ArticlePDF Available

L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation: Le cours d’action pour évaluer l’influence de la lumière sur l’expérience visiteur au musée

Authors:

Abstract and Figures

Since the 18th century, architects and museum managers have used natural and artificial lighting to light artworks and exhibits. Today, practitioners such as museographers, scenographers and lighting designers use it as a tool to build atmospheres and to guide the visitor’s gaze. Beyond merely highlighting artwork, lighting defines what is shown, and indicates the object of discussion. The potential of lighting – as a mediating device that directly affects the visitor’s sensitive and cognitive experience – remains to be shown and explained. It was from this standpoint that we studied visitor experience in the Grande Galerie de l’Évolution at the Muséum national d’Histoire naturelle in Paris, which presents a dynamic lighting installation conceived as an immersive scenography. We found that this installation plays an important role in the process of constructing sense and visitor experience. It helps to create an atmosphere of well-being, evoking the colors of natural environments, lighting or darkening the exhibits to attract or reduce attention, and acts as a catalyst for interpersonal and contemplative experiences. These results encourage us to explore the potential of lighting as a mediating device.
Content may be subject to copyright.
Activités
17-2 | 2020
Leprogrammederecherchecoursd’action
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation.
Le cours d’action pour évaluer l’influence de la
lumière sur l’expérience visiteur au musée
Dynamic lighting, a mediating device. Course of action to evaluate the influence
of light on the museum visitor experience
VivianaGobbato,VirginieBlondeau,MarineThébaultetDanielSchmitt
Éditionélectronique
URL : http://journals.openedition.org/activites/5598
DOI : 10.4000/activites.5598
ISSN : 1765-2723
Éditeur
ARPACT - Association Recherches et Pratiques sur les ACTivités
Référenceélectronique
Viviana Gobbato, Virginie Blondeau, Marine Thébault et Daniel Schmitt, « L’éclairage dynamique,
un dispositif de médiation. Le cours d’action pour évaluer l’influence de la lumière sur l’expérience
visiteur au musée », Activités [En ligne], 17-2 | 2020, mis en ligne le 15 octobre 2020, consulté le 17
octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/activites/5598 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
activites.5598
Ce document a été généré automatiquement le 17 octobre 2020.
Activités est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas
d'Utilisation Commerciale - Pas de Modication 4.0 International.
L’éclairage dynamique, un dispositif
de médiation. Le cours d’action pour
évaluer l’influence de la lumière sur
l’expérience visiteur au musée
Dynamic lighting, a mediating device. Course of action to evaluate the influence
of light on the museum visitor experience
Viviana Gobbato, Virginie Blondeau, Marine Thébault et Daniel Schmitt
NOTE DE L’ÉDITEUR
Article soumis le 2 mars 2020, accepté le 25 mai 2020
1. Introduction : le paradoxe de l’éclairage dans
les musées
1 Depuis leur naissance au XVIIIe siècle, les musées s’intéressent à l’éclairage naturel de
leurs collections (Bazin, 1967). Une discussion s’instaure alors entre les défenseurs de
l’éclairage latéral et ceux de l’éclairage zénithal. Au tournant du XIXe siècle, la maîtrise
des sources de lumière se développe grâce aux avancées techniques et technologiques.
D’une part, le modèle architectural néoclassique s’empare des charpentes métalliques
et des poutres en métal pour installer majoritairement des verrières. D’autre part,
l’installation de l’éclairage au gaz permet d’étendre les heures de visite après le
coucher du soleil (Desvallées, & Mairesse, 2011). Au début du XXe siècle, l’approche
moderne introduit l’idée d’un musée plus rationnel et épuré, et fixe des normes
théoriques d’éclairage muséographique, comme formulé par Julien Guadet, professeur à
l’École nationale et spéciale des Beaux-Arts à Paris (Guadet, 1901-1904). Les institutions
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
1
muséales initient ensuite des études des publics. Benjamin Gilman observe la fatigue
des visiteurs du Museum of Fine Arts de Boston (Gilman, 1918) et Seiji Nakamura évalue
la préférence des visiteurs selon l’éclairement des œuvres au Musée Impérial de Tokyo
(Nakamura, Kamiya, & Inoné, 1936). Ivar Folckar au Musée national de Stockholm
(Folckar, 1932) et Henri Verne au Musée du Louvre (Verne, 1937) décrivent les
stratégies mises en place pour améliorer le confort visuel du public (éblouissement,
réflexions et ombres sur les tableaux) et contribuer ainsi à valoriser les objets exposés
dans ces musées. Durant l’entre-deux-guerres, l’éclairage électrique fait son entrée
dans les musées et devient l’objet de nouvelles réflexions de lumière ambiante et de
focalisation. Jacques de Soucy souligne par exemple la tendance qui consiste à
combiner éclairage naturel et artificiel, avec une approche à la fois artistique et
esthétique (Soucy, 1934).
2 La Conférence internationale d’études sur l’architecture et l’aménagement des musées
d’art à Madrid en 1934 marque un tournant majeur vers la théorisation de nouveaux
principes architecturaux (Hautecœur, & Desvallées, 1934 ; Stein, & Rosenfield, 1935). La
lumière en vient à être considérée comme un matériau architectural à part entière, un
élément sensible, un révélateur esthétique caractérisant le travail d’architectes comme
Carlo Scarpa (Musée Canova, 1957, Possagno, Italie), Le Corbusier (Musée national de
l’Art occidental, 1959, Tokyo, Japon) et Louis Kahn (Kimbell Art Museum, 1972, Forth
Worth, Texas, États-Unis). Dès les années 1960, la conservation préventive des œuvres
est au cœur des préoccupations. La lumière fascine tout autant qu’elle effraie : il faut la
maîtriser, la contrôler, la diriger. En effet, la dimension potentiellement préjudiciable,
voire délétère du rayonnement lumineux, demande aux projets d’éclairage de résoudre
l’antagonisme entre la présentation esthétique des œuvres et leur conservation
préventive (Bergeron, Costain, & Courchesne, 1992 ; Brill, 1980 ; Cuttle, 2007 ; Thomson,
1986). De nos jours, les projets d’exposition doivent respecter les normes
internationales établies par la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE, 2004), et
cela malgré les apports des nouvelles technologies comme les sources LED (Richardson,
Woolley, Yurchenko, & Thickett, 2020). L’éclairage est également pris en compte
comme élément scénographique de l’exposition. En France, le concepteur lumière Jean-
Jacques Ezrati lui attribue la fonction « d’un co-langage, avec sa propre syntaxe, qui
s’inscrit dans le langage scénographique tout entier » (Ezrati, 2014, p. 73). Récemment,
Thomas Schielke (2020) a identifié six usages de l’éclairage dans les projets
expographiques : le White Cube, l’accentuation minimaliste, la scénographie dramatique,
la Black Box, l’hyperréalisme et la mise en scène dynamique. Enfin, on observe des
nouvelles études sur l’éclairage et la perception dans les musées qui évaluent le confort
visuel (Ajmat, Sandoval, Arana Sema, O’Donell, Gor, & Alonso, 2011), les préférences de
température de couleur de la lumière (Nascimento, & Masuda, 2014) et le rendu des
couleurs des œuvres (Feltrin, Leccese, Hanselaer, & Smet, 2020).
3 Ainsi, l’architecture, la conservation préventive et la scénographie portent une grande
attention à l’éclairage au musée depuis plus de deux siècles. En revanche, le potentiel
de l’éclairage n’est pas encore identifié comme un dispositif de médiation à même de
stimuler et d’orienter la production de sens, l’expérience émotionnelle et sensorielle
des visiteurs. Cela est d’autant plus remarquable que depuis la fin des années 1980, le
musée est devenu un lieu privilégié d’expérimentations technologiques et médiatiques :
médiations écrites (aides à la visite, cartels développés, textes de salles, livrets-jeux),
orales (conférences, visites guidées, médiations postées) et instrumentales (écrans
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
2
tactiles, applications, réalité virtuelle et augmentée). Par ailleurs, la médiation est en
train de s’ouvrir à de nouvelles approches comme la participation sociétale, l’éducation
scientifique ou le marketing (Serain, Chazottes, Vaysse, & Caillet, 2016). Ainsi, malgré
l’intérêt de différentes disciplines et la transformation de la médiation culturelle, tout
se passe comme si la médiation culturelle était indifférente aux possibilités offertes par
l’éclairage. Or, de notre point de vue, la lumière recèle un potentiel remarquable à
éveiller, susciter, déclencher des productions de sens, des sensations, des émotions au
musée. Dans cette perspective, la présente étude s’attache à explorer les effets de la
lumière sur l’expérience visiteur afin de comprendre dans quelle mesure l’éclairage, et
en particulier l’éclairage dynamique, peut être véritablement considéré comme un
dispositif de médiation.
2. La Grande Galerie, un terrain propice à la question
de recherche
4 La Grande Galerie de l’Évolution au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris est un
terrain d’enquête bien adapté à la question de recherche. Pour sa collection de
7 000 spécimens naturalisés, elle est l’un des rares musées à disposer d’une installation
d’éclairage dynamique filaire de type DMX (Digital Multiplexing), un protocole
scénique de gestion de la lumière qui permet de faire varier les couleurs, de modifier la
température de couleur, de piloter le temps d’éclairage et de contrôler la dose totale
d’exposition (DTE). L’éclairage dynamique de la Grande Galerie de l’Évolution participe-
t-il de façon directe ou indirecte à la construction de sens et à l’expérience sensible des
visiteurs ? Et si oui, dans quelle mesure peut-on qualifier les apports de cet éclairage en
tant que dispositif de médiation ?
5 L’installation de la Grande Galerie de l’Évolution a été conçue en 1994 par les
architectes Paul Chemetov et Borja Huidobro, le scénographe René Allio et le
concepteur lumière André Diot. Les concepteurs ont fait le choix d’occulter la lumière
naturelle de la Grande Galerie. À la place, ils combinent un système d’éclairage artificiel
général et localisé, fixe et dynamique, sur le plafond et l’un des murs. Le plafond est
appelé « ciel dynamique » et le mur « paroi active ». L’intention de départ souhaitait
respecter les normes de conservation préventive pour ces expôts (les spécimens, les
œuvres, les dispositifs) sensibles à la lumière, tout en favorisant une « expérience
cognitive novatrice, sollicitant des approches multiples à la fois émotionnelles,
esthétiques, physiques et sémantiques » (Galangau-Quérat, Chemetov, & Gauthier, 2014,
p. 23). L’installation a été rénovée et enrichie en 2014 par la conceptrice lumière
Stéphanie Daniel. Aujourd’hui, la Grande Galerie dispose d’une installation de trois
projets conjoints d’éclairage d’exposition : un projet d’éclairage dynamique pour
l’ambiance, un projet d’éclairage d’accentuation pour les groupes de spécimens
présentés, un éclairage pour l’architecture (Gobbato, 2019). Le premier est appelé
« spectacle son et lumière » et reproduit les couleurs et l’intensité d’un cycle
nycthéméral, du matin à la nuit. Chaque cycle dure une heure et quinze minutes et
simule des effets météorologiques tels que l’aube, les pluies torrentielles, le soleil du
lever au coucher, en passant par le zénith et la nuit (Figure 1). Le deuxième projet
simule les couleurs propres à l’environnement des espèces animales exposées. Enfin, le
projet d’éclairage architectural vise à mettre en valeur la structure de la Grande
Galerie, qui date de la deuxième moitié du XIXe siècle.
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
3
Figure 1 : Nef du hall, niveau I de la Grande Galerie de l’Évolution. À gauche, les tons blancs
évoquent l’ambiance lumineuse du jour. Au centre, les tons roses reproduisent l’ambiance du
coucher du soleil. À droite, les tons bleus simulent l’ambiance obscure de la nuit.
Figure1:Hall,levelIoftheGrandeGaleriedel’Évolution.Ontheleft,whitetonesevokethebright
daylightatmosphere.Inthecenter,pinktonesevoketheatmosphereofsunset.Ontheright,bluetones
evokethedarkeratmosphereofnight.PhotosVivianaGobbato
2.1. Le ciel et la paroi dynamiques
6 Les effets météorologiques du ciel et de la paroi dynamiques reproduisent sept
séquences qui contribuent à l’ambiance générale : le matin, le ciel nuageux, l’orage, la
journée, la tombée de la nuit, la nuit, le lever du jour. La première séquence simule une
lumière du matin avec des couleurs bleu pâle sur le plafond, bleu clair sur la paroi et un
éclairage localisé blanc sur les spécimens. La température de couleur générale est
proche de 5 000 K. La deuxième séquence se compose de deux temps qui évoluent
graduellement du blanc rosé vers le bleu pâle puis, du bleu vert au vert d’eau et au gris,
pour une ambiance qui rappelle les couleurs du ciel nuageux. La température de couleur
générale varie de 5 000 K à 6 000 K. La troisième séquence évoque l’orage puis une
ambiance sereine, et se décompose en trois temps : 1) les couleurs bleu-vert clair ont
des nuances plus sombres, diminuant la luminosité ; 2) des sons reproduisent le
tonnerre ; 3) le calme après la tempête. Cette séquence se termine par un
éclaircissement graduel des tons précédemment sombres. La quatrième séquence
évoque la journée et se termine avec la fin du jour : le plafond reproduit les couleurs du
ciel serein, avec des températures de couleur comprises entre 5 000 K et 10 000 K, puis
baissent pour aller vers les nuances d’un soleil couchant, avec des tons bleu clair pour
le plafond et des tons de blanc vert à orangé pour la paroi. La température de couleur
générale varie de 5 000 K à 4 000 K. La cinquième séquence simule la tombée de la nuit
avec des variations de tons orangés au bleu foncé. La paroi est programmée avec des
tons violetés, pour évoquer les nuances du soleil couchant. La température de couleur
générale varie entre 4 000 K et 3 000 K. On passe à la sixième séquence de la nuit, avec
des couleurs allant du bleu foncé au gris foncé. Sur le plafond, le « ciel dynamique »,
apparaissent des points d’éclairage en fibre optique qui simulent la lumière des étoiles.
La paroi et les projecteurs sur les spécimens ont des températures de couleur froides
comprises entre 7 000 K et 10 000 K. Dans le même temps, l’installation sonore
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
4
reproduit des cris d’animaux nocturnes, tels que des insectes et des oiseaux. Enfin, la
dernière séquence s’assimile au lever du jour, avec du rose au blanc-rosé pour le plafond
et du rose au blanc-jaune pour la paroi. Les spécimens sont éclairés par des faisceaux
lumineux avec des tons chauds. La température de couleur générale varie de 5 000 K à
4 000 K. Les couleurs rejoignent progressivement des tons bleu pâle et une visibilité
d’ensemble homogène, et ainsi le cycle recommence.
2.2. Les « univers »
7 Les « univers », pour reprendre l’expression de Stéphanie Daniel, concernent les
environnements naturels des spécimens – les pôles, la savane, le désert et la forêt
tropicale –, et bénéficient d’un éclairage focalisé à la différence du ciel qui dispose d’un
éclairage couvrant toute la nef. Dans l’univers des pôles, l’intention vise à reconstituer
l’ambiance d’une banquise à la dérive. Les spécimens sont posés sur des plaques
translucides, accentuant l’aspect froid du verre. L’intensité ne varie pas beaucoup, les
nuances passent graduellement du bleu au blanc. La température de couleur est
supérieure à 5 600 K pour un rendu froid. Le deuxième univers est celui de la savane et
concerne la caravane des spécimens disposés au centre du hall du niveau I. Plusieurs
sources selon différents axes reproduisent un effet dynamique qui interagit avec les
spécimens, notamment en créant des ombres qui se chevauchent. Le troisième univers
est le désert, conçu avec des tons chauds, du jaune à l’orange, et qui varie suivant les
heures de la journée. Le dernier univers représente la forêt tropicale, avec des jeux de
lumière qui animent l’univers selon plusieurs axes : face, latéral gauche et droit,
contre-jour et vertical.
2.3. La structure architecturale
8 Enfin, la troisième fonction attribuée à l’éclairage vise à valoriser l’environnement
muséal – les espaces de circulation et les éléments d’architecture. Le projet est associé à
l’éclairage de la nef centrale, créant un « tout scénographique ». Il devient par exemple,
plus sombre durant les séquences de nuit et de l’orage et plus lumineux durant les
séquences du jour. Les concepteurs ont installé une dizaine de projecteurs pour mettre
en valeur la structure métallique de la Grande Galerie, avec l’intention d’accentuer sa
verticalité.
9 La description que nous venons de faire de l’éclairage dynamique pourrait laisser
penser que les effets de la lumière sur l’expérience des visiteurs sont triviaux et
immédiats. Il n’en est rien. Rappelons que le cycle complet de l’éclairage dynamique a
une durée d’une heure et quinze minutes et ainsi, la plupart des changements
d’éclairage sont visuellement imperceptibles.
3. Méthodologie et outils d’enquête
10 En France, les études de public se sont déployées à partir des années 1980 (Samson,
Schiele, & Di Campo, 1989) et la Cité des Sciences et de l’Industrie a réalisé de
nombreuses études sur les dispositifs de médiation (Le Marec, 1993). Bernard Schiele
(1992, 2014) a retracé l’histoire des études nord-américaines avec leurs acteurs et leurs
objectifs. Partout, on cherche à évaluer l’exposition, ses dispositifs et donc à connaître
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
5
le visiteur en situation de visite. Dans les musées français, l’expérience des visiteurs a
fait l’objet de plus de 200 études entre 2000 et 2005 (Eidelman, Roustan, & Goldstein,
2007). On administre des questionnaires, on interroge les utilisateurs pendant leur
visite ou après leur visite, on enregistre des entretiens d’escorte (le chercheur
accompagne les visiteurs), on enregistre les pensées des visiteurs verbalisées à haute
voix (Dufresne-Tassé, Sauvé, Weltzl-Fairchild, Bann, Lepage, Dassa, 1998), on analyse
pas à pas la construction des usages des visiteurs en relation avec des dispositifs
interactifs (Davallon, & Le Marec, 2000). Cependant, « ce qui se passe au cours de la
visite ainsi que la manière dont se construit la signification au cours de celle-ci
[relèvent] de phénomènes extrêmement difficiles à saisir avec des techniques
d’enquête habituelles » (Davallon, & Flon, 2013, p. 37). Comment identifier les apports
de l’éclairage sur l’expérience des visiteurs ? Escorter les visiteurs tout en les
interrogeant sur leur perception de l’éclairage pendant leur visite nous éloigne d’une
visite dite en situation naturelle, tandis que les entretiens réalisés à l’issue de leur visite
perdent en grande partie la finesse et la précision de la situation réellement vécue.
11 Ces obstacles nous ont conduits à mettre en œuvre un type d’enquête développé dans le
cadre théorique et méthodologique du cours d’action (Theureau, 1992, 2004, 2006). En
prenant appui sur deux hypothèses principales, l’énaction (Varela, 1989) et l’accès à la
conscience préréflexive (Theureau, 2010), Theureau a élaboré une théorie sémiologique
du cours d’expérience qu’il définit comme « la construction du sens pour l’acteur, de
son activité au fur et à mesure de celle-ci » (Theureau, 2006, p. 50). La théorie du cours
d’action permet d’analyser très finement l’activité humaine dans sa dimension
dynamique et située, ainsi que la construction de sens qui accompagne cette activité, à
condition que celle-ci soit explicitée a posteriori par celui ou celle l’ayant vécue. Comme
dans la plupart des enquêtes issues du cours d’action, nous avons enregistré les traces
vidéo de l’activité des visiteurs. Cependant, pour gagner en précision, nous avons
équipé les visiteurs avec un eye-tracker, un dispositif léger et non-invasif qui enregistre
leur champ visuel tout en indiquant le point de focalisation de leur regard (gaze point).
L’eye-tracker calibré sur les temps d’attention ne rend pas compte de toutes les saccades
oculaires : il indique les focalisations stables du regard qui elles, stimulent la
remémoration. En effet, on sait que l’expérience du souvenir est d’autant plus précise
et riche que les informations visuelles reproduisent le point de vue de l’acteur qui a
vécu cette expérience (Nigro, & Neisser, 1983 ; Rix, & Biache, 2004). Lorsque les
informations visuelles et sonores sont de bonne qualité, cela peut induire chez le
visiteur un phénomène d’« ecphorie synergique » (Tulving, 1983), une expérience où le
souvenir resurgit en flux continu, entretenu par le stimulus de l’enregistrement
subjectif : le visiteur a le sentiment de revivre les états cognitifs et émotionnels qu’il a
connus précédemment.
12 La remémoration des visiteurs, stimulée par leur perspective subjective est ainsi fine,
précise et profonde (Schmitt, 2012). De plus, comme Ria, Sève, Saury, Theureau et
Durand (2003), nous avons ajouté un dispositif de déclaration de la valence hédonique.
Ce dispositif est motivé parce que la construction de sens et en particulier l’émergence
d’une connaissance (interprétant) dans le cadre de la visite muséale, s’accompagne
fréquemment d’un changement d’état émotionnel (Schmitt, 2015). Lors des entretiens,
les visiteurs peuvent indiquer l’intensité de leur plaisir – déplaisir sur une échelle
graduée de -3 à +3. Dans la pratique, on propose au visiteur de prendre part à une
enquête sur la perception visuelle. Il est équipé d’un eye-tracker et visite ensuite
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
6
librement les espaces d’exposition pendant une trentaine de minutes. Puis, le visiteur
est déséquipé et accompagné dans une pièce calme proche de l’exposition. Placé devant
un écran est diffusée sa perspective subjective, le visiteur est invité à décrire ses
actions, son expérience et à indiquer régulièrement ses émotions (Figure 2). Les
chercheurs s’astreignent à entretenir le flux des verbalisations du visiteur, en le
relançant au besoin par une reformulation de ses fins de phrases. Ils évitent
soigneusement d’aborder directement ou indirectement la thématique de l’éclairage et
de la lumière. Seule une partie de l’enregistrement de la perspective subjective de la
visite est commentée. Les verbalisations du visiteur, le point de focalisation de son
regard (gaze point) et les émotions déclarées guident les chercheurs dans le choix des
segments vidéo à commenter.
Figure 2 : À gauche : François, le visiteur à droite de l’image, vient d’être équipé d’un eye-tracker. Les
chercheurs calibrent le dispositif et sélectionnent les temps d’attention stabilisés. À droite :
entretien d’autoconfrontation. Sarah est encadrée par les chercheuses, elle décrit son expérience
de visite à partir de l’enregistrement subjectif de son activité. Son ami en arrière-plan ne participe
pas à l’entretien.
Figure2:Ontheleft:François,thevisitorontheright,hasjustbeenequippedwithaneye-tracker.The
researcherscalibratethedeviceandselectstabilizedattentiondata.Ontheright:Self-confrontation
interview.Sarahissupervizedbytheresearchers;shedescribeshervisitorexperiencebasedonthe
subjectiverecordingofheractivity.Herfriendinthebackgrounddoesnottakepartinthe
interview.PhotosDanielSchmitt
13 Durant l’entretien, la vidéo de la perspective subjective et les commentaires du visiteur
sont enregistrés. Puis l’entretien est retranscrit et synchronisé avec la vidéo de la visite
revue lors de l’entretien à l’aide du logiciel ADVENE (Annotate Digital Video, Exchange on
the NEt) (Aubert, & Prié, 2005 ; Aubert, Prié, & Schmitt, 2012). Ce logiciel permet de
construire un document hypervidéo la vidéo de l’entretien, sa transcription et les
annotations du chercheur sont synchronisées. Les verbalisations de l’entretien sont
analysées à partir des composantes de l’activité-signe du visiteur au sens de Theureau
(2004, 2006), enrichies de la valence émotionnelle. Nous identifions 1) ce que le visiteur
prend en compte dans le monde tel qu’il le perçoit, 2) la nature de son engagement,
3) les savoirs mobilisés, 4) ses attentes, 5) la connaissance construite et enfin 6) la
valence émotionnelle sur une échelle allant de -3 (déplaisir) à +3 (plaisir) (Tableau 1).
Comme Jacques Theureau l’a montré (1992), cette méthode permet d’identifier les
séquences élémentaires de l’activité signifiante du point de vue des acteurs, puis dans
notre cas, de reconstruire la dynamique cognitive et émotionnelle située de
l’expérience des visiteurs (Schmitt, 2013).
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
7
Tableau 1 : Les composantes de l’activité-signe de Theureau (2004) adaptées au contexte muséal.
Table1:ComponentsofTheureau’sactivity-sign(2004)adaptedtothemuseumcontext
14 Cette chaîne méthodologique de construction des données et leur traitement a été
développée et détaillée dans le cadre des musées par Daniel Schmitt et Olivier Aubert
(2016). Elle est nommée Remind (Reviviscence, Experience, Emotions, Sense making,
Micro dynamics). Elle reprend en grande partie les apports de l’autoconfrontation de
Theureau (1992) tout en insistant sur sa filiation avec les méthodes de rappel stimulé
(stimulated recall) initiées par Benjamin Bloom (1953) et Gerhard Nielsen (1962) : la trace
subjective de l’activité est enregistrée pour stimuler ultérieurement la remémoration
des personnes enquêtées.
15 L’enquête menée à la Grande Galerie de l’Évolution a permis de réaliser dix entretiens
en autoconfrontation : cinq femmes et cinq hommes majeurs, dont huit francophones,
deux anglophones et sept primo-visiteurs. L’enquête a eu lieu au mois de janvier 2019,
sur deux jours. La visite est libre, elle n’est pas couplée avec le cycle nycthéméral de
l’éclairage dynamique. Ainsi, les visiteurs enquêtés n’ont pas nécessairement vécu les
mêmes séquences, les mêmes phénomènes reproduits par l’éclairage dynamique. En
revanche, tous les visiteurs ont été « exposés » à l’éclairage dynamique de la Grande
Galerie. La durée des entretiens est comprise entre 20 et 40 minutes. Les enquêtés,
stimulés par leur vidéo subjective décrivent librement leur expérience. Les relances
reprennent les fins de phrase, demandent des éclaircissements, des compléments, mais
ne font pas de référence à l’éclairage ou à la lumière.
4. Résultats et discussion
16 L’analyse qui suit est construite à partir de quatre représentamens identifiés et pris en
compte par les visiteurs de la Grande Galerie : l’ambiance générale, l’orage, les couleurs
et l’assombrissement. Le codage de l’activité-signe reprend les abréviations du
tableau 1 : représentamens (R), engagement (E), savoirs (S), attentes (A),
interprétant (I), valence émotionnelle (VE). Lorsqu’un visiteur perçoit ou circonscrit un
représentamen (R) en rapport avec la lumière ou l’éclairage, nous identifions ses
attentes, les savoirs mobilisés, la nature de son engagement et les connaissances
construites. La déclaration de la valence émotionnelle guide les chercheurs à identifier
les séquences les plus significatives pour les visiteurs.
4.1. Lambiance et ses effets
4.1.1. Une expérience de bienêtre
17 Les visiteurs évoquent une ambiance générale, et huit d’entre eux s’expriment
spontanément sur sa dimension immersive. Les résultats permettent d’observer trois
éléments. Premièrement, les visiteurs associent l’ambiance aux notions de calme, de
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
8
sécurité, de confiance, de détente et d’apaisement (I). L’ambiance contribue à
construire un sentiment de sérénité et fait vivre une expérience paisible, esthétique, de
détente ou de bien-être. Par exemple, Blandine affirme que « c’est assez éclairé et il y a
une lumière tamisée (I) mais, justement ça détend plus qu’autre chose » (VE+). Christèle
s’aperçoit des lumières dynamiques et déclare : « On est bien (VE+) dans cette ambiance
qui varie (R) ». François observe la structure architecturale et en conclut que « le
bâtiment avec ses lumières est magnifique » (I). Il affirme aussi que « l’ambiance
lumineuse [est] apaisante » (I/VE+) puisque la lumière est « douce » (I). Pour Lionel, « la
lumière est bien et tout est fait pour mettre en confiance » (I). Le visiteur trouve dans le
musée une « dimension artistique et c’est beau ». Marie raconte qu’au départ, elle était
un « peu stressée », après une visite chez le médecin. Elle cherchait à « se
détendre » (A) et y parvient grâce à l’ambiance (I/VE+) : « C’est un sentiment de
détente, de mise à disposition de ce que j’allais découvrir ». Enfin, Sarah parle d’une
« ambiance dynamique » (R/I) qui crée une « énergie intéressante » (I/VE+).
4.1.2. La visite : un lieu à part
18 Deuxièmement, les visiteurs font référence à un état d’autocentrement, de
concentration sur les expôts et de coupure avec la réalité extérieure (E). L’ambiance
stimule une forme d’abstraction du monde externe et participe de la création « d’un
lieu à part », propre au monde de l’exposition (E). François affirme être « dans sa
bulle [et peut] se recentrer sur soi-même » (E). Pour Marie, « les lumières sont vraiment
très bien (I) ». Elle se détend et affirme : « J’ai complètement tout laissé derrière la ville,
la vie, tout ça » (E). Tout est bien éclairé, on voit très bien les animaux (E). J’ai
l’impression qu’on est vite plongé dans un cocon, dans une concentration, et il n’y a
rien qui peut arriver de négatif » (E/I/VE+). Aussi, Nina est immergée dans un « esprit
de découverte » et de coupure avec le monde extérieur : « Il y a une bonne immersion,
le lieu est joli, vaste, c’est un peu sombre et il n’y a pas de lumière – pas de fenêtre – (E/
I), on est dedans vraiment (E), on ne pense pas du tout à l’extérieur, [on oublie] qu’on
est à Paris, on est dans l’exposition, ça capte bien notre attention » (I). L’ambiance de la
Grande Galerie coupe certains visiteurs du monde extérieur au musée et les plonge au
centre du récit expographique.
4.1.3. Entre souvenirs et rêves
19 Troisièmement, les visiteurs font appel à leur imaginaire et à leurs souvenirs.
L’ambiance lumineuse déclenche des images mnémoniques familières qui concourent à
la construction de repères pendant la visite (S). Par exemple, François découvre le lieu
pour la première fois et l’expérience lui permet de « retomber en enfance » (E/S). Il
qualifie l’ambiance de « tranquille et agréable » (I/VE+). Face à ces animaux, Lionel dit :
« Il y a des choses qui ont l’air plus menaçantes et il y a des choses qui ont l’air plus
sereines » (S). D’après lui, c’est un endroit « qui fait rêver » (I/VE+). Marie évoque ses
souvenirs de voyage, car ici tout est « ravivé » (S). En fin d’entretien, elle ajoute : « La
lumière est importante dans la vie animale, dans la vie humaine et dans la vie végétale,
parce que sans la lumière on ne vit pas » (S). Pour certains visiteurs, l’éclairage et
l’ambiance créée induisent, un espace de réflexion, de rêve, d’imaginaire.
20 Considérations - L’ambiance. L’atmosphère décrite par les visiteurs se caractérise par des
zones lumineuses et d’autres, plus sombres. L’éclairage devient ainsi une modalité
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
9
participant étroitement à la construction et à l’expérience de l’ambiance. L’atmosphère
renvoie à une dimension de bien-être, de contemplation esthétique et méditative. Il en
ressort aussi que le dispositif d’éclairage dynamique de la Grande Galerie de l’Évolution
plonge les visiteurs dans une ambiance de rupture qui fait « bulle » selon l’expression
de François. Ce dispositif stimule des souvenirs et provoque l’imaginaire. D’après ces
premières observations, cette atmosphère est suffisamment intense au point de faire
oublier à certains visiteurs la réalité extérieure, de favoriser leur concentration et de
mobiliser leur mémoire, et de créer une atmosphère spécifique à l’exposition.
4.2. Léclairage dynamique, un catalyseur d’expériences ?
4.2.1. Une intrigue à résoudre
21 Nous l’avons déjà précisé, la visite n’est pas synchronisée avec le cycle nycthéméral de
l’éclairage dynamique et les visiteurs déambulent dans l’exposition au gré de
différentes séquences programmées. Le scénario représentant « l’orage » fait partie des
phénomènes les moins observés. Seuls deux visiteurs y ont assisté – Blandine et
Christèle. En entretien, elles évoquent l’expérience, vécue de deux manières
différentes. Blandine lève les yeux au plafond lorsqu’elle entend un bruit comme « un
éclair » :
« Il y avait des espèces de feux de tonnerre aussi à des moments (R). C’est assez
impressionnant, on a envie de dire (E/VE) “Tu as vu ? Ça change de couleur !” (R/A).
C’est marrant, au début je pensais vraiment que c’était le ciel (I) et je ne comprenais
pas pourquoi ça devenait rose au bout d’un moment (A), ou non, c’était plutôt bleu.
Je pensais qu’il commençait à faire nuit (I) et je me suis dit “Bah d’où ? Ça me paraît
bizarre” (S/I). Et après, j’ai vu que c’était un effet (I) » (Blandine).
22 Dans ce cas, la séquence stimule les relations interpersonnelles entre les visiteurs et
intervient dans le besoin de stabiliser la perception de la réalité par un tiers
(interprétant). Blandine veut effectivement résoudre l’intrigue liée à la réalité de
l’orage. Dans cette perspective, elle engage une conversation avec son amie Lamia. Elle
explique en entretien que l’échange lui permet de disposer d’autres éléments pour
construire le sens du phénomène, puisque Lamia a travaillé au muséum.
4.2.2. Un effet de contemplation
23 L’expérience de Christèle diffère, bien qu’elle soit aussi accompagnée :
« Il y a eu un orage à un moment, une espèce de sons d’orage (R). J’adore les
orages (S), donc j’étais très bien (E/VE+). Le son, comment dire… la peur sans avoir
peur (S/VE). Vous voyez, il y a quelque chose qui se prépare, mais vous êtes à
l’abri (I), comme ici avec tous ces animaux sauvages (R), vous ne risquez rien (S/
VE), mais vous êtes au milieu (I). Je ne sais pas pourquoi j’aime l’orage (S). En fait, ça
fait toujours un petit peu peur l’orage (S). C’est quelque chose de fascinant (S),
voilà » (Christèle).
24 Dans ce cas, l’éclairage dynamique incite à la curiosité et à la contemplation, comme un
élément à part entière de l’exposition. Contrairement à Blandine, Christèle a remarqué
des variations de lumière et de son à l’entrée de l’exposition. Christèle – qui a donc déjà
résolu l’intrigue (I/S) –, est concentrée sur son ressenti et sur « les sensations » que
l’orage lui procure (E). Cette expérience artificielle lui rappelle la sensation de plaisir
éprouvée en assistant à des tempêtes naturelles (S/I).
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
10
25 Considérations - L’orage. La séquence de l’orage provoque l’attention des visiteurs
lorsqu’ils en sont exposés. L’éclairage dynamique – dans ce cas associé à une bande-
son –, intervient ainsi comme un dispositif catalyseur d’expériences en cours de visite.
Il incite à la curiosité et à la contemplation, comme un élément à part entière de
l’exposition. Le phénomène est observé chez trop peu de visiteurs pour pouvoir
caractériser une récurrence de l’expérience. Néanmoins, lorsqu’elles existent, les
réactions observées sont prégnantes et montrent que l’éclairage dynamique peut
modifier significativement le cours de visite en détournant l’attention des visiteurs des
expôts et en leur faisant éprouver « des sensations fortes » et en ravivant leurs
souvenirs incorporés. Ces résultats nous invitent à considérer l’éclairage dynamique
comme un dispositif catalyseur d’expériences, capable de focaliser l’attention, de
déclencher des sensations, d’induire des échanges entre visiteurs et de stimuler des
images mnémoniques et des sensations corporelles de référence.
4.3. Les couleurs, un média visuel et cognitif
4.3.1. Une visite en technicolor
26 Les couleurs de l’éclairage dynamique sont également évoquées par les visiteurs, elles
contribuent à l’appréciation esthétique visuelle de la Grande Galerie et de ses expôts.
Par exemple, Marie aperçoit des couleurs dès son entrée dans le grand hall : « Il y avait
des couleurs sombres, marron, terre (R), savane (S/I). Voilà, tout ça mélangé avec des
lumières artificielles (R). C’était très très accueillant (I/VE+) ». Pour Nina : « C’est visuel
en fait : c’est les lumières, c’est les couleurs, les animaux (R). C’est vraiment l’aspect
visuel. Il est fort (I). La façon dont c’est agencé, même qu’on puisse zigzaguer entre les
animaux (E). Tout ça a permis une immersion » (E). Les couleurs stimulent aussi
l’expérience esthétique de Sarah, qui remarque le violet :
« J’ai trouvé que ça [le musée] était très joli (I), dans sa configuration avec les
couleurs, avec le violet (R). J’avais déjà regardé cela avant, mais à ce moment-là,
avec le violet et le bleu, je trouvais tout ça très joli (I). Je ne sais pas comment vous
faites ça (A), mais ça m’a paru très joli. Cela n’a pas contribué à me faire sentir
comme si j’étais en Afrique (S), mais je pense que pour le musée, c’était très
scénique1 (I) » (Sarah).
27 Dans ce cas, les couleurs concourent à une contemplation esthétique de la scénographie
au point de détourner l’attention des expôts et de devenir un élément de contemplation
et d’intrigue pour le visiteur. Les jeux d’orgue de l’éclairage sont également évoqués en
entretien. Nina et Blandine parlent de « jeux de lumière », une combinaison de mots
qu’elles utilisent pour qualifier l’éclairage dynamique :
« À un moment, je suis rentrée dans une espèce de couloir et il y avait des jeux de
lumière (R) pour mettre dans l’ambiance de la mer (I). Même les couleurs des
animaux aussi (R), parce que du coup comme c’est des animaux très variés (S/A), il
y avait beaucoup de couleurs et de différences (I) » (Nina).
« La manière dont c’est placé (R), c’est plutôt intéressant, c’est impressionnant (I).
Aussi parce qu’on a l’impression d’avoir un troupeau devant soi, les petits papillons,
les jeux de lumière aussi (A/I). Justement, je me suis fait la réflexion au niveau de
toute l’expo, ça change de couleurs non (A) ? » (Blandine).
28 On observe que Nina attribue à ces jeux une fonction évocatrice, celle de reconstituer la
mer. De son côté, Blandine attribue une vision dynamique de l’ensemble exposé sous les
variations de lumière.
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
11
4.3.2. Des environnements ravivés
29 Les couleurs interviennent dans la recontextualisation des spécimens naturalisés,
recréant les teintes des environnements naturels. D’autres visiteurs relèvent les
variations de couleur entre le niveau 0 (milieu marin) et le niveau I (milieu terrestre),
ainsi que dans l’ambiance générale de l’exposition. Par exemple, en reprenant le
verbatim de Marie (4.3.a), les couleurs chaudes « marron, terre » sont associées à la
« savane » (S/I). François fait la différence entre les « univers » des spécimens exposés :
« Au-dessus, on était dans du jaune, la terre, le feu (I). Enfin, dans tout ce que ça
représente (S), mais sans que ce soit agressif (I). Et puis, lorsqu’on descend au
niveau marin (R), bah on est plus dans le bleu (I). On est dans l’univers marin (I).
Donc, on reste dans les mêmes univers (I). Il y a le rouge en haut et le bleu (R). Mais
toujours dans cette ambiance apaisante (I/VE+) » (François).
30 D’une part, les couleurs évoquent des environnements naturels et d’autre part, elles
induisent des sensations corporelles comme le chaud et le froid. Maxandre par
exemple, aperçoit l’ambiance bleue « glaciale » et il y attribue la sensation corporelle
déjà vécue :
« La couleur (R) un peu, on va dire, glaciale (I), enfin l’environnement la mise en
scène (R). Bleu (I), on va dire. Le bleu qu’on mettrait pour un chewing-gum (S), un
peu glacial (I), genre rafraîchissant (S). Comparé à ici [le hall du niveau I] (R), ça
serait plus dans les tons du désert (S), enfin plutôt dans l’ambiance parce que ce
sont les animaux du désert (A/I) » (Maxandre).
31 Maxandre compare les couleurs des univers, ce qui lui permet de recontextualiser les
milieux d’origine des spécimens exposés. Aussi, il peut différencier les espaces du
musée.
32 Considérations - Les couleurs. La plupart des visiteurs enquêtés se montrent sensibles aux
couleurs de la Grande Galerie : le noir de l’ambiance générale, le jaune des « univers »,
le bleu dans les étages du musée, l’impact de ces couleurs sur le pelage ou la peau des
animaux, la mise en scène dynamique et les jeux de lumière colorée. La perception des
couleurs intervient sur la construction du sens à plusieurs degrés : esthétique, cognitif,
mnémonique et corporel. Les couleurs segmentent le parcours de visite, rythment la
lecture de l’agencement de l’exposition. Elles l’enrichissent d’effets esthétiques et
stimulent des souvenirs et des sensations. Les résultats nous invitent à considérer avec
attention les possibles usages de la lumière dynamique et colorée au sein de
l’exposition. Les nouveaux usages de la lumière dans le musée peuvent renforcer la
trame narrative expographique de l’exposition et favoriser l’interprétation des
visiteurs et leurs sensations corporelles.
4.4. Assombrir pour valoriser ou effacer
4.4.1. Voir dans le noir
33 La Grande Galerie de l’Évolution est principalement plongée dans la pénombre et le
noir est la nuance dominante remarquée par tous les visiteurs. Par ailleurs, la Galerie
est décrite comme étant « tamisée », « sombre », parfois « très sombre » (I). En
comparaison à l’atmosphère (4.1), à l’orage (4.2) et aux couleurs (4.3),
l’assombrissement de la Grande Galerie est l’état le plus souvent évoqué durant les
entretiens d’autoconfrontation. Les visiteurs évoquent deux réactions opposées, et ce
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
12
parfois au cours d’une même expérience. La première réaction est la contemplation.
Quand Léon entre dans l’espace d’exposition, son attention est directement attirée par
les plus gros animaux, disposés au centre et qui bénéficient d’un éclairage focalisé :
« Quand vous entrez, vous voyez les gros animaux au centre et puis les plus petits sur
les côtés (R), parce que la lumière est dirigée sur eux (I). Mettre tous ces gros animaux
au centre et éclairer était une bonne idée2 (I) ». Dans ce cas, Léon perçoit les contrastes
d’éclairement et apprécie l’impact visuel que cela procure. Marie est également
sensible à cette ambiance générale sombre et aux éclairages focalisés : « La voûte est
assez apaisante parce qu’elle permet de la lumière tout en gardant de l’obscurité
suffisamment pour pouvoir être à l’aise et ne pas être sollicité par un excès lumineux
excitant (I/VE+). Tout en permettant d’avoir une visibilité qui est très bien (E/I).
L’éclairage du musée, il est très bien (I) ». Pour Nina, son impression de lumières
« tamisées » ne la surprend pas (R), car elle trouve cela commun à d’autres musées (S),
ainsi elle intègre rapidement l’assombrissement comme norme de son expérience (I/S).
Sarah le compare à l’éclairage des musées à New York, d’où elle est originaire. Elle n’a
jamais vu de mises en scène similaires :
« C’est plus sombre que beaucoup de musées que j’ai visités aux États-Unis, à New
York (S). Oui, j’ai trouvé que c’était vraiment bien fait (I), la façon dont la salle a été
aménagée (R). Et il y avait des gens qui regardaient partout, mais aussi on n’avait
pas l’impression d’être encerclé (I/VE) parce que les choses étaient espacées et
crépitaient (I). C’est l’une des choses qui m’intéressaient (R)3 » (Sarah).
34 Pour Sarah l’expérience est aussi culturelle. Elle rapproche son expérience au sein de la
Grande Galerie aux « nombreux » musées dont elle a l’habitude à New York. Le sombre
stimule des images mnémoniques qui servent de référentiel à l’expérience de visite.
4.4.2. Un obscurcissement gênant
35 Le sombre de la Grande Galerie gêne également les visiteurs en cours de visite. Cette
séquence est la plus commentée par les visiteurs. Blandine évoque la pénombre dans les
galeries autour du hall qui rend la vision et la lecture difficiles :
« C’était plutôt tamisé, voire très très sombre, à des endroits (I). Par exemple, on ne
voit pas du tout ce qu’il y a là (E), alors que c’est un éléphant (R). Oui, de la difficulté
à lire les écriteaux à certains endroits puisque dans certains angles, il y a très peu
de lumière (A). Ce n’est pas forcément une gêne, mais c’est étonnant pour un
endroit qui expose, puisqu’on est censé voir et lire (S). [Je m’attendais à] un peu
plus de lumière, oui (A) » (Blandine).
36 De même, Christèle ne profite pas de la vue de certains éléments qui pourtant
l’intéressent. Elle est attirée par les reptiles, mais elle ne les voit pas assez bien et passe
à autre chose. Pour Christèle la partie sombre « n’est pas la plus agréable » (R/VE) et
« on rate beaucoup d’informations » (I) : « On aime bien voiron est, nous, on se
trouve (S). Puis après, on est allé faire le tour là (E), mais c’est beaucoup moins
éclairé (I). C’est dommage parce qu’on ne profite pas de la même façon de toutes les
espèces qu’on voit (A/I/VE). On est attiré en premier par la grande partie [du hall du
niveau I] (A/E) et après on ne sait pas trop où se diriger vers les étages (E/I) ». Christèle
considère que la Grande Galerie de l’Évolution « c’est moins beau » (I) par rapport aux
Serres du Jardin de Plantes qu’elle vient de visiter (S). Les lumières, explique-t-elle,
jouent un rôle important (S/I). Christèle exprime son contentement en fin de
visite (VE+) mais, elle regrette un manque de visibilité à certains endroits (I/VE) :
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
13
« Plaisir, détente, bien-être, découverte : c’est que du positif pour moi
aujourd’hui (I/VE+). Dans cet endroit malheureusement je ne pourrai pas voir tout
en détail (A). Il y a des choses qui sont un petit peu, comment dire, qu’on ne
découvre pas suffisamment bien du fait de la présentation par rapport à la
luminosité, parce qu’on zappe un petit peu là, c’est beaucoup plus sombre (I/VE) »
(Christèle).
37 Pour François, il y a également des parties qui manquent d’éclairage (A). Il suggère
alors d’ajouter des spots dans les vitrines pour faciliter la vision et la lecture (I). Dans le
hall, il renonce à voir de près les papillons pour ces raisons. Il est conscient qu’une
lumière plus forte pourrait nuire à la conservation des insectes (S). Malgré tout, la
pénombre apporte une ambiance qu’il apprécie :
« C’est magnifique, cet aspect de tranquillité dû à la lumière qui est faible (A/I/VE+).
Ça peut être contradictoire par rapport à certaines choses qu’on a dû mal à voir ou
à lire, il manquerait peut-être des petits spots à l’intérieur des vitrines pour
davantage éclairer (A). Mais je pense que ce n’est pas bon non plus pour les
animaux, les insectes (S/I) » (François).
38 Selon Lionel, les vitrines des papillons sont sombres. Il passe ainsi rapidement. Plus
tard dans la visite, il se trouve face à l’éléphant asiatique exposé dans un coin
« sombre ». Cela contribue à solliciter son imagination :
« C’est tout notre imaginaire qui se met en place. C’est un endroit qui fait rêver
parce que ça vous amène chez Kipling, chez les histoires, tout ce qu’on pouvait lire
quand on était enfant et qui vous faisait voyager (E/S). J’y vois moins bien du
coup (E), mais ça ne me dérange pas plus que ça (I). Au contraire pour la mise en
scène (R), je pense que c’est vraiment étudié, je suppose (I) » (Lionel).
39 Sarah est plus sensible aux ambiances lumineuses se démarquant de la pénombre. Son
parcours est influencé par l’éclairage. À un moment, elle décide de quitter une zone
sombre pour aller vers les ours polaires exposés dans une zone plus éclairée : « Je pense
que je suis juste plus intéressée par les animaux que je n’ai jamais vus auparavant
comme les ours polaires (A) et c’était aussi dans une zone mieux éclairée du musée (A/
I), donc j’ai naturellement porté plus d’attention4 (E) ». La question de la lisibilité se
pose également pour Maxandre lorsqu’il visite la Galerie des espèces disparues :
« Toutes les vitrines n’étaient pas très éclairées (R). Alors, je forçais un peu pour
voir (E). Ce qui m’intéressait c’était de voir si les espèces étaient éteintes ou pas (A).
Pour lire (E), c’est peut-être un peu compliqué (A) ». Le cas de François-Clair est
différent, il est attiré par les espaces les plus sombres. Il décide précisément de se
rendre vers le fond de la galerie pour cette raison car « il n’y avait pas de monde et
c’était assez sombre » (A).
40 Considérations - La perception du sombre. L’assombrissement de la Grande Galerie
provoque deux réactions opposées chez les visiteurs enquêtés, la fascination et la
contrainte, parfois au cours d’une même expérience de visite. Ce phénomène semble
s’expliquer par les différentes nuances du rapport à l’obscurité. 1) La « pénombre » de
l’ambiance générale apaise le regard, fascine et incite à l’imagination. 2) Le contraste
des « ombres » attire l’attention, rythme la découverte et sculpte les spécimens.
3) Certains espaces laissés dans « l’obscurité » peuvent irriter du fait des attentes des
visiteurs à voir dans un musée, comme les vitrines munies de fibres optiques et les
cartels peu éclairés. Les différentes impressions décrites suggèrent que les visiteurs
accueillent positivement l’assombrissement du cadre général lorsque la lumière éclaire
précisément les spécimens ou contribue à l’ambiance. Au contraire, les visiteurs sont
gênés lorsque l’assombrissement entrave l’étude détaillée des vitrines et la lecture des
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
14
cartels, tel qu’attendu dans un musée. Cela concerne les publics interrogés
indépendamment de l’âge (de vingt à soixante-cinq ans environ), qui quittent
rapidement ces endroits et se concentrent sur des espaces visuellement plus
ergonomiques. Dans cette perspective, le sombre du musée est à la fois un élément
d’appréciation et de répulsion. Sa présence générale contribue à créer une ambiance
agréable, tandis que son excès nuit à une bonne perception. En revanche, les contrastes
d’ombre et de lumière favorisent la perception des spécimens. En effet, c’est parce que
la galerie est sombre que les différences de formes et de couleurs sont davantage
remarquées. Dans cette perspective, assombrir pour « mieux voir » est vrai pour la
perception, à condition que le niveau d’éclairement soit suffisant pour « voir » les
expôts.
5. Apports et perspectives du cours d’expérience avec
la médiation de l’éclairage
41 D’une façon générale, l’éclairage dynamique n’est pas pensé dans les musées comme un
dispositif de médiation visant à stimuler et à influencer l’expérience visiteur. Le
spectacle permanent de la Grande Galerie de l’Évolution fait exception. Selon
l’intention de ses concepteurs, l’éclairage dynamique vise à favoriser l’expérience
cognitive, émotionnelle, esthétique, physique et sémantique des visiteurs (Galangau-
Quérat et al., 2014). Pour cela, les architectes, les scénographes et les éclairagistes
impliqués dans la rénovation ont conçu (i) une ambiance générale dynamique
reproduisant un cycle nycthéméral d’une heure et quinze minutes, composé de sept
séquences (matin, ciel nuageux, orage, journée, tombée de la nuit, nuit, lever du jour),
(ii) quatre ambiances d’éclairage focalisé pour simuler des environnements naturels
(pôles, savane, désert, forêt tropicale) et (iii) un éclairage général et architectural. Les
enquêtes du cours d’expérience des visiteurs dans la Grande Galerie permettent de
comprendre les effets des dispositifs d’éclairage dynamique sur l’expérience vécue. Les
visiteurs enquêtés perçoivent aisément les variations d’éclairage et en parlent
spontanément en entretien, alors que le sujet a été soigneusement évité par les
chercheurs.
42 L’enquête est exploratoire, néanmoins, l’analyse des cours d’expérience des visiteurs
permet d’ores et déjà d’identifier des effets propres à l’éclairage, et nous invite à
considérer sérieusement l’éclairage dynamique comme un dispositif de médiation.
Premièrement, l’éclairage dynamique contribue à créer une ambiance, favorise le bien-
être, plonge le visiteur dans l’exposition et stimule des images mnémoniques.
L’atmosphère lumineuse influence les états émotionnels des visiteurs, qui déclarent se
concentrer, se détendre et se sentir participer à l’exposition, au point d’oublier le
monde extérieur. L’installation favoriserait ainsi des états méditatifs et contemplatifs.
Deuxièmement, certains effets spectaculaires, comme l’orage, semblent jouer le rôle de
catalyseur d’expériences interpersonnelles, sensationnelles et parfois contemplatives,
devenant des éléments narratifs de l’exposition à part entière et participant de
l’intrigue expographique. Troisièmement, les résultats ont mis en évidence le potentiel
de la lumière colorée et de ses variations. Les couleurs contribuent à l’atmosphère,
créent une dynamique, différencient l’exposition d’autres espaces visités auparavant,
simulent des ambiances, permettant de recontextualiser les environnements des
expôts, stimulent la mobilisation des souvenirs, des sensations corporelles et
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
15
segmentent la lisibilité de l’espace de visite. Quatrièmement, l’assombrissement de
l’exposition et les contrastes d’ombres et de lumières attirent l’attention et guident le
regard. Or, le manque de lumière gêne la perception des expôts présentés et la lecture
des cartels, il détourne l’attention des visiteurs et conduit à décevoir leurs attentes.
43 Les résultats confortent l’hypothèse initiale : l’éclairage dynamique peut faire vivre une
histoire aux visiteurs, participe directement de la construction de sens des visiteurs, en
suscitant des engagements, en stimulant des références et des attentes, qui sont
finalement traduites en connaissances. L’éclairage « raconte » des phénomènes comme
l’orage situe l’histoire dans un contexte naturel, comme la savane et les pôles.
L’éclairage participe de la construction de sens indirectement à travers les ambiances
qui aident à s’isoler du monde extérieur. Les résultats suggèrent aussi que les phases de
réception des visiteurs sont cadencées par les séquences du cycle de l’éclairage.
L’intention stratégique communicationnelle de cet ensemble scénographique influence
les relations entre les visiteurs et les objets exposés et entre les visiteurs eux-mêmes.
Les visiteurs se concentrent sur les spécimens bien éclairés et cette proximité leur fait
vivre de multiples expériences. La mise en lumière favorise la rencontre ou au
contraire, l’en empêche lorsque l’éclairage est insuffisant. Par ailleurs, l’éclairage
dynamique stimule des sentiments comme l’apaisement, les émotions avec le
contentement ou l’insatisfaction et les sensations corporelles avec le bien-être et le
ressenti chaud/froid. Ainsi, nous proposons de considérer avec attention l’éclairage en
général, et l’éclairage dynamique en particulier, comme un dispositif de médiation à
part entière.
44 « Le plus grand défi pour l’éclairage des musées aujourd’hui […] est de suivre les
changements rapides et simultanés de la technologie de la lumière et de comprendre
comment la lumière affecte le comportement humain5 » soulignent Anya Hurlbert et
Christopher Cuttle (2020, p. 1). L’étude du dispositif de médiation lumière en est à ses
débuts et le choix du programme de recherche du cours d’action, comme l’ont
récemment soutenu Jean Davallon et Émilie Flon (2013), pourrait ouvrir un champ de
recherche fécond pour saisir et étudier l’expérience visiteur au musée et ainsi enrichir
les médiations des expositions.
BIBLIOGRAPHIE
Ajmat, R., Sandoval, J., Arana Sema, F., O’Donell, B., Gor, S., & Alonso, H. (2011). Lighting design in
museums: Exhibition vs. preservation. Structural Studies, Repairs and Maintenance of Heritage
Architecture XII The Built Environment, 118, 195-206.
Aubert, O., & Prié, Y. (2005). Advene : active reading through hypervideo. Proceedings of ACM
Hypertext’05, 235-244.
Aubert, O., Prié, Y., & Schmitt, D. (2012). Advene as a tailorable hypervideo authoring tool : a case
study. Proceedings of the 2012 ACM Symposium on Document Engineering (DocEng), ACM New
York, 79-82.
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
16
Bazin, G. (1967). Le temps des musées. Liège : Desoer, Paris : Hachette.
Bergeron, A., Costain, C., & Courchesne, L. (1992). L’éclairage dans les institutions muséales. Québec :
Société des Musées Québécois – Musée de la civilisation.
Bloom, B. S. (1953). Thought-processes in lectures and discussions. The Journal of General Education,
7(3), 160-169.
Brill, T. B. (1980). Light: Its Interaction with Art and Antiquities. New York: Plenum Press.
CIE (2004). CIE 157: 2004. Control of damage to museum objects by optical radiation. Vienne :
Commission Internationale de l’Éclairage.
Cuttle, C. (2007). Light for Art’s Sake. Lighting for Artworks and Museum Displays. Amsterdam, Boston :
Butterworth-Heinemann.
Davallon, J., & Flon, É. (2013). Le média exposition. Culture et Musées, Hors-série, 19-45.
Davallon, J., & Le Marec, J. (2000). L’usage en son contexte. Sur les usages des interactifs et des
cédéroms des musées. Réseaux, 18(101), 173-195.
Desvallées, A., & Mairesse, F. (2011). Architecture. In A. Desvallées, & F. Mairesse Eds.),
Dictionnaire encyclopédique de muséologie (pp. 27-51). Paris : Armand Colin.
Dufresne-Tassé, C., Sauvé, M., Weltzl-Fairchild, A., Banna, N., Lepage, Y., & Dassa, C. (1998). Pour
des expositions muséales plus éducatives, accéder à l’expérience de visiteur adulte.
Développement d’une approche. Revue canadienne de l’éducation, 23(3), 302-315.
Eidelman, J., Roustan, M., & Goldstein, B. (2007). La place des publics. De l’usage des études et
recherches par les musées. Paris : La Documentation française.
Ezrati, J.-J. (2014). Éclairage d’exposition. Musées et autres espaces. Paris : Eyrolles.
Feltrin, F., Leccese, F., Hanselaer, P., & Smet K. A. G. (2020). Impact of Illumination Correlated
Color Temperature, Background Lightness, and Painting Color Content on Color Appearance and
Appreciation of Paintings. LEUKOS, 16(1), 25-44.
Folckar, I. (1932). L’éclairage au musée national de Stockholm. Mouseion, 17-18, 116-118.
Galangau-Quérat, F., Chemetov, P., & Gauthier, C.-A. (2014). La Grande Galerie de l’Évolution. L’esprit
du lieu. Paris : Nouvelles Éditions Scala, Muséum national d’Histoire naturelle.
Gilman, B. I. (1918). Museum ideals: of purpose and method. Cambridge : Riverside Press.
Gobbato, V. (2019). L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation ? Mémoire de Muséologie et
Nouveaux Médias, Université Sorbonne Nouvelle.
Guadet, J. (1901-1904). Les édifices d’instruction publique. In J. Guadet (Ed.), Éléments et théorie de
l’architecture, Tome II (p. 309-344). Paris : Librairie de la construction moderne.
Hautecœur, L., & Desvallées, A. (préface) (1934/1993). Architecture et aménagement des musées,
Rapport de la Société des Nations. Paris : Réunion des musées nationaux.
Hurlbert, A., & Cuttle, C. (2020). New Museum Lighting for People and Paintings. LEUKOS, 16(1),
1-5.
Le Marec, J. (1993). L’interactivité, rencontre entre visiteurs et concepteurs. Publics et Musées, (3),
91-109.
Nakamura, S., Kamiya, S., & Inoné, K. (1936). Détermination expérimentale de l’éclairage au
Musée Impérial de Tokio. Mouseion, 33-34(1-2), 191-193.
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
17
Nascimento, S. M. C., & Masuda, O. (2014). Best lighting for visual appreciation of artistic
paintings – Experiments with real paintings and real illumination. Journal of the Optical Society of
America, A31(4), A214-A219.
Nielsen, G. (1962). Studies in self confrontation. Copenhague : Munksgaard.
Nigro G., & Neisser U (1983). Point of view in personnal memories. Cognitive Psychology, 15,
467-482.
Ria, L., Sève, C., Saury, J., Theureau, J., & Durand, M. (2003). Beginning Teacher’s Situated
Emotions: a study of first classroom experiences. Journal of Education for Teaching, 29(3), 219-233.
Richardson, E., Woolley, E., Yurchenko, A. & Thickett, D. (2020) Assessing the Impact of LED
Lighting on the Stability of Selected Yellow Paint Formulations. LEUKOS, 16(1), 67-85.
Rix, G., & Biache, M.-J. (2004). Enregistrement en perspective subjective située et entretien en re-
situ subjectif : une méthodologie de la constitution de l’expérience. Intellectica, 38, 363-396.
Samson, D., Schiele, B., & Di Campo, P. (1989). L’évaluation muséale, publics et expositions.
Bibliographie raisonnée. Paris : Expo Média.
Schiele, B. (2014). Les études de visiteurs. In L. Daignault, & S. Bernard (Eds.), Les musées et leurs
publics (pp. 7-69). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Schiele, B. (1992). L’invention simultanée du visiteur et de l’exposition. Publics et Musées, 2, 71-98.
Schielke, T. (2020). Interpreting Art with Light: Museum Lighting between Objectivity and
Hyperrealism. LEUKOS, 16(1), 7-24.
Schmitt, D. (2012). Expérience de visite et construction des connaissances : le cas des musées de sciences et
des centres de culture scientifique. Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la
Communication, Université de Strasbourg.
Schmitt, D. (2013). Décrire et comprendre l’expérience des visiteurs. In André Desvallées. ICOFOM
Study Series – Le visiteur particulier : chacun et n’importe lequel d’entre nous, ISS 42, 205-216.
Schmitt, D. (2015). Ce que « comprendre » signifie pour les jeunes visiteurs dans un centre de
culture scientifique. Questions de communication Série actes, 25, 225-238.
Schmitt, D., & Aubert, O. (2016). REMIND, une méthode pour comprendre la micro-dynamique de
l’expérience des visiteurs de musées. (Europia, Éd.) RIHM, Revue des Interactions Humaines
Médiatisées, 17(2), 43-70.
Serain, F., Chazottes, P., Vaysse, F., & Caillet, É., & (2016). La Médiation culturelle, cinquième roue du
carrosse ? Paris : Édition L’Harmattan.
Soucy, J. (de) (1934). L’éclairage des musées de France. Mouseion, 27-28 (3-4), 192-214.
Stein, S. C., & Rosenfield, I. (1935). Éclairage naturel et éclairage artificiel. In S.C. Stein (Ed.),
Muséographie : architecture et aménagement des musées d’art / Conférence internationale d’études,
Madrid, 1934 (pp. 76-155). Paris : Société des nations, Office international des musées.
Theureau, J. (1992). Le cours d’action : analyse sémio-logique. Essai d’une anthropologie cognitive
située. Berne : Peter Lang.
Theureau, J. (2004). Le cours d’action : méthode élémentaire. Toulouse : Octarès.
Theureau, J. (2006). Le cours d’action : méthode développée. Toulouse : Octarès.
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
18
Theureau, J. (2010). Les entretiens d’autoconfrontation et de remise en situation par les traces
matérielles et le programme de recherche « cours d’action ». Revue d’anthropologie des
connaissances, 4(2), 287-322.
Thomson, G. (1978/1986). The Museum Environment. Londres, Boston : Butterworths.
Tulving, E. (1983). Elements of episodic memory. Oxford : Clarendon Press.
Varela, F.-J. (1989). Autonomie et connaissance. Paris : Le Seuil.
Verne, J. (1937). Le Louvre la nuit. Grenoble : Éditions B. Arthaud.
NOTES
1. I thought this [the museum] was very pretty (I), the way it was set up with the colors, with the
purple (R). I looked that before, but at that moment with all the purple and the blue I thought it
was very pretty (I). I don’t know how you do (A), but it looked very pretty to me. It didn’t
contribute to make me feel like I was in Africa (S), but I think just for the museum it was very
scenically.
2. When you are entering, you see animals in the center and then smaller on the sides (R)
because the light is directed on them (I). To put all these big animals in the centre and to
highlight them was a good idea (I).
3. It’s darker than a lot of museums I have been to the US, New York (S). Yes so, I thought it was
really well done (I), the way the room was set up (R). And there were some people looking
everywhere, but also it didn’t feel like you were overrun (I/VE) because things were spaced out
and were crackling (I). That was one of the things I was interested in (R).
4. I think I am just more interested by animals that I have never seen before like polar bears (A)
and it was also in a better light area of the museum (A/I), so naturally I picked more
attention (E).
5. The biggest challenge for museum lighting today […] is keeping up with the concurrent rapid
changes in light technology and the understanding of how light affects human behavior.
RÉSUMÉS
Depuis le XVIIIe siècle, architectes et responsables de musée se servent de l’éclairage naturel et
artificiel pour éclairer les œuvres et les objets. Aujourd’hui, les praticiens tels que les
muséographes, scénographes et concepteurs lumière, en font un outil pour construire des
ambiances et guider le regard des visiteurs. Au-delà de mettre les œuvres en valeur, l’éclairage
circonscrit ce que l’on montre et indique ce dont on parle. Néanmoins, le potentiel de l’éclairage
– en tant que dispositif de médiation participant directement de l’expérience sensible et
cognitive des visiteurs –, reste à montrer et à expliciter. Dans cette perspective, nous avons
étudié le cours d’expérience des visiteurs dans la Grande Galerie de l’Évolution au Muséum
national d’Histoire naturelle à Paris, qui présente une installation d’éclairage dynamique conçue
comme une scénographie immersive. Les résultats mettent en évidence les apports de cette
installation dans le processus de construction de sens et l’expérience visiteur. L’installation
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
19
contribue à créer une atmosphère de bien-être, évoque les couleurs de milieux naturels, éclaire
ou assombrit l’exposition pour favoriser ou limiter l’attention, agit comme catalyseur
d’expériences interpersonnelles et contemplatives. Ces résultats nous encouragent à explorer les
potentiels de l’éclairage en tant que dispositif de médiation.
Since the 18th century, architects and museum managers have used natural and artificial
lighting to light artworks and exhibits. Today, practitioners such as museographers,
scenographers and lighting designers use it as a tool to build atmospheres and to guide the
visitor’s gaze. Beyond merely highlighting artwork, lighting defines what is shown, and indicates
the object of discussion. The potential of lighting – as a mediating device that directly affects the
visitor’s sensitive and cognitive experience – remains to be shown and explained. It was from this
standpoint that we studied visitor experience in the Grande Galerie de l’Évolution at the Muséum
national d’Histoire naturelle in Paris, which presents a dynamic lighting installation conceived as an
immersive scenography. We found that this installation plays an important role in the process of
constructing sense and visitor experience. It helps to create an atmosphere of well-being,
evoking the colors of natural environments, lighting or darkening the exhibits to attract or
reduce attention, and acts as a catalyst for interpersonal and contemplative experiences. These
results encourage us to explore the potential of lighting as a mediating device.
INDEX
Mots-clés : éclairage, médiation culturelle, musée, cours d’action
Keywords : lighting, cultural mediation, museum, course of action
AUTEURS
VIVIANA GOBBATO
Université Sorbonne Nouvelle, Laboratoire Cerlis, Centre de recherche sur les Liens Sociaux, 45,
rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France - viviana.gobbato@sorbonne-nouvelle.fr
VIRGINIE BLONDEAU
Université Polytechnique Hauts-de-France, Laboratoire DeVisu – Laboratoire Design Visuel et
Urbain, rue Michel Rondet, 59135 Wallers-Arenberg, France - virginie.blondeau@uphf.fr
MARINE THÉBAULT
Université Polytechnique Hauts-de-France, Laboratoire DeVisu – Laboratoire Design Visuel et
Urbain, rue Michel Rondet, 59135 Wallers-Arenberg, France - marine.thebault@uphf.fr
DANIEL SCHMITT
Université Polytechnique Hauts-de-France, Laboratoire DeVisu – Laboratoire Design Visuel et
Urbain, rue Michel Rondet, 59135 Wallers-Arenberg, France - daniel.schmitt@uphf.fr
L’éclairage dynamique, un dispositif de médiation. Le cours d’action pour éva...
Activités, 17-2 | 2020
20
... On peut faire mentir une oeuvre avec de la lumière. » Par ailleurs, plusieurs études scientifiques montrent l'influence de l'éclairage sur la préférence visiteur en matière de rendu de couleurs des oeuvres (Feltrin et al., 2020 ;Liu et al., 2013), de température de couleur de la lumière (Nascimento & Masuda, 2014), d'intensité lumineuse (Ajmat et al., 2011) et de stimuli dynamiques (Gobbato et al., 2020). ...
Article
Full-text available
L’éclairage des musées apparaît comme un angle mort de la muséologie, où il est le plus souvent considéré comme un facteur de dégradation à maîtriser pour respecter les normes de conservation préventive. Pourtant, les professionnels de l’éclairage muséal revendiquent depuis plusieurs années l’étendue de ce qui est possible avec la lumière, au-delà de protéger et de valoriser les expôts : contribuer à la manière dont les visiteurs perçoivent et reçoivent ces expositions. Dès lors, la question des applications de l’éclairage au musée se pose. Comment la lumière naturelle et artificielle pourrait-elle être considérée sous d’autres perspectives que ses fonctions techniques en muséologie ? Cet article présente et discute les résultats d’une enquête qualitative menée auprès de vingt-et-un musées d’art en Europe. Les conclusions concordent avec la littérature en matière de conservation préventive, mais soulèvent aussi d’autres applications possibles comme l’interprétation et la médiation par la lumière. Ces résultats ouvrent la voie d’une réflexion en muséologie sur les usages communicationnelle de la lumière et suggèrent de nouvelles pistes d’étude de l’éclairage en tant que dispositif stimulant à part entière l’expérience et la compréhension des visiteurs.
... En revanche, le potentiel de l'éclairage n'est pas encore identifié comme un dispositif de médiation à même de stimuler et d'orienter la production de sens, l'expérience émotionnelle et sensorielle des visiteurs. En 2019, une première enquête (Gobbato, Blondeau, Thébault, et al. 2020) a été menée sur l'éclairage scénographique des collections zoologiques de la Grande Galerie de l'Évolution au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. Celle-ci dispose d'un éclairage dynamique au niveau du plafond et des murs de la galerie simulant des effets météorologiques qui contribuent à l'ambiance dans laquelle se situent les spécimens : le matin, le ciel nuageux, l'orage, la journée, la tombée de la nuit, la nuit, le lever du jour. ...
Thesis
Full-text available
Au départ de l’étude se situe l’art contemporain, partagé entre l'admiration et l'incompréhension de la part du public. Ces réactions prennent racines au début des années 1960 et à la fin des années 1970 dans un ensemble de pratiques dénommé « art conceptuel ». La primeur étant donnée à l’idée sur l’objet réalisé, l’art conceptuel soulève la question déterminante de l’expérience depuis celle de l’artiste jusqu’à celle du public. Pensée comme forme particulière de relation au monde, l’expérience dans ce travail de recherche est entendue à travers le cadre énactif comme la dynamique cognitive, corporelle et émotionnelle d’une personne. La conduite d’entretiens en remémoration stimulée auprès de visiteurs d’expositions, principalement d’art, récentes décrit la dynamique de leurs expériences et fait apparaître une tension entre des visiteurs en demande d’accès au monde propre de l’artiste tel qu’en bénéficient les curateurs et la croyance partagée par les artistes et les curateurs d’une médiation qui entrave la relation aux oeuvres les conduisant à en refuser toute forme explicite. En considérant la notion de couplage issue de l’énaction comme influence inévitable et réciproque sur la perception du monde par une personne, le monde vu comme une imbrication de mondes propres invite à envisager une approche systémique de l’exposition. Cette thèse défend une approche relationnelle de l’exposition comme méthode de conception et d'expérience du monde dans laquelle la relation à l’objet n’est plus exclusive et peut passer par la relation à la relation (métaliction) d’une personne au monde propre de l’artiste. Cela se présente comme une aide à la compréhension des oeuvres permettant au public de fabriquer du sens (des lictions) à sa façon et de faire oeuvre des objets exposés. Enfin, en considérant la narration comme étant fondamentale à la pensée humaine, l’écriture d’un scénario prenant la forme d’un récit collectif se présente comme une méthodologie qui accompagne la conception d’une exposition. L’agencement d’une histoire personnelle selon un cadre expérientiel peut faire énacter au public véritablement ou de façon fictive une nouvelle expérience proche de la « réalité ».
... In 2019, we carried out a first investigation on the lighting scenario within the Grande Galerie de l'Évolution (Muséum national d'Histoire naturelle, Paris) [12]. The results indicated that lighting, as an element structuring the exhibition of the scientific collection, contributes to visitors' experience and sense making. ...
Conference Paper
Full-text available
This study questions the effects of a lighting scenario designed as a mediation device for Raoul Dufy's painting La Fée Électricité (1937) within the Museum of Modern Art in Paris (MAM). It discusses the visitor's experience from the REMIND theoretical research program to understand how lighting influences visitors' cognitive, emotional and sensory experience (embodied cognition). Results allow to consider new possibilities related with lighting and other "sensorial" devices. This could contribute to theorizing a "sensorial" field of museum studies, and to develop adapted devices.
... This presentation focuses on the results of an exploratory study conducted in 2019 at the Grande Galerie de l'Évolution within the Muséum national d'Histoire naturelle, Paris. This zoology gallery is equipped with an immersive sound and light show [20] [21]. The research aimed to identify the role of light in embodied experience and attempted to describe its contribution to the process of sense-making. ...
Conference Paper
Full-text available
Museum lighting is a radical gesture. It creates atmosphere, circumscribes the exhibition space, protects, and enhances objects and works of art. Besides, dynamic lighting interacts with visitor experience and their navigation. But can lighting also influence the sense-making? And if so, how? This presentation deals with the impact of dynamic lighting on visitor experience at the Grande Galerie de l'Évolution within the Muséum national d'Histoire naturelle (Paris, France)-which is provided with an immersive lighting scenography, called "the sound and light show". The research aimed to identify the role of light in embodied experience and attempted to describe its contribution to the process of sense-making. Results suggest that lighting rhythms the visit. It creates contemplative sequences or accelerates the navigation. It calls on memories and mnemonic images. It stimulates emotions, sensations, interactions with the space and between the visitors.
... En 2019, nous avons réalisé une première enquête sur l'éclairage scénographique des collections zoologiques de la Grande Galerie de l'Évolution (Muséum national d'Histoire naturelle, Paris) (Gobbato et al., 2020). Les résultats ont permis de comprendre que l'éclairage scénographique de la Grande Galerie de l'Évolution stimule et influence, à un moment de leur visite, l'expérience des visiteurs, et ainsi modifie leur production de sens (Gobbato & Schmitt, 2021). ...
Article
Full-text available
Since the 1990s, museology and information and communication sciences have been working to define cultural mediation in museums. They came to consider cultural mediation with reference to human mediation, then to aesthetic, artistic, digital, technological, scientific mediations. Nevertheless, there is still an unexplored area in terms of museum devices and mediation that appeal to the senses (lighting, sound, touching, among others). Then, could we properly consider a “sensory” mediation? The authors particularly question the effects of an experimental lighting scenario designed as a mediation device for Raoul Dufy’s painting La Fée Électricité (1937) within the Museum of Modern Art in Paris (MAM). They discuss the visitors’ experience from the REMIND theoretical research program to understand how lighting influences visitors’ cognitive, emotional, and sensory experience (embodied cognition). Results allow to consider new possibilities related to lighting and other “sensory” devices. This could contribute to participating in a theoretical framework for a “sensory” mediation in museology, and then to develop adapted mediation devices.
... © V. GobbatoEn quête du sensible 5 La Grande Galerie de l'Évolution à Paris est un terrain propice à notre question de recherche(Gobbato et al., 2020). Elle est l'un des rares musées européens à disposer d'une installation d'éclairage dynamique DMX (Digital Multiplexing). ...
Article
Full-text available
Le pilotage dynamique de l’éclairage offre aujourd’hui de nombreuses possibilités de modélisation et de contrôle de la lumière. Ces technologies peuvent guider le regard des visiteurs, leur faire vivre des nouvelles expériences esthétiques, sensibles et cognitives. L’éclairage dynamique peut participer d’une nouvelle forme de médiation.
Article
Full-text available
This paper raises the possibility of museum lighting as a tool for ‘mediation’ within museums. It studies its functions in the process of interpreting, transmitting and receiving collections. Based on a comprehensive approach to design and experience, the author focuses specifically on three possible functions: ostensive function (to show space and artworks), cognitive function (to influence the construction of meaning and reasoning), and aesthetic function (to stimulate sensitive and contemplative states). To explore the mediating functions of lighting in both design and experience, she discusses the findings from several case studies (30 European museums), interviews with lighting designers and museum managers (54), as well as participant observations (4 months) and surveys on embodied cognition and experience (26). Three concepts emerge that could contribute to new research studies in the field of museology, specifically focusing on exhibition design and the visitor experience: ‘museum lighting design,’ ‘light sensory index’ and ‘luminous sensory mediation.’
Article
L’émoussement de la sensibilité des visiteurs aux œuvres d’art est une réalité à laquelle les institutions culturelles sont aujourd’hui confrontées. Afin de recréer du lien et du sens face aux œuvres, les musées se sont engagés dans « un tournant sensible ».
Article
Full-text available
Este artigo tem como objetivo identificar, a partir de uma perspectiva semiótica, a diversidade de signos em mapas como componentes de exposições virtuais e suas contribuições para a inclusão de crianças em museus. Para tanto, foi realizada uma pesquisa bibliografia a partir dos termos: museu, exposição virtual, mapa e público infantil. Em seguida, foram analisados mapas elaborados para três exposições virtuais. Cada mapa apresentou signos contemplando diferentes aspectos, sendo eles: qualitativo-icônico, singular-indicial e convencional-simbólico. Esta diversidade de aspectos identificada possibilitou uma reflexão sobre possíveis contribuições para o público infantil.
Article
Full-text available
Light emitting diodes (LEDs) are steadily finding application in an increasing number of museums and heritage institutions, providing energy-efficient solutions for collections display. Although there is a business case to be made for moving toward LED lighting, the safe display of objects must also be ensured. Identifying vulnerable pigments and paints ensures that future preservation strategies will be put in place, avoiding acerbation of damage and reducing the need for conservation. In the first part of our research we investigate color shift and molecular alterations in three yellow paints, namely, lead chromate sulfate, arsenic sulfide, and cadmium sulfide in linseed oil and gum arabic binders. Following an artificial aging regime, color shift was evaluated using colorimetry and molecular alterations were monitored using attenuated total reflectance–Fourier transform infrared spectroscopy coupled with multivariate analysis. Up to 80 Mlux h the lead chromate samples in linseed oil displayed equivalent color shifts approximating 10 ∆E00 on exposure to the three artificial aging regimes. Color shift has been attributed to the formation of lead oxides evidenced by the appearance of a mid-infrared spectral band at 470 cm⁻¹ assigned to PbO2. Above 80 Mlux h the formation of lead oxides was exacerbated by exposure to one particular LED. Arsenic sulfide in linseed oil displayed color shifts intensified by both types of LED. Above 40 Mlux h there was a discernible color shift in all samples, with the two LEDs displaying ∆E00 values two times higher than those displayed by the tungsten halogen samples. The alterations have been attributed to the formation of As2O3, which is known to form in the presence of wavelengths shorter than 428 nm. Cadmium sulfides in both linseed oil and gum arabic paints did not display discernible color shifts or the presence of degradation products.
Article
Full-text available
Light renders art visible in museums. At the same time, light also interprets. In this regard curators, architects, conservators, lenders, artists, and visitors often have differing expectations about how art should be appropriately displayed. This article is based on the aesthetics of image and exhibition and presents six categories of display—ranging from the objective reception of art to hyperrealism and the dynamic communication of art treasures. Differentiation occurs based on three aspects: The content within the artworks, formal aspects of the image medium, and the spatial and temporal surroundings of the work. By analyzing the artwork’s brightness, contrast, and light atmosphere, curators can appropriately specify lighting for the room and exhibit to aesthetically establish a common link between the observer and the artwork or to realize a modification for emphasizing a conceptual idea. The analysis also offers criteria as to what extent the lighting concept communicates an authentic impression in relation to the perception of how the artist created the picture. Open access: https://doi.org/10.1080/15502724.2018.1530123
Article
Lighting design for art exhibitions has a significant impact on the enjoyment and understanding of the displayed artworks. In particular, the selection of the light sources and the design of the museum space affect the visitors’ visual perceptions of the artworks and their color appearance. This project investigated some of the potential factors—the correlated color temperature (CCT) of the illumination, the overall color content of the painting and the lightness of its background—affecting a painting’s color appearance and appreciation in a museum setting. The study involved a survey conducted in the laboratory with both naïve observers and lighting experts. The CCT of the lighting was found to be the main factor affecting the painting’s appearance and the observers’ overall preference for the lighting arrangements, whereas the overall hue content of the painting and the background lightness had a minor influence. Furthermore, it has been found that the perceived brightness increases along with the CCT.
Article
Recording in situated subjective perspective and the subjective re situ interview : a method for the constitution of experience. Cognitive anthropology is the study of the cognitive basis of experience. Not only is it the analysis of a subject's actions, but also of the implicit knowledge evoked during action. Most methods of investigation involve studying situated acts. These are based on interviews, sometimes video recorded and provided as support in the study. The underlying supposition of this method is that the subject is capable of accurately remembering an event. In this study, we present a new method of investigation which allows the investigator to dialectically link an image, situated subjective perspective, with a type of interview that focuses on phenomenological experience, subjective re situ. We analyze the epistemological and meth odological status of this method and compare it to other methods which have similar objectives. The subjective re situ interview is indeed a scientific method of validating phenomenological experience.