Content uploaded by Sebastien Bourdin
Author content
All content in this area was uploaded by Sebastien Bourdin on Jan 13, 2020
Content may be subject to copyright.
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188 1
Les signatures spatiales de la
criminalité dans les villes du
Sud. L’exemple de la ville de
Yaoundé
Sébastien BOURDIN
1
et
Wandji Bertrand CHANCELIER
2
Yaoundé, comme la plupart des villes du Sud, est particulièrement touchée par la
criminalité. Celle-ci est un véritable fléau pour les autorités locales qui cherchent
aujourd’hui à endiguer ce phénomène. Les études en géocriminalité montrent que
celle-ci n’est pas localisée au hasard dans l’espace urbain. Elle répond à des
logiques territoriales et se concentre bien souvent dans les quartiers les plus en
difficulté. À partir de données sociodémographiques et urbanistiques d’une part,
et de données sur la criminalité d’autre part, nous tentons de dresser une
géographie de la criminalité dans la capitale camerounaise. Nos résultats
montrent que les signatures spatiales des faits criminels nécessitent une réponse
territorialisée de la part des forces de police et des pouvoirs publics.
Mots-clés :
criminalité, Yaoundé, développement, analyse spatiale
Classification JEL :
C31, C33, O40, R11
1
École de Management de Normandie, Laboratoire Métis, Département d’Economie,
Territoires et Développement Durable. sbourdin@em-normandie.fr
2
Université de Yaoundé I, Laboratoire de Géographie humaine. wandjichancelier@yahoo.fr
2 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Spatial signatures of crime in southern cities:
The example of the city of Yaoundé
Yaoundé, like most cities in the South, is particularly affected by crime. This is a
real scourge for local authorities who are now trying to curb this phenomenon.
Studies in geocriminality show that it is not randomly located in urban areas. It
responds to territorial logic and is often concentrated in the most deprived
neighbourhoods. Based on sociodemographic and urban planning data on the
one hand, and crime data on the other, we have tried to establish a geography of
crime in the Cameroonian capital. Our results show that spatial signatures of
criminal acts require a territorialized response from police forces and public
authorities.
Keywords:
crime, Yaoundé, development, spatial analysis
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 3
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
ille cosmopolite de deux millions d’habitants, Yaoundé s’étale sur près de
304 km2 dont une superficie urbanisée de 183 km2. L’urbanisation de la
capitale camerounaise est anarchique et ne respecte pas, ou peu, les règles
d’urbanisme. Il en résulte un tissu urbain à la densité hétérogène et au cadre de
vie varié et, une ville traversée par de profondes inégalités. Comme dans de
nombreuses agglomérations du Sud, cette ville est confrontée à une criminalité
3
relativement élevée (Véron, 2008). Cette dernière doit appeler des réactions et
des adaptations multiformes face à ce fléau, en particulier dans les marges sociales
et territoriales (Rivelois, 2008) de Yaoundé.
Ainsi, il est devenu nécessaire d'obtenir des preuves empiriques de la géographie
de la criminalité dans les zones urbaines et sur la façon dont cela se rapporte aux
caractéristiques intra-urbaines (Bottoms et Wiles, 2002). Ceci est particulièrement
important pour les villes du Sud en raison de l'effet inconnu des récentes
transformations qu’elles subissent (Sierra et Tadié, 2008). La littérature actuelle –
et peu abondante – sur les phénomènes de « guerres contre le crime » (Deluchey,
2003) dans les villes des pays en développement suggère qu’il existe des similarités
comparées aux villes d’Europe et d’Amérique du Nord. Cependant, les approches
utilisées laissent peu de place à la question de la géographie de ce phénomène,
pourtant déterminante dans la compréhension du fait criminel et de son
endiguement. En criminologie environnementale, les chercheurs insistent sur
l'importance de l'environnement physique et social pour comprendre les
tendances spatiales de la criminalité (ie. : Andresen, 2014 ; Felson, 2006 ;
Brantingham et Brantingham, 1981). Dans ce cadre théorique, l'interaction
spatiale entre les lieux géographiques est considérée comme jouant un rôle
important dans la localisation des crimes.
Même si la théorie de la désorganisation sociale a été élaborée pour expliquer la
criminalité dans un contexte nord-américain, il existe des études dans d'autres
contextes géographiques qui suivent cette approche et qui montrent que
l'exclusion sociale, la précarité socio-économique et l’environnement physique
urbain sont des facteurs explicatifs de la criminalité. Ces travaux plus récents ont
été menés dans le contexte latino-américain (De Melo et al., 2017 ; Silva, 2014 ;
Villarreal et Silva, 2006) et se concentrent généralement sur des données récentes
en raison de problèmes de tenue de registres dans les pays en développement.
Or, on ne recense pas à ce jour d’études mobilisant la criminologie des lieux pour
le cas africain, alors même que la criminalité constitue un problème grave et
difficilement maîtrisé (Cusson et al., 2017). Dans ce cadre, l'objectif de cet article
est de contribuer à cette base de connaissances – très lacunaire dans les études
sur les villes et pays en développement – en caractérisant les conditions
criminogènes et la géographie de la criminalité à Yaoundé. Il s’agit ici de montrer
3
La criminalité peut être entendue comme un ensemble d’actes criminels commis dans un
groupe social donné au cours d’une certaine période. Elle peut également être définie comme
l’ensemble des infractions à la loi commises pendant une période de référence sur un territoire
donné. On peut aussi considérer la criminalité comme une qualification criminelle introduite
par un système d’organisation du droit (Lynch et al., 2010).
V
4 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
en quoi les problématiques du développement permettent d’éclairer l’analyse des
faits criminogènes dans les agglomérations du Sud.
Premièrement, nous pouvons émettre l’hypothèse que l’espace compte ;
autrement dit que, parmi les causes de la criminalité, (i) la proximité des secteurs
criminogènes entre eux influe sur la criminalité observée à l’échelle de la ville et
que (ii) les faits criminogènes sont concentrés dans l’espace. Si une telle
concentration spatiale des faits est observée, il s’agit alors d’analyser en quoi les
caractéristiques socio-économiques, urbaines et démographiques des secteurs
concernés influencent la survenue d’actes criminels et de délits. Deuxièmement,
on peut supposer que les causes de la criminalité peuvent varier selon les types
de crime, la période et les secteurs de la ville. On entrevoit aisément la complexité
des combinaisons possibles.
Suivant Messner et Anselin (2004), nous soutenons que l'espace exerce une
influence significative sur le modèle du crime. Dans ce contexte, d’un point de
vue méthodologique, l’analyse spatiale constitue un cadre pertinent pour étudier
et interpréter la criminalité urbaine en explorant ses variations spatiales. Ceci est
justement permis par l’utilisation des méthodes d’analyse spatiale sur des données
statistiques du crime (Leitner, 2013 ; Levine, 2006 ; Anselin et al., 2000).
Dans cet article, à partir de données collectées sur la période 2011-2013, nous
proposons une analyse qualitative et quantitative permettant de déterminer la
structuration spatiale de la criminalité à Yaoundé et d’identifier les causes de cette
différentiation spatiale dans l'expression de celle-ci. Notre contribution sera donc
à la fois méthodologique (analyse spatiale de la criminalité) et thématique
(géocriminalité dans les villes du Sud).
Nous reviendrons d’abord sur les travaux en écologie et géographie de la
criminalité et présenterons le cadre théorique de notre étude. Puis, nous
exposerons la méthodologie mobilisée pour ensuite présenter les résultats de
l'analyse spatiale de la criminalité au regard de l’analyse typologique réalisée pour
expliquer les configurations spatiales observées. Enfin, nous discuterons des
résultats et envisagerons des solutions en termes de politiques publiques que les
décideurs des agglomérations du Sud pourraient engager.
1. LA CRIMINOLOGIE DES LIEUX : ENTRE
DÉSORGANISATION SOCIALE ET OPPORTUNITÉ
CRIMINELLE
En science criminelle, trois types de facteurs permettent d’expliquer la survenue
d’un fait criminel : des facteurs anthropologiques (inhérents à la personnalité du
criminel), des facteurs endogènes (liés au milieu social où vit le délinquant) et des
facteurs exogènes (liés au milieu physique où le crime/le délit a lieu). De
nombreux modèles en écologie urbaine soulignent l’influencede la composition
sociodémographique des quartiers (ie. désavantage social, densité de population)
et des caractéristiques physiques (ie configurations urbanistiques) sur les taux de
criminalité.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 5
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
1.1 Le rôle de l’environnement socio-économique et
géographique : les lieux du crime
La théorie de la désorganisation sociale est souvent mobilisée pour expliquer la
criminalité. Elle a été développée aux États-Unis au début du XXème siècle par
des chercheurs en sociologie de l’école de Chicago qui ont entrepris une large
réflexion sur la spatialisation de la criminalité urbaine en lien avec le modèle
écologique de la ville en aires concentriques (Shaw et McKay, 1942 ; Burgess et
al. 1925 ; McKenzie, 1924). De nombreux criminologues ont examiné le pouvoir
explicatif potentiel de la théorie de la désorganisation sociale pour comprendre
pourquoi certains types de criminalité ou différents niveaux de criminalité sont
davantage observés dans certaines communautés ou comment des variables
communautaires – comme la précarité sociale ou encore le manque
d’opportunités économiques – peuvent influer sur la criminalité individuelle.
Selon cette théorie, les territoires présenteraient donc une plus ou moins grande
prédisposition au crime en fonction de leurs caractéristiques sociales
(désavantages socio-économiques).
La désorganisation sociale correspond à l’incapacité pour les habitants d’une
communauté d’accomplir les valeurs communes et de maintenir un contrôle
social et a pour effet de favoriser le passage à l’acte. Il peut s’agir d’un contrôle
social formel exercé par la police et la justice (sanction pénale) ou d’un contrôle
social « informel » exercé par les citoyens (réponses sociétales) (Cusson, 1983 et
1989). Cette désorganisation sociale renvoie à différentes caractéristiques
structurelles des quartiers qui permettent de rendre compte de la répartition des
taux de criminalité à l’échelle de la ville. La concentration de désavantages socio-
économiques (pauvreté, chômage, monoparentalité, décrochage scolaire,
ségrégation raciale, etc.) se traduit par une faible efficacité collective qui limite
fortement la réponse sociétale aux transgressions plus ou moins sévères et,
notamment, la criminalité urbaine (Graif et al., 2014 ; Browning et Jackson, 2013
; Papachristos et al., 2011; Bettencourt et al., 2010). Ces territoires défavorisés
sont donc particulièrement vulnérables à l’insécurité et à la criminalité puisque les
personnes qui y habitent ne possèdent pas, ou peu, de ressources pour y faire
face (Chamberlain et Hipp, 2015). Par exemple, dans leur étude sur la criminalité
dans un contexte brésilien, De Melo et al. (2017) mobilisent la théorie de la
désorganisation sociale pour expliquer les faits criminels violents. Leur étude
montre que les facteurs socio-économiques ont une influence positive et
significative sur l’ampleur du phénomène. En revanche, les auteurs soulignent
aussi que cette théorie n’est pas suffisante pour tout expliquer. Le facteur le plus
important réside dans la compréhension locale des espaces urbains. Ils mettent
en évidence que l'absence cumulée de collecte des ordures, d'éclairage public, de
routes pavées et la présence d'égouts à ciel ouvert jouent un rôle important dans
la survenue de crimes. Ils expliquent également que l'absence de ces équipements
6 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
sociaux reflète l'absence d'une présence de l'État dans ces zones urbaines en
difficulté qui permet la présence et le fonctionnement des groupes criminels.
De fait, une autre dimension dans l'explication de la criminalité a consisté à
interroger le rôle de l'environnement géographique. La criminologie
environnementale met en évidence la relation entre les caractéristiques
structurelles des quartiers et la criminalité. Elle postule que les caractéristiques
(sociales et structurelles) d’un quartier déterminent son niveau de criminalité. Les
premières études, menées aux États-Unis, remontent aux années quarante (Shaw
et McKay, 1942). L’opportunité criminelle serait plus importante dans les
quartiers qui présenteraient des signes évidents de délabrement et de désordre
physique (vitres brisées, voitures abandonnées, terrains vagues, ordures, graffitis,
espace public détérioré). Les caractéristiques paysagères de l’environnement
urbain (délabrement, incivilités sur et dans les biens publics) sont mentionnées
par des chercheurs pour rendre compte de l’insécurité ressentie dans les quartiers
dits dangereux (Charron, 2011). Par ailleurs, quand on laisse s’accumuler dans un
quartier les signes de désordre social (ivresse, bandes, harcèlement et violence
dans la rue, trafic de drogue) et ceux de désordre physique (vandalisme, abandon
de bâtiments, accumulation d’ordures et de déchets), les mécanismes de contrôle
informel sont inhibés et le sentiment d’insécurité s’accroît tout comme la
délinquance. Ainsi, le lieu du crime est considéré comme l’une des pierres
angulaires dans la compréhension du crime et de la criminalité (Chainey et
Ratcliffe, 2013), révélant l’importance des relations spatiales dans la distribution
géographique du crime (Chainey et Ratcliffe, 2013 ; Weisburd et al, 2009).
Les théories de l'opportunité criminelle et de la désorganisation sociale ont
permis d'établir un lien de dépendance entre vulnérabilité des territoires et la
criminalité urbaine. Pour y parvenir, les travaux liminaires de Cohen et Felson
(1979) ont permis de formuler une proposition célèbre sur l’opportunité
criminelle qui énonce en substance que l’on est en présence d’une « opportunité »
criminelle lorsque trois éléments convergent dans le temps et dans l’espace : (i)
un délinquant potentiel, (ii) une cible intéressante et, enfin, (iii) l’absence de
gardien capable de prévenir ou d’empêcher le passage à l’acte. Le
délinquant/criminel potentiel est un individu ayant la motivation suffisante pour
passer à l’acte et sa prise de décision résulte d’une certaine rationalité (évaluation
des risques, des coûts et des bénéfices). La cible intéressante représente une
valeur pour le délinquant/criminel et doit être visible ou accessible. Les gardiens
sont de trois types : les personnes ayant de l’influence sur le délinquant (parents,
amis, etc.), les protecteurs des cibles, qu’il s’agisse de personnes ou de biens
(vidéosurveillance, alarme de voiture, etc.), les garants de la sécurité (police,
sécurité privée, etc.) et gérants des lieux (gardiens d’immeubles, responsables de
magasins, etc.). La convergence de ces éléments confère, selon ces auteurs, une
grande valeur explicative à la notion de proximité : tout ce qui rapproche le
délinquant de la victime potentielle augmente le risque de victimation.
La notion d’opportunité constitue le concept central de la criminologie
environnementale puisqu’il permet d’explorer le lien entre l’occurrence du crime
et les facteurs qui favorisent sa survenue. Par conséquent, certains lieux et
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 7
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
contextes sont considérés comme favorisant les opportunités criminelles (Cunty
et al., 2007 ; Brantingham et Brantingham, 1981). À titre d'exemple, dans son
étude de la criminalité dans les villes nord-américaines, Eck et Weisburd (1995)
montrent que les secteurs qui concentrent de nombreux logements inoccupés et
délabrés et où se concentrent de nombreux résidents locataires, sont attractifs
pour les trafiquants de drogues qui recherchent des secteurs dans lesquels ils
peuvent se livrer à leurs activités et établir leurs marchés sans crainte d’une
mobilisation de la part des résidents.
1.2 De l’analyse de la criminalité à la géocriminalité
L’approche spatiale dans l’étude de la criminalité constitue une longue tradition
dont l'origine débute en même temps que la criminologie. De façon plus précise,
on peut considérer que ces types de données géolocalisées (quel fait criminel ? où
a-t-il été perpétré ?) ont été recueillis et utilisés dès l'élaboration des premières
statistiques sur la criminalité au début du XIXème siècle en Europe. Plusieurs
chercheurs tels que Guerry (1833) utilisaient déjà des méthodes d'illustration
géographique afin de déterminer la répartition spatiale du crime. La dimension
spatiale des phénomènes criminologiques semblait compter sans que les outils ne
permettent de la mesurer. Puis, avec la cartographie ponctuelle des délits et leur
localisation directe sur les segments de rue où ils se produisent, les chercheurs en
géographie de la criminalité mettent en évidence l’hétérogénéité spatiale des
crimes et des violences. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre de chercheurs
(Elie, 1994 ; Maltz et al., 1991 ; Brantingham et Brantingham, 1981) ont rompu
avec l’analyse statistique des taux de criminalité a-spatiaux qui masquaient des
différenciations spatiales de la distribution locale des actes criminels.
Sherman (1989) lance des travaux précurseurs dans la ville de Minneapolis et
montre que les crimes étaient concentrés dans certains lieux spécifiques. D’autres
travaux suivront pour mettre en évidence la dimension très localisée de la
perpétration des actes criminels, et surtout la tendance de certains lieux à se
« spécialiser » dans certains types de crimes (Wang et al., 2017 ; Steenbeek et
Weisburd, 2016 ; Thompson et Gartner, 2014 ; Weisburd et al. (2009) ; Weisburd
(2004). L’école canadienne de la criminalité a été particulièrement prolifique sur
ces questions (Thompson et Gartner, 2014 ; Leitner et al., 2011 ; Charron, 2011
; Wallace, 2006 ; Kitchen, 2006 ; Savoie et al., 2006 ; Fitzgerald et al., 2004) et a
mis en lumière la répartition spatiale de la criminalité et identifié les facteurs de
risque et de protection qui y sont associés à des échelons très fins. Par exemple,
pour la ville de Toronto, Charron (2011) examine les liens entre la répartition
spatiale de la criminalité des jeunes et les caractéristiques des quartiers. Il montre
que les deux tiers des affaires criminelles déclarées à la police ont eu lieu dans un
endroit public extérieur ou un établissement commercial de quartiers où le
contrôle social est faible.
D’autres travaux en statistiques spatiales ont permis d'investir l’analyse des
niveaux de criminalité en isolant les lieux où elle se concentre. Ce type d’étude
cherche à identifier les secteurs dangereux en milieu urbain et ses environs
8 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
(Chainey, 2013 ; Chainey et Ratcliffe, 2013 ; Leitner, 2013). Dans ses travaux sur
les vols dans les rues de Philadelphie, Ratcliffe (2005) utilise le quotient de
localisation pour évaluer l’intensité des crimes et leurs inscriptions spatiales.
Appliquée à plusieurs villes anglaises, l’estimation par noyaux de densité de
Kernel a permis à Chainey (2013) d’identifier des « points chauds » très localisés
dans l’espace, autorisant un meilleur ciblage des initiatives de prévention du crime
et de maintien de l’ordre. Plus récemment, Wang et al. (2017) utilisent un quotient
de co-localisation afin d’analyser l'association entre les aménités urbaines et les
crimes.
Enfin, seulement quelques recherches ont été menées sur la dépendance spatiale
de la criminalité dans les pays en développement, en particulier pour des villes
d’Amérique latine. Par exemple, Almeida et al. (2005) appliquent l’analyse
exploratoire des données spatiales sur les taux de criminalité dans l’État de Minas
Gerais au Brésil et met en évidence une géographie du crime : le Nord est
davantage marqué par une faible criminalité, tandis que le Sud est marqué par une
forte criminalité. Pour notre étude sur la ville de Yaoundé, nous utiliserons
également les techniques permettant de mesurer des phénomènes globaux et
locaux d’autocorrélation spatiale des données que nous croiserons avec les
facteurs socio-économiques et environnementaux que nous avons identifiés
comme étant à l’origine de la criminalité, suivant la théorie de la désorganisation
sociale et de la criminalité environnementale.
2. MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES
2.1 Analyse spatiale et analyse typologique
Afin d’étudier la configuration spatiale de la criminalité à Yaoundé, nous nous
sommes attachés à la fois à réaliser une analyse spatiale de la criminalité, et avons
recherché les déterminants de celle-ci à l’aide d’une typologie
sociodémographique des quartiers yaoundéens pour donner un sens aux
organisations spatiales découvertes.
Plus précisément, nous avons réalisé une étude globale etdésagrégée, de la
structuration spatiale de la criminalité à l’aide d’une étude de l’autocorrélation
spatiale via l’indice de Moran
4
. Ce dernier est donné comme suit :
−
−−
ii
iji
jij
zz
zzzzw
m
n2
)(
))((
où Zi représente le nombre de crimes perpétrés au point i, j étant les secteurs
compris dans le voisinage du point i, définis par la matrice de pondération spatiale
4
Ce dernier est préféré à celui de Geary car il est plus stable et moins sensible aux variations
locales (Pumain et Saint-Julien, 1997 ; Oliveau, 2004). Nous utiliserons donc pour notre
analyse l’indice de Moran.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 9
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Wij ci-après. n représente le nombre total d’individus dans l’échantillon et m le
nombre total de paires de voisins.
Le choix de la matrice de pondération spatiale est défini selon la distance
géographique à vol d’oiseau à partir des centroïdes des secteurs, comme suit :
Où W*ij est un élément de la matrice de poids non standardisée et Wij est un
élément de la matrice de poids standardisée ; dij représente la portée du rayon
entre le centroïde d’un secteur i et j.
Il a été procédé à une mesure de l’intensité de la relation entre la proximité
géographique des lieux du crime et leur degré de similitude. Chaque secteur de la
ville est décrit par un nombre d’actes criminels perpétrés et par les relations de
proximité qui le lient aux autres secteurs. Si un grand nombre d’actes criminels
dans un secteur donné a une grande probabilité de se retrouver dans les secteurs
voisins, on dit que le nombre d’actes criminels est caractérisé par une
autocorrélation spatiale. Celle-ci est positive si les secteurs proches sont
davantage semblables que ceux éloignés. À l’inverse, elle est négative s’ils sont
très différents. Elle est nulle si le voisinage ne joue aucun rôle dans l'explication
de l'organisation spatiale des inégalités numériques des actes criminels.
L’analyse variographique de l’indice de Moran (Bourdin, 2013 ; Oliveau, 2004)
peut nous permettre d’évaluer la portée des faits criminels en fonction de la forme
que prend la pente. Il nous parraissait important d’évaluer la plus ou moins
grande (dis)continuité des actes perpétrés.
Nous avons également souhaité déterminer le degré de ressemblance des secteurs
avec leurs voisins via la mesure d’indicateurs locaux d’association spatiale (LISA).
Il s’agit alors d'apprécier l'hétérogénéité et l'instabilité spatiale locale des faits
criminels (tableau 1). L’intérêt des LISA est qu’ils permettent de diagnostiquer
des instabilités locales (localisations atypiques de faits criminels, « là où on ne les
attend pas »).
Les LISA sont estimés comme suit :
où zi sont les valeurs du nombre d’actes criminels cumulés pour chaque point
donné i. j constitue les voisins du point donné, n représente le nombre total de
secteurs dans notre échantillon et m le nombre total de paires de voisins ; w
représente la matrice de pondération (matrice de voisinage).
10 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Tableau 1 : Types d’indicateurs locaux d’association spatiale (LISA) dans le
cadre de l’analyse de la criminalité à Yaoundé
Quadrant
Type
d’autocorrélation
Type de
regroupement
spatial
Type d’association spatiale locale
FF
« Forte-
Forte »
Positive
valeurs similaires
homogénéité
spatiale
« points chauds »
Un secteur dont le chiffre de la
criminalité est au-dessus de la moyenne
entouré de secteurs ayant les mêmes
caractéristiques.
ff
« faible-
faible »
Positive
valeurs similaires
homogénéité
spatiale
« points froids »
Un secteur dont le chiffre de la
criminalité est en-dessous de la
moyenne entouré de secteurs ayant les
mêmes caractéristiques.
Ff
« Forte-
faible »
Négative
valeurs
dissemblables
hétérogénéité
spatiale
« spatial outliers »
Un secteur dont le chiffre de la
criminalité est au-dessus de la moyenne
entouré de secteurs dont le chiffre de la
criminalité est inférieur à la moyenne.
fF
« faible-
Forte »
Négative
valeurs
dissemblables
hétérogénéité
spatiale
« spatial outliers »
Un secteur dont le chiffre de la
criminalité est en-dessous de la
moyenne entouré de secteurs dont le
chiffre de la criminalité est supérieur à
la moyenne.
NS
« Non
significatif »
Absence
Valeurs similaires
Non-significativité
spatiale
Un secteur dont la valeur et les valeurs
de ses voisins sont proches de la
moyenne.
Afin d’analyser les configurations spatiales de la criminalité à Yaoundé, il est
nécessaire de réaliser également une analyse typologique dans le but pouvoir
évaluer dans quelle mesure l’environnement socio-économique et urbanistique
compte dans l’explication des faits criminels. Pour ce faire nous avons réalisé une
classification à ascendante hiérarchique desdits quartiers à partir de données sur
les caractéristiques sociodémographiques, économiques et urbanistiques des
différents quartiers de la ville.
2.2 Les données
L’étude analyse deux grands ensembles de données spatiales afin d’explorer la
distribution spatiale et les regroupements spatiaux de l’incidence de la criminalité
et les relations entre les taux de criminalité et le contexte socio-économique,
démographique et physique du quartier. Les données comprennent d’une part le
recensement des faits criminels et des actes délictueux collectés auprès des
autorités compétentes dans leur traitement, d’autre part un ensemble de données
issues du recensement de la population et d’observations de terrain qui
caractérisent les différents quartiers de la ville.
2.2.1 De la difficulté de la collecte des données de l’étude et des limites inhérentes
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 11
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
En préambule, il est nécessaire de souligner les difficultés de collecte des données
géolocalisées sur la criminalité et sur les aspects socio-économiques et
démographiques en Afrique d’une manière générale, et à Yaoundé en particulier.
Le dernier rapport publié par l’ONU sur ces questions date de 2005 et déplorait
déjà ces problèmes de collecte de données locales fiables. Il soulignait que
l’Afrique était le continent avec la plus forte criminalité enregistrée selon des
sources de la santé publique et des statistiques de la police. La prolifération des
armes à feu et de leur détention illégale constituait un facteur aggravant pour le
continent. Les enquêtes menées par l’ONU en 2005 indiquent que seuls 14% des
victimes de ces délits ont signalé l’incident à la police, le taux le plus faible dans
le monde. Par ailleurs, ce même rapport soulève des problèmes directement liés
aux questions de développement dans les pays africains. Dotés d’un nombre
d’agents de police par habitant très faible (84 agents pour 100 000 habitants,
contre une moyenne mondiale de 188 agents de police par crime déclaré), la
population est moins protégée et les malfaiteurs ont davantage d’opportunités de
pouvoir agir. De plus, la justice pénale étant lente, l’intérêt des victimes s’effrite
et les témoins disparaissent.
L’accès aux données statistiques sur la criminalité dans la ville de Yaoundé a
nécessité un travail difficile de collecte sur le terrain. Si dans de nombreux pays
ces types d’informations sont centralisés par une seule structure, ce n’est pas le
cas au Cameroun, comme dans de nombreux autres pays en développement.
Dans le cadre de cette étude, trois structures susceptibles de fournir les
informations escomptées sur la criminalité à Yaoundé ont été interrogées : les
services pénitenciers (prison centrale de Yaoundé), les services de police et les
services de gendarmerie. Les données ont été collectées sous différents formats
(papier, électronique) qu’il a fallu harmoniser. Compte tenu de l’incomplétude
des données sur la période d’étude pour certaines structures, nous nous sommes
exclusivement appuyés sur celles produites par l’Équipe spéciale d’intervention
rapide (ESIR). Elles ne représentent donc pas la totalité des crimes et délits
commis mais elles sont représentatives puisque l’ESIR recense à elle seule près
de 80% des faits criminels à Yaoundé. Chaque fait criminel ou acte délictueux
comprend les attributs suivants : le numéro de dossier, la date et l’heure du fait,
la description générale de ce qui s’est déroulé, les coordonnées X, Y. La littérature
définit classiquement deux types de criminalité : (i) la criminalité acquisitive, qui
relève d’actes délictueux (ie. acte sans atteinte à l’intégrité physique de la victime
: vol de véhicule, portefeuille, téléphone, etc.) ; (ii) la criminalité « de sang » (ie.
tous types de faits qui portent atteinte à l’intégrité physique de la victime :
agression, braquage, enlèvement de mineur, viol, vol aggravé, etc.).
2.2.2 Les variables explicatives de la criminalité à Yaoundé
Les variables de la criminalité utilisées ont été récoltées et compilées depuis 2011
jusqu’à 2013. Tout d’abord, il faut noter qu’en général les statistiques concernant
ces actes criminels sont incomplètes pour deux raisons. D’une part, les victimes
12 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
n’ont pas la même réaction face à tous les crimes. Alors que certains faits
criminels sont rarement mésestimés dans les statistiques (vol à main armée,
homicide ou encore délits impliquant un dédommagement de la victime (vol de
véhicules, cambriolage, etc.)), d’autres crimes ou délits restent largement sous-
estimés car les victimes ne tiennent pas à révéler les faits pour des raisons telles
que la peur du « qu’en dira-t-on » (Soullez, 2001) ou les craintes de représailles dans
le cas de viol ou de violences physiques (Bauchet et al., 2011). D’autre part, les
forces de maintien de l’ordre (FMO) ne reportent pas systématiquement les faits.
Certaines infractions devraient théoriquement faire l’objet d’une plainte
enregistrée cependant, elles sont au mieux simplement mentionnées sur le
registre de la main courante, et, au pire, ne sont pas prises en compte par les
services de police ou de gendarmerie qui refusent de réaliser le dépôt de plainte.
Suivant les travaux évoqués dans la revue de littérature en sociologie criminelle,
criminalité environnementale et géocriminalité, nous avons identifié 32 variables
(voir les tableaux 2 et 3) susceptibles à la fois de décrire la géographie socio-
économique des quartiers, mais aussi d'expliquer la criminalité à Yaoundé et sa
structuration spatiale. Les variables urbanistiques (tableau 2) sont issues d’une
large analyse de terrain réalisée sur l’intégralité de Yaoundé sous forme
d’observations. Les modalités identifiées dans chaque quartier sont celles
considérées comme dominantes dans ledit secteur. Pour notre étude, s’agissant
des variables liées aux caractéristiques socio-économiques et démographiques des
quartiers (tableau 3), elles sont issues des résultats du dernier Recensement
général de la population et de l’habitat (RGPH) et leur accès a été rendu possible
par le Bureau central de recensement et d'étude de la population au Cameroun
(BUCREP).
Tableau 2 : Variables descriptives sur les quartiers et l’urbanisme à Yaoundé
Type
Modalités
État de la voirie
(1) Voirie en terre non entretenue et difficilement praticable
(2) Voirie en terre non goudronnée
(3) Voirie mixte
(4) Voirie goudronnée
Éclairage public
(1) Absence d’éclairage
(2) Éclairage en cours d’installation
(3) Éclairage installé mais défectueux
(4) Éclairage en bon état
Structures de sécurité
(commissariat de police ou
de gendarmerie, entreprise
privée de gardiennage, etc.)
(1)
(2) Absence
(3) Présence
Référencement des rues
(1) La plupart des rues ne sont pas adressées/référencées
(2) Toutes les rues ou la quasi-totalité de celles-ci sont adressées
Forêt ou bois urbain
(1) Absence
(2) Non aménagé(e)
(3) Aménagé(e)
Tissu urbain
(1) Administratif
(2) Commercial de haut-standing
(3) Moyen standing ; tissu urbain assez moderne mis en place par
la Société immobilière du Cameroun (SIC)
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 13
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
(4) Moyen standing, tissu urbain du même type, mis en place par la
Communauté urbaine de Yaoundé (CUY)
Logement
(1) Matériaux précaires
(2) Matériaux mixtes
(3) Matériaux définitifs
Source : RGPH et BUCREP
Tableau 3 : Variables descriptives sur la population de Yaoundé
Type
Part des cadres dans la population active
Part de la population active travaillant dans les activités de service
Part des ouvriers dans la population active
Part de la population active travaillant dans les forces armées ou la police (FAP)
Part des chômeurs dans la population en âge de travailler
Part de la population de plus de 25 ans sans diplôme
Part de la population de plus de 25 ans titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur
Part des étudiants dans la population totale
Part des personnes célibataires dans la population totale de plus de 25 ans
Part des personnes mariées dans la population totale de plus de 25 ans
Part des propriétaires dans la population totale de plus de 25 ans
Part des locataires dans la population totale de plus de 25 ans
Part des hommes dans la population totale
Part des individus entre 0 et 14 ans (âge 1)
Part des individus entre 15 et 24 ans (âge 2)
Part des individus entre 25 et 29 ans (âge 3)
Part des individus entre 30 et 44 ans (âge 4)
Part des individus entre 45 et 59 ans (âge 5)
Part des individus ayant 60 ans ou plus (âge 6)
Source : BUCREP
3. LES RÉALITÉS GÉOGRAPHIQUES DU CRIME À
YAOUNDÉ
Notre étude croise la typologie de la ville (réalisée à partir d’une classification à
ascendante hiérarchique (CAH) sur l’ensemble des données décrites dans les
tableaux 2 et 3) avec la mise en évidence de la structuration et la concentration
spatiale de la criminalité dans la ville de Yaoundé. La cartographie des différentes
classes de quartiers (figure 1) et notre étude de terrain (observation,
photographie) nous ont permis de mettre en regard les caractéristiques des
différents quartiers de la ville avec les grappes de criminalité observées à partir
des traitements en statistiques spatiales.
14 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Figure 1 : Typologie territoriale des quartiers de Yaoundé
Source : calculs des auteurs à partir des données du RGPH et BUCREP
3.1 La concentration des lieux de crime dans quelques
quartiers
La ville de Yaoundé s’étendant sur environ 40 km du Nord au Sud et sur environ
30 km d’Ouest en Est, la première étape a consisté à réaliser une analyse
variographique de la criminalité à Yaoundé afin d’observer la valeur que prenait
l’indice de Moran lorsque l’on faisait varier le niveau de voisinage (portée de 5
km, 10 km, 20 km, 30 km et 40 km) dans le but d’évaluer la portée de la
criminalité. La figure 2 présente l’évolution de la statistique I de Moran appliquée
aux faits criminels recensés.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 15
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Figure 2 : Corrélogramme des valeurs de l’indice de Moran de 2011 à 2013
Source : calculs des auteurs à partir des données du RGPH et BUCREP
Figure 3 : Corrélogramme des valeurs de la statistique I Moran pour les périodes
de la journée
Source : calculs des auteurs à partir des données du RGPH et BUCREP
Les résultats de la statistique I de Moran suggèrent qu’il existe une très forte
autocorrélation spatiale globale et positive. Ils révèlent que la distribution de la
criminalité est par nature très concentrée. À ce titre, il est possible d’affirmer que
les secteurs associés à une criminalité relativement élevée sont localisés près
d’autres secteurs associés à des criminalités relativement élevées FF, plus souvent
que si cette localisation était purement aléatoire. La pente de l’indice I de Moran
est assez rectiligne marquant une forte continuité spatiale des actes commis. Cette
tendance à la concentration géographique est prouvée quel que soit le moment
de la journée (figure 3).
Les calculs de l’autocorrélation spatiale locale sur nos données récoltées et
compilées permettent de mettre en évidence des associations spatiales locales,
16 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
voire des schémas d’hétérogénéité locale des actes commis. L’évaluation de
l’(in)stabilité spatiale locale des valeurs (tableau 4), permet de mieux comprendre
la géographie de certains faits criminels.
Tableau 4 : Les associations spatiales de la criminalité dans le diagramme de
Moran (en %)
Quadrant
FF
Quadrant
ff
Quadrant
fF
Quadrant
Ff
Valeurs non
significatives
Associations
spatiales
Hétérogénéités
spatiales
Criminalité
de sang
Agression
21
27
2
1
49
Agression à bord
d’un taxi
23
37
5
1
34
Braquage de domicile
ou de commerce
19
32
3
1
45
Braquage véhicule
6,3
0
2,5
0
91,2
Enlèvement de
mineur
5,1
0
2,7
1
91,2
Viol
25,3
37,2
3
2
32,5
Vol aggravé
22
27
2
1
48
Criminalité
acquisitive
Vol simple
22
27
2,7
1,8
46,5
Vol de moto
12,4
0
3,2
0
84,4
Vol de véhicule
16
38,6
2,3
0,6
42,5
TOTAL
24
25
2
1
48
Source : calculs des auteurs à partir des données des ESIR
Les résultats montrent que les actes criminels dans les secteurs de la ville de
Yaoundé sont, pour moitié, caractérisés par une association spatiale positive. La
structuration spatiale de la criminalité au cours de la période 2011-2013 montre
des situations de forte concentration locale des activités criminelles et confirme
les travaux antérieurs selon lesquels le crime en milieu urbain est hautement
concentré dans des secteurs restreints (Anselin, 1995). En revanche, la
décomposition des différents actes criminels montre que l’inscription spatiale du
fait criminel dépend beaucoup de sa nature. Par exemple, on distingue le viol qui
présente une très forte autocorrélation spatiale positive avec des quartiers où il
est totalement absent ou au contraire très présent. À l’inverse, le vol de moto, le
braquage de véhicule et l’enlèvement de mineur ont la particularité d’avoir un
taux de valeurs non significatives très élevé (entre 84% et 92%). En l’espèce,
plusieurs secteurs de la ville sont touchés et il semblerait que ces faits criminels
soient moins spatialisés. Dans ces cas, l’environnement compte donc moins.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 17
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Figure 4 : Concentration locale de la criminalité de 2011 à 2013
Source (pour cette carte et les cartes suivantes) : calculs des auteurs à partir des
données des ESIR
La concentration spatiale des faits criminels (figure 4) nous invite à nous
intéresser aux caractéristiques sociodémographiques des différents secteurs de la
ville associés à une criminalité supérieure à la moyenne. On pourrait mieux
comprendre comment les réalités sociodémographiques et urbanistiques d’un
secteur urbain peuvent influencer celles d’un autre secteur (Hagenauer et al.
2013).
Tout d’abord, les lieux d’intense perpétration des actes criminels dans la ville sont
localisés dans des secteurs précis tels qu’Oyom-Abang, Tongolo, Etoudi, Essos
ou encore le quartier de la Briqueterie. Dans notre analyse typologique, ces
18 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
secteurs correspondent aux quartiers précaires centraux et péricentraux. Ils sont
caractérisés par un tissu urbain anarchique, qui se singularise entre autres par un
éclairage public défectueux et un resserrement des habitations. Leurs rues étroites
aux installations publiques défectueuses, voire inexistantes, s’avèrent propices à
la perpétration d’actes criminels (planche 1A).
Planche 1 : Tissu urbain et habitation dans les quartiers centraux et péricentraux
A B
Cliché (et clichés suivants) : W. B. Chancelier, 2013.
Dans ces quartiers alternent logements de qualité et logements précaires, rues
goudronnées et voieries en terre. C’est également dans ces quartiers que l’on
retrouve une surreprésentation des individus propriétaires de leur habitation et
une part importante de jeunes célibataires (les tranches d’âges surreprésentées
sont celles des 15-24 et des 25-29 ans). Or, si l’on se réfère à la littérature, les
individus célibataires sont plus enclins à la délinquance (Savoie et al., 2006 ;
Fougère et al., 2005). Charron (2009) a montré qu’à Toronto les jeunes de 20 à
35 ans constituaient environ 35,8 % des auteurs présumés de crimes À Yaoundé,
comme dans les autres villes du Sud, la jeunesse est victime du chômage et
soumise à la tentation de l’acte délictueux. Parmi ces jeunes, certains profitent du
tissu urbain anarchique associé à l’absence ou à l’insuffisance de l’éclairage public
pour commettre leurs actes. La colocalisation de délinquants, de caractéristiques
urbanistiques précaires et de familles propriétaires d’un logement récent constitue
une véritable opportunité criminelle pour la perpétration de crimes d’acquisition,
voire de crimes de sang.
L’anarchie dans la mise en valeur de l’espace (planche 1A) a permis le
resserrement des constructions. Cette situation rend ce type de quartier
difficilement accessible. Ces quartiers (planche 1B) sont caractérisés par une
mixité du logement : des logements récents en dur jouxtent des logements
précaires.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 19
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
En outre, ces secteurs hébergent des structures et des activités qui ont un fort
pouvoir d’attraction (gares routières, marchés formels et informels, petits métiers,
snack-bars, etc.). Ceci corrobore l’hypothèse selon laquelle le crime est corrélé
avec la pauvreté, la défaillance dans le contrôle social et les lieux où la
consommation d’alcool est élevée (Leong et Sung, 2015 ; Anselin et al., 2000 ;
Curry et Spergel, 1988).
La figure 4 permet d’identifier d’autres « points chauds » de la criminalité,
principalement dans les quartiers périphériques du Nord et de l’Ouest de la ville
(quartiers de type 2 dans notre typologie, voir figure 1). Ces secteurs sont
caractérisés pour moitié par un tissu périurbain avec des logements très précaires.
Il s’agit soit d’anciens villages qui ont été « phagocytés » récemment par la ville et
dont les mutations sont profondes, à l’instar d’Ahala, Efoulan ou encore
d’Ekoumdoum. Pour l’autre moitié, il s’agit de quartiers situés aux marges de la
ville et caractérisés par un délabrement général des habitations telles que Etoug-
Ebé, Awae ou Etetak. Les maisons y sont construites avec des matériaux
précaires (matériaux de récupération, poto-poto
5
, planches) (planche 2a).
Planche 2 : tissu urbain et habitation dans un quartier précaire périphérique
A B
L’éclairage public est quasi inexistant, favorisant la nuit la commission de faits
criminels. La voirie est principalement faite de terre et limite l’accessibilité.
L’adressage est partiel, voire inexistant, limitant la possibilité pour les FMO de
localiser rapidement le fait criminel. Dès lors, l’efficacité de l’intervention des
FMO appelées au secours devenant limitée, l’opportunité criminelle est plus
grande et il devient alors plus propice de commettre un crime.
Dans les secteurs périurbains non-lotis (planche 2A), les matériaux de
construction faits de poto-poto et de vieilles tôles ne garantissent pas la sécurité
5
Boue des marais à mangroves
20 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
des occupants des habitations. Ce type de quartier est plus ou moins enclavé
(planche 2B), car la voirie qui le dessert est constituée de pistes en terre non
entretenues ne facilitant pas la fluidification des déplacements.
Dans les franges urbaines de la ville, on retrouve souvent une végétation non
domestiquée. Selon Troy et al. (2012), la végétation dense est positivement
associée au risque réel, ou perçu, de criminalité parce qu’elle permet aux criminels
de se cacher dans les parcs. Elle est régulièrement utilisée par les criminels et les
voleurs d’automobiles disent utiliser la végétation dense pour protéger bon
nombre de leurs activités, notamment la sélection de cibles, l’examen des biens
volés et l’élimination des biens non désirés. L’auteur souligne également que la
végétation dense constitue une caractéristique commune des sites de viol.
À l’inverse, certains quartiers de la ville semblent plutôt épargnés (figure 5). Dans
notre typologie, il s’agit principalement d’espaces urbains avec des logements de
haut standing tels qu’à Bastos (planche 3A) ou au Centre commercial (planche
3B).
Planche 3 : tissu urbain et habitat dans les quartiers résidentiels
A B
Ce sont des quartiers essentiellement résidentiels, disposant de villas en dur,
belles et grandes, entourées de verdure. Elles sont systématiquement équipées
d’une clôture/paroi en dur. Le quartier Bastos, en particulier, rassemble le siège
de la majorité des ambassades et des résidences des diplomates. C’est le quartier
le plus riche de Yaoundé. On retrouve dans ces territoires une surreprésentation
des cadres et diplômés de l’enseignement supérieur. Malgré l’appât du gain, la
criminalité est faible dans ces secteurs. Plusieurs raisons peuvent être avancées.
D’abord, la population est davantage constituée de personnes mariées et la
population étudiante y est moins importante. De plus, on y retrouve une plus
forte densité de commissariats que dans le reste de la ville, la présence de FMO
pouvant freiner également les malfaiteurs. Leurs habitants font appel également
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 21
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
à des gardes privés et sécurisent leur logement en les équipant de caméras, voire
en montant de hauts murs.
Dans ce tissu urbain (planche 3A), les habitations se caractérisent par la qualité
des matériaux de construction et la hauteur de la clôture. Les matériaux de
construction externe (planche 3B) sont faits de parpaings, de dalles, de tôles
ondulées lesquels garantissent une sécurité de jour comme de nuit pour leurs
occupants et leurs biens.
En effet, dans ces quartiers, on peut relever la prévalence de clôtures de plusieurs
mètres de hauteur symbolisant l’architecture de la peur et du repli sur soi. Elles
sont érigées dans le but de prémunir les occupants du domicile d’éventuelles
attaques. Ces quartiers étant principalement occupés par des riches familles de la
capitale et de diplomates, ces dernières peuvent se payer les prestations des
sociétés de gardiennage privées, mais également de corrompre les FMO pour
augmenter la fréquence de leurs rondes. De plus, les systèmes de vidéo-
surveillance et les grillages électriques sont des dispositifs que les agences privées
proposent à leurs clients comme mesure de renforcement du contrôle des
structures dont elles ont la surveillance.
Enfin, l'éclairage public est de bonne qualité et la voirie, goudronnée et
référencée/adressée. L'entretien de la végétation urbaine – signe de
l'appropriation de l'espace – constitue une marque de l'organisation sociale
manifestant l'emprise des habitants sur leur cadre de vie. Cette attitude s'oppose
à la négligence et au désordre urbain propices à l'expansion des actes délictueux
mentionnés précédemment. Le fait que la végétation soit entretenue signifie pour
les criminels que les résidents se soucient activement de leur environnement et
s'y impliquent (Brown et Bentley, 1993). La présomption est que, lorsqu'il
cherche un endroit où commettre un crime, l'agresseur se rend dans un quartier
où les indices suggèrent une organisation sociale plus faible et une participation
moindre du quartier. Cela est conforme à la théorie de la « fenêtre cassée »
(Wilson et Kelling, 1982) selon laquelle les quartiers affichant des indices visuels
de négligence ou de mauvais entretien connaissent un taux de criminalité plus
élevé parce que ces indices suggèrent aux criminels un manque d'application
efficace de la loi, tandis que les quartiers bien entretenus donnent l'impression
contraire. C’est le cas du bois Sainte Anastasie créé en 1999. Son aménagement
permet de rompre avec la monotonie du paysage des immeubles et bâtiments du
centre-ville en offrant un cadre agréable et paisible pour les habitants de la
capitale. Ses espaces verts sont entretenus très régulièrement et le mobilier urbain
n’est pas dégradé. Ceci peut expliquer pourquoi on y observe une faible
concentration spatiale de la criminalité.
Nous avons également étudié les « outliers », autrement dit l’hétérogénéité spatiale
des faits criminels. Les secteurs « Ff » (criminalité forte dans un environnement
avec une faible criminalité) sont caractérisés par une forte criminalité entourés de
secteurs à faible criminalité tels que ceux de Mvog-Ada, Biyem-Assi, Nsiméyong
et du Centre commercial. Les deux premiers sont des quartiers centraux et
péricentraux précaires, ayant les mêmes caractéristiques sociodémographiques et
urbanistiques que les « points chauds » identifiés plus haut. Leur faible criminalité
22 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
est certainement liée à l’impact de leur proximité avec les structures hébergeant
les FMO. Dans la capitale, la concentration des structures de sécurité dans
l’espace décroît avec la distance au centre. De fait, les secteurs situés à proximité
du centre bénéficient de leur effet de dissuasion. La forte criminalité du quartier
Nsiméyong – pourtant appartenant au groupe des quartiers favorisés (conditions
socio-économiques favorables, urbanisme de qualité) – s’explique, quant à elle,
par la présence d’activités commerciales importantes, multipliant de fait les
opportunités criminelles par le foisonnement des usagers, notamment en journée.
Nonobstant l’installation de nouvelles brigades de gendarmerie et de
commissariats de police à Yaoundé pour rapprocher les structures de sécurité de
la population résidente, les efforts consentis restent encore insuffisants, en
particulier dans ces quartiers périphériques. En conséquence, de jour comme de
nuit, des délinquants peuvent y opérer sans craindre l’intervention de forces de
l’ordre.
À l’opposé, on retrouve des « effets donuts » de la criminalité (« fF »), autrement
dit des îlots d’accalmies dans un environnement dangereux. Il s’agit
principalement des secteurs de Santa Barbara et Nfandena. La proximité de la
Présidence de la République, la présence de FMO en plus grande quantité et la
haute qualité des infrastructures urbaines pourraient justifier la différence dans le
niveau de criminalité. Dans le quartier administratif et celui du Lac on retrouve
une prédominance d’un tissu urbain avec des immeubles de haut standing. On y
retrouve une part de personnes travaillant dans les FAP plus importante que la
moyenne. Les habitants y sont plutôt éduqués (diplômés de l’enseignement
supérieur). Il s’agit également de quartiers où l’on enregistre plus de célibataires
qu’ailleurs. Dans le Centre administratif et au quartier du Lac, les matériaux de
construction sont de très bonne qualité et les parcs et jardins sont très bien
entretenus.
Après avoir apprécié la configuration spatiale de la criminalité dans la ville de
Yaoundé, nous analysons comment cette dernière se présente en fonction des
heures de la journée. Nous souhaitons tester ici l’hypothèse selon laquelle la
géographie de la criminalité est également dépendante du moment.
3.3 Le facteur temps dans l’inscription spatiale de la
criminalité
La perpétration des actes criminels peut se produire à toute heure de la journée
sur le territoire d’une ville, et certains travaux académiques indiquent que les
divers types de crime sont concentrés à des moments précis (cf. Assunçao et al.,
2007). Pour cette analyse, nous avons réorganisé la base de données et divisé la
journée en quatre tranches horaires de six heures : matin (6h-11h), après-midi
(12h-17h), soirée (18h-23h) et nuit (24h-5h).
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 23
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
La criminalité dans la ville de Yaoundé présente, pour la période considérée, une
expression différente dans le temps (tableau 5). Considérant les données
cumulées de 2011 à 2013, les tranches horaires extrêmement criminogènes sont
la nuit et la soirée avec respectivement 48,5% et 21,3% des cas enregistrés. Les
périodes d’accalmies étant, dans l’ordre de sûreté, le matin et l’après-midi
(respectivement 13,7% et 16,7% des cas répertoriés).
Tableau 5 : Variation de la criminalité dans le temps
Période
Nombre d’infractions
Rapport au total (en %)
nuit
matin
après-midi
soirée
nuit
matin
après-midi
soirée
total
2011
169
42
51
27
58,5
14,5
17,6
9,è
289
2012
126
28
31
54
52,7
11,7
12,9
22,7
239
2013
100
42
54
93
34,6
14,5
18,7
32,2
289
Total
395
112
136
174
48,5
13,6
16,7
21,é
817
Source : calculs des auteurs à partir des données des ESIR
Premièrement, la criminalité en matinée et en soirée suive la même configuration
spatiale (fig. 5 et 7). En l’espèce, les secteurs à forte criminalité présentent une
disposition asymétrique concentrée dans trois pôles : le Nord de la ville (Enana,
Etoudi, Tongolo), l’Est (Essos, Elig-Essono, Etoa-Méki, Centre commercial) et
l’Ouest (Oyom-Abang). Hormis le Centre commercial (quartier favorisé), ces
secteurs appartiennent aux types de quartiers précaires péricentraux. Ils
hébergent des marchés et de nombreuses buvettes. On y commet principalement
des vols simples dans les marchés et des vols de véhicule dans les parkings. Il
s’agit donc essentiellement d’une criminalité d’acquisition.
Dans l’après-midi (figure 6), on note une réduction des poches de « points chauds
» particulièrementconcentrés dans deux pôles homogènes au Nord-Est de la ville
(Tongolo, Etoudi, Manguiers et Ngousso) et au Sud de la ville (Mvan). Ces
secteurs correspondent aux quartiers de type 2 ou 4 selon notre typologie, soir
des secteurs aux conditions plutôt défavorables. Ils jouxtent les secteurs ruraux
de la ville qui, par leur végétation dense, offrent des facilités aux malfaiteurs pour
se soustraire à la poursuite des forces de sécurité, voire pour dissimuler les objets
volés. Au-delà, ces quartiers hébergent des gares routières avec un nombre de
passants importants et un effet de foule propice au vol d’acquisition.
24 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Figure 5 : Concentration locale de la criminalité en matinée
Figure 6 : Concentration locale de la criminalité dans l’après-midi
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 25
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Figure 7 : Concentration locale de la criminalité en soirée
Figure 8 : Concentration locale de la criminalité dans la nuit
26 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Durant la nuit (figure 8), les « points chauds » sont concentrés dans deux pôles
au Nord (Ngousso, Etoudi, Manguiers, Tongolo) et à l’Est (Mvog-Ebanda,
Essos, Mimboman) de la capitale. Il s’agit de lieux où le « jour ne s’arrête pas »,
où les bars et les snacks fonctionnent jusqu’au petit matin et attirent les
noctambules et délinquants des autres quartiers de la ville. Yaoundé est réputée
pour son ambiance nocturne, ses bars et sa musique (Morelle et Tadié, 2011).
Ceci prédispose ces quartiers à la perpétration d’actes criminels tels que les vols
et les agressions. Lorsque l’on s’attache à analyser les « outliers » du modèle
d’autocorrélation spatiale de type « Ff », le quartier de Grand-Messa ressort en
particulier. Il s’agit, en réalité, d’un repli des malfaiteurs qui, autrefois, agissaient
dans le quartier contigu de la Briqueterie. Situé au centre de Yaoundé, ce dernier
a fait l’objet d’une importante transformation urbaine et possède aujourd’hui le
potentiel économique le plus important de la capitale camerounaise (Fer et al.,
2011). Les autorités locales y ont également renforcé la sécurité (encadré 1).
Encadré 1 : Des stratégies pour restaurer la sécurité
[…] L’aménagement même du quartier permet de maintenir une proximité spatiale et
sociale, garante d’un contrôle autant que d’une solidarité. En dehors de seulement trois
routes goudronnées, la Briqueterie se caractérise par une absence de voies de
communications. La densité du quartier est forte [...] Chaque habitant est ainsi intégré à
une cour, un sous-quartier, une famille et finalement une communauté : celle de son
village d’origine (ou celle de ses parents et grands-parents) et celle construite au fil des
ans à la Brique même. Qu’on le veuille ou non, chacun est connu, ce qui est une première
manière de préserver une relative sécurité au sein du quartier. L’agression ne peut être
qu’extérieure (même si elle peut être commandée de l’intérieur). […] Selon certains chefs
de la Briqueterie, prendre en main sa sécurité est un moyen, finalement, de maintenir à
distance les forces de l’ordre. Lors de vols, quand l’agresseur est connu, il est rattrapé par
les membres des comités, sommé de restituer les objets dérobés : « notre comité, il va
chercher le voleur chez lui. Il rend ce qu’il a volé » (Chef de quartier, 2009). […] Ce qui
garantit la sécurité de la Brique est donc l’existence d’une proximité autant spatiale que
sociale. En dépit de la diversité des populations, on peut conclure à l’existence d’une
sécurité communautaire, dotée de chefs assurant réparation de tout préjudice.
[…] Mvog-Ada, Mokolo et Briqueterie, ces quartiers centraux ont été identifiés dans le
plan directeur d’urbanisation de la ville, horizon 2020, comme devant subir une
recomposition de leur tissu en vue d’assurer toutes les commodités d’une métropole
moderne. Il s’agira d’abord des aménagements fonciers car la restructuration urbaine
entrevue est un ensemble d’actions sur des espaces bâtis de manière anarchique. […] La
restructuration de ces quartiers va permettre d’éradiquer les poches d’insalubrité et
d’insécurité.
Source: Cameroun Tribune, 20/04/2017.
L’étude des formes de criminalité (d’acquisition ou de sang) en fonction des
tranches horaires de la journée révèle une forte hétérogénéité (tableau 6). C’est le
cas, par exemple, des agressions et vols aggravés (criminalité de sang) qui se
déroulent davantage en soirée et la nuit. Les quartiers non éclairés et les parcs et
jardins sont des lieux privilégiés pour les agresseurs.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 27
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Tableau 6 : Formes de criminalité en fonction des périodes de la journée
Type de
criminalité
Nombre d’infractions
Rapport au total (en %)
nuit
matin
après-midi
soirée
nuit
matin
après-
midi
soirée
total
acquisition
67
50
50
53
30,5
22,7
22,7
24,1
220
de sang
259
62
90
204
42,1
10,1
14,6
33,2
615
Source : calculs des auteurs à partir des données des ESIR
À l’inverse, la criminalité d’acquisition de type « vol à la tire » est relativement
homogène tout au long de la journée, même si l’on retrouve une part plus
importante de vols la nuit. En revanche, certains lieux sont connus pour être des
espaces de prédilections de cette criminalité. Il s’agit des multiples marchés
formels et informels de Yaoundé où les délinquants se livrent essentiellement au
pick pocketing des chalands et au vol de marchandises des commerçants ambulants.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
L’analyse de la concentration spatiale de la criminalité à Yaoundé a permis de
dégager une géographie des faits criminels. L’analyse spatiale couplée à une
analyse typologique permet de mieux appréhender ce phénomène et d’envisager
des politiques publiques pour lutter contre cette criminalité de manière plus
efficace.
L’étude de la structuration spatiale et temporelle de la criminalité et de ses
différents types permet d’isoler des « points chauds » dans la ville. La
configuration souvent très localisée de ces derniers permet d’envisager des
stratégies de maintien de l’ordre en conséquence, en tenant compte de
l’environnement criminel. Parmi les nombreuses causes que l’on peut évoquer
pour expliquer la criminalité, notre approche a retenu les causes socio-
économiques et situationnelles. Les premières font référence à la théorie de la
désorganisation sociale et, plus spécifiquement, à la faiblesse de l’encadrement
familial, l’exclusion sociale, la déscolarisation, la rupture du lien social dans les
quartiers, la perte des valeurs communautaires, la faiblesse de l’offre d’emploi,
l’instabilité des revenus, le phénomène de chômage et de pauvreté (des femmes
et des jeunes, en particulier). Les secondes renvoient à la théorie des opportunités
criminelles selon laquelle l’urbanisation mal maîtrisée, la prolifération des
quartiers et des marchés spontanés, l’habitat précaire et enclavé, l’inorganisation
de l’espace public, l’insalubrité, le défaut d’éclairage public et l’apparition des
zones de non-droit sont à l’origine de la criminalité. Nos résultats mettent en
lumière la capacité des problèmes de développement à expliquer en partie les
niveaux de criminalité dans les villes du Sud.
28 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
Notre étude montre que la concentration spatiale de la criminalité est hétérogène
lors de la prise en compte du facteur temps. Ceci peut être la conséquence du
déploiement différencié des forces de sécurité sur le terrain en fonction des
périodes de la journée. Aussi, la coalescence d’opportunités criminelles (avec la
convergence dans le même espace des criminels et des victimes potentielles) sans
réelles potentialité de riposte peut justifier le caractère criminogène de certains
secteurs.
En 2002, dans le cadre du programme « pour les villes plus sûres » (ONU-
Habitat), un diagnostic de la délinquance avait été initié dans la ville de Yaoundé.
Le Cameroun y avait adhéré car l’État était conscient du fait que la lutte contre
l’insécurité en milieu urbain apparaît comme un enjeu capital de la participation
citoyenne à la dynamique du développement. Il avait permis d’identifier les causes
de ce fléau et de stigmatiser certains cadres dans lesquels la délinquance
s’inscrivait inéluctablement. Pour y remédier, un document de prévention locale
de la délinquance urbaine à Yaoundé avait été adopté en 2004. Ce dernier
précisait les orientations stratégiques, le plan d’action et les modalités de mise en
œuvre de ces politiques de lutte contre la criminalité. Près de 15 ans plus tard, la
similarité dans la configuration spatiale de la criminalité demeure. Les « points
chauds » s’inscrivent presque toujours dans les mêmes types de quartier (les
quartiers au tissu urbain anarchique où la population cumule de nombreuses
difficultés sociales).
Les stratégies pourraient s’orienter en conséquence à destination des jeunes à
risque et vers l’amélioration de l’espace urbain. En effet, l’accent doit davantage
être mis sur l’intégration des jeunes en situation difficile. Il convient désormais
de penser et de définir autrement les mesures destinées à tenir les jeunes
durablement éloignés de la délinquance et de leur offrir une protection, en
développant des stratégies adaptées à chaque cas, afin de réduire l’insécurité en
milieu urbain. Entre autres solutions, l’État et la commune devraient offrir aux
jeunes de la rue une politique de l’emploi en revalorisant, par exemple, certains
petits métiers susceptibles de les intéresser et d’augmenter leur chance de
réinsertion professionnelle. Le contexte urbanistique précaire étant un facteur
aggravant de la criminalité, il paraît important d’améliorer et d’organiser l’espace
urbain par des méthodes participatives impliquant les populations locales dans le
re-dess(e)in de leur quartier. Enfin, puisque dans les quartiers où vit une
population aisée les habitants se sont organisés pour assurer leur sécurité en
faisant appel au secteur privé, les FMO devraient davantage concentrer leurs
efforts dans les quartiers plus en difficulté où les populations n’ont pas les
moyens d’organiser leur propre sécurité.
Notre étude ouvre quelques pistes de recherche dont celle de coupler notre
analyse avec un examen des faits criminels à partir de régressions spatiales (ie.
régressions géographiquement pondérées pour prendre en compte
l’hétérogénéité spatiale ; modèle spatial de Durbin capter les effets de dépendance
spatiale), permettant ainsi d’évaluer quels facteurs jouent le plus, de sorte à
proposer des politiques publiques adéquates et à la mesure de l’ampleur de la
criminalité observée. Compte-tenu de la disponibilité des données de notre
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 29
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
échantillon (uniquement sur trois années), il n’a pas été possible de réaliser une
analyse sur le temps long de l’évolution de ces concentrations spatiales ; ceci
constitue une limite de notre travail. Pourtant, l’identification de l’existence de
« grappes criminogènes » dont les localisations n’évolueraient pas dans le temps
constituerait une indication de la persistance des disparités spatiales entre les
quartiers et reflèterait les difficultés des pouvoirs publics à résoudre ces
problèmes en grande partie liés aux questions de développement.
BIBLIOGRAPHIE
ALMEIDA, E.S.D., HADDAD, E.A., et HEWINGS, G.J.D. (2005). The spatial pattern
of crime in Minas Gerais: an exploratory analysis. Economia Aplicada, 9(1), 39-55.
ANDRESEN M.A. (2014) Environmental criminology: Evolution, theory and practice, Routledge,
New York.
ANSELIN L. (1995) Local indicators of spatial association - LISA, Geographical Analysis,
vol. 27, n°2, 93-115.
ANSELIN L., COHEN J., COOK D., GORR W., TITA G. (2000) Spatial analyzes of
crime, in D. Duffee (dir.) Criminal Justice, tome 4 : Measurement and Analysis of Crime
and Justice, Washington, DC, National Institute of Justice, 213-262
ASSUNÇÄO R., TAVARES A., CORREA T., et KULLDORFF M. (2007). Space‐time
cluster identification in point processes. Canadian Journal of Statistics, 35(1), 9-25.
BAUCHET P., DIEU E., SOREL O. (2011) Le système familial incestueux. Revue
européenne de psychologie, n°14.
BETTENCOURT L. M., LOBO J., STRUMSKY D., et WEST G. B. (2010). Urban
scaling and its deviations: Revealing the structure of wealth, innovation and crime
across cities. PloS one, vol. 5, n°11, 14-32.
BOTTOMS A., WILES P. (1992) Explanations of crime and place. Essays in
environmental criminology, in D. J. Evans, N. R. Fyfe and D. T. Herbert
(Eds), Crime, Policing and Place: Essays in Environmental Criminology, London,
Routledge, 11-35.
BOURDIN S. (2013) Une mesure spatiale locale de la sigma-convergence pour évaluer
les disparités régionales dans l'union européenne. Région et Développement, 1-18.
BRANTINGHAM P. J., BRANTINGHAM P. L. (dir.) (1981) Environmental criminology,
Beverly Hills, CA, Sage Publications.
BROWN B. B., BENTLEY D. L. (1993) Residential burglars judge risk: The role of
territoriality. Journal of Environmental Psychology, 13(1), 51-61.
BROWNING C. R., JACKSON A. L. (2013) The social ecology of public space: Active
streets and violent crime in urban neighborhoods, Criminology, 51(4), 1009-1043.
BURGESS E. W. (1925) The City. University of Chicago Press.
CHAINEY S. P. (2013) Examining the influence of cell size and bandwidth size on kernel
density estimation crime hotspot maps for predicting spatial patterns of crime, Bulletin
de la Société Géographique de Liège, n°60, 7-19.
CHAINEY S., et RATCLIFFE J. (2013) GIS and crime mapping. John Wiley et Sons, New-
York.
30 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
CHAMBERLAIN A. W., HIPP J. R. (2015) It’s all relative: Concentrated disadvantage
within and across neighborhoods and communities, and the consequences for
neighborhood crime, Journal of Criminal Justice, 43(6), 431-443.
CHARRON M. (2011) Caractéristiques des quartiers et répartition des crimes déclarés
par la Police dans la ville de Toronto, Statistique Canada, n° 85-561-M au catalogue,
n°18.
CHARRON M. (2009) Caractéristiques des quartiers et répartition des crimes déclarés
par la police dans la ville de Toronto, Statistique Canada, n° 85-561-M. au catalogue,
n°18.
COHEN L.E. et FELSON M. (1979) Social Change and Crime Rate Trends: A Routine
Activity Approach, American Sociological Review, vol. 44, n°4, 588-608.
CUNTY C. et al. (2007) Géocriminologie, quand la cartographie permet aux géographes
d’investir la criminologie, Cybergeo : European Journal of Geography
CURRY G. D., et SPERGEL I. A. (1988). Gang homicide, delinquency, and community.
Criminology, 26(3), 381-406.
CUSSON M. (1989) Les zones urbaines criminelles, Criminologie, vol. 22, No. 2 95- 105
CUSSON M. (1986) L’analyse stratégique et quelques développements récents en
criminologie, Criminologie, (10)1, 53-72.
CUSSON M. (1983) Contrôle social du crime, PUF, Paris, 89 p.
CUSSON M., DOUMBIA N. Y., YEBOUET H. (2017) Mille homicides en Afrique de l’Ouest
: Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger et Sénégal, Les Presses de l’Université de Montréal,
274 p.
DELUCHEY J.-F. (2003) De la « guerre contre le crime » au Brésil : culture autoritaire
et politiques publiques de la sécurité, Autrepart, (2), 173-186.
DE MELO S. N. D., ANDRESEN M. A., et MATIAS L. F. (2017) Geography of crime
in a Brazilian context: an application of social disorganization theory. Urban geography,
38(10), 1550-1572.
ECK J. E. et WEISBURD D. (1995) Crime and Place, Monsey, NY : Criminal Justice Press;
and Washington, DC, Police Executive Research Forum, 35-52.
ÉLIE D. (1994) Analyse spatiale et criminologie, Criminologie, 7-21.
FELSON M. (2006) Crime and nature, SAGE Publications, New-York.
FER S., MORELLE M., MANDJEK O.I. (2011) Se protéger à Yaoundé : des
productions de sécurité différenciées, Justice Spatiale/Spatial Justice, (4).
FITZGERALD R. (2004) Caractéristiques des quartiers et répartition de la criminalité à
Winnipeg, in séries de documents de recherche sur la criminalité et la justice, Centre canadien
de la statistique juridique, n°85-561-MIF au catalogue n°44.
FOUGÈRE D., KRAMARZ F., POUGET J. (2005) L’analyse économétrique de la
délinquance. Une synthèse de résultats récents, Revue française d’économie, 19(3), 3-55.
GRAIF C., GLADFELTER A.S., MATTHEWS S.A. (2014) Urban poverty and
neighborhood effects on crime: Incorporating spatial and network perspectives,
Sociology compass, 8(9), 1140-1155.
GUERRY M. (1833) Essai sur la statistique morale de la France, Paris, librairie Crochard.
HAGENAUER J., et HELBICH M. (2013) Hierarchical self-organizing maps for
clustering spatiotemporal data. International Journal of Geographical Information Science,
27(10), 2026-2042.
Les signatures spatiales de la criminalité dans les villes du Sud 31
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
KITCHEN P. (2006) Examen du lien entre criminalité et situation socioéconomique à
Ottawa et à Saokotown, analyse géographique à petite échelle, Documents de recherche
sur la criminalité et la justice, n° 85-561 au catalogue de Statistique Canada.
LEITNER M. (Ed.) (2013) Crime modeling and mapping using geospatial technologies, Springer
Science et Business Media, New-York.
LEITNER M., BARNETT M., KENT J., BARNETT T. (2011) The impact of Hurricane
Katrina on reported crimes in Louisiana: a spatial and temporal analysis, The
Professional Geographer, 63(2), 244-261.
LEONG K., SUNG A. (2015) A review of spatio-temporal pattern analysis approaches
on crime analysis, International E-journal of Criminal Sciences, 9, 1-33.
LEVINE N. (2006) Crime Mapping and the Crimestat Program, Geographical Analysis,
(38)1, 41-56.
LYNCH, M. J., BURNS, R. G., et STRETESKY, P. B. (2010). Global warming and state-
corporate crime: The politicalization of global warming under the Bush
administration. Crime, Law and Social Change, 54(3-4), 213-239. MALTZ M.,
GORDON A. C., FRIEDMAN W. (1991) Mapping crime in its community setting: Event
geography analysis, Michael Maltz ed., London
MCKENZIE R. (1924) The Ecological Approach to the Study of the Human
Community, American Journal of Sociology, (30)3, 287-301.
MESSNER, S. F., et ANSELIN, L. (2004). Spatial analyses of homicide with areal data.
Spatially integrated social science, 12, 127-144.
MORELLE M. et TADIE J. (2011) Pratiques de sécurité en ville : introduction, Justice
spatiale, n°4,1-10
OLIVEAU S. (2004) Modernisation villageoise et distance à la ville en Inde du Sud. Thèse de
géographie, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 289 pages.
PAPACHRISTOS A.V., SMITH C.M., SCHERER M.L., et FUGIERO M.A. (2011).
More coffee, less crime? The relationship between gentrification and neighborhood
crime rates in Chicago, 1991 to 2005. City et Community, 10(3), 215-240.
PUMAIN D. et SAINT JULIEN T. (1997) L'analyse spatiale (1) : Localisations dans l'espace,
Cursus-géographie, Armand-Colin, Paris, 167 p.
RATCLIFFE J. H. (2005). Detecting spatial movement of intra-region crime patterns
over time. Journal of Quantitative Criminology, 21(1), 103-123.
RIVELOIS J. (2008) Marges sociales et territoriales à Mérida (Mexique), Autrepart, (1),
15-27.
SAVOIE J., BEDARD F., COLLINS K. (2006) Caractéristiques des quartiers et
répartition de la criminalité sur l’île de Montréal, Canadian Centre for Justice Statistics,
Ottawa.
SHAW C., MCKAY H. D. (1942) Juvenile Delinquency and Urban Areas, Chicago, Univ. of
Chicago Press.
SHERMAN L. (1989) Hot Spots of Predatory Crime: Routine Activities and the
Criminology of Place, Criminology, (27), 27-55.
SIERRA A., et TADIE J. (2008). La ville face à ses marges, Introduction. Autrepart, n°45,
3-16.
SILVA B. F. A. (2014) Social disorganization and crime: Searching for the determinants
of crime at the community level, Latin American Research Review, 49(3), 218-230.
32 Sébastien BOURDIN et Wandji Bertrand CHANCELIER
Mondes en Développement Vol.47-2019/4-n°188
STEENBEEK W., WEISBURD D. (2016) Where the action is in crime? An examination
of variability of crime across different spatial units in The Hague, 2001-2009, Journal
of Quantitative Criminology, 32(3), 449-469.
SOULLEZ C. (2001) Lexique de la sécurité, criminalité internationale. PUF, 221 p.
THOMPSON S. K., GARTNER R. (2014) The spatial distribution and social context of
homicide in Toronto’s neighborhoods, Journal of research in crime and delinquency, 51(1),
88-118.
TROY A., GROVE J. M., O’NEIL-DUNNE J. (2012). The relationship between tree
canopy and crime rates across an urban-rural gradient in the greater Baltimore region,
Landscape and Urban Planning, 106(3), 262-270.
VÉRON J. (2008) Enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l’urbanisation
du monde, Mondes en développement, tome 36, n°142, 39-52.
VILLARREAL A., SILVA B. F. A. (2006) Social cohesion, criminal victimization and
perceived risk of crime in Brazilian neighborhoods, Social Forces, 84(3), 1725-1753.
WALLACE M. (2006) Neighbourhood Characteristics and the Distribution of Crime in
Regina. Crime and Justice Research Paper Series, Canadian Centre for Justice
Statistics, Catalogue n°85-561-MIE.
WANG F., HU Y., WANG S., LI X. (2017) Local indicator of colocation quotient with
a statistical significance test: examining spatial association of crime and facilities, The
Professional Geographer, 69(1), 22-31.
WEISBURD D., MORRIS N. A., GROFF E. R. (2009) Hot spots of juvenile crime: A
longitudinal study of arrest incidents at street segments in Seattle, Washington, Journal
of Quantitative Criminology, 25(4), 443.
WEISBURD D. (2004) Trajectories of crime at places: a longitudinal study of street
segments in the city of seattle, Criminology, (42)2, 283-322.
WILSON J. Q., KELLING G. L. (1982) Broken windows, Atlantic monthly, 249(3), 29-
38.