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La viabilité du maraîchage urbain à l’épreuve de l’installation professionnelle

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Ces dernières années ont été caractérisées par la (ré)émergence d’une diversité de formes d’agriculture urbaine aux multiples fonctions, qui impliquent, notamment, le développement d’activités professionnelles. C’est dans ce cadre que, de 2015 à 2018, deux projets de recherche-action participative ont été mis en place à Bruxelles. Leur objectif est d’interroger les spécificités de l’installation en zone urbaine et de poser les bases d’une réflexion sur les conditions de viabilité du maraîchage sur petites surfaces et sur la durabilité des systèmes de production agricole. La phase d’installation fait l’objet d’une attention particulière au sein de ces deux projets. Ancrés dans une logique transdisciplinaire, les dispositifs de recherche renforcent la réflexivité des maraîchers et leurs capacités à identifier les nœuds auxquels ils sont confrontés dans leur trajectoire d’installation professionnelle. Nous entendons par « nœud » un ensemble thématique de tensions, compromis et/ou adaptations avec lesquels les maraîchers ont dû jongler dans l’opérationnalisation de leurs aspirations. Trois nœuds thématiques sont présentés et discutés : les stratégies d’accès au foncier, le dilemme de la mécanisation et la mobilisation d’une main-d’œuvre bénévole. Les maraîchers en phase de lancement expérimentent différentes stratégies dans le souci d’atteindre une viabilité à court terme sans pour autant dénouer entièrement les nœuds mentionnés. Nos travaux permettent d’avancer que la multitude des enjeux à résoudre pour tendre vers un projet viable sur le long terme dépasse largement les défis des seuls maraîchers en installation et implique également la (re)construction d’une communauté de pratiques et la mise en place d’un cadre légal, financier et politique favorable.
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ARTICLE DE RECHERCHE /RESEARCH ARTICLE
La viabilité du maraîchage urbain à lépreuve de linstallation
professionnelle
Lou Plateau
1,2,*
, Noémie Maughan
3
, Nathalie Pipart
2,6
, Marjolein Visser
3
, Julie Hermesse
4
et
Kevin Maréchal
2,5
1
Fonds de la recherche scientique (FNRS), 5, rue dEgmont, 1000 Bruxelles, Belgique
2
Centre dÉtudes Économiques et Sociales de lEnvironnement (CEESE), Université libre de Bruxelles, 50, Av. F.D. Roosevelt,
CP 140/01, 1050 Bruxelles, Belgique
3
Agroecology lab the ecology of food and wood, Université Libre de Bruxelles, Campus de la Plaine, boulevard du Triomphe,
1050 Bruxelles, Belgique
4
Laboratoire danthropologie prospective (LAAP), Université de Louvain, place Montesquieu, 1, Bte L2.08.01, 1348 Louvain-la-Neuve,
Belgique
5
Gembloux Agro-Bio-Tech, Université de Liège, Unité dEconomie et Développement rural, 2, Passage des Déportés, 5030 Gembloux,
Belgique
6
Department of Earth and Environmental Sciences - Division of Geography & Tourism, KU Leuven, Celestijnenlaan 200E,
3001 Leuven, Belgique
Résumé Ces dernières années ont été caractérisées par la (ré)émergence dune diversité de formes
dagriculture urbaine aux multiples fonctions, qui impliquent, notamment, le développement dactivités
professionnelles. Cest dans ce cadre que, de 2015 à 2018, deux projets de recherche-action participative ont
été mis en place à Bruxelles. Leur objectif est dinterroger les spécicités de linstallation en zone urbaine et
de poser les bases dune réexion sur les conditions de viabilité du maraîchage sur petites surfaces et sur la
durabilité des systèmes de production agricole. La phase dinstallation fait lobjet dune attention
particulière au sein de ces deux projets. Ancrés dans une logique transdisciplinaire, les dispositifs de
recherche renforcent la réexivité des maraîchers et leurs capacités à identier les nœuds auxquels ils sont
confrontés dans leur trajectoire dinstallation professionnelle. Nous entendons par « nœud » un ensemble
thématique de tensions, compromis et/ou adaptations avec lesquels les maraîchers ont dû jongler dans
lopérationnalisation de leurs aspirations. Trois nœuds thématiques sont présentés et discutés : les stratégies
daccès au foncier, le dilemme de la mécanisation et la mobilisation dune main-dœuvre bénévole. Les
maraîchers en phase de lancement expérimentent différentes stratégies dans le souci datteindre une viabilité
à court terme sans pour autant dénouer entièrement les nœuds mentionnés. Nos travaux permettent
davancer que la multitude des enjeux à résoudre pour tendre vers un projet viable sur le long terme dépasse
largement les dés des seuls maraîchers en installation et implique également la (re)construction dune
communauté de pratiques et la mise en place dun cadre légal, nancier et politique favorable.
Mots clés : agriculture urbaine / agriculture durable / maraîchage / installation / recherche participative
Abstract The viability of urban market gardening questioned by early professional establishment.
Urban agriculture is in vogue and unfolds in a diversity of ways, which imply, amongst others, the
development of professional activities. From 2015 to 2018, two participatory action research projects have
been running in Brussels questioning the viability of small-scale urban market gardening as a way to earn a
living, all the while producing food more sustainably. Their focus is on the start-up phase of market-garden
farms. We followed a transdisciplinary research setup to reinforce the reexivity of these market gardeners,
and uncover several knotsthese market gardeners face along their start-up trajectory. We dene a knot
as a thematic whole of tensions, compromises and/or adaptations market gardeners struggle with while
putting into practice their aspirations. Three thematic knots are presented and discussed here: strategies to
access land, the mechanization dilemma and the role of volunteering. To cope with these knots, the trajectory
*Auteur de correspondance : lplateau@ulb.ac.be
Cah. Agric. 2019, 28, 6
©L. Plateau et al., Published by EDP Sciences 2019
https://doi.org/10.1051/cagri/2019005
Disponible en ligne :
www.cahiersagricultures.fr
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of market gardeners in the start-up phase shows strategic bends and turns so as to stay aoat nancially as a
business in the short term, yet without getting rid of the knots in the longer term. This work shows that
solving the challenges (knots) in the search for long-term sustainability of this type of projects extends far
beyond the individual struggles of starting market gardeners. It begs for the reconstruction of a community
of practices embedding these neo-farmers, that can be fostered through building an enabling legal, nancial
and political environment.
Keywords: urban agriculture / sustainable agriculture / vegetable growing / farm establishment / participatory research
1 Introduction
Au cours du XX
e
siècle, le secteur agricole a été marqué par
une déconnexion croissante entre les lieux de production et les
ressources locales. Cette déconnexion sest notamment
observée dans la mobilisation accrue des énergies non vivantes
pour la production agricole (Visser, 2013). Au-delà du fait que
la terre soit devenue un simple support physique des cultures,
les interactions entre les lières agricoles et leur territoire ont
été largement réduites (Van der Ploeg, 2009 ;Madelrieux et al.,
2017). Comme le souligne Poulot (2014), les zones urbaines et
périurbaines ont été a priori encore plus marquées par ce
processus de déconnexion entre agriculture et territoire.
Cependant, ces dernières années ont vu la (ré)émergence
dune diversité de formes dagriculture urbaine (AU) aux
multiples fonctions (Aubry, 2014). En témoignent les efforts
récents en Belgique de mise en place de ceintures alimentaires
autour des métropoles de Liège, Bruxelles ou Charleroi. Cette
réémergence de lAU se fait aujourdhui en partie via le
développement dactivités professionnelles. Or linstallation
professionnelle en agriculture reste un déentrepreneurial et
humain conséquent.
Les interactions avec lécosystème urbain et lancrage
territorial du système de production et de commercialisation
permettent de distinguer nettement les agricultures en situation
(péri-)urbaine de celles qui nous préoccupent ici et qui sont
considérées en fonctionnement (péri-)urbain (Peltier, 2010).
Comme le souligne Mougeot (2000, nous traduisons), la
caractéristique la plus spécique de lAU est son « intégration
au sein du système économique et écologique urbain ».
Au-delà de la seule dimension spatiale de lAU, les
interdépendances matérielles et organisationnelles entre la
ville et ses projets agricoles sont sources de tensions mais aussi
de nouvelles solutions créatives pour la transition vers des
systèmes alimentaires justes et durables.
Comme le souligne Daniel (2017), les micro-fermes
urbaines sont un objet singulier à distinguer tant des potagers
urbains (qui nont pas de vocation professionnelle) que des
micro-fermes maraîchères (qui nentraînent pas nécessaire-
ment des interdépendances fortes avec lécosystème urbain).
Ce type particulier dexploitations, dont les modèles technico-
économiques et organisationnels ne sont pas encore stabilisés,
doit être appréhendé avec des grilles de lecture spéciques qui
permettent de saisir nement les opportunités et contraintes de
lécosystème urbain et les enjeux en matière de durabilité.
Cest dans ce cadre quentre 2015 et 2018, deux projets de
recherche-action participative (RAP) (McIntyre, 2008 ;
Méndez et al., 2013), nancés par lInstitut régional de la
recherche scientique à Bruxelles, ont été mis en place. Leur
objectif est dinterroger les spécicités de linstallation en zone
urbaine et de poser les bases dune réexion sur les conditions
de viabilité du maraîchage sur petites surfaces et sur la
durabilité des systèmes de production agricole.
Dans cet article, nous commencerons par rendre compte
des particularités de nos équipes et de nos dispositifs de
recherche. Nous expliciterons ensuite notre positionnement en
faveur dune approche multidimensionnelle de la viabilité du
maraîchage urbain, avant dénoncer et de discuter une
sélection denjeux de viabilité, que nous désignons par le
terme de « nœuds », mis en exion dans nos projets, à savoir
laccès à la ressource foncière, le dilemme de la mécanisation
et limportance de la main-dœuvre bénévole.
2 Le dispositif de recherche
Les dispositifs de recherche-action participative ont été
déployés autour de deux lieux dexpérimentation présentés
ci-dessous. Limbrication forte entre les terrains et les
dispositifs nous incite à développer dans cet article le
processus de recherche ainsi que les enseignements de ce
dernier.
2.1 La phase dinstallation : au-delà du risque, le
potentiel dexpérimentation
Les recherches portent sur une étape particulière de
lactivité agricole, la phase dinstallation. Celle-ci correspond
à une durée plus ou moins longue avant que lactivité ne soit
considérée comme stabilisée. Elle est généralement caracté-
risée par une prise de risques entrepreneuriaux et par une
importante incertitude quant à la pérennité du projet. Toutefois,
au-delà du risque et de lincertitude, linstallation profession-
nelle, a fortiori hors cadre familial, correspond également à une
étape dexploration de trajectoires dinnovation et dexpéri-
mentation : agronomique, commerciale, organisationnelle, etc.
Dans un tel contexte, les maraîchers en installation sont
empreints daspirations non encore complètement éprouvées
par les compromis de la mise en œuvre et envisagent un champ
des possibles relativement large pour la conguration de leur
système dactivités (Gasselin et al., 2012).
De par cette double spécicité (prise de risque entre-
preneurial et expérimentations inédites), les maraîchers en
installation endossent une posture particulière vis-à-vis de la
pratique de leur futur métier. Leur trajectoire dinstallation
constitue alors un objet de recherche dintérêt indéniable pour
analyser les processus de transitions sociotechniques vers plus
de durabilité.
En lien direct avec la perspective multi-niveaux àla
Geels (Geels, 2002), le terme « sociotechnique » vise à
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mettre en lumière quune transition implique tout autant une
modication des règles, normes, acteurs et réseaux quun
changement des artéfacts technologiques. Cependant, cette
perspective dune transition à large portée nest pas
antinomique avec lidée de consigner les hésitations,
incertitudes et expérimentations en étudiant les trajectoires
dacteurs et les initiatives qui mettent en œuvre des
processus de transition (BrédartetStassart,2017).
2.2 Cycle farm et Graines de paysans, deux lieux
dexpérimentation à Bruxelles pris comme cas
détude
Dans le cadre de nos travaux, le potentiel dexpérimenta-
tion propre à la phase dinstallation est encore accru par la mise
en œuvre de dispositifs de recherche spéciques. Comme le
précisent Aubry et Chiffoleau (2009), appréhender la
complexité des systèmes socioécologiques et construire une
compréhension approfondie des enjeux qui en découlent
nécessitent de repenser notre manière de mener la recherche.
Les projets mis en œuvre reposent sur deux lieux
dexpérimentation, ou « living labs », cest-à-dire deux organi-
sations préexistantes. Ils constituent le cadre réel dexpériences,
dactions et de rencontres au sein desquels les allers-retours
réguliers entre recherche et action seffectuent. Ces living labs
visent explicitement à favoriser lengagement des acteurs de
terrain (maraîchers et conseillers) au même titre que les
chercheurstout au long duprocessus.Chaque congurationoffre
de surcroît aux maraîchers un soutien nancier dans un cas,
technico-économique dans lautre.
Le premier cas détude est une coopérative de production
implantée au sud de Bruxelles depuis avril 2015. Dès sa
création, Cycle farm a voulu adapter un modèle économique de
production maraîchère (le SPIN farming pour Small plot
intensive farming) au contexte bruxellois et à lentrepreneuriat
coopératif. Le SPIN farming est un modèle initialement
développé au Canada qui propose un ensemble de principes et
de techniques de maraîchage urbain bio-intensif sur petites
surfaces (Stone, 2016) et favorise la production de légumes à
haute valeur ajoutée sur des espaces résiduels (jardins et
propriétés privés). Le modèle coopératif choisi permet aux
deux producteurs associés de développer leurs activités de
manière autonome, via une répartition de la gestion des terrains
entre eux, tout en mutualisant une série de services comme
laccès au foncier, la gestion administrative et comptable, la
commercialisation ou encore une partie du matériel agricole.
De plus, les deux maraîchers sont engagés à part entière dans
léquipe de recherche ; ils bénécient dune rémunération
partielle des activités de recherche, ce qui leur donne la
possibilité de déployer leur activité selon des trajectoires et des
pratiques plus souples que sils étaient immédiatement et
totalement contraints par des exigences de rentabilité.
Le second cas détude est structuré en Espace-Test
Agricole (ETA) (Cavalier, 2013). LETA Graines de paysans
a pris place à louest de Bruxelles au sein dune zone résiduelle
des terres agricoles historiques. Graines de paysans est un
projet issu de lassociation Le début des haricots et vise à
soutenir linstallation professionnelle de nouveaux agricul-
teurs. Le dispositif a accueilli, début 2016, sept agriculteurs/
trices en lancement dactivités. Grâce à un nancement du
Fonds européen de développement régional, lETA propose un
accompagnement technico-économique individuel (y compris
pour établir les plans de nancement, dassolement et de
commercialisation) et une mise à disposition de terrains,
dinfrastructures (serres, irrigation, abris, chambre froide) et
doutils (motoculteur, semoir...). Le projet de recherche sest
mis en place au même moment que lETA et intègre les
premiers porteurs de projets en installation. Cet élément de
contexte est important dans la mesure où les maraîchers ont
connu, en plus de leur propre processus dinstallation, celui de
lassociation, de laménagement des sites de production et de
la mise en place des infrastructures.
Les porteurs de projets bénécient dès lors dun espace-
temps dexpérimentation sécurisé et de dispositifs variés
daccompagnement de projet qui leur permettent demprunter
détours et revirements dans les diverses stratégies déployées.
Les sollicitations des équipes de recherche renforcent
également la réexivité des porteurs de projet en installation
et favorisent la prise de recul sur les choix posés en fonction de
leurs aspirations.
2.3 Recherche-action participative, méthodologie et
collecte des données
En visant explicitement à acquérir de nouvelles connais-
sances scientiquement et socialement robustes, la recherche-
action participative (RAP) oriente naturellement ses dispositifs
vers le changement social et écologique. La collaboration
horizontale entre différents types dacteurs sétablit comme
méthode pour construire une science à lécoute de la pratique et
intéressée par les résultats quelle produit. La démarche repose
sur la construction collective de connaissances par des allers-
retours continuels entre laction et la réexion. Cette
conguration accentue laspect incarné de la démarche de
recherche et renforce les possibilités dappropriation de ses
résultats par les protagonistes du secteur. Autour de chacun des
deux lieux dexpérimentation se sont mis en place un
partenariat et des dispositifs spéciques du fait de larticulation
différente entre acteurs de terrain et équipes de recherche
(agronomie, socio-économie, anthropologie).
Dune part, le statut de salarié à mi-temps des deux
maraîchers de Cycle farm a permis leur implication
permanente en tant que co-chercheurs (participation active
aux réunions, collecte de données, rédaction et relecture des
rapports). Les réunions de coordination mensuelles ont permis
de décider collectivement de toutes les orientations du projet,
mais aussi, et de manière moins attendue, de renforcer la
communication entre les deux maraîchers sur leur travail en
association. Quant aux maraîchers de lETA, ils participent aux
recherches de façon plus informelle, mais aussi dans le cadre
de dispositifs méthodologiques ponctuels offrant des espaces
de réexivité. Dans ce cas, cest un accompagnateur qui joue le
rôle de courroie de transmission en assurant une présence
régulière sur le terrain et en intégrant léquipe de recherche.
Concrètement, la démarche de RAP sest traduite par une
série de dispositifs méthodologiques (Tab. 1), dont certains
sont spéciquement issus de la littérature sur les méthodes
participatives (e.g. Chevalier et al., 2013), et qui ont mené à la
production doutils tangibles daccompagnement au terme des
trois années de recherche (voir le lien présenté dans les
Remerciements de larticle).
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Dautre part, dans le cadre des deux projets et souvent de
manière conjointe, les équipes ont développé des dispositifs
participatifs spéciques, incluant régulièrement des acteurs
externes aux projets. Ces dispositifs méthodologiques ont été
utilisés pour établir un cadre réexif autour de récits et
de partages dexpériences et pour créer des espaces de
co-construction de savoirs autour de thématiques diverses,
directement intéressantes pour les maraîchers et les chercheurs :
sols, outils, coopération, dynamique bénévole entre autres.
Cette approche fait écho aux notions dobjets et dispositifs
intermédiaires, dénis par Mélard (2008), qui ont été au
fondement de nos méthodologies de recherche. Construits de
manière à créer des espaces de réexivité entre chercheurs et
acteurs de terrain et à sadapter à leurs besoins et contraintes,
ils offrent un support de dialogue permettant de faire la
médiation entre savoirs. Ces objets intermédiaires peuvent
prendre la forme de supports de travail éphémères, de
réalisations concrètes ou de techniques de facilitation de
groupes. Ils permettent de rassembler plusieurs acteurs aux
méthodes et langages de travail différents autour dun même
objectif de travail, à lintersection entre recherche et terrain.
2.4 Une approche multidimensionnelle de la viabilité
nie à partir des aspirations des maraîchers
Pour approfondir les désdelinstallation professionnelle,
les équipes de recherche ont dabord cherché à identier avec
les porteurs de projets les multiples dimensions de la viabilité
du maraîchage urbain pour en conclure que la dénition de
cette viabilité est propre à chaque projet. Pour cela, nous
sommes partis du cadre proposé par Morel et Léger (2015), qui
nit la viabilité comme la « capacité dune ferme à être
pérenne dans le temps tout en permettant aux paysans de vivre
en accord avec leurs besoins et leurs valeurs ». Cette dénition
permet de sémanciper dune vision strictement économique
de la viabilité en intégrant à lanalyse les aspirations des
maraîchers dans lexercice de leur métier. La viabilité dépend
ainsi de la capacité à mettre en cohérence les objectifs établis
par les porteurs de projets avec lensemble de leurs pratiques.
Une première étape de travail a permis de mettre en
lumière, en écho avec les compétences et disciplines réunies au
sein des partenariats et avec les priorités et besoins identiés
par les différents acteurs, une série de dimensions clés qui
interviennent dans la viabilité du maraîchage urbain, au-delà
de sa seule acception économique :
la gestion du temps et la qualité du travail ;
laccès au foncier ;
la (re)construction et la préservation de la fertilité physique
et biologique des sols ;
les techniques et les outils de production mobilisés ;
les canaux de commercialisation déployés ;
lautonomie énergétique ;
la mobilisation dune main-dœuvre bénévole.
À partir de ce travail exploratoire, nous avons identié avec
les maraîchers les dimensions les plus en tension au début de leur
installation. Trois dimensions particulières sont ainsi ressorties
au début des projets de recherche. Nous les avons appelées des
«nœuds de viabilité ». Chaque nœud correspond à un ensemble
thématique de tensions avec lesquels les maraîchers ont dû
jongler dans lopérationnalisation de leurs aspirations.
Cest au travers de ces trois nœuds que nous organisons la
restitution des premiers résultats et tendances qui se dégagent
des terrains détude : les stratégies daccès au foncier, le
dilemme de la mécanisation et la mobilisation dune main-
dœuvre bénévole aux côtés du maraîcher.
Le travail danalyse réalisé autour de ces nœuds vise à
mieux comprendre les difcultés associées à la mise en œuvre
et les dés qui se posent lorsque les aspirations des maraîchers
(dont le projet sinscrit dans une volonté dinteragir avec son
environnement urbain) se transforment en un système
imbriqué de pratiques. Pour chacun des nœuds, les résultats
de recherche rendent compte des inévitables adaptations,
compromis ou arbitrages (Morel et Léger, 2016 ;Maréchal et
Plateau, 2017) concédés par les maraîchers au cours de leur
trajectoire dinstallation en milieu urbain et questionnent leurs
capacités à adopter pleinement des pratiques agroécologiques
pourtant à la base des projets.
Tableau 1. Principaux dispositifs méthodologiques mis en œuvre dans les projets.
Table 1. Primary methodological frameworks applied within the projects.
Internes aux projets Dispositifs de collecte de données,
permanents ou à intervalles réguliers
Entretiens, observations sur terrain, réalisation de supports spéciques
(ex. time-sheet), réunions de coordination, mise au vert, participation
observante lors des évènements clés, objets intermédiaires
Externes aux projets Méthodes de recherche avec
des acteurs extérieurs aux projets
Participation observante lors des évènements extérieurs aux projets
(formations, journées déchange), entretiens semi-dirigés auprès dautres
maraîchers
Internes et externes Dispositifs méthodologiques
ponctuels de co-création avec le terrain
Co-création doutils dappui au déploiement de la stratégie via des
cycles itératifs de prototypes expérimentation
Organisation de journées thématiques de type :
formation (Journée « outils », Journée « sol »)
échange dexpériences (ex. : journées de visites de fermes)
analyse collective via la méthode danalyse en groupe
(Van Campenhoudt et al., 2005)
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3 Résultats : analyse de trois nœuds de
viabilité de linstallation maraîchère en
milieu urbain
3.1 Une stratégie daccès rapide au foncier qui
contraint les choix techniques
Ces dernières années, laccès au foncier cultivable est
devenu un enjeu majeur de léconomie agricole. En milieu
urbain, la pression sur le foncier est telle que lachat dun
terrain est tout simplement hors de portée pour des maraîchers
qui se lancent. Pour développer leurs activités de production au
sein de lécosystème urbain, les maraîchers des deux cas
détude ont opté pour des stratégies permettant de contourner
les moyens traditionnels daccès aux ressources foncières.
Dans les deux cas, les maraîchers ont obtenu rapidement un
accès au foncier, présentant toutefois certaines contraintes, et
relativement précaire car limité dans le temps.
Les sept maraîchers de lETA ont directement pu cultiver
un terrain de 15 ares en 2016 (maximum 30 ares par la suite),
pour une durée initiale de deux ans. Ils doivent respecter
certaines règles, notamment celles de la certication en
agriculture biologique et de lentretien des espaces partagés. Ils
doivent également dépasser la compétition partiellement
ressentie à linstallation, notamment pour laccès aux portions
de terrains non immédiatement mis en culture par lun et
convoités par lautre, et pour le démarchage des clients.
Cycle farm a entrepris une stratégie innovante, qualiée de
mise en culture multisite. Cette stratégie multisite implique le
démarchage de propriétaires de jardins privés anden
négocier laccès et contraint les maraîchers à opérer certains
choix techniques. Au démarrage, quatre sites ont été mis en
culture et près de cinq kilomètres séparaient les sites les plus
éloignés. En 2018, après labandon et lobtention de nouveaux
sites, ce sont cinq sites qui sont cultivés (voir les points orange
de la Fig. 1). À ceux-ci sajoute la « base » (en bleu sur la
gure) qui sert de pépinière et de station de lavage des
légumes. À lexception dun terrain annexe (« PO » sur la
gure), ces derniers sont alors concentrés dans un rayon de
trois kilomètres.
Les maraîchers de Cycle farm ont ainsi réussi à tirer prot
de leur installation dans des zones périurbaines aisées à faible
densité du bâti et ont pu cultiver près de 50 ares à deux dès leur
première saison. La stratégie multisite se traduit cependant par
des implications directes sur les itinéraires techniques et les
conditions de travail. Les maraîchers de Cycle farm doivent en
effet sadapter à certaines attentes des propriétaires au niveau
de laménagement. Souvent pour des raisons paysagères, les
possibilités dimplanter tantôt une serre, tantôt des voiles de
forçage ou des bâches sont limitées. Lanticipation quotidienne
des besoins matériels devient, par ailleurs, une contrainte
dautant plus forte que les temps de déplacements sont
augmentés par rapport à un système sur site unique. Cest une
des raisons qui conduit les deux maraîchers à opter, en 2017,
pour une répartition entre eux des sites de production.
Après trois saisons et un plus large éventail de contacts et
de terrains mis à leur disposition, les maraîchers de Cycle farm
favorisent des accès plus pérennes, moins dispersés et sur des
surfaces plus grandes. Cette remise en question partielle de la
stratégie multisite leur permet de répondre davantage à leurs
aspirations initiales, tant en matière de choix techniques que
dorganisation du travail.
Sur lETA, la durée initiale de deux ans a été étendue à
trois. Cependant, laccompagnement à la recherche de terrains
pour une installation dénitive post-ETA na pour linstant pas
porté ses fruits. Cest pourquoi, à linstar de plusieurs ETA en
France où les maraîchers testent leurs activités, puis peuvent
continuer à occuper le terrain sans accompagnement (Chrétien,
2015), les maraîchers de lETA bruxellois ont sollicité ce
changement dans le dispositif. Cette question fait lobjet de
négociations conictuelles au moment de lécriture de cet
article, notamment au sujet de linvestissement en temps,
travail et argent que ces maraîchers ont mis dans ces terrains et
quils perçoivent comme perdus sils ne peuvent rester.
Fig. 1. Localisation des terrains de Cycle Farm en 2018 (sud de la région de Bruxelles-Capitale) Cartographie : Margaux Denys, réalisée avec
Brussels UrbIS
©
et des données OpenStreetMap
©
.
Fig. 1. Cycle Farmsplots location in 2018 (southern part of the Brussels-Capital region) Mapping: Margaux Denys, using Brussels UrbIS
©
and OpenStreetMap
©
data.
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Lanalyse des trajectoires dinstallation souligne nale-
ment une autre difculté dans les deux cas. Labsence de
sécurisation de laccès, induite par la contractualisation à court
terme, impacte négativement le souhait initial des maraîchers
de déployer des pratiques agroécologiques (amélioration de la
qualité et la vie du sol, association des espèces pérennes aux
cultures maraîchères, rotations et associations établies sur le
temps long) car elles ne peuvent décemment fructier que si
une inscription dans le long terme est permise.
3.2 Le dilemme de la mécanisation
Les maraîchers en installation autour desquels sarticulent
les projets partagent, à des degrés divers et du moins
initialement, une volonté de moins recourir aux énergies
fossiles et davantage aux énergies vivantes et à lautoproduc-
tion dintrants, cest-à-dire :
au travail manuel aidé par la petite mécanisation non-
motorisée (en jouant sur la densité de plantation, les
associations de cultures et en réduisant la profondeur de
travail du sol) ;
aux énergies écologiques (en paillant, en réalisant des
décoctions, en compostant la matière organique locale ou
en utilisant les engrais verts).
Cependant, lintensité de cet enjeu diffère du fait de la
nature du foncier dans les deux projets. Alors que dans la
majorité des jardins privés de Cycle farm, lemploi dun
motoculteur est exclu par les conditions daccès, le contexte de
lETA permet pleinement lemploi de tracteurs, ce qui donne
davantage de latitude aux maraîchers concernés.
Or, les maraîchers sont confrontés au besoin daménager
le temps, la charge et la pénibilité de leur travail sils veulent
tenir sur la longueur. La phase dinstallation exige en elle-
même un temps conséquent pour le défrichage ou lélabora-
tion de planches de cultures. La mise en œuvre de stratégies
inspirées des modèles bio-intensifs (Coleman, 1995 ;
Jeavons, 2001 ;Fortier, 2014) implique de surcroît que les
porteurs de projets consacrent du temps à lacquisition de
connaissances nes.
Dans ce contexte, nos analyses mettent en avant que les
maraîchers en installation se retrouvent tiraillés entre la
volonté initiale de valoriser les énergies vivantes (humaines et
non-humaines) via une série de techniques « écologiques » et le
recours accru aux énergies non vivantes (motobineuse,
motoculteur et tracteur). Dans ce cadre, on remarque que le
recours à la traction animale, mobilisée par ailleurs par certains
maraîchers bruxellois, nest jusquà présent pas envisagée par
les maraîchers des deux projets.
En parallèle du recours ou non à léquipement motorisé
pour certains travaux, les porteurs de projets en installation se
questionnent également à propos de la fourniture en
« nouveaux outils perfectionnés », souvent importés dAmé-
rique du Nord (tels que le semoir à six rangs, le planteur
japonais, la récolteuse à mesclun, etc.), qui visent une plus
grande compatibilité avec les techniques bio-intensives mais
savèrent onéreux.
Alors que les stratégies dinstallation bio-intensives
reposent généralement sur un faible investissement de départ,
léquipement en outillage léger de précision confronte les
porteurs de projet à leurs aspirations environnementales et
questionne lautonomie des maraîchers. Non seulement
limpact énergétique à limportation contraste avec le faible
impact énergétique à lusage, mais les maraîchers sont
également confrontés aux contraintes liées à la standardisation
de léquipement (par exemple, respecter une seule largeur de
planches).
Face à cela, on observe en Belgique et en France une (re)
dynamisation de lartisanat. Certains fabricants locaux
entreprennent ladaptation et la conception de nouveaux
prototypes qui répondent davantage aux besoins et aux attentes
des maraîchers urbains, mais cette tendance reste encore
limitée et de tels artisans encore marginaux. Dautres
accompagnent les porteurs de projet dans lautoconstruction
de leurs propres outils (comme lAtelier paysan en France),
mais le temps nécessaire à une telle entreprise est conséquent
pour les maraîchers.
Le choix du degré de mécanisation oscille ainsi entre le
coût nancier dinvestissement et le temps de travail mobilisé
pour le développement de nouvelles connaissances et
compétences, tant en ce qui concerne les techniques culturales
que les capacités à façonner (ou faire façonner) son propre
outil. Toutefois, les compétences nécessaires ne sont ni
toujours présentes à la ferme, ni encore complètement
disponibles localement.
3.3 La mobilisation dune main-dœuvre bénévole
Le troisième nœud qui émerge des projets de recherche
questionne les conditions dans lesquelles lapport dune main-
dœuvre bénévole contribue au succès de linstallation et, de
manière plus générale, au rôle tenu par le facteur humain au
sein dun projet de maraîchage agroécologique professionnel.
Nous avons vu que le recours limité à la motorisation des
modèles bio-intensifs et la phase particulière dinstallation
impliquent un besoin accru en travail humain. Dans ce
contexte, les maraîchers de lETA ont, à des degrés divers, tous
fait appel à une main-dœuvre bénévole. Avec une moyenne de
travail de 45 heures par semaine, les six porteurs de projet de
lETA ont bénécié, en moyenne, de 19heures de travail
bénévole additionnel (équivalent à 30 % du temps de travail
total passé au champ). Il sagit essentiellement de stagiaires
inscrits dans des formations, de parents ou encore de personnes
désireuses dapprocher le métier de maraîcher. La mobilisation
de cette main-dœuvre bénévole est, par ailleurs, facilitée par la
proximité des transports publics urbains. Les maraîchers de
Cycle farm ont quant à eux sollicité du travail bénévole dans
une proportion bien moindre (moins de 200 heures annuelles
de bénévolat en 2018 pour les deux maraîchers sur un total de
3375 heures, soit moins de 6 %).
Outre la sollicitation de bénévoles, certains porteurs de
projet de lETA ont également opté pour des modes de
coopération entre agriculteurs. La collaboration entre les
maraîchers de lETA est cependant sujette à tension ; elle
nécessite du temps de discussion et de négociation dans un
climat dinstallation où règnent encore concurrence et
comparaison. Cest pourquoi la mobilisation de bénévoles y
est davantage pratiquée que lentraide entre maraîchers, à
moins dêtre statutairement associés dès le départ.
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En première instance, notre analyse montre quun soutien
en main-dœuvre peut avoir un impact sur les activités
maraîchères à deux niveaux : en offrant une force de travail
supplémentaire sans surcoût et, de manière moins attendue, en
contribuant positivement au bien-être moral et physique du
maraîcher. En y regardant de plus près, cependant, la plus-
value du travail bénévole régulier dans un projet maraîcher (en
phase dinstallation ou de routine) doit être nuancée. En effet,
lencadrement de personnes qui nont pas ou peu de
connaissances agricoles prend du temps et requiert des
compétences spéciques. En outre, le maraîcher doit bien
souvent composer avec des bénévoles aux disponibilités et
attentes variées, et dont lapport, par conséquent, sera
inévitablement de nature et dintensité variables.
Ces enjeux demandent de consacrer un temps important à
lélaboration età la mise en œuvre dun dispositif dencadrement
approprié, temps qui ne peut donc plus être consacré pleinement
au travail au champ. Au-delà de cette question du temps, le
maraîcher est amené, par la nécessaire mise en place dun
dispositif particulier daccueil des bénévoles, à faire valoir ou à
acquérir des compétences spéciques, parallèles à la maîtrise de
son métier. Les maraîchers qui font appel à des bénévoles
deviennent ainsi transmetteurs de savoir-faire (Streith et
De Gaultier, 2012) et parfois animateurs, en plus dêtre
producteurs et commerçants. La facilité ou non à endosser ces
nouvelles casquettes impacte manifestement la viabilité des
projets de maraîchage urbain.
4 Conclusion
Dans des projets dinstallation agricole en milieu urbain, les
spécicités du contexte ouvrent la voie à des opportunités
inédites pour recourir à certaines ressources (foncier, main-
dœuvre, nancement...) mais leur accès conditionne également
les systèmes dactivités déployés par les maraîchers. Lorganisa-
tion du travail agricole sur un parcellaire morcelé, un accès à la
terre temporaire, les contraintes en termes daménagement de
parcelles, les possibilités de construction et dadaptation de
léquipement ou encore les capacités dencadrement dune
main-dœuvre bénévole sont autant de facteurs avec lesquels les
maraîchers doivent composer et qui impactent fortement la
capacité dadoption de pratiques agroécologiques.
Toutefois et comme le souligne Daniel (2017),cest bien
larticulation de tous les éléments du système dactivités qui
rendent plus intelligent le fonctionnement des micro-fermes
urbaines. Cest pourquoi lanalyse des dimensions particuliè-
res de la viabilité présentées dans le cadre de cet article a été
complétée par des dispositifs orientés explicitement vers le
questionnement des interactions systémiques.
Lanalyse transversale des nœuds de viabilité présentés
souligne en dénitive que linstallation des maraîchers
urbains passe par la (re)construction dune communauté de
pratiques, cest-à-dire la constitution dun ensemble de
réseaux socioprofessionnels diversiés et adaptés aux
besoins particuliers des maraîchers. Les capacités à
surmonter les verrouillages sociotechniques (Vanloqueren
et Baret, 2009) et à favoriser les pratiques agroécologiques en
AU dépendent nalement du déploiement de ces réseaux et
de lorientation délibérée des institutions vers des politiques
daccompagnement qui favorisent la transition des systèmes
alimentaires vers plus de durabilité.
Tout comme les dispositifs que nous avons mis en œuvre
et à linstar de ce que soulignent Bonneuil et al. (2008),
cest assurément à travers lélaboration dun rapport de
co-construction entre savoirs, société et agriculture que
la recherche et linnovation investiront les « possibles
sociotechniques » au-delà du seul modèle productiviste.
Lexpérimentation et la pérennisation dun écosystème articulé
dactivités professionnelles en AU passent inévitablement par
un soutien (politique et nancier) structurel capable de
dépasser le cloisonnement des multiples compétences en lien
avec la transformation du système alimentaire, telles que
léconomie, laménagement du territoire ou la santé.
Remerciements. Les recherches ont bénécié du nancement
de lInstitut régional de la recherche scientique à Bruxelles.
Les publications issues des recherches sont disponibles sur les
pages des projets SPINCOOP et ULTRA TREE du site www.
cocreate.brussels. Les auteurs remercient tous les partenaires
des projets de recherche.
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Citation de larticle : Plateau L, Maughan N, Pipart N, Visser M, Hermesse J, Maréchal K. 2019. La viabilité du maraîchage urbain à
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... et Lankoski, 2015Chiffoleau, 2018 ;Maréchal et al., 2019 ;Denys et al., 2020). De façon critique, ces acteurs de terrain s'interrogent plutôt en termes de viabilité, notion aux contours multiples qui se doit d'être envisagée dans toutes ses dimensions, qu'elles soient économiques, sociales, environnementales ou encore agronomiques (Mundler et Laughréa, 2016 ;Brunori et al., 2016 ;Plumecocq et al., 2018 ;Plateau et al.,2019). 12 Sans restreindre la focale aux seuls agriculteurs, leur désir de (capacité à) continuer ou non leur activité productive constitue un élément primordial de la viabilité des CAP. ...
... Il nous semble dès lors pertinent de partir de la définition proposée par Morel et Léger (2016) (Morel et al., 2017). Elle permet de mieux mettre en exergue la réalisation complexe d'arbitrages et la gestion des points de tension ou de noeuds au sein des CAP (Brunori et al., 2016 ;Chiffoleau, 2018 ;Plateau et al., 2019). ...
Article
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The article questions the contribution, in terms of territorial viability, of intermediate collective structures involved in short proximity food supply chain. Our empirical approach is based on two case studies of food peasant cooperation, located in Ligurian region (Terroirs44) and Wallonia region (Paysans-Artisans). Based on a qualitative and inductive methodology, we show that these two organizations implement territorial anchoring strategies. These contribute to strengthening, more or less intensively, four main sustainability dimensions: an improving to the social well-being and quality of life of theirs producers; a smaller contribution to their economic well-being; a participation in local development; and a measured added value on the environment.
... Le développement de l'AU relève non seulement de la participation des citadin.e.s à l'échelle individuelle et de leurs compétences mais également de celle des personnes morales, les entreprises (Baganz et al., 2020 ;Corey et al., 2015 ;Plateau et al., 2019). Ces dernières ont pour principal enjeu leur viabilité, pérenniser leur existence sur le long terme. ...
Research
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Le développement de systèmes alimentaires à l'échelle mondiale est envisagé pour répondre à différents objectifs pour assurer la sécurité alimentaire des populations. En promouvant l'accès adéquat à des aliments sains et nutritifs pour toutes et tous, ces objectifs font souvent appel aux systèmes alimentaires locaux de proximité et à l'agriculture urbaine en tant que pistes de solution pour transformer, du moins dans certains pays, les systèmes alimentaires et les villes. Cette synthèse recense une partie de la littérature sur l'agriculture urbaine pour examiner son rôle dans le développement de systèmes alimentaires locaux et de proximité favorisant ainsi la résilience des villes et leur transition écologique. En premier lieu, on constate la diversité importante des initiatives et l'intégration de l'agriculture urbaine dans les agendas politiques tant à l'échelle mondiale que dans celui des villes. Pour cette synthèse, nous distinguerons les initiatives commerciales et associatives visant à distribuer leur production, des initiatives domestiques dont les produits sont cultivés et consommés à l'échelle des ménages. Si les premières constituent des réseaux d'actrices et d'acteurs participant au développement de systèmes alimentaires dont le caractère de proximité dépend des modèles d'entreprises considérées, les secondes, plus isolées, constituent le point de départ, et encore le coeur du mouvement de l'agriculture urbaine, témoignant de son hétérogénéité. Ces deux types d'initiatives d'agriculture urbaine présentent certes une contribution croissante mais néanmoins encore limitée à l'alimentation des villes et des ménages urbains, du moins selon les données empiriques analysées, dans nos travaux sur la région de Montréal. Le développement des potentialités de l'agriculture urbaine en termes de résilience et de transition écologique des villes repose d'abord sur l'élaboration de stratégies qui vont en ce sens. Bien que les notions d'autonomie alimentaire, de justice alimentaire et sociale ou encore de mise en commun des aliments soient mises de l'avant par toute une frange du mouvement d'agriculture urbaine, notre revue de littérature et l'analyse des données disponibles mettent en évidence que c'est davantage la multifonctionnalité des initiatives ainsi que les synergies associées à leur développement qui sont mises de l'avant dans les agendas politiques. En s'appuyant sur l'examen de la stratégie d'agriculture urbaine 2021-2026 de Montréal, cette synthèse propose une approche pragmatique témoignant de certaines tensions et contradictions propres aux contextes de développement de l'agriculture urbaine, afin d'en maximiser le potentiel et la contribution à la transformation des villes et des systèmes alimentaires.
... De plus, des incertitudes majeures persistent quant à leur pérennité : à l'heure actuelle, la viabilité de ces initiatives pose question, que cela soit sur le plan économique (faible rentabilité) et/ou social (forte pénibilité). En effet, réduire le nombre d'intermédiaires amène les producteurs à endosser de multiples rôles (de vendeur, démarcheur, transporteurs, etc. (Aubry et al., 2011 ;Plateau et al., 2019). Pour ces charges de travail additionnelles, il est difcile de dégager suf samment de marge, ce qui met à mal la rentabilité des activités (Laughrea et al., 2018). ...
... In particular, the respective roles of machines and human labor in production processes are debated (Arora et al., 2020;Bonny, 2017;Calame and Mouchet, 2020). The attention paid to the concrete working conditions of farmers in certain agroecological initiatives goes hand in hand with the call for a certain degree of mechanisation (Dumont and Baret, 2017;Plateau et al., 2019). The share of the work carried out by volunteers or interns is also discussed (Ekers, 2019;Hermesse et al., 2020): is it necessary to strengthen relations with the surrounding community or to counter balance the precarious economic situation faced by some agroecological farms? ...
Article
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Whereas many studies adopting a broad perspective on sustainability have highlighted the differences and interactions between alternative and conventional models of agricultural production, very few have investigated the contradictions internal to farm organizations engaged in agroecological transition. In order to understand the difficulties faced by farmers in combining multiple aspirations, we study agroecological production cooperatives (APCs) through the tensions between their different institutional logics. We use a qualitative analysis to address these tensions, and the responses to them, related to their territorial, self-management, and agroecological logics. Various local actors have different conceptions of agroecology, based on diverse levels of knowledge of agricultural practices and on dissimilar interests. This entails various preferences regarding technical choices and farm management. Agroecology's emphasis on diversity, local resources, experimentation, labour intensity and the long run may contradict financial considerations and the quality of working conditions of farmers. Setting up deliberation arenas is key to elaborating agreed compromises regarding the agroecological conception, as well as the governance of farm organizations.
Article
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After decades of urbanization and agricultural industrialization, the relationships between cities and their agri-food systems have been profoundly transformed, especially in developed countries. To make agri-food systems more sustainable the pressing need to rethink food-related practices in cities has received momentum in the past 20 years across many European cities. Transdisciplinary and participatory research can generate knowledge and promising solutions to facilitate the transition of urban agri-food systems. This article highlights the contributions of six research projects driven by the notion of “co-creation” research for urban agri-food system transition, using Brussels as the research context (program “Co-Create”). The article outlines the main research foci and characteristics of the six “Co-Create” projects funded by this call, how they are embedded in the broader dynamics and initiatives of Brussels, and the theoretical foundations of the notion of “co-creation” research that sits at the intersection of transdisciplinary and participatory action research. Subsequently the paper illustrates how the six Co-Create project brought together different actors in Brussels including researchers, citizens, associations, and government agencies, that were united with a shared awareness of the need for change of the city's agri-food system. The six research consortia targeted different issues across three aspects of the agri-food system: agricultural production in urban areas, food distribution and marketing, and accessibility and democratization of sustainable food. We critically reflect on some common insights generated by the six projects, and particularly (a) a series of recommendations that were drafted for public authorities and called for the acceleration and strengthening of efforts for urgent changes in the agri-food system of Brussels, and (b) findings that address the epistemological and methodological strengths and limitations of conducting co-creative research processes to facilitate agri-food system transition. We also discuss how the Co-Create projects might have created a historical momentum that has encouraged the placing of the transition of agri-food systems on the political agenda of Brussels, and by identifying future challenges for agri-food system transitions in Belgium.
Article
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The objective of the presentresearchistwofold: on the one hand, itaims to identify the actors of thisurban agricultural activity and, on the other hand, to analyse the strategiesadopted in the production practice of the marketgardener. To achievethis objective, the studyprotocolfocused on a qualitative methodbased on documentaryresearch, field observation and interviews. On the experimental site located at the Riviera Golf in the commune of Cocody, 10 marketgardenerswereinterviewed, namely 9 men and 1 woman. Theiragesrangedfrom 30 to 65 years. This activityispractised on small areas rangingfrom 1 to 5 ha withmethods and techniques based on the association of crops, crop rotation, watering and soilamendmentusingpurelyorganic inputs. The harvestedproducts are bought by a clienteleconsisting of individuals, restaurants and retailerslocated in the vicinity of the production site.
Article
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L’économie de la fonctionnalité est souvent présentée comme un nouveau modèle susceptible de favoriser la transition vers une économie soutenable. Dans la plupart des travaux en langue anglaise, la dimension environnementale est parfois mise en avant, voire considérée comme consubstantielle au modèle, mais l’inscription territoriale des activités n’est pas traitée, ou alors seulement en filigrane. Or de nombreuses raisons laissent à penser qu’une économie de la fonctionnalité ne tenant pas compte de son ancrage territorial court le risque de ne pas exprimer son plein potentiel de soutenabilité. Il nous paraît donc important de poser explicitement la question de la territorialité dans les initiatives d’économie de la fonctionnalité. Dans cet article, nous procédons à une revue de littérature sur le complexe fonctionnalité-territoire et proposons une discussion visant à mettre en lumière la pertinence d’intégrer une réflexion territoriale aux travaux portant sur l’économie de la fonctionnalité. Product-service systems (PSS) are often presented as a new model which would be conducive to sustainable development. In most English-speaking work on PSS, the environmental dimension is at times put to the fore, or even considered as inherent to the model, but the issue of the territorial insertion of such activities is not addressed, or just in passing. Numerous reasons justify thinking that implementing PSS activities without considering their territorial embeddedness may end up with outcomes short of their full sustainability potential. We therefore believe it is important to explicitly question the territoriality of PSS initiatives. In the present article, we perform a literature review on the PSS-territory nexus and we propose a discussion aiming at shedding light on the relevance of integrating a territorial reflection to the scientific work on PSS.
Thesis
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En réponse à un enjeu de renouvellement de la population agricole et à une demande croissante d’installation de la part d’un public hors cadre familial, un large panel de mesures et un déploiement important de structures composent le paysage de l’accompagnement à l’installation. Force est pourtant de constater qu’une faible part des exploitations sont effectivement transmises et qu’une part importante des jeunes installés rencontrent des difficultés à conduire les exploitations. Par ailleurs, les formations professionnelles et les dispositifs d’appui à l’installation peinent à rendre compte des situations et des apprentissages professionnels qui font problèmes pour les futurs agriculteurs et à s’appuyer sur elles pour penser la formation des compétences. Il est dès lors pertinent de s’interroger sur les conditions d’une transmission du métier en situation de travail, susceptible d’accompagner le développement des compétences et des connaissances chez les futurs installés (stagiaires, repreneurs, salarié ou encore « couvé »). Notre recherche s’intéresse à étudier les phénomènes de transmission observables dans les exploitations dans lesquelles au moins un agriculteur expérimenté et un apprenant interagissent dans le travail. L’objectif est d’analyser les manières dont les binômes ou collectifs, composés de professionnels et d’apprenants, appréhendent le travail en commun et la place des apprentissages et de la transmission dans le travail. Cette thèse vise dans un premier temps à formaliser la diversité des formes de transmission professionnelle par l’élaboration d’un modèle configurationnel prenant en considération les effets éventuels produits sur ces formes de transmission par les dispositifs, les trajectoires individuelles, les contextes socioprofessionnels et le milieu de travail. Construit à partir d’une enquête réalisée sur le stage en exploitation maraîchère biologique et d’une étude approfondie de trois cas de transmission dans des exploitations agrobiologiques, ce modèle constitue une grille de lecture des conditions dans et par lesquelles se construisent des situations potentielles de transmission. La pondération des variables qui le définissent est un moyen de caractériser la diversité des contextes de transmission des métiers agricoles. L’angle de vue configurationnel est complété par l’analyse plus fine de situations d’interaction à travers lesquelles s’établissent des médiations à propos d’objets du travail. En considérant l’activité comme un analyseur de la transmission professionnelle, nous nous attachons à saisir les fondements conceptuels, axiologiques et pratiques qui sous-tendent les interactions entre agriculteurs et apprenants. Dans ce but, nous nous appuyons d’une part sur des concepts et méthodes de la didactique professionnelle, et d’autre part sur les théories sociologiques de la coordination, des engagements et des places sociales. Les données empiriques mettent en évidence quelques-uns de ces objets de travail, spécifiques au domaine agricole et emblématiques de la difficulté de transmettre le métier : l’erreur et le risque dans le travail, le rapport aux instruments et aux normes, le travail avec le vivant. L’analyse des données montrent également que les enjeux d’exécution des tâches et les dynamiques d’accords et de désaccords s’articulent dans les activités de dialogue et dans l’ensemble des situations d’interaction auxquelles sont confrontés les deux groupes de protagonistes. Ce travail propose un enrichissement de la didactique professionnelle en portant une attention particulière aux compromis et débats professionnels qui se construisent autour de la définition des concepts pragmatiques et plus largement autour de ce qui fait professionnalité.
Article
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Les filières agricoles connaissent une importante restructuration, se traduisant par une déconnexion de plus en plus forte entre opérateurs des filières et ceux des territoires, et entre lieux de production et usages des ressources locales. Les filières utilisent des ressources des territoires, mais n'y opèrent souvent qu'une partie de leur activité, et ne se soucient pas toujours de leur impact local, environnemental comme socioéconomique. Des acteurs de territoires, porteurs quant à eux d'enjeux de développement socioéconomique et environnementaux, sont inquiets des incidences de ces transformations et s'interrogent sur la possibilité de re-territorialiser certaines filières. Pour alimenter les réflexions de ces acteurs, nous cherchons à mieux comprendre les interactions entre filières agricoles et territoires, notamment les interactions entre les flux générés, les écosystèmes, et les systèmes d'acteurs qui les pilotent. L'écologie territoriale, champ de recherche interdisciplinaire, vise à mieux comprendre les modalités des interactions entre sociétés et environnement, notamment les relations entre la structuration des flux (matériels et énergétiques) et l'organisation sociale, politique, économique à l'échelle de territoires, à partir de la notion de métabolisme. Nous présentons ici une exploration de ce champ de recherche, ainsi que des champs de recherche affiliés, par des chercheurs en agronomie, en dialogue avec un chercheur en écologie territoriale. Nous explicitons les notions et présentons ce que nous en avons retenu pour élaborer un cadre d'analyse des interactions entre filières et territoires, s'appuyant sur les notions d'ancrage, de dépendance et d'empreinte. Nous discutons des intérêts et limites de l'approche dans le champ de l'agronomie et à l'échelle des territoires.
Article
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SAD CT3Ce numéro est spécialement dédié à l'Agriculture péri-urbaine. Il présente les communications du colloque du 5 mai 2009 à Versailles, ainsi que différents textes complémentaires.il existe aussi une vidéo.chiffole@supagro.inra.fr
Article
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Alternative farming systems are challenging classical agronomic frameworks because their aim is to promote human and ecosystems welfare rather than profit maximization. The objective of our work was to understand how alternative farmers build their strategic choices. Through a multiple-case qualitative study of 14 organic market gardening microfarms in the northern half of France, we developed a systemic conceptual framework in which strategic decision making is integrated with a wide range of social and environmental aspirations. As these various aspirations can be in tension, it is relevant to consider tradeoffs between them to study the viability of alternative farms.
Article
Using pragmatic sociology, we studied feed autonomy in mixed livestock-crop farming in the western region of Belgium (Hainaut Province). In this paper we first describe feed autonomy as an innovation structured around the withdrawal of soybeans and corn from cattle rations. In so doing, we approach feed autonomy as an opportunity for farmers to change their relationships with the soil, plants, animals, and other human beings and reconnect harmful situations to their courses of action. We then show (1) how this withdrawal is accompanied by adaptation in breeding practices (through reconfigurations of cognitive processes and practices) and (2) how events that interrupt the farmer's normal course of action require the farmers to develop their attentiveness to, i.e., their abilities to heed various elements to allow for variability and guide their actions. We therefore propose a theory of action in which learning is the result of surprises, of what destabilizes the farmer and raises doubt in her/his mind about her/his practices. To do that, we take inspiration from John Dewey's work and his notion of experience. Our results question the conceptualization of the trajectory that represents the process of change as a series of sequences with the event as a trigger. Indeed, we understand change to be a constant process of adjusting goals and means that is punctuated by events that become events only when attention is given to them. So, the event itself is no longer the trigger, and understanding adaptation in a trajectory's direction hinges more on the attention that is paid to the event.