L’encadrement à la recherche occupe une large place dans les activités des enseignants universitaires, et ce, dans les établissements universitaires proposant des programmes de cycles supérieurs. Cette activité professorale donne lieu à une grande diversité de pratiques d’encadrement notamment dans le cadre d’études doctorales et elle se révèle déterminante pour la persévérance et la diplomation aux cycles supérieurs. Alors qu’au Canada, les taux d’inscription au doctorat ont augmenté de 57 % en un peu plus de 10 ans, les taux d’abandon continuent d’avoisiner 50 % selon les disciplines. Si l’encadrement est souvent pointé comme l’une des premières causes d’abandon, encore faut-il comprendre de quoi il est réellement question. En contexte francophone nord-américain, la définition même de l’encadrement comporte son lot d’ambigüités et de complexité donnant lieu à une grande variété de pratiques en fonction des représentations et des approches des intéressés. À cela s’ajoute que l’activité se déroule traditionnellement dans l’intimité d’une relation privée sans ou avec peu d’intervention extérieure.
Compte tenu de ce constat, la question de recherche de cette thèse de doctorat est la suivante : Qu’est-ce que l’encadrement à la recherche au doctorat en contexte francophone nord-américain ?
Où commence et se termine l’encadrement à la recherche ? Qui peut ou doit être impliqué ? Quel est le rôle des différentes personnes impliquées ? Comment départager les responsabilités ? Il n’existe pas de démarche à suivre, unique et uniforme. Pour la plupart des directeurs , la formation à l’encadrement se résume à « see one, do one », se basant, notamment, sur l’expérience personnelle à titre de doctorants. Force est de reconnaitre que les pratiques d’encadrement à la recherche restent à être formalisées et explicitées3. La présente thèse par articles se veut une réponse partielle à la demande d’esquisser un cadre conceptuel pour mieux appréhender la complexité des pratiques d’encadrement, ce qui inclut un langage commun et neutre.
La thèse se distingue par son inscription dans le contexte francophone nord-américain où l’encadrement se définit par une double tâche d’accompagnement et d’évaluation. Si les écrits abondent du côté de la littérature anglophone, notamment en Angleterre et en Australie, du côté de la littérature francophone, l’encadrement est une préoccupation présente davantage dans les écrits professionnels.
L’objectif général de la présente thèse par articles est de proposer, dans un premier temps, une mobilisation de la littérature francophone et anglophone afin de modéliser les pratiques d’encadrement à la recherche au doctorat en contexte francophone nord-américain. Dans un deuxième temps, la modélisation fait l’objet d’une validation. D’un point de vue méthodologique, la thèse propose une étude de cas multiples portant sur 20 doctorants et 20 directeurs de recherche. Les données proviennent d’entrevues individuelles semi-dirigées. L’analyse de contenu propose d’identifier les variants et les invariants et de faire ressortir les consensus et les divergences entre les définitions de l’encadrement ou les défis et les obstacles que les intervenants doivent relever.
La thèse comprend trois articles répondant à différents objectifs de recherche. Le premier article, soumis et accepté dans la revue TransFormations - Recherches en éducation et formation des adultes, répond au premier objectif de recherche, c’est-à-dire la modélisation des pratiques d’encadrement à la recherche au doctorat à l’aide de la littérature internationale actuelle et disponible. Pour ce faire, 102 articles ont été recensés et analysés afin de mieux comprendre la nature même des pratiques d’encadrement, mais également de présenter une modélisation de la pratique pédagogique de l’encadrement. Chacun des articles a été examiné selon les composantes de l’encadrement aux cycles supérieurs soit selon les personnes impliquées (doctorant et directeur de recherche), la relation qu’ils constituent (alliance pédagogique) ayant un objectif précis (études doctorales), et ce, dans un contexte institutionnel. La limite du modèle proposé dans le cadre de cet article se présente par son caractère statique. Alors que la flexibilité s’impose comme un incontournable dans les écrits portant sur l’encadrement à la recherche, il semble pertinent de s’éloigner des styles d’encadrement dictés dans la littérature. Aussi, les recherches reconduites sur la thématique le sont principalement dans des contextes où l’encadrement n’inclut pas l’évaluation et donc la double posture liée à l’accompagnement et l’évaluation. Ce constat invite à la prudence et justifie le deuxième objectif de validation auprès des personnes impliquées.
Le deuxième article, publié dans Higher Education Studies, se veut une réponse partielle à la validation de la modélisation des pratiques d’encadrement à la recherche au doctorat dans un contexte francophone nord-américain auprès de doctorants et de directeurs de recherche. Les données collectées et exposées dans l’article mettent en lumière quatre dimensions de l’encadrement : scientifique, personnelle, administrative et professionnelle. Cette organisation en quatre dimensions converge vers des modèles connus dans la littérature scientifique tandis que la dimension professionnelle se taille une place importante dans le cadre de cette thèse. L’encadrement à la recherche se définit comme une tâche professorale flexible au cours de laquelle se forme une alliance pédagogique entre les personnes impliquées pouvant être constituée de plus de deux personnes doctorant et directeur de recherche visant l’émancipation et l’enculturation du doctorant, chercheur novice, au travers d’un processus les études doctorales menant à l’élaboration d’un produit la thèse où un soutien est proposé autour de quatre principales dimensions : 1) scientifique, 2) personnelle, 3) administrative et 4) professionnelle. Cela commence avant l’entrée au doctorant et se poursuit au-delà de la diplomation. L’encadrement à la recherche au doctorat se veut une exploration perpétuelle d’un équilibre entre l’engagement et la distanciation dans le but d’aider le doctorant à devenir autonome. Les principaux défis mentionnés par les personnes impliquées se vivent autour du recrutement, de la rédaction scientifique ainsi que de l’insertion professionnelle. Les moyens décrits pour tenir compte de ces enjeux sont variés, mais ne semblent répondre qu’à une partie du problème. Ils sont explorés dans le cadre du dernier article.
Le troisième article, soumis à la revue Questions vives, recherches en éducation, ouvre le dialogue et étudie spécifiquement la relation entre la persévérance au doctorat et les pratiques d’encadrement à la recherche. Les entrevues menées auprès des doctorants et des directeurs de recherche mettent en lumière trois moyens de soutenir la persévérance scolaire par un encadrement efficace : (1) un recrutement guidé, dès le début, permettant d’éviter certains abandons; (2) la communication transparente, notamment pour gérer les inévitables deuils, et soutenant favorablement la poursuite des études; (3) l’insertion professionnelle pensée tout au long du parcours permettant de cibler des objectifs concrets et de mieux préparer le doctorant à la poursuite d’une carrière. Par ses multiples questions, l’article ouvre le dialogue sur l’influence de l’encadrement quant aux taux de diplomation et le succès au doctorat. Est soulevée aussi la difficile question du partage des responsabilités, entre autres, avec l’institution.
La thèse et les résultats qui en découlent tissent des ponts entre le savoir théorique, la formation et la pratique. Outre la contribution à la littérature scientifique, notamment par la publication de trois articles de recherche, les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse ont mené à la création d’un cours EPU979 - Encadrer et accompagner au supérieur offert dans le cadre du Microprogramme de 3e cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur. De plus, la structure ouverte des entrevues individuelles semi-dirigées a invité les répondants à se questionner sur leurs pratiques et à réfléchir à leurs besoins.
Certaines limites ont été identifiées au moment de dresser le bilan de la thèse. En l’absence d’espaces de discussion formels autour des pratiques d’encadrement à la recherche, le dialogue en rassemblant des dyades dans le cadre d’une enquête appréciative aurait pu susciter d’autres résultats. Dans le cadre de recherches futures, un espace pourrait être offert aux doctorants et aux directeurs de recherche afin de discuter, ensemble, de l’encadrement. L’expérience cumulée dans le cadre de ce processus laisse croire que les interventions du chercheur seraient minimes et les résultats nombreux notamment sous la forme de retombées directes pour les participants. De plus, dans de futures recherches, il serait pertinent de dépasser les pratiques déclarées en y ajoutant des observations, par exemple, par le biais d’enregistrements visuels notamment afin de travailler les dimensions formatives à travers l’autoconfrontation, et ce, malgré le contexte spécifique de l’encadrement.