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Fiche&106&
Motivation, théorie de l’autodétermination et
styles motivationnels
1. Définition de la motivation
Dans le domaine du sport, la motivation est souvent évoquée pour expliquer, par exemple,
pourquoi certains sportifs s’entrainent ardemment alors que d’autres pratiquent plus en dilettante.
Globalement, la motivation est cette cause qui explique le comportement humain ; elle renvoie à la
question du « pourquoi » du comportement. La littérature scientifique recèle une multitude de
définitions de la motivation. Celle proposée par Vallerand et Thill (1993) est l’une des plus
intégratives : « Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé pour décrire les
forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du
comportement ». Le terme de « construit » est utilisé pour traduire l’idée que la motivation n’est pas
directement observable ; on infère son existence à travers l’observation du comportement. A cet égard,
la performance – bonne ou mauvaise – est souvent considérée comme un indicateur comportemental
de la motivation des sportifs. Or, la performance n’est qu’un indicateur imparfait de la motivation dans
la mesure où elle est influencée par une pluralité de facteurs, et notamment les habiletés techniques,
les compétences tactiques, ou les ressources énergétiques. Ainsi, lorsque ces différents déterminants
sont peu développés, un sportif peut être très motivé sans pour autant être capable de réaliser de
bonnes performances. Les indicateurs comportementaux de la motivation proposés par la définition de
Vallerand et Thill sont plus à même de renseigner les éducateurs sur la motivation des sportifs qu’ils
encadrent.
É Le déclenchement
La motivation déclenche ou dynamise le comportement. Lorsque nous observons chez une personne
un changement d’état qui la fait passer de l’absence d’activité à l’exécution d’une tâche, nous disons
qu’« elle est motivée ». Inversement, lorsqu’une personne devient passive, nous disons qu’« elle n’est
pas motivée ».
É La direction
La motivation oriente également le comportement vers une direction particulière, un but précis. La
connaissance du but du comportement permet d’interpréter et de comprendre la motivation qui le sous-
tend. Par exemple en EPS, il arrive parfois que certains élèves refusent de passer devant les autres en
gymnastique ou en danse. Cette inactivité pourrait être interprétée comme un manque de motivation
envers ces APS, alors que bien souvent le but poursuivi par l’élève est d’éviter de paraître ridicule.
Ainsi on peut dire que tout comportement est motivé, même l’inaction. La motivation est dès lors
conceptualisée comme un processus continu et dynamique de régulation des comportements.
É L’intensité
L’intensité renvoie à la quantité d’effort – physique et cognitif – investie par le sportif dans l’action.
En sport, l’effort est relativement visible. L’effort physique s’observe par le fait que les pratiquants
courent plus ou moins, transpirent, et rougissent. Quant à l’effort cognitif, il se traduit par le degré
d’attention et de concentration manifesté par les pratiquants (e.g., être focalisé sur la balle afin
d’ajuster son geste lors de l’exécution d’une volée au tennis).
É La persistance
La persistance renvoie à la quantité de ressources temporelles investie dans une activité. C’est la
capacité à s’acharner sur une tâche malgré les obstacles et les difficultés. A l’inverse, une personne
peu motivée abandonne rapidement, baisse vite les bras face aux difficultés.
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N La motivation
La motivation est une force psychologique qui dynamise le comportement et l’oriente vers un but
précis. Elle est également responsable de l’allocation de plus ou moins de ressources énergétiques
et cognitives ainsi que du degré de persévérance dans la tâche. Dans le domaine du sport, la
performance n’est pas un très bon indicateur de la motivation des sportifs.
2. Théorie de l’autodétermination
La théorie de l’autodétermination (TAD ; Deci & Ryan, 2002) est une théorie de la motivation
humaine. Parmi les théories contemporaines de la motivation, la TAD se distingue par deux
caractéristiques notables. La première est qu’elle considère la motivation comme un construit
« qualitatif ». Dans nombre de théories actuelles, la motivation est souvent conceptualisée comme
n’étant qu’un construit « quantitatif », ce qui signifie que plus la motivation est élevée, plus ses
conséquences sont positives. En l’appréhendant comme un construit qualitatif, la TAD met en avant
plusieurs raisons initiatrices d’un comportement. Par exemple, deux élèves peuvent être motivés à
pratiquer en EPS pour des raisons différentes (e.g., parce qu’ils trouvent les situations proposées
intéressantes, ou parce qu’ils veulent éviter d’avoir une mauvaise note en EPS qui ferait chuter leur
moyenne). Chacune de ces formes de motivation est associée à des conséquences singulières qui sont
plus ou moins favorables à l’apprentissage. Le deuxième intérêt de la TAD pour étudier la motivation
dans le sport, est qu’elle adopte une approche « dialectique » selon laquelle les différences de
motivation sont le fruit de l’interaction entre les caractéristiques inhérentes à l’individu et les
caractéristiques de l’environnement (Sarrazin et al., 2011). La motivation d’un sportif n’est donc pas
seulement une question de personnalité – on parle dans ce cas d’orientation motivationnelle – mais
dépend également de l’environnement dans lequel il pratique ; à cet égard nous traiterons notamment
de l’influence du style motivationnel du superviseur.
Comme nous venons de l’évoquer, la TAD différentie plusieurs types de motivation qu’elle
organise sur un continuum allant des régulations les plus contraintes aux régulations les plus
autodéterminées ou autonomes. Trois types de régulations constituent la motivation autonome :
intrinsèque (i.e., réaliser une activité pour le plaisir et/ou pour la satisfaction qu’elle leur procure en
elle-même), intégrée (i.e., réaliser une activité parce qu’elle est cohérente avec les valeurs de
l'individu), et identifiée (i.e., réaliser une activité parce qu’elle est jugée importante pour l’atteinte des
buts personnels). Deux types de régulations sont considérés comme constituant la motivation
contrainte : introjectée (i.e., réaliser une activité sous l’effet de pression internes comme le sentiment
« d’obligation » de faire les choses, ou de culpabilité de ne pas les faire), et externe (i.e., réaliser une
activité pour les récompenses ou les éloges, ou pour éviter une punition). A côté des formes de
motivation autonomes et contraintes, la théorie envisage également l’existence d’un état de « a-
motivation ». Il est ressenti quand l’individu ne manifeste aucune motivation pour une activité, ni
autonome, ni contrainte.
N Les échelles de mesure des différentes régulations motivationnelles
Outre l’observation des indicateurs comportementaux, l’éducateur sportif ou le chercheur qui
souhaite avoir une connaissance plus fine de la motivation d’un groupe de sportifs peut utiliser l’un
des nombreux questionnaires valides mesurant les différentes régulations motivationnelles. Pour
n’en citer que quelques uns, il y a le BREQ-2 (Behavioural Regulation in Exercise Questionnaire ;
Markand & Tobin, 2004), le SRQ-E (Self-Regulation Questionnaire for Exercise; Ryan & Connell,
1989), le SIMS (Situationnal Intrinsic Motivation Scale ; Gay et al, 2000), ou l’EMS (l’Échelle de
Motivation envers le Sport ; Brière et al., 1995). Tous ces outils existent en français.
É Les conséquences des différentes formes de motivation
La motivation contrainte et la motivation autonome sont associées à des conséquences cognitives,
affectives et comportementales distinctes ; la seconde conduisant à des conséquences plus positives
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que la première. Plus précisément, la littérature montre que la motivation autonome prédit
positivement l’estime de soi globale et le plaisir de pratiquer, une intensité et un engagement plus
importants, une implication durable, un niveau de concentration plus élevé, et de meilleures
performances (et notes en EPS). A l’inverse, les régulations constitutives de la motivation contrainte et
de l’a-motivation sont associées à une diminution de l’effort et de l’engagement, à l’absence
d’intention de pratiquer un sport, mais également à des affects négatifs tels que l’ennui ou la tristesse,
ainsi qu’au burn-out (pour une revue plus détaillée de ces travaux, voir Hagger et Chatzisarantis,
2007; Ntoumanis & Standage, 2009).
É Les antécédents de la motivation
La TAD considère que la qualité de la motivation des individus affectant leurs comportements
résulte du degré de satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux : l’autonomie (i.e., le
désir de l’individu d'être à l'origine de ses comportements), la compétence (i.e., désir d’un individu
d’être capable de répondre avec efficacité aux demandes et aux défis de son environnement), et la
proximité sociale (i.e., désir d'être connecté à d'autres personnes, de recevoir de l’attention de
personnes importantes pour soi et d’appartenir à un groupe social). Ils sont considérés comme
universels, équivalents et indépendants, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de relation hiérarchique entre
eux (Pittman & Zeigler, 2007). Selon cette théorie, plus les besoins psychologiques d’un individu sont
satisfaits, plus sa motivation est autonome (Deci & Ryan, 2002). La frustration des trois besoins est
quant à elle reliée aux formes de motivations contraintes (Bartholomew et al., 2011). Selon la TAD,
les facteurs environnementaux et sociaux vont influencer indirectement la qualité de la motivation des
individus au travers de la satisfaction ou de la frustration de ses besoins psychologiques.
3. Styles motivationnels
Parmi les différents facteurs qui composent l’environnement et qui sont de nature à affecter la
motivation des individus, les travaux développés dans le cadre de la TAD se sont particulièrement
intéressés au style motivationnel du superviseur (e.g., entraineur, enseignant). Le style motivationnel
renvoie globalement à ce que dit et fait le superviseur au cours de son intervention ainsi qu’à la
manière avec laquelle il organise l’environnement d’apprentissage (Tessier, 2013). Plus précisément,
le style est personnel ; c’est une manière d’être et de faire récurrente et propre à chacun (Provencher,
1983). Dans le cadre de la TAD, le style motivationnel traduit une orientation du superviseur à
soutenir, ou au contraire à menacer, la satisfaction des besoins psychologiques des supervisés (Reeve
et Cheon, 2015). Un superviseur qui soutient l’autonomie des supervisés essaiera, par exemple, de
prendre en compte leurs centres d’intérêt et leurs préférences, il aura recours à un langage
informationnel et flexible, il tentera d’expliquer l’intérêt de la tâche qu’il propose à des supervisés
réticents à la pratiquer, et il fera preuve d’empathie face à des supervisés qui ont peur de s’engager ou
qui sont frustrés d’échouer. Pour soutenir le besoin de compétence des supervisés, le superviseur
s’évertuera à structurer leurs apprentissages en proposant des buts clairs à atteindre, des tâches
adaptées à leur niveau, et un guidage sous forme de consignes, d’encouragements et de feedback pour
les réaliser. Enfin, pour soutenir le besoin de proximité sociale, le superviseur s’impliquera dans les
interactions avec les supervisés en se rendant disponible, en se préoccupant d’eux, en étant attentif à
leur bien-être, et en exprimant de la compréhension, de la chaleur, voire de l’affection.
A contrario, un superviseur dont les comportements menacent la satisfaction du besoin
d’autonomie valorisera le contrôle des supervisés. Il tendra à manifester des comportements coercitifs
en utilisant par exemple les promesses de récompense ou les menaces de punition, il valorisera
également un mode de communication favorisant la culpabilité, pressurisant et direct, et il aura
tendance à considérer comme inacceptable toute résistance ou expression de sentiment négatif de la
part des supervisés. Un superviseur dont les comportements menacent la satisfaction du besoin de
compétence aura tendance à instaurer un environnement « chaotique ». C’est en particulier le cas
quand les tâches auxquelles sont confrontés les supervisés sont trop faciles ou trop difficiles, quand les
attentes ne sont pas clairement formulées, quand l’aide et les encouragements sont rares ou absents, et
quand les feedbacks de performance sont inopportuns (ils ne correspondent pas à un succès ou à un
progrès), ou inconsistants (pour le même résultat, le supervisé reçoit un feedback positif, un feed-back
négatif ou aucun des deux). Enfin, un superviseur qui menace la satisfaction du besoin de proximité
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sociale se montera hostile envers les supervisés en manifestant des comportements froids et distants,
en étant indifférent aux problèmes des supervisés, en ne cherchant pas à s’occuper d’eux, en adoptant
un ton sévère et monocorde, en refusant systématique de prendre en compte le point de vue de l’autre.
Le tableau 1 résume les principales caractéristiques d’un style motivationnel soutenant versus
menaçant la satisfaction des besoins psychologiques des supervisés.
Tableau 1 – Comportements du superviseur susceptibles de soutenir ou de menacer les
besoins psychologiques du supervisé
Ces dimensions ne sont pas mutuellement exclusives, c’est-à-dire qu’un superviseur peut produire un
comportement qui soutient un besoin tout en menaçant un autre. Par exemple, un enseignant d’EPS
peut être très proche de ses élèves, tout en laissant régner le chaos en animant des cours dont les
objectifs sont peu ou pas définis. De même, il peut soutenir un besoin à un moment donné et le
menacer juste après et inversement (Bartholomew, et al., 2011 ; Smith et al., 2015).
Comportements soutenant les besoins
psychologiques
Besoins
psychologiques
Comportements menaçant les
besoins psychologiques
Soutien de l’autonomie
• Identifier et nourrir les ressources
motivationnelles internes (intérêts,
préférences, etc.)
• Utiliser un langage flexible (aider à la
résolution de problèmes)
• Fournir des explications (sur les tâches,
les règles, etc.)
• Reconnaître et accepter les difficultés et
expressions d’affects négatifs
• Donner des choix véritables
Autonomie
Besoin de se sentir
à l’origine de ses
actions plutôt qu’un
simple « pion
contrôlé » par
d’autres
Contrôle
• Recourir à des sources extérieures
de motivation (directives,
promesses de récompenses,
menaces de punitions, etc.)
• Utiliser un langage induisant la
pression ou la culpabilité
• Négliger des donner des
explications
• User de son pouvoir pour mettre un
terme aux plaintes et expressions
de frustrations
Structure
• Communiquer des attentes et des
consignes claires
• Proposer des tâches adaptées aux
possibilités de chacun
• Donner des encouragements, des
contenus, des conseils pour progresser
• Délivrer les feedbacks pertinents et
consistants
Compétence
Besoin de se sentir
efficace dans ses
interactions avec
l’environnement, ou
pour réussir les
situations
d’apprentissage
proposées
Chaos
• Ne pas communiquer d’attentes
claires
• Proposer des tâches inadaptées
aux possibilités de chacun
• Ne pas encourager
• Délivrer des feedbacks non
pertinents pour progresser et
inconsistants
Implication interpersonnelle
• Se préoccuper des autres
• Accorder de l’attention
• Exprimer de l’affection, et de la
compréhension
• Investir du temps, de l’énergie, de
l’intérêt dans l’interaction avec autrui
Proximité sociale
Besoin d’être
connecté à d’autres
personnes, de
recevoir de
l’attention de la part
de celles-ci,
d’appartenir à un
groupe social
Hostilité
• Etre indifférent aux problèmes des
autres
• Etre froid et distant envers les
autres
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