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La résolution de problèmes constitue, au Québec et ailleurs dans le monde, une composante clé de l’enseignement des mathématiques, et les interactions sociales y jouent un rôle important. Pour que s’exercent des interactions riches et favorables à l’apprentissage des élèves, il faut considérer le pilotage du problème par l’enseignant ou l’enseignante. Or les expériences des conseillers et conseillères pédagogiques (CP) en mathématiques – lesquels informent, soutiennent et accompagnent le personnel enseignant – montrent que ce pilotage ne va pas de soi, en particulier en ce qui concerne les relances mises en œuvre par l’enseignant ou l’enseignante dans le feu de l’action. Une recherche collaborative menée pendant trois ans avec huit CP en mathématiques au primaire a permis d’investiguer davantage ces relances. L’analyse des transcriptions des rencontres réflexives met en évidence une problématisation des pratiques de relances conduites par les enseignants et les enseignantes dans le feu de l’action, et en montre la complexité au regard de différents cas de figure. L’analyse souligne également l’ancrage du travail de relance sur une tâche préalable d’anticipation. Les pistes d’action qui se dégagent de l’analyse font par ailleurs ressortir une certaine culture mathématique de classe en lien avec ces relances et leur anticipation.
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VOLUME XLVII : 3 - AUTOMNE 2019
Regards de chercheurs-conseillers
pédagogiques sur les interactions
en contexte de résolution de
problèmes mathématiques
en classe
Nadine BEDNARZ
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Jean-François MAHEUX
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Lily BACON
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada
Mireille SABOYA
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Caroline LAJOIE
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Mathieu THIBAULT
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
VOLUME XLVII : 3 - AUTOMNE 2019
Revue scientifique virtuelle publiée par
l’Association canadienne d’éducation de
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du Québec
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ISSN 1916-8659 (En ligne)
Coordination du numéro :
Annick FAGNANT, Université de Liège, Belgique
Catherine VAN NIEUWENHOVEN, Université catholique de Louvain, Belgique
Liminaire
1 Les interactions sociales au service des apprentissages mathématiques
Annick FAGNANT, Université de Liège, Belgique
Catherine VAN NIEUWENHOVEN, Université catholique de Louvain, Belgique
11 Le développement des habiletés sociales comme support aux apprentissages cognitifs
Lucie DEBLOIS, Université Laval, Québec, Canada
Brigitte TURCOTTE, Université Laval, Québec, Canada
35 Les interactions entre élèves médiatisées par des indices comme facteur déclencheur de
progrès collectifs et individuels en situation d’apprentissage coopératif face à une tâche
complexe de mathématiques
Annick FAGNANT, Université de Liège, Belgique
Isabelle DEMONTY, Université de Liège, Belgique
Émilie LEMAIRE, École libre fondamentale Saint-Joseph de Herve, Belgique
Matthieu SCHEEN, Université de Liège, Belgique
58 La dyade contribue-t-elle à l’adoption de conduites d’autorégulation en résolution de
problèmes mathématiques chez les élèves du milieu du secondaire?
Vanessa HANIN, Université catholique du Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgique
Catherine VAN NIEUWENHOVEN, Université catholique du Louvain, Louvain-la-Neuve, Belgique
83 Les intra-actions sociomatérielles au service de l’apprentissage mathématique
Magali FORTE, Université Simon Fraser, Colombie-Britannique, Canada
Nathalie SINCLAIR, Université Simon Fraser, Colombie-Britannique, Canada
98 Conceptualisation, symbolisation et interactions enseignante/enseignant-élèves dans
les apprentissages mathématiques : l’exemple de la généralisation
Joëlle VLASSIS, Université du Luxembourg, Grand-Duché du Luxembourg
Isabelle DEMONTY, Université de Liège, Belgique
121 Une entrée par l’évaluation des apprentissages pour analyser les interactions entre
l’enseignant et les élèves dans les moments de mise en commun
Julia PILET, Université Paris-Est Créteil, France
Cécile ALLARD, Université Paris-Est Créteil, France
Julie HOROKS, Université Paris-Est Créteil, France
140 Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de
résolution de problèmes mathématiques en classe
Nadine BEDNARZ, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Jean-François MAHEUX, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Lily BACON, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada
Mireille SABOYA , Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Caroline LAJOIE, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Mathieu THIBAULT, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Les interactions sociales
au service des apprentissages
mathématiques
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Regards de chercheurs-
conseillers pédagogiques sur
les interactions en contexte
de résolution de problèmes
mathématiques en classe
Nadine BEDNARZ
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Jean-François MAHEUX
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Lily BACON
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada
Mireille SABOYA
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Caroline LAJOIE
Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
Mathieu THIBAULT
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Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
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RÉSUMÉ
La résolution de problèmes constitue, au Québec et ailleurs dans le monde, une
composante clé de l’enseignement des mathématiques, et les interactions sociales y
jouent un rôle important. Pour que s’exercent des interactions riches et favorables à
l’apprentissage des élèves, il faut considérer le pilotage du problème par l’enseignant
ou l’enseignante. Or les expériences des conseillers et conseillères pédagogiques
(CP) en mathématiques – lesquels informent, soutiennent et accompagnent le per-
sonnel enseignant – montrent que ce pilotage ne va pas de soi, en particulier en ce
qui concerne les relances mises en œuvre par l’enseignant ou l’enseignante dans le
feu de l’action. Une recherche collaborative menée pendant trois ans avec huit CP en
mathématiques au primaire a permis d’investiguer davantage ces relances. L’analyse
des transcriptions des rencontres réflexives met en évidence une problématisation
des pratiques de relances conduites par les enseignants et les enseignantes dans
le feu de l’action, et en montre la complexité au regard de différents cas de figure.
L’analyse souligne également l’ancrage du travail de relance sur une tâche préalable
d’anticipation. Les pistes d’action qui se dégagent de l’analyse font par ailleurs res-
sortir une certaine culture mathématique de classe en lien avec ces relances et leur
anticipation.
ABSTRACT
Perspectives of researchers-pedagogical advisers on interactions in the
context of mathematical problem solving in the classroom
Nadine BEDNARZ, UQAM, Quebec, Canada
Jean-François MAHEUX, UQAM, Quebec, Canada
Lily BACON, UQAT, Quebec, Canada
Mireille SABOYA , UQAM, Quebec, Canada
Caroline LAJOIE, UQAM, Quebec, Canada
Mathieu THIBAULT, UQAM, Quebec, Canada
Problem-solving in Quebec and elsewhere in the world is a key component of mathe-
matics education, and social interaction plays an important role in it. For students
to enjoy rich and supportive interactions, the teacher’s guidance of problem sol-
ving must be considered. However, the experiences of educational advisers (EAs) in
mathematics - which inform, support and accompany the teaching staff - show that
this guiding aspect is not straightforward, especially in terms of the follow-up ques-
tions or statements that teacher interjects in the heat of the moment to keep students
moving forward. A collaborative study conducted for three years with eight EAs in
elementary school mathematics allowed us to further investigate these follow-ups.
The analysis of transcripts of reflective meetings highlights challenges with the fol-
low-up practices teachers use in the heat of the moment, and shows the complexity
Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
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of a variety of scenarios. The analysis also highlights how follow-ups are anchored to
a prior anticipation task. The lines of action that emerge from the analysis also reveal
a certain classroom mathematical culture in relation to these follow-ups and their
anticipation.
RESUMEN
Observaciones de investigadores-consejeros pedagógicos sobre las
interacciones en contexto de resolución de problemas matemáticos
en clase
Nadine BEDNARZ, UQAM, Quebec, Canadá
Jean-François MAHEUX, UQAM, Quebec, Canadá
Lily BACON, UQAT, Quebec, Canadá
Mireille SABOYA , UQAM, Quebec, Canadá
Caroline LAJOIE, UQAM, Quebec, Canadá
Mathieu THIBAULT, UQAM, Quebec, Canadá
La resolución de problemas constituye, en Quebec y en otras partes del mundo, un
componente clave de la enseñanza de las matemáticas, en donde las interacciones
sociales juegan un rol importante. Para que se ejerzan interacciones ricas y favorables
al aprendizaje de los alumnos, hay que tomar en cuenta el pilotaje del problema por
el maestro o maestra. Ahora bien, las experiencias de los consejeros y consejeras
pedagógicos (CP) en matemáticas -quienes informan, sostienen y acompañan al
personal docente- muestran que dicho pilotaje no tiene nada de evidente, sobre
todo en lo que toca a las repeticiones realizadas por el maestro o maestra al calor del
momento, y muestra la complejidad con respecto a diferentes situaciones. El análisis
subraya asimismo el anclaje del trabajo de repetición sobre una actividad prelimi-
nar de anticipación. Las líneas de acción que se desprenden del análisis muestran,
además, una cierta cultura matemática de la clase relacionada con las repeticiones y
su anticipación.
INTRODUCTION
Dans le système scolaire québécois, les conseillers et conseillères pédagogiques (CP)
agissent auprès des enseignants et enseignantes en tant « qu’experts-conseils » en
pédagogie et en intervention (Héon, 2004). Au regard de la résolution de problèmes,
un élément clé du programme de formation (MEQ, 2000), les CP sont amenés à
accompagner les enseignants et enseignantes en agissant comme « ressources »
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mathématiques en classe
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(Houle et Pratte, 2003). Cette présence au milieu de la pratique en fait des acteurs qui
connaissent bien le travail des enseignants et des enseignantes, ainsi que la réalité de
la classe (Lessard, 2008).
De 2015 à 2018, nous avons conduit avec des CP du primaire un projet de recherche
collaborative en lien avec la résolution de problèmes en mathématiques en contexte
d’enseignement1. Dans le cadre de ce projet, le pilotage du problème par l’enseignant
ou l’enseignante a été un élément longuement discuté. Quand l’enseignant ou l’en-
seignante est en classe, ses interactions avec les élèves sont essentielles du point de
vue de l’apprentissage (voir par exemple Margolinas, 2005). En raison de leur proxi-
mité avec le corps enseignant et la réalité des classes, ainsi que leur mise à distance
des directives ministérielles et leur recherche constante d’innovation en matière
d’enseignement et d’apprentissage des mathématiques, les CP impliqués dans le
projet portent un regard intéressant sur la résolution de problèmes en classe. Leur
point de vue concernant le pilotage du problème par l’enseignant ou l’enseignante
vient éclairer de manière toute particulière les défis que pose cet aspect du travail de
ces derniers, en particulier en ce qui a trait aux relances – c’est-à-dire les interactions
lancées par l’enseignant ou l’enseignante, et qui visent l’avancement de la résolution
du problème par les élèves. Dans ce texte, nous nous intéressons à ces relances dans le
feu de l’action et au travail d’anticipation de celles-ci, c’est-à-dire à la réflexion sur les
relances que pourrait faire l’enseignant ou l’enseignante en lien avec ce qui pourrait
se passer en classe concernant la résolution de problèmes. Plus précisément, nous
nous penchons sur la question suivante : comment les CP conçoivent-ils les relances
de l’enseignant ou de l’enseignante dans le feu de l’action, en contexte de résolution
de problèmes, et le travail d’anticipation qui permet de s’y préparer?
RÉSOLUTION DE PROBLÈMES MATHÉMATIQUES EN CONTEXTE
D’ENSEIGNEMENT ET INTERACTIONS SOCIALES : UN ÉTAT DE LA QUESTION
En contexte de résolution de problèmes, plusieurs travaux se sont intéressés aux
interactions sociales entre élèves et à leurs apports pour l’apprentissage : formulation
de problèmes (en dyade) à d’autres élèves à des fins de résolution (Bednarz, 1996),
et interactions entre « novices » et « experts » dans le développement, chez un novice,
d’une expertise adaptative en résolution de problèmes2 (Buchs, Lehraus et Crahay,
2013; Hanin, 2018). Il faut se garder toutefois de transposer hâtivement ces résul-
tats en contexte d’enseignement. Les travaux menés sur les pratiques enseignantes
montrent en effet la complexité des gestes professionnels mis en œuvre par l’ensei-
gnant ou l’enseignante dans ses interactions avec les élèves (Charles-Pézard, Butlen
et Masselot, 2012; Roditi, 2005; Vanderbrouck, 2008).
1. Cette recherche a été subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
2. La compétence adaptative en résolution de problèmes est ici définie comme une utilisation réfléchie,
flexible et avisée par l’élève de stratégies cognitives et métacognitives (voir Hanin, 2018). Les différentes
interventions reprises dans cette recherche portent sur des problèmes non routiniers, à contexte réaliste,
et l’analyse porte entre autres sur le rôle des interactions sociales dans l’évolution des élèves.
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mathématiques en classe
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De nombreux travaux en résolution de problèmes ont souligné le rôle fondamental
des enseignants et des enseignantes en tant que « questionneurs » qui encouragent
les élèves à réfléchir sur leurs actions (Fagnant, Dupont et Demonty, 2016; Mottiez
Lopez, 2007), et dans l’influence qu’ils exercent sur les aspects mathématiques de
la construction de connaissances et le développement d’une microculture de classe
mathématique. L’analyse du processus par lequel les enseignants et les enseignantes
amorcent et guident le développement de normes sociales qui soutiennent ces
microcultures illustre bien la portée de ces interactions (Yackel, Cobb et Wood, 1991).
Ainsi, les travaux de Mottier Lopez (2007) sur la régulation interactive d’enseignants
et d’enseignantes, observée lorsque les élèves résolvent les problèmes en équipes,
montrent comment les stratégies de régulation s’inscrivent dans la dynamique d’une
microculture de classe et contribuent, en retour, à la constitution de celle-ci.
En contexte d’enseignement, des difficultés ont par ailleurs été mises en évidence
en lien, par exemple, avec la prise en compte par l’enseignant ou l’enseignante des
solutions des élèves (Oliveira, 2008) et de la prise en charge par les élèves de la vali-
dation (Barry, 2009; Saboya, 2010). Ces difficultés se manifestent dans l’exploitation
de différents types de tâches, comme les situations de généralisation ou les tâches
« complexes », sous forme de problèmes comportant plusieurs étapes de résolution
(Demonty et Fagnant, 2014; Maheux, 2007). Ici, les représentations initiales des
enseignants et des enseignantes (et celles des élèves) sur une démarche de recherche
mathématique vont souvent interférer (Coulange et Reydy, 2014). S’intéressant au
travail en classe autour de problèmes non standards, Ge et Land (2003) soulignent
également l’importance de différents types d’interventions afin de soutenir les
dynamiques d’interactions entre élèves travaillant sur un problème. Les relances de
l’enseignant ou de l’enseignante durant une résolution de problèmes peuvent donc
influencer fortement l’apprentissage des élèves et le développement d’une culture
mathématique de classe.
CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ET THÉORIQUES
Une recherche collaborative (Bednarz, 2013, 2015; Desgagné et al., 2001) a été menée
pendant trois ans avec des CP en mathématiques au primaire. Ces CP se sont engagés
avec les cinq membres du Groupe de Recherche sur la Formation à l’Enseignement
des Mathématiques (GREFEM) dans une démarche de longue durée sur le thème de
la résolution de problèmes en contexte d’enseignement, un thème ayant une réso-
nance de part et d’autre3. Pour les CP, il s’agissait d’y voir clair par rapport à la réso-
lution de problèmes en classe, de prendre une distance par rapport à leur pratique et
d’échanger sur leurs expériences de manière à cerner des pistes d’accompagnement
3. On retrouve ici le critère de double vraisemblance (Dubet, 1994) qui imprègne la démarche de recherche
collaborative dès l’entrée dans celle-ci, au moment de la cosituation du projet. Le projet a en effet une
double pertinence sociale, qui rencontre les préoccupations de la communauté praticienne comme celle
de la recherche (Bednarz, 2013).
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mathématiques en classe
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possibles des enseignants et des enseignantes. Pour les chercheurs du GREFEM, la
complexité de la résolution de problèmes mathématiques en classe en lien avec les
apprentissages des élèves méritait qu’on s’y attarde (Lajoie et Bednarz, 2012, 2014,
2016).
Qui sont les praticiens engagés dans cette recherche collaborative?
Huit CP en mathématiques au primaire, provenant de cinq commissions scolaires
différentes4, ont participé à ce projet en compagnie des cinq membres GREFEM. Les
expériences et formations en conseillance et en enseignement de ces CP en font des
témoins privilégiés de l’action en classe5. Comme nous le montrent des entrevues
réalisées au début de la recherche, le métier de ces CP s’exerce dans des contextes
différents et prend des formes variées. Ces réalités contrastées influencent le rôle que
ces CP se donnent, en particulier dans les classes6.
La démarche de recherche
La recherche s’est articulée autour de dix-sept rencontres réflexives d’une journée
chacune (cinq lors de la première année, six lors de la deuxième et six lors de la
troisième). Ces rencontres étaient organisées de manière à explorer la résolution de
4. Ces commissions scolaires couvrent différentes régions du territoire québécois (île de Montréal, Estrie,
Laurentides, Rivière du Nord, Abitibi).
5. Ces CP, qui ont tous et toutes une expérience d’enseignement au primaire (ou au secondaire, dans l’un des
cas) ont de 6 à 26 ans d’expérience comme CP. Leur formation universitaire en enseignement préscolaire
primaire (pour 6 d’entre eux), en orthopédagogie (1) ou en enseignement secondaire en sciences (1)
suivie d’autres formations complémentaires rend compte de la variété d’expertises acquises : maîtrise en
didactique (pour 3 d’entre eux) ou en psychopédagogie (1); certificat en conseillance pédagogique (2), en
efficience cognitive (1), microprogramme en enseignement des mathématiques (3), en éducation sous la
supervision de Claude Lessard (1), en littérature jeunesse (1) ou diplôme d’études supérieures en admi-
nistration scolaire (1). Enfin plusieurs de ces CP (5) ont déjà une expérience de recherche dans le cadre
d’autres projets.
6. Des entrevues individuelles ont été réalisées avec chacun et chacune des CP au tout début du projet, visant
à mieux comprendre leur métier tel qu’il s’exerce en contexte. Articulées autour de deux situations profes-
sionnelles choisies par eux, faisant état de leur accompagnement à la résolution de problèmes auprès des
enseignants, ces entrevues constituent un matériau complémentaire aux données centrales, provenant
des rencontres de RC. Elles mettent en évidence les contextes variés dans lesquels s’exerce leur métier :
étendue géographique plus ou moins grande des régions couvertes, variété dans le nombre d’écoles
desservies (entre 15 à 143 écoles primaires), responsabilité de plusieurs dossiers (mathématiques au
primaire, préscolaire et orthopédagogie; mathématiques au primaire et secondaire; mathématiques et
sciences au primaire). Elles mettent également en relief les formes variées que prend leur travail : for-
mations organisées sur des concepts spécifiques ou approches, accompagnement d’équipes-écoles sur
un long temps, réponse à des demandes ponctuelles d’enseignants et d’enseignantes, présence dans les
classes pour mieux s’imprégner de ce qui se fait, comprendre la complexité du travail de l’enseignant ou
de l’enseignante et ajuster leurs accompagnements en conséquence, expérimentations de problèmes en
classe avec l’enseignant ou l’enseignante, expérimentation de situations provenant de la recherche dans
les classes et accompagnement à l’appropriation de ces situations dans la pratique, etc.
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problèmes en contexte d’enseignement7. Les CP sont venus nourrir ces échanges en
s’appuyant sur leur expérience du métier, ce que Lessard (2008) nomme une « intelli-
gence du terrain ». Ces rencontres ont fait l’objet d’un enregistrement audio dont les
transcriptions forment le matériau de base de notre analyse.
Une démarche d’analyse émergente
Une démarche d’analyse émergente (Blais et Martineau, 2006; Glaser et Strauss,
1967) a été engagée a posteriori par les chercheurs. Tous les verbatim ont été, dans un
premier temps, organisés en groupes d’épisodes autour de cinq thèmes émergents
qui revenaient dans la discussion d’une séance à l’autre : 1) le travail qui précède le
pilotage du problème en classe; 2) la mise en route du problème; 3) l’organisation du
travail en classe; 4) les relances dans le feu de l’action; et 5) le choix de solutions pour
le retour et la synthèse. Nous avons retenu pour cet article les extraits portant sur
les relances dans le feu de l’action et ceux associés à la préparation de ces relances.
Ces échanges renvoient à des pratiques de classe rapportées par les CP à propos de
la résolution de problèmes, mais aussi à des expériences vécues dans le groupe de
recherche collaborative lors des rencontres réflexives (où l’on s’est attardé au pilotage
de problèmes spécifiques en équipes et au retour sur ce pilotage), ou encore à des
expériences projetées en classe (concernant les manières dont pourrait être envisagé
un pilotage).
Ces épisodes associés aux relances par l’enseignant ou l’enseignante ont fait l’objet
d’un codage cherchant à comprendre comment un discours se contruit à propos de
ces relances, et ce que ce discours permet d’éclairer au sujet des interactions entre-
prises par l’enseignant ou l’enseignante. Dans un premier temps, cette démarche
restitue la voix des CP : à propos de quoi les relances sont-elles invoquées et dans
quel contexte se produisent-elles? Quelle forme prennent ces relances sur le plan
de l’action? Qu’est-ce qui les sous-tend (intentions)? Plusieurs catégories descrip-
tives ont ainsi été identifiées, par exemple, à propos d’une erreur commise, le fait de
changer les nombres (relance au plan de l’action), ou le fait d’aider l’élève à prendre
conscience de son erreur (son intention).
À un deuxième niveau de catégorisation émergente, dans une posture plus analy-
tique, les chercheurs ont voulu saisir la structure de ces catégories. Deux concepts
théoriques ont guidé ce travail : celui de problématisation (Fabre, 1999) et celui de
culture mathématique de classe (Yackel et Cobb, 1996). Ces concepts, présentés à la
7. Différents aspects ont été abordés au fil des rencontres : choix de problèmes, pilotage de problèmes en
classe et préparation à ce pilotage, de même que le retour après pilotage, potentiel de différents types de
problèmes amenés par les uns et les autres. Les propos dont témoignent les échanges portent sur diffé-
rents problèmes longuement discutés par le groupe, provenant de la recherche mais aussi de la pratique
des CP, choisis en fonction de leur potentiel, en étant susceptibles d’engager une véritable activité mathé-
matique par l’élève (de construction conceptuelle, de réflexion et d’analyse, de recherche mathématique)
(voir pour des exemples de tels problèmes Bacon et al., 2017; Bednarz et al., 2017 ; Bednarz et al., sous
presse).
Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
VOLUME XLVII : 3 - Automne 2019 147 www.acelf.ca
section suivante afin de respecter leur apparition « après coup » dans le travail d’ana-
lyse, se sont avérés pertinents pour dégager la manière avec laquelle les CP abordent
les relances de l’enseignant ou de l’enseignante dans le feu de l’action et dans le
travail préparatoire de celles-ci, sans oublier les éléments qui les fondent, et ce qui se
construit à leur propos.
Deux concepts significatifs pour l’analyse
Le concept de problématisation nous a permis d’aborder comment les CP
coconstruisent des compréhensions à propos des relances de l’enseignant ou de
l’enseignante en résolution de problèmes. Problématiser consiste à examiner, selon
Fabre (2006b), différentes composantes d’une situation afin d’identifier ce qui peut
être problématique. Un même phénomène peut conduire à différentes probléma-
tisations, selon les tensions identifiées par les acteurs. Les praticiens (ici les CP)
évoluent ainsi dans un espace d’interprétation entre le phénomène (la résolution de
problèmes en classe et les relances de l’enseignant ou de l’enseignante) et la pratique
(leur expérience du terrain). En simplifiant un peu, ce processus de problématisation
peut être associé à trois phases : (a) l’identification du phénomène à problématiser
(la « position »), (b) l’examen du problème sous forme de données et de conditions (la
« construction » du problème au moyen de « références » diverses), puis (c) la « résolu-
tion », dans laquelle se fait l’énonciation de pistes pour l’action (Fabre, 1999, 2006a).
Ce processus n’est pas linéaire, la problématisation progressant par « accumulation
[de] références [qui] suscitent des inférences, lesquelles produisent de nouvelles
références et ainsi de suite en une dialectique d’indices et de preuves » (Fabre, 2006b,
p. 20). Problématiser consiste donc à « organiser l’expérience » à partir de laquelle cer-
tains jugements pourront être portés. Ce concept de problématisation nous permet
de voir comment différents éléments dégagés par les CP contribuent à l’émergence
d’un certain discours portant sur les interactions lancées par l’enseignant ou l’ensei-
gnante, discours pourvu d’une forme de cohésion et situé dans un réseau de relations
situationnelles (voir par exemple Cislaru, 2017).
L’un des éléments caractérisant ce discours est en lien avec ce que Yackel et Cobb
(1996) appellent la « culture mathématique de la classe » (voir aussi Cobb, Stephan,
McClain et Gravermeijer, 2001; Cobb, Wood, Yackel et McNeal, 1992). Ce concept
trouve ses fondements dans l’interactionnisme symbolique, avec l’idée d’une consti-
tution interactive du sens (Blumer, 1969), et correspond à l’espace de significations
qui s’établit autour de l’activité de résolution de problème, à travers les manières
d’interagir en classe. Quelques travaux (Seeger, Voigt et Waschescio, 1998; Yackel et
Cobb, 1996) ont développé ce concept de culture mathématique de la classe en exa-
minant les « normes » constituées dans l’interaction entre les élèves et l’enseignant
ou l’enseignante. Ces « normes sociomathématiques » ne renvoient pas à des critères
prédéterminés, mais sont coconstituées, constamment générées et modifiées à tra-
vers les interactions enseignant-élèves, influençant les occasions d’apprentissage des
Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
VOLUME XLVII : 3 - Automne 2019 148 www.acelf.ca
élèves. L’apprentissage, de ce point de vue, passe par la participation à une pratique
de mathématisation : « Les individus développent leur compréhension personnelle
lorsqu’ils participent à la négociation des normes de la classe, y compris celles qui
sont spécifiques aux mathématiques. » (Yackel et Cobb, 1996, p. 460.) Des idées
mathématiques se développent en même temps qu’une légitimation (par le groupe
enseignant-élèves) de ce qui constitue une activité mathématique souhaitable (par
exemple une justification mathématique acceptable, une approche mathématique-
ment différente d’une autre, etc.). Dans l’analyse qui suit, on verra que l’idée de par-
ticipation à une culture de classe de mathématique particulière (qu’on pourrait dire
« d’investigation ») se dégage des propos des CP autour du travail de relance.
ANALYSE DES RÉSULTATS
Notre analyse dévoile le processus par lequel les CP et les chercheurs en viennent (1)
à considérer la question des relances, (2) à l’aborder du point de vue des conditions
et des nuances qui l’entourent, et (3) à formuler des manières d’agir instaurées par
l’enseignant ou l’enseignante en interaction avec les élèves.
Dans les sections suivantes, nous illustrons ceci en rapportant une partie des propos
tenus par les CP (identifiés CP1, CP2, etc.) et l’équipe de recherche (dont les membres
sont identifiés par C1, C2, etc.) autour de ces deux éléments : les relances dans le feu
de l’action et l’anticipation.
Le travail de relance dans le feu de l’action
Les CP, conjointement avec les chercheurs, identifient très vite un phénomène à étu-
dier en raison du caractère imprévu du déroulement de la résolution de problèmes
en classe : le pilotage du problème, et les relances en particulier. Ce travail de relance
sera problématisé en s’appuyant sur un repérage dans l’action de gestes significatifs,
de questionnements, de défis qui se posent à l’enseignant ou l’enseignante au regard
de ce qui se passe chez les élèves, en se nourrissant pour cela d’expériences et d’ob-
servations faites en classe et dans les rencontres réflexives du groupe.
Au fil des discussions, les relances sont examinées au regard de différents cas de
figure pouvant se produire dans une classe, ce que Fabre (1999) nomme les « données
du problème » – soit les éléments que les acteurs (CP et chercheurs) se donnent pour
faire avancer la problématisation. Les relances sont ainsi envisagées du point de vue
des blocages d’élèves lors de la résolution, c’est-à-dire les élèves qui ne partent pas
de la « bonne » façon, qui ne s’engagent pas dans le problème, ou qui bloquent le rai-
sonnement d’autres élèves au sein d’une équipe. On parle aussi de relances du point
de vue de la gestion des rythmes, face à des solutions différentes et à des stratégies
plus ou moins efficaces présentées par les élèves, ou encore en lien avec l’erreur. Ces
Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
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différents cas de figure illustrent la densité du phénomène étudié et la complexité de
ce qu’il recouvre. C’est ce qui ressort, par exemple, des propos de CP3, en référence à
une expérimentation réalisée en classe, où elle observe la posture de retrait d’élèves
en difficulté jumelés avec des élèves plus forts :
Moi comme intervenante, à gérer plein d’élèves en simultané, même si je
connaissais très bien les difficultés de ces élèves, je n’arrivais pas à faire de
ce moment un moment d’apprentissage pour l’élève qui s’était placé plutôt
en posture passive. Et je n’arrivais pas à trouver un levier pour… Même, je
n’avais pas assez de temps pour le questionner suffisamment, parce qu’une
équipe levait la main, l’autre avait besoin d’un petit indice pour avancer…
Cette CP témoigne de la complexité du travail de relance dans un cas de figure où
des élèves ne sont pas engagés dans la résolution de problèmes. Cette complexité est
mise en évidence à travers les conditions dans lesquelles s’inscrivent les interactions :
besoin particulier d’élèves, contrainte de temps, simultanéité des régulations prenant
en compte l’avancée des autres équipes, etc. Ces facteurs configurent l’enjeu des
apprentissages des élèves d’une manière particulière.
On retrouve ceci dans un autre cas de figure, celui des relances face à la non-efficacité
de stratégies mises en place par les élèves. Dans cet épisode, deux CP (CP3 et CP8)
rapportent leurs observations suite à l’expérimentation en classe de 5e année (10-
11ans) d’un jeu nommé « Problème de l’inspecteur » (voir figure 1).
Figure 1. Problème de l’inspecteur (traduction et adaptation du Taxman problem)
(Source : Hoshino, Polotskaia et Reid, 2016)
Les deux CP, ayant expliqué qu’ils ont lancé très rapidement les élèves dans ce jeu,
explicitent l’effet qu’a eu ce choix sur leur travail de relance (voir figure 2, partie A) :
On dispose de 12 chèques au montant de 1 $, 2 $, 3 $, …, 12 $.
Pige un chèque pour toi.
L’inspecteur prend alors tous les chèques restants dont le montant est un diviseur du chèque que
tu viens de prendre.
On recommence, pige un autre chèque.
Le jeu s’arrête quand l’inspecteur ne peut plus prendre de chèque.
Essaie d’amasser le plus d’argent possible. Quelle est ta stratégie pour cela?
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Figure 2. À propos des relances dans le feu de l’action lors de la résolution du
problème de l’inspecteur
On voit à nouveau la complexité du travail de relance illustrée par les dilemmes qui se
posent à l’enseignant ou l’enseignante : intervenir en donnant une stratégie ou laisser
poursuivre? À quel moment le faire? Jusqu’où aller? Là aussi, les contraintes entrent
rapidement en ligne de compte, en particulier les forces différentes des élèves et leurs
rythmes variés.
Aborder la question des relances, en plein pilotage d’une résolution de problèmes,
c’est donc ouvrir le questionnement, ajouter aux considérations, puis détailler et
enrichir le paysage. Il s’agit d’une problématisation qui garde toujours au cœur de ses
préoccupations les réflexions didactiques : un travail mathématique pertinent sur le
problème reste nécessaire, comme le montre, par exemple, l’extrait suivant, toujours
en référence au jeu mentionné précédemment (voir figure 2, partie B).
Cette problématisation s’accompagne de pistes d’action pour les enseignants et les
enseignantes, des relances prometteuses qui sont explicitées en lien avec des inten-
tions qui vont se préciser. En faisant référence à l’observation par trois CP des interac-
tions lancées par la chercheure qui intervient auprès d’eux pendant qu’ils résolvent
le problème « du pied de géant » (voir figure 3), on nomme ainsi différentes relances
qui leur apparaissent fécondes du point de vue de l’avancée dans la résolution du
problème.
ACP3 : C’est vrai qu’il y avait beaucoup de questions au début, les élèves n’étaient pas si certains de ce qu’ils devaient faire
avec les règles [du jeu].
CP8 : C’était chaotique. Ce n’était pas efficace.
CP3 : Ça m’a un peu déstabilisée. Est-ce que j’interviens, est-ce que je n’interviens pas? J’ai résisté à la tentation pendant un
bon moment.
CP8 : C’est là que tu te dis : est-ce que je leur donne une stratégie? Est-ce que je les laisse découvrir jusqu’à ce qu’il y en ait
un qui […]
CP6 : Parce que toutes les équipes ne sont pas rendues à la même place, puis elles ne sont pas toutes rendues au même
niveau.
BCP3 : C’était plus profitable de le faire comme ça [présenter rapidement le jeu et mettre les élèves à la tâche] que de
s’être assuré au départ que toutes les règles étaient comprises. Choisir le 12 en commençant est un bon exemple pour
illustrer ceci. Il est plus significatif si ça arrive pour vrai aux élèves. On aurait pu le donner comme exemple dès le départ,
mais on a préféré que les élèves le découvrent par eux-mêmes. Dans une autre classe, nous avons expérimenté en jouant
une partie avec un élève en guise d’exemple pour tous. L’élève a choisi 12 (l’inspecteur 1-2-3-4-6) puis 7 (l’inspecteur
rien) et la partie s’est terminée. Ce qui a mis en lumière 2 « pièges » dès le départ (choisir un grand nombre qui a plusieurs
diviseurs et choisir un nombre qui n’a pas de diviseurs).
CCP8 : Dépendant des équipes, tu peux sentir que tu as besoin d’aider, dans d’autres tu sens que non, mais parfois une
petite question…ça va les repartir. Puis dans d’autres, tu aurais quasiment le goût, pas de les coincer, mais de les embêter
un peu.
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Figure 3. Problème du pied de géant (Source : Rauscher et Adjiage, 2012)
Parmi ces relances prometteuses figure, par exemple, l’idée de faire semblant de ne
pas comprendre, dans l’intention de faire expliciter un raisonnement par les élèves
(voir figure 4, partie A).
On pourrait aussi mentionner, toujours à propos du même problème, l’idée de jouer
le jeu, de manière à encourager la recherche (voir figure 4, partie B).
Cette photo a été prise dans un parc d’attractions en Angleterre. On y aperçoit une partie de la
jambe d’un géant. Quelle est la taille de ce géant?
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Figure 4. À propos des relances dans le feu de l’action lors de la résolution du
problème du pied de géant
On nomme également l’idée de semer le doute, dans le but de pousser plus loin le
raisonnement ou de faire comparer différentes stratégies, ou points d’entrée, ce qui
est bien présent dans l’extrait de la figure 4 (voir partie C).
Différentes pistes de relances et des intentions sous-jacentes vont ainsi être explici-
tées au fil des échanges. Il s’agit de questionner en pistant des éléments importants
du problème, de demander des précisions sur ce qui est dit pour pousser la réflexion,
de demander de réexpliquer dans ses propres mots, de forcer une explication sur
un élément qui reste implicite pour un élève, de proposer du matériel pour aider à
résoudre le problème en faisant un choix judicieux selon ce qui est observé, de faire
un temps d’arrêt pour mettre à plat les stratégies utilisées, puis de semer le doute
pour différencier les solutions proposées et les entrées possibles. Dans ces relances,
l’enseignant ou l’enseignante cherche à piquer l’attention des élèves, à solliciter leur
engagement, à les mettre au défi et à encourager la recherche.
Une certaine vision de la classe en résolution de problèmes se dégage de ce qui pré-
cède en ce qui concerne les interactions de l’enseignant ou de l’enseignante avec
les élèves, donnant de l’intérêt au raisonnement de l’élève et s’inscrivant dans une
perspective d’ajustements continuels à ce qui se passe dans la classe (voir figure 2,
partie C).
ACP5 : J’ai reflété tantôt le genre de questions que tu nous as lancées quand tu étais en train de nous faire réfléchir
CP1 : […] C’étaient les questions de quelqu’un qui fait semblant de ne pas comprendre, parce que tu voulais que je mette
des mots. Quand j’ai dit « c’est sept fois et demi [faisant référence à une relation entre des grandeurs sur l’image, non
précisée], tu as dit « qu’est-ce qui te fait dire cela? ». Tu m’amenais à ce que je précise.
BCP1 : moi je vois aussi une relance pour encourager la recherche. Quand j’ai dit « c’est pas vrai que la longueur du pied
influence la hauteur [de l’homme], tu nous as amenés à jouer le jeu en disant « admettons que ça se peut ». Moi je
voulais pas, je disais « non c’est pas proportionnel » et là tu as dit « bien si on laissait CP5 aller jusqu’au bout de son
raisonnement ».
CP5 : j’avais un doute, je me disais « je ne sais pas si ça se tient, c’est pas ça ».
C1 : dans le fond tu bloquais sa solution [s’adressant à CP1] en disant « ça marche pas ton truc »
CP1 : Et là tu as dit « faisons comme si ça se pouvait. Admettons que ça se tiendrait ».
CCP5 : Un moment donné elle [CP2] était au bout de son raisonnement.
CP2 : J’ai dit « je ne le sais plus » [comment continuer]
CP5 : […] Et là tu l’as relancée, mais pas en lui disant ou pas [comment poursuivre]. Je ne sais plus comment tu l’as
relancée […], mais elle a repris son raisonnement […].
C1 : Oui je sais que je l’ai relancée parce que tu disais [s’adressant à CP2] « c’est la même chose » [entendu, le même
raisonnement que toi]. Puis, j’ai dit « je ne suis pas certaine […] c’est peut-être pas tout à fait la même chose » […].
CP1 : Tu nous amenais à clarifier les dimensions dont on tenait compte […] pour distinguer ou faire un lien.
CP5 : Tu relançais pour distinguer les différentes entrées.
CP1 : ou rendre plus explicites les relations, des relations qui sont souvent implicites.
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Se dégage de l’analyse précédente une culture mathématique de classe tournée
vers l’investigation mathématique : valoriser, pousser le raisonnement, encourager
la recherche, solliciter l’engagement, mettre l’élève au défi, être ouvert à différentes
solutions, stratégies et points d’entrée, distinguer, faire des liens – tout ce qu’on pour-
rait facilement contraster avec l’enseignement explicite de procédures de résolution
qu’il s’agit ensuite d’appliquer. Les relances sont des éléments clés de la mise en
place de cette culture souhaitée, dont il importe de conserver le rationnel à travers
les intentions poursuivies.
On se retrouve bien ici devant un processus riche de problématisation du travail de
relance dans le feu de l’action en lien étroit avec l’idée d’une certaine culture mathé-
matique de classe. Cette problématisation s’est aussi enrichie lorsque le groupe a
envisagé le travail qui se fait en amont du pilotage en classe, c’est-à-dire l’anticipation.
Le travail d’anticipation pour préparer les relances
Au fil des échanges, les CP problématisent le travail de relance en lien avec l’anti-
cipation de ce qui est susceptible de se produire en classe, en identifiant d’abord
l’existence du phénomène. Ces relances ne peuvent jamais être complètement anti-
cipées, dans la mesure où la résolution de problèmes en classe donne toujours lieu à
de l’imprévu.
Ce phénomène est vite nuancé par l’apport d’une anecdote, au sujet de la mise en
route rapide du jeu (voir figure 1), évoquant les risques liés à une « suranticipation »,
c’est-à-dire à l’idée d’anticiper pour contrôler le plus possible ce qui va se passer en
classe (voir figure 5, partie A).
Se clarifient alors progressivement différents rôles liés à l’anticipation, selon la
manière dont le travail de relance auprès des élèves est envisagé.
Ainsi, l’anticipation consiste à imaginer ce qui peut arriver durant la résolution en
classe, afin d’envisager des réactions possibles de l’enseignant ou de l’enseignante
(voir figure 5, partie B).
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Figure 5. À propos de l’anticipation en lien avec le problème de l’inspecteur
On fait ici référence au fait d’être préparé à « répondre » aux élèves par des relances
pertinentes. On distingue donc le travail d’anticipation, qui aurait pour but d’orches-
trer précisément les interactions pour lancer d’emblée les élèves sur une bonne piste
(et ainsi éviter qu’ils rencontrent telle ou telle difficulté), de celui poursuivant l’inten-
tion de se préparer à interagir avec les élèves face aux difficultés rencontrées. Le rôle
de l’anticipation n’est donc pas d’éviter d’interagir avec les élèves, mais de pouvoir
lire ce qui se passe et réagir en conséquence (voir figure 5, partie C).
L’anticipation sert également à cerner en amont, au service des relances, le poten-
tiel mathématique du problème. Cette anticipation se fait dans un va-et-vient entre
l’analyse du problème et ce qui peut se passer chez les élèves, permettant d’élargir
le spectre établi a priori. On envisage alors des relances en lien avec les variables
didactiques du problème et l’on se projette dans l’idée de pousser plus loin l’activité
mathématique des élèves. Cette anticipation permet aussi d’envisager la diversité de
ce qui pourrait se produire dans une classe, faisant ressortir le potentiel et la com-
plexité de ces relances. Comme l’affirme C3 :
Le problème rejoint beaucoup d’élèves et est propice à des apprentissages
et [des] évolutions variés. Un enjeu du pilotage est de gérer cette variété des
évolutions.
Ainsi, l’anticipation participe au travail de relance dans sa dimension didactique,
c’est-à-dire en lien avec les apprentissages des élèves et le développement de l’acti-
vité mathématique.
De ce point de vue, on expose alors un autre enjeu : celui de « se retenir », comme
enseignant ou enseignante, au moment de l’interaction avec les élèves. Si l’antici-
pation passe par le fait de résoudre soi-même le problème, cela apporte le risque
ACP3 : C’était plus profitable de le faire comme ça [présenter rapidement le jeu et les mettre à la tâche] que de s’être assuré
au départ que tout était compris. Tu sais à vouloir sur-anticiper. La tentation est grande de vouloir présenter les stratégies
optimales dès le départ sans laisser les élèves se débattre avec les stratégies peu efficientes. C’est plus profitable que
chacun expérimente ces cas de figure [choisir un grand nombre qui a plusieurs diviseurs, choisir un nombre qui n’a pas de
diviseur, etc.]. Ça fait partie de l’appropriation de la tâche et du développement de stratégies.
BCP8 : [Des élèves] ont saisi dès le départ, puis cest quand ils n’y arrivaient pas qu’ils t’ont posé une question. C’était là que
c’était pertinent d’avoir une réponse. Ce n’était pas d’avoir la réponse avant d’avoir anticipé la problématique.
CCP3 : Si moi je ne m’étais pas appropriée la tâche, si je n’avais pas fait des erreurs moi-même, je pense que j’aurais moins
bien été capable de les accompagner […] c’est bien plus au fil du déroulement des questions, ou quand ça surgit. Par
exemple, plusieurs équipes étaient coincées avec un même résultat total qui revenait sans cesse. Le besoin s’est donc fait
sentir de prendre des notes sur les séquences de chèques choisis. En fournissant, à ce moment là, un exemple de prise de
notes, nous avons mis en évidence l’importance des traces dans la démarche de recherche.
DCP8 : Quand on s’est préparé CP4 et moi, on a joué CP4 et moi avant. Donc on était capable d’anticiper : c’est quoi les
meilleures stratégies? C’est quoi les pièges dans lesquels les élèves vont tomber? Mais ça demande un certain contrôle de
soi pour ne pas tout dévoiler ça. Et de laisser parcourir aux élèves le chemin que nous, nous avons parcouru aussi.
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d’intervenir d’une manière qui priverait l’élève du travail de résolution (voir figure 5,
partie D).
On identifie ce « contrôle de soi » au moment des interactions comme quelque chose
de difficile à développer pour les enseignants et les enseignantes (voir figure 6).
Figure 6. À propos de difficultés observées par les CP dans les relances
Cette difficulté vient de l’impression d’allonger inutilement le temps nécessaire à
résoudre le problème en laissant les élèves chercher et se tromper. Cependant, de
l’avis de ces CP, cette retenue est importante du point de vue de l’apprentissage. Cette
manière de concevoir les interactions au moment du travail sur le problème émerge
alors comme un élément important à prendre en considération dans le travail d’ac-
compagnement. Toujours selon CP3 :
C’est comme si on a l’impression que lorsqu’on enseigne, ils apprennent
mieux que lorsqu’ils font… c’est une conception à revoir.
On déborde alors de la question de l’anticipation pour revenir sur la question des
relances dans le feu de l’action. Des manières de faire se dégagent à travers la com-
plexification de la question de l’anticipation face aux relances.
La réflexion commune met en valeur l’idée de préparer des interventions en résolvant
soi-même le problème, en anticipant ce qui peut se produire, et celle de prévoir de
suspendre les interventions en faisant référence à ce que les CP ont vécu en travaillant
eux-mêmes sur le problème, à ce qu’ils ont connu en tant qu’enseignant ou ensei-
gnante intervenant avec des élèves, et à ce qu’ils ont vu des enseignants et des ensei-
gnantes faire ou dire. Ces « anecdotes » sont exemplaires parce qu’elles révèlent une
certaine vision de l’apprentissage et de l’activité mathématique. Quand on dit que
quelque chose est « gagnant pour l’apprentissage de l’élève » ou qu’il faut « les laisser
parcourir le chemin que nous, nous avons parcouru aussi », une certaine vision de
la classe de mathématiques (telle qu’on la souhaite) s’élabore. Les manières de faire,
liées aux rôles et aux défis de l’anticipation par rapport aux interactions en classe,
prennent sens à travers cette problématisation.
CP8 : De répondre aux questions, quand les questions arrivent; les enseignants trouvent ça
difficile, de laisser faire les élèves et de ne pas les pister, ils trouvent ça super difficile. Je leur
disais tout le temps « ne réponds pas, attends que les questions viennent ». Parfois, il n’y a rien
qui se passe pendant cinq minutes. Ok, il ne se passera rien pendant cinq minutes.
CP8 : « Mais on perd du temps », me disent les enseignants. Non, on gagne du temps. C’est difficile
pour eux [les enseignants], mais tellement gagnant pour l’apprentissage de l’élève.
CP6 : Il ne faut pas que tu le dises. Ils veulent répondre […] Il faut qu’on le dise : « non attends »
et c’est ce qu’ils trouvaient le plus difficile, les enseignants. C’est vraiment quelque chose de très
complexe de se retenir comme enseignant.
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SYNTHÈSE ET DISCUSSION
Un retour sur les résultats de l’analyse nous permet de cerner les principales avan-
cées de cette recherche. Soulignons trois points principaux.
D’abord, on voit s’élaborer chez les CP une problématisation des relances selon dif-
férents cas de figure pouvant se produire dans une classe. Cette problématisation
montre la densité du pilotage du problème, par les multiples possibilités, souvent
imbriquées, pouvant se produire, et la complexité de ce pilotage par l’enseignant ou
l’enseignante, impliquant une simultanéité d’actions à mener. Elle permet aussi de
faire apparaître des pistes d’action prometteuses pour l’avancée dans la résolution
de problèmes, en raison de leur mise en lien avec certaines intentions précises. Le
discours que les CP développent à propos des relances est ainsi, en même temps, un
discours sur l’activité mathématique de la classe telle qu’ils la souhaitent. Cette der-
nière pourrait être qualifiée d’ouverte, d’exploratrice, valorisant l’argumentation et la
discussion des idées mathématiques.
Deuxièmement, du point de vue de ces relances et de leur anticipation, on voit que
cette culture exige une perspective d’ajustements continuels de l’action de l’ensei-
gnant ou de l’enseignante à ce qui se passe dans la classe. L’anticipation des relances
a alors pour but non pas de tout prévoir (par exemple en s’assurant que telle diffi-
culté ne sera pas rencontrée), mais de se préparer à pouvoir lire ce qui surgit chez les
élèves, et ce, de manière à saisir l’occasion pour aller plus loin.
Enfin, la problématisation du travail de relance qui se construit chez les CP est
enchâssée dans de nombreuses autres préoccupations, liées par exemple au choix
des problèmes, à leur mise en route dans la classe, à la planification d’une activité.
La question surgit donc à différents moments, sous différentes formes. Le développe-
ment de ce questionnement se fait en soulevant les multiples défis et possibilités qui
entourent ce travail de relance. La problématisation à laquelle nous assistons s’enri-
chit ainsi progressivement. Si le début des échanges est surtout centré sur les relances
dans le feu de l’action, le travail d’anticipation visant à préparer et nourrir ces
relances est ainsi rapidement abordé, soulevant par là certaines dimensions didac-
tiques, en lien avec les apprentissages des élèves et le développement de l’activité
mathématique (par exemple autour du risque lié à une suranticipation, l’enseignant
ou l’enseignante voulant à tout prix injecter dans la classe ce qu’il ou elle a anticipé).
Ces résultats viennent enfin confirmer les recherches antérieures qui se sont intéres-
sées à la régulation par l’enseignant ou l’enseignante des interactions (par exemple
Mottiez-Lopez, 2007), en mettant en évidence le rôle clé de la microculture de
classe de mathématiques qui se constitue dans ces interactions enseignant-élèves.
Une culture qui évoque fortement celle privilégiée dans les travaux portant sur
la démarche d’investigation mathématique (Maab, Artigue, Doorman, Krainer et
Ruthven, 2013) où « [l’on] peut voir l’enquête en mathématiques à l’école comme une
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activité qui ressemble à celle des chercheurs mathématiciens […]. L’engagement dans
le questionnement et l’investigation se centre sur des aspects des mathématiques et
génère de nouvelles questions et pistes d’investigation… » (Jaworski, 2004, p. 24.).
Plus particulièrement, on répond ici aux travaux de Yackel et Cobb (1996) en montrant
comment la préoccupation de soutenir un climat de classe propice à la résolution
de problèmes et à l’investigation passe, chez ces CP, par un regard sur la relance de
l’enseignant ou de l’enseignante qu’il s’agit, donc, de problématiser. C’est une entrée
que l’on ne retrouve pas dans les nombreux travaux autour des interactions en classe
de mathématique, qui présentent surtout des modèles, par exemple du point de
vue de l’étayage dans la résolution de problèmes mathématiques (Rivier et Monney,
2015), ou d’un dispositif d’enseignement visant le développement d’une expertise
adaptative en résolution de problèmes chez les élèves (Hanin, 2018). Étant fortement
tournée vers le travail mathématique, la problématisation développée diffère aussi de
ce qu’on retrouve dans les travaux autour des interactions en contexte d’investigation
sans ancrage disciplinaire (Ge et Land, 2003). On le voit dans la manière avec laquelle
le processus de problématisation, conduisant à l’élaboration collective d’un champ
de possibles du point de vue des relances, s’élabore, dans une dialectique entre les
observations de terrain des CP (la classe réelle) et une certaine culture mathématique
de classe favorisant la résolution de problèmes (la classe souhaitée).
CONCLUSION : LIMITES ET PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE
La résolution de problèmes est une composante clé de l’enseignement des mathé-
matiques dans laquelle les relances jouent un rôle important. Au cours de cette
recherche, la question des interactions a naturellement fait l’objet de discussions. Les
expériences des CP en mathématiques ayant participé à cette recherche collaborative
en montrent la richesse et la complexité. Dans cet article, nous avons brièvement pré-
senté une partie de nos analyses en ce sens, du point de vue de la problématisation de
la question des relances en lien avec une certaine vision de la culture mathématique
de classe.
Nos analyses reposent évidemment sur un groupe de CP particulièrement engagé du
point de vue réflexif et par rapport à la résolution de problèmes en classe de mathé-
matiques. Il sera intéressant de voir comment ce qui s’est coconstruit dans le cadre de
cette RC résonnera effectivement dans la communauté plus large des CP, des ensei-
gnants et des enseignantes. Notons aussi que la question des interactions n’ayant pas
été ciblée de manière explicite comme objet d’attention au cours de la recherche, les
propos analysés ici sont certainement fragmentaires. Ce qui nous intéresse davan-
tage, cependant, serait de voir comment cette problématisation pourra servir d’assise
à un accompagnement des enseignants et des enseignantes par ces CP autour de la
question des relances en résolution de problèmes. Notre analyse se limite ici à des
propos en regard des relances et de la résolution de problèmes en classe, propos
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tenus par des CP dont le rôle principal n’est pas d’intervenir en classe, mais de sou-
tenir les enseignants et les enseignantes dans leur développement professionnel et
dans cette action en classe. Que deviendrait cette problématisation mise de l’avant
par ces CP confrontés à une culture mathématique « en action »? Comment serait-elle
mise à contribution dans le travail avec les enseignants et les enseignantes? Penser le
travail d’accompagnement des CP en termes de chocs ou de concordances culturels
avec les interactions en classe comme révélateur et moyen d’action nous semble une
piste prometteuse, à explorer.
Références bibliographiques
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Regards de chercheurs-conseillers pédagogiques sur les interactions en contexte de résolution de problèmes
mathématiques en classe
VOLUME XLVII : 3 - Automne 2019 159 www.acelf.ca
BEDNARZ, N., BACON, L., LAJOIE, C., MAHEUX, J.F. et SABOYA, M. (sous presse).
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... Les formatrices et les formateurs ont alors la charge de la transposition à faire aux enseignantes et aux enseignants débutants ou expérimentés. L'inscription de ces transpositions dans les recherches, notamment grâce à un travail collaboratif, est ainsi de plus en plus mise en avant (Bednarz et al., 2019 ;Bednarz & Barry, 2010 ;DeBlois, 2009a ;Horoks & Pilet, 2015). ...
Article
This article presents a synthesis of the precedent articles to think about new perspectives in a large map of research in didactics of mathematics. The ten articles in this special issue conduct to observe, at first, that the context of professional formation in mathematics teaching, is crucial. In addition, a lot of questions about teacher, formations and their specificities emerge. In these conditions, didactics of mathematics could be mobilized in many and non-exclusive ways.
Article
For several years, roleplaying has been used as a device with preservice teachers in mathematics education. Although the potential of roleplaying in teacher education has been studied, the role of the mathematics educator in roleplaying remains poorly documented. In this paper, through teacher education practice narratives written by the authors of this text and with a framework, we describe the professional postures and gestures adopted by the mathematics educators in the different phases of the roleplaying design. Despite some differences in operating the device, important similarities emerge in the postures and gestures adopted by the mathematics educators through the four phases of roleplaying.
Article
Despite the importance, in Québec, of pedagogical consultants (PCs) for continuing education, little research has focused on understanding the PC profession, from within its practice. This is particularly the case in mathematics education where PCs are facing major challenges in relation to problem solving. Through collaborative research carried out with PCs intervening in elementary schools, we aimed at a better understanding of the support offered to teachers. Three contrasting cases presenting different accompaniments are here developed. Based on the framework of “professional didactics” and on the concept of “logic of action”, an emerging analysis puts in light the professional activity these CPs enact and the underlying reasons guiding their activity.
Thesis
Full-text available
Cette thèse se situe dans le champ de la didactique des mathématiques et plus spécifiquement en didactique des probabilités. Je m’intéresse au contexte particulier de la formation à l’enseignement des probabilités du secondaire avec des outils technologiques. Dans les universités québécoises francophones, il y a une quasi-absence de cours de didactique consacrés aux probabilités dans la formation initiale et peu d’initiatives semblent offertes en formation continue. Il convient alors de se pencher sur la formation à l’enseignement des probabilités du secondaire avec des outils technologiques, surtout considérant des préoccupations scientifiques, sociales et de formation en lien avec cet enseignement. On en sait peu sur ce qui doit être pris en compte dans la formation, ce sur quoi il faut insister, sur les approches à favoriser, sur les difficultés à anticiper, sur les tensions qui peuvent surgir entre le formateur, les formés et les savoirs, etc. Le problème de recherche se résume donc au fait qu’on ne connait pas les enjeux de formation à ce sujet. Il convient alors de documenter dans cette étude à caractère exploratoire les éléments importants à considérer dans une telle formation. En offrant une formation continue sur l’enseignement des probabilités du secondaire avec des outils technologiques, il apparait donc pertinent d’en documenter le processus pour dégager des enjeux de formation qui en émergent. En ce sens, je pose la question de recherche suivante : Quels enjeux de formation émergent d’une formation continue à l’enseignement des probabilités du secondaire avec des outils technologiques ? Pour situer les assises théoriques de cette recherche doctorale, je définis notamment les concepts d’enjeu de formation et d’outil technologique. Les enjeux de formation prennent la forme d’éléments importants à considérer pour la formation des enseignants dans le contexte particulier de l’enseignement des probabilités du secondaire avec des outils technologiques. Je présente ensuite trois modèles (modèle TPACK, modèle de Laborde et modèle de Tapan) qui permettent de se pencher sur des enjeux de formation à partir d’angles d’entrée complémentaires (connaissances et compétences des enseignants, niveaux d’utilisation d’outils technologiques pour l’enseignement, puis dynamiques d’interactions en contexte de formation). Trois objectifs de recherche sont alors posés pour décrire et comprendre des enjeux de formation dans un tel contexte de formation continue. Pour mener cette recherche, la méthode de recherche-formation apparait pertinente afin de viser à la fois le développement professionnel pour le praticien, à travers une formation continue qui lui est offerte, ainsi qu’une recherche sur cette formation pour contribuer à l’avancement des connaissances pour la communauté de recherche. Ce choix de méthode de recherche souligne l’originalité de cette thèse étant donné que cette méthode est encore peu documentée. La richesse du double rôle du chercheur-formateur m’offre de documenter une formation continue de l’intérieur, en m’intégrant dans le processus même de la formation. Dans la formation continue, cinq situations probabilistes accompagnées d’outils technologiques sont abordées sur les plans mathématique et didactique lors de cinq séances de formation de trois heures. Il s’agit en fait de rencontres de travail auprès de cinq enseignants et deux conseillers pédagogiques en mathématiques au secondaire ayant des expertises complémentaires. Ces rencontres se tiennent à raison d’environ une rencontre par mois et les réflexions se poursuivent entre chaque rencontre par un devoir qui est négocié avec les participants. Des données de plusieurs types sont recueillies, soit des productions des participants lors du travail sur les situations et dans les devoirs, des observations filmées (et retranscriptions verbatim) des rencontres collectives, des récits de formation, des enregistrements audio des entretiens individuels (préliminaires et finaux) et des notes de recherche. Une analyse thématique me permet de dégager trois thèmes qui émergent des données. Les extraits codés sont regroupés selon ces thèmes, puis répartis plus spécifiquement en onze sous-thèmes. Pour chacun des sous-thèmes, je vise à décrire et comprendre des enjeux de formation en les exemplifiant à partir de certains extraits analysés, par une analyse à l’aide des catégories conceptualisantes. Cette analyse me permet de faire ressortir dix-sept enjeux de formation, en guise de résultats. Je reviens alors sur la question de recherche en présentant de manière schématique les thèmes, sous-thèmes et enjeux de formation qui émergent des analyses des données, puis je fais ressortir les formes que prennent les enjeux de formation. En revenant sur les objectifs de cette recherche, je montre ensuite comment les résultats permettent d’avancer sur ceux-ci, à l’aide d’un nouvel éclairage appuyé par d’autres travaux de recherche. Finalement, je conclus cette thèse en évoquant ses contributions et retombées en formation et en recherche, ses limites et défis, puis des pistes pour d’éventuels travaux de recherche.
Article
Cette recherche s’intéresse au métier de conseiller pédagogique (CP) en mathématiques dont les contours restent à ce jour peu explorés. Des entretiens ont été réalisés auprès de huit CPs en mathématiques au primaire, prenant appui sur deux situations professionnelles touchant à la résolution de problèmes en classe et à l’accompagnement des enseignants. Une analyse émergente a permis de mettre en lumière, de l’intérieur de leur pratique professionnelle, des éléments communs de leur activité, caractéristiques de ce que l’on peut appeler « un genre professionnel CP », ainsi que des formes singulières rendant compte des styles qu’ils développent selon les circonstances.
Conference Paper
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Les conseillers pédagogiques (CP) ont un rôle important au Québec dans l’accompagnement des enseignants. Toutefois peu de recherches ont porté sur leur métier, tel qu’il s’exerce, ou ont cherché à le comprendre, de l’intérieur de leur pratique professionnelle. C’est cette avenue que notre projet emprunte en explorant le travail du CP selon un enjeu central, au coeur du programme de formation de l’école québécoise, celui de la résolution de problèmes (RP) mathématiques. Une recherche collaborative (Bednarz, 2013 ; Desgagné et al., 2001), menée sur trois années (2015-2018) et réunissant chercheurs et CP a permis de croiser une multiplicité d’expressions de leur travail (Mayen et Vinatier, 2017) au sujet de la RP en classe et de l’accompagnement des enseignants. Nous nous intéressons plus spécifiquement dans cette présentation au pilotage du problème en classe sous l’angle des relances exercées par l’enseignant dans le feu de l’action. L’analyse détaille l’intelligence professionnelle du CP à travers l’imbrication de situations professionnelles relevant de l’accompagnement et du pilotage en classe, par la multiplicité des plans considérés et par les multiples dimensions des organisateurs de leur activité.
Article
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Plusieurs études ont contribué à la clarification de la démarche de recherche collaborative (RC). Certaines questions ayant trait à l’activité réflexive et à la complexité de l’imbrication des voix des acteurs demeurent cependant peu explorées. Nous abordons cette complexité dans le cadre d’un projet impliquant plusieurs chercheurs et conseillers pédagogiques en mathématiques au primaire. Une analyse s’appuyant sur le concept de polyphonie de Bakhtine (1970) nous permet de voir comment l’activité réflexive en RC conduit à des construits proprement dialogiques concernant, ici, la résolution de problèmes en contexte d’enseignement et l’accompagnement des enseignants par les conseillers pédagogiques.
Article
Plusieurs études ont porté sur la démarche de recherche collaborative. Certaines questions liées à l’activité réflexive et à la complexité de l’imbrication des voix des acteurs, dans cette zone interprétative partagée où se co-constituent les données de la recherche, demeurent cependant peu explorées. Nous abordons cette complexité dans le cadre d’un projet impliquant chercheurs et conseillers pédagogiques en mathématiques au primaire. Une analyse s’appuyant sur le concept de polyphonie de Bakhtine (1970) nous permet de voir comment l’activité réflexive conduit à des construits dialogiques concernant la résolution de problèmes en contexte d’enseignement et l’accompagnement des enseignants par les conseillers pédagogiques.
Conference Paper
Full-text available
This study is part of a collaborative research that aims at informing the work of mathematics pedagogical consultants on classroom problem solving (PS) and teachers support. More specifically, we try to identify key issues mathematics pedagogical consultants face, within their professional practice, about PS in a teaching context, and ways in which they can cope with them. In this presentation, we will focus on some challenges emerging from data analysis related to mathematization of realistic problem solving. Résumé. Cette étude fait partie d'un projet de recherche collaborative visant à éclairer le travail de conseillers pédagogiques en mathématiques au regard de la résolution de problèmes (RP) et de l'accompagnement des enseignants. Plus spécifiquement, il s'agit d'éclairer les enjeux auxquels ils sont confrontés à l'égard de la RP en contexte d'enseignement, de l'intérieur de leur pratique professionnelle, et les manières de faire permettant d'y faire face. Nous nous attardons, dans cette présentation, aux enjeux, émergeant de l'analyse des données, portant sur la mathématisation de problèmes réalistes.
Thesis
Full-text available
There is a vast body of knowledge on the acquisition by both elementary and high school students of adaptive expertise (as opposed to routine expertise) in problem-solving. However, it is primarily cognitive and metacognitive processes that have received attention so far. Nowadays, there is no longer any doubt that such expertise relies on the integrated mastery of both (meta)cognitive, (meta)motivational and (meta)emotional processes. This doctoral dissertation seeks, through the combination of various methods of analysis, to understand and to interpret how these different processes influence each other to guide the learner's behavior. Our studies, which have focused on the evaluation of the effectiveness of quasi-experimental training-programs, highlight the efficacy of a three-dimensional approach to problem solving. These first studies are refined by several qualitative studies that make it possible to grasp the dynamic and evolving nature of these processes and to understand the origin of changes observed. Finally, a personcentered approach has made it possible to broaden the current profiles ("novices" and "experts"), defined in terms of performance levels and thereby, to take into account the close interplay between cognition, motivation and emotion.
Book
Quelle place les enseignants ont-ils dans la recherche liée à la pratique? Solliciter des praticiens en vue d'investiguer certaines questions liées à leur pratique suppose que le chercheur ne pose pas, par son choix d'objet, un regard normatif et extérieur sur ce que font les enseignants, mais qu'il cherche, avec eux, de l'intérieur du contexte dans lequel ils exercent, à comprendre ce qui supporte leur pratique. À travers différents exemples portant sur l'enseignement des mathématiques et des sciences, l'ouvrage fait entrer le lecteur dans cette recherche en train de se faire, et lui fait partager ce regard nouveau sur la pratique enseignante que construisent ensemble les chercheurs et les enseignants.