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Les questions actuelles en matière d'éthique de la
recherche et d’intégrité scientifique
La Commission Recherche de l’AEPU vous propose un bilan des évolutions de ces dernières
années en matière d’éthique de la recherche. Vous trouverez ci-dessous les références et
objets des textes les plus récents, mais également, dans une seconde partie, des éléments de
réflexion et des questions encore ouvertes concernant la recherche en psychologie.
De 2016 à 2019 : la législation en matière d’éthique de la recherche évolue.
• Arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités
conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat : il impose que
« chaque doctorant reçoive une formation à l’éthique de la recherche et à
l’intégrité scientifique » (art.3)
• Ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant
la personne humaine (RIPH): Les dispositions de l'article 11 de la loi du 5 mars
2012 sont abrogées (Loi Jardé).
• Décret n°2016-1537 du 16 novembre 2016 relatif aux recherches impliquant la
personne humaine (JORF n°0267 du 17 novembre 2016)
• Loi Jardé modifiée (publiée le 25 nov. 2016): Le texte modifié par le décret peut
être consulté, dans sa rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance
(http://www.legifrance.gouv.fr). Cette loi est dite de Protection des personnes
participants à des recherches impliquant la personne humaine (RIPH)
• Arrêté du 2 décembre 2016 fixant la liste des recherches mentionnées au 2° de
l'article L. 1121-1 du code de la santé publique. Version consolidée au 31
décembre 2016
• Décret no 2017-884 du 9 mai 2017 modifiant certaines dispositions
réglementaires relatives aux recherches impliquant la personne humaine. Il
définit les recherches impliquant la personne humaine au sens du texte de loi.
• Arrêté du 12 avril 2018 fixant la liste des recherches mentionnées au 2o de
l’article L. 1121-1 du code de la santé publique
• Arrêté du 21 décembre 2018 fixant le format du résumé du protocole d'une
recherche impliquant la personne humaine mentionnée au 3° de l'article L.
1121-1 du code de la santé publique, ne comportant que des questionnaires ou des
entretiens.
En parallèle à ces avancées législatives sur la RIPH, apparait une évolution du contexte
réglementaire en matière d’intégrité scientifique. Ainsi, en mars 2017, est créé l’Office
Français d’Intégrité scientifique (OFIS) en application des conclusions du rapport de
2
Pierre Corvol (2016). Publication de la lettre circulaire sur l’intégrité (NOR :
MENRI1705751C n°2017-040 du 15 mars 2017). Un vadémécum à destination des
Universités fait obligation de mettre en place :
• Une politique de l’intégrité scientifique incluant sensibilisation, formation, prévention
et contrôle concernant l’ensemble des métiers de la recherche et des personnels, quels
que soient leur statut et la nature de leurs activités
• Une procédure de traitement des cas de manquement à l’intégrité scientifique et des
sanctions
• De nommer un référent à l’intégrité scientifique
• D’adopter la charte de déontologie des métiers de la recherche par les Instances
La loi Jardé et les recherches en psychologie : rappels et éclaircissements
Au regard de la Loi Jardé modifiée (l’article L. 1121-1 du code de la santé publique), il existe
trois catégories de recherches impliquant la personne humaine (RIPH) c’est-à-dire de
recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des
connaissances biologiques ou médicales :
1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne
non justifiée par sa prise en charge habituelle ;
2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des
contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé,
après avis du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé ;
3° Les recherches non interventionnelles dans lesquelles tous les actes sont pratiqués
et les produits utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou
inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance.
Toutes ces recherches nécessitent l’aval d’un CPP pour pouvoir être menées. « Les
demandes d'avis sur les recherches mentionnées au 2° ou au 3° de l'article L. 1121-1 et les
demandes de modifications substantielles des recherches impliquant la personne humaine
font l'objet d'une procédure allégée d'évaluation par le comité de protection des personnes.
Dans ce cas, les demandes sont examinées par un comité restreint composé de deux
représentants de chacun des collèges mentionnés à l'article R. 1123-4 dont au moins une
personne qualifiée en raison de sa compétence en matière de biostatistique ou
d'épidémiologie et du président ou, à défaut, du vice-président…(..).. Ce comité se réunit y
compris au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle et rend son avis sur
rapport d'un des membres désignés par le président à la majorité simple des membres dans
un délai de quarante-cinq jours. »
3
Les Arrêtés publiés et mentionnés en introduction précisent les dispositions de la loi en ce qui
concerne les recherches mentionnées aux 2
ème
et 3
ème
alinéas de l’article L. 1121-1 du code de
la santé publique :
1. Parmi les recherches mentionnées au 2° de l'article L. 1121-1, sont citées les « Techniques de
psychothérapie et de thérapies cognitivo-comportementales », et les « Entretiens, questionnaires dont
les résultats, conformément au protocole, peuvent conduire à la modification de la prise en charge
habituelle du participant et ne relevant pas de ce fait de la recherche non interventionnelle »
2. Parmi les recherches mentionnées au 3° de l'article L. 1121-1, sont citées en 4. les Recueil par
capteurs extra-corporels non invasifs, notamment: a) Conditions générales et environnementales: – ces
techniques ne comportent pas de franchissement de la barrière cutanée ou muqueuse et sont réalisées
conformément aux recommandations du fabriquant des appareils utilisés ou de la notice d’utilisation
lorsqu’il s’agit de dispositifs médicaux; – le recueil peut être fait, selon le protocole de la recherche,
après un exercice musculaire modéré, ou d’autres activités habituelles de la vie quotidienne, lors
d’investigations sensorielles ou sensorimotrices, dans des conditions de modification de
l’environnement, dans un environnement virtuel ou un simulateur; – les mesures peuvent être faites en
ambulatoire. b) Techniques de recueil: – enregistrements et mesures électriques ou électro-
magnétiques et optiques, notamment par tensiométrie, électrocardiogramme (ECG),
électroencéphalogramme (EEG) (notamment neurofeedback), polysomnographie, électromyogramme
(EMG), magnétoencéphalographie (MEG), magnéto-cardiographie, spectroscopie, notamment en
proche infra-rouge (NIRS), électro-oculographie, échographie externe; – mesures transcutanées,
(oxymétrie); – capteurs de force, capteurs de mouvement ou d’amplitude articulaire; – mesures par
bioimpédancemétrie, calorimétrie indirecte; – doppler, débitmètrie. 5o Enregistrements audio, vidéo,
photographiques hors imagerie médicale. 6o Recueil de données électrophysiologiques sur matériel
implanté ou en cours d’implantation pour le soin. 7o Mesures anthropométriques sans intervention
invasive. 8o Entretiens, observations, tests et questionnaires qui ne peuvent mettre en jeu la sécurité de
la personne ou conduire à la modification de sa prise en charge habituelle et dont les contraintes et
inconvénients apportés à la personne qui se prête à la recherche sont négligeables.
3. Enfin, l’Arrêté du 21 décembre 2018 apporte des précisions sur les recherches ne comportant
que des questionnaires ou des entretiens.
Selon une première interprétation, tous les travaux portant sur la personne humaine devraient
recevoir l’approbation d’un CPP avant leur réalisation donc la plupart des travaux conduits en
psychologie...
Néanmoins il est précisé dans le texte princeps « Il existe trois catégories de recherches
impliquant la personne humaine c’est-à-dire de recherches organisées et pratiquées sur l'être
humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales ». En outre, le
décret du 9 mai 2017 précise le champ des recherches impliquant la personne humaine
soumises à l’avis des comités de protection des personnes :
« Art. R. 1121-1. – I. – Sont des recherches impliquant la personne humaine au sens du présent
titre les recherches organisées et pratiquées sur des personnes volontaires saines ou malades, en
vue du développement des connaissances biologiques ou médicales qui visent à évaluer: «1
o
Les
mécanismes de fonctionnement de l’organisme humain, normal ou pathologique; «2
o
L’efficacité et
la sécurité de la réalisation d’actes ou de l’utilisation ou de l’administration de produits dans un but
de diagnostic, de traitement ou de prévention d’états pathologiques.
«II. – 1
o
Ne sont pas des recherches impliquant la personne humaine au sens du présent titre les
recherches qui, bien qu’organisées et pratiquées sur des personnes saines ou malades, n’ont pas
4
pour finalités celles mentionnées au I, et qui visent: «a) Pour les produits cosmétiques,
conformément à leur définition mentionnée à l’article L.5131-1, à évaluer leur capacité à nettoyer,
parfumer, modifier l’aspect, protéger, maintenir en bon état le corps humain ou corriger les odeurs
corporelles; «b) A effectuer des enquêtes de satisfaction du consommateur pour des produits
cosmétiques ou alimentaires; «c) A effectuer toute autre enquête de satisfaction auprès des
patients; «d) A réaliser des expérimentations en sciences humaines et sociales dans le domaine de
la santé. «2
o
Ne sont pas des recherches impliquant la personne humaine au sens du présent titre les
recherches qui ne sont pas organisées ni pratiquées sur des personnes saines ou malades et n’ont
pas pour finalités celles mentionnées au I, et qui visent à évaluer des modalités d’exercice des
professionnels de santé ou des pratiques d’enseignement dans le domaine de la santé. «3
o
Ne sont
pas des recherches impliquant la personne humaine au sens du présent titre les recherches ayant
une finalité d’intérêt public de recherche, d’étude ou d’évaluation dans le domaine de la santé
conduites exclusivement à partir de l’exploitation de traitement de données à caractère personnel
mentionnées au I de l’article 54 de la loi n
o
78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés et qui relèvent de la compétence du comité d’expertise
pour les recherches, les études et les évaluations prévu au 2
o
du II du même article.»
La question qui perdure est bien celle de savoir si les travaux conduits en psychologie sont
pratiqués en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales. Certains très
probablement mais pas tous. La méthodologie adoptée dans les recherches conduites sur l’être
humain ne doit donc pas constituer un critère suffisant pour orienter une recherche vers un
CPP, les objectifs de cette recherche sont à prendre en considération. Au-delà des méthodes
d’investigation, il existe très peu voire aucun élément concernant les populations impliquées
dans ces recherches en dehors de la différenciation malades/volontaires sains. Qu’en est-il
pour les personnes en situation de handicap ? En d’autres termes, une recherche sur la
scolarisation inclusive d’enfants avec autisme doit-elle recevoir l’approbation d’un CPP avant
sa mise en œuvre ? Elle ne fait pas avancer les connaissances biologiques ou médicales, elle
ne concerne pas des personnes « malades » mais « en situation de handicap ». Les résultats de
l’étude peuvent néanmoins conduire à une modification de la prise en charge (ajustement des
pratiques pédagogiques en fonction des particularités fonctionnelles de cette population)…
Cette recherche entre-t-elle dans la catégorie 2 de l’Arrêté du 2 décembre 2016
« Entretiens,
questionnaires dont les résultats, conformément au protocole, peuvent conduire à la
modification de la prise en charge habituelle du participant et ne relevant pas de ce fait de la
recherche non interventionnelle » ?
Des zones de flou apparaissent dans ces différents textes législatifs en particulier pour
qualifier bon nombre de travaux de recherche en psychologie. Ces zones de flou introduisent
des possibilités d’interprétation différentes selon les équipes de recherches, les lieux de
recueil de données, les chercheurs, et conduisent à des pratiques variables en matière de
saisine pour obtenir l’approbation éthique d’un protocole de recherche, approbation de plus en
plus souvent exigée pour les publications ou (et) l’obtention des financements. Quelle
structure peut évaluer ces projets et attester de leur respect des règles éthiques quand ils ne
concernent pas les domaines biologiques ou médicaux ? Un CPP ou un CER (comité
d’éthique de la recherche) ?
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Le 3 septembre 2018, les Comités d’éthique de la recherche (CER) se sont associés en une
Fédération : « la Fédération des Comités d’Ethique de la Recherche Institutionnels ».
Parmi les missions qu’elle se donne, il y a notamment celle d’établir des critères non ambigus
d’orientation des demandes d’avis éthique, vers un CPP ou un CER, en respectant les décrets
d’application de la Loi Jardé. Cette Fédération réunit aujourd’hui une douzaine de CER. Tous
les CER peuvent demander à adhérer à cette fédération.
Autre constat, actuellement en France très peu de CER, membres de la Fédération, ont un
numéro d’IRB (Institutional Review Board). Il serait utile pour valider l’existence du CER au
niveau international et pour renforcer l’engagement de l’institution. Un IRB peut rendre des
avis éthiques sur des recherches qui seraient qualifiées de Recherches Impliquant la Personne
Humaine en France et se déroulant hors d’Europe si le promoteur est en France. Un avis
éthique local est cependant toujours recherché. Viser l’obtention d’un numéro d’IRB serait
probablement un label de qualité qui établirait les CER.
L’AEPU, et notamment la commission recherche, suit avec beaucoup d’attention et d’intérêt
les travaux de la fédération des CER et participe aux échanges dès que l’opportunité lui en est
donnée. Elle se tient à votre disposition pour toute question ou conseil relatif à vos protocoles
de recherche.
Pascale Planche et Marianne Jover
Commission Recherche de l'AEPU