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Le jeu au ruisseau avec les painkillers : une acculturation au kayak ludique
Willy HUGEDET, Antoine MARSAC
Résumé :
La pratique qui consiste à miniaturiser le canoë-kayak en eau vive représente une
habitude des pagayeurs répandue mais confidentielle. Au sein de cet univers de sens (Becker,
2010), les painkillers désignent une forme élaborée d’objets qui sont fabriqués à la main et
lâchés dans de petits courants (parties de rivières ou ruisseaux). Souhaitant ici étudier la
fabrication artisanale et l’usage d’embarcations miniatures, cette enquête abandonne une
définition marchande du jouet et se focalise sur le patrimoine culturel associé. À partir d’une
approche articulant l’anthropologie et l’histoire du temps présent, la culture ludo-sportive et la
culture matérielle (Warnier, 1999), il s’agit d’analyser leur contexte d’émergence et les usages
associés : de leur confection à leur mise en image, en passant par le jeu au ruisseau.
Nous autorisant une étude in situ, les crues majeures de l’hiver 2017-2018 ont engendré
un fonctionnement régulier de la vague de la Malate à Besançon. Sa fréquentation
internationale a fait venir des dizaines de pratiquants de tous horizons. Ces épisodes ont
permis de pratiquer le kayak ludique avec les acteurs interrogés. Les séquences d’observation
ont été renforcées par cinq entretiens semi-directifs réalisés avec des adeptes et fabricants.
Souhaitant interpréter la transmission d’un patrimoine ludique, il convenait d’interroger
l’activité sportive quotidienne tout autant que le jeu avec les embarcations miniatures. Cette
enquête de terrain a été associée à l’analyse sémantique d’un corpus de sources hétéroclites :
articles de presse d’un magazine spécialisé en France (Canoë-Kayak Magazine) ; vidéos
amateures consultées sur internet ; discussions et sources relayées par un forum spécialisé
(Eauxvives.org). Par ailleurs, des archives privées nous ont été transmises par les acteurs
sollicités. Ces matériaux ont fait l’objet d’analyses systématiques en lien avec l’initiation au
kayak ludique et la création des painkillers. La grille comprenait alors quatre grandes
dimensions : instruction motrice (bricolage, manipulation), sensibilisation à l’environnement
(repérage du milieu de pratique), appropriation de codes esthétique et ludique (langage
commun, figures codifiées) et valorisation du jeu par mise en image.
Notre enquête montre que ces différentes activités sont autant d’étapes participant d’une
acculturation des joueurs. L’embarcation miniature se situe au carrefour entre une dimension
ludique et une dimension éducative de l’activité. La phase de fabrication des miniatures est
pensée comme une étape à part entière du jeu. Elle autorise une initiation à la culture
matérielle qui s’avère indispensable à la navigation en contexte réel. Aussi, l’usage collectif
des embarcations miniatures révèle la transmission de connaissances et de savoir-faire qui
concernent l’activité institutionnalisée. Le jeu au ruisseau permet à la fois de sensibiliser les
pratiquants aux figures codifiées existantes et au nécessaire déploiement d’un imaginaire
créatif. Par l’intermédiaire d’une rhétorique du fun, le jouet donne enfin à voir une
« dimension valorisante du monde » (Brougère, 2017). Ces objets miniatures permettent une
initiation au kayak ludique en ce qu’ils suggèrent, voire renforcent, une adhésion aux discours
hédonistes.
Mots-clés : Culture matérielle, Jeu, Fabrication, Canoë-Kayak, Pleine nature.
Notices biographiques :
Willy HUGEDET est doctorant contractuel au laboratoire C3S « Culture, Sport, Santé,
Société » (EA 4660) de l’université de Bourgogne Franche-Comté, à l’UPFR des sports de
Besançon. Ses travaux de recherche portent sur l’histoire de l’éducation physique (innovation,
Éducation nouvelle, place de la nature), les représentations du corps (imaginaires naturels,
jeunesse en colonies de vacances) et la culture matérielle (jeux sportifs, cultures corporelles,
jeux traditionnels). Il prépare actuellement une thèse intitulée « Pierre Parlebas et les
conduites motrices : son parcours, son œuvre, son héritage ».
Antoine MARSAC est maître de conférences au laboratoire ACP « Analyse comparée des
pouvoirs » (EA 3350) de l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée, à l’UFR STAPS de Paris-
Est Marne-la-Vallée. Ses travaux portent sur les liens entre sports, tourisme et territoires à
travers une approche sociologique et anthropologique. Il mène actuellement des recherches
sur la sociologie de l’espace et s’intéresse particulièrement au sport dans les villes nouvelles
et à la conversion touristique des sites olympiques.