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SE RACONTER SANS « SE LA RACONTER » L'EMPLOYABILITÉ AU PRISME DE L'ALTERNANCE

Authors:
  • Institut de Recherche sur les enjeux sociaux (IRIS)

Abstract

La notion de projet est devenue un des maîtres-mots des carrières. Pour s'insérer puis évoluer professionnellement, il faut gérer sa carrière (Gazier, 2003) au fil de projets qui structurent un chemin personnel. Cette succession de projets est censée permettre de donner une direction choisie. Cet idéal d'un contrôle de sa carrière et de son avenir sous-tend également l'insertion profes-sionnelle. Il faut donc avoir un projet pour être employable, pour pouvoir à nouveau développer des projets qui renforcent cette employabilité. Certaines études montrent toutefois que cette employabilité et la capacité à se projeter dans l'avenir ne peuvent se développer qu'au contact du marché du travail. C'est cet effet que décrit O. Cousin (2002) chez les téléconseillers qui construisent leur CV en gagnant leur premier CDI, même si ce dernier n'offre pas de perspectives de carrière dans des entreprises où ces jeunes salariés sont déclassés par rapport à leur formation initiale. L'alternance qui reconnaît à des étudiants le statut de salarié peut également jouer ce rôle. À partir d'une enquête auprès d'étudiants et diplômés de trois masters 1 , nous considérerons ce dispositif d'étude par alternance comme un instrument à la fois d'acquisition et de validation d'une certaine employabilité-que nous allons 1. L'enquête a été réalisée dans un institut d'administration des entreprises (IAE). L'institut est une composante d'une université pluridisciplinaire. Il dispense des formations allant du L3 au M2. Sur plus d'une dizaine de masters 2 proposés dans cet IAE, les 3/4 sont en apprentissage. Dans le cadre d'une convention avec l'Apec, nous y avons mené une enquête auprès des étudiants en formation par l'alternance dans les filières préparant aux métiers bancaires. Nous avons interrogé des M2 gestion de patrimoine (GPAT), gestion de portefeuille (GPORT), et ingénierie financière (IF). Si le diplôme d'IF est réalisé en formation initiale, la gestion de patrimoine GPAT et la gestion de portefeuille GPORT ont adopté la formation en alternance. Ils travaillent quatre jours par semaine en entreprise et se rendent à l'IAE le vendredi. L'enquête combine différents types de matériaux : statistiques (à partir du fichier Apogee), 32 entretiens semi-directifs auprès des étudiants, 8 entretiens semi-directifs avec des anciens des masters GPAT et GPORT, diplômés depuis deux ans, observations in situ de différents moments de la vie collective au sein de l'IAE (remise des diplômes). Nous avons également interrogé les responsables des diplômes ainsi que leurs assistantes.
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Stéphanie MIGNOT-GÉRARD, Constance PERRIN-JOLY,
François SARFATI et Nadège VEZINAT
SE RACONTER SANS «SE LA RACONTER»
L’EMPLOYABILITÉ AU PRISME DE L’ALTERNANCE
La notion de projet est devenue un des maîtres-mots des carrières. Pour
s’insérer puis évoluer professionnellement, il faut gérer sa carrière (Gazier,
2003) au fil de projets qui structurent un chemin personnel. Cette succession
de projets est censée permettre de donner une direction choisie. Cet idéal d’un
contrôle de sa carrière et de son avenir sous-tend également l’insertion profes-
sionnelle. Il faut donc avoir un projet pour être employable, pour pouvoir à
nouveau développer des projets qui renforcent cette employabilité. Certaines
études montrent toutefois que cette employabilité et la capacité à se projeter dans
l’avenir ne peuvent se développer qu’au contact du marché du travail. C’est cet
effet que décrit O. Cousin (2002) chez les téléconseillers qui construisent leur
CV en gagnant leur premier CDI, même si ce dernier n’offre pas de perspectives
de carrière dans des entreprises où ces jeunes salariés sont déclassés par rapport
àleurformation initiale. Lalternancequi reconnaîtàdetudiants le statut de
salarié peut également jouer ce rôle.
À partir d’une enquête auprès d’étudiants et diplômés de trois masters1, nous
considérerons ce dispositif d’étude par alternance comme un instrument à la
fois d’acquisition et de validation d’une certaine employabilité – que nous allons
1. L’enquête a été réalisée dans un institut d’administration des entreprises (IAE). L’institut
est une composante d’une université pluridisciplinaire. Il dispense des formations allant
du L3 au M2. Sur plus d’une dizaine de masters 2 proposés dans cet IAE, les 3/4 sont
en apprentissage. Dans le cadre d’une convention avec l’Apec, nous y avons mené une
enquête auprès des étudiants en formation par l’alternance dans les filières préparant aux
métiers bancaires. Nous avons interrogé des M2 gestion de patrimoine (GPAT), gestion
de portefeuille (GPORT), et ingénierie financière (IF). Si le diplôme d’IF est réalisé en
formation initiale, la gestion de patrimoine GPAT et la gestion de portefeuille GPORT ont
adopté la formation en alternance. Ils travaillent quatre jours par semaine en entreprise et
se rendent à l’IAE le vendredi. L’enquête combine différents types de matériaux: statistiques
(à partir du fichier Apogee), 32 entretiens semi-directifs auprès des étudiants, 8 entretiens
semi-directifs avec des anciens des masters GPAT et GPORT, diplômés depuis deux ans,
observations in situ de différents moments de la vie collective au sein de l’IAE (remise
des diplômes). Nous avons également interrogé les responsables des diplômes ainsi que
leursassistantes.
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tâcher de caractériser dans les métiers de la banque-finance. Nous verrons
dans un premier temps que, même si le lien entre employabilité et compétences
semble évident a priori, il apparaît un décalage entre les connaissances acquises
à l’université par les étudiants et celles qu’ils mobilisent pendant leur alternance.
Les savoirs et savoir-faire acquis ne prennent leur véritable valeur que quand
le «faire savoir» est également maîtrisé. Pouvoir produire un discours valide
déjà en soi la compétence de ces étudiants de master qui consisterait à savoir
«se raconter». À ce stade, il s’agit donc moins d’acquérir de l’employabilité
que de la mettre en scène dans un contexte professionnel situé. Cette capacité
à présenter son CV de manière cohérente et formalisée rend visible des compé-
tences valables et reconnues dans l’espace professionnel de la banque-finance.
Cela signifie que la manière de se présenter est tout aussi importante que les
apprentissages effectifs (connaissance des produits, des outils, des procédures,
etc.) et qu’être employable revient dans ce sens à trouver le juste milieu entre
une absence de mise en forme de son parcours et le fait de «se la raconter», qui
serait le fait de celui ou celle qui consisterait à mettre en scène des qualités qui
paraissent aberrantes au regard de son parcours professionnel.
CE QUON (AP)PREND DANS UN M2 EN APPRENTISSAGE
L’IAE cherche à se distinguer des filières traditionnellement proposées
au sein de l’université. La professionnalisation des études supérieures est la
marque de fabrique des sciences de gestion. À l’IAE, les enseignants et assistantes
pédagogiques mettent en avant le fait que le point fort de leur organisation
consiste dans les liens étroits établis avec les entreprises et qu’il en résulte des
bons niveaux d’insertion de leurs étudiants. L’alternance y est alors mobilisée
comme l’outil privilégié de la professionnalisation des cursus. Du point de vue
des étudiants, la plus-value de l’IAE par rapport aux filières universitaires tradi-
tionnelles est son contenu opérationnel et ses liens avec le monde professionnel.
«Je pense que l’IAE ça a été fait justement – c’est récent, les IAE ! – pour faire
de la concurrence au niveau des universités publiques, faire un pôle manage-
ment, pour paraître un peu plus sérieux, et commencer à faire concurrence
dans les filières éco et finance aux grandes écoles. […] Je suis contente de
mettre IAE sur mon CV et pas université X parce que finalement université ça
fait encore péjoratif. Et le truc c’est que je pense que c’est mérité en plus, je vois
à X ici, la qualité de l’enseignement qu’on a… on a que des professionnels, des
gens bien, donc ça le vaut. Donc, le fait de se démarquer de l’université, c’est
une bonne stratégie marketing. Et j’espère que ça va bien marcher pour eux
et pour nous aussi, après.Peut-être que l’enseignement était aussi bien avant,
juste c’était l’université, quoi. Mais il y a un gros problème, le problème, c’est
les Français, c’est ce côté péjoratif de l’université et voilà» (Marine, IF).
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Concrètement, la dimension professionnalisante de la formation se déploie
à travers plusieurs dispositifs censés permettre le développement de différentes
facettes de l’employabilité des étudiants: des enseignements directement opéra-
tionnels en entreprise, des relations privilégiées avec des intervenants profes-
sionnels en classe ou lors de rencontres organisées par l’IAE en marge des cours,
la transmission de codes socio-culturels prévalant dans les métiers de la finance.
Des enseignements nourris par l’interpénétration
entre monde de l’entreprise et IAE
Quand on évoque avec les enquêtés les contenus des enseignements reçus
dans leur M2, tous soulignent deux points forts de la formation: d’abord le
recentrage sur des techniques opérationnelles, ensuite l’interactivité avec des
intervenants professionnels qui les traitent «d’adulte à adulte». Les discours
des enquêtés mettent en exergue l’opposition entre ce modèle pédagogique et
celui de l’université, caractérisé par des contenus généraux théoriques et une
distance entre le professeur et l’élève.
«Oui, ce que j’apprécie ici, c’est le fait que ce soit des professionnels qui
viennent nous enseigner… on s’intéresse aux grandes théories mais on garde
vraiment ce qui est utile, ce qui peut devenir opérationnel. C’est un peu le
grand débat entre universitaires et professionnels, c’est que l’enseignement
est très concret, c’est ce que je cherchais aussi, quelque chose qui nous forme
pour le métier et pas qui nous apporte des connaissances qu’on n’utilisera
plus par la suite. C’est vraiment devenir opérationnel. Donc c’est vrai que
sur le M1 ça ne se voyait pas trop, parce que le M1 est généraliste. Mais là
en M2 on est centrés sur ce qui fait la gestion d’actifs» (Benjamin, GPORT).
La participation d’intervenants professionnels aux enseignements est une
ressource que les apprentis n’hésitent pas à mobiliser au-delà du contenu des
cours délivrés. Par exemple, cet enquêté qui consulte un enseignant pour l’aider
à résoudre un problème concret rencontré lors de son travail:
«Et les cours sont très bien, ce sont beaucoup des professionnels qui
viennent, c’est un peu comme des consultants, c’est comme si une entreprise
disait “on a besoin de ça”, ils vont appeler un cabinet de consulting, et c’est
bien, c’est pro. On est beaucoup sur la partie gestion de portefeuille, et moi
je suis sur le trading, alors c’est bien, ça se complète» (Eduardo, GPORT).
L’interpénétration entre le monde de l’entreprise et l’IAE est telle que certains
apprentis travaillent sur des outils conçus par des anciens de leur diplôme…
devenus intervenants dans leur formation. Mais les étudiants ne situent pas
l’apport des enseignements du M2 exclusivement dans les outils, ils valorisent
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également des contenus de «culture générale» sur l’actualité économique, qu’ils
peuvent mettre à profit dans la relation avec leurs clients.
«Et puis après, la macro économie, quand tu n’y connais rien, c’est super
intéressant de refaire un tour, enfin, le prof qui nous explique aujourd’hui,
on vous parle de subprimes”, qui nous explique concrètement tout ce qui
s’est passé… ça permet d’expliquer après aux clients, de comprendre ce qui
se passe autour de nous et de pouvoir le répéter. Une fois qu’on l’a compris,
on peut l’expliquer au client, il n’a pas besoin de tout connaître, les détails
ça lui importe peu, mais ça lui permet de comprendre pourquoi on fait des
actions, pourquoi on fait des obligations, enfin, qu’est-ce qui se passe. […]
Et les cours sont bien. Surtout quand c’est fait par des professionnels. On
sent la différence entre les cours qui sont faits par des professionnels et les
cours faits par des… on n’en tire pas les mêmes choses» (Auguste, GPAT).
Les contenus des cours sont régulièrement actualisés à l’issue de conseils
de perfectionnement annuels qui réunissent représentants étudiants, maîtres
d’apprentissage et équipes pédagogiques. Il n’est pas rare d’adapter le contenu
d’un cours, voire d’en créer un nouveau au gré des évolutions de la réglementa-
tion, des produits, ou des outils bancaires.
Ainsi pour les enquêtés, l’employabilité passe par une recherche permanente
d’adéquation entre savoirs (théoriques, pratiques, techniques) et expériences en
entreprise. La perméabilité entre l’espace de la classe et celui de l’entreprise est
favorable à cette construction de correspondances entre formation et emploi.
Une socialisation anticipatrice
Au-delà de l’adéquation entre les cours et leurs missions en entreprise, les
étudiants valorisent l’expérience «totale» du master en apprentissage, qui leur
offre la possibilité de développer leur employabilité à travers divers dispositifs.
Aussi les relations entre étudiants et professionnels du secteur bancaire ne sont-
elles pas confinées à l’espace de la classe, puisque l’IAE organise de nombreux
évènements (forums entreprises, concours entre écoles, réunions d’anciens)
qui démultiplient les occasions d’interactions. Les étudiants sont friands de ces
évènements qui constituent autant d’opportunités qu’ils exploitent au maximum
pour se faire connaître, tester leurs CV et s’informer de la réalité des postes
auxquels ils aspirent.
«Donc voilà, j’ai été sélectionnée, après il faut chercher du travail, alors ici
on nous aide beaucoup, ils ont un partenariat avec la banque***, ils ont un
petit réseau mais assez puissant quand même, ils ont organisé une journée
de recrutement avec ***, donc on avait une douzaine d’offres où on était
prioritaires, qui n’étaient pas diffusées sur le marché, donc ils organisaient
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des tables rondes, où on était 4 ou 5 postulants, avec un professionnel qui
nous explique son activité, ce qu’il attend du poste, et donc ça c’est vraiment
super parce que souvent sur le papier, une offre peut être “analyste financier”,
et on se rend compte qu’en vrai, c’est juste cliquer sur des boutons et voir si
les chiffres sont bons. Donc voila. On fait les tables rondes, ça se passe bien,
on peut laisser son CV» (Carole, GPORT).
Du côté des responsables des masters, il s’agit également de réussir à impré-
gner les étudiants des codes culturels et sociaux prévalant dans les métiers qu’ils
visent. Les moyens mis en œuvre pour ce faire sont diversifiés et plus ou moins
formalisés: cela va de remarques amicales faites par certains responsables de
formation dans les couloirs de l’université sur les tenues vestimentaires de leurs
étudiants jusqu’à l’organisation de modules optionnels.
«Sur du M2, ce qui est important c’est l’adéquation entre le profil de l’étudiant
et le métier qui est visé. Sur du L3 on va surtout regarder le niveau académique.
Le problème c’est que si l’étudiant a un bon niveau académique en L3 mais qu’il
est faiblard sur les aspects comportementaux, codes sociaux, etc., il ne va pas
être pris en M2. Et là c’est un échec de notre part, ça veut dire qu’on n’aura pas
réussi à le faire évoluer, à entre guillemets l’acculturer au milieu de la finance et
du management, des fonctions d’encadrement dans les grandes organisations.
[…] C’est-à-dire qu’on va mettre en place un certain nombre de processus, ils
passent tous un entretien avec un psychologue en L3, il y a une grosse remise
à niveau en français, avec l’orthographe et les conjugaisons, un cours sur les
codes sociaux et tout ça, mais je pense qu’après, il n’y a que de l’individuel qui
peut fonctionner» (responsable, M2 GPAT).
Il est difficile d’appréhender la part que joue l’IAE dans la construction de
l’hexis corporel de ses étudiants, mais nous avons pu constater à l’occasion de
plusieurs séquences d’observation in situ de différents moments de la vie collec-
tive au sein de l’IAE le soin de l’habillement des étudiants et jeunes diplômés,
ainsi que leur aisance relationnelle dans les discussions informelles autour d’un
cocktail. Au-delà des savoirs théoriques, les étudiants saisissent donc les enjeux
identitaires du groupe professionnel, le «savoir-être» ou les valeurs à mobiliser.
Savoirs académiques – savoirs pratiques:
des situations d’apprentissage inégales
Le point crucial d’une formation est la circulation des savoirs entre monde
professionnel et monde académique. Ainsi nombre d’étudiants rendent compte
de la capacité à mobiliser en entreprise les outils et techniques vus en classe.
«Tous les jours je rencontre des cas de rachat partiel sur un contrat d’assu-
rance vie, de la pression fiscale pour des clients, ce sont des choses que je vois
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en cours et que je peux mettre directement en application. Ce que j’apprends,
je peux vraiment le mettre en pratique. Pas tous les jours, mais ça arrive
fréquemment. Je vois le bénéfice de ces cours-là et je me sens moins bête au
quotidien en entreprise» (Mickaël, GPAT).
Cette mise en application n’est pas toujours immédiate, mais permet de
développer un potentiel d’évolution des étudiants. Ainsi beaucoup soulignent
que les savoirs délivrés en classe vont souvent au-delà des besoins opérationnels
de leur poste d’apprenti(e), mais certains notent qu’ils pourraient leur être utiles
plus tard dans leur carrière.
«Ça veut dire que globalement, les outils financiers que vous étudiez ici, c’est
les mêmes que ceux que vous avez à commercialiser ?
– Oui. Enfin, ce qu’on voit en cours est beaucoup plus profond que ce qu’on
voit au travail. Au travail, on utilise 20% de ce qu’on voit en cours. Mais je
pense que le reste, c’est de la culture, un savoir en plus pour je suppose plus
tard des postes plus complexes et une base vraiment solide» (Nathan,
GPAT).
Les apprentissages par l’expérience professionnelle constituent l’autre versant
de la formation par alternance, une véritable plus-value pour ces jeunes qui
cherchent à se positionner le mieux possible pour entrer sur un marché du travail
bancaire très concurrentiel. Cependant l’adéquation entre les savoirs, l’expé-
rience professionnelle et les apprentissages qui en sont issus est très variable
selon le type de banque qui a recruté l’alternant, le tuteur, la missionconfiée.
«Après, des fois, il y a plein de gens qui vous diront que les cours sont trop
poussés par rapport aux postes qu’on a, ceux qui ont un poste en agence.
C’est vrai, mais bon, c’est parce qu’ils ont accepté un poste en agence. Mais
pour les gens qui veulent faire de la gestion de patrimoine et qui ont eu
la chance d’être pris en banque privée, franchement, c’est en adéquation
parfaite. Il y a deux trois cours qui sont un peu compliqués, notamment
gestion de portefeuille, je ne suis pas sûre que ça nous soit utile, mais bon,
ce n’est pas grand-chose» (Aurore, GPAT).
Félicien fait a contrario partie de ceux qui bénéficient d’une expérience très
positive de son alternance:
«Alors je pense que je suis un peu privilégié par rapport au reste de la classe,
je ne sais pas, mais quand on en parle entre nous, parce que moi j’ai une
chance du fait que ma chef a trois ans d’expérience en fait et tous les 4ans
ils changent de boulot, de CGP junior on passe à senior, ou on fait autre
chose. Donc du coup, quand je serai diplômé, elle aura 4 ans. Donc elle sera
sortante. Donc l’idée non avouée mais que tout le monde me dit clairement,
c’est que je la remplace. Donc on me met beaucoup plus sur des missions
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qu’elle fait. Au début c’était du tutorat, de l’apprentissage, mais maintenant,
dès janvier, c’est plus du travail en binôme. […] Aujourd’hui, je suis quasi un
CGP à part entière. Alors quand il y a de très gros clients, genre 400 000euros
à placer, je ne vais pas y aller tout seul, même si en théorie je pourrais le
faire, mais voilà. C’est super intéressant. J’adore ma chef, c’est génial. Elle est
trop bien, elle est super pédagogue, alors qu’elle n’a rien à gagner là-dedans»
(Félicien, GPAT).
Cette configuration n’est cependant pas toujours prédominante: l’alter-
nance n’apparaît pas systématiquement constituer un lieu de rencontre entre
les apprentissages universitaires qu’ils reçoivent et ceux qui sont directement
mobilisables dans leur quotidien. L’adéquation est ainsi fortement corrélée à la
capacité à avoir un poste correspondant au libellé de la formation. A contrario
des cas d’Aurore et de Félicien évoqués ci-dessus, les alternants en GPAT qui
travaillent dans la banque de réseau en tant que conseillers «bonne gamme»
sont nettement moins enthousiastes. Ainsi en GPAT, les apprentis occupent
tantôt des postes en banque de réseau, tantôt en banque privée ou en cabinet
de conseil en gestion de patrimoine. C’est dans ces deux dernières activités que
la concordance entre les attentes des étudiants et l’offre de formation est la plus
réussie, et la satisfaction relative aux enseignements la plus grande. À l’inverse,
ceux qui exercent leur apprentissage en agence estiment que leurs compétences
en gestion de patrimoine sont sous-utilisées, et déplorent être trop souvent solli-
cités pour répondre aux demandes du client tout-venant pour pallier le manque
de personnel.
«Je suis censé être en binôme, j’ai pu enfin obtenir ça, après de bons et
loyaux services rendus, ils m’ont permis d’être en binôme avec un conseiller
bonne gamme. Donc je suis censé m’asseoir à côté de lui et assister à son
quotidien, bien que dans les faits… il y a toujours une autre mission qui me
rattrape.
– Ce qui veut dire que la majeure partie de votre temps, vous n’êtes pas dans
la relation commerciale ?
Je suis très rarement dans la relation commerciale. Je suis souvent dans la
relation client, puisqu’on est constamment en sous-effectifs, et donc les
clients ont besoin, donc je peux toujours prendre un appel, ou même on
m’envoie aider à l’accueil, et dans ce cas-là oui, par contre, très peu de propo-
sitions commerciales, puisque là c’est au conseiller de faire ses objectifs, et il
est attendu là-dessus, et ce serait mal vu à la limite que je vende un produit
à sa place» (Philippe, GPAT).
On observe également une certaine désillusion chez les GPORT qui effectuent
leur contrat d’apprentissage en back ou middle office dans une grande banque:
ils soulignent devoir prendre en charge des tâches parcellisées et répétitives.
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Comme ce jeune à qui il est interdit de trader, un certain nombre d’autres ne
voient le front-office que de loin, depuis des positions professionnelles de middle
ou de back-office qui se révèlent certes moins stressantes, mais aussi moins
valorisées par l’entreprise, moins rémunératrices et moins intéressantes du point
de vue des alternants:
«Je suis middle-office référentiel. Donc en gros, on est là pour veiller à ce que
tous les instruments financiers dans nos bases de données, que ce soient des
obligations, des actions, des options, correspondent bien à ce qu’il y a sur le
marché. Il y a souvent des changements de nom sur le marché qui cassent
les deals qu’ont passés nos traders, même sur le back, leur comptabilité, il y
a des trucs qui ne “matchent” pas, et donc on est là pour veiller à ce que les
bases de données correspondent au marché. Il y a des bases de recherche,
c’est beaucoup de production, on est un peu fournisseurs du front-office»
(Alexandre, GPORT).
La segmentation des métiers proposés aux gestionnaires de portefeuille et
de patrimoine montre bien l’existence d’une frontière, à la fois symbolique et
matérielle, entre les niveaux d’activité.
L’adéquation formation-emploi semble capitale pour nos enquêtés, centrale
dans la construction d’un parcours qui recherche toujours à compléter ses
compétences, faire LE master qui fera la différence, avoir LE CV qui les distin-
guera lors d’un potentiel recrutement.
SE PROJETER DANS LAVENIR OU RECONSTITUER LE PASSÉ ?
SAVOIR «SE RACONTER»
La capacité d’un individu à se rendre employable (l’employabilité) suppose
non seulement que ce dernier soit capable d’effectuer les tâches pour lesquelles
il est recruté, mais d’obtenir un emploi, en faisant connaître/reconnaître sa
compétence. La qualification sociale a été mise en avant comme un facteur
prépondérant d’accès à l’emploi (Benoit-Guilbot, 1990). Il s’agit en priorité de
donner des signes d’une socialisation anticipatrice achevée, ce qui permettrait
de se distinguer de concurrents aux compétences équivalentes, voire de gommer
les lacunes dans les apprentissages ou dans l’adéquation entre la formation et
les expériences professionnelles. Or les étudiants rencontrés ont une grande
habileté à se mettre en scène (que nous avons constatée lors de l’enquête où
la quasi-totalité des enquêtés énonçaient avec une facilité déconcertante leur
parcours scolaire et professionnel), à l’occasion des multiples épreuves de recru-
tement qu’ils ont affrontées tout au long de leurs parcours.
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Des parcours scolaires jonchés «d’épreuves»
L’analyse révèle des parcours scolaires non linéaires, parfois irréguliers, et
souvent des passages par des filières professionnalisantes courtes. La moitié a
commencé les études par une filière universitaire ou par une école de commerce
post-bac, onze ont suivi un DUT ou un BTS. La majorité a réalisé une première
année d’études supérieures dans le domaine de l’économie gestion, mais les
réorientations ne sont pas anecdotiques: parmi les étudiants ayant suivi une
licence 1 à l’université, on en trouve en médecine, en physique-chimie, en droit
et en STAPS ; on identifie aussi différents DUT.
Il est à noter que nos enquêtés ont été immergés très tôt dans l’emploi. Ils
ont enchaîné les «jobs étudiants» depuis le début de leurs études supérieures
afin de les financer ; parfois même des emplois de longue durée (plus de neuf
mois). Près de la moitié était passée par une formation en alternance entre la L1
et le M1. Le passage par des filières sélectives professionnalisantes et la multi-
plication des expériences d’emploi ont été autant d’occasions de rédiger un CV
et de passer des entretiens.
«En fait je ne suis pas du tout un bon exemple, je suis trop habituée aux
entretiens. J’en ai tellement passés. C’est le même genre que les autres. Bien
sûr, on nous jette un peu des piques, bon, moi c’était mon troisième master,
alors forcément “bon, vous n’avez pas envie de quitter vos parents ?” “Oh, ça
fait bien longtemps que je les ai quittés”, et bon, normal» (Aurore, GPAT).
Ainsi leur employabilité repose tant sur la capacité des individus à surmonter
ces «épreuves» (Eymard-Duvernay, 2012) que sur ce qu’ils en apprennent.
Des projets mouvants
À propos d’un entretien de sélection pour l’entrée dans un autre diplôme,
cet enquêté explique:
«Oui, ça s’est bien passé, en fait, ils veulent qu’on soit très cohérents dans nos
choix, justifier pourquoi on vient à X, en dehors des notes, et ils s’intéressent
beaucoup, même si on peut rester assez indécis, au projet professionnel.
C’est quelque chose qui compte beaucoup. Ils souhaitent des étudiants qui
viennent par intérêt pour la matière et avec un projet professionnel. Et pour
les masters, ils sont encore plus pointilleux sur les projets» (Benoît,GPORT).
Alors que la plupart des épreuves auxquelles ils sont soumis exigent ainsi
de formuler un projet «clair», les parcours des étudiants révèlent une adapta-
tion permanente de court terme davantage qu’une planification des études en
fonction d’un projet professionnel. Près de la moitié des étudiants rencontrés
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redoublent ou se réorientent et se voient imposer un certain nombre de choix
«par défaut». Voilà comment l’expose assez ouvertement un de nos enquêtés:
«Parcours classique, je suis arrivé, je suis allé en S parce que je ne pouvais
faire que ça, et j’ai eu mon bac en 2006…
– Vous ne pouviez faire que ça… (rires) ?
Ben pas littéraire, pas économique, je ne savais pas écrire, donc j’ai passé
mon bac scientifique en 2006, mention assez bien, je suis parti en études de
droit, parce que je n’avais pas le niveau pour partir en prépa, et le droit
m’intéressait. Donc je pensais faire une licence et partir après en école de
commerce…
– D’accord, c’était l’école de commerce qui vous plaisait déjà ?
– Oui, mais après, pourquoi, précisément, je ne savais pas» (Auguste,GPAT).
Leurs premiers choix se caractérisent donc davantage par le refus ou
l’autocensure (de l’université, de la classe préparatoire) que par un projet
bienidentifié.
Leurs anticipations de leur avenir professionnel ne font pas non plus l’objet
d’un projet déterminé. Loin de l’image des carrières par projet dans les métiers
artistiques qui préfigureraient la carrière type du salarié dans l’économie capita-
liste (Menger, 2003), nos enquêtés perçoivent leur premier poste comme struc-
turant pour la suite. Alors que le marché de la formation leur semble flexible,
offrant des opportunités multiples de reconversion, le marché du travail est lui
perçu comme rigide.
«C’est-à-dire que si on sort maintenant des études, clairement, c’est très dur
d’y revenir après, donc si on veut faire quelque chose de plus, c’est mainte-
nant qu’il faut le faire. Donc c’est délicat quand on n’a pas un objectif très
précis, mais bon, s’il y a un moment il faut continuer les études c’est
maintenant. Donc après, on peut toujours repartir sur autre chose, sur le
notariat, on repart sur 5 ans… tout est possible» (Octavio, GPAT).
Le travail de l’«employabilité» signifie alors justement de ne pas avoir de
projet arrêté et de savoir rebondir, s’adapter, changer au gré de la conjoncture.
Le contexte de crise économique qui affecte certains métiers du secteur bancaire
est aussi explicatif de ces stratégies: il est nécessaire de réévaluer constamment
son projet en se distinguant des autres, par un séjour à l’étranger (en VIE par
exemple), ou en diversifiant ses compétences (par un nouveau master et ou une
nouvelle alternance).
Le «projet», quand il existe, est donc constamment réévalué, repensé à
l’aune des échecs ou des découvertes. Le refus de stabiliser un projet est à la fois
lié à la conscience d’une imparfaite maîtrise de son avenir d’une part, mais aussi
à une volonté d’expérimenter avant une entrée dans la vie active vue comme
rigide et déterminante pour la suite.
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SE RACONTER SANS «SE LA RACONTER». L’EMPLOYABILITÉ AU PRISME DE LALTERNANCE
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Le CV comme support matériel pour «se raconter»
L’expertise acquise au gré des épreuves dans la mise en forme du parcours
se matérialise dans la construction du CV. Ainsi l’accumulation d’expériences
professionnelles et scolaires répond à un objectif d’acquisition de savoirs et
doit permettre d’être un bon professionnel. Mais le discours et la visibilité des
compétences qui l’accompagnent sont mis en avant comme autant de signaux
pour les recruteurs sur le CV. Il ne s’agit pas ici de deux perspectives différentes,
mais bien de l’intrication de deux enjeux qui sont vus comme indissociables,
comme en témoigne Rabah:
«Vous faites quoi ?
– Assistant gérant de portefeuille. Mais avec une stratégie très audit, la
partie analyse des comptes, bilan, tout ça, est vraiment importante. C’est au
moins la moitié du temps, donc c’est bien, c’est formateur, mais moi j’ai
besoin d’un contact un peu avec le client. Un peu plus commercial, avec une
portée plus commerciale. Donc je suis heureux, c’est un poste qui est forma-
teur et sur un CV, dans le domaine de la gestion d’actifs, c’est intéressant. Ça
sera toujours bien sur le CV, mais quand je serai sur le marché du travail,
dans un an, je chercherai quelque chose de plus commercial» (Rabah,
ancienGPORT).
Ainsi la majorité des discours articule d’abord les choix de parcours avec
l’idée d’avoir un «bon» CV. Il ne s’agit pas seulement de construire des compé-
tences mais aussi de savoir les mettre en valeur vis-à-vis d’un recruteur potentiel.
Un bon CV doit ainsi mettre en avant un diplôme renommé, les étudiants
étant particulièrement sensibles à sa réputation. Les enquêtés identifient égale-
ment le passage par de grandes entreprises du secteur ou l’affichage de certains
titres de fonction, comme d’autres signaux à mettre en valeur.
«Je suis support sur un logiciel où les traders rentrent leurs estimations, je
suis le support un peu technique, malheureusement ça n’a pas grand-chose
à voir avec la finance, d’ailleurs, dans notre équipe, personne n’a de master
finances, c’est un peu dommage, mais bon. C’était bien beau, il y avait la jolie
lumière à la B**** et quand on n’a aucune expérience nulle part, en terme
de finances, du coup, tant pis. C’est pas extraordinaire, mais bon, sur le CV,
ça a quand même une bonne petite valeur, d’avoir intégré un grand groupe
comme ça» (Jérémie, GPORT).
Enfin, et là se joue toute la capacité à «se raconter», un bon CV est cohérent,
il donne un sens à son parcours. L’enjeu permanent est alors de gommer les
aspérités du parcours, tout ce qui pourrait jouer comme un signal négatif pour
des recruteurs. La notion d’«employabilité» fait référence à un potentiel apprécié
de manière décontextualisée et dissociée de l’adaptabilité observée en situation
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de travail (Bureau et Marchal, 2005). C’est bien cette évaluation à laquelle se
préparent les étudiants rencontrés, tout en étant parfaitement conscients que
leur parcours comprend de nombreux écueils aux yeux des recruteurs: parcours
scolaires «seulement» bons, voire moyens, redoublements, réorientations
laissant imaginer un jeune instable… C’est à cette fin que le CV et les choix
qui guident la carrière étudiante doivent favoriser sa lisibilité rapide par un
évaluateur et sa cohérence censée démontrer la parfaite intégration d’une logique
deprojet.
«Et vous avez des idées sur le master ?
– À vrai dire ça sera en fonction de mon projet professionnel, pour que ça
soit crédible, que ça colle auprès des recruteurs ensuite, j’ai fait beaucoup
d’immobilier, j’ai fait beaucoup de finances, donc faire quelque chose dans
ce sens-là…» (Matthias, GPAT).
Le raisonnement de Matthias démontre à la fois le travail fait pour mettre en
valeur ses atouts et fabriquer un «bon CV», tout en soulignant les contraintes
supplémentaires que cela impose. La fiction du parcours linéaire impose des
fenêtres d’opportunité plus réduites, selon les étapes déjà parcourues. Ainsi
Matthias avec deux stages dans l’immobilier a plutôt intérêt à jouer l’expertise
dans ce domaine plutôt qu’à vouloir ouvrir le champ des possibles, au risque de
faire passer son second M2 non comme une spécialisation logique mais comme
un changement de cap suspect.
Au final les parcours les plus erratiques sont ceux qui demandent le plus de
travail de narration par rapport aux carrières scolaires linéaires. Ces étudiants
sont donc ceux qui vont plus que d’autres développer cette aptitude à «se racon-
ter», compétence au cœur de leur employabilité.
Du fait des nombreuses épreuves auxquelles ils ont été confrontés, nos
enquêtés ont été habitués à se présenter comme employables, à présenter une
image d’eux-mêmes en cohérence avec le monde social de la finance. Être
employable consiste alors à démontrer que la suite logique d’un parcours est
l’emploi que l’on a ou celui auquel on aspire (et candidate). La notion d’épreuve
(Eymard-Duvernay, 2012) au sens où elle désigne ces moments où les personnes
sont évaluées dans le cadre d’un dispositif (ensemble de personnes, de mots,
de choses qui soutiennent l’évaluation) est de nature à rendre compte de
cetapprentissage.
EMPLOYABILITÉ: SE PROJETER DANS LAVENIR OU RECONSTITUER LE PASSÉ ?
Leur habile capacité à se mettre en scène est perceptible dès les entretiens
d’enquête. Les enquêtés se retrouvent face à un enquêteur qui ressemble furieu-
sement – et pour cause à un enseignant du supérieur, lequel pourrait être
un responsable de formation et potentiellement membre d’un jury d’admission
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en master. Après avoir rappelé l’objet de notre recherche et indiqué que nous
souhaitions les entendre sur les années qui venaient de s’écouler, la quasi-totalité
des enquêtés énonçaient avec une facilité déconcertante leur parcours scolaire
et professionnel.
«Alors je viens de L. j’ai commencé par un bac S, spécialité maths, et je me
suis orienté après vers une classe prépa, j’ai fait math sup. et math spé. au lycée
Gay Lussac à L., et avant cette prépa, je me destinais au métier d’ingénieur,
et pendant la prépa, j’ai découvert que les métiers de l’ingénierie m’attiraient
moins que les métiers de la finance. J’ai découvert la finance en rencontrant
tout un tas de personnes, et je me suis dit que j’allais passer les concours après
la prépa, j’ai eu des écoles plutôt spécialisées, comme IIIL à L., comme les
écoles du réseau Paris Tech, qui étaient vraiment spécialisées soit en informa-
tique, soit dans le domaine de la physique appliquée à l’ingénierie, et donc j’ai
décidé de voir ce que je pouvais faire pour intégrer une licence de finances et
j’ai intégré la licence de finances de P. sur un an, j’ai eu la licence et je me suis
retrouvé à l’IAE et donc j’y suis depuis deux ans en master» (Alix, GPORT).
Habitués des entretiens d’embauche, ces étudiants retrouvaient leurs réflexes
et présentaient des parcours qui s’ils n’étaient pas linéaires étaient justifiés et en
cohérence avec la formation aux métiers de la finance. Ainsi, ils ont été habitués
à se présenter comme des jeunes gens employables, sachant présenter une image
d’eux-mêmes en cohérence avec le monde social de la finance. Quelle que soit
la sinuosité de son parcours, l’épreuve réussie est pensée et vécue comme une
démonstration du fait que ce parcours prépare logiquement et en pratique à
assumer les fonctions futures.
«Se raconter»: Savoir reconstituer son parcours au fil des épreuves
Les étudiants en alternance dans les masters GPAT et GPORT ont en commun
une trajectoire scolaire qui s’éloigne des standards de l’élite académique. Ils n’ont
pas obtenu leur baccalauréat avec une mention prestigieuse, n’ont que rarement
songé à candidater en classe préparatoire, ne sont pas passés par des grandes
écoles. En revanche, ils ont souvent été en BTS ou en IUT et ont pu réaliser une
partie de leurs études supérieures dans des «petites» écoles de commerce soit à
l’issue de leurs deux premières années, soit en y entrant directement après l’obten-
tion du baccalauréat. Que ce soit lors de stages (obligatoires ou non), de jobs
étudiants ou dans le cadre d’un diplôme préparé en alternance, leur parcours est
fait de nombreuses expériences professionnelles. À ce titre, ils ont eu à passer de
nombreuses épreuves de sélection, ils ont dû apprendre à rédiger un CV et à passer
un entretien très jeunes. Parfois ils ont eu l’occasion de s’entraîner formellement à
ces épreuves dans la mesure certains établissements d’enseignement supérieur
prévoient ce type d’entraînement dans le cadre des cursus.
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Si l’on compare les épreuves traversées par nos enquêtés à celles de ceux qui
composent l’élite scolaire traditionnelle, force est de constater qu’elles diffèrent
sensiblement. En effet, ces derniers ont d’abord rempli un dossier de candidature
en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), qui consiste essentiellement
en une compilation de bulletins scolaires aux notes prestigieuses. Ils ont ensuite
intégré des «classes prépas» dans lesquelles ils se sont entraînés à passer des
épreuves écrites et orales pour lesquelles les attentes sont davantage orientées
vers l’excellence scolaire que vers la capacité à démontrer son aptitude à tenir
un poste de travail. En outre, il convient de rappeler que les préparationnaires
sont très peu nombreux à faire l’expérience d’un «petit boulot», dans la mesure
où le nombre d’heures d’enseignement qu’ils reçoivent ainsi que le «travail à
la maison» sont peu compatibles avec l’exercice d’un emploi salarié (Pinto,
2014). Dans les filières classiques (littéraires et scientifiques), les élèves ont eu
à affronter de nombreuses épreuves (examens écrits, khôlles, concours…) au
sein de l’«institution préparatoire» (Darmon, 2013). Dans son ouvrage, Muriel
Darmon (idem) souligne le fait que les CPGE forment ceux qui les fréquentent
à devenir des dominants et à s’adapter aux nouvelles exigences du monde du
travail contemporain en les transformant en «maîtres du temps» qui savent
gérer les urgences grâce à la multiplication des exercices auxquels ils sont
soumis. Les épreuves sont construites par l’institution. Elles sont cadrées par le
milieu scolaire et vécues comme telles par ceux qui la fréquentent.
A contrario, les épreuves traversées par nos enquêtés sont moins institu-
tionnalisées et de fait moins orientées vers les exigences scolaires. Elles sont en
revanche pensées et vécues par nos enquêtés comme des manières de devenir
de jeunes professionnels qui excellent davantage dans les entretiens de sélection
que dans la maîtrise de la scolastique. Ainsi leur employabilité repose sur leur
capacité à triompher d’épreuves et à en apprendre ce qui les rend socialisatrices.
Le CV comme support matériel pour «se raconter»
Cette expertise dans la mise en forme du parcours se matérialise dans la
construction du CV. Ainsi l’accumulation d’expériences professionnelles et
scolaires répond à un objectif d’acquisition de savoirs et doit permettre d’être un
bon professionnel. Mais le discours et la visibilité des compétences qui l’accom-
pagnent sont mis en avant comme autant de signaux pour les recruteurs sur le
CV. Il ne s’agit pas ici de deux perspectives différentes, mais bien de l’intrication
de deux enjeux qui sont vus comme indissociables.
La majorité des discours articule d’abord les choix de parcours avec l’idée
d’avoir un «bon» CV. Il ne s’agit pas seulement de construire des compétences
mais aussi de savoir les mettre en valeur vis-à-vis d’un recruteur potentiel. Un
bon CV doit ainsi mettre en avant un diplôme renommé, les étudiants étant
particulièrement sensibles à sa réputation. Les enquêtés identifient également le
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passage par de grandes entreprises du secteur ou l’affichage de certains titres de
fonction (de manière parfois déconnectée de la réalité de leur mission), comme
d’autres signaux à mettre en valeur.
L’employabilité est donc associée à une maîtrise des étapes de son parcours,
ou en tout cas à la capacité à mettre en scène cette maîtrise. Mais il s’agit de
valoriser en priorité un temps opératoire (Boutinet, 2005), c’est-à-dire efficace,
orienté vers un objectif. Pour être efficace, le contrôle du temps doit aussi se
concentrer sur l’avenir: «La meilleure façon de s’adapter à ce temps prospectif
est d’anticiper, de prévoir l’état futur» (Boutinet, 2005, p.6).
Un projet mouvant
La maîtrise du temps, plus trivialement «avoir un projet», n’est pas une
évidence tout au long de leur parcours. Près de la moitié des étudiants rencon-
trés redoublent ou se réorientent (en «perdant» une année) au cours de leurs
années universitaires et se voient imposer un certain nombre de choix «par
défaut».
Dans leur compréhension de l’employabilité, le retour aux études ou un
départ à l’étranger en cours de carrière n’est pas considéré comme «cohérent»,
rendant le parcours moins linéaire pour un recruteur, moins logique.
«Concrètement, si je souhaite faire ça, c’est que je ne pourrai pas le faire
après, enfin… peut-être inconsciemment je ne me sens pas salarié, je ne sais
pas. Juste je pense que l’opportunité est là aujourd’hui, mais elle ne le sera
plus forcément après. Une fois qu’on signe un CDI, on est dans la banque,
on va souscrire un prêt à des conditions préférentielles pour son logement,
il y a un cadre qui fait qu’on va être bloqué.
– Une fois qu’on a signé un CDI on ne peut plus trop bouger
– On peut, mais il faut déjà montrer à l’employeur que… faire ses preuves,
se faire un nom, et puis si, on peut bouger, on peut trouver ailleurs, mais
personnellement, je ne pense pas que si je fais le métier de conseiller en
patrimoine pendant 4 ans, dans 4 ans je vais dire “je pars à l’étranger puisque
je veux améliorer quoi que ce soit”, je ne trouve pas ça cohérent. Je pense
que quand je rentrerai dans le monde du travail, j’y serai. Et aujourd’hui,
même si je me sens plus salarié qu’étudiant, je suis quand même encore sur
ce double statut et qui m’offre cette liberté de l’année prochaine»
(Nathan,GPAT).
La crise est notamment un révélateur, en particulier par les étudiants en
gestion de portefeuille dont l’emploi est le plus touché, de cette réévaluation
du projet. Comme le montre Benjamin, étudiant sur le point d’être diplômé,
l’alternance ne constitue plus forcément une forme de pré-embauche, donc une
garantie d’emploi:
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«Et le poste actuel ?
– Je suis analyste mesure de performances. Ça veut dire ce que ça veut dire,
je passe ma journée à analyser des performances, tout ce qui est production
de reporting, de dossiers, pour les gérants mais aussi pour les clients finaux.
On n’a pas de clients particuliers, ce sont des clients institutionnels. Ça reste
assez poussé en termes de technicité. Et ça se passe super bien. C’est intéres-
sant. C’est juste dommage que je ne puisse pas y rester… Pourquoi ? Étant
donné le contexte, B**** a engagé, ils ne le disent pas clairement, mais c’est
un plan social, et en fait, la règle c’est que l’année où il y a un plan social, il
n’y a pas de recrutement, et comme c’est le cas pour un peu toutes les banques
françaises, ça va être difficile au niveau des perspectives de recrutement…
– Donc a priori pas d’ouverture de poste ?
Non, il faudrait vraiment une dérogation spéciale. Ou alors… dans l’équipe,
on a une personne qui est en arrêt maladie de longue durée, et si cette
personne venait à démissionner de son poste, il y aurait une opportunité peut
être… mais je ne suis pas vraiment optimiste» (Benjamin, GPORT).
Retarder son entrée sur le marché du travail peut alors permettre d’éviter
l’incertitude du chômage et de la crise. Mais cela permet également de réévaluer
son projet en développant des stratégies concurrentielles (visant à se distinguer
des autres du fait de la massification croissante des études), par un séjour à
l’étranger lorsque les étudiants prennent connaissance des systèmes de VIE, ou
en diversifiant (par les masters ou les nouvelles alternances) ses compétences.
Ce dernier choix de la poly ou double compétence (études de droit et gestion
de portefeuille) (pour être davantage pointu en gestion de patrimoine sur les
produits financiers) ; expertise comptable et gestion de patrimoine (pour se
positionner sur un nouveau marché ouvert par l’homogénéisation des normes
au niveau européen) permet aux étudiants de rebondir au fur et à mesure qu’ils
identifient l’évolution du marché de l’emploi.
CONCLUSION
L’employabilité se révèle un concept aux multiples facettes. Elle renvoie à la
capacité des étudiants à rendre visible leur capacité à être de bons professionnels,
dans une tension entre savoir «se raconter», sans «se la raconter».
Travailler activement son employabilité signifie dans ce cadre à la fois
acquérir des savoirs, socle des compétences attendues de futurs professionnels
(l’employabilité est ici associée soit à la qualification – au diplôme –, soit aux
compétences professionnelles), mais aussi à construire un projet au gré de la
confrontation au marché de l’emploi. Cependant un parcours par alternance
constitue plus qu’un moyen de faire reconnaître son employabilité en cumulant
études, expérience professionnelle et salaire. Étudier les parcours étudiants
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amène à penser que la construction d’un projet est une reconstruction. Les
«épreuves» du parcours d’alternant sont aussi un apprentissage parfois distancié
de la manière de «se raconter», de mettre en scène et en cohérence un parcours
où les projets sont mouvants, voire de reconstruire a posteriori un projet alors
que le parcours a été guidé avant tout par une logique d’expérimentation.
Alors que le rapprochement entre sphère de la formation et de la production
est pensé par les décideurs comme de nature à permettre de favoriser l’insertion
professionnelle des jeunes diplômés, on observe que les apprentis sont justement
ceux, qui en vertu d’une expérience passée, paraissent les plus «employables».
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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professionnelle et “qualification sociale”», Sociologie du travail, no4, p.491-506.
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BUREAU M.-C. et MARCHAL E., 2005, Au risque de l’évaluation: la mise en jeu de la valeur
du travail et des personnes, Lille, Presses universitaires du Septentrion.
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EYMARD-DUVERNAY F., 2012, Épreuves d’évaluation et chômage, Toulouse, Octarès.
MENGER P.-M., 2003, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme,
Paris, LeSeuil.
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... (Weber, 2008(Weber, [1904(Weber, -1905 ; Zarca, 2009). Dans d'autres textes, les auteurs (Angeletti, 2012 ;Bonnet, Filion, 2014 ;Crasset, 2013 ;Fischer, Spire, 2009 ;Lapeyre, Robelet, 2007 ;Mouhanna, 2016 ;Papinot, 2013 ;Vezinat, 2017 ;Willemez, 2017) citent le concept à quelques reprises mais sans le définir au moyen de références. Nous avons également répertorié quelques textes dont les auteurs (Boussard, Dujarier, 2014 ;Coulangeon et al., 2012) n'utilisent pas ce concept qui s'y prête néanmoins assez bien. ...
Thesis
Depuis une trentaine d’années, les travaux français qui portent sur les grandes surfaces alimentaires en sociologie du travail ont privilégié l’étude des caissières sans se soucier outre mesure des salariés des rayons. Cette thèse vise à rétablir ce déséquilibre en se focalisant sur les managers de rayon, premier niveau d’encadrement des magasins.Afin d’étudier ce groupe, nous commençons par mobiliser la sociologie du travail pour conduire une analyse microsociologique de leur travail quotidien. Les managers ont pour principales missions de faire progresser le chiffre d’affaires et la marge des rayons sous leur responsabilité ainsi que de motiver leurs équipes d’employés. Ils sont donc en interaction constante avec les employés chargés de la mise en rayon des produits, d’une partie des commandes et de la gestion des stocks, mais aussi avec d’autres interlocuteurs comme les fournisseurs ou encore les clients. Ce sont les membres de la direction du magasin (manager secteur, directeur) qui leur donnent des directives, contrôlent leurs résultats et évaluent leur comportement.Afin de prendre de la hauteur vis-à-vis des interactions quotidiennes, nous mobilisons également la sociologie des professions pour conduire une analyse davantage mésosociologique et macrosociologique. Nous étudions de cette façon les transformations de l’organisation du travail dans les magasins et celles du groupe des managers de rayon, toutes deux étroitement corrélées aux mutations structurelles de la branche de la distribution qui s’adapte en permanence aux aléas de la conjoncture économique et au goût versatile des consommateurs. Nous nous focalisons par conséquent sur les changements du travail, de l’emploi et de l’organisation des supermarchés et des hypermarchés qui touchent les managers depuis les années 2000 et s’accélèrent au cours des années 2010.Contrairement aux monographies réalisées sur les caissières, cette approche permet au moins deux choses. Premièrement, nous pouvons replacer dans leur contexte les nombreuses transformations du travail, de l’organisation et de l’emploi qu’ont vécues les salariés des rayons depuis le tournant des années 2010. Quand cela s’avère nécessaire, nous détaillons l’impact différencié de ces mutations sur les managers en fonction de leur appartenance à un ou plusieurs segments professionnels : enseigne intégrée vs indépendante, rayons alimentaires vs non alimentaires, zone urbaine vs rurale, supermarchés vs hypermarchés, faible présence syndicale vs délégués syndicaux revendicatifs.Notre approche nous permet par ailleurs de développer une réflexion dans le champ de la sociologie des professions : entre une approche fonctionnaliste qui se focalise sur l’unité d’une profession et une approche interactionniste qui insiste sur la diversité des pratiques au sein d’un même groupe professionnel, nous mobilisons le concept d’ethos professionnel pour penser à la fois l’unité et la diversité du groupe des managers de rayon. Nous proposons pour ce faire une définition personnelle de l’ethos en trois dimensions : une dimension pratique (activité, tâches, travail concret), une dimension symbolique (discours, normes, valeurs, représentations) et une dimension sociale (sexe, classe, race, diplôme, âge). Cet ethos ainsi défini articule les caractéristiques objectives d’un groupe professionnel avec ses valeurs et représentations et avec son travail concret.La thèse se divise en deux grandes parties. La première décrit la dimension pratique de l’ethos professionnel des managers de rayon. La seconde ajoute les dimensions symbolique et sociale de cet ethos bousculé par les récentes réorganisations des magasins. La thèse se conclut par une définition précise du concept d’ethos professionnel qui ouvre des perspectives de recherche concernant d’autres groupes professionnels.
Article
Comment faire pour sortir du chômage et trouver un emploi ? L'auteur, à partir d'une enquête par entretiens auprès d'un petit échantillon de chômeurs, analyse et classe les stratégies de recherche d'emploi. Celles-ci ont un lien évident avec la reprise d'un emploi, sa qualité et la durée d'attente au chômage observées trois ans plus tard. La mise en œuvre de l'une ou l'autre de ces stratégies, apparemment, ne dépend que faiblement de la qualification professionnelle ou du niveau de formation. La grande différence entre des stratégies autonomes et/ou mobilisées et les autres, tient, semble-t-il, à une différence dans les caractéristiques qui fondent, en partie au moins, la «qualification sociale » tant recherchée par les employeurs.
Au risque de l'évaluation : la mise en jeu de la valeur du travail et des personnes
  • Marchal E Bureau M.-C. Et
BUREAU M.-C. et MARCHAL E., 2005, Au risque de l'évaluation : la mise en jeu de la valeur du travail et des personnes, Lille, Presses universitaires du Septentrion.
  • Cousin O
COUSIN O., 2002, « Les ambivalences du travail. Les salariés peu qualifiés dans les centres d'appels », Sociologie du travail, n o 40, p. 499-520.
Épreuves d'évaluation et chômage
  • Eymard-Duvernay F
EYMARD-DUVERNAY F., 2012, Épreuves d'évaluation et chômage, Toulouse, Octarès.