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Emprunts en français contemporain : étude linguistique
et statistique à partir de la plateforme Néoveille
Emmanuel Cartier
To cite this version:
Emmanuel Cartier. Emprunts en français contemporain : étude linguistique et statistique à par-
tir de la plateforme Néoveille. L’emprunt en question(s) : conceptions, réceptions, traitements lexi-
cographiques, 2019. �hal-02537344�
Emprunts en français contemporain : étude linguistique et statistique à partir de la
plateforme Néoveille
Emmanuel Cartier
Université Paris 13 SPC, LIPN-RCLN UMR 7030 CNRS, Labex EFL,
emmanuel.cartier@lipn.univ-paris13.fr
Introduction
Parmi l’ensemble des procédés néologiques, l’emprunt occupe une place à part puisque le matériau
provient d’un autre système linguistique. Il occupe également une place de choix dans les études
néologiques, car il s’agit d’un phénomène intrinsèque aux langues, la très grande majorité des
langues se développant non pas dans un environnement clos et étanche à toute influence externe,
mais au contraire dans un écosystème dont elles ne sont qu’un composant. Cela est encore plus vrai
maintenant que les moyens de communication permettent des échanges au niveau mondial, chacun
étant exposé, via la communication électronique, de façon quasi instantanée, à des messages
linguistiques en provenance de la quasi-totalité des autres régions du monde, dans d’autres langues,
et pouvant en subir les influences.
Cet article portera sur les emprunts en français contemporain, à partir des néologismes repérés
et validés dans la plateforme Néoveille (Cartier 2016, 2018). Nous commencerons par exposer
quelques notions préliminaires permettant de délimiter et de préciser ce que nous entendrons par
emprunt. Ensuite, quelques principes méthodologiques seront présentés pour effectuer l’étude
applicative. Enfin, nous ferons une synthèse sur les particularités des emprunts en français
contemporain.
1. Jalons théoriques
1.1. Définitions et périmètre de l’emprunt linguistique
La première caractéristique de l’emprunt linguistique est de constituer un groupe à part parmi les
mécanismes néologiques, puisqu’il provient d’un système linguistique externe à la langue dans
laquelle il se produit (Sablayrolles 2016). Il s’agit d’un des effets du contact et des échanges entre
les langues.
Ces contacts aboutissent à plusieurs phénomènes que nous pouvons analyser selon au moins
trois points de vue : point de vue des mécanismes formateurs d’emprunts ; point de vue du cycle de
vie des emprunts ; point de vue des motivations de l’emprunt.
Distinguons tout d’abord l’emprunt d’autres formes de contact qui dépendent de la relation
entre les deux langues :
l’interférence linguistique (code mixing) consiste à effectuer un mélange de deux ou
plusieurs langues : ce premier phénomène est lié à des situations sociolinguistiques
spécifiques de bi- ou multilinguisme, il peut être limité à des groupes sociolinguistiques
spécifiques et aboutit parfois à des créoles ; pour ce qui concerne le français, de nos jours,
des zones métropolitaines frontalières (notamment en Alsace), un certain nombre de pays
francophones non métropolitains connaissant la cohabitation de plusieurs communautés
linguistiques (voir Reutner 2017 pour une synthèse sur ce point) et des communautés
linguistiques très restreintes, sont concernés par ce phénomène, qui ne sera pas notre objet
ici ;
l’alternance codique (code switching) consiste, dans un texte dans une langue L2, à changer
de code linguistique, pour émettre une séquence de discours (pouvant allant de la lexie au
texte) dans la langue L1 ; ce phénomène ne fait pas partie de l’emprunt linguistique,
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
puisqu’il s’agit d’un phénomène dans lequel l’énonciateur assume le passage d’une langue à
l’autre, et ne cherche aucunement à intégrer le passage en langue L1 dans la langue L2 ;
l’emprunt, dans cette perspective, se limite à une situation où le contact de langue laisse
intactes les langues L1 et L2, et où le matériau de la langue 2 se trouve circonscrit à des
propriétés linguistiques identifiables. Cependant, on voit bien que le phénomène d’emprunt
est en continuité avec l’alternance codique, d’autant que cette dernière se manifeste
également dans les textes.
Du point de vue des formes linguistiques de l’emprunt, de nombreuses typologies ont été
proposées1. Dans le cadre de ce travail, la typologie proposée par (Sablayrolles, 2016) est utilisée.
Celui-ci distingue trois familles de phénomènes induits par les contacts de langue : les emprunts
lexicaux véritables, les créations d'équivalents (généralement proposés par les organismes
institutionnels de régulation linguistique) et d'autres néologiques subissant une influence étrangère
mais où l'une des matrices internes prédomine.
Le s emprunts lexicaux proprement dit comprennent les lexies dont le signifiant (avec ou non
adaptation phonique et/ou graphique : staff, lobby, mildiou< mildew, paquebot < packet boat) et/ou
le signifié (réaliser dans le sens de l'anglais to realize, 'comprendre') sont directement importés dans
la langue réceptrice. Ces vrais emprunts s'opposent à toute une série de cas où une matrice interne
prédomine, avec une influence étrangère pouvant prendre différentes formes :
•la traduction, lorsque un formant existant dans la langue réceptrice est utilisé en place du
formant étranger, l'influence ressortissant alors au sens, qui est généralement intégralement
repris (par exemple souris < mouse, où c'est l'apparition d'une nouvelle acception de souris,
par la matrice sémantique par métaphore, qui prédomine) ;
•le calque morphologique : lorsque la traduction opère sur un mot complexe, on parle alors
de calque morphologique (exemples : gratte-ciel < sky-scraper, cheval de troie < Trojan
Horse) ;
•l'allogénisme ou faux emprunt : « Sous les dénominations faux emprunts et allogénismes
sont rangées des lexies qui n’existent pas dans la langue censée être la source, mais qui sont
fabriquées dans la langue cible avec des formants issus d’une autre langue (tennisman par
exemple), en particulier les hybrides : serial menteur ou les influences de structure : royale
attitude. » (Sablayrolles, 2016 : 5) ;
•la synthèse néologique (ou trou comblé): il s'agit des cas où la création lexicale ne peut être
expliquée que par l'influence d'un sens provenant d'une autre langue, sans que l'on retrouve
de lien entre les formes (exemple de la synapsie lanceur d'alerte < whistle-blower).
Nous renvoyons à (Sablayrolles, 2016) pour une présentation détaillée de cette typologie.
Du point de vue du cycle de vie des emprunts, plusieurs notions ont été proposées, tentant de
couvrir les différents phases saillantes de ce type d’innovation lexicale :
•l e xénisme s’applique « à un terme étranger qui désigne une réalité inconnue ou très
particulière et dont l’emploi s’accompagne, nécessairement, d’une marque métalinguistique
qui peut être soit une paraphrase descriptive, soit une note explicative en bas de page quand
il s’agit d’un texte écrit » (Guilbert, 1975:92). Il est très proche de l’alternance codique,
puisqu’il consiste à citer une réalité propre à une langue L2 dans la langue L1. Restreint aux
éléments lexicaux, la mention de la lexie est assumée comme appartenant à la mémoire
linguistique de L1 : quelques lexies dorénavant ressenties comme empruntées (ou plus
ressenties comme telles) sont passées par l’état de xénisme : sushi, glasnost, jazz, etc .
Cependant, généralement, le xénisme désigne une réalité culturelle propre à L1, ce qui
bloque son intégration plus avant dans la langue L2. Par exemple, un très grand nombre de
plats locaux sont désignés par leur nom d’origine, adapté ou non. Le feiao tropeiro, plat
1 Dans le monde anglo-saxon et germanique, la typologie de (Haugen 1950) reste la base des typologies (voir Backus et
al. 2009, pour une revue, et Winter-Froemel 2009).
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typique brésilien à base de haricot, de lardons et de saucisses est un exemple de terme qui
sans doute restera à l’état de xénisme, pour des raisons à la fois culturelles et linguistiques ;
•le pérégrinisme désigne l’état d’un xénisme qui diffuse dans plusieurs couches sociales sans
toutefois se fixer; xénismes et pérégrinismes constitueraient dans ce cadre des états du
phénomène d’emprunt2 ; Nous renvoyons à (Sablayrolles, ce volume) pour une étude
détaillée de cette notion, aboutissant à la rejeter ;
•l’emprunt proprement dit, dans ce cadre, désignerait un état d’intégration encore plus
avancé : « Il y a emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité
ou un trait linguistique qui existait précédemment dans un parler B (dit langue source) et que
A ne possédait pas. L’unité ou le trait emprunté sont eux-mêmes appelés emprunts »
(Dubois et al. 2007 : 177)3 . On notera à ce propos que les anglo-saxons utilisent deux
termes distincts pour désigner le processus (borrowing) et le résultat « lexical » (loanword).
On remarque ici que la définition inclut un critère d’intégration avancée de la lexie en L2,
ce qui fournit un nouveau critère de distinction entre emprunt et xénisme ;
•le cycle de vie d’une lexie empruntée ne s’arrête pas au moment de son émergence, ce qui
nous fait diverger de la définition précédente, qui limite l’emprunt aux lexies arrivées au
stade de l’intégration. Or il faut distinguer les phases d’émergence, de diffusion et de
lexicalisation. D’autres paramètres permettent d’identifier les phases d’intégration des
emprunts et notamment, d’un point de vue exclusivement linguistique4 : intégration
phonologique (riding coat > redingote, mais baby-sitting > baby-sitting), morphologique,
intégration dans le système de morphologie productive (facebook > facebookisation,
facebookeur, se défacebooker...).
Enfin, du point de vue des motivations de l’emprunt, les chercheurs en ont identifié quatre
principales, qui selon les cas peuvent se cumuler :
•l’emprunt est lié à un besoin dénominatif et la langue réceptrice ne dispose pas d’une lexie
correspondante : on recourt alors à un terme en usage dans une autre langue, qui, de nos
jours, de par la mondialisation, est généralement la lingua franca anglo-américaine. Cette
situation se présente notamment dans tous les domaines à composante technologique ;
• l’emprunt est une manière d’affirmer une identité culturelle ou idéologique : c’est
généralement le cas lorsque les emprunts sont faits à d’autres langues que l’anglo-
américain ;
•l’emprunt est lié au prestige ressenti d’une langue : c’est notamment le cas dans la presse
féminine, ou encore dans un certain type de presse magazine parisienne (Slate par exemple),
pour ce qui concerne l’anglo-américain.
•L’emprunt est motivé par le jeu.
2 « At first, loans are ‘xénismes’ foreign words normally italicised or enclosed in quotes in a text, and generally
translated. These may be nonce forms, or may enter a second stage of ‘pérégrinisme’, or true adoption, in which they
begin to be used more widely, partly by non-bilinguals; at this stage, loans are still seen as foreign » (McMahon 1994 :
209). Voir aussi (Dubois et al. 2007 : 512) : « le pérégrinisme renvoie encore à la réalité étrangère [celle du xénisme]
mais la connaissance de son sens est supposée partagée par l’interlocuteur. ». (Deroy 2013 [1956]:chap.IX) assimile
xénisme et pérégrinisme.
Concernant le rapport entre le xénisme et le pérégrinisme, (Chadelat 2000) affirme que « Les pérégrinismes ne
sont après tout que des mots voyageurs ou migrateurs considérés du point de vue linguistique, en fonction d’une place
hypothétique au sein du système susceptible de les adopter, tandis que les xénismes sont ces mots étrangers considérés
du point de vue des locuteurs en fonction de leur forme exotique ». Mais il conclut ensuite que la distinction est
difficile à établir (voir Sablayrolles dans ce volume pour une analyse)
3 On trouve une définition similaire dans (Thomason et Kaufman 1988:37) « Borrowing is the incorporation of foreign
features into a group’s native language by speakers of that language: the native language is maintained but is changed
by the addition of the incorporated features. »
4 Nous nous limitons ici à des éléments linguistiques, mais il est nécessaire de prendre en compte les paramètres socio-
pragmatiques de l’intégration (ou non) des emprunts - et des néologismes en général. Voir la section suivante.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
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Enfin, un dernier point concerne l’éventuelle politique linguistique de la langue réceptrice, qui
peut chercher à amoindrir une tendance à l’emprunt jugée trop invasive, notamment lorsque le
processus est massif ou ressenti comme tel. Il s’agit d’un élément important dans le domaine
français qui dispose depuis longtemps d’organismes régulateurs.
1.2. Cycle de vie des néologismes : perspectives linguistique, socio-pragmatique et cognitive
Les emprunts, tout en obéissant à des règles particulières, font partie de cette catégorie de lexies
appelée néologismes, ou encore innovations lexicales. Les spécificités des emprunts proviennent
essentiellement de ce que le matériau formel provient d’une autre langue (matrice externe), tandis
que les autres procédés néologiques sont formés à partir du matériau interne disponible (matrices
internes) (Sablayrolles 2017). Sablayrolles s’est, entre autres choses, intéressé à modéliser et décrire
les mécanismes de formation des mots, en s’appuyant sur les travaux initiaux de (Tournier 1985). Il
évoque (Sablayrolles, 2000, par exemple) l'importance des caractéristiques sociolinguistiques des
énonciateurs et des circonstances énonciatives caractérisant les discours comprenant des
néologismes.
D’autres courants linguistiques ont considéré que trois perspectives principales pouvaient être prises
sur le phénomène néologique. (Schmid 2008 ; 2015) propose ainsi :
•u n e perspective linguistique, cherchant à décrire les propriétés phonologiques,
morphologiques, syntaxiques et sémantiques des unités lexicales, et les mécanismes
permettant d’expliquer les modifications de l’une ou de plusieurs de ces propriétés,
aboutissant à l’innovation lexicale ; la lexicalisation (anglais : lexicalization) représente
dans ce cadre le processus d’intégration ou non du néologisme dans le vocabulaire de la
langue considérée ;
•une perspective cognitive, qui cherche à modéliser et décrire les mécanismes de formation et
d’enracinement (entrenchment, voir plus loin) des unités lexicales dans l’esprit des locuteurs
d’une communauté linguistique ; la notion de formation de concept (anglais : concept-
formation) couvre dans cette perspective le processus d’intégration ou non du symbole
linguistique dans l’esprit des individus (voir Schmid, 2016 pour un état de l'art);
•u n e perspective socio-pragmatique, qui cherche à modéliser les paramètres sociaux et
pragmatiques permettant de décrire comment les innovations lexicales deviennent ou non
graduellement intégrées à la mémoire collective. La notion d’institutionnalisation (anglais :
institutionalization) subsume dans cette perspective le cycle de vie des néologismes pour la
communauté linguistique.
(Schmid 2008 : 3) reprend alors à son compte le terme d’establishment (Bauer 2001 : 46) pour
subsumer les trois termes de lexicalisation, formation de concept et institutionnalisation. Il reprend
par ailleurs les trois phases classiques pour décrire le cycle de vie des innovations lexicales :
creation, consolidation et establishing, qui se déclinent selon les trois perspectives (voir figure 1).
Figure 1. Trois perspectives et trois phases du cycle de vie des innovations lexicales (Schmid
2008 : 3)
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
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de vue, quelques travaux ont appliqué et opérationnalisé cette notion de diastratie, soit en
considérant qu’il était possible d’identifier les variétés linguistiques en identifiant les propriétés de
groupes sociaux, par la classe sociale, l’âge, le genre, etc. (voir par exemple Labov 2001), soit en
modélisant la communauté linguistique comme un ensemble de groupes sociaux, et en modélisant la
diffusion de l’innovation en distinguant les groupes innovateurs, les groupes adopteurs précoces et
tardifs, et les retardataires (Rogers 2003 [1983]). Ce modèle s’accompagne d’une théorie décrivant
l’innovation réussie, au moyen de la courbe sigmoïde, liant l’adoption de l’innovation à son emploi
progressif par ces différents groupes sociaux. (voir Nevalainen 2015 et Feltgen et al. 2017 pour une
application au changement lexical).
Avec ces différents jalons théoriques, nous abordons maintenant la méthodologie que nous
avons suivie pour mener notre étude.
2. Méthodologie
Dans cette partie, nous évoquons les points essentiels de la méthodologie suivie, qui est liée à
l’utilisation de la plateforme Néoveille et aux hypothèses théoriques adoptées. Nous renvoyons à
(Cartier et al. 2018) pour plus de détails sur la plateforme elle-même.
2.1. Corpus
Pour cette étude, nous avons utilisé le corpus disponible dans Néoveille. Le corpus dynamique du
français contemporain est composé de 245 sources de presse récupérées deux fois par jour via les
fils RSS publiés par les éditeurs, depuis 2015. Chaque source d’information comprend des
informations diatopiques (pays, région pour l’espace hexagonal) et diastratiques (domaine). Un
aperçu est présenté dans le tableau 1.
Tableau 1. Extraits sur la répartition diatopique et diastratique (pour la presse hexagonale)
Pays Nbre titre de
presse
Nbre d’articles Domaine Nbre d’articles
France 156 912 504 Général 730 386
Algérie 53 75 291 Sport 99 802
Canada 4 72 693 Presse
féminine
27 108
Belgique 4 39 503 Politique 13 945
Sénégal 25 39 296 Informatique 11 451
Total 1 139 287 Industrie 9 527
Sciences 4 516
Les différences dans la distribution par pays sont liées au nombre de titres de presse, d’une
part, et au démarrage de la récupération, plus tardive (début 2016) pour les pays francophones hors
métropole. Concernant les domaines, la liste est liée, en la simplifiant, à l’ontologie des thèmes
proposées par l’IPTC6.
2.2. Validation des emprunts
Dans Néoveille, les néologismes formels sont d’abord détectés automatiquement, puis les experts
humains doivent valider ou non les propositions du système. Ces validations ont été effectuées en
suivant le protocole suivant : chaque membre du groupe de travail pour le français annote
6Cette association professionnelle internationale regroupe les principaux organes de presse. Voir :
https://iptc.org/standards/media-topics/
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individuellement sur la plateforme une partie des néologismes candidats, sur la base d’une fiche
d’instructions détaillant les catégories de néologismes et de non-néologismes. Puis, lors de réunions
collectives mensuelles, une validation est effectuée, les cas litigieux étant tranchés sur la base d’un
vote majoritaire. Ce processus de validation a permis de valider, sur deux ans et six mois (juin
2015-2017), un peu plus de 21 000 néologismes et 1 429 emprunts à composante formelle. Il
convient de noter qu’étant donné que le système initial ne détecte que les néologismes ayant une
composante formelle, un certain nombre d’emprunts ne sont pas représentés dans notre corpus
(calques syntaxiques et sémantiques).
2.3. Description linguistique des emprunts
Une fois validés, les néologismes sont ensuite décrits linguistiquement, en utilisant une version
simplifiée de la micro-structure développée dans (Sablayrolles 2010). Cela aboutit à une
microstructure comprenant les champs détaillés dans le tableau 2, les deux derniers champs étant
propres aux emprunts.
Tableau 2. Microstructure utilisée dans Néoveille
Informations Définition succincte
Partie du discours Catégorie morphosyntaxique parmi : nom, verbe, adjectif, etc.
Classe sémantique Classe sémantique générique. Inspirée de (Le Pesant et Mathieu-Colas 1998)
Définition
Procédé(s)
néologique(s)
impliqués
Le ou les mécanismes néologiques impliqués dans l’innovation lexicale, en partant
de la typologie de (Sablayrolles 2017)
Configuration
syllabique
Description générique et détaillée de la configuration syllabique de la lexie, au
moyen des notions de syllabes ouverte et fermée.
Configuration
morphologique
Décomposition morphologique de l’innovation, au moyen des notions de radical,
d’affixe et de formant.
Lexie base Identification de la ou des lexies ayant servi de base au néologisme
Partie du discours
lexie base
Identification de la partie du discours de la lexie base, ou de la racine.
Influence langue Indication de la langue origine de l’emprunt ou des influences présentes dans la
création d’un néologisme, formé par une / des matrices internes
Mode influence Type de l’influence, parmi l’une des catégories suivantes : traduction (ou calque
sémantique), calque morphologique, formant emprunté, sens emprunté, structure
empruntée, synthèse néologique7
À ces informations, il faut ajouter trois informations linguistiques qui sont disponibles de
manière automatique sur la plateforme depuis 2018 : l a famille morphologique associée à
l’innovation étudiée ; le profil combinatoire des occurrences dans le corpus, permettant de détecter
les collocations (Firth 1957), les collostructions (Stefanovitsch et Gries 2003) et les constructions
lexico-syntaxiques les plus fréquentes ; le profil distributionnel8, permettant d’accéder aux lexies
sémantiquement similaires (et donc notamment (quasi-)synonymes, hyperonymes et hyponymes).
7 voir Sablayrolles 2016 et section 1.1.
8 La notion de profil distributionnel provient des intuitions du distributionnalisme. Harris évoque très tôt cette façon
d’exploiter la distribution des lexies :
« ...if we consider words or morphemes A and B to be more different in meaning than A and C, then we will often
find that the distributions of A and B are more different than the distributions of A and C. In other words, difference of
meaning correlates with difference of distribution. » (Harris, 1954:43)
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
Nous illustrons les deux premières informations dans le tableau 3, la troisième nécessitant un
corpus plus étendu pour obtenir des résultats fiables9.
Tableau 3. Informations linguistiques automatiquement détectées dans Néoveille, pour Food (voir
aussi Hildenbrand et Jacquet-Pfau, 2016)
Type d’information Description sommaire Exemples pour food
Famille morphologique Ensemble des lexies formées sur la même
base (y compris mot composé à trait d’union)
foodies, fooding, foods, food-biz,food-
market(s), food-truck(s), food-deco,
foodeur(s), foodflock, foodista(s)...
liste complémentaire (noms propres) :
Food4Good, FoodChéri,
FoodOrganic, FoodStocks, FoodTech,
FoodTemple, FoodWatch, Foodora ...
Profil combinatoire E ns e m b le d e s c o l lo c a t i o ns , d e s
collostructions et des constructions lexico-
syntaxiques représentatives10
Collocations : fast food (16), slow food
(16), street food (11), raw food (9),
junk food (7), food market (7)
Collostructions :
tendance food (10) => ADJ
phénomène food (9) => ADJ
projet food (5) = > ADJ
Det (masc) food (10) => NOM
Constructions lexico-syntaxiques :
food + verbe : aller, débarquer,
arriver, consister, cartonner...
2.4. Description socio-pragmatique des emprunts
La description interne – linguistique – doit être complétée par une description socio-pragmatique,
qui permet de caractériser les propriétés des contextes d’emploi : caractéristiques des énonciateurs,
des supports matériels de diffusion, des types de discours, domaines, contextes d’emploi. Le
courant de l’analyse du discours fournit dans ce cadre plusieurs pistes pour caractériser les discours
dans lesquels s’insèrent les innovations lexicales (voir Charaudeau 1995 et Paveau 2017 par
exemple). Les métadonnées proposées dans (Siepmann et al. 2016) pour caractériser les textes du
Corpus de référence du Français Contemporain peuvent également servir de guide. Dans le cadre de
Néoveille, actuellement, seulement trois propriétés sont disponibles : le domaine, lié à l’information
thématique fournie par les producteurs eux-mêmes ; le pays ou la région d’origine des journaux, le
À partir de cette intuition, un nouveau champ, la sémantique distributionnelle (Baroni et Lenci, 2010) verra le
jour, ainsi que des applications pratiques (Mikolov et al. 2013), permettant, à partir de larges corpus, d’identifier les
lexies en relation de similarité sémantique, et donc, en diachronie, d’étudier l’évolution de cette signature sémantique.
9 Pour illustrer le profil distributionnel, citons par exemple tsunami, qui, des années 1900 à nos jours, a pour lexies
sémantiquement similaires « raz-de-marée, phénomène violent, etc ». À partir des années 1970, on voir apparaître
« phénomène social, tendance, etc » montrant une extension de sens (tsunami politique, social, etc). Enfin, depuis 2004,
apparaissent de nouveaux synonymes « grand nombre de, plusieurs, etc. », liés à l’apparition de l’emploi comme
déterminant complexe au sens de « grand nombre d’éléments, avec connotations de grande puissance et de soudaineté »
(un tsunami d’applaudissements) . (Hamilton, 2016) proposera une première application de ce principe, sur le corpus
Google Ngrams. Il montre par exemple comment l’adjectif gay est sémantiquement similaire à daft, tasteful, sweet,
pleasant, dans les années 1900, puis sémantiquement similaire à bisexual, homosexual, lesbian à partir des années 1970
(à noter que le dictionnaire historique de la langue française date les premières apparitions en anglais d'Amérique du
Nord de ce sens au début des années 50 comme adjectif et en 1971 comme nom). Cette technique, modulo les
limitations dues au corpus source, est l’une des voies les plus prometteuses pour détecter des changements
sémantiques.
10 Nous indiquons ici la fréquence constatée dans le corpus Néoveille.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
type de discours, qui est a priori toujours l’article de presse. Ces informations sont évidemment
largement insuffisantes.
2.5. Suivi du cycle de vie
L’ensemble des propriétés linguistiques et socio-pragmatiques précédentes permettent de se faire
une idée précise des innovations lexicales à un moment t. Cependant, l’évolution diachronique des
innovations lexicales est tout aussi importante pour les caractériser. De ce point de vue, plusieurs
notions importantes sont détaillées ci-après.
2.5.1. Évolution fréquentielle
La fréquence est l’élément le plus évident à la fois pour mesurer une émergence, mais également
une diffusion et une institutionnalisation. En effet, il s’agit d’un facteur rendant directement compte
de l’exposition cognitive à l’innovation, et donc de son enracinement ou non (entrenchment). Trois
phases-clés doivent être identifiées : l’émergence, la diffusion et l’institutionnalisation.
Concernant l’émergence, nous avons utilisé la fréquence brute plutôt que l’une des mesures
disponibles pour calculer une fréquence relative11. Ce choix tient à la définition de néologisme que
nous avons adoptée dans cette étude et dans le projet Néoveille : un néologisme est une unité
linguistique nouvelle, dès sa première apparition, et quel que soit son destin ultérieur. Cette
conception va à l’encontre de nombreuses modélisations, notamment anglo-saxonnes12 qui
considèrent qu’il faut distinguer entre hapax legomenon (littéralement, qui ne se produit qu’une
seule fois), nonce-word (mot ad-hoc, ou occasionnalisme, créé pour une circonstance déterminée, et
donc ayant peu de chances de se répéter) et néologisme, défini alors comme une formation ayant
déjà passé le stade de l’émergence initiale. Pour notre part, nous considérons que tous ces termes
renvoient à un même phénomène de créativité lexicale, et qu’il est nécessaire d’étudier le
phénomène dès son apparition. Nous verrons que ce choix théorique permet notamment
d’intéressantes conclusions sur la légitimité de la notion d’hapax en linguistique de corpus. Il faut
enfin noter que la détection de formes nouvelles dans le corpus Néoveille ne préjuge pas de
l’existence de cette lexie antérieurement. C’est pourquoi, afin de réduire au minimum le recours à la
notion de sentiment néologique, nous avons pris comme critère d’émergence d’une innovation
lexicale l’absence d’attestation, dans le sens repéré, avant 2010, en vérifiant dans le corpus de
Google Books, ainsi que dans le corpus Europresse.
En dehors de la saisie de l’émergence d’une innovation, la fréquence peut être exploitée pour
mesurer la diffusion voire la lexicalisation d’une lexie nouvelle. Mais à quel seuil de fréquence
pouvons-nous fixer qu’une diffusion, puis une institutionnalisation, se produisent ? Deux techniques
sont envisageables : d’une part, exploiter un corpus de référence pour obtenir les fréquences
constatées des lexies dont nous savons qu’elles sont institutionnalisées et s’en servir comme
fréquence de référence. Cette approche n’est pas sans difficulté, puisque, en dehors de la notion de
corpus de référence, qui n’est toujours qu’une approximation des usages réels, nous savons que la
distribution fréquentielle des lexies obéit au principe de Zipf, et que l’immense majorité des lexies
ont une fréquence relative extrêmement basse. Cependant, il est toujours possible d’obtenir une
moyenne fréquentielle pour des tranches de lexique. Il serait également possible d’utiliser un corpus
de référence diachronique pour établir des modèles d’évolution lexicale, du point de vue
fréquentiel.
D’autre part, l’évolution fréquentielle est toujours différentielle, et une phase de diffusion sera
toujours marquée par un accroissement des occurrences. (Rogers 2003 [1983]) fournit un modèle
d’évolution fréquentielle encore plus général (courbe en S) qui peut servir de référence, mais qui
11 La linguistique de corpus a proposé de nombreuses mesures de fréquence. Nous renvoyons à (Dal et Namer 2015)
pour une présentation accessible.
12 Nous renvoyons par exemple à (Crystal, 2000 : 219) qui renvoie aux définitions du Oxford English Dictionary.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
2.5.4. Intégration morphosyntaxique
Un aspect complémentaire au précédent concerne l’intégration morphosyntaxique des termes
empruntés. En effet, l’usage (par opposition à l’emploi métalinguistique) nécessite que les lexies
adoptent le comportement morphosyntaxique de l’une ou l’autre des parties du discours existantes
dans la langue d’accueil. De ce point de vue, un suivi automatique de la famille morphologique de
la lexie considérée, ainsi que du comportement lexico-syntaxique (profil combinatoire), permet de
se faire une idée précise de l’intégration ou non d’une lexie. Les emplois métalinguistiques, par
complément, sont le signe d’une émergence, et d’une faible diffusion.
2.5.5. Intégration à la morphologie productive
Un autre paramètre permettant d’évaluer l’intégration d’une lexie est son intégration ou non à la
morphologie productive de la langue considérée. Les langues disposent en effet d’une série de
formants (affixes et morphèmes grammaticaux) extrêmement productifs et disponibles, c’est-à-dire
dont la règle d’application peut librement s’appliquer à une ou plusieurs parties du discours, sans ou
avec très peu de contraintes sémantiques. Citons13, pour le français, les préfixes anti-, ex-, non-,
mini-, ultra-, mi-, post-, hyper-, auto-, demi-, sous-, semi-, quasi-, pro-, multi- etc., les morphèmes
-er et -ment et les suffixes : -iser, -is-ation, is-ateur/trice, -isme, -ien(ne)(s), -iste, -eur(euse)(s),
-itude, -esque, -able, -erie, -issime, -ité, -ique, etc. Lorsqu’une innovation commence à créer des
dérivés de la sorte, son intégration est en bon chemin. Parmi les emprunts, plusieurs lexies liées aux
réseaux sociaux ont rapidement franchi cette étape : twitt/tweet, facebook, instagram.
2.5.6. Productivité réalisée, en expansion et potentielle
Un autre concept important pour le suivi du cycle de vie des innovations lexicales, dans un état
d’intégration avancé, concerne leur productivité. Ce concept a pour but de rendre compte de la
propriété de certaines lexies ou de certains formants à permettre la création d’autres unités par
préfixation, suffixation (voir 2.4.3) mais aussi par composition (les schèmes -clé, ou -phare) et par
fracto-composition (e-, cyber, eco-). Prenons e- et cyber-. Ils ne font pas classiquement partie des
affixes, mais leur comportement s’en approche de par leur capacité à permettre la génération d’un
grand nombre de formations lexicales : e(-) est le résultat de la troncation de electronic, et a été
importé d’abord dans email, puis, depuis quelques années, se rencontre dans un nombre grandissant
de lexies (e-gourvernance, e-addictif, e-recruter, e-scooter, e-manif, etc.), au point de devenir, en
français comme dans d’autres langues, un formant emprunté productif. Pour mesurer cette
productivité, nous nous appuyons sur les travaux de (Baayen 2009) qui distingue trois acceptions de
la notion : la productivité réalisée (realized productivity) désigne les réalisations déjà constatées
dans le passé à partir du formant ou de la lexie, et qui peuvent être comptabilisées dans un
dictionnaire ; la productivité en expansion (expanded productivity) quantifie le nombre d’hapax
nouveaux (de néologismes) créés par la catégorie dans un corpus dynamique. La productivité
potentielle (potential productivity), enfin, mesure l’étendue maximale possible de cette productivité,
difficilement mesurable mais dont on peut décrire la règle (et ses contraintes). Par exemple, non- a
une productivité potentielle plus grande que ex- car il s’applique à des noms et des adjectifs alors
que ex- s’adjoint uniquement aux noms. (Baayen 2009) propose des mesures pour chacune de ces
productivités, mais elles ne sont pas réellement opérationnalisables (voir Dal et Namer 2015 pour
une revue critique). Dans Néoveille, nous parlerons généralement de la productivité en expansion,
tandis que concernant la productivité potentielle, si elle n’est pas mesurable, elle peut être décrite
par les contraintes d’application de la règle.
2.5.7. Evolution du profil combinatoire
13 Pour une liste exhaustive en français contemporain, voir (Cartier et al. 2018).
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
On peut distinguer deux phases dans l’évolution du profil combinatoire : généralement, le profil
combinatoire initial, étant donné la nouveauté du concept, nécessite un attirail métalinguistique
permettant d’expliciter le sens de l’innovation. Ainsi, pour le xénisme cutlet, une glose sera insérée
dans une parenthèse : « Les apprentis cuistots apprendront à réaliser …des cutlets (galettes
panées)... » (Le Parisien, 12/04/2016). Les différents procédés de glose ont été décrits depuis bien
longtemps (Rey-Debove 1997 ; Steuckardt et Niklas-Salminen 2003, 2005). Ils sont sans doute l’un
des premiers critères d’identification des innovations lexicales, même si on les rencontre également
dans les discours de vulgarisation scientifique et dans les discours didactiques pour des termes déjà
implantés. On constate ensuite, lorsque l’énonciateur considère que la lexie a suffisamment diffusé,
le passage à des emplois non-autonymiques, montrant une diffusion accrue du terme, par exemple :
« son look off-duty fait partie des plus épiés de la planète mode. » (Elle, 27 mars 2018). Quoi qu’il
en soit, une fois le passage à l’usage effectué, le profil combinatoire permet d’approcher à la fois le
comportement morphosyntaxique et, par induction, le sens de la lexie (ici, par exemple, look,
allure, style, dimension sont les collocations les plus fréquentes). C’est également le point d’entrée
pour l’étude des innovations sémantiques.
2.5.8. Mise en place et évolution du profil distributionnel
Le profil distributionnel est en quelque sorte le complément de l’approche précédente, et signale
une diffusion accrue : pour qu’une stabilisation dans une communauté linguistique se produise, il
est nécessaire qu’un nombre minimal d’expositions en contextes ait eu lieu. Ce n’est qu’à cette
condition qu’une stabilisation du sens, dans le réseau sémantique global et dans le champ
sémantique spécifique de la lexie, peut avoir lieu. Le profil distributionnel ne peut enfin pas être
calculé sans un minimum d’occurrences (pour des exemples d’exploitation du profil distributionnel,
voir note 9).
3. Les emprunts en français contemporain (2015-2017)
Dans cette section, nous analysons les résultats du travail mené sur la détection, la description et le
suivi des emprunts à composante formelle du français détectés et validés sur la plateforme
Néoveille, de 2015 à fin 2017. Le travail de validation des néologismes candidats, ainsi que la
description linguistique des néologismes validés a été effectué par le groupe de travail pour le
français14. Nous présentons tout d’abord les tendances générales, puis détaillons les spécificités des
emprunts, en suivant notre plan méthodologique.
3.1. Synthèse sur les emprunts repérés et validés dans Néoveille
À partir d’environ 250 sources de fils de presse nationale et régionale récupérées automatiquement
de juillet 2015 à fin 2017, un corpus de 1 143 912 articles pour un total de plus de 92 millions de
mots (1 037 876 formes différentes) a été constitué. Parmi environ 35 000 néologismes formels
candidats repérés automatiquement, 22 475 néologismes ont été validés, correspondant à 726 222
occurrences. Les néologismes représentent donc 2,16 % des formes rencontrées, et, au niveau du
nombre d’occurrences, 0,78 %.
Répartition par mécanisme
14 Ont participé à ce travail : Najet Boutmgharine, Emmanuel Cartier, Massimo Bertocci. Par ailleurs, ont participé à la
validation collective des analyses : Jean-François Sablayrolles, John Humbley, Christine Jacquet-Pfau, Natalie Kübler,
Giovanni Tallarico. Voir (Cartier et al., 2018) pour une synthèse sur les néologismes en français contemporain.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
Dans le tableau 4, qui donne la répartition par matrices, les colonnes 2 et 3 indiquent le nombre de
néologismes différents, les colonnes 4 et 5 le nombre d’occurrences, et la colonne 6 le nombre
moyen d’occurrences par matrice.
Tableau 4. Synthèse sur les mécanismes néologiques.
Nombre de néologismes
(formes uniques)
Nombre d’occurrences de
néologismes
Moyenn e d’ o c c . pa r
forme néologique
Mécanisme
néologique principal Nb % Nb %
préfixation 17 051 75,87% 485 566 66,86% 28
composition 1 646 7,32% 31 173 4,29% 19
emprunt 1 429 6,36% 132 104 18,19% 92
suffixation 1 245 5,54% 65 262 8,99% 52
fracto-composition 791 3,52% 7 039 0,97% 9
onomatopée 92 0,41% 665 0,09% 7
troncation 73 0,32% 2 678 0,37% 37
composition savante 68 0,30% 479 0,07% 7
compocation 47 0,21% 1 043 0,14% 22
composition hybride 33 0,15% 213 0,03% 6
mot-valise 9 0,04% 100 0,01% 11
Totaux 22 475 100,00% 726 222 100,00%
On constate que le procédé le plus utilisé est la préfixation (75 % des formes néologiques). Les
emprunts représentent 6,36 % du contingent, soit 1 429 formes uniques. Le nombre d’occurrences
révèle une spécificité des emprunts, puisque de ce point de vue, ils représentent 18 %, (soit une
moyenne de 92 occurrences en moyenne) du total. Cela est dû à un certain nombre d’emprunts dont
nous souhaitions analyser l’implantation et non simplement l’émergence (notamment toutes les
lexies des réseaux sociaux, et leurs dérivés : blog, facebook, twitter, instagram, etc.). De plus, de
nombreux emprunts, déjà implantés ou en voie de l’être, ne sont pas comptabilisés ici, car ils
ressortissent à d’autres matrices néologiques, notamment les affixations (cela est encore vrai pour
les buzzwords des réseaux sociaux : facebook,instagram,twitter, empruntés il y a quelques années,
qui ont très rapidement été intégrés à la morphologie productive du français : facebooker,
facebookage, instagrammeur, twitos, tweetter,twitterisation, etc.). Il faut également ajouter aux
1 430 emprunts environ un millier de xénismes15.
Pour les emprunts, la langue source la plus représentée est l’anglais16 à environ 91%, suivi de
l’espagnol (4,5%), de l’arabe (3%) et de l’italien (2%). Les xénismes ont des langues sources
beaucoup plus diversifiées. On retrouve ici une différence fondamentale entre les emprunts anglais
et les emprunts à d’autres langues : tandis que les seconds dénotent pour une très grande majorité
des concepts culturels spécifiques, les premiers renvoient à des aires culturelles variées (Chesley et
Baayen 2010). On peut également y voir une différence dans la perception collective de l’anglais
international, perçu comme une langue de prestige, tandis que les autres langues sont perçues
comme des marqueurs d’identités. Ces résultats consolident les chiffres proposés par (Martinez
2009) sur les provenances des emprunts enregistrés dans Le Petit Robert de 1997 à 2011.
La forte imprégnation du vocabulaire anglo-saxon n’est pas une particularité française ni un
processus récent (Pulcini et al. 2012 : 2-3). Dans l’aire francophone, comme ailleurs, plusieurs
facteurs permettent de l’expliquer : d’une part, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la
puissance économique et politique américaine, qui s’est manifestée notamment par de nombreuses
migrations culturelles et technologiques vers les États-Unis, une politique économique
15 Dans Néoveille, étant donné le statut des xénismes, pouvant en cas de forte croissance d'emploi devenir des emprunts
à proprement parler, nous les conservons dans une base spécifique.
16 Ou plus exactement la lingua franca anglo-américaine (voir par exemple Christiansen 2015)
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
croissant et le doughnut, du chef français Dominique Ansel, basé à New York.
(18 mars 2016, L’Express, Libération, Le Parisien)
Enfin, un dernier critère est particulièrement utile pour détecter une phase d’émergence : la
mise en exergue de la lexie, d’une part, et l’existence d’une glose dans l’environnement immédiat
du néologisme. Cette glose est évidemment requise pour la très grande majorité des innovations,
dans un souci de compréhension par les destinataires : « … nombre d’applications identifiées par
Symantec comme étant des " madwares ". A la croisée des malwares et des adwares, cette
génération d’apps... » (Le Monde Informatique, 13 avril 2016). Cependant, là encore, ce critère
n’est pas suffisant, notamment lorsque l’énonciateur considère que le sens est inférable par
compositionnalité : « ...Réponse jeudi où se tiendra juste après le défilé, une grande after-party ... »
(Elle, 21/02/2017). Nous renvoyons à (Jacquet-Pfau 2018) pour une étude détaillée de ces
marqueurs de glose pour les emprunts.
Une dernière caractéristique des quasi-hapax est liée au périmètre sémantique des unités
lexicales : elles désignent dans leur très grande majorité, soit des réalités locales – à la limite du
xénisme – (dibbuk, wapeningen, escrache), soit des concepts circonscrits à un domaine spécifique
(pika-don, nanotrading, cutlet, fadeaway) ou à des pratiques sociales confidentielles (selfie-whore-
stick, denki-buro, nightswapping).
3.2.2. Diffusion des emprunts : exemples et enseignements
Parmi les emprunts repérés, plus de 85 % sont des hapax ou des quasi-hapax. Mais qu’en est-il des
15 % restants ? Suivons les chemins de leur diffusion.
3.2.2.1. Adaptations phonologique, orthographique et morphosyntaxique
On peut faire l’hypothèse que les emprunts obéissent aux différentes phases communes
d’intégration. Il se produit également, étant donné que le matériau emprunté provient d’un autre
système, une adaptation au système du français aux niveaux phonologique, orthographique et
morphosyntaxique. Concernant l’adaptation orthographique, le corpus Néoveille ne présente pas de
particularité concernant les emprunts à des langues alphabétiques, dont les lexèmes sont
généralement rendus tels quels20. Pour l’arabe, la translittération donne parfois lieu à des hésitations
(jihadiste, djihadiste, avec cependant une prédominance depuis environ 2010 de la version dj-).
Concernant l’adaptation phonologique, elle est plus difficile à déterminer étant donné le corpus
écrit. Notons cependant le cas de check, qui dans tous les cas conserve la prononciation anglaise
(/ʧ/).
L’adaptation morphologique, pour les anglicismes, ne présente pas, généralement, de
difficultés pour les noms (sans ajout de morphème) et les verbes (par ajout du morphème -er), mais
une particularité déjà étudiée par (Saugera 2012 ; 2017 : 123-138) concerne les adjectifs empruntés
à l’anglais, qui, au pluriel, s’accordent ou non, selon le cas. Dans notre corpus, on retrouve ainsi un
grand nombre d’adjectifs en -y, invariables (arty, sketchy, glowy, skinny, girly, creepy, healthy,
edgy, catchy, flashy, bluesy, etc.), au point qu’il est probable que ce formant soit devenu un formant
suffixal productif en français.
3.2.2.2. Intégration à la morphologie productive
Un autre signe de diffusion concerne l’intégration à la morphologie productive. La grande majorité
des emprunts relevés dans notre corpus subissent ce « passage » à la dérivation. Les exemples les
plus typiques sont liés aux bases nom propre issus des réseaux sociaux (tableau 6). Dans ce tableau,
nous distinguons les dérivations par morphèmes grammaticaux (nom et verbe) des affixations
20 Notons toutefois le cas de twitter / tweet, qui, pour l’emprunt simple, est plus souvent non-adapté, mais qui l’est la
plupart du temps dans ses versions dérivées (twittos, twictée, twitonaute, twitcam, etc.). Un autre exemple concerne les
dérivés à base instagram, dont les dérivés connaissent deux graphies concurrentes : instagrammeur, instagrameur.
Enfin, le pluriel des noms peut donner lieu à des variantes (smartwatchs ou smartwatches).
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
proprement dites. Nous constatons que l’étendue des dérivations est liée à la popularité du réseau,
Twitter étant largement en tête. Toutes ces dérivations appliquent les procédés affixaux les plus
productifs du français contemporain (Cartier et al. 2018). On notera la particularité de twitto(s),
pour désigner le ou les émetteur(s) d’un tweet, directement emprunté de l’anglais et sans
concurrence du dérivé français pourtant très bien implanté en -eur(euse) et utilisé pour les autres
termes. De même, on notera que seuls twitter et snapchat ont une lexie (directement empruntée)
pour désigner le type de message (tweet et snapchat, parfois tronqué en snap). Cependant,
Facebook a aussi permis l’emprunt de like (n) et liker (v).
Tableau 6. échantillon de dérivations attestées pour cinq bases nom propre
issues des réseaux sociaux
facebook twitter instagram snapchat youtube
Intégration
morphologique
(morphème
flexionnel)
facebooker (v) twit(s) (n)
tweeter (v)
twitto(s) (n)
instagram(m)er snapchater (v)
snapchat(s) (n) >
snap(s)
youtuber (v)
Intégration
morphologie
productive
(affixes,
fracto-lexèmes
et f orm a nt s
savants)
facebookeur(e
use)
facebookien(n
e)
facebooking
anti-facebook
facebookisme
twitteur(euse)
tweeteur
(euse)
re(-)tweeter
tweeterisation
tweeting
anti-tweet
demi-tweet
non-tweet
auto-tweet
pseudo-tweet
tweetesque
tweetable
tweetonade
instagram(m)eur(eu
se)
snapchat(t)eur(euse)
snapchat(t)ien(ne)
youtubeur(euse)
youtubing
Si l’on s’intéresse aux emprunts à base nom commun (plus ou moins récents), on pourra faire
les mêmes constats pour les emprunts les plus populaires (blog, food, hashtag, check, shop, geek,
market, game, etc.). Par exemple, l’histoire de la pratique journalistique du fact-checking (terme
dont les premières attestations en français datent de 1998, mais dont l’emploi connaîtra un premier
pic avec les élections américaines de 2012 et un second, plus intense encore, avec celles de 2016 et
en France en 2017) est éloquent : jusqu’aux élections américaines de 2012, les seuls emplois
attestés sont fact-checking, avec recours quasi-systématique à la glose-traduction (par exemple :
« Au printemps, le site va aussi s’allier avec d’autres médias afin de développer le "fact checking",
une méthode répandue dans les pays anglo-saxons qui consiste à vérifier les chiffres et les
affirmations des hommes politiques. », AFP, 18/02/2011). Puis des emplois non métalinguistiques
apparaissent (« le fact-checking fait sa rentrée sur les ondes radio », Libération, 18/09/2012). Mais
c’est seulement avec les élections américaines fin 2016 et les élections françaises en 2017 qu’une
cohorte de dérivés fait son apparition (fact-checker, factcheckeur, fact-checkings) ainsi que, plus
récemment encore, des composés sémantiquement liés (notamment le fast-fact-checking devenu
fast-checking). Cependant, l’emploi verbal reste limité à l’infinitif, sauf timides exceptions (« les
médias qui fact-checkeront les articles litigieux », Libération, 11/01/2017).
Enfin, dans le même ordre d’idée, la popularité d’une base lexicale empruntée se traduit
également par la génération de composés et de fractocomposés. Toujours sur l’exemple twitter,
nous relevons : tweet-boomerang, tweet-choc, tweetosphère, tweet-série, feu-tweet, tweeteur-en-
chef ainsi que plusieurs autres formations directement empruntées : tweetwall, acrostweet, live-
tweet, tweetdeck, tweetstorm, fake-tweet, tweetbot, commander-in-tweet, etc.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
3.2.2.3. Processus de mise en place d’un profil combinatoire
La mise en place d’un usage des néologismes passe par l’abandon progressif (sauf visée didactique
spécifique) des marques métalinguistiques, qui accompagnent l’émergence des lexies. De ce point
de vue, les données permettent d’observer le passage de l’un à l’autre. Prenons l’exemple de
ghosting, cette pratique consistant, dans une relation amoureuse, à disparaître brusquement, sans
plus répondre aux sollicitations du/de la partenaire. Le terme apparaît dans la presse américaine en
201421. Très rapidement le terme se répand aussi en français, avec dérivation morphologique
(ghoster qn, ghosteur (euse), ghosté(e), et intégration à la morphologie productive (anti-ghosting,
néo-ghosting). Si l’on scrute les emplois de ghosting, dans le corpus Néoveille, sur 17 attestations
(voir extraits tableau 8), on constate que les emplois métalinguistiques (guillemets, glose) tendent à
disparaître, en tout cas dans la presse féminine et la presse magazine parisienne. Cette tendance est
encore plus forte avec le verbe ghoster, apparu dans un second temps, et dont l’emploi transitif,
également emprunté (to ghost someone > ghoster + Nom ; également emploi passif être ghosté par
Nom, et factitif : se faire ghoster par Nom) et les contraintes argumentales sur l’objet (personne,
mec, type, Pauline, etc.) dessinent très rapidement l’usage syntactico-sémantique.
Tableau 7. échantillon de contextes avec ghosting depuis début 2016
Date Journal Domaine Extrait
24/05/18 Elle Presse
féminine
...Et dans le registre -ing de nos comportements amoureux, le
ghosting demeure le plus célèbre : on disparaît sans un mot ...
30/03/18 Slate Général ...La pratique du ghosting – la rupture sans explication – en est le
signe...
14/03/18 Slate Général ...Le no-show, équivalent du ghosting mais version Guide Michelin
C’est tellement simple que la...
26/12/17 Nouvel
Observateur
Général ...Elle avait choisi à un moment le " ghosting ", c’est-à-dire de
disparaître totalement dans une forme de...
25/10/17 Le Progrès Général ...Inutile de préciser que ces cas de ghosting se produisent en grande
partie suite à des relations...
15/10/17 Nouvel
Observateur
Général ...me dissimule pas, je ne fais pas du ‘ ghosting ’ (l’art de disparaître
en pleine séduction )...
05/06/17 Nouvel
Observateur
Général Faut-il encore expliquer ce qu’est le ghosting...
07/02/17 Libération Général ...On avait déjà recensé le ghosting, qui consiste à disparaître sans
donner de nouvelles...
13/10/16 Cosmo Presse
féminine
...Le ghosting est plus violent qu’une rupture amoureuse normale...
13/10/16 Cosmo Presse
féminine
...% des filles ont déjà vécu l’expérience charmante du ghosting...
13/10/16 Cosmo Presse
féminine
...Dans le cas du ghosting, le drapeau blanc persiste à flotter au
vent...
01/09/16 Cosmo Presse
féminine
...Le benching, pourquoi est -ce pire que le ghosting...
Nous renvoyons également au tableau 3, qui détaille les collocations, collostructions et
constructions syntaxiques que nous avons pu constater à partir de la lexie food.
21 Nous prenons appui sur l’analyse faite sur Wikipedia et reprise par le Collins, qui a introduit le terme en 2015, qui
date l’émergence « écrite » du terme de l’article ci-après : https://jezebel.com/charlize-theron-broke-up-with-sean-penn-
by-ghosting-him-1712760688
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
Les emprunts à l’anglais ne se limitent pas au transfert de lexies. Du point de vue phonologique et
orthographique, l’influence de l’anglo-américain est perceptible depuis longtemps (prononciation de
-ing, -ee-, etc.). La pénétration est également visible par l’implantation de formants à
fonctionnement affixal : pour ne citer que les plus productifs, citons e- (formateur de verbes et de
noms, dans le sens « ayant une caractéristique électronique ou numérique »), -y (formateur
d’adjectifs, dans le sens vague de « ayant la plupart des caractéristiques de la base ») et, moins
récent, -ing (formateur de noms d’action ou d’événement). Dans le corpus Néoveille, ces formants
ont une productivité importante : 86 lexies pour le premier (soit emprunts directs, moins de dix : e-
voting, e-shopping, etc. soit hybrides : e-défilé, e-vendeur, e-marché, e-citoyenneté, etc.), 22 pour le
second (uniquement par emprunts directs : jazzy, buggy, girly, cosy, healthy, creepy, skinny, glowy,
flashy, bluesy, catchy, crazy, bitchy, smoky, edgy, flexy, wavy, etc.), 303 pour le dernier. Le
morphème -ing est attesté depuis plus d’un siècle (parking, camping, pressing, meeting, dancing,
etc.), formant essentiellement des noms de lieux où une action se déroule, par métonymie du sens
anglais. Cependant, à partir des années 50, le morphème obtient le statut de quasi-suffixe, exprimant
« une action, son résultat ou le lieu où se déroule cette action » (Dubois 1962 : 14). (Mudrochova
2017) étudie une trentaine de formes attestées dans Le Petit Robert, entre 1996 et 2002. La
concurrence avec -age fait qu’il reste limité à l’expression de pratiques sportives (running,
beatboxing, snorkeling, cardiotraining, etc.) professionnelles (networking, packaging, branding,
fact-checking, coworking, crowdfunding...) ou socio-culturelles (bashing, ghosting, pet-sitting)
spécifiques sans équivalents synthétiques en français. C’est un des signes les plus flagrants d’un
code-switching lié au prestige dans plusieurs journaux (de façon conséquente dans le Huffington
Post et la presse féminine).
Une autre caractéristique des emprunts à l’anglais concerne l’émergence de patrons lexico-
syntaxiques productifs. Notamment : les formations en -gate (62 occurrences : dieselgate,
couscousgate, penaltygate, penelopegate, etc.), -friendly (41 lexies : vidéo-friendly, nudistes-
friendly, lobby-friendly, éco-friendly, etc.), street- (26 lexies: streetstyle, street-artiste, etc.), food-
(29 lexies : food-truck, foodosphère, foodocratie, foodivores, street-fooders, etc.), -bashing (11
lexies: agribashing, sucre-bashing, macronbashing, etc.), -shaming (14 lexies: fatshaming, name-
shaming, skillshaming) , it- (8 lexies : it-jean, it-bag, etc.), serial- (2 lexies: serial-buteur, serial-
cendrilloneur). Nous relevons également dans notre corpus 144 occurrences du patron N/ADJ-Ving
(car-jacking, home-staging, speed-dating, speed-watching, binge-viewing, ride-sharing ). Ce
dernier cas semble montrer l’émergence d’une nouvelle structure syntaxique en N/ADJ N,
clairement empruntée à l’anglo-américain (voir Cartier et Viaux 2018).
La diffusion, l’implantation de ces formants et schémas lexico-syntaxiques nous semble un
phénomène plus profond que les simples emprunts. En reprenant l’hypothèse de l’impulsion
synthétique (synthetic imperative) (Picone 1991 ; 1996), le français, langue analytique, tendrait
maintenant à plus de formations synthétiques, ce qui se manifeste clairement avec la productivité
des schémas empruntés à l’anglais N/ADJ-N, ainsi que l’implantation du suffixe -ing.
3.4. Emprunts et politique linguistique
Les lexies empruntées peuvent entrer en concurrence avec des lexies déjà implantées, ou avec les
recommandations des organismes associés aux politiques linguistiques de la langue réceptrice. Dans
le cadre francophone, la politique linguistique est particulièrement active, à la fois pour la
métropole et dans la zone québécoise. De nombreuses études ont déjà été faites sur le sujet, récentes
(Saugera 2017 ; Humbley 2010 ; Steuckardt 2008) et moins récentes (Picone 1996). Beaucoup
démontrent que les propositions, dans le cadre métropolitain, ne donnent pas les résultats
escomptés, mais les outils de suivi sont encore très impressionnistes : il serait urgent de développer
des outils de suivi comparatif des nouveaux emprunts et de leurs équivalents forgés ou non. Dans le
cadre de Néoveille, un tel suivi fréquentiel comparatif sera prochainement disponible, et un autre
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
projet permettra sous peu de suivre temporellement les implantations comparées des emprunts et
des propositions des collèges d’experts de la DGLFLF22.
Conclusion et Perspectives
Nous avons présenté dans ce travail à la fois quelques jalons théoriques, une méthodologie pour
l’analyse des différents aspects de l’objet « néologisme », et les résultats d’analyse concernant les
emprunts en français contemporain (2015-2018). Les travaux ont été menés dans le cadre de la
plateforme Néoveille, qui permet de détecter semi-automatiquement, de décrire linguistiquement et
de suivre l’évolution temporelle des néologismes sous trois points de vue complémentaires :
évolution temporelle, évolution linguistique et socio-pragmatique.
La présentation théorique a insisté sur l’importance de considérer trois moments saillants de la
vie des néologismes : l’émergence, l’éventuelle diffusion et l’éventuelle lexicalisation. Pour décrire
et caractériser ces moments, nous avons insisté sur l’importance de combiner trois points de vue ;
un point de vue linguistique, permettant de décrire les mécanismes de formation, mais également les
profils combinatoires et distributionnels ; un point de vue socio-pragmatique, permettant d’identifier
les lieux d’occurrences des néologismes. Un point de vue cognitif, qui permet de faire reposer
l’évolution des innovations sur le principe de l’entrenchment, qui se manifeste par la répétition. À
l’aide de ces trois points de vue, nous pouvons modéliser un système capable de détecter semi-
automatiquement l’émergence et de suivre l’évolution des innovations sur de grands corpus
dynamiques. C’est là l’objet de la plateforme Néoveille, développée depuis 2015, et qui continue
d’évoluer au gré des travaux descriptifs menés par les groupes de travail dans les différentes
langues du projet (allemand, chinois, espagnol, français, grec, italien, néerlandais, polonais,
portugais , russe, tchèque).
Notre étude des emprunts a suivi les principes décrits dans la seconde partie, et plusieurs
enseignements en découlent : tout d’abord, les emprunts en français contemporain représentent
environ 6 % (soit 1 429 lexies) des formations nouvelles en français. À ce chiffre, il faut ajouter
environ un millier de xénismes, ainsi qu’un nombre conséquent d’autres formations sur une base
empruntée. Plus de 90 % de ces emprunts proviennent de la lingua franca anglo-américaine, tandis
que les xénismes sont bien plus diversifiés. Il existe par ailleurs des domaines privilégiés de recours
aux emprunts : la mode, le sport, les domaines technologiques et économiques. Les journaux les
plus prolifiques appartiennent à la presse féminine, à la presse magazine parisienne, ainsi qu’à la
presse populaire. Les emprunts, enfin, comme l’ensemble des néologismes, sont à plus de 75 % des
hapax ou des quasi-hapax, ou plus exactement des néologismes à faible ou très faible diffusion. Il
est difficile de dire si les emprunts à l’anglo-américain sont liés à des nécessités dénominatives, ou
bien motivés par l’expression d’une identité liée au prestige de l’anglais. En effet, depuis plusieurs
dizaines d’années, et de manière plus prégnante encore depuis l’avènement des communications
numériques, l’anglo-américain est quasiment une seconde langue intégrée à laquelle nous sommes
confrontés régulièrement, à la fois au niveau personnel et professionnel. Cette situation est vraie
pour la majorité des langues actuelles. Cela aboutit à faire de cette lingua franca globale une
ressource immédiatement disponible pour l’innovation lexicale, et qui fournit également des moules
morphosyntaxiques productifs spécifiques, dotés d’un trait synthétique de plus en plus implanté en
français.
L’étude des néologismes à plus forte fréquence montre que, si les domaines des réseaux
sociaux et des pratiques sociales spécifiques connaissent une grande popularité, les emprunts sont
présents dans de nombreux domaines. Plusieurs paramètres nous ont permis de présenter quelques
22 Le projet Néonaute, financé par la DGLFLF en 2017, regroupe le LIPN (Université Paris 13, coordinateur), le LILPA
(Université de Strasbourg) et la Bibliothèque Nationale de France (département des archives du web), et permettra de
suivre l’évolution diachronique et diastratique des néologismes repérés par Néoveille et le Logoscope, ainsi qu’un
échantillon des propositions de la DGLFLF en remplacement d’anglicismes, et ce sur un corpus de presse allant de 2011
à 2016, le corpus Néoveille permettant de suivre les néologismes depuis lors.
A paraître dans Kacprzak, A. ; Mudrochová, R. ; Sablayrolles, J.-F. (2018), éds. Emprunts en question(s),
La Lexicothèque, Limoges : Lambert-Lucas.
cas de diffusion, au travers d’une diffusion non pas seulement liée à une répétition stabilisée, mais
également à plusieurs phénomènes linguistiques, notamment l’intégration à la morphologie
grammaticale et productive du français. Les paramètres socio-pragmatiques sont également
importants, même si de ce point de vue, il conviendrait de préciser les paramètres pour approcher
plus finement les cheminements des innovations.
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