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Saint Pierre Canisius de KIMWENZA
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Année Académique 2015/2016
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CONFÉRENCE
La raison dans l'histoire selon Hegel Friedrich : Une herméneutique de la nature de "l’histoire
originale" dans les types d’historiographie hégélienne.
AUTEUR
SERGE NGUIFFO KAYIM, B.A.
Etudiant au Master en Philosophie, Université Loyola du Congo
PLAN
INTRODUCTION
EXPLICATION ANALYTIQUE : L’HISTOIRE ORIGINALE EN QUESTION.
CONCLUSION
EXCURSUS
INTRODUCTION
La raison dans l’histoire (1837) est une œuvre philosophique majeure de la première
moitié du XIXème siècle. Une œuvre qui reflète judicieusement l’époque qui l’a vu naître.
Cette époque est une période essentiellement dominée par l’idéalisme allemand, un courant
philosophique germanique qui subordonne toute la réalité à la pensée et aux idéaux. Ce
courant de pensée allemand qui tire implicitement ses origines du platonisme et du
cartésianisme fut inauguré par Emmanuel Kan, réapproprié et réinterprété par Ficht, Schelling
et Hegel. C’est avec Hegel que l’idéalisme allemand atteignit son paroxysme. Pour Hegel,
3
l’histoire de l’humanité dans son évolution est la manifestation de la Raison (Idée, Pensée).
Une manifestation qui procède par contradiction surmontée, c’est-à-dire suivant la fameuse
dialectique thèse-antithèse-synthèse. Cette dialectique, pour Hegel, est constitutive de
l’identité de l’Idée et de son avènement (l’Esprit universel, l’Absolu) à travers l’histoire. Un
acheminement qui trouve simultanément son accomplissement dans la Religion (haut lieu de
réalisation de l’Absolu), l’Etat (le rationnel en soi et pour soi), et surtout la Philosophie
(forme supérieure de l’Esprit Absolu). Hegel fut donc le propulseur le plus dévoué de
l’idéalisme de telle sorte que toute l’Allemagne intellectuelle ou universitaire ne jurait qu’au
nom du règne absolu de l’Idée, de la primauté de l’Esprit sur la matière et de Dieu sur
l’homme.
Cette philosophie idéaliste absolue de Hegel a été mise dans deux ouvrages
fondamentaux que sont La phénoménologie de l’Esprit (1807) et La raison dans l’histoire
(1837). Rappelons que ce dernier ouvrage, auquel est consacrée l’actuelle réflexion, est une
œuvre posthume de notre Auteur. Il s’agit d’une œuvre confectionnée à travers le recueil des
cours de Hegel et des notes de cours de ses élèves. Dans cet ouvrage, au niveau de la grande
introduction, Hegel se livre à une étude approfondie de ce qu’il appelle les « types
d’historiographie ». C’est-à-dire à une exploration des différentes manières possibles, d’après
lui, d’écrire une histoire. Par-là, il en distingue trois types d’histoire : l’histoire originale,
l’histoire réfléchie et l’histoire philosophique. Dans le cadre de la présente cogitation, nous
nous consacrerons à l’exploration du premier type d’histoire qu’est l’histoire originale.
Qu’entend Hegel par histoire originale ? Autrement dit, qu’elles spécificités font-elles
l’originalité de l’histoire originale hégélienne ? C’est à la lumière de cette problématique
questionnelle de l’essence de l’histoire originale, telle que exprimée par Hegel lui-même, que
nous nous hâterons fidèlement à l’actuel exercice herméneutique d’un secteur important de La
raison dans l’histoire.
EXPLICATION ANALYTIQUE : L’HISTOIRE ORIGINALE EN QUESTION.
D’après Hegel, le premier type d’histoire est l’ « histoire originale ». Au tout début de
la fraction textuelle consacrée à ce premier type d’histoire qu’est l’ « histoire originale »,
Hegel la définit comme une description des actions, des événements et des situations vécus.
Pour ne pas rester dans l’abstraction, et donc pour bien expliciter concrètement ce qu’il entend
par histoire originale, notre auteur procède par une présentation de certaines figures qu’il
4
considère comme « icones » de ce premier type d’histoire. Ces figures emblématiques,
prototypes des historiens originaux, sont entre autres Hérodot et Thucydid. Selon Hegel, ces
deux icones issues de la tradition hellénistique sont les prototypes des historiens originaux,
pour la simple raison qu’ils sont les deux à avoir mieux écrire des histoires originales. D’après
Hegel, « il s’agit d’historiens qui ont surtout décrit les actions, les événements et les situations
qu’ils ont vécus, qui ont été personnellement attentifs à leur esprit »
1
. Aussi, relate toujours
Hegel, le mérite de ces deux auteurs est d’avoir « fait passer dans le royaume de la
représentation spirituelle ce qui était événement extérieur et fait brut, et qui ont transformé ce
qui a simplement été en quelque chose de spirituel, en une représentation du sens interne et
externe »
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. Autrement dit, au regard de ces témoignages qui émanent de Hegel lui-même,
l’histoire originale consiste, en peu de mots, à décrire fidèlement des faits vécus. Il s’agit
d’une sorte de témoignage fidèle des situations dont on a été soi-même une partie prenante ou
un observateur éminent. C’est donc une représentation intellectuelle, et ensuite mise en écrit,
des événements empiriques faisant dorénavant partie du passé. Bref, c’est la mise en exergue
de la mémoire, la construction imagée d’un présent dépassé ou l’ « éternisation » d’un passé
rencontré. Voilà pourquoi Hegel précise que l’historien de l’histoire originale « compose en
un tout ce qui appartient au passé, ce qui s’est éparpillé dans le souvenir subjectif et
contingent et ne se maintient que dans la fluidité de la mémoire »
3
. Sur ce, toutes les histoires
ne sauraient être des histoires originales. Tous les récits ne sont guère des histoires de type
original. C’est ce qui justifie le fait que Hegel exclu de l’histoire originale « les mythes, les
traditions, les chants populaires et les poèmes en général, car ce sont des modes confus [de
commémoration] propres aux peuples dont la conscience demeure confuse »
4
.
Explorant davantage la nature de l’histoire originale et la spécificité qui est la sienne
vis-à-vis des autres manières d’écrire l’histoire, Hegel précise que toutes les histoires
originales « transforment les événements, les actes et les situations de l’actualité en une œuvre
de représentation destinée à la représentation. Il s’agit d’une mise en forme cohérente des faits
déroulés. D’où logiquement, « il en résulte que le contenu de ces histoires est nécessairement
limité : leur matière essentielle est ce qui est vivant dans la propre expérience de l’historien et
dans les intérêts actuels des hommes, ce qui est vivant et actuel dans leur milieu »
5
. Ainsi,
l’historien original n’invente rien. Ce n’est pas un inventeur ou un fabricateur des faits. Il
1
Hegel, La raison dans l’histoire, trad. Kostas Papaioannou, Plon, Paris, 1965, P 24.
2
Idem.
3
Idem.
4
Idem, Pp 24-25.
5
Idem.
5
n’est qu’un « relateur » d’expériences empiriques. Il ne fait que relater ou décrire ce qu’il a
vécu ou vu. Cela fait penser à l’activité de reportage fidèle où celui qui rapporte ne dit
absolument que ce qui a été. Sa fidélité aux faits est telle que, s’il fallait remonter le cours du
temps, la vérification de ces faits serait inéluctable.
L’autre caractéristique de l’histoire originale, toujours d’après Hegel, est « l’unité
d’esprit, la communauté de culture qui existe entre l’écrivain et les actions qu’il raconte, les
événements dont il fait son œuvre »
6
. On comprend bien que la relation entre l’historien
original et les faits qu’il raconte ne doit pas être une relation fictive ou nuageuse (lunatique),
mais plutôt une relation réelle et sincère. Une relation de présence où l’un a été avec l’autre, et
vice versa. On pourrait même, sans exagération, parler d’une relation de coappartenance où
l’avènement de l’événement, qui deviendra après « une histoire », n’aurait pas été ce qu’elle a
été sans la présence de celui qui plus tard en sera le témoin et le narrateur.
CONCLUSION
Au terme de cette réflexion sur l’essence de l’histoire originale d’après Hegel, il en
ressort que cette manière d’écrire l’histoire consiste essentiellement à relater des faits qui ont
eu lieu en un moment précis. Sa spécificité est donc la fidélité à la « relatation » (acte de
relater) des événements spatio-temporels. Une spécificité qui deviendra que la première phase
de l’histoire réfléchissante, seconde manière d’écrire l’histoire. Cette deuxième manière
d’écrire l’histoire, aux dires de Hegel, est « réfléchissante ». Hegel parle d’ailleurs
d’ « histoire réfléchie », c’est-à-dire « d’une forme d’histoire qui transcende l’actualité dans
laquelle vit l’historien, et qui traite le passé le plus reculé comme actuel en esprit »
7
. Quant à
la troisième manière d’écrire l’histoire, la complexité y est plus accentuée. Cette catégorie est
dite « philosophique ». D’après Hegel, « l’histoire philosophique se rattache directement à
cette dernière espèce d’historiographie réfléchie. Son point de vue est également général »
8
.
La précision en vaut la peine. Pour ne pas se noyer dans la confusion, remarquons que « le
point de vue général de l’histoire philosophique n’est pas abstraitement général, mais concret
6
Idem.
7
Idem, P 29.
8
Idem, P 39.
6
et éminemment actuel parce qu’il est l’Esprit qui demeure éternellement auprès de lui-même
et ignore le passé »
9
.
EXCURSUS
En somme, il faut reconnaître au nom de l’obligation de vérité que, La raison dans
l’histoire avec son exposé de l’histoire philosophique où la Raison gouverne le monde, et où
l’histoire de l’humanité n’est que la manifestation de l’Idée, est un chef d’œuvre de la culture
philosophique. L’idéalisme absolu de Hegel avait donc fait couler beaucoup d’encre et de
salives au cours de ce XIXème siècle qui fut la sienne. A la mort du philosophe d’Iéna
(Hegel) en 1831, l’imposition de son système idéaliste ne perdura cependant pas. Bien que
«élevé même en quelque sorte au rang de philosophie officielle de la royauté prussienne »
10
,
l’idéalisme hégélien commença à péricliter avec le réveil intellectuel de ceux qui autrefois
étaient ses étudiants. Cet éveil intellectuel en question portait sur le « requestionnement » de
la nature et de la valeur véritables de l’Etat, de Dieu, de la religion en général et du
christianisme en particulier. Dans ce climat de « requestionnement » général, les prises de
positions qui naquirent furent divergentes, et donc ne tardèrent pas à générer la scission dans
les rangs de la postérité hégélienne. D’une part s’affirmèrent des conservateurs (vieux
hégéliens)
11
: les fidèles à la pensée du maitre. Et d’autre part, émergèrent des progressistes
(jeunes hégéliens)
12
: les farouches critiques de l’hégélianisme en particulier, et de l’idéalisme
allemand en général.
9
Idem.
10
Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, §2.
11
Les vieux hégéliens, connus pour leur esprit-conservateur et anti-réformiste de l’hégélianisme, étaient
constitués des collègues universitaires de Hegel et de quelques-uns de ses tout premiers étudiants. Les plus
connus sont Karl Rosenkranz (1805-1879, philosophe et théologien, il fut le biographe et disciple fidèle de
Hegel) et Heinrich Gustav Hotho (1802-1873, historien et éditeur de certains écrits de Hegel).
12
Les jeunes hégéliens, plus nombreux que les anciens, étaient caractérisés par leur esprit-progressiste et
réformiste. Les plus engagés furent David Strauss (1808-1874), Ludwig Feuerbach (1804-1872), Bruno Bauer
(1809-1882), Max Stirner (1806-1856), Arnold Ruge (1802-1880) et Karl Marx (1818-1883).