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Nutrition
clinique
et
métabolisme
33
(2019)
290–294
Disponible
en
ligne
sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
Article
original
L’apport
des
malades
à
l’amélioration
de
l’organisation
des
soins
:
vers
une
science
participative
en
nutrition
Patients
contributions
to
the
improvements
in
Healthcare
organisations:
Toward
the
development
of
participatory
sciences
in
nutrition
Catherine
Tourette-Turgis
Université
des
patients-Sorbonne,
faculté
de
médecine,
91,
boulevard
de
l’hôpital,
75013
Paris,
France
i
n
f
o
a
r
t
i
c
l
e
Historique
de
l’article
:
Rec¸
u
le
8
juillet
2019
Accepté
le
9
aoˆ
ut
2019
Disponible
sur
Internet
le
30
aoˆ
ut
2019
Mots
clés
:
Patient
expert
Organisation
des
soins
Patient
partenaire
Syndrome
du
grêle
court
r
é
s
u
m
é
Cet
article
retrace
l’histoire
de
la
création
des
collectifs
de
malades
dans
plusieurs
pathologies.
Il
illustre
différentes
modalités
d’intervention
des
malades
dans
l’organisation
des
soins
en
s’attachant
à
décrire
les
niveaux
d’engagement
et
les
types
d’actions
conduites
par
les
malades.
Il
décrit
les
luttes
des
malades,
les
dispositifs
législatifs
et
plusieurs
innovations
dont
l’implantation
des
patients
dans
les
services
de
soin
dont
un
exemple
dans
le
syndrome
du
grêle
court.
©
2019
Soci´
et´
e
fran-
cophone
nutrition
clinique
et
m´
etabolisme
(SFNCM).
Publi´
e
par
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
r´
eserv´
es.
Keywords:
Expert
-patient
Healthcare
organizations
Partner
-patient
Short
bowel
syndrome
a
b
s
t
r
a
c
t
This
article
traces
the
history
of
the
creation
of
patient
collectives
in
several
pathologies.
It
illustrates
different
ways
of
intervention
of
patients
in
the
care
organizations
while
describing
the
levels
of
com-
mitment
and
types
of
actions
conducted
by
patients.
It
describes
the
fights
of
several
patients
non
profit
organizations
and
some
legal
reforms
with
a
focus
on
a
French
pilot
experimentation
in
the
area
of
short
bowel
syndrome
in
which
patients
are
trained
to
become
partner
patients
in
care.
©
2019
Soci´
et´
e
francophone
nutrition
clinique
et
m´
etabolisme
(SFNCM).
Published
by
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
1.
Introduction
Les
savoirs
issus
de
l’expérience
ou
la
participation
des
citoyens
apportent-ils
de
nouvelles
lumières
concernant
les
choix
en
matière
d’action
publique
?
En
quoi
avoir
des
patients
experts,
des
patients
partenaires
implantés
dans
les
services
de
soin,
des
patients
conseils,
des
patients
enseignants
participe
à
l’amélioration
de
l’organisation
des
soins
?
Adresse
e-mail
:
catherine.tourette-turgis@sorbonne-universite.fr
Comment
transformer
l’expérience
des
malades
en
expertise
au
service
de
la
collectivité
?
Pourquoi
les
publics
bénéficiant
d’un
accompagnement
social
ou
médico-social
ont
des
difficultés
à
faire
reconnaître
leur
appartenance
à
la
catégorie
de
citoyens
éclai-
rés
?
Comment
faire
pour
que
les
usagers
du
système
de
santé
et
des
soins
deviennent
des
actifs
de
la
connaissance
?
Le
sys-
tème
d’organisation
des
soins
commence
à
prendre
en
compte
l’expérience
et
l’expertise
des
malades
et
on
assiste
à
un
essor
de
la
reconnaissance
épistémologique
du
vécu
de
l’expérience
de
la
maladie
et
de
ses
traitements.
Il
devient
important
d’intégrer
dans
les
espaces
publics
ceux
qui,
de
par
leur
expérience
singulière,
ont
https://doi.org/10.1016/j.nupar.2019.08.001
0985-0562/©
2019
Soci´
et´
e
francophone
nutrition
clinique
et
m´
etabolisme
(SFNCM).
Publi´
e
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Masson
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Tous
droits
r´
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C.
Tourette-Turgis
/
Nutrition
clinique
et
métabolisme
33
(2019)
290–294
291
défriché
des
espaces
de
connaissances
inconnus
des
experts
en
poste.
2.
Les
premières
étapes
historiques
de
la
participation
des
malades
à
leur
soin
:
le
mouvement
des
alcooliques
anonymes
C’est
dans
un
contexte
de
faiblesse
des
réponses
médicales
et
psychothérapeutiques
que
les
personnes
souffrant
tout
autant
d’une
dépendance
à
l’alcool
que
de
ses
répercussions
sociales
néga-
tives
ont
inventé
en
1935
un
dispositif
d’entraide.
Ce
dispositif
est
né
de
la
rencontre
entre
deux
alcooliques
qui
en
échangeant
sur
le
vécu
de
leur
expérience
ont
observé
des
effets
positifs
immé-
diats.
Cela
les
a
amenés
à
mettre
sur
pied
les
premières
rencontres
d’alcooliques
anonymes
sans
aucune
intervention
extérieure
[1].
Il
s’agit
d’apprendre,
à
l’aide
d’un
groupe
fondé
sur
l’acceptation,
le
non-jugement,
la
non-violence
et
l’empathie,
à
rompre
avec
la
dépendance
tout
en
acquérant
des
compétences
d’aidant
profane
pour
autrui.
En
posant
la
dépendance
non
plus
comme
une
maladie
mais
comme
un
comportement,
la
solution
mobilise
la
personne
qui
devient
elle-même
capable
d’intervenir
auprès
de
ses
pairs.
Ce
type
de
dispositif
permet
de
faire
perdurer
le
mouvement
et
aussi
de
ne
pas
perdre
contact
avec
la
communauté
une
fois
qu’on
a
rompu
avec
la
dépendance.
Le
mouvement
des
alcooliques
anonymes
a
été
suivi
par
l’émergence
d’autres
mouvements
d’auto-support
comme
celui
des
«
Narcotiques
Anonymes
»
qui
lui
aussi
à
l’origine
excluait
toute
intervention
de
professionnels
dans
leur
organisation.
3.
La
participation
des
malades
et
des
ex-malades
dans
le
traitement
des
pathologies
de
la
dépendance
Dans
les
années
1970,
on
a
vu
émerger
la
création
de
pro-
jets
spécifiques
de
prise
en
charge
communautaire
à
destination
des
usagers
de
drogue
fondés
sur
l’implication,
la
prise
en
charge
par
les
pairs
et
l’intervention
d’usagers
rétablis
et
ex-dépendants
dans
le
processus
thérapeutique.
Les
mouvements
d’entraide
et
d’auto-organisation
des
malades
sont
très
présents
dans
les
patho-
logies
de
la
dépendance
(alcool,
drogues,
troubles
alimentaires),
c’est-à-dire
dans
les
espaces
où
la
médecine
est
en
difficulté.
Dans
les
pathologies
de
la
dépendance,
on
assiste
à
une
participation
active
des
usagers
dans
leur
parcours
de
soin.
Dans
la
lignée
des
Alcooliques
Anonymes,
des
psychiatres
inventeront
en
1950
le
Minnesota
program
au
Willmar
State
Hospital
qui
inclut
dans
les
soins
la
formation
d’anciens
alcooliques
comme
intervenants
et
thérapeutes
[2].
Ce
modèle
va
être
décliné
dans
le
traitement
de
la
toxicomanie
et
en
démontrer
des
effets
thérapeutiques
bénéfiques.
En
traitant
la
dépendance
comme
une
maladie
et
en
associant
à
son
traitement
d’anciens
patients
qui
se
sont
rétablis
et
sevrés
depuis
au
moins
cinq
ans,
ce
type
de
dispositif
de
soin
donne
l’espoir
aux
usagers
de
drogue
qui
accordent
d’emblée
une
crédibilité
plus
importante
aux
pairs
rétablis
qu’aux
psychiatres
et
psychothéra-
peutes.
Dans
le
cas
de
l’usage
de
drogue,
le
patient
peut
arriver
avec
la
consommation
minimum
qu’il
se
pense
capable
de
maintenir
avant
son
sevrage
définitif
au
centre.
4.
Les
collectifs
de
malades
Face
à
des
parcours
cliniques
incertains,
des
errances
théra-
peutiques
longues
et
dangereuses,
des
représentations
sociales
négatives,
des
hauts
degrés
de
stigmatisation,
une
discrimination
dans
le
monde
du
travail
des
malades
se
sont
mobilisés
et
consti-
tués
en
collectif.
Ils
ont
fait
avancer
les
politiques
publiques
en
interpellant
directement
l’état,
et
en
constituant
de
grandes
asso-
ciations
sur
leur
pathologie
(association
des
paralysés
de
France,
cancer,
sida,
hémophilie,
myopathies)
dont
certaines
ont
donné
lieu
à
la
création
d’institutions
dédiées
comme
l’agence
franc¸
aise
de
lutte
contre
le
sida
et
l’institut
national
du
cancer.
Lorsque
les
premiers
malades
du
sida
ont
dû
organiser
leur
propre
prise
en
charge,
ils
se
sont
réunis
et
sont
partis
de
leur
propre
expérience
pour
résoudre
les
problèmes
les
plus
urgents
qui
se
posaient
à
eux.
Ils
ont
photographié
leurs
symptômes,
ont
documenté
leur
maladie,
ont
participé
à
des
essais
cliniques
et
ont
été
à
l’initiative
de
certains
essais
cliniques
pour
faire
avancer
la
recherche
médicale
pour
tous.
Le
mouvement
des
malades
du
sida
a
intégré
ses
objets
de
lutte
dans
des
luttes
d’intérêt
général
comme
la
santé
sexuelle,
la
réduction
des
risques
dans
l’usage
des
drogues,
l’amélioration
des
conditions
asilaires
en
psychiatrie
et
dans
les
prisons,
les
droits
et
la
santé
des
migrants,
l’intérêt
de
la
dépénalisation
de
l’homosexualité
dans
la
prévention
de
l’infection
à
VIH.
Ces
mouvements
ont
été
à
l’origine
de
réformes
sociales
importantes
et
bénéfiques
à
l’ensemble
de
la
société.
Le
sida
est
une
des
rares
maladies
où
c’est
l’expérience
des
malades
qui
a
guidé
les
premiers
raisonnements
médicaux
et
aussi
les
politiques
de
santé
publique
à
l’égard
de
la
collectivité
[3,4].
5.
La
participation
des
malades
à
la
recherche
Dans
plusieurs
maladies,
les
collectifs
de
malades
s’impliquent
non
seulement
dans
l’aide
et
l’accompagnement
des
malades,
mais
aussi
dans
la
prévention
de
ces
mêmes
maladies.
Cela
explique
leur
choix
d’appellation
comme
ligue
(ex
la
ligue
franc¸
aise
de
lutte
contre
le
cancer,
les
myopathies,
la
ligue
franc¸
aise
de
lutte
contre
la
sclérose
en
plaques).
En
intégrant
la
lutte
contre
la
mala-
die,
les
associations
s’engagent
dans
le
financement
de
recherches
pour
mieux
diagnostiquer,
mieux
comprendre
les
causes
et
trai-
ter
plus
précocement.
Comme
le
rappellent
Rabeharisoa
et
Callon
:
«
Lorsqu’on
sait
que
l’AFM
contribue,
par
des
systèmes
de
cofinan-
cement,
au
soutien
à
la
recherche
sur
d’autres
maladies
génétiques
rares
et
moins
rares
(mucoviscidose,
maladies
lysosomales.
.
.),
on
peut
dire
que
l’AFM
est,
pour
les
maladies
génétiques,
l’alter
ego
des
ligues
et
autres
financeurs
plus
institutionnels,
voire
publics,
pour
le
cancer
et
le
sida.
».
Comme
le
notent
ces
deux
auteurs
les
associations
qui
s’engagent
dans
la
recherche
le
font
par
délégation
ou
se
donnent
les
moyens
d’acquérir
une
expertise
académique
[5].
6.
Les
dispositifs
législatifs
encourageant
la
participation
des
malades
leur
parcours
de
soin
L’essor
des
«
maladies
de
société
»
dont
les
maladies
cardio-
vasculaires
qui
comptent
pour
50
%
des
maladies
chroniques
donnent
lieu
dans
les
années
2000
à
la
mise
en
place
de
politiques
de
santé
publique,
visant
à
déléguer
aux
citoyens
un
ensemble
d’actions
à
conduire.
Dans
la
mesure
où
les
traitements
des
mala-
dies
chroniques,
pour
une
bonne
part
d’entre
elles,
dépendent
de
médicaments,
et
tout
autant
de
modifications
comportementales,
le
malade
est
devenu
l’objet
de
sollicitations
actives
dans
les
poli-
tiques
de
santé.
Ainsi
la
France
a
fait
de
l’éducation
thérapeutique
du
patient
un
titre
de
loi
de
(Loi
HPST
2009)
invitant
les
soignants
à
déléguer
à
leurs
patients
un
certain
nombre
de
compétences
pour
s’auto-soigner
[6].
En
France,
deux
autres
lois
privilégient
et
reconnaissent
l’utilité
sociale
du
patient
expert
:
la
loi
de
2002
sur
la
démocratie
sanitaire,
suivie
par
la
loi
de
modernisation
de
santé
de
2016
qui
invitent
les
organisations
sanitaires
à
faire
participer
les
patients
à
l’élaboration
des
décisions
qui
concernent
leur
santé.
La
loi
du
4
mars
2002
rela-
tive
aux
droits
des
malades
et
à
la
qualité
du
système
de
santé
a
établi
un
cadre
réglementaire
facilitant
la
présence
de
bénévoles
au
sein
des
établissements
de
santé.
Elle
a
impulsé
la
participation
d’associations
agréées
de
personnes
malades
et
d’usagers
du
sys-
tème
de
santé
à
différentes
instances
compétentes
en
matière
de
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292
C.
Tourette-Turgis
/
Nutrition
clinique
et
métabolisme
33
(2019)
290–294
santé,
et
elle
a
renforcé
le
rôle
des
représentants
d’usagers
dans
les
conseils
d’administration
des
établissements
publics
de
santé.
7.
L’exemple
du
patient-intervenant
en
éducation
thérapeutique
En
2010,
le
ministère
des
affaires
sociales
et
de
la
santé
a
diffusé
deux
guides
:
l’un
sur
le
recrutement
des
patients
intervenants,
l’autre
sur
l’engagement
des
intervenants
dans
les
programmes
d’éducation
thérapeutique
du
patient.
Ces
guides
ont
été
construits
avec
les
associations
ayant
une
expérience
de
formation
de
patients
experts.
Le
guide
de
recrutement
propose
un
ensemble
de
fiches
outils
pour
chaque
étape
de
l’appel
à
candidature
au
guide
d’entretien
de
recrutement.
Un
«
patient
intervenant
»
peut,
par
le
biais
de
l’éducation
thérapeutique,
intervenir
auprès
de
ses
pairs
à
condition
qu’il
satisfasse
à
un
certain
nombre
d’exigences.
Les
objectifs
assignés
aux
patients
intervenants
sont
les
suivants
«
apporter
leur
expérience
de
la
maladie,
des
traitements
et
de
la
vie
au
quotidien
:
l’alimentation,
l’activité
physique,
aborder
des
sujets
de
la
vie
que
les
patients
n’osent
pas
toujours
soulever
avec
les
soignants
:
fatigue,
vie
affective
et
sexuelle,
conditions
de
travail,
relations
familiales
»
[7].
Les
critères
de
sélection
d’un
patient-
intervenant
portent
sur
son
engagement
à
suivre
une
formation
qualifiante
et
sur
“sa
capacité
à
prendre
du
recul
par
rapport
à
son
expérience”,
sa
capacité
d’empathie,
ses
qualités
d’expression,
sa
capacité
à
être
optimiste
ou
positif,
sa
capacité
à
travailler
en
équipe,
etc
[7].
»
7.1.
L’exemple
des
médiateurs
de
santé
pairs
en
santé
mentale
En
janvier
2012,
le
Centre
Collaborateur
de
l’Organisation
Mon-
diale
de
la
Santé
a
mis
en
place
en
France,
sous
l’impulsion
du
psychiatre
Jean-Luc
Roelandt,
le
premier
programme
pilote
de
for-
mation
de
«
médiateurs
de
santé/pairs
»
[8].
Il
vise
à
former
et
faire
recruter
par
des
établissements
de
santé
mentale
des
per-
sonnes
ayant
(eu)
des
troubles
psychiques,
désormais
rétablis
ou
en
voie
de
rétablissement.
Ce
programme
valorise
le
savoir
expé-
rientiel
et
la
formation
des
usagers
des
services
de
psychiatrie,
afin
de
démontrer
l’efficacité
de
la
pair-aidance.
Le
terme
médiateur
de
santé/pair
a
été
créé
à
cette
occasion.
Il
désigne
une
nouvelle
caté-
gorie
d’intervenants
dans
les
services
de
santé
mentale
ayant
pour
mission
la
médiation
en
santé
somatique
et
mentale.
Une
formation
d’un
an
en
alternance
(huit
semaines
de
cours
et
trente-six
semaines
de
stage
dans
un
service
de
psychiatrie)
mène
à
l’obtention
d’un
Diplôme
Universitaire
de
Médiateur
de
santé/pair.
Les
médiateurs
sont
en
parallèle
recrutés
par
les
éta-
blissements
de
soin.
Il
s’agit
d’une
nouvelle
profession
de
soin
et
d’accompagnement.
La
sélection
des
futurs
médiateurs
de
santé-
pairs
porte
essentiellement
sur
le
recul
des
candidats
quant
à
leur
expérience,
ainsi
que
sur
leurs
capacités
à
expliciter
leurs
parcours
de
rétablissement.
Le
rôle
du
médiateur
de
santé/pair
se
décline
en
quatre
aires
:
•l’accès
aux
soins
;
•l’accompagnement
;
•le
soutien
relationnel
;
•l’information
sur
les
thérapeutiques.
7.2.
Le
développement
de
l’approche
patient
partenaire
de
soins
et
de
services
L’approche
patient
partenaire
de
soin
consiste
à
renforcer
l’engage
la
présence
des
patients
dans
l’amélioration
du
système
de
soin.
Elle
est
définie
comme
l’engagement
des
patients
à
la
fois
dans
leur
processus
de
soins
et
dans
l’amélioration
de
la
qualité
des
soins
et
des
services.
Cela
passe
par
le
développement
de
com-
pétences
permettant
au
patient
d’intervenir
à
différents
niveaux
du
système
de
santé.
Le
dispositif
s’appuie
sur
la
combinaison
de
trois
méthodologies
:
une
approche
outillée
qui
consiste
à
aider
les
patients
à
transformer
leur
expérience
en
expertise,
une
approche
qui
consiste
à
aider
les
soignants
à
savoir
collecter
l’expérience
patient
et
une
méthodologie
d’apprentissage
du
travail
en
colla-
boration
soignants
et
patients
au
niveau
d’un
service
de
soin
[9].
Les
indicateurs
d’évaluation
utilisés
pour
mesurer
l’impact
de
l’implantation
de
patients
partenaires
dans
les
services
de
soin
dans
les
maladies
chroniques
sont
nombreux
et
dépendent
des
conte-
nus
du
programme
de
partenariat.
On
relève
dans
les
publications
sur
ce
thème
des
indicateurs
d’évaluation
comme
l’intégration
de
l’expérience
patient
dans
les
indicateurs
cliniques
de
qualité
des
soins,
dans
les
outils
de
mesure
de
la
de
la
sécurité
des
soins.
Les
autres
indicateurs
d’évaluation
sont
une
amélioration
chez
les
soignants
des
connaissances
expérientielles
de
la
maladie
en
com-
plément
de
leurs
connaissances
scientifiques,
un
déploiement
de
procédures
concrètes
de
collaboration
soignants-patients
mises
en
place
dans
le
service,
la
création
d’activités
nouvelles
de
collabo-
ration
soignants-patients
et
de
nouveaux
outils
de
communication
patient-équipe
soignante,
la
réduction
des
conflits
et
de
la
pres-
sion
vécue
par
les
soignants,
l’amélioration
de
la
confiance
et
de
la
relation
patient-soignant
et
aussi
des
capacités
d’auto-soin
des
patients,
la
réduction
des
recours
juridiques,
des
épisodes
effets
iatrogènes
des
soins
à
domicile,
l’amélioration
de
l’observance
thé-
rapeutique,
la
modification
par
les
patients
de
l’environnement
physique
de
l’hôpital
[10].
7.3.
Une
expérience
franc¸
aise
d’implantation
de
patients
partenaires
dans
le
syndrome
du
grêle
court
En
2016
en
France
pour
répondre
à
la
demande
de
profession-
nels
du
soin
dans
différents
services
et
à
celle
d’une
communauté
de
malades
atteints
par
un
syndrome
de
grêle
court,
un
programme
visant
à
implanter
des
patients-partenaires
a
été
lancé.
Il
s’agissait
de
former
des
patients
pour
qu’ils
exercent
cette
fonction
dans
les
services
où
ils
étaient
suivis.
La
formation
se
déroulait
sur
six
jours
et
comprenait
trois
modules.
Le
premier
module
portait
sur
la
mise
en
récit
de
l’expérience
thérapeutique
de
chaque
participant
et
les
connaissances
indispensables
sur
le
syndrome
du
grêle
court,
les
stratégies
thérapeutiques
le
parcours
de
soin
et
l’organisation
sanitaire
en
France.
Le
deuxième
module
consistait
à
initier
les
participants
aux
techniques
de
communication
avec
les
soignants,
à
la
prise
de
parole
en
public
et
la
construction
de
petits
expo-
sés
à
visée
d’information.
Le
troisième
module
visait
à
apprendre
à
travailler
dans
une
équipe,
à
acquérir
les
bases
de
l’éducation
thérapeutique,
et
des
techniques
de
travail
collaboratif
avec
des
soignants.
Les
activités
pouvant
être
réalisées
dans
un
service
par
un
patient
partenaire
dans
le
syndrome
du
grêle
sont
les
suivantes
:
•informer
les
autres
patients,
lors
des
premières
annonces
par
exemple,
témoigner
et
partager
leur
expérience
de
vie
auprès
des
professionnels
de
santé
et
du
grand
public,
participer
à
des
actions
de
formation
patients
et
soignants,
enrichir
les
méthodes
de
travail
utilisées
par
les
équipes
de
soins
en
les
rapprochant
de
la
«
vraie
vie
»
avec
la
maladie,
élaborer
des
outils
et
supports
de
communication
pour
faciliter
la
compréhension
du
patient,
co-
construire
des
outils
d’éducation
thérapeutique,
collaborer
aux
projets
de
recherche
par
une
relecture
des
projets.
À
l’issue
de
la
formation
de
12
patients
atteints
d’un
syndrome
de
grêle
court,
on
observe
sur
les
terrains
qu’ils
réalisent
les
activi-
tés
suivantes
:
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/12/2019 par SCD Paris Descartes (292681). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
C.
Tourette-Turgis
/
Nutrition
clinique
et
métabolisme
33
(2019)
290–294
293
•participation
à
la
construction
de
modules
de
formation
à
l’auto-
soins
sur
la
nutrition
parentérale
;
•collaboration
à
la
construction
d’un
programme
d’éducation
thé-
rapeutique
sur
la
nutrition
artificielle
;
•participation
a
des
conférences
ou
des
congrès
avec
exposé,
témoignage
ou
intervention
en
tant
que
patient-témoin
;
•participation
et
intervention
dans
des
groupes
de
parole
patients
dans
les
services
de
soin
;
•conduite
d’actions
pour
améliorer
la
vie
quotidienne
sous
la
forme
de
brochures,
de
conseils
pratiques
;
•test
d’une
application
connectée
pour
la
gestion
du
SGC
au
quo-
tidien
;
•construction
d’outils
éducatifs
pour
faciliter
l’accompagnement
des
patients
;
•enquête
patients
terrain
pour
améliorer
un
service
d’hospitalisation
de
jour
;
•relation
d’aide
et
d’écoute
auprès
de
«
nouveaux
patients
»
en
difficulté
avec
le
dispositif
de
nutrition
artificielle.
7.4.
Une
innovation
:
la
diplomation
des
malades
dans
une
faculté
de
médecine
en
France
L’université
des
patients-Paris-Sorbonne
diplôme
des
patients
depuis
2010
et
propose
trois
parcours
diplômants
à
destination
des
malades
en
les
adossant
aux
dispositifs
législatifs
et
aux
orien-
tations
des
politiques
publiques.
Ainsi
un
diplôme
est
adossé
à
la
loi
HPST1car
il
concerne
l’éducation
thérapeutique.
Le
diplôme
en
démocratie
en
santé
s’appuie
sur
la
loi
de
modernisation
de
notre
système
de
santé2et
le
diplôme
d’accompagnement
en
cancéro-
logie,
s’adosse
au
plan
cancer
2014–2019.
À
ce
jour
plus
de
deux
cents
patients
ont
été
diplômés
par
Sorbonne
U.
Les
trois
offres
proposées
illustrent
la
variété
des
niveaux
d’engagement
possibles
des
patients
dans
le
système
de
santé.
On
s’aperc¸
oit
par
exemple
que
des
patients
choisissent
dans
un
premier
temps
de
s’engager
en
éducation
thérapeutique
puis
décident
d’intégrer
le
parcours
diplômant
en
démocratie
en
santé
ou
le
parcours
en
cancérologie
et
vice
versa.
Cette
offre
diversifiée
permet
aux
patients
de
dispo-
ser
d’un
espace
transitionnel
au
cours
duquel
ils
peuvent
se
poser,
se
rétablir,
se
repositionner.
Bien
entendu
la
visée
profession-
nelle
n’est
pas
obligatoire.
Nous
incluons
des
étudiants
porteurs
de
projets
à
visée
personnelle,
existentielle,
artistique,
le
critère
d’inclusion
est
la
présence
symbolique
ou
réelle
d’un
autrui
ou
du
monde
dans
la
présentation
du
projet
et
du
désir
de
l’étudiant
[11].
7.5.
Un
exemple
de
diplomation
des
malades
dans
le
cancer
Il
s’agit
de
former
ensemble
des
patients
partenaires
qui
en
coordination
avec
l’équipe
soignante,
faciliteront
le
parcours
du
patient
à
toutes
les
étapes
de
son
parcours
de
soin.
Les
patients
formés
à
l’accompagnement
sont
de
véritables
acteurs
parte-
naires
de
la
prise
en
charge
coordonnée
des
patients
atteints
de
cancer.
On
peut
résumer
cette
mission
à
celle
de
référent
en
matière
d’hospitalisation,
de
préparation
à
l’hospitalisation,
de
périodes
post-opératoires,
de
retour
à
son
domicile,
de
soins
de
support,
de
problèmes
sociaux,
de
problèmes
de
complications
post-opératoires,
de
complications
à
distance,
de
surveillance,
de
gestion
des
effets
indésirables.
C’est
ce
qui
a
été
acté
en
2016
au
conseil
d’évaluation
universitaire
de
Sorbonne
autorisant
ce
pre-
mier
diplôme
en
France
à
destination
des
patients,
et
de
toute
personne
intervenant
dans
le
parcours
de
soin
en
oncologie.
Pour
1Loi
n◦2009-879
du
21
juillet
2009
portant
réforme
de
l’hôpital
et
relative
aux
patients,
à
la
santé
et
aux
territoires.
2Loi
n◦2016-41
du
26
janvier
2016
de
modernisation
de
notre
système
de
santé.
ce
faire,
un
référentiel
de
formation
a
été
construit.
La
formation
est
organisée
sur
douze
mois
et
deux
cents
heures
découpées
en
quatre
grands
blocs
correspondants
à
une
formulation
des
objec-
tifs
principaux
de
ce
parcours
diplômant,
à
savoir
:
S’approprier
son
expérience
(BLOC
1)
;
Transformer
son
expérience
(BLOC
2)
;
Enrichir
sa
connaissance
du
parcours
patient
en
cancérolo-
gie
(BLOC
3)
;
Transformer
son
parcours
diplômant
en
parcours
professionnalisant
(BLOC
4)
[12].
Les
premiers
résultats
après
le
suivi
de
trois
promotions
sont
les
suivants
:
environ
10
%
des
patients
diplômés
ont
été
recrutés
comme
salariés
pour
assurer
des
fonctions
de
coordinateur
de
parcours,
de
patient-partenaire,
de
patient
chargé
de
mission,
de
patient
coordinateur
d’un
pro-
gramme
pilote.
D’autres
ont
intégré,
à
titre
bénévole
des
instances
comme
l’INCA,
la
Fondation
de
France
et
autres
agences
gouver-
nementales,
des
postes
de
représentants
des
usagers.
Environ
10
%
ont
créé
des
agences
de
patient
conseil
et
de
nombreux
patients
diplômés
occupent
des
fonctions
de
patient
enseignant
ou
forma-
teur.
8.
Conclusion
La
suprématie
accordée
à
l’organisation
«
académique
et
morale
»
des
connaissances,
ne
doit
pas
nous
priver
des
savoirs
produits
par
une
partie
de
la
population
et
aussi
de
l’expérience
vécue
de
citoyens
dont
la
parole
n’est
pas
prise
en
compte
[13,14].
La
maladie
est
une
expérience
humaine,
cela
veut
dire
qu’elle
est
le
fait
de
l’expérience
des
humains
et
à
ce
titre
elle
se
doit
d’être
abordée
comme
une
expérience
légitime,
valide
du
point
de
vue
de
ceux
qui
la
vivent
et
qui
participent
à
la
transformation
du
monde.
Le
champ
de
la
nutrition
est
un
champ
à
haut
potentiel
en
termes
d’approche
patient
partenaire
car
il
mobilise
au-delà
du
soin
des
composantes
sociales,
intimes,
culturelles,
économiques,
et
qui
ne
peuvent
se
travailler
que
dans
le
cadre
d’une
relation
fon-
dée
sur
la
collaboration
et
la
prise
en
compte
de
l’expérience
patient
[15].
Déclaration
de
liens
d’intérêts
L’auteur
déclare
ne
pas
avoir
de
liens
d’intérêts.
Références
[1]
Suissa
AJ.
Philosophie
des
12
étapes
des
Alcooliques
Anonymes
en
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Nord:
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psychosociaux.
Psychotropes
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Didier
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centre
APTE:
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prise
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Sida
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Saisir
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Presse
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Loi
n(2009-879
du
21
juillet
2009
portant
réforme
de
l’hôpital
et
relative
aux
patients,
à
la
santé
et
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territoires.
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Ministère
des
affaires
Sociales
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de
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Santé.
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patients-intervenants
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de
recrutement
de
patients
intervenants
2014.pdf.
[8]
Roelandt
JL.
Comment
une
expérience
innovante
de
psychiatrie
citoyenne
est
devenue
un
centre
OMS
de
référence
pour
la
santé
mentale
dans
la
communauté.
L’information
psychiatrique
2016;92(9):
711–7.
[9]
Pomey
MP,
Flora
L,
Karazivan
P,
Dumez
V,
Lebel
P,
Vanier
MC,
Jouet
E.
Le
«
Mon-
treal
model
»
:
enjeux
du
partenariat
relationnel
entre
patients
et
professionnels
de
la
santé.
Santé
Publique
2015;(Suppl.
1).
[10]
Pomey
M-P,
Hihat
H,
Khalifa
M,
Lebel
P,
et
al.
Patient
partnership
in
quality
improvement
of
healthcare
services:
Patients’
inputs
and
challenges
faced.
Patient
Experience
Journal
2015;2(1)
[Article
6].
[11]
Tourette-Turgis
C.
Parcours
de
vie,
rupture
de
santé
:
Quand
se
maintenir
en
vie
devient
un
projet.
Vie
sociale
2017;2(18):91–104.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/12/2019 par SCD Paris Descartes (292681). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
294
C.
Tourette-Turgis
/
Nutrition
clinique
et
métabolisme
33
(2019)
290–294
[12]
Tourette-Turgis
C,
Pereira-Paulo
L,
Vannier
M-P.
Quand
les
malades
trans-
forment
leur
expérience
du
cancer
en
expertise
disponible
pour
la
collectivité,
l’exemple
d’un
parcours
diplômant
à
l’université
des
patients.
Vie
Sociale
2019
[25–26,159–177].
[13]
Gardien
E.
Qu’apportent
les
savoirs
expérientiels
à
la
recherche
en
sciences
humaines
et
sociales
?
Vie
sociale
2017;4(20):31–44.
[14]
Jouet
E,
Flora
L,
Las
Vergnas
O.
Construction
et
reconnaissance
des
savoirs
expé-
rientiels
des
patients
:
Note
de
synthèse.
Pratiques
de
formation-Analyse
2010
[58–59
13-94].
[15]
Wolf,
Jason
A,
Niederhauser,
Victoria,
Marshburn,
Dianne,
LaVela,
Sherri
L.
Defi-
ning
Patient
Experience.
’Patient
Experience
Journal
2014;1(1)
[Article
3].
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/12/2019 par SCD Paris Descartes (292681). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.