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L'INFIRMIÈRE MAGAZINE 37 - N° 380 * mars 2018 *

Authors:
  • Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale French Institute of Health and Medical Research

Abstract

La sexualité ne peut plus se concevoir seulement comme l'expression d'une fonction physiologique. Elle se situe de plain-pied dans le domaine des valeurs, de la morale, de la subjectivité et de l'éthique. Une thématique qui suscite des controverses et qui divise les personnes, à commencer par les soignants. Et ce, alors que la sexualité peut être présente dans les soins infirmiers et dans les relations avec les patients au détour d'un geste technique par exemple ou d'une parole. Plus récemment, elle est entrée dans le champ du soin infirmier par le biais de la santé sexuelle. En dépit de ces évolutions, les IDE ne reçoivent pas encore de formation spécifique à ces questions. Elles peuvent alors se sentir démunies pour répondre aux demandes des patients. Au-delà d'une réflexion éthique, ce dossier présente des outils utilisables dans la pratique lorsque la sexualité s'invite au coeur de la relation de soins. Il s'agit aussi de permettre aux infirmières de mettre en musique leurs précieux savoirs qu'elles ne savent pas toujours reconnaître…
N° 380 *mars 2018 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 37
Aujourd’hui, la sexualité ne peut plus se concevoir
seulement comme l’expression d’une fonction
physiologique. Elle se situe de plain-pied dans
le domaine des valeurs, de la morale, de la subjectivité
et de l’éthique. Une thématique qui suscite des
controverses et qui divise les personnes, à commencer
par les soignants. Et ce, alors que la sexualité peut être
présente dans les soins infirmiers et dans les relations
avec les patients au détour d’un geste technique par
exemple ou d’une parole. Plus récemment, elle est entrée
dans le champ du soin infirmier par le biais de la santé
sexuelle. En dépit de ces évolutions, les IDE ne reçoivent
pas encore de formation spécifique à ces questions.
Elles peuvent alors se sentir démunies pour répondre
aux demandes des patients. Au-delà d’une réflexion
éthique, ce dossier présente des outils utilisables
dans la pratique lorsque la sexualité s’invite au cœur
de la relation de soins. Il s'agit aussi de permettre
aux infirmières de mettre en musique leurs précieux
savoirs qu’elles ne savent pas toujours reconnaître…
DOSSIER RÉALISÉ PAR : Alain Giami, directeur de recherches à l’Inserm (CESP, équipe genre,
sexualité, santé), Nadia Flicourt, cadre de santé, sexologue et formatrice, et Émilie Moreau,
psychologue, sexologue (Inserm – CESP, équipe genre, sexualité, santé).
38
L’ESSENTIEL
De la sexualité
à la santé sexuelle......... 38
43
PRISE EN CHARGE
La bonne distance de
l’exercice infirmier . . . . . . . . 43
Cancer et sexualité . . . . . . . . 47
51
EN INSTITUTION
Changer de regard sur
les personnes âgées ....... 51
55
ANGLAIS
Cancer and sexuality . . . . . 55
54
QUIZ, SAVOIR PLUS
FORMATION
LA SANTÉ
SEXUELLE
UN OBJET DE SOINS
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
FORMATION
38 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
L’arrivée
du Viagra
marque la
reconnaissance
de la possibilité
de l’activité
sexuelle dans
le contexte du
vieillissement
et des maladies
chroniques
1.REPÈRES ET DÉFINITIONS
L’histoire de la sexualité
En France et en Angleterre, le terme de sexualité
serait apparu en 1838, selon le TLC (Trésor de la
langue française) en plein cœur de la révolution indus-
trielle. À cette époque, il s’inscrit dans le registre de
la biologie ; il désigne alors «le caractère de ce qui
est sexué, l’ensemble des caractères propres à chaque
sexe» et renvoie à lanitaliet à la vie reproductive.
Cette définition biologique de l’instinct sexuel définit
la normalisexuelle en opposition à toutes les autres
formes d’activités érotiques à visée non reproductive,
qui sont dès lors considérées comme des «perver-
sions sexuelles».
C’est à partir des années20 et sous l’influence de la
psychanalyse que l’on commence à considérer la
sexualité comme « l’ensemble des comportements
relatifs à l’instinct sexuel et à sa satisfaction (qu’ils
soient ou non liés à la génitalité)». La recherche de
la satisfaction et l’obtention du plaisir en deviennent
dès lors les composantes principales. Les rapports
Kinsey, publiés en 1948 et 1953(1), novateurs, consa-
crent «la fonction de l’orgasme» comme la principale
finalité du comportement sexuel. La reconnaissance
de la centralité de l’orgasme associée à la possibilité
de dissocier efficacement la vie érotique de la fonc-
tion reproductive – offerte par la découverte et la
dissémination de la pilule contraceptive – constitue
la «révolution sexuelle» des années60.
Un nouveau tournant s’amorce au début des an -
nées90 avec l’instauration du consentement comme
valeur centrale d’une relation sexuelle à la fois saine
et égalitaire. En témoigne la fin de l’obligation
contractuelle des relations sexuelles au sein du ma -
riage et la nécessi de l’obtention d’un consentement
à chaque activité sexuelle. En 1998, l’arrivée du Viagra
(sildénafil) marque, lui, la reconnaissance de la
p ossibilité de l’activité sexuelle dans le contexte du
vieillissement et des maladies chroniques. L’accom-
plissement de la fonction sexuelle devient un
m arqueur central de la « santé sexuelle» et de la
«qualité de vie».
Enfin, plus récemment, on assiste à la reconnais-
sance de la diversité et de la fluidité des identités
de genre. En France, l’article 56 de loi n° 2016-1547
du 18novembre 2016 de modernisation de la justice
du XXIesiècle consacre la «démédicalisation » des
t roubles de l’identité de genre et du transsexualisme
et autorise le changement d’état-civil sans obligation
d’effectuer des opérations de «chirurgie de réassi-
gnation sexuelle».
L’OMS se saisit de la question
En 2002, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
a proposé cette définition: «La sexualité est un aspect
central de l’être humain tout au long de la vie et com-
prend le sexe, les identités et les rôles socialement
associés aux femmes et aux hommes, l’orientation
sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduc-
tion. La sexualité est vécue et exprimée sous forme
de pensées, de fantasmes, de désirs, de croyances,
d’attitudes, de valeurs, de comportements, de pra-
tiques, de rôles et de relations. Si la sexualité peut
inclure tous ces aspects, tous ne sont pas toujours
exprimés ou expérimentés. La sexualité est influencée
par l’interaction de facteurs biologiques, psycholo-
giques, sociaux, économiques, politiques, culturels,
éthiques, juridiques, historiques, religieux et spiri-
tuels.» Ce texte condense les idées veloppées dans
le contexte de la moderniet consacre la place cen-
trale de la sexualité dans les questions de santé et
L’ESSENTIEL
De la sexualité
à la santé sexuelle
Le sexe, c’est bon pour la santé! Derrière cette affirmation, une réalité. La santé sexuelle
fait en effet partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualide vie. Elle requiert
une approche respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles.
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 39
SANTÉ SEXUELLE
de qualité de vie. Surtout, elle place la sexualité au
cœur des identités et des subjectivités de chaque
personne considérée comme singulière.
L’invention de la santé sexuelle
La « santé sexuelle» entre dans le canevas du concept
de santé conçu dès 1946 par l’OMS. Sa définition, qui
date aussi de 2002, vient compléter celle qu’elle a
donnée de la sexualité: « La santé sexuelle est un
état de bien-être physique, émotionnel, mental et
social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uni-
quement en l’absence de maladie, de dysfonction
ou d’infirmité. La santé sexuelle a besoin d’une
approche positive et respectueuse de la sexualiet
des relations sexuelles, et la possibilité d’avoir des
expériences sexuelles qui apportent du plaisir en
toute sécurité et sans contraintes, discrimination ou
violence. Afin d’atteindre et de maintenir la santé
sexuelle, les droits sexuels de toutes les personnes
doivent être respectés, protégés et assurés.»
Depuis, la santé sexuelle commence à être inscrite
à l’agenda de programmes nationaux de santé
publique et à faire l’objet d’enseignements venant
compléter ceux relatifs à la sexologie.
Une stratégie en construction
en France
En mars 2016, le Haut Conseil de la santé publique
(HCSP) a publié un rapport qui recommande la mise
en place d’une stratégie nationale de santé sexuelle
et reproductive. Ce rapport propose la coordination
des organismes gouvernementaux (2) et régionaux(3).
Il considère que la santé sexuelle repose sur une
démarche volontariste de la part des professionnels
de santé devant ainsi faire preuve d’initiative en la
matière, sans attendre nécessairement une demande
du patient qui aurait du mal à s’exprimer spontané-
ment. Il recommande la mise en œuvre d’un pro-
gramme de formation soutenue pour l’ensemble des
professionnels de santé en attribuant à chacune de
ces professions des domaines particuliers d’inter-
vention.
Enfin, et c’est une grande nouveauté, ce programme
inclut la lutte contre les discriminations (sexistes,
homophobes, transphobes, en fonction de l’âge) et
contre les violences et les harcèlements comme une
dimension centrale de la promotion de la santé
sexuelle. La santé sexuelle apparaît ainsi indissociable
des questions d’égalité et des droits humains. En un
certain sens, la promotion de la santé sexuelle consti-
tue un levier en direction de l’égalité.
L’éducation à la sexualité :
éducation à l’égalité
Le 13 juin 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les
femmes et les hommes (HCEFH) a remis un rapport
relatif à l’éducation à la sexualité (4) qui confirme
l’association des questions de la sexualité et de l’ac-
compagnement des jeunes à la question de l’égalité
entre les hommes et les femmes. Ainsi, selon le
HCEFH, « les stéréotypes de sexe sont des représen-
tations schématiques et globalisantes qui attribuent
des caractéristiques supposées “naturelles” aux filles/
femmes et aux garçons/hommes, sur ce que sont et
ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et
les hommes. Ils font passer pour naturels et normaux
des rôles de sexe différents et hiérarchisés, assignés
aux femmes et aux hommes». La lutte contre le main-
tien des stéréotypes de genre qui imposent des
formes de masculinité et de féminité « hégémo-
niques» aux garçons et aux filles est placée au pre-
mier plan d’une éducation à la sexualité.
Droits de l’homme et droits sexuels
L’association entre santé sexuelle et droits sexuels
est bien établie selon les recommandations de la
World Association for sexual health (WAS), en col-
laboration avec l’Organisation panaméricaine de la
santé (OPS) et l’OMS (5) : « Les droits de l’homme
sont propres à tout être humain. Cependant, leur
reconnaissance ne crée pas des droits en soi. Les
droits de l’homme sont au-delà des valeurs cultu-
relles. Si une culture particulière a des pratiques qui
vont à l’encontre des droits de l’homme, elle doit être
modifiée, comme dans le cas des mutilations géni-
tales des femmes […] L’approche en termes de droits
de l’homme a déjà été développée à propos de la
promotion de la santé reproductive. La protection
de la santé étant un droit de l’homme fondamental,
il en découle que la santé sexuelle repose sur des
droits sexuels.»
2.ENJEUX ÉTHIQUES
ETPROFESSIONNELS
La sexualité touchant à l’intime, au pulsionnel et aux
besoins fondamentaux, l’infirmière peut se trouver
tour à tour en position de témoin, de passeur, de
1- Sexual Behavior
in the Human Male
(1948) et Sexual
Behavior in the
Human Female
(1953).
2- L’ensemble
desministères
concernés seraient
impliqués : santé,
enfance, famille,
justice…
3- Selon le constat
du HSCP, la santé
sexuelle est
disséminée dans
plus de 14 plans
etde multiples
structures axées
surla prévention
etdépistage : PMI,
Cegidd, CDAG,
Corevih…
4- Haut Conseil
à l’égalité entre
les femmes et les
hommes, Rapport
relatif à l’éducation
à la sexualité,
juin 2016
(bit.ly/24SAkUJ).
5- World
Association of
Sexology, Pan
American Health
Organization, OMS,
Promotion of
Sexual Health :
Recommendations
for Action,
mai 2000
(bit.ly/2kS2ss7).
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
FORMATION
40 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!
Toute atteinte
vécue par l’IDE
comme une
agression
sexuelle
émanant d’une
personne
consciente
peut justifier
d’un dépôt
de plainte
actes professionnels et de ses prescriptions qu’il
estime les plus appropriées» (art. R.4312-33). Ajou-
tons à cela la recommandation du HCSP (Rapport
sur la santé sexuelle et reproductive 2016) selon
laquelle «une démarche volontariste de la part des
professionnels de santé devant faire preuve d’initia-
tive en [matière de santé sexuelle] sans attendre
nécessairement une demande du patient».
Les moyens de défense
de l’infirmière face aux violences
L’article R.4312-11 du code de déontologie des infir-
miers est déterminant quant à l’ouverture, la permis-
sivité et la maîtrise requises par l’IDE pour traiter de
l’intime : «L’infirmier doit écouter, examiner, conseiller,
éduquer et soigner avec la même conscience toutes
les personnes quels que soient leur origine, leurs
mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur
croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de
santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les senti-
ments qu’il peut éprouver à leur égard ou leur situa-
tion vis-à-vis du système de protection sociale.»
Toutefois, il ne faut pas oublier que hors cas d’urgence
«l’infirmier a le droit de refuser ses soins pour raison
professionnelle ou personnelle. Il doit expliquer au
patient les raisons de sa décision, l’orienter vers un
confrère ou une structure adaptée et transmettre les
informations utiles à la poursuite des soins » (art.
R.4312-12). Cette disposition est particulièrement uti-
lisée lors de difficultés relationnelles (voir incompa-
tibilité !) ou quand le comportement du soigné(e)
porte atteinte à la dignité et au respect de l’infirmière,
voire lors d’un harcèlement moral ou/et sexuel du dit
patient ou de son entourage. Rappelons que toute
atteinte vécue par l’infirmière comme une agression
sexuelle émanant d’une personne consciente peut
justifier d’un dépôt de plainte (gendarmerie ou police).
L’infirmière témoin de violences
L’infirmière intervenant à domicile (libérale, HAD,
SSIAD) étant autorisée à « entrer» dans l’intimité des
personnes, leur foyer, leur famille, est ainsi un témoin
privilégié de situations problématiques. À ce titre,
«si l’infirmier constate que la personne soignée a
subi des sévices ou des mauvais traitements (sous
réserve de l’accord de l’intéressé s’il est majeur), il
en informe l’autorité judiciaire. Si ceci concerne un
mineur ou une personne vulnérable (âgée, handica-
pée), l’accord n’est pas nécessaire» (art.R.4312-17).
s outien, mais aussi en position de devoir poser des
limites. L’exercice infirmier dans ce domaine nécessite
à la fois un positionnement professionnel et personnel
à forte connotation éthique.
La légitimité à traiter des questions
sexuelles
Le décret de compétences permet de légitimer de
nombreuses interventions. L’article R.4311-3 du code
de la santé publique précise que «relèvent du rôle
propre les soins liés à la fonction d’entretien de la
vie et visant à compenser partiellement ou totale-
ment un manque ou une diminution d’autonomie
d’une personne ou d’un groupe de personnes». Une
position renforcée par les articles R.4311-5 et 6 qui
stipulent que «l’infirmier a compétence pour prendre
des initiatives, accomplir les soins qu’il juge néces-
saire». Le code de déontologie des infirmiers précise,
quant à lui, que «l’infirmier a le libre choix de ses
SITUATION CLINIQUE
Intimi, couple et intrusion
Vous entrez sans frapper dans la chambre d’un patient atteint
d’un cancer et hospitalisé lors d’une rechute l’affectant
gravement. Vous le surprenez allongé dans son lit avec son
compagnon à moitié dénudé et en train de se faire caresser.
Le compagnon est gêné d’être ainsi surpris dans cette situation
intime avec son ami malade. Celui-ci demande à l’infirmière
de sortir immédiatement de la chambre.
Que faire ?
De fait, sortir
immédiatement
après avoir
prononcé les
excuses qui
s’imposent sera
la seule voie.
L’infirmière devra
informer (sans
jugement) les
autres membres
de l’équipe et leur
recommander
d’être attentif et
d’attendre l’accord
de l’occupant
avant d’entrer dans
cette chambre. Le
soignant reviendra
sur les faits après
un temps de
réflexion/recul voire
de partage avec ses
collègues. Il pourra
renouveler ses
excuses auprès de
la personne soignée
et de son proche.
Le patient est dans
son droit ainsi que
son compagnon
au regard de la loi
du 2 janvier 2002
de rénovation et de
modernisation de
l’action sociale qui
porte affirmation
du respect, de la
dignité, de la vie
privée, de l’intimité
et de la sécurité de
l’usager et de ses
proches.
Reste qu’au vu de
la connaissance du
patient (dossier,
pathologies, vécu…)
de ses observations
et de son
expérience de la
relation et des
comportements
humains, l’infirmière
restera vigilante à
ce que l’attention
soutenue du
compagnon ne soit
pas l’expression
d’un abus, une
pression que le
patient vulnérable
subirait et qu’elle
serait, alors, dans
l’obligation
de dénoncer.
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 41
Par extension, l’article R.4312-18 inclut «les sévices,
privations, mauvais traitements ou d’atteintes sexu -
elles. [L’infirmier] doit mettre en œuvre les moyens
les plus adéquats pour protéger les personnes et/ou
alerter les autorités judiciaires et administratives».
L’alerte va du signalement simple auprès d’un tiers
au signalement au procureur de la République, qui
nécessite alors une procédure écrite à titre personnel
décrivant les faits avec précision. Notons qu’informer
le médecin ou tout autre professionnel ne fait pas
office de procédure de signalement. Si les faits ne
sont pas signalés, la personne témoin de ceux-ci
peut être poursuivie pour « non révélation de mal-
traitance» selon l’art.434.3 du code pénal et «non-
assistance à personne en danger» (art. 223.6). Ces
articles sont d’autant plus indiqués lors de l’exercice
l’IDE se trouve souvent seule face à des situations
difficiles ou compromettantes sur le plan intime et
sexuel dont elle peut seule avoir connaissance.
3.LA SEXUALITÉ
COMME OBJET DE SOIN
Domaines d’intervention
en santé sexuelle
L’infirmière peut intervenir dans les domaines suivants:
– la promotion de la santé sexuelle par l’information,
l’éducation et la formation à une santé sexuelle épa-
nouie et en toute sécurité ;
– la prévention : vaccination VHB et HPV, dépistage
et prise en charge des IST dont le VIH et les hépatites
virales ;
– la santé reproductive et prévention de l’infertilité
liée aux causes infectieuses ;
– la contraception, l’IVG et les grossesses non dési-
rées/non prévues ;
– la lutte contre les harcèlements, les violences
sexuelles et les relations sexuelles sous la contrainte.
Classifications internationales
destroubles de la sexualité
La classification internationale des maladies (la CIM
développée par l’OMS) et le Diagnostic and Statis-
tical Manual of Mental Disorders (le DSM développé
par l’APA) distinguent trois grandes catégories de
troubles et dysfonctions de la sexualité :
– les troubles et dysfonctions sexuelles et les dou-
leurs liées à l’activité sexuelle (non dus à un trouble
ou une maladie organique) ;
– les troubles de la préférence sexuelle, dénommées
paraphilies (anciennement qualifiées de perversions
sexuelles) ;
– les troubles de l’identide genre, désignés désor -
mais comme des dysphories de genre. La transiden-
tité n’est plus considérée non plus comme une
maladie en soi, être homme et vouloir être femme,
ou inversement, est une maladie si et seulement si
la personne souffre de sa condition transidentitaire.
L’homosexualité et les questions d’orientation
sexuelle ont été définitivement retirées de cette
nomenclature en 1973.
Étiologie des troubles de la sexualité
et types d’interventions
L’OMS a proposé, en 2016, une nomenclature des
différents facteurs pouvant entraîner des problèmes
sexuels(6). Cette nomenclature distingue :
– les problèmes liés à une absence de connaissances
sur son propre corps, ses organes, et sur le fonction-
nement de la sexualité et des pratiques sexuelles;
– les problèmes liés à des croyances culturelles ou à
des mythes qui renvoient à des connaissances dépas-
sées ; ceci inclut aussi la question des valeurs morales
qui peuvent parfois constituer des obstacles à la
santé sexuelle ;
– les problèmes associés à la relation avec le parte-
naire : sentiments, attachement, violence, chantage
affectif, pressions, etc. ;
les problèmes psychologiques inscrits dans l’histoire
personnelle, les traumatismes infantiles, l’initiation
sexuelle ratée, l’absence d’estime de soi, une mau-
vaise image du corps ;
– les problèmes associés à des maladies, des bles-
sures, des déficiences ou les conséquences d’un
traitement chirurgical ou encore à des mutilations
génitales ;
– les conséquences de l’usage de substances psy- !
SANTÉ SEXUELLE
CLASSIFICATION TYPE DE PROBLÈME NIVEAU D’INTERVENTION
1 et 2 Absence de connaissances. Croyances culturelles. Information
3 et 4 Problèmes liés aux relations avec le conjoint/avec la famille.
Problèmes personnels/psychologiques. Conseil
5 et 6 Conséquences de maladies/blessures/mutilations.
Conséquences de l’usage desubstances. Thérapie
PROBLÈMES SEXUELS ET MODES D’INTERVENTION (7)
L’IDE peut intervenir surtout au 1er niveau, au deuxième niveau avec plus d’expérience,
le 3eniveau nécessite une formation de sexologue (lire aussi p. 45 « Aborder la sexualité »).
6- Reed, G.
Drescher, J.
Krueger, R. et al.
Disorders related
to sexuality and
gender identity
in the ICD-11:
revising the ICD-10
classification based
on current scientific
evidence, best
clinical practices,
and human rights
considerations.
World Psychiatry,
2016;15 : 205–221
(bit.ly/2kCI0ei).
7- Ce tableau
résulte d’une
association entre
le modèle des
troubles sexuels
établi par l’OMS
(2016) et le modèle
des types
d’intervention en
santé sexuelle établi
par la WAS en 1974.
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
FORMATION
42 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
dispositifs et de médicaments pour traiter les deux
grands troubles masculins : les dysfonctions érectiles
et l’éjaculation prématurée. Les injections intra-caver-
neuses et le sildénafil (Viagra, Cialis ou Levitra) repré-
sentent des solutions efficaces pour traiter les
troubles de l’érection, à condition qu’elles soient
accompagnées d’une prise en charge sexologique
adaptée dans le cas de la prescription de sildénafil.
La dapoxetine – un ISRS (8) mais sans effet antidé-
presseur – est à ce jour le seul traitement montrant
une efficacité relative sur le traitement de l’éjaculation
prématurée. La prise en charge pharmacologique
des troubles féminins, et notamment des troubles
du désir (trouble sexuel le plus fréquemment rap-
porté par les femmes), ne fait pas l’unanimité et est
soumise à des conditions de prescriptions très strictes
et limitées. On peut évoquer l’Intrinsa, un «patch libé-
rant de la testostérone» qui n’a pour unique indication
que le traitement de la baisse du désir sexuel chez
les femmes ayant subi une ovariectomie bilatérale
et une hystérectomie (ménopause chirurgicalement
induite), et ne pouvant être prescrit qu’en association
à un traitement par œstrogènes. Le cas de la fliban-
sérine (Addyi) un dérivé d’un antidépresseur – fait
l’objet de nombreuses controverses quant à son effi-
cacité réelle sur le désir féminin et sur ces effets
secondaires potentiellement délétères en l’absence
de recul et de pharmacovigilance.
Les approches psycho-sexologiques
Si certains médicaments font preuve d’efficacité sur
le traitement des troubles de la sexualité, la complé-
mentarité avec une approche sexologique plus
volontiers psychologique est souvent conseillée.
Tous les grands courants psychothérapeutiques
«classiques » peuvent s’adapter à des probléma-
tiques sexologiques. L’hypnose, la relaxation ou
l’EMDR (9) constituent des outils thérapeutiques fré-
quemment utilisés dans l’abord des troubles de la
sexualité. Il existe par ailleurs différents types de
sexothérapies spécifiques, proposées par des sexo-
thérapeutes et des sexologues formés en la matière.
Proposées individuellement ou en couple, on pourra
citer les grandes approches suivantes : l’approche
sexo-cognitivo-comportementale, l’approche sexo-
corporelle, l’approche sexo-analytique ou encore
l’approche comportementale. *
PARTIE 1 : ALAIN GIAMI – PARTIE 2 : NADIA FLICOURT –
PARTIE 3 : ÉMILIE MOREAU ET ALAIN GIAMI
chotropes : opiacés, antidépresseurs, anxiolytiques,
amphétamines, etc., licites ou illicites.
Dans son rapport, le HSCP souligne le fait que «définir
un trouble sexuel conduit à aborder la normalité». Il
propose de retenir comme trouble sexuel, « toute
situation entraînant une insatisfaction personnelle».
Approches thérapeutiques
Dans le champ professionnel du soin et de la relation,
deux grandes conceptions de la sexualité coexistent:
– la «fonction sexuelle» : elle renvoie aux dimensions
physiologiques, anatomiques et fonctionnelles pou-
vant justifier d’interventions de l’ordre du soin médical
ou hygiénique ;
– la «sexualité» : elle renvoie aux dimensions subjec-
tives (le plaisir, la souffrance, le malaise) et relation-
nelles (le couple principalement), à l’accomplissement
de soi et aux identités.
L’infirmière est présente à ces deux niveaux au titre
de l’application des prescriptions d’une part, et de
l’accompagnement clinique et d’orientation d’autre
part.
L’approche pharmacologique
etmédicale de la sexualité
Le développement de la médecine sexuelle profite
plus largement aux dysfonctions sexuelles que ren-
contrent les hommes, avec une grande variété de
8- Inhibiteurs
sélectifs de la
recapture de
lasérotonine.
9- La thérapie
EMDR est une
nouvelle approche
de psychothérapie
qui utilise la
stimulation
sensorielle des deux
côtés du corps, soit
par le mouvement
des yeux soit par
des stimuli auditifs
ou cutanés, pour
induire une
résolution rapide
des symptômes liés
à des événements
du passé.
Les UE en lien avec le dossier
Références d’UE et extrait de leur contenu :
>UE 1.1.S1 «Psychologie, sociologie, anthropologie» (compétence6) :
principaux concepts en psychologie, psychologie sociale, étapes du
développement psychologique, cognitif, psychomoteur et UE 1.1.S2:
la relation soigné-soignant, la dynamique dans les relations de soins :
alliance, distance, proximité, agressivité, violence... ;
>UE 1.2.S2 «Santé publique et économie de la santé»
(compétence5) : concept de prévention, promotion de la santé
;
>UE 1.3 S1 «Législation, éthique, déontologie» (compétence7):
lesdroits de l’homme, notamment ceux de la personne âgée
(chartes, textes internationaux et nationaux...) et UE 1.3 S4 : la
démarche d’analyse d’une question éthique en équipe ;
>UE 2.3.S2 « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie»
(compétence 1) : les concepts en santé, la maladie chronique ;
>UE 2.9.S5 «Processus tumoraux » (compétence4): vision intégrée
des soins à donner aux personnes atteintes de cancer;
>UE 4.2.S2 «Soins relationnels»(compétence6): les concepts :
relation, communication, négociation, médiation, UE 4.2.S3 : la
relation d’aide et UE 4.2.S5: distance et proximité dans la relation» ;
>UE 4.6.S3 «Soins éducatifs et préventifs» (compétence 5): les
concepts, prévention, promotion de la santé, éducation en santé
;
>UE 5.5.S5 «Mise en œuvre des thérapeutiques et coordination
dessoins»(compétences 4 et 9).
ÉTUDIANTS EN IFSI
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N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 43
cette dernière et la possibilité de répondre aux
demandes des patients. De même, les infirmières
ayant davantage d’années d’expérience et une for-
mation plus poussée rapportent plus d’actes infir-
miers en lien avec la sexualité. Cette tendance est
confirmée par une étude récente sur l’identification
des obstacles à la prise en charge de la sexualité
chez des infirmières en oncologie (1). Le malaise
et « la gêne » éprouvés par les infirmières seraient
en effet principalement liés à la jeunesse et au
manque d’expérience. !
P
uisqu’elle participe au bien-être physique
et psychique, la santé sexuelle a toute sa
place dans une approche holistique du soin
infirmier. Dans la pratique, l’infirmière occupe une
position privilégiée auprès des patients pour aborder
la sexualité : l’empathie et la relation de confiance
qu’elle noue avec eux sont propices à aborder des
sujets ayant trait à la vie personnelle. Une démarche
qui ne va pourtant pas toujours de soi...
1.DIFFICULTÉS
ET RÉTICENCES
Les infirmières ont recours à des arguments différents
pour expliquer leurs réticences à s’engager dans une
prise en soins de la sexualité, à ne pas aborder les
problèmes et les difficultés sexuels avec les patients.
Tout d’abord, elles peuvent attribuer aux patients le
refus de s’aventurer sur ce terrain considérant alors
qu’ils souhaitent protéger leur intimité et qu’il ne faut
pas être invasif. D’autres arguments sont fréquem-
ment avancés pour expliquer l’évitement des sujets
liés à la sexualité: l’embarras, le manque d’intimité,
le temps limité, le manque de connaissances et d’ex-
périence, le manque de ressources pour prodiguer
une aide si un problème est identifié. De nombreuses
études ont mis en évidence que le fait de ne pas être
à l’aise avec la sexualité associé au manque de
connaissances étaient les principaux facteurs des
lacunes de communication des soignants sur ces
questions. Ce qui met en exergue la nécessité de la
formation des IDE (voir ci-après).
Par ailleurs, des recherches dans le champ de l’on-
cologie révèlent que l’aisance personnelle de l’infir-
mière à l’égard de la sexualité facilite l’abord de
Comment réagir lorsque la sexualité des patients s’exprime ? Les IDE sont
régulièrement confrontées à cette question lorsque des soins entraînent d'inévitables
réactions sexuelles ou que certains patients dépassent les bornes de la pudeur.
La bonne distance
de lexercice infirmier
SANTÉ SEXUELLE
PRISE EN CHARGE
SITUATION CLINIQUE
Érection lors du soin
Vous devez effectuer des soins préopératoires à M. N. Un rasage
intégral du pubis a été prescrit. Vous enfilez vos gants avant
de commencer le rasage et vous déplacez le pénis du patient
afin d’accéder à la zone à raser. M. N. entre alors en érection.
Il est très gêné, mais continue de vous sourire…
Que faire ? Rassurer
M. N. sera la
première des choses
à faire. Il s’agira de
mettre des mots sur
ce qui se passe, de
l’informer que son
érection est une
réaction normale
quand il y a
frottement ou
manipulation sur
ou près du pénis,
et ce, même s’il y a
absence de désir ou
de projet sexuel. Le
sourire de M. N. est
ici un signe probable
de défense et de
gêne, «s’habiller
d’un sourire pour
seprotéger du
ridicule». Il ne doit
pas être assimilé
àune perversion.
Agissant ainsi,
l’infirmière objective
la réaction
physiologique
sexuelle, permet la
distance, neutralise
le fantasme et
recadre la dimension
érotique dans le soin.
Ce mode d’action est
la base de la gestion
de la dimension
érotique dans les
soins. Le soignant
comme le soigné
seprotègent ainsi
autravers d’une
situation que l’on
met à distance en
parlant ; parler «sur»
plutôt qu’en étant
«avec» ou
«dedans».
1- Julien J., Thom
B., Kline N. (2010).
Identification of
barriers to sexual
health assessment
in oncology nursing
practice. Oncology
Nursing Forum,
37(3), E186–190.
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FORMATION
44 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!
C’est un peu
comme si
l’infirmière
était une icône
sexy par
définition
fait, elle, courir le risque de dérapages ou de malen-
tendus dans le cadre de la relation entre l’infirmière
et le patient (le plus souvent de sexe masculin). Les
contacts rapprochés peuvent porter à confusion ou
susciter de l’excitation sexuelle chez le patient. L’in-
firmière se doit de réagir tout en essayant de main-
tenir la dimension du soin (voir le cas clinique p. 43).
Quand Éros s’invite dans le soin
Il s’agit ici de prendre en compte tout un registre de
significations, de sentiments, d’émotions, de fan-
tasmes et de pensées qui peuvent être attribués ou
associés à des contacts corporels professionnels
considérés et vécus comme non-sexuels ou n’entrant
pas nécessairement dans le registre de l’érotique.
>Quand l’érotisation est vécue de façon positive...
Dans certains cas, l’érotisation, vécue comme forme
de sympathie et d’attitude positive de la part des
patients, peut grandement faciliter les soins en créant
une connivence, voire une complicité, entre les infir-
mières et les patients, notamment lorsque ces der-
niers font explicitement des compliments gratifiants
aux infirmières qui les soignent… ou blaguent avec
elles. Il peut alors s’instaurer une certaine intimité à
la fois physique – de par la proximité avec le corps
malade que l’infirmière lave et soigne – et subjective
connivence/complicité/réassurance – qui peut s’ex-
primer par des marques de tendresse ou d’attention
comme des bises ou des câlins. Des gestes que l’on
s’autorise notamment avec des patients jeunes, les
personnes âgées ou ceux en fin de vie. Ces actes et
ces paroles ne sont pas considérés comme «sexuels»
au sens restreint de génitalité, car ils ne sont pas
«érotisés». La désexualisation des actes et des rela-
tions potentiellement sexuels est le résultat d’un pro-
cessus acquis lentement au fil de l’expérience qui
permet une proximité plus grande avec le patient
tout en ne se sentant pas menacée. Ainsi, l’érotisation
de la relation de soins, telle qu’elle est décrite ici dans
sa version « soft », est vécue agréablement, de
manière gratifiante, allégeant la charge de travail,
facilitant la relation de soins, créant une connivence
entre les partenaires du soin, concourant grandement
à la satisfaction au travail et donnant le sentiment
qu’une relation «humaine » s’est établie avec le
patient, au-delà des rôles impartis à chacun. L’ex-
pression d’une forte implication personnelle et de
sentiments positifs envers les patients, ou certains
d’entre eux, expose toutefois les infirmières à deux
2.L’ÉROTISATION DE
LA RELATION DE SOINS (2)
Tous les types de relation de soins, de contacts cor-
porels et de communication verbale peuvent donner
lieu à une forme d’érotisation. Il s’agit d’une forme
de dérapage plus ou moins contrôlé où les dimen-
sions personnelles et subjectives du patient viennent
interpeller les dimensions personnelles des infir-
mières, là où a priori l’infirmière n’a pas vocation à
être sollicitée.
L’infirmière : un objet de fantasme
Au premier plan de l’érotisation du soin, on trouve
l’image sociale de l’infirmière qui est l’objet de nom-
breux fantasmes véhiculés par des représentations
culturelles encore tenaces. C’est un peu comme si
l’infirmière était une icône sexy par définition. Elle
est ainsi à même de susciter les fantasmes les plus
divers chez les patients et dans la population de
façon générale. Pour preuve, le nombre de films
pornographiques mettant en scène des infirmières.
Cette image constitue-t-elle un frein au soin? En
effet, certaines infirmières n’aborderaient pas les
questions liées à la sexualité avec leurs patients afin
«de ne pas exposer leur vulnérabilité».
La pratique de soins touchant aux zones génitales
Comment s’exprime la demande
>Les demandes verbales peuvent concerner :
– des informations sur les conséquences d’une maladie
ou d’un traitement sur la fonction sexuelle et sur la fertilité ;
– des confidences sur les problèmes sexuels ;
– un conseil conjugal ;
– des conseils sur une contraception ou le recours à une IVG ;
– des sollicitations explicites de relations sexuelles ou
attouchements sexuels de la part d’un ou d’une patiente ;
– une aide dans l’accomplissement des relations sexuelles avec
son partenaire lorsque l’on est en incapacité de le faire ;
– la possibilité de recevoir son conjoint partenaire dans la chambre
d’hospitalisation ;
– une mise en contact avec une travailleuse du sexe, une masseuse
Dans certains cas, la limite entre une demande d’aide et une forme
de harcèlement est difficile à tracer.
>L’irruption du sexuel lors de l’accomplissement des soins :
– manipulations des organes génitaux pour des soins infirmiers ;
– toilette et soins des zones ano-génitales ;
– harcèlements, agressions, gestes et propos déplacés.
DU CÔTÉ DU PATIENT
2- Ces idées sont
développées dans
l’ouvrage : Giami, A.,
Moreau, E., & Moulin,
P. (2015). Infirmières
et sexualité : entre
soins et relation.
Presses de l'EHESP.
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N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 45
risques : d’une part, perdre la dimension profession-
nelle de leurs interventions si la distance affective
envers le patient est abolie, et, d’autre part, s’exposer
au risque du harcèlement et d’abus sexuels.
>Quand l’érotisation est vécue de façon négative...
Cela concerne principalement des formes de harcè-
lement sexuel, qu’il s’agisse de propositions sexuelles
directes ou d’attouchements inappropriés sur l’infir-
mière ou encore de formes d’exhibition des organes
génitaux ou de la pratique d’actes sexuels au moment
l’infirmière est le témoin de la scène. Ces situations
sont le plus souvent vécues par les infirmières,
comme une forme de harcèlement sexuel difficile-
ment acceptable. Dans ce cas, le déni de la survenue
de l’événement, sa banalisation ou son intégration
dans les schémas et les protocoles professionnels
n’est pas possible. Le harcèlement sexuel est vécu
de façon radicalement différente de l’érotisation
involontaire et se voit qualifde "dérapage" lors des
actes routiniers du soin. Dans ce type de situations,
l’infirmière se trouve souvent démunie et doit faire
appel aux ressources puisées dans sa propre ex -
périence, dans son aisance ou son malaise personnel
à l’égard de la sexualité.
3.ABORDER LA SEXUALITÉ
La santé sexuelle peut être abordée à divers moments
de la prise en charge : à l’occasion d’un entretien infor-
mel, lors d’un séjour hospitalier, ou dans le cadre d’une
consultation formalisée, par exemple avec un patient
suivi pour un cancer. Les échanges pourront révéler
un dysfonctionnement, une souffrance dans le
domaine de la vie sexuelle. Cela nécessite d’être au
clair avec soi-même sur le sujet, de se refuser à tout
jugement et de ne pas projeter ses propres préjugés
ou croyances. Bien identifier ce qui relève de l’exercice
infirmier est tout aussi important afin d’orienter le
patient vers les professionnels et structures adéquats.
D’l’utili de savoir appréhender les troubles sexuels
et les demandes du patient (voir encadré ). La grille
d’identification proposée ci-après permet d’accom-
pagner la personne soignée à différents niveaux de
demande et de se positionner en tant qu’infirmière (3).
Identifier les types de problèmes
>La préoccupation : « Quelque chose ne va pas, j’y
pense tout le temps.» C’est de l’ordre du vécu indi-
viduel et relationnel. L’infirmière se basera sur les
principes de l’écoute active c’est-à-dire décoder la
dimension affective non verbalisée et mettre des
mots sur ce qui se vit afin d’aider le patient à formuler
et préciser sa difficulté ou son inquiétude.
>La difficulté : «Je ne sais pas faire », «Je bloque et
je n’ose pas.» Cela peut être lié à la relation ou aux
circonstances. La personne a besoin d’un éclairage
et de conseils pour faire la part des choses et revisiter
ses angoisses. L’infirmière aidera le patient à clarifier
la situation (reformulation) et en vérifiera la percep-
tion auprès du soigné . Elle pourra ensuite faire part
de ses connaissances et de son expérience.
>La dysfonction : «Tout va bien pourtant, mais je ne
fonctionne plus.» C’est au niveau de l’organicité que
la question se pose. Mais les troubles sexuels fonc-
tionnels peuvent aussi relever du domaine psycho-
logique (conscient ou inconscient). Ce niveau requiert
la consultation d’un expert (médecin, psychologue,
kiné, sexologue, sage-femme…).
>La pathologie : celle-ci est liée à la maladie (le dia-
bète) ou une lésion (chirurgie ou traumatisme) et !
SANTÉ SEXUELLE
SITUATION CLINIQUE
Masturbation : intrusion
ou agression ?
Vous devez effectuer une prise de sang à M. P. ce matin. Après
avoir frappé, vous entrez dans la chambre, un peu rapidement
peut-être. Munie de votre nécessaire pour ce soin, vous vous
tournez vers M. P. et constatez qu’il se masturbe et que votre
présence ne le gêne en rien, ni ne l’arrête. Vous lui dites sur un
ton un peu vif : «Je reviendrais tout à l’heure je vois que ce n’est
pas le moment !» Vous êtes gênée, mal à l’aise voire en colère.
Que faire ? Au vu
du droit au respect
de l’intimité du
patient, celui-ci peut
se masturber dans sa
chambre. Ce qui fait
la différence est de
savoir si l’infirmière
est rentrée sans
attendre l’accord
du patient quand
elle a frappé à sa
porte et l’a surpris
ou si la prise de sang
était prévue à
cette heure-là
précisément. Dans le
premier cas de
figure, l’infirmière ne
pouvait que repartir
et s’excuser de
l’intrusion. Dans le
second scénario, cet
acte est assimilable
à une agression et
nécessite d’intervenir
et de nommer ce
qui fait l’agression,
c’est-à-dire imposer
un acte sexuel à
une personne non
consentante et de
façon préméditée.
> Pour la soignante
qui subit cet état
de fait, il y aura
nécessité de
transmettre et de
partager ce vécu en
équipe de soins pour
prendre du recul
afin de lui permettre
d’interpeller le
patient et le recadrer
plus sereinement.
À titre personnel
l’infirmière peut faire
un dépôt de plainte
auprès de la
gendarmerie
ou de la police
(main courante).
> Ces faits sont
souvent minimisés,
voire banalisés
ou tus et donc
non régulés. Les
échanges en équipes
sont indispensables
à la régulation des
malaises engendrés
et des dispositions
à prendre.
3- Hildegard E.
Peplau (1952),
Relations
interpersonnelles
en soins infirmiers,
InterEditions, 1995 ;
Lynda Juall
Carpénito-Moyet,
Manuel des
diagnostics
infirmiers, Elsevier
Masson, 13eéd.,
2012.
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FORMATION
46 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!
Un outil de flexion
Le modèle de support Johns (2000)*peut être utilisé suite à un
incident ou une problématique auquel a été confrontée l’infirmière.
Du fait de l’implication, de l’intime voir de l’intrusif des situations
àcaractère sexuel vécues dans le soin, c’est un outil bien adapté.
Développé par des praticiens en soins infirmiers, il vise à organiser
une réflexion structurée en faisant le distinguo entre les émotions
etles pensées propres, le contexte extérieur, et l’impact que celui-ci
a sur notre relation aux autres. Il permettrait de mieux appréhender
ultérieurement le type de situation vécue.
> Temps I
1- Décrire la situation
> Temps II (échange)
2- Quel était mon but dans la situation ?
3- Pourquoi suis-je intervenue de cette manière ?
4- Quelles ont été les conséquences de mes actions ? (pour le
patient et sa famille ?, pour moi ?, pour l’équipe ?)
5- Quel a été le ressenti du patient ?
6- Comment le savez-vous ?
7- Qu’ai-je ressenti sur le moment ?
8- Quels étaient les facteurs internes qui m’ont influencé ?
9- Est-ce mes actions étaient en accord avec mes valeurs ?
10- Y a-t-il des facteurs qui m’ont conduit à ne pas être cohérent ?
11- Quelles sont les connaissances que j’ai mobilisées ?
12- Est-ce que cette situation me rappelle de situations antérieures?
13- Dans une situation similaire à l’avenir, qu’elle serait ma réaction?
14- Qu’est-ce que je ressens actuellement quant à cette expérience?
> Temps III
15- Cette situation m’aide-t-elle à avancer ?
16- Ai-je décidé de modifier ma démarche à l’avenir ?
* Voir la référence dans Savoir + p. 54
FACE À UN INCIDENT CRITIQUE
et des traitements sur la sexualité est éclairé. Ce qui
nécessite des connaissances approfondies ;
>la suggestion spécifique : permet d’aborder les
aspects plus intimes de la personne. Cela nécessite
d’en savoir plus sur l’histoire de la problématique
sexuelle discutée. Une fois celle-ci écrite, le soignant
peut alors proposer des solutions appropriées (lubri-
fiants en cas de sécheresse vaginale, par exemple…);
>la thérapie intensive : lorsque le problème persiste,
les prises en charge relèvent du domaine de l’exper-
tise thérapeutique et sexologique (conseiller expert,
psychologue, psychiatre, sexologue).
4.FORMATIONS ET
SUPPORTS PROFESSIONNELS
Acquérir des connaissances, mais également fléchir
aux retentissements personnels que peuvent faire
émerger des problématiques liées à la sexualité dans
le cadre de son exercice sont deux piliers fondamen-
taux d’une approche éthique de la sexualité.
> Des formations existent comme le DIU de sexologie
et d’études de la sexualité humaine ouvert à différents
professionnels de santé dont les IDE ; un diplôme pro -
posé par l’Association interdisciplinaire post-universi -
taire de sexologie (Aius) qui se déroule sur troisans(5).
Quelques universités de son réseau préparent, elles,
à un DU de santé sexuelle. Des formations spécifiques
en sexothérapie selon le type d’orientation thérapeu-
tique souhaitée sont également accessibles à toute
personne intéressée par la question, mais elles sont
généralement plus onéreuses et ne sont pas officiel-
lement reconnues. Dans le cadre du développement
professionnel continu (DPC)(6), certaines formations
sont dédiées à la sexualité et aux dimensions com-
municationnelles de sa prise en charge.
> Les supports professionnels : l’analyse de la pratique
professionnelle (APP) constitue un outil privilégié
pour rompre l’isolement dans lequel se trouvent par-
fois les infirmières et développer un questionnement
en groupe de pairs sur les situations rencontrées. Le
but étant d’amener les professionnels à réfléchir sur
leurs croyances, leurs représentations et leurs émo-
tions et prendre conscience de l’impact de leurs
valeurs sur les soins aux patients. Une démarche de
supervision auprès d’un psychologue permet égale-
ment de questionner son implication personnelle
dans certaines situations. *
PARTIE 1 ET 2 : ÉMILIE MOREAU – PARTIE 3 : NADIA FLICOURT
aux conséquences que celles-ci implique sur la sexua-
lité. Plusieurs disciplines et professionnels sont
concernés pour un vrai parcours de soins. À ce niveau
l’infirmière aura pour mission de coordonner les soins
dispensés par les professionnels concernés.
Communiquer : le modèle Plissit
Disposer d’un modèle pour apprendre à communi-
quer contribue à donner une légitimité pour aborder
la sexualiet peut aider à rassurer lors des situations
que l’on ne maîtrise pas bien. Parmi ceux existants,
le modèle Plissit (4) permet d’évaluer quatre niveaux
d’intervention après l’analyse clinique :
>la permission : rassurer la personne soignée quant
à sa vie sexuelle et lui permettre d’exprimer ses
inquiétudes alors qu’elle a un problème de san;
>l’information limitée :les poccupations des patients
sont clarifiées en donnant une information fiable sur
l’anatomie et la physiologie. L’impact de la maladie
4- Permission,
Limited Information,
Specific
Suggestions,
Intensive Therapy.
5- Voir le site de
l’Aius – l’association
interdisciplinaire
post-universitaire
de sexologie
(aius.fr).
6- La contraception
et santé sexuelle
est l’une des
34orientations
nationale du DPC
pour la période
2016-2018.
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N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 47
!
SANTÉ SEXUELLE
La sexualité
n’est plus
considérée
comme un
dommage
collatéral
pouvant être
sacrifié sur
l’autel de la
survie du
patient
De même, l’âge, la situation conjugale ou encore
l’absence de demande des patients ne préfigurent
en rien d’une absence de trouble ou de dysfonction
consécutive à l’annonce du cancer et/ou de l’amorce
des traitements. Se prémunir de représentations
stéréotypées liées à la sexualité constitue l’une des
bases fondamentales pour intégrer la sexualité dans
la pratique soignante infirmière.
Atteintes gênant la réalisation
de l’acte sexuel
Indépendamment du type de cancer et de traitement,
la fatigue et les douleurs sont quasiment évoquées
systématiquement par les patients comme facteur
altérant leur qualité de vie. Elles participent globa-
lement d’une moindre motivation et envie à s’engager
dans un rapport sexuel, plus particulièrement un rap-
port pénétratif. De même, les symptômes dépressifs
associés au diagnostic du cancer peuvent diminuer
le désir ainsi que la capacité à avoir un rapport sexuel.
La maladie et les traitements peuvent ainsi avoir
un impact durant les différentes phases psycho-
p hysiologiques de la réponse sexuelle décrite par les
sexologues Masters et Johnson en 1966: excitation,
plateau, orgasme et résolution. On peut donc caté-
goriser les troubles de différentes manières.
>Les troubles du désir peuvent être d’origine:
– psychogène : blocages sensoriels (vue, odeurs,
bruits, touchers), altération de la motivation liée au
diagnostic du cancer, communication insuffisante
entre les partenaires ;
– iatrogène, c’est-à-dire liés aux traitements hormo-
naux ou médicamenteux durant et après le cancer.
> Les troubles physiologiques :
– chez les hommes, des dysfonctions érectiles liées
à un trouble du désir, à la chirurgie, à la radiothérapie
peuvent apparaître. Des traitementsdicamenteux
peuvent être proposés ;
– chez les femmes, la sécheresse vaginale liée à un
trouble du désir qui empêche la lubrification ou aux
traitements chimiothérapiques et hormonaux, peut
survenir. Des crèmes lubrifiantes sont proposées.
>Les perturbations des rapports sexuels: dyspareunies
1.LE CONSTAT
La prise en charge du cancer a beaucoup évolué du
fait des avancées médicales: guérir sans (trop) de
séquelles est légitimement devenu une priori. Même
lorsque la rémission totale n’est pas envisageable, la
sexualité n’est plus considérée comme un dommage
collatéral pouvant être sacrifié sur l’autel de la survie
du patient. Les répercussions du cancer et de ses
traitements sur la sexualité sont multiples et très fré-
quentes. Deux ans après le diagnostic, deux tiers des
patients rapportent ainsi des séquelles sur leur vie
sexuelle («La vie deux ans après le cancer», enquêtes
nationales 2008, 2014, voir Savoir + p. 54). Prendre
en compte la santé sexuelle des patients répond à
plusieurs priorités du 3eplan cancer (1) : personnaliser
la prise en charge, réduire les inégalités de soins,
p révenir/minimiser les impacts négatifs, aigus ou
chroniques, médicaux, psychosociaux et conjugaux.
Outre ces dimensions éthiques et déontologiques,
des études soulignent que le maintien de l’activité
sexuelle et le soutien du partenaire ont un impact
positif en terme d’ajustement du cancer, c’est à dire
la capacité à s’adapter à l’irruption de la maladie.
L’infirmière intervient à différents moments de la
prise en charge: depuis la consultation d’annonce,
jusqu’à la pratique des soins d’accompagnement, la
préparation aux opérations, le suivi post-op, la sur-
venue des conséquences des traitements (perte de
cheveux, troubles sexuels, etc.), l’hospitalisation à
domicile, pour finir par les soins de fin de vie.
2.DES CONSÉQUENCES
SURLA SEXUALITÉ
Indépendamment de la zone touchée, le cancer – et
ses traitements – peut avoir un impact sur la sexualité
des patients. Une représentation assez fréquente
associant répercussions sexuelles et cancer génital,
ou affectant une zone sexuelle secondaire comme
le sein, exclut de fait l’abord de la sexualité avec cer-
tains patients. Et ce, alors que tous les cancers sont
concernés par la question de la vie intime et sexuelle.
Cancer et sexualité
Informer le patient sur les conséquences de son cancer sur sa sexualité tout au long de son suivi est
reconnu comme essentiel à sa prise en charge. Une démarche à laquelle l’IDE est étroitement associée.
1- Plan cancer 2014-
2019, présenté par
François Hollande
en février 2014.
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FORMATION
48 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!(douleurs d’intromission dans le cas de radiothé -
rapies pelviennes par exemple), dyspnées, positions,
incontinences.
>Les troubles de l’orgasme ou dysorgasmies : ané-
jaculation, modification des perceptions orgastiques,
incontinence.
>Les troubles de l’image corporelle et de l’identité
sexuelle : l’annonce du cancer en lui-même peut être
vécue comme une remise en question identitaire, et
de ce fait avoir un impact sur la perception de son
corps. Par ailleurs, les traitements anticancéreux sont
souvent invasifs et peuvent altérer l’image corporelle,
l’estime de soi et l’identité sexuelle :
!la chimiothérapie : perte de la pilosité et l’alopécie,
ménopause induite ;
!la chirurgie : toutes les ablations d’organe peuvent
modifier l’image corporelle : seins, appareils génitaux
masculins comme féminins, sphères ORL, zone anale,
zones colorectales…; les stomies obligent à mettre
en place des stratégies pour ne pas montrer la poche
au partenaire; les cicatrices peuvent être vécues
telles des stigmates de la maladie et bouleverser la
perception du schéma corporel ;
!la radiothérapie : brûlures associées ;
!l’hormonothérapie : ménopause induite.
Les difficultés conjugales
Généralités
La survenue d’un cancer peut induire une détresse
émotionnelle chez le patient, mais aussi dans son
entourage. Celui qui est le plus atteint par le choc
émotionnel de l’annonce de la maladie n’est pas seu-
lement le malade lui-même, mais parfois son parte-
naire. Partenaire qui peut devenir co-thérapeute,
particulièrement dans les situations d’hospitalisation
à domicile. La dynamique de l’interaction conjugale
peut ainsi être source de soutien, mais aussi source
de stress supplémentaire. On peut également obser-
ver une mise à mal de l’équilibre conjugal existant
lorsque les relations avec les familles d’origine sont
plus sollicitées au point de vue matériel et affectif.
Deux grands mécanismes de défense peuvent être
repérés chez le partenaire : le déni et l’hyperprotec-
tion, le premier entraînant l’indifférence et le second
l’infantilisation. La capacité du partenaire à apporter
du support dépend de sa propre réaction à la maladie
et de la dynamique du couple avant la survenue du
cancer. Un couple fonctionne comme un système et
tout changement chez un individu altère l’interaction
conjugale. La culpabilité du partenaire d’éprouver
des sentiments de colère, de craintes et des affects
anxio-dépressifs alors qu’il n’est pas lui-même malade
doit être entendue.
La temporalité du cancer
>L’annonce du cancer :
!précipite le couple dans une crise émotionnelle
aiguë : menace de la perte et remise en cause des
fantasmes d’immortalité ;
!Éros et Thanatos se trouvent confrontés, le désir
et le plaisir peuvent dans un premier temps être aban-
donnés. En effet, alors que la sexualité sous-entend
relation, reproduction, vie, plaisir, le cancer évoque
la mort, la perte, la tristesse ;
SITUATION CLINIQUE
Un couple face au diagnostic
de cancer de la prostate
M. et Mme G. arrivent en consultation d’annonce, le diagnostic
de cancer de la prostate a été posé. Le chirurgien leur a annoncé
qu’une prostatectomie était à prévoir rapidement. Le couple
semble anxieux et attend des informations. L’infirmière reprend
les données du médecin et tente de faire comprendre à M. G. que
l’opération qu’il va subir réduira sa capacité à l’érection. Elle lui
fait un schéma pour lui en préciser les raisons. M. G. semble
angoissé, hésitant et n’est plus très sûr de vouloir subir cette
opération … Il se tourne vers son épouse comme pour lui
demander son acquiescement, celle-ci lui dit très clairement et de
façon décidée qu’il est important qu’il fasse cette intervention et
qu’il reste en vie même s’ils doivent renoncer à leur vie sexuelle.
Que faire ?
Concernant la
prostatectomie
prévue, les
informations sont
àreprendre et les
précisions à donner
en fonction des
décisions et
desprotocoles
chirurgicaux en
vigueur. Il est
raisonnable de
laisser une place
pour les incertitudes
(chirurgie plus ou
moins envahissante
que prévue) et
informer des
répercussions au
niveau de la fonction
sexuelle. Savoir que
cette situation que
vivent le patient et
sa partenaire est
àtraiter comme
uneperte, voire un
deuil, et que plus
d’uneétape sera
nécessaire avant
l’acceptation.
La priorité, le sujet
de soins, c’est M. G.
Sa femme est à
considérer comme
proche et aidant
naturel ; à ce titre
son aide sera
précieuse et son
accompagnement
probablement
nécessaire, mais en
matière de sexualité
et d’acceptation
entant qu’homme,
c’estM. G. qui est
concerné. Il faudrait
essayer de voir le
patient seul pour
qu’il puisse exprimer
ses craintes et ses
difficultés : il pourrait
avoir peur de perdre
sa femme par
exemple. Revoir
le couple ensuite
serait une bonne
chose, l’infirmière
en charge de
laconsultation
d’annonce serait
alors au cœur de
la médiation et de
ses compétences,
comme le prévoit
le3eplan cancer.
2- Les idées de
cechapitre sont
développées en
détail dans l’article
suivant : Giami, A.,
Moreau, E., &
Domenech-Dorca,
G. (2014). « Le
conseil en santé
sexuelle » (pp. 83-
108). In G.-N.
Fischer & C.
Tarquinio (Eds.),
Psychologie de la
santé : applications
et interventions .
Paris: Dunod.
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 49
!
SANTÉ SEXUELLE
de support Afsos (voir les repères ci-contre). Ces
trois types de difficultés peuvent être rapprochées
des trois niveaux définis par la WAS en 1974. (voir
aussi tableau p. 41). Pour chacune d’entre elles, les
compétences à mettre en œuvre sont décrites.
Écoute et reformulation
Selon le référentiel de l’Afsos, « pour un tiers des
patients, la sexualité n’est pas ou plus leur préoccu-
pation». Ici, c’est le premier niveau d’intervention de
l’OMS qui est concerné, l’information des patients
afin qu’ils sachent que le cancer et ses traitements
peuvent avoir des conséquences sur leur vie sexuelle.
Il concerne tous les professionnels de santé, car
aucune qualification spécifique n’est nécessaire si ce
n’est une information minimale afin, d’une part, de
faire de la santé sexuelle un aspect de la qualité de
vie comme les autres, et, d’autre part, de travailler
sur les représentations inhérentes à la sexualité.
L’écoute et la reformulation constituent la première
forme de communication concernant la sexualité
pour les infirmières. Cette écoute empathique s’inscrit
plus largement dans la dimension relationnelle de
la profession: la relation d’aide. Elle se base sur des
techniques verbales et non verbales qui se caracté-
risent notamment par une écoute active, la reformu-
lation des propos ou encore une attitude empathique.
Dans le contexte du cancer, il s’agit d’écouter la
plainte éventuelle du patient, ses difficultés, ses
craintes ou ses questions de façon empathique et
compréhensive, mais aussi d’explorer et clarifier
ses angoisses sous-jacentes grâce aux techniques
inhérentes à la relation d’aide et notamment la refor-
mulation pour faire comprendre à son interlocuteur
que l’on a bien pris en compte/entendu sa plainte.
L’écoute des patients et la reformulation de leurs
propos constituent ici des outils de communication
permettant de maintenir une continuité des soins
malgré le manque de formation et de connaissances
spécifiques.
Information, conseil et éducation
Toujours selon lAfsos, « un tiers des patients présente
des troubles dont le traitement est souvent très facile
et accessible, surtout s’ils sont abordés précoce-
ment». Dans ce cas, c’est le deuxième niveau d’inter -
vention de l’OMS, celui du conseil qui est concerné
par cette catégorie de patients. Tous les soignants
sont également encouragés à intervenir à ce niveau.
!augmentation de l’interdépendance du couple :
rapprochement qui peut être motivé par la peur.
> La phase de traitements :
!diminution du fonctionnement sexuel ;
!perturbation des différentes phases de l’activité
sexuelle (désir, excitation, orgasme) par la maladie,
par les traitements ou par le retentissement psycho-
logique vécu par le malade ou par son conjoint ;
!le corps, source de plaisir, est remplacé par un corps
souffrant ;
!le corps malade devient un terrain de lutte qui oscille
entre une position défaitiste voire dépressive et l’es-
poir de la récupération ;
!crainte d’être repoussant, peur du regard de l’autre,
d’infidélité, de la séparation et du rejet ;
!importance de se sentir accepté : l’intégration du
traumatisme du cancer dépend entre autres choses
de la réaction du partenaire ;
!pour beaucoup de couples, préserver ou retrouver
des moments d’intimité, de complicité, d’harmonie
amoureuse, de désir, de plaisirs sont autant de valeurs
refuges qui les aident à garder une certaine « nor-
malité» quand leur vie quotidienne est bouleversée.
> La phase de rémission :
!période paradoxale, sentiments ambivalents : sou-
hait « d’en sortir » et crainte de retourner à la vie
normale d’avant la maladie ;
!sentiments d’incertitude et d’anxiété souvent mas-
qués;
!apparition de difficultés sexuelles, stigmates des
difficultés de communication et ce, indépendamment
des conséquences physiologiques ;
!les affects anxieux des conjoints peuvent être
déphasés dans le temps ;
!importance d’accompagner les hommes et les
femmes à retrouver confiance en eux et à accepter
et réinvestir leur corps en dehors de la maladie.
3.RÔLE DE L’INFIRMIÈRE (2)
Connaître les différentes conséquences du cancer et
de ses traitements sur la sexualité fait partie inté-
grante des compétences infirmières, pour pouvoir
délivrer une information, intervenir ou orienter vers
quelqu’un de plus compétent selon la nature des dif-
ficultés rencontrées par les patients. Sur le plan
sexuel, trois types de « difficultés» ont ainsi été
décrites de façon hiérarchique dans le référentiel de
l’Association francophone pour les soins oncologiques
>Le nombre
important de
patients
concernés par
une atteinte de
leur vie sexuelle
conjugué aux
difficultés
communication
nelles des
soignants
àaborder
lasexualité
aconduit
uneéquipe
d’oncologie
àélaborer
unréférentiel
adhoc intitulé
«Cancer, vie et
santé sexuelle»
et à proposer
des formations
aux soignants,
(Afsos, 2010).
>Ce référentiel,
outre l’apport
de
connaissances,
offre des
solutions aux
soignants,
selon leurs
champs de
compétences
respectifs, pour
intervenir dans
ce domaine.
>Guide
téléchargeable
sur le site
del’Afsos
(bit.ly/2lfnGj9).
REPÈRES
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
FORMATION
50 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!
À l’aide d’une
sémantique
adaptée,
beaucoup
de craintes
peuvent être
désamorcées
Une formation minimale sur la santé sexuelle est là
encore nécessaire, mais des compétences commu-
nicationnelles sont également requises afin que le
cadre de la relation soignant-soigné soit respecté.
Il s’agit pour le soignant d’adopter une approche
centrée sur la recherche d’une altération de la santé
sexuelle, en évaluant la plainte ou les craintes. Saisir
l’opportunité d’aborder la sexualité peut passer
par l’évocation d’autres sujets : la contraception, les
prothèses, les soins corporels, l’hygiène de vie, le
couple… Demander aux patients ce qu’on leur a déjà
dit à ce propos ou ce qu’ils ont pu lire est important
pour clarifier certains questionnements et apporter
une information qui pourra les rassurer. L’utilisation
de tous les moyens et supports d’information (bro-
chures, plaquettes de sociétés savantes ou d’asso-
ciations)!permet d’asseoir son propos. En outre, à
l’aide d’une sémantique adaptée et pédagogique,
beaucoup de craintes peuvent être «désamorcées»,
car elles sont abordables en pratique quotidienne.
Orientation et délégation
Enfin, « un tiers des patients souffre de troubles plus
complexes pour lesquels il existe également des solu-
tions» selon l’Afsos. Ce dernier niveau se réfère au
troisième niveau des recommandations de l’OMS,
celui de la thérapie (psychothérapie ou sexothérapie)
ou du traitement (médicamenteux et/ou chirurgical)
selon la nature du trouble. Il concerne donc plus spé-
cifiquement les psychologues, psychiatres, psycho-
thérapeutes ainsi que les médecins, mais également
les infirmières en ce sens où elles doivent être capa-
bles d’évaluer la complexidu trouble afin d’orienter
au mieux le patient, ce qui peut se révéler difficile
sans le minimum de connaissances requises. *
ÉMILIE MOREAU
MALADIES CHRONIQUES
DES CONSÉQUENCES À LONG TERME
Douleurs, fatigue, dépression, les conséquences sexuelles des maladie chroniques, encore trop
sous-estimées, doivent être inclues dans la prise en charge. Ce qui nécessite de les identifier...
«Les conséquences sexuelles
de la maladie sont parmi
lesplus difficiles à vivre
et à surmonter. Elles sont
cependant encore trop
souvent sous-estimées et
prises en compte par le
corps soignant.»* Intégrer
la sexualité dans l’éventail
de la prise en charge globale
des maladies chroniques
nécessite d’avoir une vision
élargie des conséquences
physiques, psychiques et
sociales des maladies sur
le bien-être sexuel,
bien-être non réductible
à la possibilité d’avoir un
rapport sexuel pénétratif.
>Les douleurs et la fatigue
envahissent toutes les
sphères de la vie des
patients, et concernent
toutes les maladies
chroniques. À long terme,
elles affectent la capacité
des patients à pouvoir
éprouver du désir et
à s’engager dans des
relations sexuelles.
L’adaptation est ici un
mot-clé : les capacités
érotiques peuvent être
maintenues par le toucher
par exemple pour que
le corps ne soit pas vécu
que comme un objet
de souffrance.
> La dépression, l’anxiété
et les troubles de l’humeur
sont des conséquences
émotionnelles rapportées
fréquemment. Leur
évaluation et leur prise en
compte est déterminante
quant à l’observance des
traitements d’une part,
mais également quant à
leur poids sur la dimension
psycho-affective de la
sexualité. Inversement,
la baisse de la libido est un
marqueur de l’apparition de
troubles anxio-dépressifs.
> Selon la pathologie,
certaines conséquences
sur la sexualité sont
plussignificatives :
– diabète : un homme
surdeux souffre d’une
dysfonction sexuelle
(trouble de l’éjaculation
notamment) et une femme
sur deux déclare des
troubles d’excitation
et de lubrification ;
– maladies cardio-
vasculaires: le retour à une
vie sexuelle active est très
souvent compromis ;
– sclérose en plaques :
83% des femmes déclarent
des dysfonctions sexuelles
(majoritairement des
troubles du désir) quand
un homme sur deux souffre
de dysfonction érectile.
Les recherches ne cessent
d’évoluer et on peut
désormais considérer
que toutes les maladies
chroniques ont un impact
plus ou moins important
sur la sexualité, qu’il est
nécessaire d’évaluer.
En effet, «l’installation
de difficultés sexuelles chez
les personnes souffrant
de pathologies chroniques
va très vite donner lieu à
une majoration de l’impact
émotionnel du vécu de la
maladie initiale, et s’avérer
déterminante dans la
détérioration de la qualité
devie». L’estime et la
confiance en soi que
lesdifficultés sexuelles
peuventmajorer au cours
dela maladie, sont des
dimensions émotionnelles
déterminantes dans
le vécu de la maladie.
*Colon M.-H. Dysfonctions sexuelles
de la maladie chronique, l’état
des lieux. Première partie :
fréquence, impact et gravité.
Sexologies, vol. 25, p. 16-23.
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2017
N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 51
qu’elles n’ont pas toujours la possibilité de retrouver
ceux et celles à qui elles portent de l’affection.
Entre inhibition et désinhibition
En plus du vieillissement, le déclin cognitif et la sur-
venue de la maladie dAlzheimer peuvent avoir deux
types de conséquences sur la vie sexuelle des per-
sonnes concernées ; des conséquences que les infir-
mières devront alors gérer en équipe. Dans le premier
cas, les personnes manifestent un repli sur soi, un
désintérêt et un éloignement général envers les autres
qui se traduit aussi par une inhibition totale des
expressions érotiques. Dans le second cas, une mino-
rité de personnes expriment des comportements
considérés comme inappropriés. Il peut s’agir de la
pratique de la masturbation, de l’exhibitionnisme ou
du voyeurisme, du harcèlement sexuel. Alors que
l’inhibition totale des expressions sexuelles et éro-
tiques semble ne choquer personne – bien au
contraire –, les expressions dites inappropriées pro-
voquent, elles, un certain malaise parmi l’entourage.
Les relations de couple
Au delà des conduites qui sont assimilées à des para-
philies ou troubles de la préférence sexuelle, un rési-
dent peut également rechercher un partenaire sexuel
et/ou affectif afin d’établir une nouvelle relation de
couple. Une relation amoureuse peut ainsi se déve-
lopper sous les regards attendris de certains soi-
gnants ou de l’entourage familial, attentifs au
bien-être de la personne, mais aussi entraîner la dés-
approbation voire l’hostilité d’autres. Certaines
familles voient ainsi d’un très mauvais œil le déve-
loppement d’un nouvel attachement qui viendrait
détruire l’image parentale que l’on souhaite garder !
Ce qui pose
problème aux
familles, aux
soignants et à
la société, ce
n’est pas tant
l’absence
d’activité
sexuelle, mais
son maintien
1.CONSTATS
Les personnes âgées constituent une part importante
de la patientèle des infirmières, principalement dans
des établissements de soins ou de long séjour
(Ehpad, maison de retraite). Selon une étude de la
Dress, fin 2011, 693000 personnes âgées vivaient
dans un établissement d’hébergement ce qui repré-
sente une hausse de 5,5 % par rapport à fin 2007.
Sous l’influence de plusieurs facteurs, comme le vieil-
lissement de la population, l’évolution des mœurs, le
caractèregitime de la sexualité chez les personnes
âgées commence à être reconnu. Le nombre crois-
sant d’aînés en perte d’autonomie incitant lui aussi
à s’interroger sur la prise en compte dans leur accom-
pagnement – à domicile comme en institution – de
leurs désirs sexuels et relations intimes. En fait, ce
qui pose problème aux familles, aux soignants et
à la société, ce n’est pas tant l’absence d’activité
sexuelle, mais son maintien. Mais cette absence
d’activité sexuelle, au même titre que son maintien,
ne doit pas être considérée uniquement comme un
«problème» à traiter ; les réponses infirmières doivent
être alors formulées au cas par cas.
La solitude et l’isolement
La solitude touche davantage les femmes que les
hommes. En effet, passé 75 ans, environ deux tiers
des hommes vivent avec une partenaire contre seu-
lement un quart des femmes. Or cette solitude –à
domicile comme en établissement constitue le pro-
blème majeur des personnes âgées et l’un des prin-
cipaux obstacles à une vie affective et sexuelle. Cet
isolement est probablement ce qui produit le plus
de souffrance chez ces personnes. D’autant plus
Les personnes âgées n’auraient pas de désirs sexuels ? Elles ne pourraient pas
faire l’amour même si elles le voulaient ? Idées reçues et tabous émaillent encore
l’imaginaire collectif. Pourtant, certains aînés ont bien une vie sexuelle.
Changer de regard
sur les personnes âgées
SANTÉ SEXUELLE
EN INSTITUTION
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FORMATION
52 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
!
Les femmes
sont – encore
plus que les
hommes –
supposées
avoir
abandonné
toute vie
sexuelle suite
à la ménopause
gnement éducatif adapté sera indispensable pour
une personne ayant moins de discernement. Pour
l’une, il s’agit d’une agression même si la personne
est en cours de soin ou de traitement ; pour l’autre
il y a obligation de se former ou de s’informer à cet
accompagnement spécifique que sont les personnes
désorientées et/ou désinhibées.
Des droits reconnus au niveau
européen
La Charte européenne des droits et responsabilités
des personnes âgées nécessitant des soins et une
assistance de longue durée (2) stipule, pour sa part,
que « toute personne vieillissante conserve ses droits
à la vie privée et à l’intimité ainsi qu’à leur protection
avec un espace réservé à eux seuls ou avec la per-
sonne de leur choix ». Un droit également énoncé
dans l’article 4 de la charte des droits et libertés des
personnes âgées en situation de handicap et de
dépendance qui spécifie que «respecter la personne
dans sa sphère privée, sa vie relationnelle, affective
et sexuelle s’impose à tous».
3.QUE FAIRE AVEC LES
PERSONNES ÂGÉES ?
Face aux présupposés
Le premier obstacle à surmonter est d’ordre psycho-
social : reconnaître que les personnes âgées peuvent
(encore) avoir une vie sexuelle et ne pas se sentir
scandalisé lorsque l’on est témoin d’expressions éro-
tiques, amoureuses ou sexuelles que l’on peut qua-
lifier de communes à l’ensemble des adultes. Mais
inversement, il ne s’agit aucunement d’une obligation
et comme pour toutes les personnes vulnérables, il
faut proger les personnes âgées et/ou dépendantes
contre d’éventuels abus sexuels.
>La première chose à faire est de prendre conscience
de nos représentations, de nos préjugés et de nos
émotions envers les personnes âgées. Les adultes
(en âge de procréer et en âge de travailler) se repré-
sentant subjectivement les personnes âgées, ont
souvent l’habitude de penser que les personnes
ayant vingt à vingt-cinq ans de plus qu’elles auraient
abandonné toute vie sexuelle active – seules ou avec
un partenaire. Les femmes sont – encore plus que
les hommes – supposées avoir abandonné toute vie
sexuelle suite à la ménopause. Ce préjugé qui est
tenace amène souvent à considérer toute mani-
de la grand-mère ou du grand-père. En Ehpad ou en
maison de retraite, il est souvent recommandé de
tenter de séparer les tourtereaux au nom de la morale
ou de la protection des personnes.
2.RÉGLEMENTATION
ET ÉTHIQUE
Le cadre réglementaire
Les différentes règlementations assurent à l’usager
des soins, au patient et à son entourage le droit au
respect de son intimité, de sa sexualité et de ses
choix tant qu’il peut les assumer. Il sera nécessaire
de distinguer les patients en fonction de leur âge, de
leurs déficiences et des formes de dépendance
qu’elles induisent et de leurs capacités de discerne-
ment qui peuvent varier en fonction des troubles
cognitifs (démences, maladie d’Alzheimer).
>La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale
et médico-sociale vise à rendre l’usager acteur de
son projet de vie en favorisant le respect de ses droits,
en référence «aux droits de la personnalité» du code
civil. Rappelons qu’en application de ce dernier, la
seule constatation de l’atteinte à la vie privée ou à
l’intimité ouvre droit à réparation.
Dans la mesure où une partie des personnes âgées
sont confrontées à une diminution importante de
leurs capacités sexuelles, du fait du vieillissement lui-
même, de la solitude conjugale, ou de la diminution
des capacités mentales, la présence d’une activité
sexuelle peut souvent être considérée et vécue par
les personnels et l’entourages familial comme inap-
propriée, et ce, d’autant plus qu’une personne n’a
pas la possibilité de donner un réel consentement à
participer à une activité sexuelle.
> À cet effet, la charte des droits et libertés de la
p ersonne âgée dépendante (1) stipule bien, dans son
article4 «qu’une personne âgée doit être protégée
des actions visant à la séparer d’un tiers avec qui de
façon mutuellement consentie, elle entretient ou a
souhaité avoir une relation intime…».
À l’infirmière de poser les limites lors de manifesta-
tions sexuelles déplacées du patient masturbation
en public, exhibition, propos déplacés, attouchements
et agressions sexuels – envers des personnes non
consentantes (soignées ou soignantes). La compas-
sion n’est pas de mise pour les personnes conscientes
en capacité de choisir et d’obtenir un consentement
d’un ou d’une partenaire. En revanche, un accompa-
1- Charte des droits
et libertés de la
personne âgée
dépendante, 2007
(bit.ly/2kmsOSj).
2- Projet coordonné
par AGE-plateform
Europe et EDE,
20juin 2010
(bit.ly/2lqwjYO).
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N° 380 *mars 2017 *L’INFIRMIÈRE MAGAZINE 53
festation sexuelle d’une personne âgée comme
déplacée. On parle alors de «vieille dame indigne»
ou de «vieux dégueulasse». Toute expression sexuelle
et amoureuse apparaît ainsi comme une forme de
déviance, une perversion. Et de nombreuses infir-
mières se disent choquées, voire même dégoutées
par ces expressions.
>Il faut distinguer les difficultés liées au vieillissement
lui-même qui entraîne généralement une diminution
de la libido et de l’intérêt pour la sexualité, de celles
liées à la prégnance des images sociales qui donnent
une valeur érotique majeure aux corps juvéniles et
dévalorisent les corps vieillissants.
Il convient également de faire le distinguo avec les
personnes âgées encore actives et insérées dans la
société, entourées de leur conjoint et de leur famille,
engagées dans des associations, et qui fréquentent
des clubs de loisirs chez lesquelles la continuation
d’une vie affective et sexuelle est de plus en plus
considérée comme normale, voire même dorénavant
encouragée.
> Notons aussi que parfois le placement dans un
é tablissement de séjour (maison de retraite) permet
à certaines personnes de sortir de leur isolement
et de retrouver une vie sociale et relationnelle dont
elles ont la capacité. Les problèmes se posent diffé-
remment avec l’avancée en âge qui confine ces
p ersonnes à l’isolement et dans la dépendance
des personnes aidantes – entourages familiaux ou
des personnels plus ou moins qualifiés.
Intervenir au cas par cas
Dans tous ces cas, il est important de rappeler qu’il
n’existe pas de recette générale, ni d’outil validé
permettant de répondre à l’ensemble des situations
rencontrées. Appliquer des recettes impersonnelles
peut aussi s’apparenter à de la maltraitance et
il convient de ne pas confondre le maintien de
l’ordre –"ordre moral ou ordre sanitaire (en établis-
sement ou à domicile) – avec le service rendu à la
personne tout en n’accédant pas nécessairement à
ses demandes. Il importe ainsi de considérer que la
personne âgée doit être écoutée et aidée pour elle-
même dans son intérêt au-delà des intérêts de son
entourage lorsque ceux-ci apparaissent contradic-
toires. Enfin, il importe de sortir du fantasme selon
lequel les p ersonnes âgées sont nos parents ou nos
enfants. Le respect de la personne passe par la
reconnaissance de son statut de personne et ce
jusqu’à la mort.
Aussi, en institution, les initiatives – comme l’amé-
nagement d’un espace réservé aux rencontres –
pour donner une place à la sexualité et plus large-
ment à la vie intime ne doivent pas rester isolées.
Cela peut passer par l’élaboration d’un projet de vie
sexuelle que les soignants et les aînés pourront
construire ensemble, en concordance avec les orien-
tations définies par l’établissement en la matière.
Ce projet sera élaboré en tenant compte des par-
ticularités de l’individu, de ses possibilités, de ses
aspirations, en essayant de concilier libertés, limites
et contraintes de la vie en Ehpad. Un outil sur lequel
s’appuient les soignants, qui est aussi un bon moyen
d’inscrire les actions dans la durée.*ALAIN GIAMI
SANTÉ SEXUELLE
SITUATION CLINIQUE
Soignant harcelé
ou pulsions mal es ?
Vous êtes mal à l’aise, car comme tous les jours, vous surprenez
Mme L. qui ne cesse de regarder avec insistance les fesses des
soignantes et de tenir des propos salaces lors de leur passage.
Vous assimilez cet état de fait à du harcèlement, d’autant plus
qu’elle n’a de cesse de vous dire qu’elle aimerait vous voir toute
nue dans son lit : «Aller viens, je fais une petite place pour la
sieste », dit-elle. D’un autre coté vous pensez que ce n’est pas si
grave car Mme L. est un peu désorientée et n’a pas conscience de
ses propos la plupart du temps. Vous l’avez cette fois-ci recadrée
fermement et vous avez enchaîné vos soins en plaisantant comme
à votre habitude. Vous appréhendez votre prochaine visite
danscette chambre, car vous savez que cela va recommencer.
Que faire ?
Ce qui a été fait
sera à refaire, c’est-
à-dire recadrer et
poser les limites.
Mme L. n’étant
pas en pleine
conscience, les faits
de harcèlement
sont difficiles à
retenir. Elle est
plutôt en perte
de repère. Il s’agira
dans ce cas d’être
au fait de sa
pathologie et des
comportements
induits pour mieux
intervenir. Toute
infirmière peut se
lasser de ce type
de situation, mais
c’est aux soignants
de mettre
à plat cette
problématique et
de déterminer
ensemble l’attitude
que tous
adopteront avec
cette patiente
pour la recadrer
de façon assertive
et bienveillante, leur
cohérence faisant
repère pour celle-ci.
Plaisanter sur cet
état de fait signe
une mise à distance
et une mise
en défense
du soignant,
ce qui peut se
comprendre, mais
cette attitude ne
règlera rien. Dire est
nécessaire, nommer
les actes perçus
comme irrecevables
et poser les limites
de l’acceptable
est indispensable
pour soigner l’autre
en toute liberté
etresponsabilité.
(cf.code de
déontologie-2016)
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FORMATION
54 L’INFIRMIÈRE MAGAZINE *N° 380 *mars 2017
QUIZ SAVOIR +
1. À quels niveaux
d’intervention en santé
sexuelle les infirmières
peuvent-elles agir ?
!A. L’information, le conseil,
l’éducation et la thérapie
!B. L’information, le conseil,
l’éducation
!C. L’information
2. Les trois grandes
catégories diagnostiques
des troubles de la sexualité
selon les classifications
internationales des maladies
(DSM et CIM) sont :
!A. Les dysfonctions
sexuelles, les perversions
sexuelles et les dysphories
de genre
!B. Les dysfonctions
sexuelles, les paraphilies
et les dysphories de genre
!C. Les troubles de
l’excitation, les paraphilies
et les dysphories de genre
3. Deux ans après
l’annonce du cancer,
combien de patients
rapportent des séquelles
sur leur vie sexuelle ?
!A. Un tiers
!B. Deux tiers
!C. La moitié
4. Un homme sur deux
souffrant de diabète
présente un trouble
del’érection :
!A. Vrai
!B. Faux
5. Quel médicament est
actuellement le seul à avoir
un effet thérapeutique sur
l’éjaculation prématurée ?
!A. La Flibansérine
!B. La Dapoxétine
!C. Le Sildénafil
6. Quel support
professionnel peut être
utilisé quand vous avez été
confronté à une situation
problématique impliquant
la sexualité ?
!A. Le modèle de support
Plissit
!B. Le modèle de support
de l’OMS
!C. Le modèle de support
de Johns
7. Dans l’éventail des
problèmes sexuels, quels
sont les quatre types
quevous devez savoir
identifier :
!A. La préoccupation,
la difficulté, la dysfonction,
la pathologie
!B. Le trouble, la difficulté,
la dysfonction, la pathologie
!C. La préoccupation,
leproblème, la dysfonction,
la pathologie
8. Vous entrez dans la
chambre d’un patient
après avoir rapidement
frappé à la porte et vous
le surprenez en train
de se masturber, que
devez-vous faire ?
!A. Si le patient était au
courant qu’un soin était
prévu à cette heure, vous
devez en parler avec l’équipe
afin de pouvoir recadrer
le patient sereinement
!B. Si aucun soin n’était prévu
à cette heure, vous devez
repartir et vous excuser
de l’intrusion. Le patient est
dans son droit au regard
du respect de son intimité
(loi 2002-2).
!C. Même si aucun soin n’était
prévu à cette heure, vous
devez en parler avec l’équipe
afin de pouvoir recadrer
le patient sereinement.
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quiz en ligne en flashant le code :
Découvrez les réponses en p. 67
Textes officiels
>Exercice infirmier :
décret n° 2004-802
du 29juillet 2004
relatif aux parties IV
et V (dispositions
réglementaires) du code
de la santé publique.
>Décret n° 2016-1605
du 25 novembre 2016
portant code
dedéontologie
desinfirmiers.
>Loi n° 2002-2 du
2janvier 2002 rénovant
l’action sociale et
médico-sociale.
>Charte des droits et
libertés de la personne
âgée en situation
dedépendance et
dehandicap, 2007
(bit.ly/2kkLiSp).
>Loi n° 2007-308 du
5mars 2007, art. L. 311-3
du code de l’action
sociale et des familles.
>Décret n° 2007-975
du 15 mars 2007 relatif
au cahier des charges des
établissements sociaux
et médico-sociaux.
>Déclaration des droits
sexuels - Association
Mondiale pour la santé
sexuelle (2014)
(bit.ly/2kJK7iF).
Articles
>Dolbeault S.,
BrédartA., « La sexualité
intégrée dans la
dynamique des soins de
support en oncologie »,
La revue de l’infirmière,
2016, vol. 65, n° 222,
pp. 24-26.
>Giami A., Ory L.,
« Constructions sociales
et professionnelles
de lasexualité dans le
contexte de la maladie
d’Alzheimer»,
Gérontologie et société,
2012/1 (n° 140).
>Giami A., « Sexualité,
santé et droits de
l’homme ». Sexologies,
vol. 24, issue3, juillet-
septembre 2015,
pp. 105–113.
Outils
>Modèle Johns :
Christopher Johns,
Becoming a Reflective
Practitioner, 4e éd., 2013,
Wiley-Blackwell.
>Afsos, « Référentiel
soignant : cancer, vie
etsanté sexuelle»,
coordonné par Daniel
Habold, Fadila Farsi
etPierre Bondil
(bit.ly/2lKjqbk).
Ouvrages
>Nathalie Bajos, et
Michel Bozon, Enquête
sur la sexualité en
France: pratiques,
genreet santé, Éd.
LaDécouverte, 2008.
>Lynda Juall Carpénito-
Moyet, Manuel des
diagnostics infirmiers,
Elsevier Masson,
13eéd.,2012.
>Frédérique Courtois,
Mireille Bonierbale,
Médecine sexuelle.
Fondements et pratiques,
Lavoisier, 2016.
>Alain Giami, Émilie
Moreau, Pierre Moulin,
Infirmières
et sexualité :
entre soins
et relation.
Presses de
l’EHESP,
2015.
>Marick Fevre,Nicolas
Riguidel, Amours de
vieillesse, Presses de
l’EHESP, 2014.
>Gustave-Nicolas
Fischer et Cyril Tarquinio
Psychologie de la santé :
applications et
interventions (chapitre
sur le conseil en santé
sexuelle par Alain Giami,
Émilie Moreau et
Gwenael Domenech-
Dorca, pp. 83-108),
Dunod, 2014.
>Patrice Lopès, François-
Xavier Poudat, Manuel
de sexologie, Elsevier-
Masson, 2eéd, 2013.
>Joëlle Mignot, Thierry
Troussier, Santé sexuelle
et droits humains. Un
enjeu pour l’humanité,
De Boeck-Solal, 2015.
>Pascale Molinier,
Le travail du care,
La Dispute, 2013.
>Alexandre
Manoukian, La
sexualité des
personnes
âgées,
Éd. Lamarre,
2011.
Sites Internet
>Aides : www.aides.org
>Association
interdisciplinaire
post-universitaire de
sexologie: www.aius.fr
>Centres régionaux
d’information et de
prévention du sida :
www. lecrips.net
>www.planning-
familial.org
> SOS Femmes accueil :
www.sosfemmes.com
SUR LE WEB
SOURCES UTILES
Tout savoir sur la sexualité
Santé sexuelle au masculin, au féminin, sexuali
des aînés, du couple, sexualité et maladie... Le site
de la Fédération française de
sexologie et santé sexuelle est
une base documentaire riche,
avec des articles destinés au
grand public que tout soignant
peut consulter utilement afin
de pouvoir conseiller.
www.ff3s.fr
Certaines questions peuvent être à choix multiple
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