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Vidéo et objectivation des interactions dans la clinique de l’autisme : à propos d’une recherche en Communication Facilitée

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Brice écrivant en Communication Facilitée et seul sur Internet Comment expliquer pourquoi Brice n'est capable d'écrire de phrases personnelles et complexes que lorsqu'il est facilité ? Nous faisons l'hypothèse que la main de la facilitante pourrait constituer une source d'étayage psychomoteur pour le facilité, permettant de suppléer les dysfonctions exécutives (défauts d'anticipation, de planification, et d'inhibition cognitives et motrices), et les dysfonctionnements psychomoteurs (maladresse, dyspraxies, persévérations, stéréotypies…), qui sont extrêmement fréquents dans la pathologie autistique (plus de 90 % des sujets autistes présentent ce type de troubles à des degrés divers) 39 . Ces dysfonctions exécutives pourraient elles-mêmes résulter de difficultés à percevoir, intégrer et organiser en temps réel les signaux sensoriels, notamment visuels (mouvements physiques environnementaux, mouvements humains) et proprioceptifs (perception des informations venues des muscles, des tendons, et des articulations lors des variations mécaniques) 40 . Une étude récente, comparant la facilitation réalisée par une personne facilitante à celle réalisée par un bras mécanique à retour de force appelé « bras haptique », semble plaider en faveur de cet effet d'étayage psychomoteur dans la CF 41 . Les résultats indiquent en effet que des enfants autistes non verbaux peuvent être facilités en écriture par ce dispositif mécanique à retour de force. Le bras facilitant ferait office de filtre psychomoteur pour les troubles dyspraxiques des sujets autistes, en permettant un soutien et une stabilisation de la posture de leur avant-bras et un étayage de leur coordination psychomotrice. Selon cette étude, la facilitante ferait plus que détecter et faciliter les micro-ou macro-mouvements du patient, mais elle permettrait au moins cela, que le bras haptique
… 
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1
Citation :
Faure P, Gepner B (2012). Vidéo et objectivation des interactions dans la clinique de l’autisme : à
propos d’une recherche en Communication Facilitée. Presses universitaires de Provence.
Vidéo et objectivation des interactions dans la clinique de
l’autisme : à propos d’une recherche en Communication Facilitée
1
Patrick Faure1, Bruno Gepner2
1 E.D. 356, Laboratoire Parole et Langage, U. M. R. 6057, Université Aix-Marseille I.
2 Laboratoire Parole et Langage (LPL), UMR CNRS 6057, Aix-Marseille Université ; Cabinet
Médico-Psycho-Orthophonique (CMPO) ; Fédération Autisme Vie Entière (FAVIE), Centre
Hospitalier Montperrin Aix-en-Provence
Résumé :
Dans le cadre d’une thèse intitulée « La Communication Facilitée auprès de personnes souffrant de
troubles autistiques : interactions, influences, émergences », l’outil vidéographique est utilisé comme
mode exploratoire d’une situation interactive dyadique censée favoriser l’expression écrite chez une
personne autiste sans communication orale (personne dite « facilitée »), grâce au soutien de sa main
par une personne dite « facilitante », au moyen d’un clavier de traitement de texte.
Dans notre dispositif de recherche, deux caméras sont utilisées simultanément pour filmer les visages
et les mains des deux personnes «facilitée » et « facilitante ». Ce dispositif est utilisé durant un an (à
raison d’une séance de Communication Facilitée [CF] toutes les 6 semaines), auprès de six dyades :
trois facilitantes s’occupant chacune de deux jeunes adultes atteints de Troubles Envahissants du
Développement (autisme ou troubles apparentés, deux jeunes adultes étant également atteints de
surdité congénitale).
Le but principal de ce travail de recherche exploratoire est d’évaluer les interactions qui ont lieu au
sein de chaque dyade, notamment au niveau du soutien et des échanges psychomoteurs et des
échanges communicatifs vocaux ou verbaux, et non verbaux (regards, mimiques, comportements
émotionnels et moteurs), et de les confronter au contenu des écrits coproduits durant ces interactions.
Dans le cadre du thème de cette Journée des Ecoles doctorales, nous nous sommes plus
spécifiquement penchés sur les contraintes et limites de l’outil vidéographique comme instrument
d’objectivation des interactions en CF. Nos premières observations indiquent que les situations
interactives en CF peuvent générer de nombreux échanges qui se révèlent difficiles à appréhender en
temps réel, et que la vidéo permet d’analyser a posteriori. Dans certains cas, une influence
psychomotrice semble manifeste, dans d’autres cas et sous certaines conditions, les interactions
semblent permettre de faire émerger des capacités psychomotrices et communicatives nouvelles chez
certaines personnes facilitées. Ces premières observations doivent cependant être complétées par des
analyses systématiques des films vidéo pour chaque dyade, mais aussi par des analyses comparatives
inter-dyades. Mais si la vidéo peut s’avérer utile pour objectiver certains paramètres de ces
interactions, elle se révèle insuffisante comme mode exploratoire précis de l’influence psychomotrice
de la personne facilitée par la facilitante, et de la nature des autres interactions psychomotrices entre
les protagonistes de la dyade. Cette limitation appelle la mise en place d’instrumentations
1
Ce chapitre constitue une contribution à la Journée des Ecoles doctorales qui a eu lieu le 3 Juin 2009
à Aix-en-Provence sur le thème : « Chercher : objets, méthodes, limites et contraintes ».
2
complémentaires, en particulier d’une machine appelée bras haptique et d'un accéléromètre.
Mots-clés : autisme, TED, adultes, Communication Facilitée, observation clinique, vidéo,
objectivation, contraintes, limites méthodologiques, dyade, influences, interactions, troubles
dyspraxiques, troubles psychomoteurs, coproduction, émergence.
Summary:
In a PhD thesis entitled "Facilitated Communication with persons having autism spectrum disorders
(ASD): interactions, influences, emergences", videography is used for exploring interactive dyadic
situations intended to promote the written expression in young adults with ASD without verbal
communication (called "facilitated" persons), their hand being supported by a person called the
"facilitator” using a keyboard for word processing.
In our research device, two cameras are used simultaneously recording the faces and the hands of the
"facilitated person" and the "facilitator". This device is used during a year (one meeting each 6 weeks)
with six dyads (three facilitators each engaged with two young adults with ASD, two of them also
having a congenital deafness).
The main purpose of this exploratory work is to assess the interactions that take place in each dyad, at
the level of psychomotor support and interactions, and at the level of verbal and non-verbal
communication (gaze contact, mimicry, emotional and motor behaviors), and to look for correlations
between those and the content of the writings that are coproduced during these interactions.
On this Doctoral School’s Day, we specifically addressed the limitations and constraints of the video
as a tool for assessing the interactions in FC. Our first observations indicate that the FC interactive
situations can generate numerous exchanges in the dyads, which proved difficult to grasp in real time,
and that video can analyse and reanalyse a posteriori. In some cases, the psychomotor influence
seems obvious. In other cases, and under certain conditions, the interactions may contribute to the
emergence of new motor and communication skills in some facilitated persons. These first
observations should however be supplemented by systematic analyses of the videos for each dyad, but
also by inter-dyads comparisons. But if the video can be useful for assessing some parameters of these
interactions, it is insufficient for accurate analyses of i) the psychomotor influence of the facilitator on
the facilitated person, and ii) the other psychomotor interactions between the protagonists of the dyad.
This limitation called the establishment of complementary instrumentation, including a machine
called haptic device and an accelerometer.
Keywords: autism, autism spectrum disorders, Facilitated Communication, clinical observation,
video, assessment, constraints, methodological limits, dyad, influences, interactions, praxic disorders,
psychomotor disorders, coproduction, emergence.
« Le seul, le vrai, l’unique voyage c’est de changer de regard » Marcel Proust
I. Introduction
Dans les années 1970, Rosemary Crossley
2
, enseignante à l’hôpital Saint Nicholas de Melbourne
auprès d’enfants et adultes atteints d’infirmité motrice cérébrale ou de déficience intellectuelle et
privés de communication orale, partant du principe que tout être humain a besoin de communiquer et
que "Ne pas pouvoir parler ne signifie pas que l'on n’a rien à dire", invente et utilise pour la première
fois la Communication Facilitée (CF). Cette méthode consiste pour un facilitant (ou facilitateur) à
soutenir le poignet, la main ou le doigt du patient (ou facilité) pour l’aider à pointer (pointing
3
en
2
Rosemary Crossley, directrice du DEAL Communication Centre à Melbourne http://www.deal.org.au/
R. Crossley, The Dole Cookbook Collingwood, Outback, 1978. R. Crossley, Annie's Coming Out Penguin Books 1980. R.
Crossley, Speechless: Facilitating Communication for People Without Voices, New York: E. P. Dutton, 1997.
3
« Pointing », pointage avec la main ou le doigt vers des images, des photos, des mots ou les lettres d’un clavier.
3
anglais) vers un tableau d’images ou des mots, et faciliter ainsi sa communication. La Communication
Facilitée (CF) fait son entrée dans l’éventail des méthodes augmentatives et alternatives d’aide à la
communication pour les personnes présentant un handicap (sensoriel, moteur et/ou mental) impliquant
la communication et l’expression verbale.
Cette méthode s’est ensuite développée aux USA à partir des années 1980-1990, à l’université de
Syracuse de New York, sous l’impulsion de Douglas Biklen
4
, qui l’utilisa auprès d’enfants et adultes
autistes
5
.
En France, c’est l’orthophoniste Anne-Marguerite Vexiau
6
qui a fait connaître la Communication
Facilitée à partir du milieu des années 1990. Elle a utilisé l’aide au pointage pour faire désigner
d’abord des images et des mots, puis des lettres sur un clavier pour faciliter la communication écrite
chez des personnes autistes et/ou présentant divers types de handicaps moteurs, sensoriels, et
intellectuels. A partir des années 2000, elle a développé la Psychophanie
7
, méthode dérivée de la CF,
et utilisée auprès de personnes verbales et non verbales, dans une visée de « dévoilement de
l’inconscient ».
Inconnue il y a 40 ans, la pratique de la CF s’est développée dans les années 1980 à 2000 dans de
nombreux autres pays (Allemagne, Angleterre, Inde…). De nombreux films sur la CF ont été réalisés
et de nombreuses personnes handicapées témoignent l’utiliser. Plus d’une dizaine de livres ont été
publiés en français à l’aide de la CF par des personnes avec autisme
8
. Des sites Internet
9
présentent
des écrits et productions en CF de personnes handicapées assistées par des proches.
Mais assez rapidement, la Communication Facilitée s’est vue controversée, tant aux Etats-Unis qu’en
France, pour au moins deux raisons.
Premièrement, parmi les études visant à mettre en évidence qui, de la facilitante ou du facilité,
communique en CF, une majorité détudes contrôlées, étudiant la CF dans un contexte expérimental,
et utilisant généralement la même procédure (message passing procedure
10
), ont invalidé la technique
de CF
11
. Le rapport de l’ANDEM
12
sur la CF stipule dans sa conclusion : « …Les études expérimentales
quantitatives que nous avons analysées tendent globalement à invalider la méthode et concluent généralement que les
réponses obtenues à l’aide de cette méthode sont en réalité induites, volontairement ou non, par le facilitateur ». Pour
l'Association Américaine de Psychologie également, la Communication facilitée est "une méthode
controversée et non validée du point de vue de son efficacité"
13
(cf. infra pour une revue de la
littérature plus détaillée).
Deuxièmement, depuis sa conception originelle par R. Crossley, la CF a subi des évolutions quant à
L’absence de pointage « protodéclaratif » chez l’enfant (montrer du doigt) est un des signes fort de l’autisme. Le
facilitateur vient aider l’enfant souffrant d’autisme à montrer du doigt pour communiquer.
4
D. Biklen, Communication unbound : how facilitated communication is challenging traditional views of autism and
ability-disability, New York, Teachers College Press 1993. D. Biklen, N. Saha, & C. Kliewer, How teachers confirm the
authorship of facilitated communication, A portfolio approach, Journal of the Association for People with Severe
Handicaps, 1995, 20, 4556. D. Biklen, R. Attfield,, L. Blackman, J. Burke, Autism and the Myth of the Person Alone,
NewYork University Press Book, 2005.
5
Cf. le site internet de l’Université de Syracuse : http://www.syr.edu/ http://disabilitystudies.syr.edu/who/dbiklen.aspx ;
http://www.inclusioninstitutes.org/fci/ ; et le film : Prisoners of Silence Oct. 19, 1993 60 minutes Producer : Jon
Palfreman : FrontLine http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/programs/transcripts/1202.html
6
A.M. Vexiau,, Je choisis ta main pour parler Ed. Robert LAFFONT, coll. Réponses, 1996.
7
Du grec "psyché" âme et "phanein" mettre au jour. Cf. http://www.tmpp.net/bulletintmpp/bulletin26.pdf Bulletin n°26.
Septembre, 2002.
8
Cf. une bibliographie sommaire au chapitre V
9
Par exemple : http://moije.blogs-handicap.com/; http://soeurise.blogspot.com/ ; http://www.paulmelki.com/
10
Dans cette procédure, la personne facilitée reçoit une information que ne partage pas le facilitant, puis la personne
facilitée est mise en contact du facilitant via la Communication facilitée, et on interroge la personne facilitée sur ce qu’elle
a appris. Dans l’immense majorité des situations expérimentales, la personne facilitée ne parvient pas à donner
l’information qu’elle a reçue indépendamment du facilitant.
11
M.P. Mostert, Facilitated Communication Since 1995, A Review of Published Studies, Journal of Autism and
Developmental Disorders, 2001, 31, 287-312.
12
ANDEM, L’Autisme. Rapport au Ministre de la Santé. Agence Nationale pour le Développement de l’Evaluation
Médicale, Drs. Bruno Gepner et Isabelle Soarès-Boucaud, sous la direction du Dr. Fleurette, Novembre 1994.
13
C. Aussilloux, A. Baghdadli, Thérapie du langage et de la communication. La Forteresse éclatée, 2000, n° 47, page 5.
4
son utilisation et quant au public concerné. R. Crossley a utilisé la CF de manière en partie contrôlable
sur les plans attentionnel, moteur et de compréhension verbale, auprès de personnes atteintes de
troubles de la communication liés principalement à une Infirmité Motrice Cérébrale. La CF sert ici à
pointer des pictogrammes, images, photos ou mots pour exprimer des besoins relativement
élémentaires. Puis la CF a été utilisée auprès de personnes autistes ou déficientes intellectuelles, dans
des conditions moins contrôlables sur le plan attentionnel, moteur et au niveau de la compréhension et
de l’expression verbale. Enfin, la Psychophanie a été utilisée de façon totalement incontrôlable auprès
de personnes plongées dans le coma ou encore de fœtus. Cette dernière approche a évidemment
suscité d’intenses polémiques, générant une confusion, des critiques virulentes et, pour certains, un
discrédit de la Communication Facilitée dans son ensemble.
Tant aux USA qu’en France, la CF a fait l’objet d’une médiatisation importante. Aux USA, elle a été
impliquée lors de procédures judiciaires étaient signalés des abus sexuels (dont certains ont été
infirmés), puis elle a été interdite.
En France, selon la MIVILUDES
14
: « A défaut de pouvoir la [Communication Facilitée ou Psychophanie]
qualifier de « sectaire » en l’état actuel des investigations menées à son sujet, de fortes présomptions de risque de
déviances thérapeutiques sont émises par un grand nombre de professionnels … cette technique ouvre incontestablement la
porte à de possibles manipulations et à l’exploitation du désarroi des proches de la personne handicapée».
Le rapport de l’Assemblée Nationale en 2006
15
est quant à lui sans appel : « la communication facilitée ne
peut être réduite à n’être qu’une version modernisée du spiritisme, et, somme toute, un procédé charlatanesque comme un
autre. Cette supercherie ne fait pas que tirer profit du désarroi des parents de handicapés ; elle porte atteinte aux droits
fondamentaux des enfants tels que formulés en particulier à l’article 29 de la Convention internationale relative aux Droits
de l’Enfant du 20 novembre 1989 aux termes duquel « […] les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent
mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité […] ». La Communication
Facilitée, telle qu’elle est utilisée auprès d’enfants mais aussi, par extension, auprès d’adolescents et
adultes, et sous toutes ses formes (depuis l’aide motrice pour faire des choix par pointage jusqu’à
l’écriture de textes), est sévèrement mise à l’index. A titre d’exemple : une mère pratiquant cette
méthode, dans sa forme Psychophanie comme dans sa forme de Communication Facilitée, afin de
communiquer avec son fils adulte handicapé, s’en est vue retirer la tutelle au nom de l’atteinte à la
dignité de l’enfant (communication personnelle des auteurs).
L’ensemble de ces éléments, auquel s’ajoute le rejet médiatique actuel de la CF
16
, a fait reculer les
initiatives, les moyens et les équipes de recherche s’intéressant à cette méthode. Aucune publication
scientifique sur la CF n’apparaît dans les banques de données après l’année 2001.
Pourtant, dans ce climat grave, tendu et polémique, et « malgré cette (apparente
17
) absence de
validation scientifique, un certain nombre de parents constate chez leur enfant des améliorations,
certains professionnels conservent leur enthousiasme »
18
, ce que nous nommerons ici des
14
Mission interministérielle de vigilance dans la lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), Rapport au Premier
ministre, 2005, p. 38-39. http://www.miviludes.gouv.fr/Les-methodes-psychologisantes?iddiv=5
15
Assemblée Nationale, Rapport 3507 Au nom de la commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à
caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, 2006
(www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-enq/r3507-rapport.pdf). Ce rapport, bien que plus long que le rapport de la
MIVILUDES, nous semble néanmoins refléter un débat moins contradictoire que celui-ci. En particulier, l’étude financée
par le Ministère de la Santé de l’époque est sévèrement critiquée absence de valeur scientifique du rapport
d’évaluation »), alors qu’elle n’a pas été lue au moment de l’audition mon prédécesseur m’a dit que ce rapport était
d’une qualité déplorable »), qu’elle n’est pas citée en référence et donc pas accessible aux parlementaires ni à l’opinion
publique, et que la mise au point annoncée par Mr Basset n’est pas disponible en annexe du rapport parlementaire. Il s’agit
de l’étude de B. Gepner, qui a en effet fait l’objet d’un Rapport au Ministère de la Santé en 1999, et d’une publication en
2001 dans la revue Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, citée plus loin. Cette étude longitudinale, bien
qu’imparfaite et critiquable, est la première, et la seule à notre connaissance, qui ait tenté de déterminer sur une petite
cohorte de 12 personnes autistes, avec groupe de contrôles apparié (12 personnes autistes de même âge et de même
niveau), les bénéfices thérapeutiques de la communication facilitée sur une aussi longue période de temps (18 mois). Elle
nous semble donc importante à prendre en compte et à discuter.
16
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article744 ; Journal Télévisé 20h France 2 du 19-12-2006. Voir aussi la
revue Science et pseudo-sciences, avril-juin 2010.
17
C’est nous qui soulignons, cf. infra.
18
C. Aussilloux, A. Baghdadli, Thérapie du langage et de la communication. La Forteresse éclatée, 2000, n° 47, p. 5.
5
« témoignages en première personne »
19
. Des personnes autistes, telles que Donna Williams,
soutiennent cette méthode. Certains chercheurs sont sceptiques mais restent ouverts et recommandent
de poursuivre des recherches scientifiques
20
.
Sur le plan scientifique, comme l’a souligné Duchan
21
, le type d’études expérimentales quantitatives
la communication entre la personne facilitante et le sujet facilité est expérimentalement
interrompue (en particulier avec la message passing procedure), modifie artificiellement un certain
nombre de paramètres attentionnels, émotionnels, motivationnels et relationnels, auxquels les
personnes autistes
22
peuvent être extrêmement sensibles. Or dans ces études, l’effet de l’altération de
ces paramètres n’est ni mesuré ni contrôlé expérimentalement.
Par contraste avec ces études où la CF est décontextualisée, six études contrôlées
23
utilisant la CF en
contexte naturel (au cours de séances régulières pendant 1 à 4 mois), ont montré l’existence d’un
certain degré de communication de la part des personnes autistes, au sens où des informations écrites
en CF ne pouvaient être connues par le facilitateur
24
. Enfin, quelques études cliniques longitudinales
incluant soit une cohorte de patients soit quelques cas individuels, menées en contexte naturel sur
plusieurs mois, suggèrent que la CF pourrait améliorer la communication verbale et non verbale ainsi
que les relations sociales chez certaines personnes autistes, leur permettre de faire des apprentissages,
et atténuer leurs frustrations et leurs troubles du comportement
25
. Le changement de regard porté par
l’entourage des personnes autistes sur leur enfant joue clairement un rôle dans ces améliorations, en
relançant la dynamique interactionnelle entre la personne autiste et son entourage. Mais il est possible
que d’autres processus soient à l’œuvre dans la Communication Facilitée qui puissent rendre compte
19
Un témoignage ou récit « en première personne » concerne les situations où le sujet fait part de ses pensées et émotions,
raconte une expérience mentale, évoque une impression subjective ou un vécu intérieur. Un courant de recherche initié par
Francisco Varela (voir par exemple F. Varela, E. Thompson, E. Rosch, L’inscription corporelle de l’esprit, Editions du
Seuil, 1993) vise à coupler les récits « en première personne » avec des paramètres mesurables « en troisième personne ».
Un exemple de ce type de recherches consiste en la mesure de la synchronisation (ou cohérence) cérébrale lors de la prise
de conscience d’une forme (E. Rodriguez, N. George, J.P. Lachaux, J. Martinerie, B. Renault & F. Varela, Perception’s
shadow : long-distance synchronization of human brain activity. Nature, 1999, 397, 430-433) ou encore la mesure de la
synchronisation cérébrale chez des moines bouddhistes en état de conscience méditative (voir A. Lutz, L.L. Greischar,
N.B. Rawlings, M. Ricard & R.J. Davidson, Long-term meditators self-induce high-amplitude gamma synchrony during
mental practice, Proceedings of the National Academy of Sciences, 2004, 101, 16369-16373 ; voir aussi W. Singer,
Consciousness and the binding problem. Annals of the New York Academy of Sciences, 2001, 929, 123-146).
20
O. Sacks, Un anthropologue sur Mars, Paris: Seuil, 1996. « Il est difficile de juger sereinement de l’efficacité
thérapeutique de cette méthode tant les avis sont partagés ; mais, bien que certaines utilisations de la CF se soient révélées
totalement illusoires les résultats enregistrés étaient dus seulement à une suggestion inconsciente induite par le
« facilitateur » - et que d’autres doivent être tenues pour suspectes, il n’en demeure pas moins qu’un ensemble de
phénomènes décrits par des observateurs de bonne foi mérite d’être étudié attentivement et sans parti pris (p. 328) ». Nous
souscrivons à cette approche à la foi sceptique et ouverte de la CF.
Voir aussi J-M. Olivereau. Images de la communication facilitée. Bulletin scientifique de l’ARAPI., 3, 17-20.
21
J.F. Duchan, Issues raised by facilitated communication for theorizing and research on autism. Journal of Speech and
Hearing Research, 1993, 36, 1108-1119.
22
Les personnes autistes présentent, outre des troubles comportementaux, des troubles de la communication verbale et non
verbale, des troubles dyspraxiques, des troubles émotionnels et relationnels, et elles peuvent être soit hypersensibles aux
moindres changements de leur environnement, soit n’y montrer aucune réaction manifeste.
23
Voir : J. M. Bebko, A. Perry & S. Bryson, Multiple method validation study of facilitated communication, II. Individual
differences and subgroups results. Journal of Autism and Developmental Disorders, 1996, 26, 1942. D. N. Cardinal, D.
Hanson,, & J. Wakeham, Investigation of authorship in facilitated communication. Mental Retardation, 1996, 34, 231
242. M. J. Weiss, S. H. Wagner, & M. L. Bauman, A validated case study of facilitated communication,. Mental
Retardation, 1996, 34, 220230.
24
ANDEM, 1994, idem. Mostert, 2001 idem.
25
B. Gepner. La ' Communication Facilitée ' : Présentation d'une méthodologie destinée a tester son efficacité
thérapeutique chez les personnes autistes, Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l'Adolescence, 1997, 45 , 429 431.
B. Gepner. Rapport de l’Etude sur la Communication Facilitée dans l’autisme, Ministère de la Santé, Direction Générale
de la Santé, mai 1998.
B. Gepner. Impact thérapeutique de la communication facilitée chez 12 personnes autistes. Résultats d’une étude
longitudinale. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 2001, 49, 301-312. S. Hannick, S. Passone, J. Day La
communication facilitée pour les autistes: à prendre ou à laisser ? Une étude exploratoire. Neuropsychiatrie de l’Enfance
et de l’Adolescence, 2000, 48, 269-275. G. Diebold, C. Cysseau, J. Roze Communication facilitée ou expression
accompagnée? Apprentissage ou psychothérapie? La Psychiatrie de l'Enfant, 2001, XLIV, 1, 27-75.
6
de ces améliorations comportementales et relationnelles chez certaines personnes l’utilisant.
En résumé, il existe d’une part de nombreuses études expérimentales quantitatives (qui relèvent de la
recherche expérimentale « en 3ème personne »
26
), cherchant à identifier l’auteur de la communication
par pointage en CF, qui montrent que c’est la personne facilitante qui est, en tout ou en grande partie,
l’auteur des messages, et qui influencerait donc (consciemment ou non) la personne facilitée. D’autre
part, il existe quelques études contrôlées en contexte naturel qui montrent que la personne facilitée est
au moins en partie l’auteur des messages, ainsi que de nombreux témoignages en 1ère (ou 2nde)
personne
27
, émanant soit de parents qui attestent un bénéfice de l’utilisation de la CF pour leur enfant,
soit de facilitants qui assurent sentir que l’impulsion motrice initiale vers le clavier provient de la
personne facilitée, et que cette dernière est donc au moins en partie l’auteur des messages écrits.
Pour aborder la CF dans toute sa complexité, il nous a semblé dès lors utile de combiner une approche
en 3ème personne à visée objectivante, représentée ici par l’observation vidéo, avec une approche en
1ère ou 2nde personne, c’est-à-dire faisant une place au vécu des facilitantes et des parents.
La Communication facilitée, telle que nous l’envisageons phénoménologiquement dans le présent
travail de recherche, est une écriture conjointe à deux mains sur un clavier de lettres, effectuée de
manière participative et consciente par une dyade
28
composée d’une personne facilitante et d’une
personne facilitée
29
, et dans laquelle rien n’indique, a priori, la part respective du facilitant et du
facilité, que seules des études contrôlées peuvent tenter de déterminer a posteriori.
J-M Olivereau
30
pose bien le problème : il s’agit pour lui, à travers des séquences vidéo de séances de
CF entre sa fille et une orthophoniste, de « clarifier la relation dynamique, physique, existant entre le
facilitateur, qui semble fournir une aide motrice, et le sujet. Qui pilote qui, qui s’exprime ? Entre
d’une part leur niveau manifesté, évalué, mesuré, tant par les proches que par les cliniciens, et
d’autre part les productions qui sont exprimées par l’intermédiaire du clavier, existe un décalage très
important. Ce décalage est tel qu’un biais peut et même doit être suspecté. »
Nous avons choisi, dans notre travail de recherche, d’aborder la Communication Facilitée par
l’observation systématique des interactions facilitant-facilité (au niveau des visages et des mains) au
sein de 6 dyades, à l’aide de l’outil vidéo, sur une période de 12 mois, dans le contexte « naturel » des
séances de CF habituelles. Le cadre expérimental, déterminé par linstrumentation vidéo, vient ici se
superposer au cadre naturel des séances. Cette recherche combine à la fois un contrôle systématique
de certains paramètres et l’aspect naturel de cette méthode. Par ailleurs, après chaque séance de CF
filmée, un questionnaire sur le vécu subjectif de la séance, en termes émotionnels, tonico-posturaux et
psychomoteurs, est renseigné par la facilitante.
L’objectif principal de notre travail de recherche exploratoire est d’observer systématiquement, à
l’aide de l’outil vidéo, les interactions entre la personne facilitante et la personne facilitée, notamment
au niveau psychomoteur et des échanges communicatifs non verbaux (regards, mimiques, postures,
comportements moteurs), et de les confronter au contenu des écrits produits durant ces interactions.
II. Matériel et méthode
Etant donnés d’une part la diversité rencontrée dans le syndrome autistique dont témoignent les
termes de continuum, de spectre ou de constellation autistique
31
, d’autre part la difficulté de
26
Par opposition aux études « en première personne » (cf. note 19), les études expérimentales où les sujets font l’objet de
mesures de paramètres objectivables sont appelées « en troisième personne ».
27
Pour être plus exact, nous devrions nommer ces témoignages « en 2nde personne », puisque il ne s’agit pas du
témoignage de la personne autiste seule, mais de la personne autiste secondée par une personne facilitatrice.
28
Du grec, deux. Par ex. : « l'entretien est une situation de communication dyadique » http://fr.wiktionary.org/wiki/dyadique.
29
Cf. figure I, photos claviers 2 mains.
30
J-M. Olivereau, Images de la Communication facilitée. Bulletin scientifique de L’ARAPI, 1999, 3, 17-20.
31
T. Grandin, Penser en images et autres témoignages sur l’autisme, Odile Jacob, 1997. I. Rapin, The autistic spectrum
disorders. The New England Journal of Medicine, 2002, 347, 302-303. C. Tardif, B. Gepner, L'autisme. Armand Colin,
Collection 128 Psychologie 2003, 3ème Edition 2010. B. Gepner, F. Lainé, C. Tardif, Désordres de la constellation
7
l’appariement avec un groupe témoin dans ce type d’évaluation longitudinale d’une méthode
thérapeutique ou rééducative en général, et de la CF en particulier
32
, et enfin avec le faible nombre de
sujets inclus dans cette étude, une démarche purement quantitative nous a paru inappropriée. Notre
protocole d’observation vidéo et notre procédure expérimentale se situent au carrefour d’études de cas
multiples et de l’expérimentation qualitative en milieu naturel
33
. Cette recherche comporte aussi une
dimension de recherche-action, au sens des éléments d’observation clinique, via le dispositif de
recherche vidéo, ont permis de faire des propositions de modifications de certains paramètres internes
aux séances de CF (par ex. variations de la tenue de la main du facilité par le facilitant, cf. infra).
A. Les participants
1) Personnes facilitées
Préalablement à leur inclusion dans cette étude, les 6 patients ont accepté d’y participer sur
proposition de leur facilitante. Quand cette recherche leur a été proposée, ces 6 patients pratiquaient la
CF depuis plusieurs mois à plusieurs années avec leurs facilitantes.
Les 6 participants étant soit mineurs (un sujet), soit majeurs sous la tutelle de leurs parents (5 sujets),
leurs familles ont signé un protocole de consentement éclairé pour la participation de leur enfant à
cette étude, après information complète de ses buts, moyens, inconvénients et risques possibles. Trois
des six sujets ont été filmés au cours de leurs consultations mensuelles à l’hôpital ou en libéral, les
trois autres l’ont été au sein de leur institution.
Puis les 6 sujets ont été reçus en consultation par le médecin investigateur de l’étude (BG) en présence
de leurs parents et du chercheur (PF) pour un entretien à visée diagnostique selon les critères de la
CIM-10
34
et du DSM-IV-TR
35
, et une évaluation clinique avec léchelle ERC (Echelle Résumée de
Comportement autistique, Barthélémy et Lelord, 1991) Cette échelle permet de mesurer la présence et
la fréquence de comportements, s’intégrant dans des groupes de comportements, tels que les
interactions sociales, l’attention, le comportement moteur, les réactions affectives. L’échelle clinique
CARS (Childhood Autism Rating Scale de Schopler et al., 1980), qui a également été utilisée (bien
qu’elle s’applique préférentiellement aux enfants et adolescents) a permis en outre de mesurer
l’intensité des troubles autistiques (cotation de 15 domaines, parmi lesquels l’imitation, les
perceptions sensorielles, la communication verbale et non verbale, l’expression émotionnelle).
Les 6 sujets de l’étude (dont les prénoms ont été modifiés) présentent un trouble autistique, dont
l’intensité à l’ERC et à la CARS est évaluée de modérée à sévère (voir tableau I des caractéristiques
cliniques des 6 participants).
Tous sont également atteints d’une déficience intellectuelle, plus ou moins importante (cf. infra).
Deux participants à l’étude (Brice et Carine) présentent également une surdité profonde.
Tableau I : Age et scores cliniques des 6 participants
Pour l’ERC, le score minimum est 0 (absence de signes autistiques), le score maximum est 100
(autisme profond) ; Pour la CARS, le score minimum est 15 (absence de signes d’autisme), le score
maximum est 60 (autisme profond). Dans notre groupe de participants, Dorine, Brice, Carine et Amar
présentent des syndromes autistiques légers ou modérés, tandis qu’Irène et Bastien présentent des
syndromes autistiques sévères.
Sujet
Age (début étude)
Evaluation ERC
Facilitante
autistique : un monde trop rapide pour un cerveau disconnecté ? Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences (PSN),
2010.
32
Cf. B. Gepner ibid 1997, 2001
33
Cf. J.L. Pedinielli, L. Fernandez, L’observation clinique et l’étude de cas, Armand Colin, collection 128, 2009. et J.P.
Pourtois, H. Desmet, Epistémologie et instrumentation en sciences humaines, Mardaga, 2007.
34
Organisation Mondiale de la Santé, Classification Internationale des Maladies, 10ème Edition (CIM-10), International
Classification of Disease (ICD-10), Genève, World Health Organisation, 1992.
35
American Psychiatric Association, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR), APA,
Washington DC, 2000.
8
Amar
23 ans
30
M-C
Irène
27 ans
43
Bastien
20 ans
38,5
M-I
Dorine
25 ans
29
Brice
17 ans
34
M-T
Carine
25 ans
31
Les niveaux socio-adaptatifs des 6 participants ont également été renseignés à l’aide de l’Echelle
d’Evaluation du Comportement socio-adaptatif
36
, à partir de l’entretien initial avec les parents (voir
tableau II).
Tableau II. Niveau socio-adaptatif des six participants
Sujet
Communication
réceptive*
Expression
verbale
Autonomie**
Socialisation
Motricité
Amar
6 ans
quelques mots
4 ans
5 ans
4 ans
Irène
4 ans
Aucune
3 ans
4 ans
3 ans
Bastien
5 ans
18 mois
4 ans
3 ans
6 ans
Dorine
3 ans
Aucune
2,5 ans
3 ans
4 ans
Brice
7 ans
quelques mots
6 ans
5 ans
5 ans
Carine
2 ans
Aucune
2 ans
3 ans
3 ans
* La communication réceptive représente les capacités de compréhension verbale.
** L’autonomie désigne les capacités d’autonomie dans les gestes de la vie quotidienne.
Par ailleurs, la Communication Facilitée utilisant le pointage et l’écriture comme véhicule de la
communication, il est crucial de connaître les capacités attentionnelles, de lecture et d’écriture
spontanée des participants. Mais ces capacités sont difficiles à mesurer chez des personnes autistes
adultes, dont certaines sont sans langage oral, qui présentent en outre des difficultés praxiques. Faute
de moyens pour faire évaluer ces capacités par un(e) neuropsychologue spécialisé(e) dans le handicap
mental et l’autisme à l’âge adulte, nous avons malheureusement y renoncer, et nous contenter de
renseignements qualitatifs apportés par les facilitantes, l'entourage familial, et de ceux issus des
observations vidéo (voir tableau III).
Une capacité de lecture par reconnaissance de mots simples est reconnue pour Bastien, Amar et Brice,
qui sont les 3 participants de l’étude sur lesquels portent les observations présentées et analysées dans
cet article (cf. infra). Un seul participant est capable d’écrire tout seul des mots simples ou plus
complexes (Brice).
Observations par l'entourage
et les facilitantes
Observations filmées en séances de CF
Sujet
Apprentissage
de la lecture
Capacité
De lecture
Réactions aux
Mots écrits
Regard sur
Ecran Clavier
Réactions avec
Ecran Clavier
Initiative de
prendre la
main
Amar
Non
Qq mots
Oui
E4 C3
E1 C1
S3 F2
Irène
Non
Non
Non
E1 C2
E0 C1
S0 F5
Bastien
1 an
Qq mots
Non
E1 C4
E2 C2
S1 F4
Dorine
Non
Non connue
Non
E1 C1
E1 C1
S2 F3
Brice
10 ans
Phrases
Oui
E3 C4
E3 C2
S2 F4
Carine
10 ans
Non connue
Non
E2 C2
E2 C0
S2 F4
Tableau III. Capacités attentionnelles, de lecture et d’écriture des six participants.
Le tableau III présente dans sa partie gauche une évaluation croisée, non systématique, soit par les
facilitantes elles-mêmes (psychologue orthophoniste, éducatrice), soit par les équipes d’éducateurs-
36
S. Sparrow, D. Balla, D. Cicchetti. Vineland Adaptative Behaviour Scale.
9
enseignants, psychologue institutionnel ou pédopsychiatre et par l’entourage, répondant aux
questions :
Le sujet a-t-il suivi un apprentissage de la lecture ? Lequel, depuis quel âge et combien de temps ?
Le sujet a-t-il montré une capacité de reconnaissance de lettres ou de lecture de mots ou phrases ?
Le sujet réagit-il à des mots écrits dans des publications, publicités dans la rue, à la télévision, sur
Internet ?
Sur la partie droite du tableau figure une évaluation reposant sur le comportement observé lors des
séances filmées, et coté de 0 à 5 (0=jamais, 1=rarement, 2=parfois, 3=souvent, 4=très souvent,
5=toujours) à partir des questions suivantes :
Le sujet regarde-t-il l'écran ? regarde-t-il le clavier ? (E pour écran, C pour clavier)
Le sujet réagit-il en lisant l'écran ? réagit-il en regardant le clavier ? (E pour écran, C pour clavier)
Qui initie le mouvement de prendre la main en facilitation pour écrire spontanément ou répondre à
une question ? S= sujet initie le geste ; F= facilitante initie le geste.
2) Les facilitantes
Les facilitantes ont toutes suivi un cursus de formation à la Communication Facilitée durant plusieurs
années et ont exercé la CF dans leur cadre professionnel avec des sujets souffrant de troubles
autistiques. Elles ont répondu positivement à cette recherche, contribué par leurs remarques à
l’élaboration du protocole et au choix des sujets tout au long d’une année préparatoire en discutant et
acceptant la présence du chercheur et les contraintes de la vidéo.
Les 3 facilitantes sont : M-I, psychologue en service hospitalier, qui suit Bastien et Dorine ; M-C,
orthophoniste en libéral et en institution, qui suit Amar et Irène ; M-T, éducatrice spécialisée en
institution, qui suit Brice et Carine (cf. Tableau II).
B. Matériel
1) Le matériel vidéo
La vidéo a permis de filmer, avec deux caméras haute définition, les visages des sujets facilités et des
facilitantes de face, en même temps que leurs mains sur un clavier d’organiseur ou d’ordinateur. Ce
dispositif est enrichi par la transcription littérale des textes sous forme de sous-titrage. Les séances
sont filmées en « plan séquence », c'est-à-dire sans interruption de façon à respecter strictement la
chronologie de chaque séance. La caméra de face est le plus souvent fixe alors que celle filmant les
mains doit s’adapter aux différents angles de vues lors de la manipulation des claviers en fonction de
leur position. Des ouvertures du cadre de prise de vue ou des zooms sont donc effectués lors de
certains changements de position des facilités-facilitantes nécessitant un ajustement du cadrage sur
leurs mains durant la frappe du clavier (cf. figure I, photos des mains, ci-dessous).
10
Figure 1. Photos des mains de 3 dyades différentes de notre recherche
Le chercheur doit alors rester présent et actif durant la séance pour ajuster le cadre vidéo en fonction
de la disposition des lieux et des mouvements des sujets, ce qui peut influer sur la neutralité de
principe souhaitée dans le protocole.
Les 2 caméras sont de type Sanyo 1000 HD, légères et montées sur des pieds peu encombrants. Le
support d’enregistrement caméra sur carte SD permet une grande maniabilité de transfert des images
vers des disques durs (2 de 500 Go et 2 de 1 To) utilisés pour sauvegarder les 40 séances filmées
représentant 80 heures de vidéos. Le montage sur logiciel et ordinateur se traduit par des transferts et
conversions de formats AVCH vers MPEG-2 puis à l’incrustation des deux images et au sous-titrage
des séances.
2) Les questionnaires qualitatifs aux facilitantes
Conçus avec les facilitantes lors du protocole initial de recherche, ils sont remis par le chercheur lors
des séances filmées, puis renseignés par les facilitantes, afin de permettre une évaluation qualitative
des différents aspects observés durant chaque séance : sont côtés notamment le ressenti émotionnel,
l’affectivité, les perturbations, le niveau de participation, les perceptions physiques au niveau de la
frappe du clavier, l’impulsion et l’orientation au niveau de la main et du bras, l’interactivité avec le
participant, et la congruence ou l’incongruence avec les textes écrits. Ces questionnaires qualitatifs
pourront aider, dans l’étude dyadique et inter-dyadique, à croiser les résultats subjectifs avec les
observations filmées afin de repérer certaines constantes ou variations signifiantes et de mieux
spécifier les interactions, influences et processus en jeux dans ces séances de facilitation.
3) Les écrits
Les écrits, qui appartiennent aux protagonistes, sont confiés, par consentement éclairé, au chercheur
dans le cadre de cette étude. Nous considérons que les écrits en CF ne doivent pas être séparés de leur
contexte de production afin de ne pas donner lieu à des interprétations externes abusives : pas de texte
sans contexte. Le respect de ce principe apparaît nécessaire pour la compréhension des relations
facilitantes-facilités tant au niveau de leur histoire, du contexte que de leurs aléas et évolutions comme
nous le verrons plus loin avec le troisième groupe de séquences.
Ces écrits n’ont pas fait l’objet d’une analyse linguistique ni psycholinguistique dans le cadre de cette
étude. Ils ont seulement fait l’objet d’une recherche de congruence ou d’incongruence avec les
comportements moteurs et émotionnels des participants facilités.
11
C. Procédure expérimentale
Sept séances de CF ont été programmées pour chaque dyade, sur une période d’environ 12 mois, à
raison d’une séance filmée toutes les 4 à 6 semaines. Chaque séance de CF dure entre 45 et 60
minutes.
La préparation de l’installation des caméras s’effectue avant la séance, de part et d’autre d’une table
disposant d’un clavier d’ordinateur (ou d’organiseur) en fonction de l’équipement du lieu et des
facilitantes. L’éclairage ainsi que la disposition des lieux de consultation habituels sont conservés
dans la mesure du possible afin de ne pas ajouter de perturbation dans l’organisation de l’espace des
sujets souffrants d’autisme qui sont très sensibles aux changements et aux imprévus. Les six sujets ont
été préparés durant plusieurs mois à cette situation et ils participent volontairement au protocole de
recherche en ayant préalablement exprimé leur adhésion en séance de CF et à l’entretien initial avec le
médecin référent. Ce protocole prévoit une neutralité de principe permettant de filmer la séance
« comme elle se passe habituellement ».
D. Critères d’analyse
Nous avons défini des critères de corrélations « internes », « externes » et « analysées » pour rendre
compte de nos observations, discerner et évaluer dans les séances les éléments paraissant les plus
pertinents, les analyser et les discuter :
a) les corrélations internes sont définies comme les cohérences et congruences entre le comportement
observable du facilité, par exemple émotionnel et/ou moteur volontaire, et les écrits.
b) les corrélations externes sont les cohérences et congruences entre ces écrits et des informations
inconnues du facilitant mais connues du facilité et de son entourage.
c) les corrélations analysées proviennent de l'analyse fine en vidéo des interactions psychomotrices et
comportementales dans la relation facilitant-facilité (par ex. : orientation volontaire ou non des mains
et doigts sur le clavier, regards sur le clavier et l'écran, échanges de regards, etc.).
III. Premières observations
Les premières observations les plus démonstratives que nous avons choisi d’exposer dans le cadre de
cet article concernent trois des six sujets : Bastien, Amar et Brice. Ces premières séquences et
observations vidéo ont été présentées lors des Journées des Ecoles doctorales (juin 2009). Quatre
groupes de séquences nous ont paru pouvoir répondre au thème transversal de ces journées (cf. Note
1) à travers notre instrumentation vidéo.
Ces séquences doivent être considérées comme des aperçus illustratifs, pour l’instant très partiels et
n’ayant pas de valeur généralisable, de cette étude.
A. Premier groupe de séquences : du soutien à l’influence motrice
Bastien est un jeune homme autiste âgé de 20 ans. Ses premiers signes d’autisme sont apparus vers 6-
7 mois : il bougeait peu, il ne tendait pas les bras vers ses parents, il ne faisait pas de sourire. Il a fait
des crises convulsives entre 6 et 12 ans. Depuis quelques années, son EEG est normalisé et il ne prend
plus de traitement. Durant toute son enfance, il a présenté un comportement très étrange : lorsqu’il
tendait la main droite pour dire bonjour, sa main gauche venait la prendre et la retirer. A l’époque, ce
comportement avait été doublement interprété comme un signe d’ambivalence psychique et de
dissociation entre son hémisphère gauche et son hémisphère droit (communication personnelle de
BG). Bastien a suivi la méthode de lecture Boscher à l’âge de 10 ans, durant environ un an. Il sait
reconnaître des lettres et quelques mots, par exemple les mots cheval et chat en les nommant. Au
moment de la recherche, il ne dit que des mots isolés, souvent répétitivement, mais ne formule pas de
phrase et n’écrit pas seul. Dans les séquences analysées, on voit une facilitante (M-I) qui utilise un
12
petit clavier d’organiseur comme support d’écriture avec Bastien. La facilitante tient le clavier dans sa
main droite et soutient le poignet, la main et le doigt du facilité avec sa main gauche. Dans ces
séquences, on observe également que la facilitante bouge sensiblement le clavier de l’organiseur sous
le doigt du facilité.
Cette observation témoigne clairement d’une influence induite par la facilitante sur le processus
d’écriture. Après analyse et discussion avec la facilitante, cette tenue du clavier de l’organiseur avec la
main constitue sa pratique habituelle. La tenue de l’organiseur dans la main droite, induit des
micromouvements plus ou moins volontaires visant à la fois la stabilisation du clavier, et des micro-
adaptations par rapport à la main gauche soutenant celle du facilité. Dans un premier temps ces
mouvements étaient inconscients pour la facilitante puis ils sont devenus conscients ; mais ils ne sont
pas toujours conscients au moment de la séance de Communication Facilitée.
Cette facilitation du processus d’écriture avec la main tenant le clavier peut facilement exposer la
pratique de la CF par cette facilitante à une critique rédhibitoire. Cette influence directe de la
facilitante sur le processus d’écriture peut en effet laisser penser que la facilitante place
(consciemment ou inconsciemment) les lettres du clavier sous le doigt du facilité de telle sorte qu’elle
contrôle pour une part plus ou moins importante le processus d’écriture.
Concernant le soutien du poignet, de la main et du doigt du facilité par l’autre main de la facilitante
(cf. figure 1, photo en haut à droite), la séquence vidéo montre qu’il est important : la tenue de la main
est serrée et enveloppante, ce qui peut laisser penser ici encore que le contrôle exercé par la facilitante
est sinon total, du moins important. Mais d’autres séances filmées montrent aussi une tenue plus
distale de la main de Bastien et une orientation plus libre de sa main et de son doigt vers les touches
du clavier (cf. infra Second groupe de séquences).
Les observations vidéo des séances montrent que cette facilitante initie le plus souvent le geste
d’invitation à l’écriture ou de prise de la main pour commencer l’écriture ou inciter Bastien à répondre
à une question. Mais, à travers les réponses au Questionnaire qualitatif concernant la frappe sur le
clavier, la facilitante affirme 1) percevoir une impulsion motrice, plus ou moins nette, venant de la
main du patient vers les lettres du clavier, et 2) ressentir une résistance de la main du facilité si elle
anticipe la fin d’un mot en se trompant. Cependant, cette impulsion motrice et cette résistance motrice
ne sont pas observables en vidéo.
La vidéo et le questionnaire seuls ne permettent donc pas d’identifier avec précision la part
d’influence psychomotrice (consciente ou inconsciente) exercée par la facilitante, ni la participation
respective du facilitant et du facilité dans le processus d’écriture, ni la variation de cette part
respective au cours du temps. Ceci montre d’emblée une limite, prévisible, de notre dispositif
d’observation vidéo pour objectiver les interactions dyadiques en CF. Nous verrons plus loin
comment il serait possible de repousser cette limite (Troisième groupe de séquences).
B. Second groupe de séquences : effets d’une diminution du soutien moteur
Lorsque la facilitation se fait avec un soutien plus distal de la main du facilité, l’observateur peut alors
mieux percevoir les orientations de la main et/ou des doigts du facilité, surtout lorsque celui-ci n’est
plus tenu que d’une façon très distale, par ex. par une manche de chemise ou de pull.
Nous avons donc souhaité, au cours de notre étude, observer l’effet d’une modification de la prise de
la main des facilités par les facilitantes sur le processus de facilitation et nous avons convenu, en
accord avec les trois facilitantes, qu’elles modifient sensiblement leur soutien à la fin de quelques
séances, de manière méthodique, en reculant leur main (voir figure 1, photos du bas). Ce recul de la
main s’est traduit, dans les 6 dyades, par une difficulté visible du soutien de la main pour les facilités
mais aussi par une plus grande liberté d’action de leurs mains et des doigts
37
. Lors du recul progressif
et distal du soutien de la main, nous avons observé dans les 6 dyades filmées, à des degrés divers : 1)
un ralentissement de l’écriture, 2) des fautes de frappes qui deviennent plus nombreuses, 3) une
fatigue exprimée par les facilitantes (verbalement et dans le questionnaire), et observable à travers le
texte écrit et le comportement non verbal des facilités, et 4) une satisfaction de part et d’autre d’avoir
37
Cf. photos claviers 2 mains, comparer la série supérieure (tenue serrée de la main) et inférieure (tenue plus distale).
13
pu accomplir une expérience difficile et valorisante, ce qui se traduit dans certains textes écrits comme
dans certaines séquences du comportement en vidéo.
Ces séquences permettent de montrer qu’une diminution du soutien de la main gène le processus de
facilitation (ralentissement de la vitesse d’écriture, accroissement de la fatigue musculaire), mais ne
l’empêche pas complètement. Cette diminution du soutien moteur rend beaucoup plus difficile le
contrôle moteur de la main du facilité par la facilitante, et révèle davantage les difficultés des facilités.
Si l’on considère cet argument a contrario, cette observation permet de suggérer que la CF pourrait
procéder au moins en partie d’un étayage psychomoteur (cf. Quatrième groupe de séquences). Elle
permet aussi de suggérer qu’en étant régulièrement répété, ce soutien distal de la main du facilité
pourrait éventuellement participer à l’autonomisation progressive de certaines personnes autistes pour
communiquer par l’écriture avec un clavier (des évolutions cliniques dans ce sens ont été observées au
fil des séances, notamment dans la dyade du Premier groupe de séquences, mais nécessitent une
objectivation plus rigoureuse et systématique).
C. Troisième groupe de séquences : émergence de capacités psychomotrices et
communicatives ?
Ce troisième groupe de séquences est issu de quatre séances seulement de CF filmées. En effet, après
4 séances, Amar a refusé de poursuivre sa participation à la recherche.
Quand nous avons rencontré Amar, un grand jeune homme de 23 ans travaillant en E.S.A.T.
(Etablissement et Service d’Aide par le Travail), il avait pourtant donné en CF son accord pour la
recherche avec vidéo.
Il est atteint d’un trouble grave du développement et/ou de la personnalité (selon la nosographie
utilisée), diagnostiqué dans son institution « psychose infantile sans langage avec un retard mental
sévère ». Selon les classifications internationale et américaine, il présente un Trouble Envahissant du
Développement non spécifié avec des caractéristiques de désordres du spectre autistique. Au début de
sa prise en charge institutionnelle, il croisait rarement le regard, avait très peu d’échanges sociaux
avec ses pairs ; actuellement il n’a aucune communication orale, il peut reconnaître quelques mots
mais ne peut pas écrire seul. Il présente par ailleurs des stéréotypies verbales et gestuelles, et parfois
des signes d’angoisse se manifestant par des crises d’hétéro-agressivité qui s’atténuent au cours du
temps. L’anamnèse ne retrouve pas de facteurs de risque évidents de ses troubles précoces du
développement. Il communique depuis plusieurs années au moyen de la CF avec M-C, sa facilitante
orthophoniste, qui le suit régulièrement en entretiens avec la psychiatre de l’institution. Après
plusieurs années d’accompagnement, Amar a pu réussir son intégration à l’ESAT où il travaille
maintenant.
Plusieurs mois avant notre rencontre avec lui, Amar s’était intéressé à la réalisation d’un film sur la
CF et contribuait au scénario. A cette époque des personnes participant à la réalisation de ce film
venaient le voir communiquer en CF, mais finalement le projet de film ne s’est pas concrétisé. C’est
ensuite que notre recherche avec vidéo lui a été proposée et, malgré une certaine lassitude, et
nonchalance, Amar l’a acceptée.
La première séance filmée s’est alors déroulée dans cet état d’esprit et de l’ambivalence est lisible à la
fin du texte coproduit : « amar etait fatigue de demonstrra tion de prise de parole du neert amar
vpouylkait reztrouver la pop^ppais avec ses amis qui laident et qui laiment et plus etre tpoujouirs
observe film fait pourr sa amar est dacor ».
Dans la deuxième séance, le texte exprimera encore plus de fatigue et de contrariété face aux
caméras : « amar regrete son engageme t et ytrouve trop lolurd la presence de tous ces yeus qui le
regatrde et veut la pais aavant tout ». En séance apparaîtront même des expressions à tonalité
persécutives :
« amar aime etre tranquile et etre seul avec ses amids qui le solutie ne depuis lontemps amar asenvie detre seul sans une
mouche qui tourne autour de lui amar veut poas le voir tournerr amar sent qand meme un regard qui transperce son dos
come une fleche empoisonee et ne veut pas de sa et ne parlera qe dans lintimit. »
Ces expressions, qui sont aussitôt lues par la facilitante, feront réfléchir le chercheur et proposer son
départ de la pièce tout en laissant tourner les caméras. La séance se terminera alors de façon plus
14
apaisée. Par la suite, avec la facilitante, nous en discuterons pour envisager une troisième séance sans
la présence du chercheur mais toujours avec le dispositif des caméras filmant alors hors contrôle, tant
bien que mal.
Cette troisième séance se passera calmement, nous laissant perplexe, puis au moment d’une séance
intermédiaire non filmée, Amar prendra la décision d’arrêter la recherche, ce qui était une éventualité
envisagée dans le projet de recherche.
Lors de l’entretien préalable et de l’évaluation initiale avec le médecin référent de l’étude, Amar avait
bien accepté le protocole des 7 séances filmées. Mais les entretiens réguliers avec sa psychiatre se sont
interrompus quelques semaines avant le début de la recherche quand celle-ci est partie en congé de
maternité pour plusieurs mois. Cette absence peut expliquer les plaintes exprimées en CF dans la 2e
séance au sujet de ses amies qui lui manquent :
« amar est contyent encore un peu enerve mùais conte de retrouve son amie et veut parle de lautre amoie qui( t partager
des moments avec eus) a eu lenfant et qui doit reven ir pour aifder le sans parole a eus qui vivre en disant dfes mots dous
qui apaisen,t la colre duis dans parole zamar aime etre avec ses deus amies tranquile dsans reghard empois one qui gene et
qui touche le sans parole come un poiso amar aime ses amis. »
Nous avons supposé que la présence du chercheur empiétait sur ces moments privilégiés d’échanges
qu’il voulait préserver avec sa facilitante orthophoniste.
Nous avons alors décidé l’arrêt de la recherche pour Amar mais en convenant d’une dernière séance.
Lors de celle-ci, nous sacrifierons une neutralité de principe, en posant des questions à Amar. Il
répondra avec la facilitante à toutes nos questions en expliquant sa décision d’arrêter la recherche
mais aussi sa capacité de lecture de l’écran et du clavier : « amar coonait les letres et peut lire mais
ecrire seul est imposible come fairede mots avec la bouche ». Nous l’assurons du respect de sa
décision d’arrêter la recherche et que rien ne changera dans sa prise en charge habituelle.
La richesse de cette séance en corrélations internes, c’est-à-dire entre le texte coécrit en facilitation et
le comportement non verbal signifiant d’Amar, est considérable. On voit Amar se lever de sa chaise à
plusieurs reprises et esquisser le mouvement de partir, puis se rasseoir à la demande du chercheur pour
répondre par écrit en CF.
Cet apparent échec du protocole de recherche, arrêté à la demande du patient à travers la
Communication Facilitée, a été l’occasion d’observer un dialogue en CF, dont l’impact s’est produit
sur le cours de la recherche lui-même. Si l’on ne peut écarter l’hypothèse que la facilitante ait eu une
influence plus ou moins consciente sur Amar, le souhait exprimé par écrit de mettre un terme à la
recherche est clairement corrélé au comportement du facilité, et il est difficile de mettre sur le compte
du seul hasard les multiples comportements moteurs, filmés en vidéo, indiquant son envie de quitter la
séance.
L’analyse de ces séquences vidéo permet également de mettre en évidence des « corrélations
analysées » : on observe, à plusieurs reprises, la main d’Amar allant chercher la main de la facilitante
en attente, pour répondre aux questions posées par le chercheur, se suspendre pendant la question et
initier le mouvement vers le clavier pour y répondre à nouveau. Le langage d’Amar ne semble donc
pas limité à son sourire quasi permanent. Le texte rejoint ici le comportement non verbal qui
s’objective sous les caméras.
Les réponses au Questionnaire qualitatif montrent que cette facilitante perçoit souvent l’impulsion
motrice de la main d’Amar vers le clavier. Cette perception qui relève d’un vécu « en 1ère personne »
n’est pas observable en vidéo. Mais la tenue de la main, parfois très distale, permet d’observer une
orientation volontaire des doigts du facilité en vidéo. De fréquentes initiatives motrices émanant du
facilité qui prend la main de la facilitante pour écrire sur le clavier et répondre aux questions du
chercheur, sont aussi observables en vidéo.
Si l’on souhaite à l’avenir vérifier et mesurer expérimentalement l’impression subjective éprouvée par
le facilitant d’une impulsion motrice plus ou moins importante du facilité, il serait indispensable de
mesurer concomitamment le décours temporel et l’intensité des impulsions motrices au niveau de la
main, du poignet et de l’avant-bras de la personne facilitée et de la personne facilitante, par exemple à
l’aide d’un accéléromètre et/ou en utilisant des mesures électromyographiques. Une expérience,
utilisant un dispositif mécanique contrôlant les impulsions motrices initiales, et destiné à étudier
l’influence motrice du facilitant sur le facilité, a montré que la personne facilitante exerçait bien une
15
influence motrice sur le facilité, mais que cette influence ne consistait pas en un simple contrôle
moteur associé à un conditionnement opérant, mais relevait d’un système complexe d’actions et
rétroactions
38
.
Cet exemple montre, sans la démontrer de manière formelle, la possibilité que puisse émerger, en
Communication Facilitée, l’expression d’une volonté propre de la part du facilité, en l’occurrence
celle de se soustraire au protocole de recherche.
D. Quatrième groupe de séquences : écrire seul versus écrire à deux
Brice a 17 ans au début de l’étude et présente un syndrome autistique léger aux échelles cliniques
ERC et CARS. Après une grossesse difficile de sa mère, Brice est né avec un purpura thrombopénique
(baisse du taux de plaquettes d’origine auto-immune) qui a généré un hématome intracérébral ayant
motivé plusieurs IRM cérébrales pendant ses 6 premiers mois de vie. Vers l’âge de 6 mois, a été
dépistée chez lui une surdité. Des troubles de son développement se sont manifestés par un calme
excessif, une absence de babil, puis un isolement relationnel et des troubles du sommeil avec pleurs.
Sa surdité est profonde et bilatérale et il présente quelques troubles autistiques associés, qui sont
probablement consécutifs à sa surdité et peuvent paraître relativement discrets mais qui ont entravé et
sur-handicapé ses capacités relationnelles et ses acquisitions cognitives.
Il porte un implant cochléaire qui a été posé tardivement (à 15 ans) et il n’entend que de très vagues
bruits. Il est pensionnaire d’une institution pour jeunes sourds (Institut Médico-Educatif) depuis l’âge
de 4 ans dans une unité accueillant des jeunes avec handicaps associés. Il a suivi une scolarité
institutionnelle associant mots parlés, écrits, langue des signes et pictogrammes durant 10 ans.
Brice a accepté la recherche avec enthousiasme. Il est suivi en CF depuis plusieurs années par M-T,
une éducatrice spécialisée. En séance de CF filmée, Brice peut regarder attentivement l’écran
d’ordinateur et reconnaître des mots. Il peut également écrire seul quelques mots isolés comme par
exemple son prénom et son nom, la ville où il habite, son artiste préféré (voir Figure 2). Il peut aussi
taper tout seul un mot clef sur Internet pour regarder des vidéos et il peut reproduire, en copiant à la
main, quelques phrases écrites au tableau mais il n’est pas capable d’écrire une phrase de sa propre
initiative : pas de phrases spontanées, pas de verbe lié à un sujet, pas d’adjectif, ni de conjonction de
coordination. Par contre, en CF, la main soutenue, Brice écrit des phrases bien construites qu’il
accepte de corriger lorsque le sens en est changé par une faute de frappe. Ses phrases facilitées,
souvent intelligentes et vives, expriment bien sa personnalité curieuse et facétieuse mais elles
deviennent sérieuses quand il est question des handicapés et de la CF. Ses textes facilités sont le plus
souvent en phase avec son comportement non verbal. Les corrélations internes (congruences
comportementales et émotionnelles avec l’écrit) sont nombreuses. Etant donné qu’il regarde
attentivement l’écran ou le clavier et qu’il se montre capable de lire et même de recopier un texte qui
est, par exemple, écrit au tableau, il semble difficile de penser que Brice soit totalement étranger au
texte écrit en CF.
38
E. Kezuka, The role of touch in facilitated communication. Journal of Autism and Developmental Disorders, 1997, 27,
571-593.
16
Figure 2. Brice écrivant en Communication Facilitée et seul sur Internet
Comment expliquer pourquoi Brice n’est capable d’écrire de phrases personnelles et complexes que
lorsqu’il est facilité ?
Nous faisons l’hypothèse que la main de la facilitante pourrait constituer une source d’étayage
psychomoteur pour le facilité, permettant de suppléer les dysfonctions exécutives (défauts
d’anticipation, de planification, et d’inhibition cognitives et motrices), et les dysfonctionnements
psychomoteurs (maladresse, dyspraxies, persévérations, stéréotypies…), qui sont extrêmement
fréquents dans la pathologie autistique (plus de 90 % des sujets autistes présentent ce type de troubles
à des degrés divers)
39
. Ces dysfonctions exécutives pourraient elles-mêmes résulter de difficultés à
percevoir, intégrer et organiser en temps réel les signaux sensoriels, notamment visuels (mouvements
physiques environnementaux, mouvements humains) et proprioceptifs (perception des informations
venues des muscles, des tendons, et des articulations lors des variations mécaniques)
40
.
Une étude récente, comparant la facilitation réalisée par une personne facilitante à celle réalisée par un
bras mécanique à retour de force appelé « bras haptique », semble plaider en faveur de cet effet
d’étayage psychomoteur dans la CF
41
. Les résultats indiquent en effet que des enfants autistes non
verbaux peuvent être facilités en écriture par ce dispositif mécanique à retour de force. Le bras
facilitant ferait office de filtre psychomoteur pour les troubles dyspraxiques des sujets autistes, en
permettant un soutien et une stabilisation de la posture de leur avant-bras et un étayage de leur
coordination psychomotrice. Selon cette étude, la facilitante ferait plus que détecter et faciliter les
micro- ou macro-mouvements du patient, mais elle permettrait au moins cela, que le bras haptique
39
Cf. E.L. Hill, Executive dysfunction in autism. Trends in Cognitive Sciences, 2004, 8, 26-32. D. Green, T. Charman, A.
Pickles, S. Chandler, T. Loucas, E. Simonoff, G. Baird. Impairment in movement skills of children with autistic spectrum
disorders. Developmental Medicine and Child Neurology, 2009, 51, 311-316.
Voir aussi. Anna-Karine Deguerry La Communication Facilitée en Australie, TMPP Bulletin n°26. Septembre 2002 : « En
Australie (comme aux Etats-Unis et en Allemagne), la CF est conçue avant tout comme une technique qui permet à des
personnes d'agir, grâce au soutien physique et émotionnel, sur leurs déficiences motrices et sur leurs troubles d'origine
neurologique (tels la dyspraxie, les troubles neurovisuels, l'inhibition, l'impulsivité, les persévérations, un tonus musculaire
trop faible ou trop élevé, des tremblements ...)". Voir aussi B. Gepner, La CF et les personnes autistes : faits, indices et
hypothèses. TMPP Bulletin N° 10, 1998.
40
B. Gepner, F. Féron. Autism: a world changing too fast for a miswired brain? Neuroscience and Biobehavioral Reviews,
2009, 33, 1227-1242. B. Gepner, F. Lainé, C. Tardif, Désordres de la constellation autistique : un monde trop rapide pour
un cerveau disconnecté ? Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences (PSN), 2010.
41
N. Oudin,, A. Revel, J. Nadel, Quand une machine facilite l’écriture d’enfants non verbaux avec autisme. Enfance,
2007, 59, 82-91.
17
permettrait également de réaliser.
Un défaut de traitement des flux visuels et proprioceptifs, déjà démontré chez des enfants autistes
42
,
entraînant un faut de construction d’un modèle interne
43
et des dysfonctions exécutives, pourrait
donc au moins en partie contribuer à expliquer les bénéfices respectifs observés avec la facilitation
humaine et mécanique. Il serait utile de reproduire des situations comparatives de facilitation humaine
versus mécanique sous les caméras pour pouvoir mieux les étudier, afin de mieux identifier et
qualifier la facilitation psychomotrice en CF.
IV. Conclusion
Nous cherchons avec cette étude exploratoire à identifier et analyser certains aspects des interactions
spécifiques à la Communication Facilitée. Rappelons tout d’abord une confusion et un amalgame
fréquents entre CF et Psychophanie (voir Introduction), dont les frontières respectives restent encore
floues. Deux points de repère importants permettent néanmoins de distinguer ces deux approches. La
Communication Facilitée conçue par Rosemary Crossley notamment pour des patients infirmes
moteurs cérébraux, requiert du facilité des capacités minimales d’attention, de désignation d’images
ou mots, ainsi que de lecture. Par ailleurs, la CF requiert nécessairement un contact physique entre les
deux partenaires de l’interaction, pour favoriser une situation de coproduction
44
.
Dans notre recherche, c’est typiquement la Communication Facilitée que nous nous limitons à étudier.
Ainsi, dans cet article, nous avons rapporté des observations qui ne concernent que trois participants
pour lesquels il n’apparaît pas d’incompatibilités flagrantes entre leurs compétences attentionnelles,
psychomotrices et de lecture, leur comportement observable en séances de CF, et les écrits.
Pour les trois autres participants, ces incompatibilités nous apparaissent plus ou moins manifestes.
Nos premières observations, issues de l’analyse des séances de CF filmées impliquant 3 dyades,
indiquent :
1) l’existence d’une influence manifeste du processus d’écriture par la facilitante, en particulier
lorsque celle-ci tient le clavier d’organiseur et le bouge perceptiblement sous le doigt du facilité. Cette
influence pourrait s’apparenter, pour un observateur extérieur, à un contrôle conscient ou inconscient,
partiel sinon total, du processus d’écriture. Ce type d’observation suscite une critique majeure sinon
rédhibitoire du processus de CF dans la situation observée. Il conforte également les résultats des
études sur la CF en contexte expérimental, qui ont majoritairement invalidé la CF en concluant que la
personne facilitée n’est pas l’auteur des messages écrits (cf. Introduction).
2) l’existence de « corrélations internes » et de « corrélations analysées », c’est-à-dire de congruences
entre le comportement moteur et/ou émotionnel observables des patients, et le contenu des écrits
produits en CF. Ces corrélations ne semblent pas liées au seul hasard, elles sont reproduites en
plusieurs occurrences et elles sont fréquemment congruentes avec l’impression subjective, ressentie à
des degrés divers par les trois facilitantes, que l’impulsion ou l’initiation motrice vers le clavier vient
en partie de la main de la personne facilitée.
Ces corrélations permettent d’évoquer la possibilité que la CF puisse faire émerger des compétences
communicatives chez certaines personnes facilitées. L’émergence de ces compétences pourrait
renvoyer aux notions d’étayage et de tutorat
45
qui sont à l'œuvre dans tout processus interactif de
42
Cf. B. Gepner & J. Massion (dirigé par). L’autisme : une pathologie du codage temporel ? TIPA (Revue des Travaux
Interdisciplinaires du laboratoire Parole et Langage), 2002, 21, 177-218. C. Schmitz, C. Assaiante, B. Gepner, Modulation
de la réponse anticipée en fonction du poids à délester, TIPA (Revue des Travaux Interdisciplinaire du laboratoire Parole
et Langage), 2002, 21, 207-211. C. Schmitz, J. Martineau, C. Barthélémy, C. Assaiante. Motor control and children with
autism : deficit of anticipatory function ? Neuroscience Letters, 2003, 348, 17-20.
43
C. Haswell et al. Representation of internal models of action in the autistic brain. Nature Neuroscience, 2009, 12, 970-
972.
44
Expression utilisée par G. Diebold, C. Cysseau, J. Roze “ Communication facilitée ou expression accompagnée?
Apprentissage ou psychothérapie? La psychiatrie de l'enfant, 2001, XLIV, 1, p. 58.
45
J. Bruner, Le développement de l'enfant, Savoir faire, savoir dire, PUF, Paris, 1981. L. S Vygotsky, Pensée et langage,
18
communication et d’apprentissage avec un tuteur, et qui visent à actualiser des potentialités
d’apprentissage et de communication latentes chez le sujet tutoré.
46
3) la persistance de capacités résiduelles d’écriture avec la CF lors d’une diminution du soutien
moteur par les facilitantes, qui n’est possible qu’au prix d’une diminution de la vitesse d’écriture et
d’un accroissement de la fatigue musculaire chez les deux protagonistes de la dyade. Ce phénomène
accrédite l’idée que la facilitation procède au moins en partie d’un étayage et d’un filtrage
psychomoteurs pour les difficultés exécutives, praxiques et toniques, et les troubles psychomoteurs
complexes des personnes autistes. Cette hypothèse est testable avec une méthodologie
complémentaire comparant la facilitation par une facilitante et celle obtenue à l’aide d’un bras
haptique. Cette persistance du processus de CF lors d’une diminution du soutien moteur, permet aussi
de faire l’hypothèse d’une possibilité d’accroissement de l’autonomisation des sujets facilités dans
l’écriture moyennant un apprentissage prolongé.
Par ailleurs, pour objectiver l’impression subjective ressentie par certaines facilitantes d’une
impulsion motrice provenant du facilité, il faudrait à l’avenir mesurer le décours temporel et
l’intensité de l’impulsion motrice au niveau des mains, des poignets et des avant-bras
concomitamment chez le facilité et la facilitante, par exemple à l’aide d’accéléromètre et/ou par
électromyogramme
Nos observations dépendent étroitement des limites et contraintes de l’instrumentation par les caméras
vidéo et de notre protocole expérimental. Ces observations, pour utiles quelles soient dans
l’objectivation de certains paramètres des interactions, se révèlent néanmoins insuffisantes pour
mesurer et contrôler précisément ces interactions. De plus elles ne portent que sur trois dyades, et
n’ont pas de valeur généralisable. Elles permettent toutefois de confirmer l’existence de processus
d’influence psychomotrice manifeste, mais aussi d’évoquer la possibilité d’émergences de nouvelles
capacités psychomotrices (via des processus d’étayage et de filtrage psychomoteur), et
communicatives, chez certaines personnes autistes adultes avec la CF.
Nous devons maintenant confirmer ces premières observations par des analyses systématiques et
approfondies de ces interactions psychomotrices avec des instrumentations complémentaires, ainsi
que des analyses linguistiques et psycholinguistiques des écrits.
Remerciements
Nous remercions particulièrement les trois facilitantes, les six jeunes adultes avec autisme et leurs
familles ainsi que les institutions qui ont accepté cette recherche filmée durant un an dans le cadre
d’une thèse menée à l’Ecole Doctorale Cognition Langage Education (Université d’Aix-Marseille I).
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46
Voir le concept de zone proximale de développement in L. Vygotsky, Pensée et langage. Trad. F. Sève, Paris, Éditions
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19
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Sellin, B. (1994) Une âme prisonnière, Ed. Robert LAFFONT (coll. Réponses)
... As observable on Video, B.L. spent most time looking at the screen or at the keyboard in all the typing conditions, hence controlling visually the typing process, and confirming his own contribution to the message production. However, in a preliminary study (25) including B.L. and five other adults with ASD and intellectual disabilities, it was observed that far less time was spent looking at the screen or at the keyboard during the FC process in all the participants compared to B.L. in the present study. This intriguing phenomenon should be further studied in various contexts (natural vs. experimental; education/learning) in order to delineate various forms of facilitated communication, i.e., requiring more or less proximal holding from the facilitator, and requiring more or less visual and motor control and more or less overt/covert competencies from the participant. ...
Article
Full-text available
Facilitated communication (FC) belongs to augmentative and alternative methods of communication. Currently, FC is very rarely and unofficially used with people suffering from verbal/communicative disorders or neurodevelopmental disorders such as intellectual deficiency or autism spectrum disorder (ASD). FC consists of physical support exerted by a facilitator at the hand/wrist/forearm/elbow of a patient/participant, aimed at helping him/her to point at pictures/words, and sometimes to type letters/words on a keyboard. Given most of (but not all) validation studies using control procedures failed to confirm that ASD participants themselves were authoring the messages via FC, this method has been massively disputed and rejected. However, firm and definitive conclusions for/against the validity of FC requires more robust demonstrations, particularly when considering the motor participation of both protagonists. We present here a case report investigating the motor contribution of both protagonists during a typing process using the non-invasive technique of accelerometry. A 17-year-old boy diagnosed with congenital deafness, ASD, and developmental delay, and his facilitator, were equipped with small accelerometers fixed on their index finger, aimed at transforming index acceleration along the three spatial axes into electric signals. Typing on a PC keyboard was performed under three support conditions: hand support, forearm support, elbow support, plus a solo-typing condition. Accelerometric signals and video data were recorded during four FC sessions. We measured and compared the typing speed, the number/percentage of acceleration peaks produced by the participant or by the facilitator first, and those of “signal under detection threshold” in the facilitator, the time offset between acceleration peaks of both protagonists, and the difference of the amount of acceleration between them, across the different support conditions. Results indicate that in the hand support, most of the time, acceleration motions of the participant's index finger preceded those of the facilitator's index finger. Then, the more distal the physical support (i.e., farer from the participant's hand), the slower the speed of typing, the higher the percentage of “signal under detection threshold” in the facilitator, the bigger the motor contribution from the participant. Altogether, in all the support conditions, the participant's authorship or, at least, co-authorship on the messages seems warranted. Finally, accelerometry seems relevant to objectivize authorship or co-authorship in FC and delineate various forms of FC.
Book
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La clinique (psychologique, psychanalytique, psychiatrique) se fonde sur l’observation fine des individus et des situations et sur la retranscription de leur histoire sous la forme d’« études de cas ». Ces deux pratiques ne vont nullement de soi, et le but de cet ouvrage, réactualisé dans cette 3e édition, est de donner au clinicien et futur clinicien les fondements de leur pleine maîtrise. Quels sont les principes épistémologiques, cliniques et éthiques à respecter ? Comment s’accorder avec les grands déterminants (référence à l’histoire singulière, primat du sens, approche de la subjectivité, transfert et contre-transfert...) ? Comment appréhender le cas, à la fois dans sa spécificité et dans son caractère paradigmatique lorsqu’il illustre une théorie ou révèle un fait ? Comment intégrer les données recueillies en respectant le temps du sujet ?
Article
Full-text available
Facilitated Communication (FC) is used since about 10 years as a novel augmentative method in the treatment of autistic persons. Its validity is on debate, its indications, advantages and limits are inaccurate. The aim of our study was to determine whether FC brings or not a benefit to some autistic persons, in terms of communication and socialization. We followed and compared the clinical course of two matched groups of 12 autistic subjects each (five children, six adolescents and one adult), along an eighteen months period. The 12 subjects of the first ‘target’group had FC sessions, the 12 subjects of the second ‘control’group had not. Subjects of both groups were clinically assessed with the ECA scale (BSE), at the beginning of the study, after 9 months and after 18 months, by 3 quotators: parents, care-taker(s) and a clinician. Results show that, while the target group improves significantly within four clinical domains — autistic retrieval, verbal and non verbal communication, reactions to environment and affective reactions —, the control group does not improve significantly. Besides, a questionnaire shows that 10 out of 12 families consider FC as a useful method. Our study brings new arguments for assessing the therapeutic impact of FC in the life of autistic persons and their families.
Article
“ FACILITATED COMMUNICATION ” OR ACCOMPANIED EXPRESSION ? LEARNING OR PSYCHOTHERAPY ? Basing their work on a 16 year-long observation as well as several shorter ones, the authors expose their point of view concerning “ facilitated communication ” which they prefer to call accompanied expression. They explain why they feel that this seemingly magical phenomenon can be perfectly integrated into our frames of reference and particularly the psychoanalytic conception of identification, even though, fortunately, there is still room for a more thorough elaboration. Large excepts of a psychotherapy using assisted writing are exposed in the attached documents.
Book
French translation of Pragmatics of human communication
Article
Cet article rapporte une recherche interdisciplinaire homme-machine qui avait pour objectif d'évaluer de façon objective l'apport de la communication facilitée à l'apprentissage du langage écrit sur ordinateur chez des enfants avec autisme privés de langage oral. La technique de la communication facilitée consiste à maintenir le poignet, le coude ou l'avant-bras de l'enfant assis devant le clavier d'ordinateur, et à l'inciter à écrire, ainsi aidé dans ses gestes et dans ses initiatives. Cette technique dont on a rapporté les résultats parfois spectaculaires fait l'objet de violentes atta- ques : on soupçonne généralement l'orthophoniste non seulement de faciliter mais encore d'écrire à la place de l'enfant. Les critiques les plus modérées soulignent com- bien il est difficile d'évaluer ce qui est dû à l'action du facilitateur et ce qui est dû à l'enfant dans les performances obtenues. Pour traiter ce problème, nous avons créé un système assisté par ordinateur qui tantôt soutient le bras de l'enfant et facilite ses déplacements, tantôt lui impose des déplacements pour écrire une phrase dictée par la machine. Les performances en facilitation par la machine sont comparées aux per- formances en facilitation par l'orthophoniste. Les premiers résultats portent sur 5 en- fants avec autisme de niveau cognitif et langagier divers. Les enfants sont tous capables d'écrire au moins quelques mots grâce à la facilitation apportée par la ma- chine mais ils font plus de fautes et sont plus descriptifs dans leur expression. Par ailleurs, ils refusent de se faire imposer des frappes par la machine. L'un des ensei- gnements les plus forts de l'expérience est le rôle de l'orthophoniste non pas dans le choix des touches frappées mais dans le lâcher des touches et la segmentation des mots.
Article
This book describes work that has been done with verbally impaired individuals (autism, brain surgery, Down's Syndrome) who are unable to use language to convey even the simplest idea. The book points out that such people are not necessarily strangers to language, they just have not found a way to express themselves. The work discussed in the book has given verbally impaired persons the tools to communicate. Through the use of computer technology, a dedicated teacher developed a technique in which pictures, words, and letters displayed on a computer keyboard or screen could be manipulated and combined by the patient to express himself or herself. This "facilitated communication" technique has enabled the teacher to interpret the previously unutterable thoughts, emotions, and stories of her patients. The book tells the stories of many patients trying to break through to the use of language--these stories will make readers rethink the definitions of communication and mental retardation, as well as remind them how much can be gained by listening to those who have been kept silent. (Contains a glossary of terms used, a list of resources for further reading, a bibliography, and an index.) (NKA)
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This qualitative study of 7 speech and language teachers and classroom teachers working with 17 students, focused on how and on what basis the teachers determined that the words typed were authored by their students. Teachers provided and described evidence for 13 of the 17 students of message passing skills. Teachers noted that 3 of these 13 and 4 of the total 17 achieved some independent typing beyond typing their names and the date. 16 of the 17 students were judged by their teachers to have confirmed their typing communication ability by virtue of other features: unique physical characteristics in typing or pointing, personal themes, recurring phrases, and stylistic qualities. These features appeared in their individual work but not in others, even though several shared facilitators. Findings suggest the potential value of a communication portfolio approach to documenting individuals' abilities to communicate with facilitation. (PsycINFO Database Record (c) 2012 APA, all rights reserved)
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"Communication Unbound" reveals the wonder of expression by people who had previously been trapped in silence and diminished by presumptions of their incompetence. . . . Facilitated communication is the means by which these children—as well as thousands of other people who cannot speak or whose speech is highly disordered, and who were previously believed to be severely retarded—are revealing unexpected literacy abilities. We follow the author, other caregivers, and parents as they learn about facilitated communication, experience its successes and failures, and confront the controversies surrounding its use. How did so many people who were thought to be retarded learn to read? Why can they not communicate independently? Why do some people communicate well with one facilitator and not at all with another? How is it that even young children—some only 3 yrs old—already show some literacy abilities? "Communication Unbound" is . . . also a story of fierce resistance by outspoken critics, and of the struggles that attend a paradigm shift in science. The questions it raises about our understanding of a particular disability—autism—involve much deeper and more basic issues: our conception of disability in general, and the meaning of education and of change. This . . . book will be required reading for faculty members in special education and speech/language pathology, for professionals who work with persons with autism and other severe language handicaps, and for parents of children with autism. (PsycINFO Database Record (c) 2012 APA, all rights reserved)