Content uploaded by Christophe Roy
Author content
All content in this area was uploaded by Christophe Roy on Dec 07, 2019
Content may be subject to copyright.
Santé animale - alimentation
Novembre 2017
Numéro spécial abeilles La surveillance officielle des
mortalités
massives aiguës et des dangers sanitaires de première
catégorie
des abeilles
Bilan 2015 et 2016 et perspectives d’évolution
Fayçal Meziani (1), Brigitte Barthelet (2), Eric Oudard (3), Luc Lecieux (4), Yoan Le Louarne (5), Muriel Orlowsky (6), Christophe
Roy (7), Anne Bronner (8)
Auteur correspondant : faycal.meziani@agriculture.gouv.fr
(1) Direction générale de l’Alimentation, Service des actions sanitaires en production primaire, Paris, France
(2) Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Foret, Service régional de l’Alimentation Auvergne-Rhône-Alpes,
Lyon, France
(3) Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Foret, Service régional de l’Alimentation Provence Alpes Côtes
d’Azur, Marseille, France
(4) Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Foret, Service régional de l’Alimentation Nouvelle Aquitaine,
Bordeaux, France
(5) Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Foret, Service régional de l’Alimentation Normandie, Caen, France
(6) Direction départementale de la protection des populations de la Drôme, Valence, France
(7) Société nationale des groupements techniques vétérinaires, Paris, France
(8) Direction générale de l’Alimentation, Bureau de la santé animale, Paris, France
Résumé
Cet article résume les principales étapes et modalités de
la surveillance des mortalités massives aiguës et dangers
sanitaires de première catégorie chez l’Abeille mellifère et
présente les résultats agrégés pour 2015 et 2016.
En 2016, le dispositif a recensé 147 déclarations provenant de
50 départements, et 195 provenant de 52 départements en
2015. Les DDecPP sont intervenues dans plus de quatre cas
déclarés sur cinq en 2015 et 2016, tandis que les Sral ont été
mobilisés dans près de la moitié des dossiers en 2016 et un
quart en 2015.
Au total pour ces deux années, onze cas d’intoxications aigües
avérées ont été mis en évidence. Des cas d’intoxications
probables, des substances ainsi que des usages interdits ont
également été identifiés suite aux enquêtes menées.
Des agents pathogènes ont été identifiés à l’origine des
mortalités signalées dans un peu moins de la moitié des
enquêtes. Le virus de la paralysie chronique (CBPV) représentait
deux tiers des cas attribuables à une problématique sanitaire
en 2016 tandis que Varroa représentait près de 60 % en 2015.
D’autres agents pathogènes ou facteurs de stress ont également
été identifiés à la faveur de ces enquêtes.
Mots-clés
Abeilles, surveillance, mortalité, intoxication, pathogène,
phytosanitaire
Abstract
Off icial surveillan ce of acute massive mor talities and
Categor y 1 health hazard in ho ney bees : 2015/2016 review
and perspe ctives
Th is a rti cle su mmar ize s th e ma in s teps and su rvei lla nce
modali ties of acute m assive mor talities and Category 1 h ealth
hazard in honey bees and presents aggr egated results fo r 2015
and 2016.
In 20 16, th e s ys tem co unt ed 147 d ecla rat ion s f rom 5 0
dep art ment s, and 19 5 from 5 2 depa rtme nts i n 2015. T he
DDecP Ps were inv olved in m ore than f our out of five r eported
cases in 2015 and 2016, while the Sral were mobilize d in around
half of the case s in 2016 and a quarte r in 2015.
For these two ye ars, e leven ca ses of acute intoxicat ions hav e
bee n i dentif ied. Pro bable into xicati on cases , s ubstan ces as
well as pr ohibi ted uses hav e a lso been id entif ied foll owing
investigations.
Pat hoge ns ha ve bee n ide ntif ied at t he or igin of r epor ted
mort alities i n just u nder half of the sur veys. Ch ronic para lysis
virus (CBPV) accounte d for two-thir ds of the cases attri butable
to a hea lth prob lem in 2016 while Varr oa accounted fo r nearly
60% in 2015. Other patho gens or stressors were als o identif ied
thanks to t hese conditions. i nvestigations
Keywords
Honey bees, Survei llance, M ortalit y, In toxication , Pathog en,
Pesticide
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
1
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
Le dispositif officiel de sur veillance des troubles des abeilles
est en place depuis plusieurs années. Inscrit dans un processus
d’évolution régulier, il a fait l’objet d’une rénovation en 2014 pour
prendre en compte le retour d’expérience des acteurs de terrain,
aussi bien les services déconcentrés de l’État que les apiculteurs via
leurs représentations nationales. Les dernières évolutions ont été
matérialisées par la publication de la note de service DGAL 2014-899
du 14 novembre 2014 : Surveillance des mortalités massives aiguës et
des maladies classées dangers sanitaires de première catégorie.
Les nouveaux éléments intégrés dans le dispositif en 2014 sont :
• l’élargissement de la période de surveillance en prenant en compte
les mortalités massives qui surviennent pendant l’hiver,
• la prise en compte des pertes de colonies sans tapis d’abeilles,
• la prise en compte, au cours des enquêtes, de l’hypothèse d’une
intoxication des abeilles par des substances biocides et des
médicaments antiparasitaires utilisés en élevage,
• l’implication plus forte des organisations apicoles et autres acteurs
du sanitaire dans la prise en charge des cas qui ne relèvent pas du
périmètre de l’État,
• la possibilité de faire appel, le cas échéant, pour la conduite des
enquêtes dans les ruchers, à des vétérinaires mandatés ou à des
techniciens sanitaires apicoles,
• un pilotage et une coordination des enquêtes par la DGAL en cas
de mortalités groupées,
• l’information des apiculteurs (résultats individuels) et de leurs
partenaires (résultats agrégés) des résultats des enquêtes réalisées.
Cet article rend compte des actions menées et des résultats obtenus
en 2015 et 2016, analyse les points forts et les limites de cette
surveillance à travers les données collectées durant ces deux années.
Une évaluation exhaustive du fonctionnement de ce dispositif de
surveillance a récemment été confiée par la DGAL à l’Anses dans le
cadre de la Plateforme ESA (voir article de Hendrikx et al. dans ce
même numéro).
Objectifs
Tel que défini dans la note de service 2014-899 du 14 novembre
2014, l’objectif du dispositif vise à « assurer une sur veillance précise
et la plus exhaustive possible des mortalités massives aiguë s et des
maladies classées dangers sanitaires de première catégorie des abeilles
afin (i) d’identifier et de maîtriser le plus tôt possible l’émergence ou
l’extension d’un processus pathologique de type aigu lié à des causes
chimiques ou non, (ii) d’assurer la gestion en cas de découver te de
dangers sanitaires de première catégorie ».
Modalités de surveillance et
précautions méthodologiques
Ce dispositif re pose sur une surveillance exclusivement
événementielle, à savoir le signalement par les apiculteurs de toute
mortalité massive soudaine. Par ailleurs, le dispositif a été pensé
dans une logique de démarche diagnostique dont la conduite devait
s’adapter aux situations rencontrées, sans chercher la standardisation
ni la reproductibilité ou la représentativité. Les intérêts et limites de
cette approche sont discutés dans la dernière partie. Cette spécificité
doit être conservée à l’esprit du lecteur dans l’exposé des résultats
qui suivent : ceux-ci ne peuvent prétendre être représentatifs ni
exhaustifs de l’ensemble des événements sanitaires affectant les
ruchers dans la mesure où une part non négligeable de ceux-ci ne
sont pas déclarés (pour diverses raisons) et que d’autres n’entrent pas
dans le cadre de cette note de service (ex : suivi des affaiblissements
et des effets sublétaux, etc.). Ces résultats ne peuvent davantage
être analysés comme représentatifs de l’exposition ou des impacts
des produits phytosanitaires, biocides, antiparasitaires et autres
causes potentielles de contamination. L’exposition des ruchers aux
xénobiotiques a fait l’objet d’une étude nationale spécifique (voir
l’article de F Méziani et al. dans ce même numéro).
Enregistrement, tri et orientation
des déclarations
Si les signes observés correspondent à la description d’une mortalité
massive aiguë ou d’une suspicion d’un danger sanitaire de première
catégorie, l’apiculteur doit contacter immédiatement la direction
départementale en charge de la protection des populations (DDecPP)
du département où se situe le rucher. Les DDecPP réceptionnent
et enregistrent les alertes déclarées, jugent de la recevabilité des
déclarations selon les critères de la note de service et organisent les
premières interventions, soit par l’intermédiaire des agents de l’État,
soit en faisant appel aux vétérinaires mandatés ou à des techniciens
sanitaires apicoles (TSA).
L’apiculteur peut être interrogé par l’agent en charge de la réception
des déclarations afin d’orienter le diagnostic et de confirmer la
concordance avec la procédure réglementaire.
La possibilité de déclarer ces événements sanitaires a été étendue à
d’autres acteurs : vétérinaires, laboratoires ou organisations sanitaires
ou professionnelles apicoles, en accord avec l’apiculteur concerné.
Modalités d’investigation
Une visite sanitaire du rucher doit être programmée au plus vite
(dans les 48 h) ; son bon déroulement est conditionné par la présence
et la collaboration de l’apiculteur. Cette visite peut être réalisée par
un agent de la DDecPP, par un vétérinaire mandaté par cette même
structure ou par un technicien sanitaire apicole. Elle a pour but de
faire un état des lieux du rucher, de confirmer la mortalité massive
aiguë et d’écarter toute suspicion de maladie qui serait liée à un
danger sanitaire de première catégorie, pouvant être à l’origine des
troubles observés.
L’agent procède au recueil des informations nécessaires concernant
le rucher avant l’apparition des troubles : parcours de production,
parcours technique, nourrissements, traitements… Il procède au
relevé des différentes constatations qu’il peut étoffer avec des photos
et/ou des films ainsi qu’à la géolocalisation du rucher.
Des prélèvements sont réalisés sur les abeilles mortes, les abeilles
présentant des signes cliniques et les produits de la ruche. Ces
prélèvements doivent être réalisés en qualité et en quantité
suffisantes, et mis dans de bonnes conditions de conservation au plus
tôt car certaines molécules chimiques se dégradent très rapidement.
C’est pourquoi, en cas de réalisation des prélèvements trop tardive
par rapport à la date de début des signes cliniques, aucune enquête
ne peut être déclenchée. Les investigations sont basées sur une
démarche diagnostique qui consiste à explorer les pistes les plus
plausibles selon les signes présentés et le profil du cas. De ce fait,
les analyses pathologiques ou toxicologiques ainsi que les enquêtes
phytosanitaires ne sont pas réalisées de façon systématique mais
selon le tableau clinique présenté par chaque cas.
À noter que les analyses toxicologiques sont réalisées selon une
méthode dite « multi-résidus ». Celle-ci regroupe plusieurs dizaines de
substances chimiques différentes, non seulement à usage phytosanitaire
mais également à usage apicole, vétérinaire et biocides. Des méthodes
dites spécifiques ciblées sur un nombre limité de substances peuvent
également être mises en œuvre en cas de forte suspicion.
Dans la mesure du possible, les apiculteurs possédant des ruches
dans le voisinage sont également interrogés. Si des troubles similaires
sont observés, la visite sanitaire sera étendue à ces ruchers. En cas
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
2
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
de mortalités groupées dans le temps ou dans l’espace, la DGAL est
informée. Le pilotage de l’épisode est alors directement assuré par la
DGAL en lien avec les services déconcentrés (Sral, DDecPP).
L’action des DDecPP vise la détection des quatre maladies classées
dangers sanitaires de première catégorie. En cas de suspicion de
cause toxique, quelle que soit la saison, les enquêtes sont menées
conjointement entre la DDecPP et le Sral dans le but de réaliser une
enquête agricole et environnementale dans un rayon de 3 km autour
du rucher afin de déterminer l’éventuelle origine toxique.
La première étape de cette enquête agricole et environnementale est
d’identifier l’aire de butinage, la flore attractive du moment, qu’elle
soit sauvage ou cultivée. Cette exploration de terrain est précédée
(dans la mesure de la disponibilité des outils informatiques) d’une
première approche cartographique (registre parcellaire graphique
(RPG) de l’année en cours s’il est disponible). Cette consultation
cartographique permet de localiser les principales cultures dans
l’environnement du rucher. Ces informations sont ensuite croisées
avec les données sanitaires des cultures, ce qui donne une indication
sur les traitements phytosanitaires qui peuvent être mis en œuvre.
En plus de l’exploration de la flore attractive pour les abeilles, cette
enquête sert également à relever la présence d’élevages, ou autres
sites pouvant présenter des risques toxicologiques (décharge, usine…).
Des prélèvements de végétaux peuvent être effectués si l’agent en
charge de l’enquête identifie ceux-ci comme une source potentielle
d’intoxication. L’échantillon est alors identifié, stocké dans une
glacière avant d’être congelé au laboratoire. Les exploitants agricoles
rencontrés sont interrogés sur leurs pratiques phytosanitaires.
La suite de l’enquête dépend entièrement des résultats des analyses
toxicologiques. S’ils sont négatifs, le Sral ne dispose d’aucun élément
pour continuer son travail et, à moins qu’un problème sanitaire
n’ait été identifié par la DDecPP, le dossier est clos. Si les résultats
d’analyses sont positifs, avec détection de résidus, un autre travail
d’investigation commence pour le Sral qui va chercher à identifier
l’origine des substances actives, leur(s) utilisateur(s), leurs conditions
d’emploi ainsi que leur toxicité.
Le bon fonctionnement de ce dispositif repose sur la réactivité et
la bonne interaction entre ses acteurs : apiculteurs, organisations
apicoles, vétérinaires, techniciens sanitaires apicoles, laboratoire,
DDecPP et Sral.
L’animation et l’appui au réseau d’enquêteurs sont assurés par le
référent national en apiculture.
Résultats de la surveillance en 2015
et 2016
Les déclarations se font à l’échelle du rucher. En 2016, le réseau a
recensé 147 déclarations provenant de 50 départements, et 195
provenant de 52 départements en 2015. À titre de comparaison,
115 déclarations de mortalité avaient été enregistrées dans
42 départements en 2014 et 98 alertes dans 35 départements en
2013. La figure 1 retrace l’évolution depuis 2010 du nombre de
déclarations et du nombre de départements ayant enregistré au
moins une déclaration de mortalité. Au total, 5 005 colonies ont été
déclarées touchées par des mortalités en 2015 et 3 024 colonies en
2016.
La répartition géographique du nombre de ruchers déclarés affectés
varie selon les années (Figure 2).
Les DDecPP sont intervenues dans plus de quatre cas déclarés sur
cinq en 2015 et 2016 (N=128 en 2016, 161 en 2015), tandis que
les Sral ont été mobilisés dans près de la moitié des dossiers en
2016 et un quart en 2015 (Figure 3). Les cas de déclarations tardives
(12 cas en 2016 et 25 en 2015) n’ont pas fait l’objet d’investigations
approfondies, notamment vis-à-vis du risque toxicologique.
Le nombre d’analyses pathologiques et toxicologiques réalisées en
2015 et 2016, est présenté dans la figure 4.
Résultats des investigations
Les intoxications aiguës
En 2016 comme en 2015, plus de la moitié des analyses toxicologiques
réalisées ont montré la présence d’au moins une substance active
(n=42/81 en 2016 et 30/55 en 2015).
Au total, 49 substances chimiques différentes ont été trouvées en
2016 contre 38 en 2015. Les proportions de ces substances réparties
Figure 1. Nombre de ruchers ayant fait l’objet d’une déclaration
de mortalité et nombre de départements concernés depuis 2010
0
50
100
150
200
250
2016201520142013201220112010
145
47
105 98 115
195
147
43 23 36 35 42 52 50
nombre de déclarations
nombre de départements
Tableau 1. Liste des substances incriminées dans des
intoxications aiguës avérées en 2015 et 2016
Substances incriminées Usage Statut
2,4 D H
Allethrin I Interdit
Azoxystrbine F
Bifenthrine D,NQ I Interdit
Carbendazime F Interdit
Chlorantraniliprole I
Clothianidine I
Cyfluthrine I
Cyprodinyl F
Difenoconazole F
Emamectine benzoate I
Fenhexamide F
Flonicamid I
Fludioxonil F
imidaclopride I
Indoxacarbe I
Lindane I Interdit
Phosmet I
Pipéronil butoxid S
Pyrimicarbe I
Pyrethrin I
Pyrimethanil F
Spinosad I
Tau-fluvalinate I
Thiaméthoxam I
Trifloxystrobine F
Q 2015 Q2016
H : herbicide ; I : insecticide ; F : fongicide ; S : synergisant
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
3
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
Figure 3. Actions menées par les services départementaux et
régionaux de l’État en 2015 et 2016
0
50
100
150
200
250
Déclarations
jugées tardives
(absence
d'intervention)
Nombre
d'interventions
Sral
Nombre
d'interventions
DDecPP
Nombre d'alertes
(déclarations
de mortalité)
195
161
49
25
147 128
68
12
2015 2016
Figure 2. Nombre de ruchers ayant fait l’objet d’une déclaration de mortalité massive aiguë par région en 2015 et 2016
2015
2016
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Pays de la Loire
Paca
Occitanie
Nouvelle Aquitaine
Normandie
Île-de-France
Hauts de France
Grand Est
Centre Val de Loire
Corse
Bretagne
Bourgogne
Franche-Comté
Auvergne
Rhône Alpes
38
32
10 11
17 19
2032
13
57
210
7
13
34
15
23 26
11
5
29
17
Figure 6. Répartition des cas avérés et probables par rapport nombre d’enquêtes phytosanitaires et d’analyses
0
50
100
150
200
Nombre de cas
d'intoxication avérée
Nombre de cas
d'intoxication
probable
Nombre de cas avec
analyses toxicologiques
positives
Nombre de cas
où une recherche
toxicologique a été effectuée
Nombre d'enquêtes
phytosanitaires
Nombre total
d'investigations
168
128
51 51 55
81
30 42
11 7 29
2015
2016
Figure 5. Proportion (et nombre) de familles de substances détectées en 2015 (à gauche) et 2016 (à droite)
Insecticides
Fongicides
Herbicides
Répulsifs
Synergisants
Substances interdites
16 21
21
6
1
8
17
4
1
7
1
2015 2016
Figure 4. Analyses pathologiques et toxicologiques réalisées
par les services de l’État en 2015 et 2016
0
20
40
60
80
100
Nombre d'analyses pour
recherche toxicologique
Nombre d'analyses pour
recherche pathologique
50
88
55
81
2015 2016
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
4
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
par grandes familles d’usages sont très proches au cours des deux
années (Figure 5). Le nombre de substances détectées par rucher,
pour les analyses revenues « positives » (c’est-à-dire avec un résultat
supérieur à la limite de détection) varie de un à huit pour 2016 et
de un à treize en 2015. Certaines de ces substances ont des usages
autres que phytosanitaire, comme les acaricides utilisés dans le cadre
de la lutte contre le varroa.
Un nombre équivalent de 51 enquêtes phytosanitaires ont été
réalisées en 2015 et en 2016.
En 2015, dans deux des 51 enquêtes réalisées, quatre substances
chimiques (Spinosad dans un cas et Pipéronil butoxid, Pyrethrin et
Allethrin dans l’autre) ont été identifiées à l’origine d’intoxications
aiguës avérées d’abeilles. En 2016, neuf cas d’intoxications aiguës
avérées ont été mis en évidence (Figure 6).
Les éléments actuellement pris en compte par les enquêteurs
pour considérer une intoxication comme avérée, sont notamment
la présence de signes évocateurs d’une intoxication combinés à
l’exposition avérée des colonies à une ou plusieurs substance(s)
toxique(s) et des doses quantifiées (comparées notamment lorsque
pertinent à la DL 50, dose de substance active entraînant la mort de
50 % d’une population d’abeilles). Les éventuelles interactions entre
les substances (synergie ou potentialisation) sont également prises
en compte si elles sont bien documentées.
Les substances incriminées dans ces intoxications sur les deux années
figurent dans le tableau 1.
Par ailleurs, les critères actuellement utilisés par les enquêteurs pour
classer une mortalité en intoxication probable sont la présence de
signes évocateurs d’une intoxication avec présence d’une ou plusieurs
substance(s) chimique(s) toxique(s) pour les abeilles dans les matrices
apicoles analysées et une concordance dans le temps entre cette
exposition, doses quantifiées, les signes cliniques constatés, le
stade des végétaux environnants (exemple : floraison) et la date
d’application avérée de ces substances sur les végétaux. Il s’agit
d’un faisceau d’indices qui, sans pouvoir affirmer avec certitude une
intoxication aiguë, ne permet pas non plus de l’exclure.
Figure 7. Distribution des cas investigués dans lesquels des agents pathogènes ont été incriminés en 2015-2016
0
10
20
30
40
50
Agents pathogènes multiplesNosema ceranaeLoque européenneLoque américaineCBPVVarroa
41
811
39
11
5
124
136
2015
2016
Figure 9. Répartition des autres causes de mortalités massives aiguës identifiées en 2015 et 2016
0
5
10
15
20
25
30
35
40
InexpliquésCas non investigués : alertes
non qualifiées, refus, absence de l'apiculteur,
déplacement de ruches, absence de matrice…
Phénomène de désertionConjonction probable
de plusieurs facteurs
Famine/conditions
climatiques
13
10
20
10
22
7
13
36
22 2015
2016
Figure 8. Proportion (et nombre) des agents pathogènes incriminés en 2015 (à gauche) et 2016 (à droite)
2015 2016
Varroa
CBPV
Loque américaine
Loque européenne
Nosema cerenae
Agents pathogènes multiples
41
11
11
1438
39
5
2
1
6
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
5
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
Dans onze cas investigués en 2015 et sept cas en 2016, les analyses
effectuées ont également mis en évidence des associations de
substances chimiques susceptibles d’être à l’origine d’intoxications
probables.
De façon plus globale, les enquêtes menées en 2015 et en 2016 ont
permis d’identifier des substances interdites ou des usages interdits
pour les substances suivantes : allethrin, anthraquinone, carbendazim,
benomyl, bifenthrine, coumaphos, lindane, propargite, thiamethoxam,
trichlorfon, amitraz (Taktic ND), tau-fluvalinate (Klartan ND).
Il est à noter qu’à l’instar des années précédentes, les échantillons
analysés de pain d’abeilles constituaient la matrice apicole
qui concentre le plus grand nombre de substances chimiques
(5 substances chimiques différentes dans un échantillon en 2015).
Deux échantillons de cire analysés contenaient des substances
connues pour leur toxicité mais là encore, les doses et les circonstances
des mortalités ne permettaient pas d’établir un lien direct et formel.
Les substances concernées sont le coumaphos, le tau-fluvalinate et
la cypermethrine.
Trois cas de pratiques agricoles à risque ont été mis en évidence
en 2016. Celles-ci sont essentiellement liées à un non-respect de
la réglementation sur les modalités d’application de ces substances
(application de produit sur des vergers en fleurs, traitements réalisés
par jour de grand vent ayant entraîné la dérive du produit vers des
zones non cultivées fleuries et butinées par les abeilles).
Les agents pathogènes
En 2016, 47,6 % (n=61/128) des enquêtes ont permis de diagnostiquer
des agents pathogènes à l’origine des mortalités signalées, et 44 %
en 2015 (n=71/161). Néanmoins, le profil des principales pathologies
mises en évidence parmi les déclarations de mortalité aiguë est
différent d’une année à l’autre, sans toutefois qu’il ne soit possible
de conclure à une variation effective ou à une variation liée à une
sensibilisation variable des acteurs sur le terrain. Le virus de la
paralysie chronique (CBPV) représentait 64 % de ces cas déclarés en
2016 (n=39/61) tandis que Varroa représentait 58 % des cas déclarés
où un agent pathogène était désigné à l’origine des mortalités en
2015 (n=41/71) (Figure 7). Il a été constaté dans la quasi-totalité des
cas où Varroa était mis en avant, des pratiques de traitement non
conformes avec les recommandations usuelles.
La loque américaine, classée danger sanitaire de première catégorie
occupe une place moins importante avec 15 % des cas déclarés
pour lesquels un agent pathogène a été diagnostiqué à l’origine de
la mortalité en 2015 (n=11/71) et 8 % de ces cas en 2016 (n=5/61)
(Figure 8). Enfin, dans 4 % des cas déclarés en 2015 et 10 % en
2016, un cocktail d’agents pathogènes était identifié être à l’origine
des mortalités signalées par un effet synergique possible. Il s’agit
essentiellement de complexes bactérie-virus, acarien-virus multiples
ou champignon-virus (par ex. loque européenne-CBPV, Nosema
ceranae-CBPV).
La famine et les conditions
climatiques
Les cas de famine (associés ou non aux conditions climatiques),
représentent 8 % de l’ensemble des cas investigués sur les deux
années. Lors de ces investigations, il a été constaté un manque de
réserves de miel et de pollen pour permettre à la colonie de survivre
et de supporter les périodes de confinement, notamment, celles
qui sont imprévues, liées aux conditions climatiques défavorables
pendant la saison apicole. Une mauvaise préparation à l’hivernage ou
un manque d’anticipation sur la disponibilité des réserves alimentaires
a été constatée pour six cas en 2015 et deux cas en 2016.
Les autres cas
Les conclusions retenues pour les autres cas sont réparties dans la
figure 9. On y remarque dix cas en 2016 et deux cas en 2015 où une
conjonction probable de plusieurs facteurs de stress aurait conduit
les colonies concernées au dépérissement (exemple : substances
chimiques à très faibles doses associées à de la famine ou à des
conditions climatiques défavorables).
Fait marquant en 2015, des phénomènes de désertion ont été
obser vés avec des ruches vidées de la quasi-totalité des abeilles
mais présence de réserves de miel et de pollen en quantités. Ces
phénomènes qui représentaient 14 % des cas investigués en 2015
(n=22/161), n’ont pas été signalés en 2016. Par ailleurs, 36 cas de
mortalité déclarés en 2015 et 22 en 2016 avaient été qualifiés
d’inexpliqués pour trois raisons principales :
• les niveaux de résidus des matières actives quantifiées étaient trop
faibles pour conclure à une intoxication aiguë des abeilles. De plus
aucune mauvaise pratique agricole n’a pu être démontrée,
• impossibilité d’établir une relation de cause à effet directe en
l’état actuel des connaissances entre les applications de produits
chimiques (phytosanitaires ou autres) dans l’environnement du
rucher et le phénomène de mortalité d’abeilles observé,
• portage asymptomatique d’agents pathogènes ou tableau clinique
ne reflétant pas l’incident.
Par ailleurs, certains cas qui ne font pas partie des déclarations
tardives n’ont pas été investigués par les services de l’État. Il s’agit
par exemple d’alertes non qualifiées selon les critères de la note de
service, d’une impossibilité à visiter le rucher en raison de l’absence
de l’apiculteur, ou encore du déplacement de ruches. Ces cas ont été
classés sans suite.
Au cours de l’hiver 2014-2015 des cas de mortalité groupés ont été
identifiés dans la Plaine de Crau (Bouches-du-Rhône). Un pilotage
national (DGAL) a alors été conduit en lien avec le Sral Paca et la
DDecPP des Bouches-du-Rhône. Les résultats des investigations
ont été restitués aux apiculteurs concernés et, devant l’absence de
cause clairement identifiée, il a été décidé l’intégration de la zone
concernée à l’étude Bapesa (Biocides et antiparasitaires utilisés en
élevage et santé des abeilles) confiée à l’Itsap. Cette étude est en
cours, les résultats sont attendus pour début 2018. Aucun cas de
mortalités groupées dans le temps ou dans l’espace n’a été identifié
en 2016.
Discussion
Performance de la surveillance
On remarque une augmentation du nombre de déclarations en 2015
et 2016 par rapport aux années antérieures, probablement en raison
de l’évolution du périmètre de la surveillance redéfini dans la note
de service de 2014. Cependant, le nombre de déclarations reste très
vraisemblablement en dessous du nombre réel de cas de mortalités
pouvant répondre aux définitions de la note de service. Chaque
dispositif de surveillance a ses limites et particularités propres
(Lee et al., 2015). Ce manque de sensibilité de cette surveillance
est probablement lié à plusieurs facteurs : i) certaines limites du
dispositif actuel, telle que son évaluation l’a souligné (voir l’article de
Hendrikx et al. dans ce numéro), ii) un défaut d’acceptabilité de cette
surveillance lié à la frustration des apiculteurs face à l’absence de
diagnostic systématique des causes de mortalités, iii) un manque de
mobilisation de certains apiculteurs, iv) une mauvaise connaissance
des signes cliniques évocateurs des maladies réglementées ou
des intoxications potentielles. On constate par ailleurs une forte
variabilité régionale des déclarations qui est à mettre en relation
vraisemblablement avec : i) une différence dans la mise en œuvre
du dispositif de surveillance, tant par l’apiculteur (différence de
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
6
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
sensibilisation selon les régions), les vétérinaires et techniciens
apicoles (plus ou moins formés à la pathologie apicole et présents
sur le territoire de manière variable), que par les services de l’État
(mobilisation en fonction des déclarations et des sollicitations),
ii) une différence réelle des niveaux de mortalité aiguë, variable
notamment selon les conditions de pratique apicole, l’environnement
et les pratiques agricoles. Les données disponibles ne permettent pas
de différencier le poids de ces différents facteurs dans les niveaux de
déclaration variables entre régions.
Il résulte de ce manque de sensibilité et de cette hétérogénéité de la
surveillance dans le temps et dans l’espace que les résultats obtenus
ne peuvent pas être considérés comme représentatifs de la situation
sanitaire apicole nationale. Ces résultats sont des indicateurs
qualitatifs de la survenue d’événements de santé, sans qu’un sens
particulier ne soit donné au poids relatif des causes qui ont été
mises en évidence. Ainsi, les résultats toxicologiques permettent de
décrire certains profils d’intoxications et les résultats en matière de
recherche d’agents pathogènes permettent de documenter des profils
cliniques rencontrés dans les ruchers. Il n’est pas possible d’extrapoler
les proportions estimées parmi les cas déclarés à l’ensemble de la
population apicole.
En matière de qualité des déclarations, on constate que le profil
des incidents déclarés ne correspond pas toujours à la définition de
mortalités massives aiguë telle que décrite dans la note de service
899-2014. Les apiculteurs déclarent des événements de santé au
sens le plus large du terme, témoignant ainsi de leur intérêt pour un
dispositif de surveillance / diagnostic allant au-delà des mortalités
massives aiguës. Ceci renforce la variabilité des étiologies mises en
évidence à la suite des investigations conduites.
Par ailleurs, des délais trop longs entre le début des signes et
la déclaration de suspicion d’intoxication, limitent les chances
d’identifier la cause de la mortalité déclarée (13 % des déclarations
en 2015 et 8 % des déclarations en 2016), du fait des difficultés de
quantification, voire de détection des molécules supposées être à
l’origine de la mortalité des abeilles.
Recherches toxicologiques
L’interprétation des résultats d’analyses toxicologiques est parfois
difficile. Un résultat positif (pesticides ou métabolites) ne suffit pas
à lui seul pour qualifier une intoxication aiguë. En premier lieu, la
concentration en substances retrouvées dans les analyses ne reflète
pas toujours la dose et la durée réelles auxquelles les abeilles ont
été exposées du fait notamment des délais parfois imprécis entre
l’exposition et la collecte des échantillons. De ce fait, de faibles
concentrations ne permettent donc pas forcément d’écarter une
intoxication aiguë. La forte concentration de substances toxiques,
un tableau clinique caractéristique, la mise en évidence de pratiques
agricoles suspectes et la présence de la molécule dans les végétaux
collectés lors de l’enquête agricole et environnementale sont autant
d’éléments permettant la caractérisation d’une intoxication aiguë.
L’interprétation se complique encore si l’on tient compte du fait
que certaines substances peuvent avoir des effets sur la santé des
abeilles à faible dose lorsqu’elles sont associées à d’autres facteurs de
stress (agents pathogènes, climat ou pratiques apicoles) où à d’autres
substances également à faible dose (Anses, 2015).
C’est ce qui a été pris en compte en 2015 pour deux cas d’intoxication
considérés comme avérés avec la présence de résidus de trois
substances : l’alléthrine, le pipéronyl-butoxide et la pyrethrine.
L’alléthrine est un insecticide biocide considéré comme moyennement
toxique pour les abeilles. Il n’est pas autorisé sur végétaux. Le
pipéronyl-butoxyde (PBO)(1) est un inhibiteur de l’activité enzymatique
(1) Le BPO était autorisé en agriculture biologique pour augmenter l’efficacité
des pyrethrines. Il est désormais récemment interdit (fin d’utilisation des stocks
septembre 2017) en agriculture biologique. Il est en revanche associé à différents
biocides.
de détoxification de la mono-oxygénase à cytochrome-P450 chez
l’abeille. Cette molécule augmente jusqu’à 10 000 fois la toxicité
d’autres pesticides de la famille des pyréthrinoïdes, et jusqu’à 150 fois
celle des néonicotinoïdes (Johnson et al., 2006). La pyrethrine(2) est
un insecticide, extrait naturel de fleurs de pyrèthre de dalmatie
considéré comme relativement dangereux pour les abeilles.
Par ailleurs, des associations synergiques de certains pesticides sont
documentées, comme la deltamethrine (insecticide) et le prochloraze
(fongicide) (Colin et Belzunces 1992), ou entre le chlorothalonil
(fongicide) et le tau-fluvalinate (acaricide) (Zhu et al. 2014), ou entre
le coumaphos et le tau-fluvalinate ou encore entre le tau-fluvalinate
et l’amitraz, tous les trois des acaricides (Johnson et al. 2009, Johnson
et al 2013). Toutes ces substances ont été retrouvées à plusieurs
reprises dans les investigations réalisées en 2015 et 2016, sachant
qu’au-delà de cette détection, il convient de comparer les teneurs
détectées sur le terrain avec celles mentionnées comme toxiques par
la bibliographie pour conclure à un éventuel effet synergique.
Cette réalité invite le gestionnaire du risque à la plus grande
vigilance quant au suivi de ces effets dans le cadre du dispositif de
phytopharmacovigilance(3).
Les agents pathogènes
Plusieurs événements de mortalité constatés en 2015 sont à mettre
en relation avec de fortes infestations par varroa en lien notamment
avec de mauvaises pratiques de traitement (usage de substance hors
AMM avec des dosages et mode d’application non maîtrisés). Il est
communément admis qu’une forte infestation par varroa provoque
des pertes importantes de colonies (Caron et al., 2005). Par ailleurs,
l’apparition d’autres agents pathogènes (autres acariens, bactéries,
virus et champignons) peut être favorisée en raison de l’action
immunosuppressive de varroa (Gregory et al., 2005; Yang et Cox-
Foster, 2005).
En 2016, plusieurs événements de mortalité sont liés au virus de
la paralysie chronique (CBPV). La transmission de cette maladie se
fait essentiellement par contact, elle est favorisée lors d’épisodes
de claustration en saison apicole, par l’augmentation des contacts
entre abeilles saines et infectées. Toutes les castes peuvent être
infectées, ouvrières, mâles et reines (Blanchard et al., 2007; Chen
et al., 2005; Chen et al., 2006; Tentcheva et al. 2004). Les périodes
de mauvaises conditions climatiques favorisant le confinement des
abeilles pourraient expliquer la forte prévalence de la maladie en
2016.
La famine et les conditions climatiques
Il est de notoriété de considérer les mauvaises conditions climatiques
comme un facteur de risque défavorable au développement de
l’abeille (périodes de sécheresse et de chaleur alternant avec des
périodes où la pluviosité est très importante) (Mesquida, 1976 ;
Faucon et al., 2002 ; Caron et al., 2005 ; Haubruge et al 2006).
Cependant, le risque de dépérissement des colonies par manque de
ressources suffisantes et disponibles à l’intérieur de la ruche peut être
limité par un suivi régulier des colonies et une gestion anticipée de
la ressource pour prévenir l’atteinte d’un seuil critique préjudiciable
à la survie de ces dernières.
(2) le BPO était autorisé en agriculture biologique pour augmenter l’efficacité
des pyrethrines. Il est désormais récemment interdit (fin d’utilisation des stocks
septembre 2017) en agriculture biologique. Il est en revanche associé à différents
biocides.
(3) La phyto-pharmacovigilance est un dispositif de surveillance a posteriori
instauré par Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre
2014 : « En complé ment de la s urvei llance bi ologiqu e du terr itoire pr évue à
l’articl e L. 251-1, l’autorité administ rative v eille à la mise en place d’un disposit if
de sur veilla nce de s eff ets i ndési rables des prod uits phy tophar maceut iques
sur : - l’h omme, les anim aux d’élev age, dont l’abeill e do mestiq ue, les plantes
culti vées, la biod iversit é, la faune sauvage, l’eau et le s ol, la qualité de l’air, les
alime nts, l’app arition de r ésistanc es à ces pro duits. » Les données issues de la
surveillance des mortalités massives aiguës alimentent le dispositif de phyto-
pharmacovigilance.
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
7
La sur veillance of ficielle des mortalité s massives a iguës et des dangers s anitaires d e première c atégorie de s abeilles
Bilan 2 015 et 2016 et p erspecti ves d’évolution
Conclusion
Même si le nombre de déclarations de mortalités massives aiguës
a augmenté ces deux dernières années et que plus de 80 % des
déclarations sont suivies d’investigations, le dispositif présente des
limites. En plus de celles liés à la mise en place du dispositif lui-même
et soulignées dans l’article de Hendrikx et al. dans ce même numéro.,
d’autres sont également liées à la complexité de son objet.
En effet, les facteurs de mortalité peuvent être complexes, tels que :
• les effet de la coexposition et potentialisation entre substances,
du type pratiques apicoles à la ruche (insecticides anti-varroa) et
des pratiques agricoles au champ (fongicides triazoles dont l’effet
sur l’inhibition des capacités de détoxification sont parfaitement
identifiées chez les animaux, dont les abeilles),
• les traitements phytosanitaires différents (effet synergique) sur
des parcelles voisines de cultures différentes et fréquentées par les
abeilles du même rucher,
• l’interaction bactéries, virus, parasites ou autres agents pathogènes
des abeilles avec de faibles doses d’insecticides au champ,
• les effets d’un environnement peu ou pas favorables aux abeilles
car pauvre en ressources alimentaires lorsqu’il est composé de
graminées peu intéressantes, voire de plantes présentant une
certaine toxicité pour les abeilles.
Suite à l’évaluation de ce dispositif, la DGAL va initier un groupe de
travail national dans le cadre de la Plateforme ESA afin de l’améliorer.
En parallèle, l’Observatoire des mortalités massives aiguës (Omaa)
dans des régions pilotes doit permettre de prendre en compte les
troubles autres que les mortalités massives aiguës (en particulier, les
affaiblissements, voir article de Urrutia et al. dans ce même numéro).
Enfin, le constat d’une insuffisance de maîtrise des bonnes pratiques
de lutte contre varroa dans certains ruchers invite à des actions de
sensibilisation et de formation sur la connaissance et la maîtrise des
dangers sanitaires en général et sur l’acarien varroa en particulier.
Pour varroa, s’agissant d’un danger sanitaire de 2e catégorie, il revient
aux organisations sanitaires apicoles d’être pilotes de la définition
et de la mise en place d’un programme collectif de prévention et
contrôle de ce parasite, avec un appui possible de l’État. Des travaux
vont être initiés dans ce sens également au niveau national.
Références bibliographiques
Arrêté ministériel du 7 avril 2010 relatif à l’utilisation des mélanges
extemporanés de produits visés à l’article L 253-1 du code rural.
Blanchard P, Ribière M, Celle O, Lallemand P, Schurr F, Olivier V, Iscache
AL, Faucon JP (2007) Evaluation of a real-time two-step RT-PCR assay
for quantitation of Chronic bee paralysis virus(CBPV) genome in
experimentally-infected bee tissues and in life stages of a symptomatic
colony. J Virol Met 141(1), 7-13.
Caron D, Burdick E, Ostiguy N, Frazier M (2005) Mid-Atlantic Apiculture
Research and Extension Consortium Survey Preliminaries. Department of
Entomology, 501 Ag Sciences & Industries Bldg., Penn State University,
PA 16802 and Dept of Entomology, 250 Townsend Hall, University of
Delaware, Newark, DE, 7 p.
Colin M, Belzunces L (1992) Evidence of synergy between prochloraz
and deltamethrin in Apis mellifera L.: a convenient biological approach.
Pesticide Science 36(2), 115-119
Faucon J.P., Mathieu L., Ribière M., Martel A.-C., Drajnudel P., Zeggane
S., Aurieres C. & Aubert M.F.A. (2002). Honey bee winter mortality in
France in 1999 and 2000. Bee World 83, 14-23.
Gregory P, Evans J, Rinderer T, de Guzman L (2005) Conditional immune-
gene suppression of honeybees parasitized by Varroa mites. Journal of
Insect Science 5(1).
Haubruge E, Nguyen BK, Widart J, Thomé J-P, Fickers P, Depauw E
(2006) Le dépérissement de l’abeille domestique, Apis mellifera L., 1758
(Hymenoptera : Apidae) : faits et causes probables. Notes fauniques de
Gembloux(59), 3-21.
Johnson RM, Pollock HS, Berenbaum MR (2009) Synergistic interactions
between in-hive miticidesin Apis mellifera. J. Econ. Entomol. 102,
474-479.
Johnson RM, Wen Z, Schuler MA, Berenbaum MR (2006) Mediation of
pyrethroid insecticide toxicity to honey bees (Hymenoptera: Apidae) by
cytochrome P450 monooxygenases. J Econ Entomol 99(4), 1046-50.
Lee K., Steinhauer N., Travis D.A., Meixner M.D., Deen J., VanEngelsdorp
D., 2015. Honey bee surveillance: a tool for understanding and improving
honey bee health. Current opinion in insect science, 10, 37-44.
Tentcheva D, Gauthier L, Zappulla N, Dainat B, Cousserans F, Colin ME,
Bergoin M (2004) Prevalence and seasonal variations of six bee viruses in
Apis mellifera L. and Varroa destructor mite populations in France. Appl
Environ Micr 70(12), 7185-91.
Mesquida J. (1976). Incidence de la sécheresse sur le développement des
abeilles. B.T.A. 3, 33-38.
Yang X, Cox-Foster DL (2005) Impact of an ectoparasite on the immunity
and pathology of an invertebrate: evidence for host immunosuppression
and viral amplification. Proc Natl Acad Sci USA 102(21), 7470-5.
Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n°81 – Numéro spécial abeilles (2) – Novembre 2017
8