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POLICY
PAPER
FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D'EUROPE N°559 / 15 MAI 2020
POLICY PAPER
Question d'Europe
n°559
15 mai 2020
La convergence « médias et
télécoms » à l’épreuve de la
COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique
et internationale
Gérard POGOREL
Augusto PRETA
La pandémie de la COVID-19 affecte tragiquement nos sociétés dans le monde entie r. Ces
circonstances extraordinaires nous ont contraints à passer plus de temps à domicile, limitant
sévèrement nos mouvements et déplacements. Les réseaux de télécommunications, les services
de communication et les médias jouent un rôle majeur dans la résilience économique et sociale.
Ils fournissent les outils nécessaires à la transformation virtuelle du travail. Ils rendent possible le
divertissement à la maison, alors que les théâtres, les cinémas et les sports nous sont interdits.
Plus que jamais, la nature transformatrice de l'innovation numérique dans les industries
des médias et des télécommunications joue sur notre façon de vivre et de travailler.
L’IMPACT DE LA COVID-19 SUR L'INDUSTRIE
AUDIOVISUELLE
Les services de streaming répondent à la demande
accrue des populations confinées à domicile. Alors
que les chaînes de télévision améliorent leurs offres,
combinant programmation linéaire et streaming, les
services de streaming spécialisés se sont enrichis et
multipliés. Ils proposent des séries télévisées, des
documentaires et des longs métrages dans un large
éventail de genres. Pionnier sur la scène médiatique,
Netflix compte 182 millions d'abonnés payants dans
plus de 190 pays en 2020, avec une programmation
dans des langues toujours plus nombreuses. Amazon
Prime, YouTube, Apple, Disney+ et les nombreux
services de streaming proposés par les diffuseurs en
Europe - RAI, BBC, ARTE, France Télévisions, pour n'en
nommer que quelques-uns - sont devenus la principale
composante du haut débit en ligne. L’augmentation
massive de l’accès en ligne aux contenus justifie les
investissements des opérateurs dans les réseaux et
incite le secteur des télécommunications à investir
dans les réseaux de prochaine génération (4G, 5G,
fibre optique).
Dans la crise, le modèle de plateforme de streaming
modifie la structure de l'industrie audiovisuelle (cinéma
et télévision). D’une part, les plateformes contournent,
du fait des circonstances et sans doute dans le temps
à venir, le modèle de chronologie des médias que
l'industrie cinématographique oligopolistique imposait.
De plus en plus de films qui ne peuvent pas être
présentés en salle sont diffusés directement en ligne.
D'autre part, comme la télévision linéaire ne peut plus
compter sur les émissions de télévision en direct, les
sports et autres événements, le haut débit empiète sur
la diffusion pour fournir un contenu premium.
Pour faire face à l'évolution du paysage et à
l’essor de la diffusion large bande, les accords
de distribution verticale classiques entre les
diffuseurs et les opérateurs de réseaux, fournissant
principalement la télévision linéaire ou payante,
semblent désormais inadéquats. De nouvelles
formes de consolidation prévalent, avec des formes
d’intégration verticale et horizontale à l’échelle
mondiale. Les méga-fusions et acquisitions donnent
naissance à de grands conglomérats transfrontaliers
ayant des intérêts dans les télécommunications, le
câble, la télédiffusion, la vidéo à la demande, ainsi
que dans la production et la fourniture de contenus.
Ils rivalisent directement avec les leaders du
streaming Netflix et Amazon, ainsi qu'avec Apple et
Google, riches en moyens financiers.
FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D'EUROPE N°559 / 15 MAI 2020
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Ne possédant pas une vaste bibliothèque préexistante
de contenus de programmation premium, ils deviennent
des studios à part entière, engagent un vaste effort de
production de contenu et attirent de grands producteurs
et de nouveaux talents. Symétriquement, la tendance
actuelle des grands studios hollywoodiens est de créer
leurs propres plateformes de diffusion directe aux
consommateurs plutôt que de conclure des accords
de licence avec Netflix et Amazon, comme ils l'ont
fait jusqu'à présent avec les diffuseurs. Il restera à
déterminer quel type de fournisseur « convergent »
servira le mieux le public une fois l'économie rétablie.
Temporairement, la production est au point mort et les
services médias proposent ce qu'ils ont déjà produit,
mais l'avenir de l'industrie dépendra du succès relatif
des grandes initiatives qui ont eu lieu dans les mois qui
ont précédé la crise.
LE MONDE AVANT COVID-19 : STRATÉGIES
DE CONVERGENCE ET INITIATIVES
TRANSATLANTIQUES
Trois consolidations majeures ont eu lieu avant la
crise: AT&T-Time Warner, 21st Century Fox-Disney et
Comcast-Sky.
L'acquisition de Time Warner par la compagnie de
télécommunications américaine AT&T, pour un montant
de 85 milliards $, a ouvert une nouvelle ère dans la
structure du marché de l'accès et de la distribution
de contenu. AT&T est un opérateur de réseau fixe et
cellulaire et un distributeur vidéo (U-Verse et DirectTV).
Time Warner est une société de médias, de production
de diffusion et de télévision (CNN, TNT et HBO). L’un
et l’autre ont une longue histoire d’insertion dans l'ère
d'Internet. À un moment où le déclin de la télévision
linéaire n’était pas encore engagé, cette fusion est
l’expression d’une stratégie préventive de convergence
dans l'industrie de l'information et du divertissement.
AT&T, et sa branche désormais combinée Warner Media
Entertainment, sont en mesure de tirer parti de leurs
solides actifs médiatiques, HBO, Turner et Warner
Bros. AT&T veut faire de ses services de streaming un
concurrent à la hauteur de Netflix, Amazon, Disney et
Apple et fournir des canaux de distribution pour son
portefeuille centenaire de films. Les opérateurs de
télécommunications comme AT&T souffrent de la crise
actuelle, mais ils font partie des industries les moins
touchées, car les clients résidentiels et les entreprises
ont fortement recours à leurs outils de communication,
à la vidéoconférence et au streaming vidéo.
Enjeux de la fusion AT&T / Time Warner
Source: Companies infographic, 2018
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
En 2019, Disney détenait une énorme part de marché
(33%) des entrées de cinéma en Amérique du Nord.
Il avait réalisé une consolidation massive avec Pixar,
Marvel, Lucasfilm (Star Wars) et National Geographic.
Son acquisition de Fox a été concrétisée en mars 2019.
L'accord Fox-Disney crée un géant studio de cinéma et
de télévision, cimentant la position de Disney en tant
que première société de divertissement au monde.
Les activités combinées de Disney ABC Studios et de
20th Century Fox Television alimentent en contenus
son service de streaming vidéo Disney +. Lancé sur le
marché américain en novembre 2019, il a atteint 10
millions d'abonnés au cours des deux premiers jours
d'exploitation ! Lancé dans une expansion mondiale au
Canada, à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande, il est
aussi arrivé en 2020 en Europe (Pays-Bas, Royaume-
Uni, Allemagne, France, Italie, Espagne et Irlande).
Il totalise 55 millions d'abonnés au printemps 2020.
Disney a beaucoup souffert en 2020 de la fermeture
des cinémas aux États-Unis et dans le monde. Son
solide catalogue de créations devrait lui permettre de
se redresser, mais son expansion est retardée par les
accords de licence existants dans de nombreux pays.
Disney atteint tous les publics des médias
Source : Wired.com, 2019
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Comcast et Fox se sont affrontés dans une intense
bataille transatlantique lors d'enchères pour Sky,
basée au Royaume-Uni. Comcast a finalement conclu
en octobre 2018 un accord pour acheter Sky pour une
valeur totale de 40 milliards $. Comcast est plus prudent
que Disney quant au choix de retirer ses contenus de
Netflix et d'Amazon. Sa division de divertissement, y
compris NBC Universal et HBO, continuera de concéder
sous licence certaines émissions aux principaux services
SVOD. Cela a un impact particulier en Europe, où la
nouvelle entité Sky domine le secteur de la télévision
payante au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne,
en Autriche et en Italie. Des accords spéciaux avec
Netflix ont déjà été signés pour inclure son offre dans
la proposition Sky Q. L'opérateur de réseau Comcast
bénéficie d’une relative résilience dans la tourmente
économique actuelle, comme c'est le cas pour AT&T-
Warner.
UNE NOUVELLE ÈRE GLOBALE POUR LA VOD?
L'année 2020 et la crise de la COVID-19 marqueront
un tournant dans la transformation du paysage
audiovisuel mondial. Aux côtés des chaînes de
télévision conventionnelles, gratuites ou payantes,
souvent propres à chaque pays, nous assistons à la
montée d'une pluralité de services internationaux
d'abonnement direct aux consommateurs, services
qui disposent d’abondants moyens financiers pour
la création, la production et la commercialisation. La
scène sera désormais de plus en plus mondiale, car
de puissants acteurs aux ambitions internationales
émergent sur tous les continents.
L’acquisition par Comcast du géant européen de télévision payante Sky
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
L'effet des mégafusions sur les dépenses de contenu
Source: Ovum
En Chine, où l'industrie du cinéma a été durement
touchée par la pandémie, le marché du divertissement
en ligne est en plein essor, y compris les plateformes
de télévision et de streaming, en raison du confinement
des publics. Selon un rapport de Maoyan Entertainment,
la sortie dans les salles en Chine de 44 films, au 15
mars 2020, avait été annulée ou reportée, y compris
celle de 16 films importés. Le marché est dominé
par trois grandes plateformes de streaming : iQiyi,
détenue majoritairement par Baidu ; Youku, propriété
d'Alibaba (Alibaba est le plus grand détaillant et société
de commerce électronique au monde, et l'une des
plus grandes sociétés d'investissement sur Internet) ;
et Tencent Video, détenue par le conglomérat
multinational chinois Tencent, dont les filiales sont
spécialisées dans divers services et produits liés à
Internet, le divertissement, l'intelligence artificielle
et la technologie. Netflix a augmenté sa production
chinoise, principalement via Taiwan, mais n'est pas
présent sur le continent. Tencent Video et iQiyi ont déjà
fait leurs premiers pas en dehors du marché chinois, en
Thaïlande et en Malaisie.
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Augmentation de la consommation de médias numériques
après l'épidémie de coronavirus en Chine 2020, par type de service
Source: Statista, 2020
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Dans la plupart des marchés d'Asie du Sud-Est, c’est
Netflix qui est leader, suivi de Viu avec son service
freemium. D'autres acteurs tels que HBO, iQiyi et
Tencent sont bien placés pour se développer à l'avenir
ainsi que de nouveaux entrants tels que Disney+. A ce
jour, les dépenses des consommateurs pour la vidéo en
ligne représentent près de 25% des dépenses pour les
services de télévision linéaire à péage. Les principaux
acteurs locaux du streaming devraient bénéficier de
l’augmentation des dépenses de vidéo en ligne au
détriment de la télévision payante. Au total, malgré
l'impact négatif de la COVID-19 et du ralentissement
économique chinois, l'Asie-Pacifique comptera, selon
Digital TV Research, 417 millions d'abonnements SVOD
d'ici 2025, contre 269 millions en 2019. La Chine
comptera 269 millions d'abonnements SVOD en 2025,
soit 65% du total de la région. L'Inde représentera 45
millions d’abonnés supplémentaires, soit plus du double
de son total de 2019. L'avenir dépendra désormais
de la capacité des plateformes SVOD à conserver les
clients nouvellement acquis au second semestre 2020
et à capitaliser sur une clientèle élargie.
Principales plateformes régionales de vidéos en ligne, Asie du Sud-Est
Source: AMPD Research, 2020
En Amérique latine, le Brésil et le Mexique disposent d'un
vaste bassin de talents et de puissants acteurs locaux.
Ils jouent un rôle important en tant que puissances
créatives, très présents sur la scène mondiale.
Considérant que des nations entières sont confinées
ou avec des mouvements limités, Strategy Analytics
estime désormais que les services SVOD compteront
949 millions d'utilisateurs payants d'ici la fin de 2020,
soit une augmentation de 47 millions par rapport
aux prévisions antérieures à la COVID-19. La Chine
et les États-Unis représentent actuellement 65% des
abonnés SVOD. En conséquence, la part de marché des
deux pays chutera à 55% en 2025. La Chine restera
le plus grand marché d'ici 2025, tandis que les États-
Unis occuperont la deuxième place avec 342 millions
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
d'abonnements, contre un total de 125 millions fin
2019.
Ces exemples illustrent que les stratégies médiatiques
offensives dans le monde peuvent fonctionner sous
deux conditions. La première est une industrie de
contenu créative ouverte, où les talents locaux
ont une carte à jouer et peuvent même prendre le
dessus sur l’offre internationale. La deuxième est de
garantir une relation étroite avec les opérateurs de
télécommunications, en tant que canaux de distribution
nécessaires, et potentiellement fournisseurs de
financements à la mesure des moyens considérables
des grands opérateurs internationaux. Ces conditions
étant remplies, la magie bidirectionnelle des réseaux
à coût marginal nul opère, offrant un contenu mondial
au marché local et ouvrant le marché mondial au
contenu local d'une manière inédite dans le cinéma et
la télévision linéaire.
L'EUROPE DANS LE FUTUR PAYSAGE
AUDIOVISUEL
Pour les opérateurs de télécommunications et les
diffuseurs en Europe, la grande question sera de
savoir comment affronter et tirer le meilleur parti des
développements mondiaux à venir. Les industries des
télécommunications et de la radiodiffusion en Europe
sont depuis longtemps séparées en silos, les entreprises
étant réticentes à intégrer différents ensembles de
compétences et d’actifs. Les opérateurs de réseaux
proposent désormais des services convergents
comprenant voix, données et contenus, ces derniers
étant le principal facteur de croissance.
En Allemagne, Deutsche Telekom a choisi une
stratégie prudente en tant qu'agrégateur de contenu
plutôt que producteur ou détenteur exclusif de
droits médias. L’opérateur a signé des accords,
notamment avec Netflix et Amazon Prime Video. Les
chaînes de télévision allemandes ayant réalisé des
investissements importants dans des programmes de
haute qualité, Deutsche Telekom se méfie peut-être
d’une entrée dans un domaine ne correspondant pas à
sa culture de gestion.
Au Royaume-Uni, British Telecom a poursuivi une
stratégie d'acquisition de contenus. Il a emporté la
Ligue des champions au détriment de Sky, dépensant
4,8 milliards £ pour les droits de la Premier League,
de la Ligue des champions et de la Ligue Europa.
L’entreprise dépense plus de 700 millions £ par an pour
le football national et international de haut niveau. La
concurrence s'est intensifiée, le géant du commerce
électronique Amazon remportant un forfait de diffusion
de trois ans pour la Premier League, tandis que Sky
aimerait utiliser la Ligue des champions pour renforcer
son service de streaming NOW TV. La co-entreprise
BritBox entre la BBC et ITV a été présentée comme un
service de streaming supplémentaire moins cher pour
les consommateurs qui sont déjà abonnés à Netflix, en
mettant l'accent sur la fourniture de milliers d'heures
d'archives et de coffrets classiques des fondateurs.
Ce qui a été lancé en 2017 en tant que plateforme
présentant le meilleur contenu britannique aux États-
Unis et au Canada est la nouvelle arme britannique
dans les guerres de streaming.
Les prix des contenus premium de qualité sont en
hausse, comme l'illustre la valeur croissante des
événements sportifs en direct et du football européen
en particulier. Des ajustements devront toutefois
être réalisés pour tenir compte de l’interruption des
compétitions en 2020.
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Revenus des droits sportifs, 2018 - 2025 (en milliards de $)
Source: Rethink Technology Research données traitées par ITMedia Consulting
Souscriptions de SVOD par les ménages au Royaume-Uni (Mln)
Source : BARB
En Italie, Mediaset a signé en 2018 un accord
commercial avec Telecom Italia (TIM). Depuis janvier
2019, les clients de TIMvision ont pu accéder aux
chaînes linéaires gratuites de Mediaset, ce qui a permis
à TIMvision d’étendre son offre et de la rendre plus
attrayante. TIM a des clients, elle a une plateforme,
l'objectif est donc de l'alimenter avec du contenu grand
public populaire, donnant en retour un meilleur moyen
de maximiser les revenus publicitaires de Mediaset sur
le marché en ligne mieux ciblé et profilé.
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
En France, la plateforme vidéo en ligne commune Salto,
dont le lancement est prévu en 2020, sera exploitée
par les trois plus grands diffuseurs français : France
Télévisions, M6 et TF1. Le diffuseur de service public
France Télévisions cessera de vendre des émissions à
Netflix afin de pouvoir conserver l'exclusivité sur sa
propre plateforme locale ainsi qu’une fiction française
et européenne forte. La France a été, de manière
constante, un fervent partisan des politiques de
diversité culturelle, offrant des allégements fiscaux
et des quotas pour encourager les acteurs locaux.
Cela a d’abord contribué à ce que Netflix connaisse
un démarrage plus lent qu'au Royaume-Uni ou dans
les pays nordiques. En théorie, ne pas travailler avec
Netflix pourrait permettre aux diffuseurs français, qui
soutiennent environ 75% de la création audiovisuelle
en France, de maintenir une forte implantation en
ayant plus de levier sur le marché. Mais dans l'industrie
de la télévision française, où les budgets et les revenus
sont plats, Netflix et ses amples budgets a été bien
accueilli par les producteurs et les diffuseurs.
Evolution de la pénétration des principales plateformes VOD en France (%)
Source: CNC - Harris Interactive – Vertigo
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L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Les principaux accords des diffuseurs européens
Date Deal Strategic goal
02/2019 BBC Studios - ZDF
Partenariat contenus
BBC Studios et ZDF en Allemagne ont conclu
un partenariat stratégique pour dévelop-
per et coproduire une nouvelle gamme de
contenus, avec un accord à long terme qui
verra les deux organisations co-développer
une programmation factuelle scénarisée et
historique.
02/2019 ProSiebenSat.1 - Discovery
La nouvelle plateforme de streaming rempla-
cera l'actuelle joint-venture 7TV et intégrera
les services précédemment indépendants
Maxdome et Eurosport Player.
03/2019 RTVE - Telefónica
Le radiodiffuseur public espagnol RTVE a
attribué à Telefónica, dans le cadre d'un
appel d'offres public, la distribution de son
signal en streaming sur toutes les plate-
formes numériques.
04/2019 BBC - ITV
lancent Britbox
La BBC et ITV lancent le service de streaming
«BritBox». Les radiodiffuseurs britanniques
rivaux se regroupent pour un "partenariat
stratégique" sur une plateforme de style
Netflix au Royaume-Uni, riche de "coffrets et
séries originales" disponibles sur demande.
05/2019 Mediaset acquiert une participation dans le
diffuseur allemand ProSiebenSat.1
Le diffuseur italien Mediaset a acquis une
participation de 9,6% dans le groupe alle-
mand ProSiebenSat.1, s'assurant ainsi une
place dans toutes les discussions futures
sur la création d'une société de télévision
paneuropéenne.
06/2019 M6 finalise l'acquisition de Lagardère TV
Le groupe français de télévision M6 a acquis
les réseaux ALE et de télévision payante
de Lagardère pour 215 millions €. L'accord
impliquerait la prise de contrôle complète de
la chaîne pour enfants FTA DTT Gulli, ainsi
que de la télévision à péage, des services
préscolaires Canal J et TiJi, ainsi que des
chaînes de divertissement et de musique Elle
Girl TV, MCM, RFM TV et MCM Top.
06/2019 ProSiebenSat.1 et Discovery lancent le service
de streaming allemand Joyn
ProSiebenSat.1 et Discovery ont lancé
leur plateforme de streaming allemande
commune, Joyn, qui propose 55 chaînes
de télévision en streaming gratuit. Medien-
gruppe RTL Deutschland, deuxième diffuseur
de télévision commerciale allemand, ne fait
cependant pas partie de la plateforme, car
elle suit sa propre stratégie de streaming
avec son service TV Now.
Source: ITMedia Consulting
A l'échelle européenne, plusieurs initiatives sont en
cours. En 2017, Mediaset a voulu mettre en place une
plateforme de négociation conjointe pour la publicité
vidéo numérique avec les diffuseurs commerciaux
TF1 (France) et ProSiebenSat.1 (Allemagne), créant à
parts égales l'European Broadcaster Exchange (EBX).
L'objectif est de répondre à grande échelle à la demande
paneuropéenne par les agences de médias qui planifient
des campagnes vidéo à l'échelle du continent. Ce serait
le début d'une collaboration stratégique pour faire
avancer le développement technologique de la publicité
en ligne. La co-entreprise devrait permettre d'atteindre
plus de 250 millions de personnes, une masse critique
capable d'affronter les géants du web mondial.
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Avec une ambition plus élevée, Mediaset a annoncé en
septembre 2019 son intention de créer un groupe de
médias à l'échelle européenne, incluant sa participation
dans ProsiebenSat1 en Allemagne. Après que le projet
Vivendi/Telecom Italia/Mediaset en 2017 d'un «Netflix
du sud de l'Europe» a été mis en veilleuse, l'accord
Vodafone/Liberty en mai 2018 a été un catalyseur
significatif pour le secteur en Europe, ouvrant
potentiellement la voie à une consolidation à travers
l'Europe. Des accords similaires impliquent tous les
opérateurs européens, BT, DT, Orange, Altice, Free,
Telefonica. Les télévisions publiques européennes sont
aussi actives, unissant leurs forces au niveau national
et européen. La RAI, par exemple, s'est associée
à France Télévisions et à l'allemand ZDF dans une
alliance pour la coproduction de programmes pour les
trois services publics de télévision d'Italie, de France
et d'Allemagne.
La chaîne franco-allemande ARTE affirme son ambition
européenne en proposant des programmes en six
langues, accessibles dans toute l’Europe sans limitation
de droits, contrairement à la plupart des autres offres.
Principales alliances de diffuseurs en Europe
Source: ITMedia Consulting
Date Broadcasters impliqués Service Business model
Royaume-Uni • BBC
• ITV BritBox SVOD
France
• France Télévisions
• M6
• TF1
SA LTO SVOD
Allemagne
• ProSiebenSat.1 Media
• Discovery
• Axel Springer
• SPORT1
7TV AVOD now
SVOD later
Espagne
• RTVE
• Mediaset España
• Atresmedia LovesTV SVOD
Pays-Bas
• NPO
• RTL
• SBS
NLZiet SVOD
UN DÉFI POUR L'EUROPE : STRATÉGIES DE
CONVERGENCE
La crise actuelle met en valeur le savoir-faire technique
et la résilience des opérateurs de télécommunications.
Elle confirme l'importance économique et sociale de
leurs investissements dans les réseaux à large bande.
La licence de contenus existants était suffisante à
l’origine pour que ces derniers renforcent leur catalogue
naissant (minces catalogues de quelques centaines
de films alors). Les opérateurs sont désormais
fortement enclins à résister à la spirale des coûts
d'approvisionnement en programmes. Ils peuvent pour
cela imiter les fusions verticales du type AT&T-Time
Warner, en tirant parti de leur taille et de leur solidité
financière et en prenant le contrôle de la création de
contenus. L'impératif pour tous les acteurs sera une
nouvelle offre diversifiée, attrayante pour une clientèle
plus large et culturellement plus ouverte, en croissance
exponentielle à travers le monde. Cette montée vers
d'énormes catalogues vidéo de plusieurs milliers, voire
millions, de titres, et vers la création et la production de
contenus originaux est au cœur du cycle de négociation
des accords 2018-2020. D'autres suivront bientôt.
Les mondes des télécommunications et de la
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
radiodiffusion vont connaître leur jour de vérité avec
le rapprochement entre grands médias et distributeurs
géants, par des fusions-acquisitions et/ou des alliances
stratégiques.
Les opérateurs de télécommunications restent dans
une bonne forme relative, car leurs revenus résistent
à la crise économique et les contraintes réglementaires
pourraient être allégées. Pour l'avenir, ils peuvent
penser échapper à la malédiction de la concurrence
indifférenciée, de la banalisation du service, des baisses
de tarifs, et profiter de leur solidité financière et de la
croissance élevée de la demande de programmes. Ils
peuvent compter sur une large clientèle, des réseaux
de qualité et le glissement des consommateurs vers la
vidéo sur les téléphones et les tablettes au détriment
du téléviseur. En combinant ces avantages avec des
contenus exclusifs, ils peuvent légitimement aspirer
à un rôle central dans l’offre de divertissement
audiovisuel. Le nouveau défi se jouera de plus en plus
sur le portefeuille de programmes et une expérience
utilisateur capable de répondre aux besoins de chaque
utilisateur de manière simple et personnalisée.
Les principaux accords des diffuseurs européens
Date Accord Stratégie
11/2017 Deutsche Telekom - Netflix
Partenariat
En offrant aux clients un accès transparent
au catalogue Netflix, Deutsche Telekom fait
un pas de plus vers son objectif de deve-
nir un fournisseur unique pour une grande
variété de services de vidéo numérique. Une
sorte de bundle tout-en-un. Le même accord
avec Netflix concerne également Telefónica
en Espagne, Orange en France et Vodafone
au Royaume-Uni.
03/2018 Sky - OpenFiber
Partenariat
Tirant parti du réseau OpenFiber FTTH,
Sky devient un fournisseur de services
de télécommunications en Italie comme
au Royaume-Uni. Ainsi, il peut étendre sa
solution avancée, SkyQ, avec de nouvelles
améliorations pour étendre sa clientèle,
atteignant les clients qui ne souhaitent pas
déployer d'antennes paraboliques dans une
nouvelle stratégie multiplateforme.
03/2018 Sky - Netflix
Partenariat
Comme pour Telcos, cet accord avec Netflix
est cohérent pour Sky avec sa stratégie de
guichet unique, tandis que Netflix accède à
une énorme base de clients Sky.
05/2018
Vodafone - Liberty Global
Fusion d’actifs
Vodafone s'est contenté d'un contrat d'actifs
alors qu'il cherche à faire progresser sa
stratégie d'offres mobiles convergentes, haut
débit fixe et télévision payante, tandis que
Liberty Global bénéficie de l’avantage de pos-
séder à la fois des réseaux fixes et mobiles
en route vers la 5G.
09/2018 TIM - Mediaset
Partenariat
L'accord permet à Mediaset d'étendre la
portée de ses chaînes gratuites à toutes les
plateformes et à TIM d'améliorer l'offre vidéo
à la demande de TIMvision.
Source: ITMedia Consulting
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Chiffre d’affaires des opérateurs en Europe
Chiffres d’affaires Telecom et Media 2016- 2022
Source: Barclays, 2017
Source : Ovum
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Dans ce contexte, l'alternative stratégique critique pour
les opérateurs de télécommunications concerne les liens
à établir avec les fournisseurs de contenu pour sécuriser
le trafic vidéo dont ils ont besoin pour remplir leurs
conduits en constante expansion. Les relations entre
les opérateurs de réseaux, les chaînes de diffusion et la
production vidéo sont depuis longtemps marquées par
des difficultés et conflits récurrents. Les deux parties ne
peuvent s'empêcher de considérer qu'elles doivent tenir
la barre dans les accords. Les opérateurs de réseau ont
à offrir leur vaste clientèle, tandis que les producteurs
de contenu et les sociétés de médias sont fiers de
leur capacité unique à fournir la programmation que
désirent les téléspectateurs. Les deux parties détiennent
une part de vérité. L'équilibre des pouvoirs - dans la
production, la fourniture et la livraison de contenu - est
désormais complexe. Nous observons des tendances
de renforcement parallèles des deux côtés. Pour les
opérateurs de télécommunications, le passage du savoir-
faire technologique et du contrôle des coûts, à la gestion
des talents créatifs a eu dans le passé un succès mitigé.
La compatibilité des compétences est un problème, mais
la tendance à la convergence est difficilement évitable.
La clé sera dans la gestion de manière rentable du mix
d'activités. Il faudra y voir non seulement la gestion d’un
portefeuille d’activités disjointes, mais une combinaison
des savoir-faire en ingénierie et en gestion des talents
de création artistique.
L’aspect culturel deviendra plus important pour l'Europe
à l'avenir : les industries créatives européennes
produisent déjà des œuvres très appréciées dans
chaque pays d'origine, avec localement un public
avec des exigences nettement plus élevées que celles
des programmes américains. Ce succès peut être
étendu en dehors des frontières. Grâce à Internet et
aux nouveaux services VOD, la demande potentielle
augmente. Le défi de la diversité pour les créations est
d'atteindre un public plus large. L'étendue du catalogue
des productions cinématographiques et télévisuelles
nationales et les moyens de commercialisation
limitent les possibilités d'une relation directe entre les
opérateurs nationaux et les publics internationaux. Cela
soulève la question cruciale de la relation des œuvres
de diversité culturelle avec les réseaux et plateformes
internationaux, le plus souvent d'origine américaine.
On trouve un enchevêtrement de règles créées au fil du
temps dans un esprit défensif pour les œuvres locales :
des quotas, des aides financières, diverses obligations
concernant des contenus exclusifs ou des événements
dits d'importance majeure, des restrictions aux fusions
et acquisitions. Ces moyens, dont la raison d'être
ne doit pas être oubliée, doivent cependant être
soigneusement réexaminés à la lumière des nouvelles
réalités du monde numérique. La récente polémique
autour de la définition du « cinéma », initiée par Martin
Scorsese, dans le sillage du débat sur la production de
Netflix v présentée aux Oscars, illustre la contribution
potentielle des plateformes à la création diverse et de
qualité.
On voit, notamment en cette période sombre, comment
les plateformes, soucieuses d'attirer des clients locaux
dans leur expansion internationale, ont apporté
des moyens financiers bienvenus à des productions
culturelles originales. L'ouverture internationale et
l'éventail d'accords possibles entre opérateurs de
réseaux et producteurs d'œuvres créatives, gérés
avec clairvoyance, offrent une chance historique pour
l'épanouissement de la diversité culturelle au niveau
international, pour une ouverture accrue des marchés
à différents horizons.
Enfin, les plateformes sont un vecteur privilégié de
financement et d'expansion internationale. La méfiance
réglementaire à l’égard de l'intégration horizontale ou
verticale, comme de l'exclusivité, pouvait être justifiée
lorsque l'éventail des œuvres et des événements
proposés à des fins audiovisuelles était beaucoup moins
large. L'offre actuelle, ainsi que les attentes du public, se
sont élargies et diversifiées. Pour réussir la synergie des
créations de la diversité culturelle et des grands réseaux
internationaux, en Europe, mais aussi en Asie et en
Amérique latine, il convient de réexaminer attentivement
les contraintes pesant sur l'économie numérique,
notamment celles affectant les flux transfrontaliers des
données, du capital et du travail.
Les dommages économiques causés par la pandémie de
COVID-19 sont dramatiques et affectent fortement les
industries. Le virus a un impact marqué sur l'offre, la
consommation et la publicité dans les médias à travers
FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D'EUROPE N°559 / 15 MAI 2020
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
le monde. Alors que de plus en plus de téléspectateurs
restaient à la maison et regardaient les écrans tout au
long de la journée, le pic des heures de grande écoute
a changé avec une diffusion plus uniforme sur plusieurs
heures de la journée. La création de nouveaux contenus,
des sports en direct aux sitcoms en passant par les
films, a été largement désactivée. Les télédiffuseurs
traditionnels qui dépendent de la publicité souffrent.
De nombreux accords contractuels entre les titulaires
de droits, les diffuseurs, les sponsors et les annonceurs
s'effondrent, même avec une bonne volonté de toutes
parts. La demande pour tous les types de médias, de
programmes télévisés (linéaires et à la demande), de
vidéos courtes, de musique en streaming et de jeux
en ligne, en particulier dans les zones géographiques
actuellement soumises à des instructions de maintien
à domicile, a augmenté. Dans certains cas, le contenu
VOD a été offert gratuitement ou à prix réduit. Il
est clair que la crise sanitaire génère des niveaux
record d'essais gratuits, ce qui devrait conduire à un
échantillonnage supplémentaire et ainsi donner à de
nombreux services une chance qu'ils n'auraient jamais
eue. Cela signifie également que le coût d'acquisition
de clients, qui a monté en flèche dans la guerre du
streaming, a chuté, augmentant ainsi le potentiel des
clientèles.
Augmentation des heures de visionnage en continu, par région
Source: Conviva, 2020
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
La baisse accélérée des abonnements et des revenus
publicitaires de la télévision payante nuira fortement
à tous les acteurs des médias traditionnels au
moment où ils sont le plus exposés. Les opérateurs
de télécommunications se concentreront sur les
mises à niveau des infrastructures pour répondre
à l'augmentation de la demande de services à large
bande. Certains opérateurs demandent déjà aux
ménages de ne pas utiliser toute la bande passante
pour diffuser des vidéos et jouer à des jeux pendant
les heures de travail, là où cette bande passante est
la plus nécessaire. Les débits devront être augmentés,
car davantage d'utilisateurs à domicile auront besoin
de plus de bande passante et d'une utilisation illimitée
des données. Le streaming fait partie des (rares)
entreprises gagnantes dans un confinement mondial.
Depuis 2010, l'écosystème de la télévision payante
a connu une réduction de près de 30% du nombre
total d'heures de visionnage et jusqu'à 60% de baisse
chez les 12-35 ans. La télévision payante est la plus
importante dépense récurrente de divertissement
discrétionnaire pour le ménage moyen. Cela en fait
l'un des premiers budgets sur lesquels les familles
se pencheront lorsqu'elles seront confrontées à
des factures, au chômage ou à d'autres pressions
financières, en particulier lorsqu'elles ont déjà Netflix,
Amazon Prime, Disney+ et d'importantes offres de
streaming gratuites de diffuseurs nationaux.
STRATÉGIE POLITIQUE ET RÉGLEMENTATION
DU MARCHÉ NUMÉRIQUE EN EUROPE
En 2018 et 2019, l'Union européenne a achevé le
processus d'examen de trois textes législatifs : le code
des communications électroniques, la directive sur les
services de médias audiovisuels et la directive sur le
droit d'auteur. Les deux premiers sont encore soumis
à un cadre sectoriel spécifique, âgé de vingt ans au
moins, datant de l'ère de la télévision analogique et des
réseaux fixes en cuivre à bande étroite. Les révisions
ultérieures conduisant à la mise en œuvre des nouvelles
directives au niveau national maintiennent la distinction
nette entre les deux secteurs, y compris les nouveaux
services dans le cadre réglementaire consolidé.
Source: ITMedia Consulting
Un domaine en évolution
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La convergence « médias et télécoms » à l’épreuve de la COVID-19
L'Europe dans une perspective transatlantique et internationale
Directeur de la publication : Pascale JOANNIN
LA FONDATION ROBERT SCHUMAN , créée en 1991 et reconnue d’utilité publique, est le principal centre de
recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le
contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches,
ses publications et l’organisation de conférences. La Fondation est présidée par M. Jean-Dominique GIULIANI.
Retrouvez l’ensemble de nos publications sur notre site :
www.robert-schuman.eu
À notre avis, bien que cela représente une tentative
appréciable d'adapter l'ancienne législation à la
nouvelle réalité dans une perspective évolutive, elle ne
tient pas dûment compte des innovations perturbatrices
qui remodèleront l'industrie des communications au
cours des prochaines années. Dans cette perspective,
la Commission et son vice-président exécutif pour
le numérique ouvrent la voie à un nouveau scénario
où le développement de la politique technologique,
du marché unique numérique et d'une politique de
concurrence redéfinie peuvent désormais se combiner
dans une vraie politique européenne, avec une stratégie
pour tout son mandat de cinq ans.
Dans ce cadre, la loi sur les services numériques à
proposer nécessite un changement radical dans la
logique de régulation des relations entre fournisseurs
de contenu et opérateurs télécoms. Il y a dix ans,
par exemple, l'accent était mis sur la surveillance
de l'accès au contenu exclusif, afin de préserver
un paysage concurrentiel, le contenu exclusif étant
considéré comme potentiellement préjudiciable à la
concurrence. Les contenus sont dorénavant abondants,
hautement compétitifs, mais nécessitent toujours plus
de ressources financières et des canaux de distribution
facilement accessibles. Au-delà de la crise actuelle,
la réglementation convergente doit refléter cette
transformation de l'industrie et accueillir tous les
acteurs concernés, y compris les nouveaux services
et plateformes. Elle devrait favoriser la concurrence et
le pluralisme, dans le cadre de la définition désormais
plus large, européenne, des marchés géographiques.
De plus, une solution devra être trouvée pour en finir
avec la fragmentation du marché européen des droits,
obstacle majeur à la promotion d’une offre européenne.
Gérard POGOREL
Professeur d’économie et management-Emérite Telecom Paris
CNRS Institut Interdisciplinaire de l’Innovation I3
Augusto PRETA
Fondateur et Directeur général ITMedia Consulting, Rome
Directeur, IIC – International Institute of Communications
Les auteurs remercient Paolo Nardelli, analyste chez ITMedia
Consulting, pour sa précieuse contribution à cet article.