
70
sécurisants et solides (Pourquet, 1995). Ou des innovations pour diversi-
fier la pratique et en accroître le fun. On voit donc apparaître le monoski,
le snowboard
12
, le ski court, la raquette de neige à fixations adaptables, la
chaussure de ski chauffante, le masque adaptable et, surtout, le ski para-
bolique monocoque. En 1984, Salomon engage d’importantes dépenses
de R&D pour produire ce nouveau ski et ainsi réagir à la stratégie de
Rossignol qui vient de se diversifier dans la production de chaussures de
ski. Un objectif est que les JO d’Albertville amplifient l’impact du
nouveau ski monocoque sur le marché. L’invention par Salomon du ski
monocoque change la géométrie du ski de façon à faciliter les rotations,
minimiser l’effort et gagner du temps, tout en réduisant le nombre de
composants comparé à un ski sandwich. Le nouveau ski fut lancé sur le
marché en novembre 1989, pratiquement deux ans avant les JO
d’Albertville. Salomon a vendu 5,5 millions de paires de ski monocoque
de 1990 à 2000, atteignant environ 10% du marché mondial. Le nouveau
produit a été protégé par le dépôt de 423 brevets entre 1990 et 1996 et a
maintenu le monopole de l’innovateur sur le ski monocoque – la plupart
des concurrents restant sur le ski sandwich jusqu’à la fin des années 1990.
En 1998, Salomon lance le Snowblade, compromis entre le ski para-
bolique et le snowboard, fabriqué en monocoque. Pour le reste, avant
comme après 1992, les principales innovations sont des innovations
d’euphémisation facilitant la pratique des sports d’hiver pour tous et
tentant d’enrayer le déclin du marché du ski de fond et du ski alpin.
Les JO de Grenoble ont pris place au milieu de la révolution
industrielle du produit ski, contexte extrêmement favorable. Rossignol a
conquis les marchés étrangers dans les années 1970 et est devenu leader
mondial en 1975 grâce aux skis en métal, en plastique et en plastico-
métal (Di Ruzza et Gerbier, 1977), sans doute plus que grâce aux JO de
Grenoble. Tandis que les JO d’Albertville sont contemporains du déclin
de la pratique, du marché du ski parvenu à maturité que tentent d’enrayer
des innovations d’euphémisation de la pratique pour ouvrir l’accès à de
nouvelles clientèles. Les données sur les ventes ci-dessus (supra) ne
permettent pas de penser que ces innovations-là ont pu inverser les
tendances du marché.
12
Un temps interdit dans les stations de sports d’hiver, puis pratiqué en sport-loisir,
le snowboard entre dans le programme des JO à Nagano 1998.
W l a d i m i r A n d r e f f
71
Resituer Grenoble 1968 et Albertville 1992
dans la séquence des Jeux d’hiver
Sur un plan sportif, les JO de Grenoble et d’Albertville se soldent par un
même bon résultat pour l’équipe de France olympique, mais les premiers
ouvrent la voie à cinq Olympiades sans grand succès. Il faut justement
attendre 1992 pour que les gains français de médailles olympiques
retrouvent leur niveau de 1968 et s’y maintiennent (sauf à Lillehammer
1994) ou le dépassent, et ce jusqu’à Sotchi 2014 (Tableau 8). Sur un plan
médiatique international, les Jeux d’Albertville ont pâti de la proximité
inhabituelle des JO suivants dont la campagne, soutenue par 380 firmes,
battait son plein en 1992 (Spilling, 1992) sur la base d’un budget de 9
milliards de couronnes norvégiennes (1,3 milliard $) … qui sera dépassé.
En effet, tous les Jeux Olympiques, y compris les Jeux d’hiver,
comportent trois séries de conséquences économiques sur la zone géogra-
phique qui les accueille
: des coûts, en général dépassés (Andreff, 2012b),
un impact économique le plus souvent positif et un héritage à plus long
terme, économique et social, qui peut s’avérer aussi bien positif que
négatif. Pour ce qui est des coûts et de l’impact, les Jeux d’hiver d’une
année donnée se comparent aux Olympiades précédentes et suivantes,
selon les données disponibles. Grenoble 1968 a sans doute bénéficié du
succès des Jeux de Squaw Valley 1960 et d’Innsbrück 1964 et ne semble
pas avoir pâti rétrospectivement de leur accueil quatre plus tard à
Sapporo 1972. En revanche, les Jeux de Sarajevo 1984 (Tihi, 1983) n’ont
pas impulsé d’élan puissant un an avant le vote du CIO en faveur
d’Albertville, ceux de Calgary 1988 (DPA Group, 1985)
furent davantage
positifs, mais l’annonce en 1987 que les Jeux de Lillehammer se
tiendraient en 1994 (et non en 1996) a certainement amoindri l’impact
des Jeux d’Albertville, au moins quant à la durée efficace de leur média-
tisation, réduite à deux ans seulement par Lilehammer.
Quelque soit le taux de change $/F retenu, le coût des Jeux de
Grenoble a été inférieur à celui de Lake Placid 1980, Sarajevo 1984 et
Calgary 1988. Mais, comme tous les Jeux d’hiver de Lake Placid 1980 à
Sotchi 2014, le coût initial a été dépassé, bien que modérément grâce à la
prise en charge par l’État de l’essentiel des infrastructures sportives et
non sportives à hauteur de 1 milliard F. Lors de la préparation des JO
d’hiver 1968, les relations entre la municipalité de Grenoble et le COJO
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
72
devinrent vite impossibles, et en janvier 1966 la municipalité se retira du
COJO. Le financement des JO de Grenoble fut partagé entre l’État
surtout, le département de l’Isère, la ville de Grenoble, le COJO et les
communes des stations de sports d’hiver impliquées (Tableau 13).
Tableau 12
EX ANTE AND EX POST COST OF WINTER OLYMPICS - UPDATE OF ANDREFF (2012B)
Host city, year ct-1: ex ante cost Ct: ex post cost After t cost
(Nb of bidders)
Lake Placid 1980 Initial operation cost: $47m LOOC operation cost: $96m Op. loss: $8.5m
(2 bidders) Investment cost: $129m
Sarajevo 1984 Operation cost: $17.6m Operaton cost: $20.2m
(3 bidders) Investment cost: $15.1m
Calgary 1988 Initial overall cost: can$500m Overall cost: can$1000m
(3 bidders) LOOC operation cost: $636m
Albertville 1992 Initial total cost: F2933m Overall cost: F12bn Op. loss:$60m
(7 bidders) in 1987: F3160m; 1991: F11487m (F285m)
of which operation cost: F3233m; LOOC operation cost: F4200m
sporting equipments: F714m sporting equipments: F5755m Extra sport equipt
infrastructures: F8630m infrastructures: F7800m cost: F286m
Accommodation cost: F289m Accommodation cost: F575m
Lillehammer 1994
Overall cost in 1988: $1511m Overall cost: $1700m Op.loss: $343m
(4 bidders)
Nagano 1998 Overall cost in 1992: $450m Overall cost: $875m Debt: $11bn
(5 bidders)
Salt Lake City Operation cost: $400m in 1989; Operation cost: $1.9bn Op. loss: $168m
2002 (4 bidders) 1996: $1000m; 1998: $1300m
Turin 2006 Investment cost: €3.5bn Investment cost: €13bn Op. loss: $38m
(6 bidders) Operation cost: $660m Operation cost: $1357m
Vancouver 2010 Operation cost: $846m Operation cost: $1269m Op. loss: $37m
(3 bidders) Investment cost: €1.31bn
Sochi 2014 Initial total cost: $8.4bn
(3 bidders) 2007: $12bn; 2010: $33bn
M : million; bn : billion; $00 : in 2000 dollars ; Australian dollars for Sydney; F : French
francs ; Y: yen.
W l a d i m i r A n d r e f f
73
Dès le départ, le COJO de Grenoble reçut une subvention de 20 millions
(M) F de l’État et une de 37,1 M F du département de l’Isère, soit 3,5%
du coût total annoncé des investissements olympiques (1.097 MF) répartis
en 74,91% (822 MF) à la charge de l’État et d’organismes publics et
semi-publics (ORTF, SNCF, Sécurité sociale, organismes HLM, Centre
Hospitalier Régional, Société d’Aménagement du département de l’Isère
et Société d’économie mixte Malherbe), 3,65% (40 MF) à la charge du
département, 20,07% (220 MF) à la charge de la ville de Grenoble et
1,37% (15 MF) à la charge des autres communes olympiques. Les infra-
structures non sportives (Hôtel de ville, hôpital Sud, Hôtel de police,
Maison de la culture, Conservatoire et Palais de la Foire) correspondaient
à 20% du coût total des investissements olympiques « mais des emprunts
à long terme consentis par l’État permettaient d’étaler la dépense sur
quelques décennies » (COJO, 1968). Il ne revint à la ville que 220,3 MF
de dépenses, dont le financement fut presque entièrement assuré par des
emprunts auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations sur 25 ans au
taux de 5,25%. Telle est la durée pendant laquelle les Grenoblois ont
remboursé l’endettement lié aux Jeux. Les élus locaux « ne se privèrent
pas pour faire passer dans l’enveloppe olympique le maximum de choses »
(Frappât, 1979, p. 210). L’équipement des stations extérieures à Grenoble,
ne fut pas très coûteux (7,7 M F), les transports et communications
coûtèrent 465,4 M F, le village olympique et le centre de presse 250,9 M
F, les équipements sportifs 92,5 M F, les équipements non sportifs 87,4
M F et les équipements culturels 45,7 M F.
On ne dispose pas d’indication précise sur le dépassement du coût
total des JO de Grenoble. Le coût des JO de Grenoble est estimé à 1,1
milliards F courants, à peu près 6 milliards F 1992 (2 fois moins cher que
les JO d’Albertville, 11,4 milliards F 1992). Le coût d’opération du
COJO de 122,8 M F n’a que légèrement dépassé (3,1%) le budget
prévisionnel. Mais les recettes du COJO de 36,3 M F (droits d’entrée: 7,2
M F, droits TV: 13 M F, prestations de services: 6 M F, sponsoring et
divers: 10,1 M F), furent très inférieures aux 122,8 M F de dépenses. Le
déficit de 86,5 M F (470 M F 1992 contre 288 M F à Albertville) dut être
couvert par une subvention d’exploitation de l’État.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
74
Tableau 13
LE FINANCEMENT DES JEUX OLYMPIQUES DE GRENOBLE 1968
(Milliers de francs)
Opérations Travaux Etat Département Communes Organismes publics Total Total
FP Emprunts FP Emprunts FP Emprunts travaux opération
Transport et Autoroutes 90.000
90.000
Com. Voirie 92.327 31.724 74.885
900 199.836
Ferroviaire 38.800 200 1.000 29.700
24.800 2.000 96.500 465.181
P & T 78.845
78845
Village O. et
VO de Grenoble 20.996 1.112 200 19.286
8.297 129.288 179.179
centre presse VO d’Autrans 3.555 244 4.280
1.200 4.978 14.257 250.876
Centre presse 3.066 3.605
15.205 35.564 57.440
Equipements
sportifs Chamrousse 5.090 3.510
8.600
Grenoble 38.851 24.024
889 63.764
Tremplin 90 m 5.520 1.380
6.900 92.517
Autrans 2.706 657
3.363
Huez 5.180 1.520
6.700
Villard de Lans 2.552 638
3.190
Equipements
généraux tel de Ville 1.600 24.703
29.303
Hôtel de Police 7.000 950
7.950
Caserne Pompiers 500 1.250 5.250
7.000 87.379
Palais Expos. 11.000
11.000
Hôpital Sud 11.800
3.360 12.840 28.000
Relogement 538 277 496
207 5.608 7.126
Equipements
ORTF
Centre
Malherbe et lieux
des épreuves
57.502 57.502 57.502
Equipements
culturels
Musée
Dauphinois
Maison Culture 19.936 1.010 24.728
45.674 45.674
Stations
olympiques 1.237 6.500
7.737 7.737
Total hors subv. 428.862 2.839 37.194 3.177 232.156
111.460 191.178 1.006.866
Subv. COJO 90.429
90.429
Total 519.291 2.839 37.194 3.177 232.156
111.460 191.178 1.097.295
FP = fonds propres. Source : COJO (1968).
W l a d i m i r A n d r e f f
75
On a des indices indirects de dépassement des coûts d’investissement.
Bien que l’État et divers organismes publics aient supporté 75% des
financements, les impôts locaux furent plus que doublés dès 1966 et
1967, période d’achèvement accélérée de nombreuses infrastructures. Les
retards pris en 1964 et 1965 firent que les chantiers se déroulèrent tous
en même temps en 1966 et 1967, source de surcoût. Certains projets
amorcés pour les JO furent retardés, ainsi la rocade Sud entamée en 1967
qui ne fut achevée qu’en 1987. Le fardeau financier s’allégea grâce à la
forte inflation des années 1970 mais ne disparût qu’en 1995. F.
Les Jeux d’Albertville ont coûté au total 11,4 milliards F, dont 3,9
milliards F (hors déficit) à la charge du COJO. Le coût des infrastruc-
tures routières, autoroutières, ferroviaires, aéronautiques, d’électrification,
de télécoms et d’urbanisme ajoute 5,8 milliards F, dont 48% financés par
l’État. Les opérations d’accompagnement, logements sociaux, eau et assai-
nissement, équipements de santé, modernisation de l’hôtellerie et l’environ-
nement comptent pour 1,7 milliard F. Sur le total général de 11,4 milliards
F, 35% sont à la charge de l’État. Les seuls équipements sportifs ont coûté
791 MF, l’État prenant à son compte 59% de ces derniers, le COJO 26%
et les municipalités 12% (Tableau 14,). Le dossier de presse du COJO, en
février 1992, détaille les coûts et qui les prend en charge comme suit :
cérémonies d’ouverture et de clôture, 28,7 MF (COJO)
; village olympi-
que à Brides-les-Bains, 75 MF (collectivité locale), centre international de
radio et télévision à Moutiers, 186,5 MF, dont 96,5 MF pour le COJO ;
centre principal de presse à La Léchère, 190 MF, dont collectivité locale
51 M F et COJO 96,5 M F. La Chambre régionale de la Cour des
Comptes a fini par demander de limiter l’investissement et de contenir
les frais de fonctionnement à l’entretien de l’existant ; elle a incité
également à une hausse des taux de la fiscalité locale de 4,5%.
Serraz (1992b) mentionne le rapport de l’Inspection des Finances :
« À l’exception de celui de décembre 1991, les budgets du COJO ont
toujours été présentés en équilibre artificiel… Pour protéger l’image
entrepreneuriale du COJO et éviter la démobilisation du personnel, cette
dissimulation est volontaire »
13
. Certains postes de dépenses ont été sous-
13
En septembre 1992, le puté Pierre Mazeaud demanda la création d’une com-
mission d’enquête parlementaire sur les conséquences économiques des JO et le dérapage
de certains postes budgétaires.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
76
évalués comme les équipements sportifs (1 milliard F) et l’hébergement
(500 M F). Confirmant ces dires, le taux de dépassement des coûts est de
43% en moyenne (Tableau 15), mais de 198% pour les infrastructures
d’hébergement, 161% pour les installations sportives et 78% pour les
coûts d’organisation. Du côté des revenus, en proie à une conjoncture
économique difficile, les sponsors ont réduit le nombre des invités. Le
COJO n’a hébergé que 6 532 personnes, contre 8 355 attendues, et les
recettes escomptées de 278 M F sont tombées à 118 M F.
Tableau 14
LE FINANCEMENT DES ÉQUIPEMENTS SPORTIFS DES JO D’ALBERTVILLE
(Millions F)
Site Equipements Montant dont FNDS Collectivité COJO Montant dont FNDS
initial (Etat) locale final (Etat)
Albertville Halle de glace 100,35 79 17 4,35 123,49 93,69
Anneau vitesse, stade 43,6 29 3 11,6 47,9 29
Courchevel Patinoire, combiné nordique 134,63 56,6 78,02 158,97 79,13
Méribel Piste de ski, hockey sur glace 95,5 59,5 30 6 102,9 62
La Plagne Piste bobsleigh, luge 223 123,04 15 84,96 232,81 145,93
Pralognan Patinoire 30,5 16,5 14 37,36 19,57
Val d’Isère Piste de ski 25 16 9 29,65 16
Les Saisies Stade, piste ski de fond 23 9 14 27,29 9
Les Menuires Stade de slalom 8 4 4 9,49 4,74
Tignes
(Hones) Stade de ski artistique 6 3 3 7,12 3,56
Les Arcs Stade KM ski de vitesse 12 5 7 14,23 5,93
Total des
travaux 701,58 400,64 93 207,93 791,21 468,55
Part FNDS 57% 59%
Sources : Dossier presse du COJO, février 1992 et Rapport Pellarin, Sénat, octobre 1992.
Le dépassement des coûts a engendré un déficit (pronostiqué dans
Andreff, 1991) qui s’éleva en fin de compte à 288 M F, inégalement
réparti. Le déficit de la halle olympique est 300.000 € par an (soit 12 000 €
sur 25 ans). La commune de Pralognan a emprunté 44 M F (6,7 M€)
pour construire le complexe destiné à l’épreuve de curling. Alors que son
budget de fonctionnement était de 30 M F (4,57 M€), la commune de
Brides-les-Bains a investi 200 M F (30,49 M€) pour une télécabine reliant
Méribel; elle s’est retrouvée en défaut de paiement et après les JO a
W l a d i m i r A n d r e f f
77
gérer une dette de 70 MF pour un budget annuel de 18 MF. La piste de
bobsleigh de La Plagne a coûté 220 MF (33,6 M€) pour une évaluation
initiale de 130 MF (19,6 M€) et a exigé une rénovation en 2005 (6,3 M€
supplémentaires). Le tremplin de saut de Courchevel est revenu à 134
MF (20,4 M€) contre une évaluation initiale de 61 MF (9,3 M€). Le
déficit de la ville d’Albertville a atteint 31 MF (4,73 M€). Au déficit total
de 288 MF, il faut ajouter 386 M F (58,8 M€) consentis par l’État au
COJO qui ne seront jamais remboursés.
Tableau 15
LES COÛTS ET LES RECETTES DES J.O. D’ALBERTVILLE
ET LEUR DÉPASSEMENT
(Millions F)
Dépenses 1985 1991 1992 Dépassement
Instalations sportives 395 951,5 1031 161%
Technologie (télécoms, etc.) 315 533 531 69%
Hébergement 190 455,5 566 198%
Média 550 463 482 -12%
Organisation 774 1395 1375 78%
Frais financiers 44 106
Divers 96 105 110 15%
Equipements collectifs 613
Total des dépenses 2933 3947 4201 43%
Recettes 1985 1991 1992 Dépassement
Billetterie 40 144 198 395%
Commercialisation 369 1145 1152 212%
Droits de télévision 2000 1236 1206 -40%
Monnaies 130 50 50 -72%
Prestations fournies 57 68 108 89%
Revente de matériel 72 61 78 8%
Hébergement 278 122
Produits financiers 25 142 170 580%
Participations publiques 240 823 829 245%
Total des recettes 2933 3947 3913 33%
Déficit 288
Source : adapté de Gouguet & Nys (1993).
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
78
IMPACT ÉCONOMIQUE ET HÉRITAGE DES JEUX
DE GRENOBLE 1968 ET D’ALBERTVILLE 1992
On distingue l’impact à court terme (jusqu’aux Jeux et pendant leur
déroulement) de l’héritage à plus long terme, tangible et intangible,
positif et négatif – notamment des « éléphants blancs » (Delahaye, 2014),
i.e. des investissements olympiques qui ne sont plus utilisés après les Jeux
(tout en comportant souvent des coûts d’entretien et de maintenance) et
éventuellement des dégâts écologiques. Les Jeux d’hiver sont particulière-
ment exposés à ces externalités négatives lorsque de nouvelles pistes sont
tracées et avec la construction des tremplins de saut à ski et des pistes de
bobsleigh/luge. D’autres héritages à long terme peuvent être: des impôts
directs payés par les entreprises et les particuliers, des frais de fonction-
nement des installations sportives (y compris amortissement de l’investis-
sement), l’attraction de nouvelles entreprises et de nouveaux habitants
dans la ville olympique, une attractivité touristique et un dynamisme
régional. L’héritage environnemental peut consister en une utilisation
économe de sol-eau-énergie par les installations sportives, des quartiers
régénérés (qualité de vie), un meilleur aménagement du territoire, des
infrastructures de transport public, un urbanisme et un paysage rénovés.
L’héritage social (intangible) peut prendre la forme d’une meilleure
intégration sociale des habitants, d’une image plus valorisante du territoire,
du renforcement du patrimoine culturel, et en plus tangible mais
difficilement mesurable, un développement de la pratique sportive et une
meilleure santé de la population.
Retour sur l’impact et l’héritage
des JO de Grenoble 1968
Pour ce qui est de l’impact à court terme des JO de Grenoble, « les Jeux
ne furent pas vraiment une fête pour les Grenoblois » (Frappât, 1979,
p. 207). La plupart des Grenoblois n’assistèrent aux Jeux que devant
leurs postes de TV, la majorité d’entre eux étant écartés des stades ou des
pistes par la rareté des tickets et leur prix prohibitif. Le plus gros des
droits de retransmission des Jeux (2,5 M $) attribués à ABC sont partis
aux États-Unis. Un million de visiteurs avait été annoncé, il y eut 503 700
entrées payantes pour les épreuves sportives, avec une clientèle locale
W l a d i m i r A n d r e f f
79
surtout pendant la deuxième semaine des Jeux (Frappât, 1991). Les
visiteurs attendus du monde entier ne furent que quelques dizaines de
milliers; la manifestation olympique n’a guère affecté l’économie locale
de ce point de vue. La gare de Grenoble ne connut pas l’affluence
escomptée, on estime le nombre des voyageurs olympiques à 36 000
(COJO, 1968) ; le nombre de spectateurs pour l’ensemble des épreuves
fut des deux tiers de la capacité d’accueil. Le pourcentage de Grenoblois
fut de 35%; parmi les 65% restants, un peu plus de la moitié vint de
l’extérieur le jour même de l’épreuve, le reste ayant passé la nuit
précédente à Grenoble. 80% des spectateurs extérieurs vinrent par la
route, 20% par chemin de fer. Pendant les JO, dans les hôtels grenoblois
15% des chambres sont restées inoccupées.
En revanche, les JO Grenoble ont bénéficié pour la première fois
de la retransmission TV en couleur et attiré une audience mondiale
cumulée estimée à 600 millions de téléspectateurs (Frappât, 1991). Ils ont
rapporté 12,7 M F en droits de TV, y compris 27 heures de retrans-
mission TV couleur aux États-Unis par ABC et 111 heures en France
dont 59 en couleur par l’Eurovision. Des invitations ont été adressées à
des personnalités que la charte olympique ne désigne pas pour cet
avantage, pour augmenter le retentissement de l’évènement. Deux fois
plus nombreux qu’à Innsbruck 1964, les journalistes accrédités ont
bénéficié d’installations techniques et hôtelières très soignées. Plus de
20 000 personnes ont participé au fonctionnement des Jeux et bénéficié
d’un hébergement.
Pour ce qui est de l’héritage positif tangible, Grenoble a rattrapé son
retard en matière d’équipements
14
adaptés à une métropole de 400 000
habitants. En trois ans surgirent une nouvelle gare SNCF, un Palais des
sports, de nouveaux accès autoroutiers (autoroute vers Lyon, axes auto-
routiers, rocade Sud), une voirie urbaine remodelée, un Hôtel de Ville,
un Hôtel de police, une Grande Poste, l’hôpital Sud d’Echirolles, un
Palais des foires et expositions (Alpexpo), un nouvel aéroport (Saint-
Étienne de Saint-Geoirs) et fermeture de l’aéroport Grenoble-Mermoz,
une station de télévision et de radio, un nouveau quartier Malherbe
14
En 1964, « les équipements urbains existant à Grenoble correspondent aux besoins
d’une ville de 80 000 habitants, alors que les besoins sont ceux d’une ville de 300 000
habitants » (Commission des équipements urbains préparatoire du V
e
Plan, extrait cité par
la revue mensuelle du Ministère de l’équipement et du logement, n°24, octobre 1967).
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
80
l’origine pour la presse), des équipements et cabines téléphoniques, une
Maison de la culture, un Musée dauphinois et un deuxième quartier neuf:
le village olympique de 6 500 pièces de logement. Dans tout cela peu
d’héritage vraiment olympique, mais les Jeux furent l’occasion de
financer ces travaux dans de bonnes conditions, à faible taux d’intérêt.
Les points forts de cet héritage sont urbanistiques, un fort impact
sur l’image de Grenoble et une nette amélioration du réseau de transport:
la route Grenoble-Valence fut refaite, la section Grenoble-Voreppe (12
km) de l’autoroute A48 fut construite ainsi qu’une voie express U2,
future autoroute urbaine et de futurs tronçons de l’anneau autoroutier
appelé à desservir Grenoble, un aménagement des routes d’accès aux
stations de ski fut réalisé, et enfin furent construits deux aérodromes à
Saint-Geoirs et au Versoud (aviation légère) et deux viaducs dans
Grenoble. Cependant, Grenoble n’était pas une ville de tourisme avant
les Jeux, elle reste une ville de passage (dont vers les stations de sports
d’hiver) après les Jeux. Le tourisme à Grenoble a continué de baisser
après 1968, mais le tourisme d’affaires a augmenté, y compris de la part
d’entreprises étrangères du fait de l’image désormais attractive de la ville.
Le seul investissement hôtelier important à la veille des JO fut la cons-
truction en 1967 d’un hôtel trois étoiles de 200 chambres. L’héritage
social n’est pas considérable au delà de la Maison de la Culture et du
Musée dauphinois. En revanche, l’achat des terrains pour les futurs sites
sportifs a fait exploser le prix des terres agricoles.
Les JO de Grenoble ont bénéficié avant tout aux entreprises de
travaux publics locales et à l’industrie du tourisme (Dailly, 1970), mais
beaucoup d’entreprises locales ont travaillé en sous-traitance d’entre-
prises parisiennes ou extra régionales. Les entreprises extérieures sont
reparties avec leur personnel. Les principales entreprises locales bénéfi-
ciaires des JO sont PARA qui a réalisé l’ossature métallique du Palais des
sports et les entreprises de sports d’hiver et de tourisme. Plusieurs
milliers d’emplois ont été créés pour les JO de Grenoble, au point que la
main-d’œuvre locale fut insuffisante et l’extérieur a fourni 60% de ces
emplois temporaires.
Une approximation de l’héritage intangible peut être trouvée dans
une enquête d’opinion des Français sur Grenoble
15
: les expressions qui
15
« Grenoble, pleine et montagne, La vie en villes », Libération, 16-17 juin 2001.
W l a d i m i r A n d r e f f
81
viennent le plus souvent à l’esprit sont la montagne (31% des personnes
interrogées), les JO (12%), les sports d’hiver et le ski (12%), une grande
et belle ville au climat chaud (7%), agréable à vivre (5%), avec des
grandes écoles et une bonne université (6%) et les technologies de pointe
(5%). Les deux derniers éléments sont bien antérieurs aux JO, le campus
étant passé de 10 000 à 100 000 étudiants entre 1950 et 1961 et l’attrac-
tion d’industries high tec, on l’a vu, a démarré dans les années 1950.
Du côté des externalités négatives des JO d’hiver, Grenoble ne
fait pas exception, l’héritage olympique comporte quelques cadeaux
empoisonnés. Un gros problème est le coût d’entretien et la reconversion
des équipements sportifs: tremplin et piste de bobsleigh abandonnés
après les Jeux, stade de glace et anneau de vitesse coûteux. Les structures
tubulaires du stade d’ouverture (70 000 spectateurs) furent démontées
immédiatement après les Jeux. La gestion du Stade de glace (12 000
places) et de son anneau de vitesse se révélèrent difficiles, leur faible
utilisation s’avérant très coûteuse (Kukawka, 1999) ; devenu Palais des
sports et vélodrome, il fut fortement déficitaire, l’anneau de vitesse qui
accueillait les Six Jours cyclistes de Grenoble et des compétitions
d’athlétisme, ayant finalement été fermé en raison de sa vétusté. Le grand
tremplin de saut de Saint-Nizier fut abandonné, mis en vente à un franc
symbolique et finalement laissé à l’abandon et, aujourd’hui, placé en zone
dangereuse; son démontage coûterait des millions d’euros (Suchet, 2016).
La piste de bobsleigh de l’Alpe d’Huez, construite en 1967, a été
abandonnée après les Jeux. Le petit tremplin d’Autrans n’est plus guère
utilisé, pas plus que la piste de luge à Villard de Lans.
Retour sur l’impact et l’héritage des JO d’Albertville
Les JO d’Albertville ont fait l’objet d’études d’impact ex ante. Celle
réalisée à l’aide du modèle Protée par Raymond Courbis annonçait un
impact très faible: 2,7 milliards F de PIB additionnel sur 1988-1992, soit
0,12% de taux de croissance supplémentaire, et 5 300 emplois créés sur
la période, ainsi qu’un déficit de 2,6 milliards F de la balance du
commerce extérieur. La valeur du multiplicateur d’impact était de 0,7,
valeur faible due à l’arrêt rapide du processus itératif, à l’accroissement
de la pression fiscale et des importations engendré (Naves, 1988). Le
modèle régional Regis était trop agrégé (en 7 régions) pour donner des
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
82
résultats précis pour la Savoie, mais estimait l’impact à 4 823 emplois
dans la région Sud-Est, contenant Rhône-Alpes (Gouguet et Nys, 1993).
Sur le budget total final du COJO (4,2 milliards F), 80% ont une
origine extérieure à la Savoie, potentiel pour un multiplicateur plus élevé,
mais pas estimé ex post. Les JO laissent un déficit et des infrastructures
plus ou moins utilisées. Les investissements se sont révélés démesurés et,
malgré les recettes enregistrées, les Jeux n’ont pas payé les Jeux (comme
annoncé par M. Barnier). Le déficit officiel de 288 M F a été pris en
charge à 75% par l’État et 25% par le département de la Savoie, soit un
transfert de charge vers le contribuable national et le contribuable
savoyard. Par ailleurs, l’État a porté sa participation au budget du COJO
de 668 à 683 M F et accordé une subvention d’exploitation de 386 M F à
fonds perdus. À la fin des Jeux, la dette par habitant était de 1 700
(environ 10 000 F) à Albertville dont la taxe d’habitation a augmenté de
40% de 1990 à 1993, puis a été payée à ce taux jusqu’en 2010, pendant
23 ans, pour rembourser le financement des infrastructures des JO Le
taux d’endettement ratio annuité de la dette aux recettes de fonction-
nement est pour Les Arcs de 50%, Méribel 44%, Tignes 33%,
Courchevel et Albertville 29%, Moûtiers 21%, Les Menuires 20% et Val
d’Isère 17%.
Les Jeux d’Albertville ont attiré 1.801 athlètes, 8.647 travailleurs
bénévoles, 5.894 médias et un million de spectateurs. En 1987, le ski était
le 5
e
sport le plus regardé par les Français à la télévision, attirant 15% des
téléspectateurs réguliers (Irlinger et al., 1987), soit un peu moins que le
pourcentage de la population pratiquant le ski. Les droits de retransmis-
sion acquis par CBS (243 M $) pour les États-Unis furent 100 fois plus
élevés qu’à Grenoble 1968, mais moindres qu’à Calgary 1988 (ABC,
309 M$), et complétés par 11M $ en provenance des chaînes de télé-
vision australienne et néo-zélandaise, 9 M $ de NHK (Japon), 2 M $ des
chaînes d’Europe de l’Est et 16 M $ de l’UER pour l’Europe occidentale.
L’audience cumulée des JO d’Albertville est estimée à 2,5 milliards de
téléspectateurs, quatre fois plus qu’à Grenoble 1968. L’impact média-
tique en France fut plus modeste (36% de part de marché sur Antenne 2,
35% sur TF1, 29% sur FR3) et éphémère, oblitéré dès 1994 par les Jeux
de Lillehammer. L’audience télévisuelle du ski n’a cessé de s’amoindrir
depuis lors et, en 2006, ce sport ne figure plus parmi les 13 sports les
plus télévisés en France (Andreff, 2012a).
W l a d i m i r A n d r e f f
83
Moins de 25% des chefs d’entreprise de Savoie ont participé à des
opérations de promotion à l’occasion des JO et utilisé les Jeux pour
mobiliser leur personnel autour d’un projet interne. En dehors des
équipements sportifs proprement dits, seuls 42% des marchés furent attri-
bués à des entreprises locales, atténuant l’impact économique en Savoie ;
parmi les chantiers de construction pour les JO, les entreprises savoyardes
ont remporté 31% des marchés, d’autres entreprises rhônalpines 55% et
des entreprises hors région 16% (Swierc, 1989). La Tarentaise a bénéficié
de moins d’installations d’entreprises que la vallée de la Maurienne (hors
sites des Jeux). Les industriels de Rhône-Alpes se sont peu mobilisés en
tant que sponsors pour les Jeux d’Albertville, n’ayant pas accès au Club
Coubertin et au programme TOP
16
, réservés à des firmes d’envergure
nationale et surtout des FMN, et les investissements en infrastructures
ont été réalisés par de grands groupes extrarégionaux (Dumez, Spie
Batignolles).
Pour ce qui est de l’héritage, «sur le plan touristique ou économi-
que, je ne vais pas vous mentir, il n’y a pas eu d’explosion» déclara Albert
Gibello, maire d’Albertville 1995-2008. « Mais en termes de services à la
population, Albertville a fait un véritable bond avant ». Depuis les Jeux,
Albertville est une des villes françaises de moins de 20 000 habitants les
mieux équipées. Mais l’activité hôtelière qui devait dégager un excédent
de 88 M F s’est soldée par un déficit de 444 M F (Gouguet et Nys, 1993).
Le village olympique a été reconverti en logements, le siège du COJO en
lycée professionnel, et la patinoire d’Albertville en salle de spectacles. Les
constructions immobilières n’ont progressé que de 15%, ce qui a évité la
spéculation et porté la capacité d’accueil de la Tarentaise à 290 000 lits.
Les Jeux ont été l’occasion de faire passer en force des opérations
immobilières jusqu’alors repoussées.
Le stade d’inauguration et de clôture des Jeux de 35.000 places a
été entièrement démonté après les JO, et une partie a été réutilisée aux
JO de Barcelone 1992. La commune de Brides-les-Bains qui a accueilli le
village olympique a été sanctionnée par l’État car elle se trouvait dans
16
Qui couvre le sponsoring des JO pour un ticket d’entrée de 75 MF pour les Jeux
de 1992. Sont entrés: Coca Cola, Mars, Buasch & Lomb, Kodak, Chronopost, Brother,
Panasonic, Philips, 3M, Ricoh, Visa, Time (apport total de 1 milliard F). Le Club
Coubertin rassemblait AGF, SNCF, Bis, Candia-Yoplait, Alcatel, Renault, IBM, La
Poste, Crédit Lyonnais, Thomson, Evian, France Télécom – pour 720 MF.
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
84
l’incapacité de tenir ses engagements financiers promis lors de la candida-
ture. Brides-les-Bains a construit la télécabine de l’Olympe (200 MF/31 M
€) et s’est retrouvée en faillite dès 1992; l’exploitation de la télécabine ne
s’est pas avérée rentable. Les habitants de Pralognan ont remboursé la
patinoire jusqu’en 2006. Brides-les-Bains, Pralognan et Les Saisies ont
fait face à de graves difficultés financières après les Jeux. L’entretien est
déficitaire pour le tremplin de ski de Courchevel – 150 000 par an – et
la piste de bobsleigh de La Plagne 500 000 € par an, et des procédures
judiciaires ont été déclenchées les concernant. La piste de La Plagne fut
une catastrophe écologique, faisant circuler de l’ammoniac (pour la
réfrigérer) au-dessus de la tête des spectateurs, à tel point qu’en
novembre 1992 l’accueil du public fut interdit le long de la piste pour la
Coupe du monde de bobsleigh.
Du côté non financier de l’héritage, le parc olympique Henri-Dujol
(maire de 1974 à 1995) comprend des terrains pour un ensemble de pra-
tiques sportives. La construction des équipements sportifs comme
l’anneau de vitesse d’Albertville ou le centre principal de presse de La
Léchère a été menée conjointement par le COJO et les communes
concernées. À Albertville, certaines infrastructures sportives ont é
transformées en structures polyvalentes: le stade de patinage de vitesse
en stade de rugby/football, le stade de hockey sur glace en centre culturel
et sportif. Une nouvelle salle de spectacles, de conception moderne, le
Dôme, a été construite. La halle olympique héritée des JO 1992, avec
une patinoire, des terrains de tennis et des murs d’escalade, sert comme
salle de spectacles
17
. Rénovée et agrandie en 2014-2015, pour 14 M €, elle
dispose désormais d’un hall évènementiel (9 000 places), d’une patinoire
indépendante (20 000 entrées en 2016) et d’un mur d’escalade de 17
mètres de haut. Malgré son coût de fonctionnement très élevé (1 M € par
an), la piste de bobsleigh de La Plagne fonctionne encore pour les
amateurs de sensations fortes (dévaler 1,5 km en 1 minute 30), faute de
compétition à accueillir (14 000 entrées par an); mais le tarif de la
descente, compris entre 38 et 125 €, suffit à peine à couvrir les dépenses
de maintenance. À Courchevel les tremplins de saut à ski sont toujours
17
En 2006, la halle olympique avait un déficit annuel de fonctionnement de 600 000 €,
le stade de 80 000 € et le théâtre de 450 000 €.
W l a d i m i r A n d r e f f
85
en place. Les pistes de ski et les stades de slalom de Val d’Isère, Méribel
et des Menuires accueillent des coupes d’Europe et du monde.
De nouvelles infrastructures ont été construites pour les JO : voies
express, élargissement des chaussées, électrification de la ligne Chambéry-
Albertville pour permettre une desserte en TGV, mais aussi desserte
aérienne par les aéroports de Chambéry-Aix, Genève-Cointrain, Lyon-
Satolas et Grenoble-Saint-Étienne de Saint-Geoirs. Les grands travaux
d’infrastructures tels que l’aménagement des routes et l’électrification des
voies ferrées ont été directement réalisés par les pouvoirs publics : auto-
route A430 d’Albertville en direction de Lyon, nouvelle route RN90 2x2
voies jusqu’à Moûtiers, carrefour pour les Trois Vallées et ligne TGV
jusqu’à Bourg-Saint-Maurice; 12 milliards F ont été investis en 5 ans,
dont 5,3 milliards pour l’amélioration du réseau routier. La fin (pour
quelque temps) des engorgements routiers fut appréciée par les résidents.
La principale participation de la région Rhône-Alpes à l’héritage est la
gare de Satolas et des communications multimodales vers l’aéroport de
Lyon (Billet, 1991).
Le programme d’accompagnement des Jeux s’est finalement élevé
à 6,5 milliards F (infrastructures pour l’eau, l’électricité, télécoms, hôpitaux).
Chambéry a construit une médiathèque (130 M F), Val d’Isère un centre
de congrès, Albertville un centre culturel, Brides-les-Bains une nouvelle
mairie et Courchevel un aéroport. La création d’une technopole (Savoie
Technolac) au Bourget du Lac a apporté 800 emplois, mais ne doit pas
masquer l’échec relatif des deux associations créées pour la valorisation
économique des JO, Savoie 92 et Valora. La construction des stations
d’épuration et des usines d’incinération et de traitement des déchets ont
permis d’éviter toute pollution de la rivière Isère dans la vallée de la
Tarentaise.
Avec 10 400 créations d’emplois en 5 ans et des recettes de TVA en
progression de 25%, la Savoie a tiré parti des JO (Serraz, 1992a). Les 900
créations nettes d’emplois dans l’industrie font plus que compenser les
baisses d’effectifs de l’industrie lourde (Usinor, Atochem, Péchiney). Mais
un ralentissement s’est produit dès 1992, en attendant d’autres grands
investissements pour l’autoroute de la Maurienne et le TGV Lyon-Turin
(toujours pas construit). La réalisation des grands chantiers n’a pas
suscité d’implantation de nouvelles entreprises en Savoie. Dès 1991, à la
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
86
fin des grands chantiers, les entreprises de BTP ont licencié et la Savoie
s’est retrouvée avec 1.100 chômeurs dans ce secteur, même chiffre qu’en
1986 (650 en 1989); en 1992, le chômage a augmenté de 33% à
Albertville, de 21% en Savoie et de 15% en Rhône-Alpes. L’Observatoire
économique des JO à Chambéry (OEJO, 1989) s’inquiétait dès 1991 que
la Savoie « a du mal à saisir l’effet multiplicateur que l’on pouvait
escompter » en n’offrant principalement que des emplois à durée
déterminée, surtout 2.400 dans le BTP. Les JO ont surtout permis de
créer des emplois temporaires (14 000 de 1985 à 1992) qui ont disparu
avec eux. Suite à l’arrêt des commandes publiques, le taux de chômage a
augmenté de 6,9% en 1990 à 8,5% en 1992
18
. La Savoie et la vallée de la
Tarentaise ont été rattrapées par la crise dès 1993, des usines supprimant
des emplois Péchiney a fermé son usine de Venthon en 1994, 250
emplois supprimés - et le taux de chômage continuant à croître. Le solde
migratoire est négatif entre 1990 et 1999 avec une perte de population
dans le canton d’Ugine et, dans une moindre mesure, à Albertville. Dans
les services 7 700 emplois ont été créés, dont 20% pour le tourisme et
40% pour les services aux entreprises.
Les JO d’Albertville ont aussi permis de créer 300 emplois adminis-
tratifs mais, comme pronostiqué (Andreff, 1991), quasiment aucun emploi
durable dans l’industrie des articles de sport d’hiver qui ne s’est pas
relocalisée en Tarentaise. Cependant des entreprises de remontées
mécaniques se sont implantées ou ont augmenté leur activité à l’occasion
des Jeux : Société des Trois Vallées (Saint Bon Tarentaise), Société
d’Aménagement de la station de La Plagne, Société des téléphériques des
Val d’Isère, Sevabel (Saint-Martin de Belleville), STGM (Tignes), SETAM
(Val Thorens), Meribel Alpina (Les Allues), Les Montagnes de l’Arc
(Bourg Saint Maurice), employant 2 000 salariés saisonniers en hiver. En
revanche, les firmes d’articles de sports d’hiver ont fait les podiums aux
JO d’Albertville : Salomon 12, Rossignol 11, Lange 9, Nordica et Tyrolia
7, Marker 6, Raichle 5, Atomic et Blizzard 4. Y compris grâce à l’équipe
de France dont les nouveaux entrants dans le pool des sponsors étaient
Atomic (Autriche), Élan (Yougoslavie), Authier (Suisse) et Salomon pour
les skis et, pour les chaussures Nordica (Italie), Raichle (Suisse) et
18
De novembre 1991 à novembre 1992, le nombre de chômeurs a augmenté de
21,2% en Savoie, contre 14,6% pour la région Rhône-Alpes et 5,3% en France.
W l a d i m i r A n d r e f f
87
Tecnica (Italie), ainsi que Ess (Allemagne) pour les fixations. Comme il
convient avec la mondialisation, y compris du sponsoring.
LES SPORTS D’HIVER EN ÉCONOMIE DU SPORT…
NAISSENT EN 1969 !
Les deux articles fondateurs de l’économie du sport ont été publiés en
1956 (Rottenberg) et 1964 (Neale). Le troisième est contemporain des
JO de Grenoble et, en même temps, le premier dédié à un sport d’hiver –
le hockey sur glace (Jones, 1969). Jones analyse le monopsone de la
National Hockey League sur le marché du travail des joueurs et sa
régulation à l’aide de la liste de repêchage (rookie draft) et de clauses de
résiliation du contrat de travail. Malgré l’article de Jones, l’économie des
sports d’hiver va rester pendant des années un parent pauvre de l’écono-
mie du sport en proportion de la littérature scientifique existante. Si on
tente de faire un bilan aujourd’hui, on relève que la plupart des publica-
tions sont postérieures à l’an 2000 et sont très diversifiées par thèmes.
Peu de contributions ont abordé le contexte économique des
sports d’hiver, au sens de la section 2 ci-dessus, notamment les innova-
tions en ski alpin (Mulligan et Llinares, 2003). Plus proches de la section
3 de ce papier, on notera un deuxième centre d’intérêt pour les sports
d’hiver, en économie du sport, qui est l’analyse des JO d’hiver, ainsi
l’étude de l’héritage des Jeux pour les résidents de Vancouver en 2010
(Karadakis et Kaplanidou, 2012), des retombées des Jeux sur des stations
de sports d’hiver nontes (Leeds, 2008), des facteurs économiques du
vote contre l’accueil des Jeux d’hiver à Munich 2022 (Coates et Wicker,
2015), et de l’effet des JO d’hiver sur l’équilibre compétitif de la NHL
(Longley, 2012). Une troisième piste de recherche prometteuse est la
prévision économique des performances olympiques dans ces sports
particuliers que sont les sports d’hiver (Johnson et Ali, 2004 ; Pfau, 2006 ;
Andreff, 2013).
On peut donc conclure que les rares études de l’économie des
sports d’hiver et des JO de Grenoble et d’Albertville ne pouvaient
s’appuyer sur d’importants fondements analytiques ni sur une littérature
académique, à l’époque inexistante. On rendra donc hommage aux
travaux pionniers en France, à divers titres, de Arnaud, Chifflet, Dailly,
L’ économie des sp or ts d’hive r, des JO de Greno ble à ceu x d’A lb ert ville
88
Di Ruzza, Frappât, Gerbier, Raspaud, Reydet, Serraz et Terret, même si
tous ne sont pas des économistes.
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Article
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In this paper, we explore the costs and benefits of hosting the Olympic Games. On the cost side, there are three major categories: general infrastructure such as transportation and housing to accommodate athletes and fans; specific sports infrastructure required for competition venues; and operational costs, including general administration as well as the opening and closing ceremony and security. Three major categories of benefits also exist: the short-run benefits of tourist spending during the Games; the long-run benefits or the "Olympic legacy" which might include improvements in infrastructure and increased trade, foreign investment, or tourism after the Games; and intangible benefits such as the "feel-good effect" or civic pride. Each of these costs and benefits will be addressed in turn, but the overwhelming conclusion is that in most cases the Olympics are a money-losing proposition for host cities; they result in positive net benefits only under very specific and unusual circumstances. Furthermore, the cost–benefit proposition is worse for cities in developing countries than for those in the industrialized world. In closing, we discuss why what looks like an increasingly poor investment decision on the part of cities still receives significant bidding interest and whether changes in the bidding process of the International Olympic Committee (IOC) will improve outcomes for potential hosts.
Chapter
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Article
Many sports events, facilities, and franchises are subsidized either directly or indirectly by investments from public sector funds. The scarcity of tax dollars has led to growing public scrutiny of their allocation; in this environment there is likely to be an increased use of economic impact analysis to support public subsidy of these events. Many of these analyses report inaccurate results. In this paper, 11 major contributors to the inaccuracy are presented and discussed. They include the following: using sales instead of household income multipliers; misrepresenting employment multipliers; using incremental instead of normal multiplier coefficients; failing to accurately define the impacted-area; including local spectators; failing to exclude “time-switchers” and “casuals;” using “fudged” multiplier coefficients; claiming total instead of marginal economic benefits; confusing turnover and multiplier; omitting opportunity costs; and measuring only benefits while omitting costs.
Article
Objectives. This article examines all postwar Summer and Winter Olympic Games in order to investigate the economic and political determinants of participation and medal-winning success. Methods. Using newly compiled data, regression analysis gives intuitive results with surprisingly accurate predictions beyond the historical sample. We also estimate the rise in income per capita required to send an extra participant, and the "cost" in GDP per capita of an extra medal. Results. Compared to the Summer Games, Winter participation levels are driven more by income and less by population, have less host nation bias, and a greater effect of climate. Single-party and communist regimes win more medals in both seasons. Conclusion. Although their effects differ with the season of the Games, socioeconomic variables explain Olympic participation and success remarkably well.