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"Kant, une philosophie du renouveau métaphysique"

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Emmanuel Kant, « un homme dont le nom seul exerce une puissance d’exorcisme », est certainement celui qui, le mieux, dans la mémoire historique du monde de la pensée, a su incarner la critique comme « l’art, non de détruire mais de construire à coup sûr, non d’abattre mais d’élaguer, non de percer à jour mais de dégager de leurs ajoutes parasites les grands systèmes de pensées qui s’appellent les sciences ». En effet, l’étude minutieuse de la philosophie critique d’Emmanuel Kant en général, ou la lecture attentive de la Kritik der reinen Vernunft en particulier, fait remarquer, avec admiration, une panoplie de spécifiques caractéristiques qui font du philosophe de Königsberg un auteur incontournable dans l’univers de la culture philosophique moderne et contemporaine. Aux côtés du réaménagement remarquable de la « Logique » aristotélicienne et de la décortication incomparable de la « Physique » newtonienne, il est évident que l’une de ces spécifiques caractéristiques, à la fois fondamentales et prestigieuses au sein du système kantien, est l’indélébile centralité remarquable du désaveu de l’originelle nature dialectique de la métaphysique. Une nature dialectique manifestée, au fil des temps, par les manœuvres historiques des théories métaphysiques traditionnelles incarnées chez des auteurs comme Platon, René Descartes, Gottfried-Wilhelm Leibniz, et surtout Christian Wolff, « le plus grand de tous les philosophes dogmatiques ». En convoquant comme dans un tribunal, de part en part, chacune des théories métaphysiques de ces principaux métaphysiciens, Kant ne s’intéresse pas trop à la stigmatisation de leurs intentions, mais plutôt à la raillerie de la portée de leurs contenus et à la dénégation des procédés de leurs manières de procéder. De quoi s’agit-il véritablement ? A en croire la rugueuse diatribe du grand philosophe de Königsberg, très soucieux du statut historique de la métaphysique, les métaphysiques au fil de l’histoire, contrairement aux sciences mathématiques et physiques, ont eu un périple parsemé de tristes rendements. Cette inquisition chez Kant part d’un constat qui, apparemment, l’avait écœuré énormément. Il s’agit de la constatation du statut inconstant et fragile des théories issues des réflexions métaphysiques au fil des temps. Visitant l’histoire des disciplines ou des connaissances, le philosophe de Königsberg, dans ses enquêtes, arrive à découvrir que, parmi toutes les grandes disciplines qui ont marqué l’histoire, il y a une discipline qui a un caractère étrange et curieux, une discipline qui n’a jamais produit de recette indubitable. Cette discipline, dont les procédés sont toujours et toujours à la merci des discussions et des mésententes, n’est rien d’autre que la métaphysique. Au sein de cette discipline, il y a eu une permanente crise, comprise ici essentiellement dans le sens que lui assigne Eboussi Boulaga, à savoir celui d’ « un état caractérisé par l’imminence d’un bilan d’adaptation négatif ». Comme le dit Kant, « de tout temps, une métaphysique en a contredit une autre ». Et cette discipline, véritable « champ de bataille où se livrent des combats sans fin », s’est noyée dans un « dogmatisme » ambiant, sombrant ipso facto dans des continuelles « querelles intestines » et des incessantes navigations à vue. En d’autres termes, « la métaphysique surnagea comme de l’écume, de telle sorte cependant que, l’écume qu’on avait produite venant à se liquéfier, une autre se montrait aussitôt à la surface, et était toujours recueillie avec le même empressement » (Ière partie de mon travail). Ainsi, suite à la constatation de ces déboires historiques de la métaphysique du rationalisme spéculatif, qualifiée de « métaphysique du rationalisme conservateur » par Gerhard Kruger, Kant s’est évertué à mener une vaste enquête dans l’optique de proposer une nouvelle manière de procéder à la « philosophie première ». Par ce fait, bien que catégoriquement « déconstructionnel », le jugement « discréditoire » que fait Kant de ce qu’est la métaphysique sans critique (c’est-à-dire de la métaphysique dogmatique) n’est pas sincèrement une hostilité à la métaphysique proprement dite, comme pensait Claude Tresmontant pour qui le kantisme a inéluctablement conduit à « l’extermination de la métaphysique » , ou Maurizio Ferraris selon qui Kant est « le fossoyeur de la métaphysique ». Il s’agit plutôt de « la préparation indispensable à l’établissement d’une métaphysique solide ». Une sorte d’étape préliminaire d’une longue, périlleuse et méthodique aventure philosophique visant la ‘‘re-structuration’’ d’une fondation nouvelle pour toute métaphysique future qui se voudrait légitime, et donc digne de foi. Kant ne disait-il pas, qu’ « il n’y a à la rigueur, pour pouvoir fonder la Métaphysique des mœurs, que la Critique d’une raison pure pratique, comme pour fonder la Métaphysique il faut la Critique de la raison pure spéculative […] » ? Bref, cette re-fondation ou re-invention envisagée, qu’on pourrait même, pour parler comme Frank Pierobon, qualifier de « fondation architectonique de la métaphysique », n’est rien d’autre que l’établissement de l’édifice pratico-moral de la raison normative. Un système moral qui part de l’évidence de la loi morale (l’impératif catégorique) innée en tout homme, sous-tendue par la ferme réalité de son présupposé (la bonne volonté) et l’horizon de son dessein (le souverain bien), débouche nécessairement sur les postulats (la liberté, l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu) de la raison pure pratique via lesquels sont restaurées, ipso facto, les idées métaphysiques qui, toutes, se résument en trois principales : le monde, Dieu et l’âme. (IIème partie de mon travail). Telle est, de façon systématique, l’extraordinaire contexture de l’organisation du processus kantien de la restauration de la métaphysique qui ne cesse d’émouvoir et d’aiguiser les curiosités. Le système métaphysique de Kant renferme ainsi de véritables grandeurs dignes d’admiration, même si, par endroit, il est emphatique et porteur de quelques imperfections inquiétantes. (IIIème partie de mon travail).
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