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Gygax, P., Gabriel, U. & Zufferey, S. (2019). Le masculin et ses multiples sens :
Un problme pour notre cerveau... et notre socit. Savoirs en Prisme, 10, e-publication
Le masculin et ses multiples sens :
Un problème pour notre cerveau… et notre société
Pascal Gygax
Université de Fribourg, Suisse
Ute Gabriel
Norwegian University of Science and Technology, Trondheim, Norvège
Sandrine Zufferey
Université de Berne, Suisse
2
Résumé
L’utilisation dite générique de la forme grammaticale masculine en français et plus
généralement dans les langues indo-européennes, comme par exemple le terme les étudiants
pour désigner un groupe mixte, dénote une forme certaine d’androcentrisme. Tout d’abord,
elle nous contraint à percevoir le monde au travers d’un prisme masculin. Ensuite, elle induit
des représentations mentales biaisées, favorables aux hommes. Finalement, elle représente
une asymétrie linguistique profonde, du fait que la forme masculine est associée à plusieurs
sens possibles, alors que la forme fminine n’en a qu’un seul. Dans cet article, nous nous
pencherons tout d’abord sur ces diffrents aspects, en tayant nos propos par des recherches
récentes en psychologie du langage. Nous examinerons ensuite diffrentes formes d’criture
développées dans le but de pallier la domination du masculin, en questionnant leur potentiel
inclusif, à la fois en termes de femmes et d’hommes mais également en termes de genre non-
binaire.
Mots-clés : androcentrisme, langue, langage inclusif, épicène, féminisation du langage
Abstract
The so-called generic usage of the masculine in French, or more generally in Indo-European
languages, as in les étudiants [the studentsmasculine form] denotes a certain form of
androcentrism. First, it forces us to perceive the world through a masculine prism. Then, it
generates male biased representations, favorable to men. Finally, it represents a profound
linguistic asymmetry, as the masculine form is associated to many meanings, whereas the
feminine form has only one meaning. In this article, we will address these issues, and
illustrate our arguments with recent research in the psychology of language. We will then
discuss different linguistic forms aimed at countering the use of the dominant masculine form,
question their potential inclusiveness, in terms of women and men but also in terms of non-
binary gender.
Keywords: androcentrism, language, gender-fair language, epicene, language feminization
3
Introduction
Le langage est souvent considéré comme le miroir de notre société. Il n’en est pourtant
pas qu’un simple reflet, car il joue galement un rôle de catalyseur important pour notre
manière de concevoir le monde. L’anthropologue Edward Sapir et son étudiant Benjamin Lee
Whorf proposaient déjà dans la première moitié du 20ème siècle l’ide selon laquelle notre
langue détermine notre manière de penser. Cette idée est connue sous le nom de relativisme
linguistique, et peut se résumer comme suit : notre système langagier biaise – ou influence –
notre catégorisation conceptuelle en nous forçant à prêter attention à certains éléments qui
nous entourent. Cette idée a suscité un énorme intérêt au-delà même de la communauté
scientifique, mais elle a également fait l’objet de vives critiques, notamment liées au fait qu’il
semble peu probable que des processus cognitifs de bas niveau comme la perception des
couleurs soient déterminés par le langage (voir Lucy, 1997, pour une discussion des
problèmes méthodologiques liés au relativisme linguistique et McWhorter, 2016 pour une
critique plus générale de cette théorie).
D’autres approches plus modérées, visant également à comprendre le lien entre
langage et pensée, ont été proposées par la suite. L’une d’elles, dveloppe par Dan Slobin
(1996, 2003), offre une perspective particulièrement adaptée à la question qui nous occupe, à
savoir l’influence de l’encodage du genre sur les reprsentations que nous nous en faisons. Sa
théorie, connue sous le nom de thinking-for-speaking hypothesis, stipule tout d’abord que le
langage est un dispositif nous permettant d’encoder, de manire conceptuelle, notre
environnement (au sens large du terme). Du fait que cette conceptualisation du monde passe
principalement par le langage, ce dernier attire inévitablement notre attention vers certaines
propriétés de notre environnement. Le point intéressant pour la problématique qui nous
intresse est l’observation selon laquelle le langage nous conduit souvent à accentuer des
différences qui ne sont pas pertinentes pour comprendre le monde.
Les travaux de Parzuchowski, Boçian et Gygax (2016) sur la forme diminutive
polonaise -ska, qui signifie littéralement petit, illustrent bien l’ide de Slobin (1996, 2003).
Dans leur travaux, Parzuchowski et al. (2016) montrent que les personnes ayant reçu une
pièce de monnaie qui leur est présentée avec le diminutif -ska (en français, cette dénomination
correspondrait grosse modo au terme piécette) sont moins contentes trois minutes plus tard
que celles ayant reçu cette même pièce, mais présentée sans le diminutif. Pour les auteurs,
cette diffrence s’explique par le fait que l’usage du diminutif a attir l’attention des
4
personnes ayant reçu la pièce sur sa faible valeur et les a inconsciemment conduites à la
dévaloriser (selon une vision culturelle du type plus grand, c’est mieux).
Dans cette perspective, la marque grammaticale du genre constitue également un cas
intéressant. Par définition, elle nous force constamment à activer le genre
1
masculin ou
féminin, même lorsque celui-ci n’est pas pertinent pour comprendre un propos. Par exemple,
dans les phrases La chirurgienne a réussi ses examens et Le chirurgien a réussi ses examens,
la marque grammaticale du genre attire inévitablement notre attention sur le genre des
personnes dont il est question. Pourtant, dans ces deux phrases, il est inutile de connaître le
genre des personnes mentionnées pour comprendre qu’elles ont russi leurs examens. De
nombreuses études montrent que nous incorporons de manière spontanée le genre dans notre
représentation mentale du discours, sans effort cognitif particulier (p.ex. Garnham, Oakhill, &
Reynolds, 2002; Lassonde, 2015; Kennison & Trofe, 2003; Kreiner, Sturt, & Garrod, 2008;
Pyykkönen, Hyönä, & van Gompel, 2010, Reynolds, Garnham, & Oakhill, 2006).
La catégorisation linguistique du genre dans de nombreuses langues comme le
français pose un autre problème. Si le genre dans la phrase La chirurgienne a réussi ses
examens est indiscutablement associé à une femme du fait que la marque grammaticale
féminine se réfère exclusivement au genre féminin, la marque grammaticale masculine est au
contraire ambiguë. Formellement, la marque grammaticale masculine peut soit se référer
exclusivement au genre masculin – c’est le sens dit spécifique – mais elle peut aussi se référer
à un groupe mixte, à une personne ou un groupe neutre, ou encore à une personne ou un
groupe dont le genre n’importe pas. Il s’agit dans tous ces cas de figure du sens dit générique
du masculin. Ce sens générique se décline lui-même en plusieurs sous-sens. Par exemple, la
notion de groupe mixte peut servir à désigner un groupe composé pour moitié de femmes et
pour moiti d’hommes, un groupe compos d’un homme et d’une majorité de femmes, d’une
femme et d’une majorit d’hommes, etc. Même si l’on ne fait pas de distinction fine entre ces
sous-sens (comme c’est le cas dans la majorité des études), le point important est que le genre
masculin est de toute façon ambigu entre deux lectures : générique et spécifique. Dès lors,
cette ambiguïté va indéniablement poser un problème à notre cerveau, qui doit constamment
choisir le sens le plus pertinent, en fonction du contexte. Selon le modèle d’activation-
sélection pour la résolution des ambiguïtés ou activation-selection model of ambiguity
1
Par le terme genre, nous nous référons principalement à l’injonction normative visant à catégoriser les humains
en femmes et hommes, mais nous discuterons également plus bas de la catégorie du genre dans sa continuité.
5
resolution (Gorfein, 2001; Gorfein, Brown & DeBiasi, 2007), ce choix se fait de manière
relativement automatique, ce qui implique qu’il chappe à notre contrôle conscient. Il dépend
des attributs lis aux diffrents sens d’un mot ou d’une structure grammaticale, ainsi qu’à leur
pondération. Par pondration, nous entendons leur force d’activation, liée notamment à leur
frquence d’usage dans la langue.
La résolution de l’ambiguïté du masculin
A notre connaissance, toutes les tudes sur la rsolution de l’ambiguït smantique
liée à la marque grammaticale masculine (pour des revues de la littérature sur le sujet, voir
notamment Gabriel & Gygax, 2016; Sato, Öttl, Gabriel, & Gygax, 2017; Stahlberg, Braun,
Irmen & Sczesny, 2007) arrivent à une même conclusion : sans un contexte fort (voire très
fort), le sens dominant qui est toujours activé à la lecture du genre masculin est le sens
spécifique, dans lequel le genre masculin réfère majoritairement aux hommes. Fait
relativement étonnant en psychologie, il n’existe pratiquement aucune controverse là-dessus.
Même lorsque l’instruction donne indique d’activer explicitement le sens gnrique du
masculin, le sens spécifique est impossible à inhiber, et celui-ci prcde même l’activation du
sens générique (Gygax, Gabriel, Lévy, Pool, Grivel, & Pedrazzini, 2012). Ce résultat est
concordant avec l’observation selon laquelle le sens spcifique du genre masculin est le
premier à être enseigné aux enfants (Gygax, Gabriel, Sarrasin, Oakhill & Garnham, 2009), ce
qui le rend plus familier et donc plus saillant dans leur esprit. En reprenant l’hypothse
Thinking-for-speaking de Slobin (1996, 2003), nous pouvons ainsi conclure que la forme
grammaticale masculine attire invariablement notre attention vers le fait que la personne ou le
groupe désigné par un masculin fait référence à un homme ou un garçon, ou encore à un
groupe essentiellement constitu d’hommes ou de garçons. Et ceci indpendamment de
l’intention de la personne qui s’exprime, qui souhaiterait peut-être utiliser la forme masculine
pour désigner un groupe mixte ou neutre. Ainsi, il est impossible en français d’éviter que les
destinataires d’un discours au masculin ne se forment une représentation mentale
essentiellement constitue d’hommes.
Les implications cognitives et sociales de ce biais linguistique sont nombreuses, et
elles sont toutes associées au prisme androcentrique de notre société. Par prisme
androcentrique, nous entendons la propension à considérer les hommes comme étant la norme
de notre espèce (Bem, 1993), et par conséquent à centrer notre vision du monde sur eux. Ce
regard, déformant, est fortement nourri par l’utilisation de la forme masculine comme valeur
6
générique (Gabriel, Gygax & Kuhn, 2018). Par exemple, nous pensons qu’il y a moins de
femmes dans certains métiers lorsque ceux-ci nous sont présentés uniquement au masculin
(par ex. Gabriel et al., 2008; Horvath, Merkel, Maass & Sczesny, 2015). Même pour des
métiers qui ne sont pas stéréotypés du point de vue du genre, comme les musiciens, les
enfants pensent tout de même que les hommes ont plus de chance d’y réussir que les femmes
lorsque ceux-ci ne leur sont présentés qu’au masculin (p.ex. Vervecken et al., 2016). Ces
effets se rpercutent sur l’identit sociale des enfants, en les forçant non seulement à
constamment activer le genre, mais en plus à l’activer d’une manire qui les dirige vers des
représentations biaisées (Gabriel & Gygax, 2016). Par exemple, en étant exposée à un groupe
ou un métier présenté au masculin, une fille va questionner sa légitimité au sein de ce groupe,
ou même sa lgitimit à exercer ce mtier. Son sentiment d’appartenance va en être altré,
influençant ainsi ses motivations à réussir au sein du groupe ou dans le métier en question
(Walton & Cohen, 2007).
Notons tout de même que l’utilisation de la forme grammaticale masculine comme
valeur gnrique n’est pas le seul facteur gnrant un prisme androcentrique par le biais du
langage. D’autres asymtries, comme l’utilisation de termes comme mademoiselle, impliquant
une diffrenciation entre une femme marie et une femme qui ne l’est pas (alors que cette
diffrenciation n’est jamais faite pour un homme) participent également activement à ce
prisme. Nous discuterons plus bas d’autres asymtries lies à l’encodage linguistique.
Afin d’viter les biais lis à l’utilisation du masculin, différentes stratégies
linguistiques de féminisation ou de neutralisation ont été proposées. Ces stratégies offrent des
avantages certains, mais demandent également une certaine vigilance. Nous présenterons ces
stratégies tour à tour dans les sections suivantes, ainsi que les études empiriques en
psychologie du langage qui se sont penchées sur leurs effets, tout en gardant un regard
critique quant à leurs possibles évolutions.
Stratégies de féminisation
La féminisation
2
désigne habituellement le fait de rendre explicite la présence possible
de femmes (ou de filles) dans un groupe. Par exemple, au lieu de parler des chirurgiens, la
féminisation consiste à utiliser des doublons (ou des formes dites pairées) comme des
chirurgiennes et/ou des chirurgiens. De nombreuses études ont montré que cette forme a le
2
Comme le dit Eliane Viennot (2014), nous devrions plutôt parler de démasculinisation, tant les changements
opérés au fil des siècles en français (mais dans d’autres langues également) visaient à masculiniser la langue,
principalement pour signaler aux femmes que certains métiers ne leur étaient pas accessibles.
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mérite certain d’augmenter la visibilit des femmes dans la socit, c’est-à-dire d’augmenter
la présence perçue de femmes dans les groupes, que ce soit pour des adultes (p.ex. Braun,
Gottburgsen, Sczesny & Stahlberg, 1998, en allemand; Gabriel, 2008, en norvégien) ou pour
les enfants (Chatard, Guimond, & Martinot, 2005, en français).
Cette stratégie soulève tout de même quelques questions. Premièrement, elle impose
un choix li à l’ordre de mention. Devons-nous nommer les femmes ou les hommes en
premier ? Si cette question peut paraître anodine, elle est en fait essentielle, car nos
représentations des binômes sont liées à des facteurs sémantiques (par ex., Hegarty, Mollin, &
Foels, 2016). Par exemple, nous mentionnons toujours la personne la plus âgée en premier
lorsque l’âge est un facteur central dans la dsignation d’un binôme, comme dans les
expressions père et fils ou mère et fille. Pour le genre, l’androcentrisme discut prcédemment
nous impose un ordre social hiérarchique qui consiste à placer les hommes en premier. Les
exemples sont nombreux, comme dans les binômes mari et femme, Adam et Eve, Monsieur et
Madame Untel ou encore dans des expressions telles que les différences entre hommes et
femmes
3
, et nous montrent à quel point le langage non seulement reflète les rapports sociaux,
mais les nourrit également. En nommant constamment les hommes en premier, nous
contribuons à appuyer leur position dominante et renforçons un modèle sociétal
androcentrique et patriarcal (c.à.d. une société dans laquelle les femmes ont un statut plus bas
et contrôlent moins de ressources que les hommes, selon Eagly & Wood, 1999, par exemple).
Cet effet d’ordre de mention a pour corollaire que lorsque l’ordre habituel est invers et les
femmes sont nommées en premier, comme dans les mécaniciennes et les mécaniciens, nous
nous représentons plus de femmes dans ces activités (p.ex. Gabriel, Gygax, Sarrasin,
Garnham, & Oakhill, 2008) et nous les percevons comme plus centrales dans le discours
(p.ex. Kesebir, 2017).
La solution des doublons implique également d’utiliser une forme fminine, ce qui
induit des difficultés, car les formes féminines pour un certain nombre de métiers de prestige
comme docteur, professeur ou ministre
4
ont été pendant plusieurs siècles supprimées de
certaines langues comme le français. Ainsi, une objection souvent mentionnée contre
l’utilisation de noms d’activits ou de métiers au féminin est que l’usage du fminin peut être
perçu comme dévalorisant. Par exemple, une femme désignée comme étant une ministre
3
Voir Hegarty et al. (2016) pour le seul contre-exemple : Mesdames et messieurs.
4
Burnett & Bonami (2018) présente un argumentaire fascinant sur Madame le/la ministre
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plutôt qu’un ministre pourrait être perçue comme moins importante (voir Chatard et al., 2005
pour une discussion de la notion de prestige). Cette critique est elle-même l’cho d’un
système patriarcal qui place les hommes dans une situation dominante et voit ainsi les formes
féminines comme étant moins prestigieuses.
Les données scientifiques sur la perception des formes féminines offrent des résultats
controversés. D’un côt, Vervecken et al. (2015) montrent que pour des enfants francophones
entre 12 et 17 ans, la perception des métiers en termes de difficulté (physique et mentale), de
salaire et d’importance ne dpend pas de la forme linguistique utilise pour les présenter, en
d’autres termes le fait de les introduire comme les physiciennes et les physiciens ou
simplement les physiciens. A contrario, Vervecken et Hannover (2015) ont trouvé que des
enfants hollandais de 10 ans perçoivent une baisse du statut social lorsque les métiers sont
présentés sous forme de doublons, tout en montrant que les filles et les garçons se sentent plus
capables d’entreprendre des mtiers prsents sous cette forme. L’effet ngatif des doublons a
également été trouvé chez des adultes allemands et italiens par Horvath, Merkel, Maass et
Sczesny (2015). En effet, ces adultes activent certaines associations dénigrantes lorsque les
métiers sont présentés sous forme de doublons, particulièrement pour les métiers stéréotypés
féminins. Formanowicz, Cislak, Horvath et Sczesny (2015) suggèrent que cet effet pourrait
simplement être lié à la frquence d’usage de ces termes. En effet, ces associations ngatives
pourraient être liées à la faible frquence d’utilisation des formes féminines et des doublons.
Dans les pays où les formes inclusives existent depuis plus de trois décennies comme par
exemple l’Autriche, celles-ci ne sont plus – ou presque plus – connotées négativement. Ainsi,
refuser de féminiser des noms de métier pour ne pas dévaloriser les femmes en revient à
perptuer les ingalits en refusant d’ajuster la langue à l’volution des mœurs. C’est un
cercle vicieux qu’il convient de briser afin de faire voluer l’usage et faire ainsi
progressivement disparaître les connotations négatives dues au manque de familiarité avec ces
termes.
Un troisime argument souvent invoqu contre l’utilisation de doublons est leur
manque d’esthtisme et leur lourdeur, ou plus globalement la charge cognitive qu’ils
imposent. Si les notions d’esthtisme et de lourdeur sont difficilement quantifiables, elles sont
indéniablement liées aux habitudes de lecture. Gygax et Gesto (2007) ont ainsi montré que
dans un texte, la vitesse de lecture – prise comme signal de la difficulté à traiter les
informations présentes dans le texte – redevenait normale djà à la troisime occurrence d’un
9
doublon. Ces formes ne posent ainsi à terme pas de difficulté pour la lecture. Les raisons d’un
ralentissement à la premire occurrence d’un doublon ne sont en revanche pas claires. Il
pourrait être li à un effet de surprise, ou au fait que la construction d’une reprsentation plus
riche (c.à.d. pas uniquement masculine) demande plus de ressources cognitives. En tous les
cas, cette étude indique que la présence de doublons ne semble pas porter préjudice à la
lisibilit d’un texte dans son ensemble.
Une dernière critique formule à l’encontre de l’usage de doublons, cette fois-ci du
point de vue de la dfense de l’galit entre les genres, porte sur la représentation binaire du
genre qu’ils impliquent (Gabriel & Gygax, 2016). En effet, si l’utilisation de doublon semble
être un moyen efficace pour augmenter la visibilité des femmes, il attire également notre
attention sur la binarité du genre femmes-hommes, qui ne correspond plus du tout à notre
société. Le genre – tout comme le sexe (Hegarty, Ansara, & Barker, 2018) – est un
continuum, et si les catégories femmes et hommes peuvent être considérées comme des pôles,
elles ne peuvent et ne doivent pas être considérées comme les seules catégories existantes.
D’autres formes de langage inclusif comme la neutralisation, que nous discutons dans la
section suivante, échappent à cette dernière critique, et par définition, se rapprochent
probablement plus de ce que l’on pourrait appeler le langage inclusif.
Stratégies de neutralisation
La notion de neutralisation est relativement complexe, tant elle se réfère à des
formulations différentes, selon les contraintes imposées par les différentes langues. De
manière générale, elle constitue une manière de ne pas expliciter la composition du groupe, ou
la personne, en termes de genre. Dans certains cas, comme en allemand, la neutralisation
désigne l’utilisation d’un troisime genre grammatical, la forme neutre, comme dans das Kind
(l’enfant). Dans d’autres cas, la neutralisation désigne l’utilisation d’épicènes, termes qui se
rapportent aussi bien aux femmes, aux hommes et à toute personne, quelle que soit son
identité de genre. Le terme une personne en est un parfait exemple. Notons tout de même que
dans une société androcentrique comme la nôtre, certains épicènes comme humain
(Wyrobková, Gygax, & Macek, 2015) ont tendance à être interprétés comme étant plutôt
masculins. Notons également que certains mots épicènes comme poète ne l’ont pas toujours
été, car pendant plusieurs siècles, la forme féminine poétesse a été utilisée sans sa connotation
négative actuelle.
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La neutralisation désigne également le fait d’utiliser un mot désignant un groupe pour
viter d’expliciter sa composition exacte en termes de genre. Par exemple, on peut préférer la
formulation la population migrante à l’utilisation du doublon les migrantes et migrants.
Même si le sens exact de ces deux formulations n’est pas tout à fait le même, cette différence
n’est souvent pas problmatique. Toutefois, ce type de formulation n’a à notre connaissance
reçu aucune attention en psychologie du langage, contrairement à trois autres stratégies de
neutralisation utilises dans d’autres langues et que nous allons maintenir décrire, à savoir la
nominalisation en allemand (p.ex. Sato, Gygax, & Gabriel, 2016), la disparition de toutes les
formes féminines en norvégien (p.ex. Gabriel & Gygax, 2008; Gabriel, Behne, & Gygax,
2017), et l’apparition de pronoms neutres en sudois (p.ex. Gustafsson-Sendén, Bäck &
Lindqvist, 2015).
Dans leur étude sur l’allemand, Sato et al. (2016) ont testé la manière dont les formes
nominalisées plurielles drives d’adjectifs et de participes passs, comme par exemple die
Studierenden (littéralement les personnes en train d’étudier) étaient représentées en termes de
genre. Pour ce faire, des paires de mots constituées d’un mot reprsentant une personne dont
le genre était connu (p.ex. une sœur) et d’un nom de rôle au masculin pluriel ou nominalis
(p.ex. die Studentenmasculin/die Studierendenominalisé) étaient présentées. Les participantes et
participants devaient simplement décider, pour chaque paire, si la personne représentée par le
premier mot pouvait faire partie d’un groupe reprsent par le deuxime. Par exemple : Est-ce
qu’une sœur peut faire partie d’un groupe d’étudiants/de personnes en train d’étudier ? Les
résultats montrent que lorsque le nom de rôle est au masculin, un terme servant à désigner une
femme est plus difficile à lui associer. Par contre, lorsque le terme est sous sa forme
nominalisée, cette difficult n’apparaît pas : les termes désignant des femmes sont aussi
faciles à associer aux noms de rôles que ceux désignant des hommes. La nominalisation en
allemand semble donc constituer une stratégie de neutralisation efficace, mais son utilisation
ne peut s’appliquer qu’aux noms de rôles drivs de verbes ou d’adjectifs.
La Norvège a quant à elle tenté dès les années 1980 de neutraliser la forme
grammaticale masculine en supprimant les marques grammaticales féminines (Norsk
Språkråd, 1997). L’ide tait relativement simple : si la forme fminine n’existe plus, la forme
masculine devient la forme unique, la rendant ainsi neutre. Cette réforme pourrait paraître de
prime abord drastique et dirigée contre les femmes en les rendant linguistiquement invisibles
(comme l’a souhait l’Acadmie française au 17ème siècle pour le français). Pourtant,
11
l’intention tait clairement égalitaire, et cette réforme linguistique a d’ailleurs été
accompagne par d’autres mesures de promotion de l’égalité entre femmes et hommes.
Gabriel et Gygax (2008) ainsi que Gabriel et al. (2017) ont voulu tester les effets d’un tel
changement linguistique, plus de 20 ans après son introduction. Dans ces deux études, lorsque
des noms de rôles stéréotypés féminins comme par exemple Sjukepleierne (infirmiers) étaient
présentés, les reprsentations mentales qu’ils gnraient taient fminines en dépit de la forme
grammaticale masculine. Pour les noms de rôles stéréotypés masculins comme Statistikerne
(statisticiens), les reprsentations mentales qu’ils gnraient taient masculines. Par contre,
les représentations mentales des noms de rôle sans stéréotypes comme Musikerne (musiciens)
étaient essentiellement masculines, signalant ainsi un effet persistant et masculinisant de la
forme grammaticale masculine. Il est difficile de juger du temps nécessaire pour qu’une
réforme puisse éradiquer complétement le sens spécifique du masculin, si tant est que cela
soit possible. L’effet de la rforme norvégienne a sans doute été d’autant plus limit que la
forme grammaticale féminine existe toujours dans certaines variantes dialectales de cette
langue. Ainsi, l’radication du fminin sur le modle norvgien offre pour le moment des
résultats mitigés.
Une dernière option de neutralisation, proposée relativement timidement dans les
années 1960 en Suède, est le pronom neutre hen dérivé du finnois et complétant les pronoms
suédois hon (elle) et han (il). Ce pronom a été réintroduit par Jesper Lundqvist dans un livre
pour enfant en 2012. Gustafsson-Senden et al. (2015) retracent l’volution de ce nouveau
pronom neutre de 2012 à 2015, notamment son niveau d’acceptation par les autorités
suédoises, ainsi que par la population suédoise en général. Leurs résultats indiquent que si ce
pronom était initialement critiqué en 2012 – une partie de la population pensait qu’il poserait
des problmes d’identit de genre aux enfants – et était associé à des attitudes plutôt
négatives, il était devenu plus largement accepté en 2015, et était associé à des attitudes très
positives. Notons qu’en français, comme le relate Elmiger (2017), certaines communautés
(p.ex. LGBT QI+) ont commencé à utiliser de nouvelles formes de pronoms neutres comme
iel/iels au lieu de il ou elle/ils ou elles afin de s’affranchir des formes genrées actuelles. A
notre connaissance, personne n’a encore tudi la perception de ces nouvelles formes en
français.
La féminisation : une question de société
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Comme nous venons de le voir, les stratégies de féminisation (ou de
démasculinisation) et de neutralisation du langage sont relativement nombreuses, innovantes
et offrent des possibilités de langage inclusif intéressantes. Pourtant, elles se heurtent encore à
des barrières sociétales importantes. Certaines d’entre elles ont même fait l’objet d’tudes en
psychologie. Nous relatons dans cette section quelques résultats et observations intéressantes
qui en découlent.
Notons tout d’abord que dans la communauté francophone, et particulièrement en
France, de nombreuses voix s’lvent encore contre la féminisation dans le but déclaré de
protéger le français. Cette attitude repose sur une vision historiquement erronée de la langue
(voir par exemple Cerquiglini 2018 pour un exposé complet de cette question). En effet,
jusqu’au 17ème siècle, certaines formes dites inclusives comme les doublons étaient
couramment utilisées (voir p. ex. Viennot, 2014; Moreau, 1999) et certaines règles
grammaticales comme l’accord de proximité (qui s’oppose à l’accord au masculin par dfaut
utilisé dans le français moderne) existaient encore. La masculinisation du français, et
notamment la disparition de termes féminins comme autrice et les changements de règles
grammaticales visant à asseoir la forme grammaticale masculine comme dominante, a été
introduite par certains grammairiens et appuye par l’Acadmie française dès le 17ème siècle.
A cette époque, la masculinisation du langage ne faisait pourtant pas l’unanimit, et était
notamment condamnée par certains auteurs dans le but même de protéger le français. Le
paradoxe est flagrant : les personnes qui souhaitent protger le français aujourd’hui le font
pour des raisons opposées à celles qui souhaitaient le protéger au 17ème siècle. Ainsi, les
motivations soi-disant protectionnistes actuelles constituent une forme irrationnelle de
résistance au changement, visant à conserver une norme androcentrique (et sexiste) qui ne
correspond qu’à une certaine priode de l’histoire du français. D’un point de vue linguistique,
rien ne s’oppose à la fminisation dans une langue comme le français (Cerquiglini, 2018). En
plus de ce désir somme toute paradoxal de vouloir protéger le français en l’empêchant de
s’ajuster à la ralit socitale du 21ième siècle, deux autres freins principaux à l’encontre de
l’utilisation de formes inclusives ont été discutés et étudiés en psychologie.
Premièrement, l’usage de la forme grammaticale masculine unique étant encore
beaucoup plus frquent que d’autres formes considérées comme plus inclusives, notre cerveau
n’est pas habitu à ces nouvelles formes, rendant leur utilisation plus compliquée. De fait, afin
de pouvoir les utiliser, notre cerveau doit constamment contrôler les formes générées et
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vraisemblablement inhiber une activation automatique de la forme masculine, qui est la plus
habituelle. Toutefois, cette utilisation du masculin par défaut peut être corrigée et de
nouvelles habitudes sont relativement faciles à instaurer. Certaines autrices comme Koeser,
Kuhn et Sczesny (2015), ont ainsi montr qu’il suffisait d’être expos à des formes inclusives
pour ensuite les utiliser soi-même de manière relativement spontanée. Après avoir été
exposées à des textes utilisant des doublons, les participantes de leur étude semblaient plus
enclines à utiliser elles-mêmes des doublons de manière spontanée. Pour les participants, les
rsultats taient les mêmes, mais seulement lorsqu’il leur était rappelé que les textes
utilisaient des doublons (étude #2). En norvégien, Kuhn, Koeser, Torsdottir et Gabriel (2014)
ont également montré que les participantes et participants utilisaient plus de formes non-
marquées après avoir lu des textes comprenant ces mêmes formes.
Même si cette exposition semble pouvoir encourager l’utilisation de formes inclusives
à l’avenir, un autre élément important à prendre en compte est le fait que certaines personnes
gardent des attitudes très négatives à leur encontre. En anglais, Prentice (1984) a montré par
exemple qu’un rappel rgulier des formes inclusives (par ex. he or she au lieu de he)
augmente l’utilisation spontanée de ces formes, mais sans pour autant changer les attitudes
négatives envers elles. Dans la même veine, Koeser et Sczesny (2014) montrent que la
prsentation d’arguments en faveur du langage inclusif peut influencer positivement son
utilisation, sans pour autant changer les attitudes envers des changements de pratiques
langagières. Sarrasin, Gabriel, and Gygax (2012) montrent par ailleurs que – en français et en
allemand – plus les attitudes envers ce type de langage sont négatives, moins les personnes
sont capables de reconnaître l’existence de formes sexistes dans le langage. Certaines autrices
et auteurs avancent que la relative imperméabilité des attitudes envers des changements de
pratiques langagières semble être ancrée dans des attitudes plus globales envers les femmes,
comme des formes de sexisme (p.ex. Sarrasin et al. 2012; Sczesny et al., 2015) ou des
idéologies justifiant le système en place (Douglas & Sutton, 2014). Il apparaît donc que
certains changements de pratiques langagières doivent vraisemblablement être précédés par
des remises en question de l’ordre tabli ou du système en place. A notre connaissance, il
n’existe que peu d’tudes sur ce sujet – mises à part celles que nous venons de présenter – ce
qui rend difficile la compréhension des mécanismes sous-jacents aux changements possibles
d’attitudes envers le langage inclusif. Il est à espérer que de telles études verront le jour et
14
nous permettront d’affiner encore davantage notre comprhension des mcanismes à l’œuvre
dans ces évolutions.
Conclusion
Les nombreux travaux en psychologie expérimentale menés ces dernières décennies
indiquent de manire convergente que l’usage de la forme grammaticale masculine influence
nos reprsentations mentales du genre. L’utilisation du masculin comme valeur par dfaut
attire indubitablement notre attention vers l’ide qu’il désigne plutôt des hommes, quelles que
soient les différentes interprétations possibles du masculin. Dans le cas du français, force est
de constater que les mesures prises par les grammairiens du 17ème siècle ainsi que par
l’Acadmie française pour écarter les femmes de la place publique en opérant des
changements langagiers produisent toujours des effets quelques quatre siècles plus tard.
Même si la grammaire du français contemporain prévoit que le genre grammatical masculin
puisse être interprété (et utilisé) de différentes manières, cette polysémie pose un défi de taille
à notre cerveau, qui doit constamment déterminer de quel sens il est question. La fréquence
d’utilisation du sens spcifique du masculin (masculin = homme) ainsi que la séquence
d’apprentissage entre les différents sens liés au masculin (le sens spécifique est appris en
premier) expliquent relativement facilement la tendance de notre cerveau à activer
automatiquement – sans que nous en ayons le contrôle – son sens spécifique.
Afin de corriger ce biais, plusieurs formes linguistiques ont t proposes sous l’gide
de mouvements en faveur du langage inclusif pour démasculiniser la langue et améliorer la
visibilité des femmes dans la société. Nous pensons que cette visibilité est très importante,
surtout pour changer l’ide selon laquelle la société tourne autour des hommes (c.à.d. une
société androcentrique). A terme, et ceci est important pour nos enfants, la diversité des
représentations des métiers engendrée par le langage inclusif peut amener notre société à un
meilleur partage des ressources, nous éloignons ainsi du patriarcat actuel.
Certaines formes visent galement à viter l’activation permanente de la binarit de
genre, tant celle-ci ne correspond plus à nos réalités sociétales (elle n’a probablement jamais
correspondu à notre société). Néanmoins, si certaines stratégies de langage inclusif comme les
doublons ont le mrite d’augmenter la visibilit des femmes dans la société (et de générer
toute une srie d’implications pratiques), elles ne contribuent pas à la disparition de la binarit
de genre. Pour cela, d’autres stratégies, notamment de neutralisation, semblent plus adaptées.
Qu’il s’agisse de fminisation ou de neutralisation, toutes les nouvelles formes
15
linguistiques présentent certains défis et rencontrent différents obstacles. Par exemple, leur
utilisation tant encore relativement faible, ce manque d’exposition les rend plus compliquées
à utiliser que les formes masculines, qui sont plus habituelles. Comme le montrent quelques
études discutées dans cet article, une exposition croissante à ces formes devrait toutefois
permettre de faciliter leur traitement, et ainsi encourager leur utilisation.
Notons encore que certaines formes semblent générer plus de controverses que
d’autres, par exemple les formes dites contractées comme les étudiant·e·s subtil·e·s (par ex.,
Pech, 2017). Nous n’avons pas abordé ces formes dans cet article, tant elles n’ont
pratiquement jamais fait l’objet d’tudes en psychologie, exception faite de l’tude de Chatard
et al. en 2005. Dans leur étude, des offres d’emploi prsentes à des adolescentes et
adolescents sous une forme contractée (à savoir la forme étudiant(e), disparue depuis) ou
épicène
5
(étudiant/étudiante) induisait, notamment, une confiance plus importante dans leur
capacité à russir des tudes leur permettant d’exercer ces professions. Notons tout de même
que les formes contractées sont vraisemblablement nées de demandes liées au besoin de
limiter le nombre de signes dans certains textes (par exemple sur internet ou dans les
journaux). Nous pensons néanmoins – mais ceci devrait faire l’objet d’tudes empiriques –
que les formes discutées dans cet article sont plus à même de faire contrepoids à la
masculinisation de la langue (française notamment), et sont plus représentatives de ce que
l’on entend par le terme langage inclusif.
Nous pensons également, comme d’autres, que des changements orthographiques et
grammaticaux sont ncessaires afin d’amliorer l’introduction du langage inclusif en français.
Par exemple, il nous paraît ncessaire de revenir à l’accord de proximit qui existait jusqu’au
17ème siècle, ce qui faciliterait l’accord des adjectifs et des participes passés et éradiquerait le
biais de l’accord au masculin (par ex. les mécaniciens et mécaniciennes courageuses).
D’autres changements peuvent aussi être envisagés, comme la transformation de tous les
adjectifs en -il et -ul (par ex., vil, subtil ou nul) en adjectifs épicène, comme futile, fragile ou
ridicule. Ces changements orthographiques sont relativement simples et auraient l’avantage
de permettre un usage plus aisé des modifieurs de groupes mixtes (les hommes et les femmes
subtiles, par exemple, au lieu de subtil·e·s).
Pour terminer, rappelons que le langage inclusif, qui est une réponse à une
masculinisation de la langue vieille de quelques siècles, reflète une démarche visant l’égalité
5
Terme utilisé par les auteurs et l’autrice.
16
entre femmes et hommes tout d’abord, mais galement pour certaines formulations l’égalité
entre toutes les personnes, quel que soit le point où elles se situent sur le continuum du genre.
17
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