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Auteurs de l’article :
•
Raphael Colombo avec la collaboration de Yoan Braud
Asellia, 60 chemin de la Nuirie, 04200 Sisteron.
rcolombo@asellia-ecologie.fr
Résumé :
L’Apollon et le Semi-apollon sont 2 papillons protégés emblématiques des milieux d’altitude.
Dans le cadre de l’élaboration des trames vertes et bleues du Parc Naturel Régional du Verdon,
328 observations bibliographiques ont pu être compilées sur ces espèces entre 1924 et 2015
et 132 observations ont pu être réalisée sur le terrain lors des 47 jours de prospection réalisés
entre 2016 et 2017 par Asellia et Entomia.
La compilation de ces observations apporte des connaissances locales sur l’écologie, la
phénologie et la répartition de ces espèces à l’échelle du territoire. Par ailleurs, la comparaison
de ces données récentes avec l’ensemble des observations bibliographiques réalisées sur
le territoire depuis un siècle montrent des changements assez marqués dans la phénologie
de vol ou la répartition altitudinale de ces espèces menacées. Nous tentons de corréler ces
modifications avec les effets du changement climatique et discutons du rôle potentiellement
important des stations de basse altitude et de leur rôle fonctionnel majeur pour connecter les
populations de massifs proches.
Photo : Semi-apollon (
Parnassius mnemosyne
) - auteur : Raphael Colombo
Inventaire et analyse spatio-temporelle des
populations d’Apollon (Parnassius apollo)
et du Semi-apollon (Parnassius mnemosyne)
au sein du Parc naturel régional du Verdon.
Mise en évidence de changements rapides
dans l’écologie et la phénologie de ces espèces
MOTS CLÉS : PARNASSIUS MNEMOSYNE, PARNASSIUS APPOLO, RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, HABITAT,
PHÉNOLOGIE, ALTITUDE, TRAME VERTE ET BLEUE
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Apollon (
Parnassius apollo
) - auteur : Raphael Colombo
INTRODUCTION :
Dans le cadre de l’élaboration des trames verte et bleue sur son
territoire, le Parc naturel régional du Verdon a défini et cartographié
les continuités/discontinuités écologiques du territoire, à partir
d’une modélisation des connexités développée par l’Institut
méditerranéen d’Ecologie et de biodiversité marine et continentale
(IMBE) de l’université Aix-Marseille, sur la base d’espèces retenues
comme bio-indicatrices des enjeux de biodiversité sur le territoire
et sensibles à la fragmentation de leurs habitats. A partir de
données d’occupation du sol à une échelle très fine, des cartes de
favorabilité (se rapprochant de cartes d’habitats potentiels) sont
établies pour chacune des espèces considérées. Représentées
sous forme de surfaces, elles sont ensuite transformées en semis
de points, représentation mieux adaptée en écologie appliquée. En
effet, des surfaces délimitées peuvent sembler théoriques et trop
cloisonnantes lorsqu’il s’agit d’étudier des déplacements d’espèces.
Ces cartes de favorabilité ne sont cependant pas encore des cartes
de continuités écologiques potentielles, la capacité de dispersion
des espèces considérées et le morcellement de leurs habitats
n’étant pas encore pris en compte à ce stade. Pour chaque point
d’occupation du sol, un indice de connexité est alors calculé prenant
en compte ces deux caractéristiques écologiques essentielles des
espèces.
La méthode des connexités permet ainsi d’établir des cartes de
continuités écologiques potentielles.
Parmi les différents cortèges d’espèces ciblées par le Parc pour
identifier les continuités écologiques potentielles et leurs enjeux
de préservation et de restauration, deux espèces de lépidoptères
diurnes en déclin, protégées au niveau national et inféodées à
des milieux ouverts et semi-ouverts montagnards :
Parnassius
mnemosyne
et
Parnassius apollo
(photos 1 & 2) ont été choisies
comme espèces modèles pour l’étude de la sous-trame des milieux
ouverts et semi-ouverts d’altitude.
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
88 Afin d’analyser ces dernières avec plus de recul, Asellia Ecologie
et Entomia ont été missionnés en 2016 et 2017 par le Parc du
Verdon pour la réalisation d’une importante compilation de
données historiques ciblée sur P. mnemosyne et P. apollo et pour la
réalisation d’inventaires complémentaires quand à la répartition de
ces espèces à l’échelle du Parc.
MÉTHODOLOGIE :
Compilation de données :
Une importante compilation d’observations issue de la consultation
de différents naturalistes et structures centralisatrices de données
(PNRV, Silène faune, Faune-PACA, « Observado » a été réalisée.
Ces observations ont été vérifiées, géolocalisées, les altitudes non
mentionnées ajoutées et les observations aberrantes supprimées.
Au total, cette compilation a permis de recueillir 328 observations
au sein du Parc du Verdon entre 1924 et 2015: 76 concernent P.
mnemosyne et 252 P. apollo.
Inventaire complémentaire :
Des prospections de terrain ont également été effectuées en 2016
et 2017. 19 jours de prospections ont ciblé P. apollo et 28 jours P.
mnemosyne. Les prospections ont eu lieu entre les semaines 20
et 27 pour P. mnemosyne et 24 et 31 pour P. apollo. Deux types
de zones ont été ciblés lors de ces prospections. Les secteurs «
bibliographiques », correspondant aux zones dont l’objectif était
d’actualiser des données jugées trop anciennes (observations
antérieures aux années 2000). Les secteurs de “connexion”,
correspondant aux zones éloignées de plus de 2 kilomètres de
populations déjà identifiées. Les prospections dans ces secteurs
avaient pour objectif à la fois de découvrir de nouvelles populations
mais également de « connecter » les différentes populations entre
elles.
Du fait de la superficie de la zone d’étude (188 000 ha) nous
avons décidé de privilégier le nombre de stations à la description
des stations. Ainsi lors des prospections, lorsqu’un individu de
l’espèce ciblée au sein d’une zone de prospection était observé,
nous changions rapidement de zones sans chercher à préciser ou
qualifier la population identifiée.
Cette étude à fait l’objet d’un rapport de stage en juillet 2017
puis d’un rapport d’étude en novembre 2017 : Colombo R,
Braud Y. et Fernandez R. 2017.
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Traitements des données :
L’ensemble des traitements statistiques et cartographiques réalisés dans le cadre de cette
étude sont basés sur les données produites durant les 2 ans d’études cumulées aux données
bibliographiques récoltées. L’objectif étant de présenter des résultats les plus proches
possibles de la réalité du territoire, seules les observations réalisées à l’intérieur du périmètre
du Parc (avec une tolérance de 2 km) ont été utilisées pour les analyses.
Pour la modélisation des habitats par espèce, nous nous sommes basés sur l’occupation du sol
à grande échelle du Parc, élaborée à partir des campagnes photographiques les plus récentes
au moment de sa réalisation, soit 2015 pour les Alpes de Haute-Provence et 2014 pour le
département du Var.
Pour l’analyse des habitats de chaque espèce, un cercle de rayon 500 m a été créé autour du
point GPS de l’ensemble des observations présentes dans la base de données. Sur chacun de ces
cercles, une extraction des habitats (occupation du sol à grande échelle du Parc) et des surfaces
correspondantes a été réalisée à l’aide du logiciel QGIS. L’analyse de ces surfaces et la corrélation
avec leur représentativité à l’échelle du territoire d’étude, nous a permis d’estimer les habitats
sélectionnés positivement par P. mnemosyne et P. apollon au sein du Parc par la formule suivante :
pourcentage de représentativité de l’habitat n dans un rayon de 500 m autour des données de
Parnassius sp. / pourcentage de représentativité de l’habitat n à l’échelle du Parc * 100.
Figure 1
RÉSULTATS :
Compilation de données et prospections de terrain :
Au total, 328 observations bibliographiques ont pu être compilées
sur ces espèces entre 1924 et 2015, et 132 localités de terrain ont
pu être identifiées entre 2016 et 2017 par Asellia et Entomia.
Si la majorité des observations historiques concernent P. apollo (252
localités contre 76 pour P. mnemosyne), les observations réalisées
par Asellia et Entomia sont largement en faveur de P. mnemosyne
(82 observations pour P. mnemosyne et 50 pour P. apollo). Ce
résultat est logique, au vu de l’effort de prospection prioritairement
ciblé sur P. mnemosyne.
Les prospections de terrain réalisées ont permis d’augmenter le
nombre de localités pour P. apollo de 30% et pour P.mnemosyne de
110%, ce qui est remarquable (Fig.1).
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90 Répartition :
Au sein du Parc Naturel Régional du Verdon, P. mnemosyne et P.
apollo sont largement répartis mais uniquement dans la moitié est
du Parc : la plus montagneuse. A l’ouest du territoire, on les trouve
ainsi du Grand Margès (Aiguines) au Montdenier (Saint-Jurs) ; à
l’extrémité est, du Lachens (la Bastide) au Pic de Rent (Allons). Ces
deux espèces semblent ainsi localisées aux abords des massifs
dépassant les 1300 m d’altitude.
Habitat :
Si la répartition générale de ces deux espèces parait relativement
similaire, on observe toutefois localement des différences
importantes quant à leur localité et habitats d’observation.
P. mnemosyne a ainsi été essentiellement trouvé en ubac de crêtes
au niveau des clairières ou zones d’ourlet proches de boisements.
De très nombreuses observations ont pu être réalisées au niveau
des lisières ensoleillées de secteurs frais et humides, dominés
par des forêts de feuillus ou forêts mixtes. Plusieurs observations
plus en altitude ont également été réalisées au niveau de pelouses
alpines rases, ou de pentes rocheuses à buis, pierriers et secteurs
thermophiles à résineux voir directement butinant au sommet des
crêtes.
P. apollo a quant à lui été essentiellement observé en sommet de
crête ou adret, en contexte dénudé, à proximité de secteurs fleuris.
De très nombreuses observations ont ainsi pu être réalisées sans
qu’aucun site de reproduction favorable (présence d’Orpin ou
Joubarbe) ne soit visible à proximité direct de l’observation réalisée.
Habitat typique à Semi-apollon - auteur : Raphael Colombo
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Adret pierreux en crête favorable à l’Apollon - auteur : Raphael Colombo
Figure 2
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92 Phénologie :
Au sein du PNRV, P. mnemosyne est majoritairement observable de
la 20e semaine à la 28e, c’est-à-dire de mi-mai à fin juin. P. apollo
semble lui plutôt observable entre la 24e et la 31e semaine de l’année
c’est-à-dire de mi-juin à mi-juillet (Fig. 3).
Répartition altitudinale :
L’altitude moyenne des données de P. apollo sur le territoire du
Parc est de 1274 m avec un minimum à 507 m dans le ravin de
Chanteloube (Montagnac) en 2009 et un maximum à 1996 m au
sommet du Puy de Rent en 2015. On peut noter que l’on n’observe
pas de différence significative si l’on scinde les observations
d’individus isolés (plus probablement des individus erratiques ou
loin de leur zones de reproduction) des observations d’individus
groupés (2 ou supérieur). Les moyennes altitudinales (1303 m) et
valeurs extrêmes (507 m – 1905 m) sont relativement similaires. Sur
l’ensemble de la période considérée, 90 % des observations de P.
apollo sont situées au-dessus de 930 m. Cette valeur est à peu près
la même si l’on considère uniquement les observations postérieures
à 2000 : (932 m).
L’altitude moyenne des données de P. mnemosyne sur le territoire
du Parc est de 1463 m avec un minimum à 929 m au niveau de la
Petite Forêt à Aiguines en 2016 et maximum à 1895 m au sommet
des Quatre-Thermes sur la commune de La Garde en 2003. De
la même manière, on n’observe pas de différence significative
en scindant les observations d’individus isolés des observations
d’individus groupés. Les moyennes altitudinales (1470) et valeurs
extrêmes (950 m – 1895 m) sont relativement similaires. Sur
l’ensemble de la période considérée, 90 % des observations de
P. mnemosyne sont situées au-dessus de 1241 m. Cette valeur est
à peu près la même si l’on considère uniquement les observations
postérieures à 2000 : (1250 m) –Fig. 4.
Figure 3
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Figure 4
Analyse de la sélection des habitats par P. mnemosyne et P. apollo
Les analyses spatiales montrent que les principaux habitats
positivement sélectionnés par P. mnemosyne au sein du PNRV
sont les : « Pelouses et pâturages naturels » (22 %), « Garrigues
basses » (18%), « Forêts de conifères fermées denses » (18%), et «
Végétation clairsemée » (14%).
Pour Parnassius apollo, les analyses spatiales (Fig. 2) montrent que
les principaux habitats positivement sélectionnés par l’espèce au
sein du Parc sont les : « Roches nues» (17%), « Végétation clairsemée
» (13 %), « Forêts de conifères fermées claires » (11 %) et « Garrigues
basses » (10%).
Si les habitats de milieux ouverts ou semi-ouverts ressortent
logiquement comme preferendum pour les deux espèces de
Parnassius, on peut toutefois s’étonner de la place importante des
forêts de conifères fermées denses.
Dans les faits, il semble que le Mode d’occupation du sol sur lequel
ont été basées les analyses n’est pas le plus adapté pour décrire les
différents types de couverture forestière. Par photo-interprétation,
une forêt est considérée comme dense quand le couvert arboré
est supérieur à 75 % de la surface au sol. En pratique, à maintes
reprises, les prospections de terrain ont montré que certaines
forêts dites “ fermées “ n’étaient pas aussi denses qu’il y paraissait.
Ainsi, des clairières connectées entre elles peuvent jouer le rôle de
corridor de déplacement intra-forestier. Les observations de terrain
ont également montré que les grandes pistes forestières enherbées
pouvaient être des voies de circulation pour l’Apollon.
Enfin, le Semi-Apollon se rencontre souvent dans les pelouses
d’altitude en lisière supérieure des forêts, ce qui peut contribuer
aussi à donner “ plus de poids” aux forêts.
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Figure 5
ANALYSE TEMPORELLE :
Évolution de la répartition géographique
À l’échelle de nos zones de prospections (massif, crête...) l’ensemble
des secteurs “historiques” où l‘espèce n’avait plus été vue depuis
1999 ont pu être confirmés lors de cette étude. Ainsi, sur l’ensemble
du Parc, aucun grand secteur n’est composé uniquement de
données qualifiées d’anciennes (<1999). Ceci nous laisse penser
que les populations de P. mnemosyne ou P. apollo sont toujours
présentes dans leur aire historique et qu’aucune régression à large
échelle n’a eu lieu.
Toutefois, de nombreuses stations n’ont pu être retrouvées
malgré des prospections ciblées. Par exemple au col de St Jurs de
nombreuses observations historiques de P. mnemosyne et P. apollo
mentionnent l’espèce dès 1250 m. En 2016-2017 les seules stations
retrouvées pour ces espèces étaient autour de 1350 m.
Evolution de la phénologie
Sur le siècle étudié, on constate également que les observations de
Parnassius se font en moyenne plus tôt dans la saison (Fig. 5).
Ainsi, avant les années 80, le jour d’observation moyen dans l’année
pour P. apollo était le 190e de l’année (~ 9 juillet). Sur la période
d’étude (2016-2017) celui-ci est le 176e (~ 25 juin) soit environ 2
semaines de décalage phénologique moyen en quelques décennies.
Concernant P. mnemosyne, avant les années 80, le jour d’observation
moyen était le 174e de l’année (~ 23 juin). Sur la période d’étude
(2016-2017) celui-ci est le 153e (~ 2 juin) soit environ 20 jours de
décalage phénologique moyen en quelques décennies.
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Figure 6
Evolution altitudinale
Sur le siècle en cours (1920-2017), on constate également au sein
du territoire du Parc une différence importante dans les altitudes
moyennes d’observations des Parnassius (Fig. 6). Ainsi en un demi-
siècle, les observations de P. apollo se font en moyenne 400 m
plus haut, passant de 1050 m avant les années 1980 à 1436 m en
2016-2017. De la même manière pour P. mnemosyne, les altitudes
moyennes d’observations de l’espèce semblent avoir augmenté,
passant de 1330 m avant les années 1980 à près de 1500 m
aujourd’hui.
En comparant pour chaque période donnée, la proportion
d’observations par classe d’altitude, on s’aperçoit pour les deux
espèces (Fig. 7a & 7b) que la proportion d’observations à des
altitudes hautes (1400-2000 m) augmente considérablement au
détriment des observations de basse altitude (750-1200 m). Ainsi,
aujourd’hui plus de 70 % des observations de P. mnemosyne se
font au-dessus de 1400 m d’altitude. Avant 1980, elle n’était que
30 %. De la même manière pour P. apollo, 40 % des observations
de l’espèce étaient réalisées sous les 1000 m avant 1980. Il n’y en a
eu aucune lors de notre étude.
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Figure 7a
Figure 7b
PREMIERS EFFETS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ?
Le décalage phénologique dans les observations de
Parnassius
qui se font toujours plus tôt en
saison, et la remontée altitudinale des observations nous semblent relativement marquées et
nous paraissent logiquement associés à des modifications dans la période de vol et la niche
écologique de ces deux espèces.
Ces décalages phénologiques et altitudinaux sur un pas de temps relativement rapide (moins
d’un siècle), pourraient être un effet du réchauffement climatique qui semble pousser les
Parnassius à émerger plus tôt en saison et se reproduire toujours plus haut en altitude, pour
conserver leur niche écologique.
Ce constat, fait à l’échelle du PNRV, est relativement cohérent avec les différentes études
menées de par le monde sur les
Parnassius
. Ainsi, ASHTON ET AL (2009) en Espagne ont
montré que la sélection des micro-habitats larvaires était significativement liée à la température
ambiante. YU ET AL. (2012) en Chine a pu corréler significativement depuis 30 ans, l’élévation
de 0,2°C par décennie de la température hivernale depuis 1981 avec une augmentation de 8%
par décennie du nombre d’individu de P. apollo observé à haute altitude (2100-2700) et une
diminution de 4 % à 10 % des individus observés à basse altitude (1100-1600).
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
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Figure 8 : Répartition des stations à Parnassius apollo recensées sur le territoire du Parc
QUEL LIEN AVEC LA TRAME VERTE ET BLEUE ?
Parnassius apollo
et
Parnassius mnemosyne
sont deux espèces
fonctionnant sur des systèmes de métapopulations (DESCIMON,
2006) plus ou moins interconnectées entre elles. Si les chenilles
ne se déplacent quasiment pas, les adultes ont eux des capacités
de dispersion relativement importantes (de l’ordre de 3 à 5 km).
Toutefois, dans les faits, les différentes études réalisées, montrent
des comportements d’individus relativement sédentaires, et restant
autour des milieux les plus favorables pour le développement larvaire.
Ainsi les déplacements moyens d’individus semblent quasiment
exclusivement inférieurs à 500 m avec de rares exceptions à 2 ou
3 km (VÄLIMÄKI & ITÄMIES, 2003) (KONVICKA & KURAS (1999)
(BROMMER & FRED, 1999) et (FRED & BROMMER, 2009).
Cette faible distance de dispersion suggère que la probabilité
d’échanges d’individus entre populations existantes diminue
rapidement quand la distance augmente. Pour VÄLIMÄKI & ITÄMIES,
(2003) au-delà de 3 kilomètres, cette probabilité est très faible.
KONVICKA & KURAS (1999) estiment qu’une population séparée
des autres par 15 kilomètres de surface non favorable peut être
considérée comme totalement isolée. À cette distance, MEGLECZ
ET AL. (1999) ont également montré que deux populations avaient
une diversité génétique très différente, indiquant une dérive
génétique importante liée à l’isolement.
Au sein du territoire du Parc du Verdon, l’ensemble des stations
identifiées pour P. apollo semblent relativement connectées entre
elles. En effet, aucune observation n’est éloignée de plus de 3
km d’une autre observation (hormis au niveau de la Montagne de
Robion : à 4 km des stations les plus proches. De la même manière,
aucune population (regroupement de stations de moins de 3 km) ne
semble complètement isolée (Fig. 8).
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
98 Pour P. mnemosyne le constat semble différent (Fig. 9). Ainsi, de
nombreuses stations sont éloignées de plus de 3 km d’autres stations
connues (Montagne de l’allier, Montdenier, Chiran, Destourbes,
Robion, Pensier…), ce qui pose la question de l’isolement possible
de ces petites populations.
Sur le territoire du Parc naturel régional du Verdon, les populations
les plus abondantes et les plus importantes pour ces deux espèces
sont généralement situées sur les crêtes les plus hautes (>1600 m)
et les plus grandes (MontDenier, Pré Chauvin, Destourbes, Taillon,
Chamatte, Courchons…). Toutefois, les nombreux petits monts ou
crêtes d’altitude plus faibles (1100-1300) ou modérées (1300-1500),
reliant ces grandes entités, hébergent également régulièrement de
belles populations de Parnassius et jouent vraisemblablement un rôle
fonctionnel majeur pour connecter l’ensemble des massifs du Parc
entre eux. Si ces espèces continuent leurs remontées altitudinales à
ce rythme dans les prochaines décennies, nous pouvons envisager
une disparition rapide des stations les plus basses en altitude
comme Seraje et le sommet de la Fumée (Castellane), Collet barris,
cime de Barbin, et la crête de l’Issioule (La Palud), la Colle de Blieux
(Blieux) ou “ Derrière la Roche “ (Soleilhas)…
Figure 9. Répartition des stations à Parnassius mnemosyne recensées sur le territoire du Parc
La disparition de ces stations isolerait sans doute de nombreuses
populations de façon irréversible, dégradant alors un peu plus l’état
de conservation de leurs populations.
COURRIER SCIENTIFIQUE : 20 ANSDE BIODIVERSITÉ DANS LE PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERDON N°5 AOÛT 2019
99
CONCLUSION :
A travers cette étude, nous avons pu synthétiser l’ensemble des
connaissances bibliographiques disponibles sur deux espèces rares,
menacées et emblématiques du Parc naturel régional du Verdon :
Parnassius apollo
et
Parnassius mnemosyne
. Suite à une compilation
des données historiques, et à d’importantes prospections de terrain
ciblées, nous avons également vérifié un grand nombre de secteurs
ou aucune observation n’avait pu être réalisée depuis plus de 15
ans, mais également découvert de nombreuses stations encore
inconnues, venant alimenter et améliorer la connaissance de ces
espèces sur le territoire.
Les analyses cartographiques et statistiques réalisées grâce au très
important jeu de données compilé sur ces espèces nous permettent
à la fois de mieux comprendre leur écologie sur le territoire (habitat,
altitude, phénologie) mais également de prouver des évolutions
rapides dans cette écologie : décalage phénologique, remontée
altitudinale, disparition des stations les plus basses...
Si aucune régression à large échelle n’a pu être constatée lors de
cette étude, le rôle important des stations de basse altitude dans
le maintien d’une relative connectivité entre métapopulation est
préoccupant. En effet, ces stations semblent les plus fragiles et
les plus sensibles quant aux effets du réchauffement climatique,
poussant les individus à se reproduire toujours plus haut en altitude.
La mise en place de mesures de gestion spécifiques et favorables
à ces espèces comme le maintien d’habitats en mosaïque et le
pâturage tardif (Westin et al. 2018), nous paraît donc aujourd’hui
indispensable, notamment de manière prioritaire sur ces stations
particulièrement sensibles de basse altitude.
REMERCIEMENTS :
Nous tenions ici à remercier l’ensemble des personnes nous ayant aidé dans la compilation
des données bibliographiques la réalisation des inventaires ou l’analyse des résultats et
notamment : Yoan Braud, Romain Fernandez. Richard Faye, Audrey Pichard, Airelle Colombo,
Nadège Roger, Samuel Donneaud, Alain Abba, Valentin Mege et Antoine Gueydon, Eléonore
et Joséphine Long. Merci enfin à Dominique Chavy, pour ces conseils précieux, ses relectures
avisées et son insatiable motivation tout au long de cette étude.
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