Content uploaded by Heide Wrobel Nørgaard
Author content
All content in this area was uploaded by Heide Wrobel Nørgaard on Dec 10, 2020
Content may be subject to copyright.
LA SPÉCIALISATION
DES PRODUCTIONS
ET LES SPÉCIALISTES
SESSION XXXIV2 DU XVIIIe CONGRÈS DE L'UISPP
ACTES DE LA SÉANCE DE LA SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE
PARIS
5 JUIN 2018
Textes publiés sous la direction de
Rebecca Peake, Sylvain Bauvais, Caroline Hamon et Claude Mordant
Société préhistorique française
Paris
2020
SéanceS de la Société préhiStorique françaiSe
16
Les « Séances de la Société préhistorique française »
sont des publications en ligne disponibles sur :
www.prehistoire.org
Couverture : Reproduction de bracelet en verre celtique et de ses décors de filets en zig-zag
par Joël Clesse, atelier Silicybine, 2018. (Photo Joëlle Rolland)
•
Responsables des réunions scientifiques de la SPF :
José Gomez de Soto, Claude Mordant, Nicolas Naudinot
Directeur de la publication : Claire Manen
Révision du texte : Sophie Tymula
Maquette et mise en page : Christine Herlin, Martin Sauvage et Quentin Chambon
(USR 3225, Maison Archéologie et Ethnologie, Nanterre)
Mise en ligne : Ludovic Mevel
•
Société préhistorique française
(reconnue d’utilité publique, décret du 28 juillet 1910). Grand Prix de l’Archéologie 1982.
Siège social : 22, rue Saint-Ambroise, 75011 Paris
Tél. : 01 43 57 16 97 – Fax : 01 43 57 73 95 – Mél. : spf@prehistoire.org
Site internet : www.prehistoire.org
Adresse de gestion et de correspondance
Maison de l’archéologie et de l’ethnologie,
Pôle éditorial, boîte 41, 21 allée de l’Université, F-92023 Nanterre cedex
Tél. : 01 46 69 24 44
La Banque Postale Paris 406-44 J
Publié avec le concours du ministère de la Culture et de la Communication (sous-direction de l’Archéologie),
du Centre national de la recherche scientifique, du Centre national du Livre,
UMR 8215 « Trajectoires. De la sédentarisation à l'état », Université de Paris 1
UMR 6298 « Artehis. Archéologie, Terre, Histoire, Sociétés », Université de Bourgogne
UMR 5060 CNRS Iramat – Laboratoire Métallurgie et Culture
Fondation Pierre Mercier
Impression : CNRS DR1 IFSeM secteur de l'imprimé
© Société préhistorique française, Paris, 2020.
Tous droits réservés, reproduction et diffusion interdite sans autorisation.
Dépôt légal : 4e trimestre 2020
ISSN : 2263-3847 – ISBN : 2-913745-83-0 (en ligne)
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique
(1 500-1 100 bc)
Des metallurgistes, des ateliers et leur apport à l’organisation
du travail du bronze aux âges du Bronze ancien et moyen
Résumé : Les termes « Werkstattkreise » (groupes d’écoles artistiques) et « Formenkreise » (groupes typo-stylistiques) sont utilisés
de façon interchangeable dans la littérature archéologique, alors que leur signication précise se révèle très différente. Une étude
détaillée des parures richement ornementées du Danemark et d’Allemagne du Nord montre que, même si une zone de distribution des
objets typologiquement semblables (« Formenkreise ») montre des similitudes stylistiques et techniques, nous ne pouvons pas conclure
directement que ces objets ont été fabriqués dans le même atelier. L’identication des ateliers doit être basée sur l’analyse des caracté-
ristiques techniques des objets et sur la présence de traditions artisanales. Les ateliers ne peuvent néanmoins pas être identiés par les
analyses d’un seul groupe d’artefacts.
La combinaison de méthodes archéologiques traditionnelles, d’analyses technologiques et de modèles empruntés à la sociologie a
permis la présentation d’un nouveau modèle d’organisation de l’artisanat de l’âge du Bronze. Ce modèle est basé sur l’analyse des
traces de production toujours présentes sur des objets. Il était nécessaire, non seulement d’identier des artisans individuels et des
regroupements d’artisans (ici appelés des « écoles »), mais aussi de dessiner leurs zones de distribution et l’inuence qu’ils exerçaient
sur d’autres métallurgistes. Grâce à une nouvelle approche, la spécialisation et la cadence de travail ont été discutées à partir du matériel
de l’âge du Bronze nordique. Ceci a servi à mesurer le potentiel des ateliers individuels, ainsi que de lever une partie du voile sur leurs
organisations internes. Les résultats de cette étude nous amènent à mieux comprendre l’organisation générale de la métallurgie durant
l’âge du Bronze nordique. Il semble que celle-ci se structure autour de plusieurs axes concomitants : le travail familial et le travail
saisonnier, ainsi que des ateliers extrêmement spécialisés, probablement nancés par des élites.
Mots-clés : âge du bronze, métallurgie, spécialisation de l’artisanat, apprentissage, traces d’outils et traces de travail.
Summary: At the time of writing, the terms “Werkstattkreise” (workshop circles) and “Formenkreise” (typological-stylistic units)
are used interchangeably in academic literature. A detailed study of richly-decorated bronze jewellery from Denmark and northern
Germany, however, shows that while geographic units established through the dissemination of typologically similar artefacts groups
(“Formenkreise”) might demonstrate stylistic and technological similarities, they cannot be grouped together as the products of a single
workshop. However, the identication of workshops should always be based on artefact-specic technical characteristics as well as on
shared technological traditions and habits. Moreover, workshops cannot be identied through the examination of a single artefact group
(which would be the basis for typological studies).
Through the combination of traditional archaeological, scientic and sociological-theoretical investigation, this paper presents a com-
pletely new outline for the organization of Bronze Age handicraft on the basis of individual production traces found on Bronze Age
ornaments. In this way, individual craftspeople and closely-related groups of craftspeople (here referred to as “écoles”) were dened.
Moreover, the extent of their sales areas and their potential inuence on other craftspeople was also examined. Moreover, this new
approach took the measure of specialization and workload on Nordic Bronze Age metalcraft through careful study of the material pro-
duced thereby. In turn, this allowed for the determination of potential of individual workshops as well as their supposed structure. Thus,
direct statements about the organization of metalcraft within the Nordic Bronze Age were possible. The results presented here suggest
that the overall organization was one in which workshops based on kinship organization coexisted with seasonal employment crafters
and highly-specialized workshops fuelled by funding from social elites.
Keywords: Bronze Age, metalworking, craft specialisation, apprenticeship, tool marks and work marks.
Heide W. Nørgaard, Samantha S. Reiter
La spécialisation des productions et les spécialistes /
Specialised productions and specialists
Actes de la séance de la Société préhistorique française de Paris (juin 2018)
Proceedings of the session n° XXXIV-2 of the XVIII° UISPP World Congress
Textes publiés sous la direction de
Rebecca P, Sylvain B, Caroline H et Claude M
Paris, Société préhistorique française, 2020
(Séances de la Société préhistorique française, 16), p. 123-146
www.prehistoire.org
ISSN : 2263-3847 – ISBN : 2-913745-83-0
124 Heide W. Nørgaard et al.
Cette étude porte sur l’identication individuelle des
artisans, dans le but de mieux comprendre comment la
métallurgie était organisée durant l’âge du Bronze nor-
dique, et plus précisément sur les parures richement
décorées. Les objets qui concernent cette recherche pro-
viennent d’une vaste zone allant du centre de la région
du Jutland et des îles danoises jusqu’au Scania (Kersten,
1936). Les régions proches ont été fortement inuen-
cées par cette culture, y compris du point de vue tech-
nologique, en particulier dans le Schleswig-Holstein, la
partie méridionale du Jutland, le Niedersachen (Basse-
Saxe) et le Mecklenbourg. Dans l’ensemble, les différents
ensembles de « l’âge du Bronze nordique » ne partagent
pas seulement leurs cultures matérielles, mais aussi une
culture spirituelle commune.
Pour exemple, les parures féminines et les armes de
cette région ont été décorées avec des spirales et des bandes
décoratives entre le début et l’âge d’or de l’âge du Bronze
(1 500-1 300 BC). Depuis le XXe siècle, les archéologues
ont regroupé ces objets dans leurs recherches et analyses.
Ces études ont permis de conclure que la fonderie était
une tradition qui pouvait servir à distinguer le nord du
sud de l’Europe (Nørgaard, 2018a), avec une zone nor-
dique utilisant notamment la technique de fonderie à la
cire perdue. La richesse des éléments décorés offre une
très bonne source d’informations, non seulement sur les
méthodes de production, mais aussi sur l’identication
des artisans individuels et plus spéciquement des écoles
artisanales (1).
LES ÉCOLES À L’ÂGE DU BRONZE
Les « groupes typologiques » (Formenkreise) et
les « écoles artistiques » (Werkstattkreise) repré-
sentent deux termes utilisés comme des synonymes dans
la recherche sur l’âge du Bronze. Toutefois, il ne faut
pas perdre de vue le fait que des similitudes formelles
peuvent apparaître pour deux objets indépendamment de
leurs sites de production. Récemment, la différence entre
les groupes typologiques et les écoles artistiques a pu être
clariée à travers une étude d’objets en métal datant de
l’âge du Bronze tardif et moyen (Nørgaard, 2018a ; Nør-
gaard, 2018b). Cette étude a détaillé les techniques de pro-
duction employées pour la fabrication de 323 parures. Il
a été démontré qu’il était possible d’identier l’existence
d’une école artistique préhistorique, à condition que la
chaîne opératoire de fabrication des objets, la compo-
sition du métal et d’autres caractéristiques artisanales
soient comparables.
En préhistoire, une école artistique se concentre moins
sur l’atelier que sur l’espace de travail en lui-même et
l’esprit du travail qui l’anime. En histoire de l’art, l’idée
d’école (par exemple, de peinture) rapproche le domicile
et l’espace de travail d’un (ou de plusieurs) artiste(s). Les
écoles peuvent être assimilées à leurs équipements artisa-
naux, ainsi qu’à une pratique et à un apprentissage dans
une école d’art ou dans la maison d’un maître (Strauss
et al.,1987). Ainsi le « travail d’un atelier » représente
non pas les œuvres du maître en soi, mais celles qui ont
été exécutées sous le toit de son école artistique (Strauss,
1994).
Une école artistique comprend essentiellement l’es-
pace de travail d’au moins un artisan, ainsi que des autres
personnes qui participent aux séances de travail (qu’ils
soient des employés quelconques ou des membres de la
famille). En outre, « une école » doit aussi être interpré-
tée comme la façon dont les objets sont fabriqués. Quelle
que soit la nature de leurs relations, le rapprochement
des artisans résulte de l’échange d’inuences. Ceci est
perceptible à travers l’habileté motrice des artisans et les
caractéristiques stylistiques des objets produits. Ici, le
terme « école » ne correspond donc pas nécessairement
à un endroit en particulier (bien qu’une école doit être
située quelque part), mais plutôt à l’échange d’inuences
intra-communautaire.
La théorie de l’artisan individuel
L’identication des artisans ainsi que leurs actions
peut contribuer à la compréhension du groupe social dans
lequel ils se trouvent. Celui-ci peut être identié grâce aux
études technologiques basées sur l’observation des traces
de production et les techniques artisanales de l’époque.
Par extension, l’identication du producteur peut aussi
être possible si les gestes et les habitudes individuelles
apparaissent dans les traces laissées par les outils, dans
des variations du décor, dans des réparations et/ou à
travers les séquences techniques. Pris dans son ensemble,
cela forme l’habitus d’un artisan. Pour dénir l’habitus
des artisans à travers les matériaux qu’ils ont produit,
nous nous servons des concepts proposés par E. Panofsky
et M. Mauss (Panofsky, 1951 ; Mauss, 1979). Cet habitus
est inuencé par l’environnement social dans lequel l’ar-
tisan se trouve (sa tradition). L’habitus peut se développer
au fur et à mesure de l’apprentissage pour émerger éven-
tuellement comme l’empreinte de l’artisan. On peut donc
dire : « The body of knowledge technicians use is the part
of the craftsman´s habitus that is framed within the con-
text of tradition » (Dobres, 2000, p. 138).
L’habitus « individuel » d’un artisan peut ainsi être
le reet des connaissances techniques du groupe dans
lequel il a été formé, à travers la transmission directe
des gestes et la démarche du travail de l’artisanat. Ceci
constitue le cadre technique de l’habitus. L’individua-
lisation de l’artisan apparaît dans la manière dont ces
connaissances sont acquises et comprises. Les connais-
sances qui sont acquises par l’expérience peuvent être
notées comme des connaissances implicites (Polanyi,
1966 ; Nonaka et Takeuchi, 1997 ; Schanz, 2006 ; Kosz,
2007 ; Ray, 2009 ; Collins, 2012 ; Høgseth, 2012). Ces
dernières représentent une partie importante de l’habi-
tus individuel du fait de leurs liens avec les structures
et les mécanismes du corps (Polanyi, 1966, p. 9 ; Kosz,
2007, p. 31). Ces connaissances doivent constamment
changer et s’adapter aux nouvelles circonstances (voir
aussi Sexl, 1995, p. 24-26 ; Ray, 2009, p. 11). Les tech-
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
125
nologies acquises par les artisans pendant leurs périodes
d’apprentissage font partie de la tradition technique des
sociétés auxquelles ils appartiennent. Mais les connais-
sances implicites ne peuvent pas être seulement clas-
sées comme une simple appropriation des techniques ;
elles représentent à la fois le processus d’acquisition et
d’intériorisation, mais aussi la situation générale dans
laquelle elles ont été acquises. Cette partie personnelle
du processus (dans laquelle la connaissance impli-
cite est comprise) peut être considérée d’une certaine
manière comme un « body of knowledge » (Roux et al.,
1995, p. 65 ; Dobres, 2000, p. 138 ; Wendrich, 2012).
Une meilleure comparaison peut être trouvée dans les
concepts du « know-how » (Pelegrin, 1990, p. 118 ; Kar-
lin et Julien, 1994, p. 156-162 ; Apel, 2007, p. 8 ; Høg-
seth, 2012, p. 65), « motor-know-how » (Pelegrin, 1990,
p. 118 ; Costin, 1995, p. 622 ; Minar, 2001, p. 395 ;
Wallaert-Pètre, 2001, p. 481 ; Creese, 2012, p. 48) et
anticipation (Caine et Caine, 1994, p. 5 ; Sennett, 2008,
p. 154.). La liaison entre tous ces concepts est la trans-
formation et l’appropriation des connaissances vécues et
acquises par la répétition.
Pour l’histoire de l’art, l’idée d’action ou de gestes
automatiques est souvent utilisée comme moyen d’iden-
tier des individus (Berenson, 1962 ; Muller, 1977 ;
Panofsky, 1981). D’après B. Berenson, le style individuel
apparaît surtout dans les situations où la réaction est plus
intuitive que consciente. Il explique ceci par « that the art-
ist tends to fall back into habitual or conventional patterns
when painting items he considers to be unimportant- in
Italian painting, the ears » (Berenson, 1962, p. 129).
M.-A. Dobres souligne l’interdépendance de l’habi-
tus d’un artisan avec les traditions techniques du groupe
avec lequel il est associé. Les règles et les traditions
d’une communauté ne forment pas seulement les com-
portements sociaux, mais aussi les comportements tech-
niques. Par conséquent, ils forment aussi les séquences
d’actions dans la production des objets. L’artisan ne doit
pas être conscient du fait qu’il suit une tradition parti-
culière. Ces traditions sont incorporées à l’habitus sim-
plement par leur participation dans la vie quotidienne
(Dobres, 2000, p. 138). La mesure des similitudes entre
l’habitus d’une personne (incluant les connaissances
implicites) et celui d’une autre personne peut être
directement liée aux conditions de l’acquisition de ces
connaissances (c.-à-d. au cours de l’apprentissage). Il en
découle donc que ce sont les interactions (qui sont, elles,
– indispensables à l’acquisition des connaissances impli-
cites (voir Botwid, 2013, p. 34 ; Kosz, 2007, p. 28) – qui
sont la source de déviations microstylistiques permettant
d’identier les individus. À l’occasion d’un enseigne-
ment non personnel, des déviations plus larges peuvent
apparaître. Quand la prise d’un outil, les gestes ou la
démarche du travail sont acquis de façon rudimentaire,
leurs maîtrises éventuelles résultent d’une plus grande
déviation. Ce dernier point lie l’artisan individuel à une
école artistique à travers une communauté d’inuence
(« die Einussgemeinschaft von Handwerkern », Nør-
gaard, 2018a, p. 256).
Des traces matérielles
et la définition des écoles
L’identication de traces de production et d’indices
marqueurs d’individualité a apporté une grande quantité
d’informations supplémentaires à l’étude des marques
laissées par les outils, comme à la compréhension des
démarches de production et aux caractéristiques tech-
niques du travail des métallurgistes à l’âge du Bronze
nordique. La comparaison entre ces indices a permis
l’identication d’ateliers, c’est-à-dire de communautés
d’inuences particulières (g. 1). L’étendue de leur locali-
sation correspond à la distribution des objets identiables ;
le centre de la zone représente la région la plus dense en
objets identiables (par exemple des objets funéraires).
Cette localisation doit être prise comme une possibilité
et non comme une certitude. En effet, ce n’est qu’avec
des fouilles exhaustives des sites de l’âge du Bronze nor-
dique et la découverte d’ateliers métallurgiques qu’une
telle hypothèse pourra être conrmée. Malheureusement,
ceci est plus facile à dire (ou à écrire) qu’à faire. En effet,
les ateliers de métallurgie n’ont pas besoin de beaucoup
de choses. Les indices qu’ils laissent derrière eux sont
donc faibles et ne comprennent qu’un espace de chauffe
et des traces éphémères de fonderie (voir Jantzen, 1991 ;
Nørgaard, 2018b).
Au cours de la Période II de la chronologie de Monte-
lius, cinq écoles sont identiables entre l’Elbe et la Weser.
Ainsi, l’hypothèse de F. Laux sur la présence de plusieurs
écoles dans la région de Lunebourg peut être conrmée
(Laux, 1976, p. 33-36). La région de Lunebourg (ainsi
que quelques autres régions) montre une zone de distri-
bution comparativement plus large, de même qu’une plus
grande densité d’objets, comme celle identiée près de
la ville de Lunebourg. Cette dernière école (AW4 ; voir
g. 2) peut être caractérisée par des bandes décoratives,
des impressions en forme de sablier (construites par la
combinaison de cercles et de triangles) et des bandes
composées d’impressions d’outils en forme de triangle
arrondi. Au niveau des capacités techniques, cette école
est reconnaissable grâce à l’utilisation d’estampilles en
forme de spirales (une tradition qui n’est connue que dans
les îles danoises) et de motifs triangulaires à hachures
parallèles (Nørgaard, 2015b, p. 125). La qualité des
produits de cette école est particulièrement évidente si
l’on compare les deux plaques-boucles trouvées à Mol-
zen, Ülzen, et à Appel, Harburg en Basse-Saxe (Krüger,
1925, p. 185 ; Sprockhoff, 1940, p. 32 ; Hachmann, 1957,
p. 199 ; Laux, 1971, p. 259 ; Nørgaard, 2015a et 2018a).
Bien que le disque trouvé à Appel ait bien des triangles
hachurés, les lignes de hachures ne sont ni parallèles, ni
orientées de la même façon que les hachures identiées
de l’école AW4. De plus, la profondeur et la largeur des
hachures ne correspondent pas à celles présentes sur le
disque d’Appel (g. 3). Il semble donc que ces objets
proviennent de deux écoles différentes. Les similitudes
stylistiques comparables avec d’autres parures suggèrent
qu’ils proviennent de l’école AW2, près de l’estuaire de
l’Elbe.
126 Heide W. Nørgaard et al.
Fig. 1 – Les ateliers identiés à la Periode II de l’âge du bronze nordique. Les objets que nous avons pu associer à un atelier en particulier
(« analytical workshops » ou « AW ») sont les suivants : (carré plein) atelier ou communauté d’artisans AW1, (étoile) atelier AW2, (étoile
pleine) atelier AW3, (rond) atelier AW4, (triangle inversé plein) atelier AW5, (carré) atelier AW6 au Jutland, (triangle plein) AW7 au nord-
ouest de Zélande, (rond plein) atelier AW8 au nord-ouest de Zélande, (losange plein) atelier AW9 au nord du Jutland, (triangle) localisation
d’un atelier possible nommé AW10 et (losange) atelier AW11.
Fig. 1 – Workshops (dened as a closely connected group of craftspeople) identied in Period II of the Nordic Bronze Age. Objects with
similar techniques or crafting traces were assigned to a particular atelier (“analytical workshops” or “AW”) as follows: (solid square) atelier
or community of craftspeople AW1, (star) atelier AW2, (solid star) atelier AW3, (circle) atelier AW4, (solid inverse triangle) atelier AW5,
(square) atelier AW6 probable based somewhere in central Jutland, (solid triangle) AW7 based in northwest Zealand, (solid circle) atelier
AW8 in northwest Zealand and (solid diamond) atelier AW9 in northern Jutland. The material further indicates another atelier, referred to
as AW10 (triangle) on Zealand and atelier AW11 (diamond) in east central Jutland.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
127
Fig. 2 – Les caractéristiques de l’atelier AW4 au nord-ouest Basse-Saxe. Les objets produits par cet atelier sont remarquables ...à cause
de l’utilisation d’une forme type sablier pour réaliser des lignes décoratives, (B), des triangles hachurées régulièrement, (C), des marques
faites avec un outil carré et (D), des spirales probablement réalisées avec une estampille.
Fig. 2 –Characteristics of atelier AW4 in northwest Niedersachsen. The objects produced by this atelier show the use of specic tech-
niques and tools, such as: (A) rib decorations made of hourglass shapes consisting of assembled impressions with rounded corners, (B)
triangles lled with regular hatched lines, (C) dots made with a square tool and (D) very regular spirals probably made with stamp-like tool
impressed into the wax model.
Fig. 3 – Les triangles trouvés sur les plaques-disques similaires de Molzen (ML 242:84c) et Appel (LMH 4770) sont signicativement
différents dans leur exécution.
Fig. 3 – The hatched line-lled triangle decoration on the typologically similar belt discs found at Molzen (ML 242: 84c) and Appel (LMH
4770) were nonetheless created in different ways and by different skilled craftspeople.
128 Heide W. Nørgaard et al.
À la même période, les grands bronzes, que nous ne
trouvons que rarement au Jutland, ont des similitudes
avec des objets produits par les écoles des îles danoises.
La Zélande comptait trois écoles uniques qui semblent
avoir travaillé simultanément. Les objets issus du centre
du Jutland proviennent vraisemblablement d’une de
ces écoles zélandaises en particulier. Il est à noter que
la supériorité des écoles zélandaises était aussi évidente
dans l’étendue de leurs zones de distribution. Il faut
remarquer ici deux écoles. L’une se trouvait au nord-est
de la Zélande, pour laquelle certaines productions ont été
retrouvées entre l’île de Bornholm et le centre du Jutland.
La seconde, située au nord-ouest, avait une zone de dis-
tribution légèrement plus petite. Bien que les deux écoles
aient produit des objets de qualité équivalente (Nørgaard,
2015b ; 2017, p. 131-133), la zone de distribution de la
dernière était plutôt localisée entre la Fionie et le Jutland.
Cette dernière école peut être caractérisée par le dépôt
de Vognserup, Holbæk (voir Frost, 2011). Cette décou-
verte ne nous fournit pas seulement des preuves de la pré-
sence de la fonte à la cire perdue à cette époque (g. 4),
mais elle nous apporte également des indices de la plus
ancienne production de l. Cette production de l emploie
le procédé technique de pliage de la tôle, une technique
comparable à celle connue jusqu’à présent seulement à
l’âge du Fer pour la production de ls d’or (Armbrus-
ter, 2000, p. 102). Les autres objets contemporains de ce
dépôt sont, quant à eux, soit fondus, soit martelés (voir
Nørgaard, 2017, p. 136 ; Nørgaard, 2015b, p. 121). Cette
découverte met en lumière les incroyables capacités tech-
niques de cette communauté d’artisans. Tout d’abord, des
traces de production conrment que des lingots préfa-
briqués ont été utilisés dans la fonderie et que les arti-
sans se sont servis d’un modèle en cire. Après la phase
de fonderie, plusieurs objets ont été retravaillés avec des
estampilles identiques en forme de spirales pour former
des bandes décoratives (g. 5). Les objets du dépôt du
marécage de Vognstrup se ressemblent tellement qu’il est
possible de conclure qu’ils représentent les produits d’un
seul et même atelier. C’est un cas qui n’a pas encore été
documenté dans la recherche en Allemagne centrale ou
du nord (Nørgaard, 2018b). Comparées au centre du Jut-
land, les empreintes d’outils trouvées sur les parures au
nord de cette région suggèrent des origines locales (voir
g. 1). La présence de bandes décoratives faites avec un
poinçon en forme d’empreinte de chaussure est particu-
lièrement notable concernant ces écoles de production.
Cette forme apparaît sur plusieurs disques dans un dépôt
près de Glæsborg, Randers (NM B9535 a + b ; g. 6) et
semble être typique pour cette région.
Comme on peut l’imaginer, il y a une continuité au sein
des écoles déjà reconnues en Zélande dans la période sui-
vante (Montelius III). Les styles et les éléments décoratifs
typiques de la région changent peu entre la Période II et la
Période III (Rønne, 1987 ; Ansigh et Rasmussen, 1989).
Des exemples isolés prouvent l’existence d’échanges et
de relations techniques sur des distances équivalentes à
l’étendue de la zone de distribution déjà connue pour les
écoles de production de la Zélande. En ce qui concerne le
Jutland, il n’y a pas encore de consensus. Les objets de
l’âge du Bronze moyen qui proviennent de cette région,
ainsi que ceux du sud de l’Elbe, n’ont pas été inclus dans
les analyses. Néanmoins, un projet de recherches est en
train de remplir ce vide dans nos connaissances.
La région du Mecklenbourg est particulièrement inté-
ressante pendant cette période, car les bronzes décorés de
cette région sont rattachés principalement à la n de la
Période II de Montelius. Nous avons donc été obligés de
prendre en considération la plupart des objets correspon-
dant à cette période. Néanmoins, des indices de la for-
mation d’une école artistique sont déjà reconnaissables
autour du plateau des lacs mecklembourgeois. Les traces
de la production que nous observons dans les objets de
la Période III indiquent la présence de quatre écoles
uniques (g. 7). L’extension de l’investigation des écoles
mecklembourgeoises (voir Nørgaard, 2014a, p. 99 ;
2014c ; 2015a, p. 43) et l’inclusion des armes pourraient
certainement aider à l’identication d’autres écoles, pro-
bablement au sud et au nord de la région.
Qu’entend-on par spécialisation
et spécialiste ? Quelques pensées
sur le développement d’une méthode
théorique pour l’archéologie
Est-ce que la spécialisation et le spécialiste désignent
la même chose ? Pas du tout, et c’est justement ces dif-
férences qui sont essentielles dans cette étude. La spé-
cialisation, comme terme technique, se rapporte prin-
cipalement au répertoire d’un artisan (c.-à-d. la variété
des services qu’il offre ; voir Ottaway, 2001, p. 89). En
revanche, un spécialiste se distingue par des capacités
particulières parmi son répertoire d’activités (voir Pri-
mas, 2008, p. 87). Par exemple, un bronzier peut être
considéré comme un métallurgiste spécialisé (même si
ses œuvres ne sont pas reconnues d’une qualité excep-
tionnelle), simplement parce qu’il se limite au travail du
bronze. Par contraste, un artisan devient un spécialiste
lorsqu’il se concentre sur la production de parures ornées
et que ses œuvres sont de haute qualité. La différence
entre la spécialisation et le spécialiste est principalement
dans l’étendue du répertoire de la production d’objets et
donc dans l’expérience acquise par un artisan pendant la
production de ses œuvres.
Certaines branches de l’artisanat ne demandent pas
des capacités particulières d’exécution (Ottaway, 2001,
P. 99-100 ; Nørgaard, 2014a et 2015c). Par exemple, les
connaissances nécessaires à la réduction des minerais
sont acquises à travers l’intérêt, l’apprentissage et les
capacités particulières de l’artisan. Des connaissances
comme celles-ci représentent les atouts culturels d’un
groupe social, transmis de génération en génération.
L’agent qui réalise cette transmission n’est pas le spécia-
liste comme celui décrit précédemment ; il s’agit souvent
d’un simple artisan (ou quelqu’un qui ressemble à un
artisan) qui administre ces connaissances spécialisées.
C’est donc à partir d’un certain niveau de spécialisation
et d’un accroissement de la qualité (et par le total des
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
129
Fig. 4 – Le dépôt trouvé dans le marécage de Vognserup comprend plusieurs objets richement décorés. La personne qui a trouvé le dépot
l’a traité avec des produits acides, qui ont attaqués le métal, nous permettant de voir sa structure crystallographique. La structure dendri-
tique visible sur la surface d’un des disques du dépôt montre que un modèle déjà décoré de l’objet a été réalisé en cire, puis coulé via la
méthode cire perdue. En outre, les plies visibles sur plusieurs boucles sont la preuve d’une production de l à partir d’une tôle ; découverte
unique jusqu’au présent pour l’âge du Bronze ancien où la majorité est réalisée dès le moulage ou par martelage..
Fig. 4 – The deposition uncovered in a bog at Vognserup, Holbæk Amt dating to the Nordic Bronze Age II includes several richly-deco-
rated objects. The nder cleaned the objects with acidic products, revealing the crystallographic structure of the bronze. Clearly developed
dendritic structures visible on the surface of one of the belt plates show that the object was already decorated and completed as wax
model and then cast using the lost-wax method. In addition, the folds visible on the eyelet of several tutuli indicate the production of these
eyelets from metal plates. This last is a unique discovery for the Bronze Age to date as the majority of eyelets are cast or hammered.
130 Heide W. Nørgaard et al.
Fig. 5 – Spirales réalisées avec des estampilles sur les plaques-disques VM 1680KC et 1680KD du dépôt de Vognserup. La superposition
de spirales montre qu’elles ont été réalisées avec le même outil. Les spirales A et B montrent la même erreur dans le sillon de la spirale.
Fig. 5 – Spirals from belt plates VM 1680 KC and 1680 KD from Vognserup, Holbæk Amt. Superimposing the spirals shows that they were
made with the same tool and stamped in the wax-model. Spirals A and B exhibit the same mistake in the spiral groove, here the spiral
shaped stamp was extended with a few rounds resulting in a larger spiral.
Fig. 6 – Marques en forme d’empreintes de chaussures faites avec un emporte-pièce
sur un disque trouvé dans un dépôt près de Glæsborg, Randers Amt.
Fig. 6 – Shoeprint-shaped marks made by a punch on a belt plate found in a deposition
near the village of Glæsborg, Randers Amt.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
131
heures passées derrière la forge) qu’un artisan arrive à
vivre uniquement de son art (Primas, 2008, p. 87 ; Apel,
2007, p. 10.). Le temps passé à travailler à la forge, qui
nécessite un savoir-faire de spécialiste, implique que ce
dernier ne peut pas consacrer de temps au travail dans
les champs. Il est donc dépendant de la surproduction
des autres. Par conséquent, l’émergence des artisans spé-
cialistes est fortement liée à la situation économique de
la société dans laquelle ils se trouvent. L’existence d’ar-
tisans qui travaillent à plein temps est donc possible, si
et seulement si, les sociétés produisent un surplus. Nous
ne pouvons pas prétendre que la production de surplus
était un standard au sein des sociétés de l’âge du Bronze
(g. 8 ; Schlesier, 1981). La notion des « attached specia-
lists » (Rowlands, 1971 ; Brumel, 1987 ; Kristiansen,
1987 ; Costin, 1995 ; Vandkilde, 1996 et 2007 ; Kris-
tiansen et Larsson, 2005) pourrait éclairer cette situa-
tion. Le terme « attached specialist » se réfère justement
à des spécialistes qui dépendent des élites (Brumel et
Earle, 1987, p. 5). Ces derniers fournissent du travail à
plein temps ainsi que les matériaux dont les artisans ont
besoin dans l’exécution de leur art. Dans les textes des
archives de Mari, on trouve des preuves de l’existence
d’une telle dépendance entre des artisans et des élites
au Moyen-Orient à l’âge du Bronze (voir Zaccagnini,
1983 ; Nørgaard, 2014b). Il faut aussi considérer la pos-
sibilité que des artisans itinérants existaient déjà à l’âge
du Bronze.
En résumé, la spécialisation dépend du répertoire de
l’artisan. C’est principalement les capacités de ce dernier,
ses heures d’étude et de pratique ainsi qu’un apprentis-
sage intensif qui lui permettent de devenir spécialiste.
Pour donner forme aux idées exprimées ci-dessus, l’iden-
tication de spécialistes est particulièrement importante
pour bien comprendre l’organisation de l’artisanat. Ces
derniers jouent le rôle de moteur des changements tech-
niques dans la métallurgie. Leurs expertises et les heures
passées derrière la forge, y compris les erreurs et expé-
riences qui les ont formés, signient qu’ils ont plus de
chance et de degré de liberté pour innover.
Fig. 7 – Les ateliers de la Periode III à Mecklenbourg. Quatre ateliers ont pu être identiés sur la base des traces d‘artisanat :
(losange plein) atelier AW1 – (triangle plein) atelier AW2 – (rond plein) atelier AW3 – (carré plein) atelier AW4. Les symboles vides in-
diquent des objets qui pourraient correspondre à ceux produits par les ateliers identiés ci-dessus.
Fig. 7 – The ateliers from middle Bronze Age period III in Mecklenburg. Four ateliers could be identied on the basis of traces left by
specic techniques or identical tools: (solid diamond) atelier AW1, (solid triangle) atelier AW2, (solid circle) atelier AW3 and (solid square)
atelier AW4. Empty symbols indicate objects which could possibly correspond to the previously described ateliers.
132 Heide W. Nørgaard et al.
Une méthode pour rendre
la spécialisation visible
Comme nous venons de l’expliquer, le spécialiste
peut être caractérisé par la haute qualité de son travail
manuel, par une cadence de travail importante, par de
longues heures de travail, ainsi que par la possibilité d’un
répertoire limité (à cause de sa spécialisation pour cer-
tains aspects du travail). Pour mieux documenter l’exis-
tence de spécialistes dans le matériel préhistorique, il est
nécessaire d’établir des catégories de qualités (Nørgaard,
2017, p. 128). L’idée de base est de faire revivre le talent
de l’artisan dans nos analyses de mobilier, en considérant
ses capacités comme la mise en œuvre des connaissances
acquises pendant son apprentissage. Le but est de pro-
duire une description comparative de la qualité des objets
pour mieux pouvoir estimer le niveau de l’artisan qui les
a produits. Cette description sera reportée sur une échelle
de spécialisation en fonction du temps dont il avait besoin
pour les produire. Les analyses exhaustives d’un groupe
d’objets peuvent aussi donner des indices sur l’organisa-
tion de l’artisanat en général.
C’est à travers deux approches différentes, la mesure
du « skill-unit » (capacités et dons d’un individu) et
l’analyse des « production-units » (mesure de cadence du
travail), qu’il est possible de déterminer des catégories
de qualités. Les capacités d’un artisan dans l’application
de ses connaissances (« skill-unit ») pour la réalisation
de bronzes de haute qualité peuvent être mesurées direc-
tement sur le matériel. Pour cette tâche, quatre critères
ont été sélectionnés. Ils sont fortement inuencés par les
capacités de l’artisan et sont aussi visibles à l’œil nu.
Le premier de ces critères est la nition de surface
d’un objet, divisée en n (1)/ moyen (2)/ et grossier (3).
Ceci est un indice du temps passé par l’artisan à travailler
la surface d’un objet. Une surface lisse sans marques ni
autres traces de production est un bon indicateur de la
dextérité de l’artisan. Une bonne surface de base demande
une fonte réussie. En effet, pour corriger les imperfec-
tions, il faut beaucoup de travail, ce qui se remarque sur
la surface d’un objet. Enn, il ne faut pas oublier que la
caractéristique de l’état de surface d’un objet est relative
aux conditions de sa préservation ; des surfaces corrodées
ou reconstruites ne peuvent pas être prises en compte
dans cette évaluation.
La qualité et la complexité des éléments décoratifs,
ainsi que leur combinaison et leur exécution, résultent
directement du talent et de l’expérience de l’artisan.
La manière avec laquelle des éléments individuels sont
assemblés, ainsi que la quantité d’éléments composant
chaque partie du décor, est également intéressante pour
nos analyses. Il faut particulièrement faire attention aux
éléments décoratifs qui ne sont pas élaborés de manière
typique dans la région où ils ont été trouvés. Ceci peut
être un indice d’innovation et, avec une quantité impor-
tante d’éléments décoratifs, peut aussi montrer le confort
et la familiarité de l’artisan avec son travail. Cette caté-
gorie se divise entre la complexité haute (1) / moyenne
(2) / et basse (3). L’utilisation d’éléments singuliers
comme la ligne, le point et l’encoche est placée dans la
dernière catégorie. Comme nous pouvons justement le
prévoir, les débutants ont tendance à utiliser des éléments
simples (Crown, 2001, p. 462 ; Kamp, 2001, p. 431),
alors que des combinaisons complexes de plusieurs élé-
ments sont principalement réalisées par des maîtres. Une
représentation de la complexité de la décoration à travers
les catégories haute (1) / moyenne (2) / et basse (3) est
donc à considérer, ainsi que les caractères généraux et
les variations utilisées dans la combinaison des éléments
décoratifs.
En outre, la qualité de la production illustre bien l’ex-
périence du producteur, ou dans un certain sens, son sta-
tut. La présence de fautes ou de mauvais ajustements sur
un objet peuvent indiquer que celui-ci n’a pas été pro-
duit par un maître. Un décor uide ainsi que des transi-
tions élégantes sont les caractéristiques de l’expérience
certaine d’un artisan possédant de grandes capacités. En
effet, ceux-ci montrent une connexion entre l’anticipa-
tion et l’action, ainsi qu’une uidité entre les décisions
du cerveau et les gestes de la main. Un travail uide
résulte de la répétition de gestes et d’une certaine habi-
tude dans la combinaison des étapes de travail. C’est un
signe de qualité qui augmente avec le temps (voir Karlin
et Julien, 1994, p. 161 ; Ingold, 2000, p. 356 ; Bamforth
et Finlay, 2008, p. 6 ; Mills et Ferguson, 2008 ; Sennett,
2008, p. 238). La réalisation d’un décor donne donc une
indication sur l’expérience et les capacités de l’artisan.
Fig. 8 – Différents modes de production,
basés sur la dénition de Schlesier (1981).
Fig. 8 – Different modes of production
based on Schlesier’s denition (1981).
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
133
Ces dernières peuvent être divisées entre les catégories
bon (1) / moyen (2) / et mauvais (3).
La quantité de travail dont un artisan a besoin pour
la fabrication d’un objet peut être mesurée en « pro-
duction-unit ». Ceci représente une approche basée sur
les indices de production (« Production Step Index »)
conçue par G. M. Feinman (Feinman et al., 1981, P. 873)
pour la catégorisation qualitative des céramiques. L’idée
de base est simple : les processus compliqués demandent
plus de temps et de capacités de la part de l’artisan.
Pour cette raison, on leur accorde plus de valeur. Néan-
moins, ce concept a besoin d’être modié pour un usage
plus général. Premièrement, nous devons considérer la
séquence des opérations : le temps de travail dépend
principalement du processus de fabrication. En outre,
il ne faut pas oublier le fait que certains processus sont
plus intensifs que d’autres. La même opération (c.-à-d.
celle de transmettre une décoration en spirale) peut pré-
senter des valeurs de « production-units » très variées
suivant la méthode choisie par l’artisan. Il est donc très
important d’établir à l’avance des règles claires. La pro-
duction d’une fonte est notée comme une seule « pro-
duction-unit », de même que la production d’une spirale
(quelle que soit la technique de réalisation, sa taille ou
même le matériau qui la compose). Si la démarche du
travail est mesurée régulièrement, le nombre d’étapes
comprises dans le processus de production peut être uti-
lisé pour calculer la quantité d’heures investies, et donc
la valeur d’un objet.
Cette manière de calculer des « production-units »
ne doit pas être considérée comme une mesure qualita-
tive exacte du travail, et par conséquent des capacités de
l’artisan. Les catégories de « skill-units » doivent aussi
être prises en compte. Des limites supérieures ont déjà
été présentées précédemment, et il faudra certainement
les afner avant de pouvoir s’en servir comme base de
recherche sûre. En revanche, lorsque l’on combine les
deux méthodes, le résultat est supérieur à la somme
des parties qui le composent. En d’autres termes, cette
approche ouvre une fenêtre par laquelle il est possible de
deviner les conditions de travail qui ont conduit à la fabri-
cation des objets.
Atelierfamiliale
‐Structurehiérarchique
pyramidale
‐Méthodesd’apprensissagedela
correctionactivejusqu’autravail
collectif
‐Traditioncommuneaugroupe
‐Niveauxdeconnaissance
différentsentrelesartisans
‐Cadencedetravailvariable
‐Distributionregional
‐Matériauxobtenusparletroc
‐Possibilitéquel’ateliersoit
rattachéàl’espacedomestique
"Communitiesof
practice"
‐Encouragementdesinnovations
etdesexperiences
‐Transdisciplinarité
‐Touslesniveauxdeconnaissance
‐Niveaudeconnaissance
supérieuravecungrand
répertoire
‐Largedistributionrégionale
‐Matériauxcontrolésparle
groupe
‐Atelier
“Attachedcraft”
‐Communautésousladirection
d’uneauhtoritéexterne
‐Suffisemmentdematériaux
pourréaliserdesdémonstrations
etdesessais
‐Travaildequalité
‐Distributionlarge(auniveau
macro‐régional)
‐Materiauxcontrollerparles
élites
‐Atelier
Augmentation de la dépendance politique
Fig. 9 – Différents modes d’organisation des productions préindustrielles à partir d’exemples ethnographiques et leurs caractéristiques.
Fig. 9 – Different manners of organizing pre-industrial production based on characteristics dened through ethnographic examples.
134 Heide W. Nørgaard et al.
Le temps d’apprendre
la différence entre le travail d’un novice
et celui d’un maître
L’ethnographie nous montre que la manière avec
laquelle un apprenti découvre son artisanat va en grande
partie caractériser l’organisation de son futur travail.
Il y a plusieurs bons exemples de textes qui abordent
ce thème de manière générale (voir par ex. Brumel
et Earle, 1987, P. 5 ; Costin, 1995, P. 621 ; Zaccagnini,
1983, et sur le thème du « attached craft » : Rowlands,
1971, P. 219 ; Brumel et Earle, 1987, P. 89 ; Peregrine,
1991, P. 1-8). Étant donné que la spécialisation n’est pos-
sible qu´à partir d’un travail à plein temps, l’(les) organi-
sation(s) possible(s) d’écoles artistiques datant de l’âge
du Bronze doit (doivent) être remise(s) en question. Ici
encore, les exemples ethnographiques constituent la base
de notre recherche. Trois possibilités différentes peuvent
être distinguées : premièrement, des écoles basées sur
des relations sociales, deuxièmement, des associations
d’artisans qui se forment pour des raisons pratiques (ce
type d’organisation est nommée « community of prac-
tice ») et enn, des artisans dépendants des élites (type
d’organisation nommé « attached specialists »). Chaque
organisation a sa propre manière de former les débutants
(g. 9). Le transfert de connaissances (particulièrement
celui des pratiques artisanales) est fortement inuencé
par les idéologies de la société qui l’entoure et peut varier
énormément (Redman, 1977 ; Hayden et Cannon, 1984 ;
Coy, 1989 ; Keller et Keller, 1997 ; Wenger, 1998 ; Kamp,
2001 ; Minar, 2001 ; Bamforth et Finlay, 2008 ; Larsson,
2008 ; Mills et Ferguson, 2008 ; Miller, 2012 ; Wallaert,
2012 ; Wendrich, 2012). En général, cinq systèmes d’or-
ganisation peuvent être clairement distingués :
1. Démonstration des tâches sans soutien verbal sup-
plémentaire, incluant la participation aux activités
du groupe depuis un jeune âge, connue comme un
« apprentissage informel ».
2. L’entraînement de l’apprenti peut aussi faire partie
d’une relation autoritaire avec un maître, qui guide les
mains du débutant. Cette méthode est aussi appelée
« 4-hands on the loom » ou « apprentissage formel ».
3. La participation d’un apprenti à une situation dans
laquelle un maître enseigne d’une manière informelle.
L’objectif de ce type d’apprentissage est d’apprendre
en observant et en imitant avec l’assistance du maître,
seulement sur demande. Un tel système est souvent
nommé « Community of practice ».
4. L’entraînement dans le cercle familial, lequel permet
l’enseignement des techniques de l’artisanat en même
temps qu’une éducation sociale et idéologique. Ce der-
nier peut réunir des éléments des trois systèmes décrits
ci-dessus.
5. L’utilisation de l’explication comme méthode d’ensei-
gnement d’un point de vue pratique peut être consi-
dérée comme une méthode hypothétique pour trans-
mettre des techniques artisanales. Malgré le fait que
cette méthode ne soit pas reconnue par l’ethnologie,
elle doit néanmoins rester une possibilité.
Par rapport à l’artisanat préhistorique et en particu-
lier dans notre cas d’étude concernant la métallurgie,
la seule source d’informations est la culture matérielle.
Des traces du travail d’apprentis sont difciles à détecter
sur les objets qui traversent les âges. Il faut donc con-
sidérer que « the work of apprentices is rarely detectable;
it is usually destroyed before it enters the archeological
record » (Hasaki, 2012, p. 172). Particulièrement dans le
cas de la métallurgie, nous devons prendre en compte la
faible quantité du matériel à étudier. Il est tout de même
très probable que les novices aient travaillé le métal. Il
est aussi envisageable que les résultats de leurs travaux
aient été recyclés. C’est justement cette facilité de réu-
tilisation du matériel en métallurgie qui offre aux métal-
lurgistes la possibilité de ne pas garder ou de vendre les
objets produits, surtout si le résultat n’est pas à la hauteur
des attentes.
Nous devons aussi considérer le fait que tous les
objets comportant une malformation ne sont pas uni-
quement le résultat du travail des novices (voir Crown,
2001, P. 452 ; Milne, 2012, P. 126). Ils peuvent aussi être
le travail raté d’un artisan aguerri. Il est probable que des
objets comportant des malformations soient préservés
pour leur valeur. L’intervention directe du maître permet
que le travail du novice soit aussi bon que ceux produits
dans la tradition complète du groupe (Greeneld et al.,
2000).
Néanmoins, nous pouvons déceler les indices des tra-
vaux des apprentis en identiant les caractéristiques de
ces travaux de débutants dans le matériel archéologique
(la liste suivante est basée sur le travail de Crown, 2001 ;
Bamforth et Finlay, 2008 ; Finlay, 2008 ; Mills et Fergu-
son, 2008 ; Högberg, 2009 ; Milne, 2012) :
I. Des objets sont décorés de plusieurs éléments qui se
croisent d’une manière peu coordonnée.
II. L’utilisation répétée d’un outil est notable dans l’exé-
cution d’un élément du décor (particulièrement des
spirales).
III. La largeur des lignes n’est pas constante (ce qui est
particulièrement visible sur les céramiques).
IV. La répétition des mêmes erreurs.
V. La création de formes non équilibrées.
VI. Des erreurs dans le processus de production ainsi que
des malformations visibles liées à un problème de
conception.
VII. Une mauvaise utilisation des outils (ceci est particu-
lièrement notable dans l’étude du silex).
En outre, la production d’objets non parfaits par des
artisans « maîtres » est aussi visible à travers d’autres
indices (la liste suivante des caractéristiques d’un tra-
vail professionnel non parfait est basée sur les travaux de
Hagstrum, 1985 ; Wendrich, 1999 ; Crown, 2001 ; Miller,
2012 ; Milne, 2012) :
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
135
I. L’existence d’objets exécutés en quelques gestes, mais
qui présentent des trous ou certains éléments man-
quants. Cela laisse présumer un travail sous pres-
sion ou un manque de concentration de la part du
« maître ».
II. De temps en temps, les spirales peuvent être liées
d’une mauvaise manière (avec des approches non ou
mal liées). Comme dans le cas précédent, la distrac-
tion ou la rapidité du travail de l’artisan peut en être
la cause.
III. Des différences de profondeur des lignes peuvent être
le résultat d’un changement d’outil ou la reprise du
travail après une interruption momentanée.
IV. L’apparence de fautes singulières ; il est peu vraisem-
blable qu’un artisan expérimenté répète plusieurs fois
de suite la même faute.
V. La présence de petites inexactitudes dans la production
d’un objet (qui est dans son ensemble d’une grande
facture) peut être aussi le signe d’un artisan profes-
sionnel peu concentré.
L’ornementation des objets peut contenir des indices
caractéristiques du travail des novices, révélateurs de la
qualité des habiletés motrices. De même, chaque dévia-
tion de la démarche de travail idéal entraîne des erreurs
subséquentes. C’est particulièrement le cas dans le pla-
cement des spirales. Plus fréquemment, nous trouvons
des objets qui montrent une combinaison du travail d’un
artisan qualié et celui d’un artisan moins qualié. Un
dépôt d’objects trouvé à Sludstrup, Hjørring (Broholm,
1943; Nørgaard, 2011, p. 80-83) est particulièrement
signicatif. Ces objets de la Période II (un collier et deux
petites plaques-boucles) ont des caractéristiques de pro-
duction qui nous laissent imaginer qu’ils ont été produits
par une seule personne. Le collier et les plaques-boucles
présentent des spirales nes très similaires, ainsi que des
lignes connectives comparables. La deuxième plaque-
boucle a aussi des similitudes avec ces lignes de décor.
Cependant, il y a de grandes différences concernant la
qualité du design d’un décor à l’autre (g. 10). Le chan-
gement des types de lignes, les changements de largeur de
ces lignes, ainsi que la variété des distances et les inter-
ruptions importantes des unités du décor suggèrent le tra-
vail d’un débutant. C’est particulièrement le changement
entre des groupes de lignes régulières au regroupement
non régulier qui nous conduit à l’idée qu’un novice a
Fig. 10 – Les différences signicative du décor sur la plaque-disque de Sludstrup, Hjørring Amt conrme la coopération entre un maître
et son apprenti dans la production de l’objet. Ce sont particulièrement les changements entre des lignes droites régulières et les lignes
pointillées irrégulières qui suggèrent cette coopération.
Fig. 10 – The decoration of the belt plate from Sludstrup, Hjørring Amt displays severe differences in the execution of the decoration,
suggesting the collaboration of master and apprentice. This collaboration is expressed through skill-related differences in hand movement
like the changes between the straight, regular lines and the irregular, dotted lines.
136 Heide W. Nørgaard et al.
Fig. 11 – Distribution des objets sur lesquels nous avons pu identier des erreurs de débutants ainsi que des erreurs de professionnels.
La zone de Mecklenbourg est mise en avant ici, car la majorité de ce type d’erreur constaté sur les objets date de la Période III et se
concentre dans ce secteur. Nous pouvons aussi voir une concentration d’erreurs de maîtres au Zélande, mais peu d’erreurs de débutants.
Ceci suggère que l’organisation des ateliers en Zélande étaient différente que sur le territoire continental.
Fig. 11 –Distribution of objects with traces of novice work and errors of professionals. The area of Mecklenburg is highlighted, as the
majority of the traces were identied on artefacts dating to the Nordic Bronze Age period III. Note the concentration of master-level errors
on Zealand as well as a lack of novice errors in the same region. This suggests that workshop organization in Zealand was different than
on the mainland.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
137
participé à la production de cet objet sous la surveillance
d’un maître.
Des irrégularités du décor ou des inexactitudes de
lignes causées par l’inattention peuvent être distin-
guées des erreurs provoquées par un manque d’habileté
motrice. Ce dernier type d’erreur est typique des artisans
débutants, novices, ou ceux dont la formation n’est pas
terminée. Les erreurs qui sont le résultat d’inattentions
ont elles aussi des informations à nous transmettre. Ceci
peut être le résultat d’une augmentation du volume de la
production (parmi d’autres, Wendrich, 1999) ou même
d’une différence de connaissances (g. 11).
Dans cette section, nous avons montré plusieurs
méthodes avec lesquelles nous pouvons identier la
forme organisationnelle de l’artisanat (c.-à-d. l’organisa-
tion des ateliers). Ceci est une partie cruciale de la spécia-
lisation et de l’existence de spécialistes. Étant donné que
devenir un spécialiste dépend des heures passées à son
art, l’émergence des spécialistes dépend aussi de la forme
de l’organisation des ateliers.
ÉVALUATION DU MATÉRIEL DATANT
DE L’ÂGE DU BRONZE EN ALLEMAGNE
DU NORD ET AU DANEMARK
À la Période II, nous avons pu identier 11 écoles
artistiques dans la zone analysée (la Scandinavie du Sud
et le nord d’Allemagne). En considérant les particularités
techniques et les erreurs caractéristiques des parures en
bronze, il est possible de montrer quelles écoles identi-
ées ont formé des métallurgistes, la forme de leur enca-
drement professionnel et les niveaux de leurs travaux.
Les objets produits par des novices métallurgistes
(donc, comportant des erreurs typiques de débutants et
par là même de qualité inférieure) sont rares. La décou-
verte de tels objets a été faite seulement dans le Jutland
(à la Période II, on peut envisager que des objets compa-
rables fussent également présents dans le Mecklenbourg).
Il est même plausible que des bronzes de qualité infé-
rieure aient eu une certaine valeur dans une zone pauvre
Fig. 12 – Les différences entre les erreurs réalisées par un maître sous stress et celles d’un débutant sont visibles dans les petits détails,
comme les interruptions de lignes ou plusieurs marques indiquant l’application répétitive d’un outil. Par exemple, le collier de Heitbrack
(LMN 148:81) près de Ülzen, nous montre la coopération entre un apprenti et un maître. Les èches blanches montrent les erreurs faites
par le débutant ; les èches noires indiquent l’intervention d’un maître pour corriger ces erreurs. L’interruption des lignes est probablement
due à de l’inattention.
Fig. 12 –The differences between the mistakes made by a stressed master craftsmen and those of a novice lie in minor details, such as
singular interruptions in the line ow or multiple tool marks indicating the repeated application of the tool. For example, the collar from
Heitbrack LMN 148: 81 near Ülzen gives evidence of the interaction between apprentice and a master craftsman. In the photo, white
arrows point to errors made by the novice; the black arrows point to tool traces likely made by the master (interruptions in the line here
are probably due to haste and inattention).
138 Heide W. Nørgaard et al.
en bronze comme celle-ci. C’est peut-être pour cette rai-
son que même les œuvres des débutants ont été préser-
vées. Il est possible aussi que ces objets aient été produits
par une petite école artistique, laquelle formait justement
un groupe social dèle à d’autres systèmes de valeur. Des
ateliers familiaux comme ceux-ci sont bien documentés
par l’ethnographie et contiennent aussi tout un spectre de
capacités. Comme le matériel nécessaire à la production
Fig. 13 – Relation entre qualité (« skill-unit ») et temps de production. Suivant les méthodes expliquées dans le texte pour mesurer le
temps de travail (production unit), nous pouvons voir clairement que des objets de qualité exceptionnelle sont particulièrement concentrés
au Zélande.
Fig. 13 – Relation of “skill-unit” to production time. By measuring the production time (working hours) of an artefact, a method in which
the single working steps within the overall crafting process of one artefact are counted to estimate the time used for making, it is clear that
there is a concentration of objects of exceptional quality on Zealand.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
139
était obtenu principalement par le troc (Costin, 1998), et
que les artisans étaient responsables de leur propre exis-
tence, le matériel et les heures de travail étaient rares et
exceptionnels. C’était particulièrement le cas dans les ate-
liers de la région de Lunebourg à la Période II. Il semble
que ces écoles-là aient eu une organisation familiale.
Étant donné la petite taille de la zone de distribution, le
répertoire, ainsi que la quantité des biens, étaient limités.
Par conséquent, nous pouvons suivre le développement
d’une école (qui est justement le résultat des connexions
proches entre les groupes sociaux) via la propagation des
techniques de production et de décoration des objets.
En outre, d’autres écoles artistiques de styles très variés
apparaissent aussi au Mecklenbourg à la Période III. Il
est intéressant de constater que ce sont de petites écoles
d’Allemagne du Nord qui montrent un échange intense
de connaissances techniques. Le degré auquel la mobi-
lité des artisans soutenait cet échange reste un sujet pour
d’autres projets de recherches.
Comme nous l’avons déjà montré à la gure 12, les
analyses réalisées jusqu’à présent suggèrent qu’un objet
venant de Heitbrack peut être interprété comme une
œuvre réussie par les efforts conjoints d’un maître-arti-
san et son apprenti. Ses particularités les plus marquantes
sont le changement entre la largeur des lignes uniformes
et celle des lignes fortement discontinues (g. 12, A),
ainsi que les variations entre les spirales (g. 12, B et C).
Si on compare les objets décrits ci-dessus avec ceux
présentant des erreurs de « maîtres » (résultats de trop de
hâte ou d’inattention de la part de l’artisan), on découvre
une distribution remarquable (voir g. 11). En Zélande,
ainsi qu’en Basse-Saxe (AW4), un groupe d’objets réali-
Fig. 14 – La répartition des objets par catégorie de temps de production (« production unit » >170). Nous voyons que des objets ont de-
mandés beaucoup de temps de production, mais qu’ils ont néanmoins été réalisés par des artisans de niveau moyens à Mecklenbourg.
En revanche, la zone centrale nordique montre une connexion claire entre le travail hautement qualié et la production d’objets qui ont
pris beaucoup de temps. Il est remarquable de constater l’absence de ces derniers types d’objets en Basse-Saxe.
Fig. 14 – The dispersal of objects according to categories of production time (artefacts with over 170 single production steps or “produc-
tion unit” > 170 ). Objects which required a long production time, but which were made by craftspeople of lower skill levels can be found
in Mecklenburg. By contrast, the central Nordic zone shows a clear connection between high-skilled craftspeople and the production
of objects which required a long time to produce (many single steps within the crafting sequence). The latter are also notably absent in
Niedersachsen.
140 Heide W. Nørgaard et al.
sés par plusieurs artisans est remarquable car ces derniers
ont laissé des indices de réalisation à la hâte, autrement
dit, sous stress. Ceci nous conduit à formuler quelques
conclusions quant à l’organisation de l’apprentissage des
débutants. C’est spécialement le regroupement d’erreurs
d’inattention et de trop de hâte au nord et nord-ouest
de la Zélande qui nous amène à conclure qu’il y avait
probablement un regroupement d’artisans plus impor-
tant (Wendrich, 1999 ; Miller, 2012, p. 228), une « com-
munity of practice ». Le fonctionnement d’une telle
communauté génère de l’interaction entre des artisans de
niveaux différents et permet le développement de leurs
connaissances (Wenger, 1998, 45 ; Minar, 2001, p. 392 ;
Cooney, 2012, p. 146 ; Wendrich, 2012, p. 5). On peut
justement s’attendre qu’un tel groupe produise des objets
clairement réalisés par des débutants, grâce à l’encoura-
gement de la coopération des novices. En outre, on peut
s’attendre à une production d’objets avec plus d’erreurs
de la part des maîtres, car ils avaient la tâche d’enseigner
aux autres. Cela semble logique qu’un tel groupe montre
un haut niveau de technicité et d’interdisciplinarité, un
marché large (à cause de la participation partielle, néan-
moins importante des artisans non locaux) et une tradition
technique commune.
La haute qualité et les caractéristiques des objets pré-
sentées ci-dessus (g. 13) conrment les hypothèses pro-
posées ici : l’existence d’une école artistique en Saxonie
de l’Ouest (AW8) et la présence d’une autre « commu-
nity of practice » dans la zone de l’est de Lunebourg. Ces
indices de transfert de connaissances et d’interdiscipli-
narité suggèrent que l’école la plus petite au sud-est de
la Zélande était formée d’une communauté de travail et
ne représentait pas un atelier familial. Vues de plus près,
les autres écoles organisées de manière comparable sont
presque toujours entourées par plusieurs ateliers fami-
liaux (cf. Nørgaard, 2018a), comme ceux près de Viborg,
en Jutland du Nord (AW9), et celui de Müritz, Mecklen-
bourg (AW1).
Le regroupement d’objets de haute qualité au nord-
est de la Zélande (voir g. 13) est particulièrement
remarquable, car il ne montre ni d’erreurs de maîtres,
ni marques de novices. La confrontation des analyses
(g. 14) montre que cette école est la seule (AW7) à
avoir les caractéristiques d’un atelier dépendant. En effet,
comparée aux autres écoles, AW7 a produit des objets
de haute qualité. De plus, elle produisait généralement
des objets demandant beaucoup plus de temps pour leur
réalisation, indiquant que les artisans travaillaient à plein
temps (g. 15). La zone de distribution de ces bronzes
de haute qualité lie Bornholm, Jutland et l’Allemagne du
Nord. Le fait que les objets de cette source apparaissent
dans chaque dépôt d’excellence de la Période II suggère
une distribution délibérée des biens politiques. Si nous
revenons sur les critères typiques d’un atelier dépendant
dont nous avons parlé à la gure 9, nous trouvons leurs
équivalents en AW7 : l’accumulation d’objets de qualité,
Fig. 15 – La courbe de fréquence de la main-d’œuvre (nombre des objets par rapport à la valeur des « production-units ») indique claire-
ment que la production des objets compliqués (c’est-à dire des objets réalisés depuis plusieurs étapes de travail) était exceptionnelle à la
Periode II, mais que ça devenait plus commun à la Periode III.
Fig. 15 – By charting workforce hours (number of objects in relation to “production units”), it is clear that complicated objects made of many
different working steps were an exception in Period II, but that they became more common in Period III.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
141
l’augmentation de la cadence de travail et des spécia-
listes, une source de matériaux certainement dépendants,
ainsi qu’un marché plus large et l’utilisation de ces objets
comme source de légitimation des actions politiques
(Nørgaard, 2017, p. 130).
SYNTHÈSE
Nous pensons que la société de l’âge du Bronze nor-
dique était organisée suivant une structure hiérarchique
complexe de chefferies de taille petite à moyenne (parmi
d’autres, Johansen et al., 2004 ; Kristiansen et Larsson,
2005 ; Artursson, 2009 et 2010). Il est tout à fait imagi-
nable dans une telle société d’avoir des artisans liés aux
communautés des élites, ainsi que des « Hauswerker »
ou des « Subsistenz-Handwerker », pour réutiliser les
termes de Schlesier (litt. « Producteurs domestiques »
et « Producteurs de subsistance »). L’organisation des
métallurgistes au niveau du village (des bronziers qui
travaillent le métal uniquement sur demande et ayant en
parallèle une autre activité principale) est un type d’or-
ganisation tout à fait envisageable pour l’âge du Bronze
nordique. De plus, il semble que l’existence de spécia-
listes et de spécialisations soit aussi envisageable pour
cette époque préhistorique.
Les résultats d’analyses, suivant les méthodes décrites
précédemment, apportent un grand nombre d’informa-
tions permettant une description compréhensible des
ateliers respectivement identiés. La plupart des objets
semblent avoir été fabriqués dans des établissements
familiaux où les connaissances et les techniques de fabri-
cation étaient partagées librement au sein du groupe.
Leurs zones de vente étaient peut-être éloignées sui-
vant la saison de l’année. Ici, il faut mentionner le cas
des forgerons Toradja de l’île de Celebes, en Indonésie
(Marshall, 1968, p. 143). Les métallurgistes locaux par-
ticipent aussi à l’économie de leur groupe social. Ils font
de l’artisanat leur activité secondaire, juste avant et après
la moisson. Ces forgerons deviennent des artisans à plein
temps pour la fabrication ou la réparation d’outils. Le
temps qu’ils passent à la forge est le résultat direct de la
demande, laquelle implique un travail à plein temps sui-
vant les saisons. Il est clair que nous pouvons aussi ima-
giner une organisation comparable et exible pour l’âge
du Bronze. Suivant ses capacités, un artisan pouvait avoir
des zones de ventes plus ou moins distantes suivant les
saisons. Cela nous ramène donc aux discussions sur des
producteurs mobiles (voir Nørgaard, 2014b).
Nos analyses ont permis d’identier une école
artistique ayant une zone de distribution plus étendue que
les autres. Cette école produisait des objets d’un niveau
de qualité supérieure à la norme et qui comportaient des
indices d’échanges avec d’autres ateliers régionaux. La
quantité importante d’objets montrant des échanges de
techniques entre des types d’artisanats différents suggère
qu’il y avait des communautés d’artisans de type « com-
munities of practice ». Un tel mélange de techniques d’ar-
tisanat différentes est reconnaissable au Mecklenbourg.
Les aiguilles de type Weitgendorfer qui y sont produites
sont le témoignage d’une coopération directe entre des
céramistes et des métallurgistes ; les têtes d’aiguilles
ont été attachées en utilisant du matériel malléable sur
le corps de l’objet (Nørgaard, 2014b et 2015a). Il y avait
certainement beaucoup d’échanges de connaissances
entre les communautés qui regroupaient des artisans, per-
mettant ainsi une augmentation de la qualité des objets
produits. Les logiques d’organisation des « communi-
ties of practice », comme celles que nous voyons à l’âge
du Bronze nordique (des marchés hebdomadaires ou
des conférences temporaires d’artisans particulièrement
doués et de leurs apprentis, par exemple), restent incon-
nues pour le moment. Cependant, les traces que nous
pouvons documenter sur le matériel montrent que ces
communautés ont produit des objets de grande qualité et
que ces objets ont eu une commercialisation dépassant
les frontières régionales. Des innovations techniques sont
aussi liées aux écoles appartenant à ce type de commu-
nauté. La dépendance d’une communauté comme celle-ci
à des élites était probable, mais elle pouvait aussi exister
de façon partielle, pour l’approvisionnement de la matière
première et pour certaines commandes.
Au regard du matériel étudié, la thèse, communément
admise dans la recherche sur l’âge de Bronze, de l’exis-
tence de spécialistes dépendants n’est pas aussi évidente
(entre autres cf. Brumel et Earle, 1987 ; Kristiansen et
Larsson, 2005). Seule une des écoles dénies ici était
d’un niveau hautement qualié et comprenait donc au
moins un métallurgiste spécialisé de haut niveau. Cette
école se trouvait au nord-est de la Zélande et était caracté-
risée par un très haut niveau de qualité d’objets produits,
ainsi qu’une grosse consommation de matériaux (Nør-
gaard, 2017). Mis ensemble, ces faits nous conduisent à
l’idée que cette école avait un patron qui se servait des
biens produits comme outils politiques. Cette hypothèse
est soutenue par l’apparence des bronzes venant de cette
école dans chaque dépôt de bronzes à la Période II.
Nous pouvons donc conclure que des métallurgistes
spécialisés (spécialistes) ont bien existé à l’âge du Bronze
nordique. En revanche, le degré de leur spécialisation
demande plus de recherches. La principale question res-
tant à ce jour sans réponse est de savoir si les métallur-
gistes de cette époque fabriquaient leurs propres moules
en argile, leurs creusets, ainsi que leurs foyers, ou si la pro-
duction de ceux-ci était le travail d’autres artisans. Nous
pouvons néanmoins identier les métallurgistes comme
des artisans au sens propre du terme. Cependant, il faudra
faire attention aux écoles artistiques organisées autour de
la famille, car plusieurs tâches étaient exécutées par les
mêmes personnes (voir Neipert, 2006, p. 69). En ce qui
concerne les artisans dépendants, la question de la spécia-
lisation devient encore plus intéressante. Les perspectives
de recherche sur les indices de travail identiables sur des
séries d’objets contemporains et de distribution compa-
rable, comme les outils et les épées (Bunnefeld, 2015),
pourraient nous aider à mieux nous rapprocher des ques-
tions liées aux répertoires de cette époque.
142 Heide W. Nørgaard et al.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ansigh P., Rasmussen M. (1989) – Mange slags grænser,
in J. Poulsen (dir.), Regionale forhold i Nordisk Bronzeal-
der. 5. Nordiske Symposium for Bronzealderforskning på
Sandbjerg Slot 1987, Jysk Arkæologisk Selskabs Skrifter,
Aarhus, Aarhus Universitetsforlag, p. 79-88.
Apel J. (2007) – Knowledge, Know-how and Raw Material
- The Production of Late Neolithic Flint Daggers in Scan-
dinavia, Journal of Archaeological Method and Theory,
p. 1-21.
Armbruster B. (2000) – Goldschmiedekunst und Bronze-
technik. Studien zum Metallhandwerk der Atlantischen
Bronzezeit auf der Iberischen Halbinsel, Montagnac,
Monique Mergoil (Monographies Instrumentum, 15), 350 p.
Artursson M. (2009) – Bebyggelse och samhällsstruktur.
Södra och mellersta Skandinavien under senneolitikum och
bronsålder 2 300-500 f. Kr. Humanistiska Fakulteten, Göte-
borg Universitet, Göteborg., 246 p.
Artursson M. (2010) – Settlement Structure and organisation,
in T. K. Earle et K. Kristiansen (dir.), Organizing Bronze
Age Societies, Cambridge, Cambridge University Press,
p. 87-121.
Bamforth D. B., Finlay N. (2008) – Introduction: Archae-
ological Approaches to Lithic Production Skill and Craft
Learning, Archaeological Method and Theory, 15, p. 1-27.
Berenson B. (1962) – Rudiments of Connoisseurship: Study
and Criticism of Italian Art, New York, Schocken Brooks,
152 p.
Botwid K. (2013) – Evaluation of Ceramics. Professional Arti-
sanship as a Tool for Archaeological Interpretation, Journal
of Nordic Archaeological Science, 18, p. 31-44.
Broholm H. C. (1943) – Danmarks Bronzealder: Samlede
Fund fra den Ældre Bronzealder, Bd. 1- 4. vol., København,
Nyt Nordisk Forlag.
Brumfiels E. M. (1987) – Elite and Utilitarian Crafts in the
Aztec State, in E. M. Brumel et T. K. Earle (dir.), Spe-
cialization, Exchange and Complex Societies, Cambridge,
Cambridge University Press, p. 102-118.
Brumfiels E. M., Earle T. K. (1987) – Specialization,
Exchange and Complex Societies, Cambridge, Cambridge
University Press (New directions in archaeology), 160 p.
Bunnefeld J.-H. (2015) – Tracing Workshops Through Orna-
ments? The Production of Early Bronze Age Nordic Full-
hilted Swords and Daggers in Denmark and Schleswig-Hol-
stein, in P. Suchowska-Ducke, S. Reiter et H. Vandkilde
(dir.), Forging Identities. The Mobility of Culture in Bronze
Age Europe. Report from a Marie Curie project 2009-2012
with concluding conference at Aarhus University, Moes-
gaard 2012, Oxford, Archaeopress (BAR International
Series 2772), p. 57-63.
Caine R. N., Caine G. (1994) – Making Connections: Teach-
ing and the Human Brain, Menlo Park, California, Addi-
son-Wesley (Innovative Learning Publications), 224 p.
Collins H. M. (2012) – Expert Systems and the Science of
Knowledge, in W. Bijker, T. P. Hughes et T. Pinch (dir.),
The Social Construction of Technological Systems, Cam-
bridge, MIT Press, p. 321-340.
Cooney K. M. (2012) – Apprenticeship and Figured Ostraca
from the ancient Egyptian Village of Deir el-Medina,
in W. Wendrich (dir.), Archaeology and Apprenticeship.
Body Knowledge, Identity and Communities of Practice,
Tuscon, The University of Arizona Press, p. 145-170.
Costin C. L. (1995) – Standardization, Labor Investment, Skill
and the Organization of Ceramic Production in LatePrehis-
panic Highland Peru, American Antiquity, 60, 4, p. 619-639.
Costin C. L. (1998) – Concepts of Property and Access to
Nonagricultural Resources in the Inka empire, in R. Hunt
et A. Gilman (dir.), Property in Economic Context, Mono-
graphs in Economic Anthropology, Lanham, University
Press of America, p. 119-137.
Coy M. (1989) – From Theory, in M. Coy (dir.), Apprentice-
ship: From Theory to Method and Back Again, Albany,
State University of New York Press, p. 1-11.
Creese J. L. (2012) – Social Context of Learning and Individ-
ual Motor Performance, in W. Wendrich (dir.), Archaeology
and Apprenticeship. Body Knowledge, Identity and Commu-
nities of Practice, Tuscon, The University of Arizona Press,
p. 43-60.
Crown P. L. (2001) – Learning to Make Pottery in the Pre-
hispanic American Southwest, Journal of Anthropological
Research, 57, 4, p. 451-469.
Dobres M.-A. (2000) – Technology and Social Agency. Outlin-
ing a Practice Framework for Archaeology, Oxford, Black-
well Publishers (Social Archaeology), 316 p.
Feinman G. M., Upham S., Lightfoot K. G. (1981) – The
Production Step Measure: An Ordinal Index of Labor Input
in Ceramic Manufacture, American Antiquity, 46, 4, p. 871-
884.
Remerciements : Cette recherche a été nancée par the Euro-
pean Union Seventh Framework Programme (FP7 2007-2013) ;
Grant Agreement no. 212402 et en partie par le Programme
Sapere Aude du Conseil danois pour une recherche indépen-
dante. Nous remercions le XVIIIe Congrès mondial de l’UISPP
(Paris, juin 2018) pour la reconnaissance de ce travail et ainsi
que pour Heide W. Nørgaard comme « meilleur doctorat ». Les
auteurs remercient particulièrement Jean-Luc Renaud, ainsi que
les éditeurs et un relecteur anonyme pour leurs travaux de relec-
ture.
(1) La présence d’objets métalliques dans des contextes
funéraires a servi aux archéologues comme indice du niveau
social des personnes inhumées. Les objects magnique-
ment décorés représentent 2,5 % et 7,3 % (respectivement
colliers et plaques boucles) du total des objets métalliques
connus au début de l’âge du Bronze moyen dans le sud de
la Scandinavie (Nørgaard, 2011). Ils apparaissent dans des
contextes funéraires, ainsi que dans des dépôts, disséminés
sur toute cette zone.
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
143
Finlay N. (2008) – Blank Concerns: Issues of Skill and Consis-
tency in the Replication of Scottish Later Mesolithic, Jour-
nal of Archaeological Method and Theory, 15, 1, p. 68-90.
Frost L. (2011) – Vognserup Enge - Et offerfund med kvinde-
smykker fra den ældre bronzealder, Aarbøger for Nordisk
Oldkyndighed og Historie, 2008, p. 7-58.
Greenfield P. M., Maynard A. E., Childs C. P. (2000) –
History, Culture, Learning and Development, Cross-Cul-
tural Research, 34, 4, p. 351-374.
Hachmann R. (1957) – Die frühe Bronzezeit im westlichen
Ostseegebiet und ihre mittel- und südosteuropäischen
Beziehungen. Chronologische Untersuchungen, Hamburg,
Felmmings Verlag (Beiheft zum Atlas der Urgeschichte).
Hagstrum M. (1985) – Measuring Prehistoric Ceramic Craft
Specialisation: A Test Case in the American Southwest,
Journal of Field Archaeology, 12, p. 65-75.
Hasaki E. (2012) – Craft Apprenticeship in Ancient Greece,
in W. Wendrich (dir.), Archaeology and Apprenticeship.
Body Knowledge, Identity and Communities of Practice,
Tuscon, The University of Arizona Press, p. 171-202.
Hayden B., Cannon A. (1984) – Interaction Inferences in
Archaeology and Learning Frameworks of the Maya, Jour-
nal of Anthropological Archaeology, 3, p. 325-367.
Högberg A. (2009) – Lithics in the Scandinavian Late Bronze
Age. Sociotechnical Change and Persistence, Oxford,
Archaeopress (BAR International Series 1932), 305 p.
Høgseth H. B. (2012) – Knowledge Transfer. The Craft-
men´s Abstraction, in W. Wendrich (dir.), Archaeology and
Apprenticeship. Body Knowledge, Identity and Communi-
ties of Practice, Tuscon, The University of Arizona Press,
p. 61-78.
Ingold T. (2000) – The Perception of the Enviroment. Essays
on livelihood, dwelling and skill, London and New York,
Routledge, 465 p.
Jantzen D. (1991) – Versuche zum Metallguss der Nordischen
Bronzezeit, in M. Fansa (dir.), Experimentelle Archäolo-
gie. Bilanz 1991, Oldenburg, Archäologische Mitteillungen
Nordwestdeutschland, Beiheft 6, p. 305-316.
Johansen K. A., Laursen S. T., Holst M. K. (2004) – Spa-
tial Patterns of Social Organization in the Early Bronze Age
of South Scandinavia, Journal of Anthropological Archae-
ology, 23, p. 33-55.
Kamp K. A. (2001) – Prehistoric Children Working and Play-
ing: A Southwestern Case Study in Learning Ceramics,
Journal of Anthropological Research, 57, 4, p. 427-450.
Karlin C., Julien M. (1994) – Prehistoric Technology: a
Cognitive science?, in C.Renfrew et E. B. W. Zubrow (dir.),
The ancient mind, Cambridge, Cambridge University Press,
p. 152-164.
Keller C. M., Keller J. D. (1997) – Cognition and Tool Use.
The Blacksmith at Work, Cambridge, Cambridge University
Press, 220 p.
Kersten K. (1936) – Zur älteren nordischen Bronzezeit,
Neumünster, Karl Wachholtz Verlag, 176 p.
Kosz A. (2007) – Wissenchafts- und erkenntnistheoretische
Grundlagen des Wissensmanagements: Michael Polanyis
Konzept des „Tacit Knowing“, Eisenstadt, Angewandtes
Wissensmanagement, Fachhochschule Burgenland, 87 p.
Kristiansen K. (1987) – From Stone to Bronze - The Evolution
of Social Complexity in Northern Europe 2 300-1 200 BC,
in E. M. Brumel (dir.), Specialization, Exchange, and
Complex Societies. New Directions in Archaeology, Cam-
bridge, Cambridge University Press, p. 30-51.
Kristiansen K., Larsson T. B. (2005) – The Rise of Bronze
Age Society, New York, Cambridge University Press, 449 p.
Krüger F. (1925) – Schmuckplatten der älteren Bronzezeit,
Lüneburger Museumsblätter, Heft 11, p. 185-205.
Larsson Å. M. (2008) – The Hand That Makes the Pot: Craft
Traditions in South Sweden in the Third Millenium BC,
in I. Berg (dir.), Breaking the Mould: Challenging the Past
Through Pottery, Oxford, Archaeopress (BAR International
Series 1861), p. 81-91.
Laux F. (1971) – Die Bronzezeit in der Lüneburger Heide,
Hildesheim, August Lax Verlag (Veröffentlichungen der
urgeschichtlichen Sammlungen des Landesmuseums zu
Hannover), 278 p.
Laux F. (1976) – Die Nadeln in Niedersachsen, München,
C. H. Beck (Prähistorische Bronzefunde, Abt. 13 4), 158 p.
Marshall W. (1968) – Metallurgie und frühe Besiedlungs-
geschichte Indonesiens, Köln, Brill (Ethnologica, Neue
Serie 14), p. 29-263.
Mauss M. (1979) – Sociology and psychology: essays by Mar-
cel Mauss. London, Routledge ans Kegan Paul editions,
144 p.
Miller H. M.-L. (2012) – Types of Learning in Apprentice-
ship, in W. Wendrich (dir.), Archaeology and Apprentice-
ship. Body Knowledge, Identity and Communities of Prac-
tice, Tucson, The University of Arizona Press, p. 224-239.
Mills B. J., Ferguson T. J. (2008) – Animate Objects: Shell
Trumpets and Ritual Networks in the Greater South-
west, Journal of Archaeological Method and Theory, 15,
p. 338-361.
Milne S. B. (2012) – Lithic Raw Material Availability and
Paleo-Eskimo Novice Flintknapping, in W. Wendrich (dir.),
Archaeology and Apprenticeship. Body Knowledge, Identity
and Communities of Practice, Tuscon, The University of
Arizona Press, p. 119-144.
Minar J. (2001) – Motor Skills and the Learning Process: The
Conservation of Cordage Final Twist Direction in Commu-
nities of Practice, Journal of Anthropological Research, 57,
4, p. 381-405.
Muller J. (1977) – Individual Variation in Art Styles,
in J. N. Hill et J. Gunn (dir.), The Individual in Prehistory.
Studies of Variability in Style in PrehistoricTechnologies,
New York, Academic Press, p. 23-39.
Neipert M. (2006) – Der Wanderhandwerker, Archäolo-
gisch-ethnographische Untersuchungen, Tübinger, Marie-
Leidorf Verlag, 159 p.
Nonaka I., Takeuchi H. (1997) – Die Organisation des Wis-
sens : Wie japanische Unternehmen eine brachliegende
Ressource nutzbar machen, Frankfurt, Campus Verlag,
298 p.
144 Heide W. Nørgaard et al.
Nørgaard H W. (2011) – Die Halskragen der Bronzezeit im
nördlichen Mitteleuropa und Südskandinavien, Bonn, Dr.
Rudolf Habelt (Universitätsforschungen zur Prähistorischen
Archäologie), 211 p.
Nørgaard H W. (2014a) – The Bronze Age Smith as Individ-
ual, in V. Ginn, R. Enlander et R. Crozier (dir.), Exploring
Prehistoric Identity in Europe: our construct or theirs?,
Oxford, Oxbow Books, p. 97-102.
Nørgaard H W. (2014b) – Valued Craftsmen: As Important
as Prestige Goods? - Some Ideas about Itinerant Crafts-
manship in the Nordic Bronze Age, in S. Reiter, H. W. Nør-
gaard, Z. Kolzce et C. Rassmann (dir.), Rooted in Move-
ment. Aspects of Mobility in Bronze Age Europe, Aarhus,
Jutland Archaeological Society, p. 37-52.
Nørgaard H W. (2014c) – Craftsmanship and Metalwork in
the Nordic Bronze Age: craft organisation, craftspeaople
and their areas of contact, Thèse de Doctorat, Université
d’Aarhus.
Nørgaard H W. (2015a) – Genau hingesehen - Metallhand-
werk in Mecklenburg zwischen 1 550-1 100 BC. Herstel-
lungsspuren und Metallkompositionen als Indikator für
Metallwerkstätten in Mecklenburg, in D. Jantzen (dir.),
Bodendenkmalpege in Mecklenburg-Vorpommern, Jahr-
buch 61, 2013, Schwerin, Abteilung Landesarchäologie
im Landesamt für Kultur und Denkmalpege Mecklen-
burg-Vorpommern, p. 57-100.
Nørgaard H W. (2015b) – Metalcraft within the Nordic
Bronze Age: Combined Metallographic and Supercial
Imaging Reveals the Technical Repertoire in Crafting
Bronze Ornaments, Journal for Archaeological Science, 64,
p. 110-128.
Nørgaard H W. (2015c) – Tracing the Hand that Crafted: How
Individual Working Traces Make Bronze Age Ornaments
Talk, in P. Suchowska-Ducke, S. S. Reiter et H. Vandkilde
(dir.), Forging Identities. The Mobility of Culture in Bronze
Age Europe. Report from a Marie Curie Project 2009-2012
with Concluding Conference at Aarhus University, Moes-
gaard 2012, vol. 2, Oxford, Archaeopress (BAR Interna-
tional Series 2772), p. 101-110.
Nørgaard H W. (2017) – Bronze Age Metal Workshops in
Denmark between 1 500-1 300 BC: Elite-Controlled Craft
on Zealand, in S. Bergerbrant et A. Wessman (dir.), New
Perspectives on the Bronze Age: Proceedings from the 13th
Nordic Bronze Age Symposium, held in Gothenburg 9th
June to 13th June 2015, Oxford, Archaeopress Archaeol-
ogy, p. 127-142.
Nørgaard H W. (2018a) – Bronze Age Metalwork. Techniques
and Traditions in the Nordic Bronze Age 1 500-1 100 BC,
Oxford, Archaeopress, 520 p.
Nørgaard H W. (2018b) – The Nordic Bronze Age
(1 500-1 100 BC): Craft Mobility and Contact Networks in
Metal Craft, Prähistorische Zeitschrift, 93 (1), p. 89-120.
Ottaway B. S. (2001) – Innovation, Production and Special-
isation in Early Prehistoric Copper Metallurgy, European
Journal of Archaeology, 4, 1, p. 87-112.
Panofsky E. (1981) – Die altniederländische Malerei. Ihr
Ursprung und Wesen, Köln, DuMont Buchverlag Gmbh, 2
Bände, 885 p.
Pelegrin J. (1990) – Prehistoric Lithic Technology: Some
Aspects of Research, Archaeological Review from Cam-
bridge, 9, 1, p. 116-125.
Pelegrin J. (1991) – Some political aspects of craft specializa-
tion, World Archaeology, 23, p. 1-11.
Polanyi M. (1966) – The Tacit Dimension, Chicago and Lon-
don, The University of Chicago Press, 128 p.
Primas M. (2008) – Bronzezeit zwischen Elbe und Po: Struk-
turwandel in Zentraleuropa 2200-800 v. Chr., Bonn, Rudolf
Habelt Verlag (Universitätsforschungen zur Prähistorischen
Archäologie), 267 p.
Ray T. (2009) – Rethinking Polanyi’s Concept of Tacit Knowl-
edge: From Personal Knowing to Imagined Institutions,
Minerva, 47, 1, p. 75-92.
Redman C. L. (1977) – The “Analytical Individual” and Pre-
historic Style Variability, in J. N. Hill et J. Gunn (dir.), The
Individual in Prehistory. Studies of Variability in Style in
Prehistoric Technologies, New-York, Academic Press,
p. 41-53.
Roux V., Bril B., Dietrich G. (1995) – Skills and Learning
Difculties Invilved in Stone Knapping: The Case of Stone-
Bead Knapping in Khambhat, India, World Archaeology,
27, p. 63-87.
Rowlands M. J. (1971) – Archaeological Interpretation
of Prehistoric Metalworking, World Archaeology, 3, 2,
p. 210-224.
Rønne P. (1987) – Stilvariationer i ældre bronzealder. Under-
søgelser over lokalforskelle i brug af ornamenter og oldsa-
ger i ældre bronzealders anden periode, Årbøger for nordisk
Oldkyndighed og Historie, 1986, p. 71-124.
Schanz G. (2006) – Implizites Wissen, München, Rainer
Hampp Verlag, 140 p.
Schlesier E. (1981) – Ethnologische Aspekte zu den Begriffen
Handwerk und Handwerker, in H. Jankuhn, W. Janssen,
R. Schmidt-Wiegand et H. Tiefenbach (dir.), Das Handwerk
in vor- und frühgeschichtlicher Zeit, Göttingen, Akad. Wiss.
Göttingen, p. 9-36.
Sennett R. (2008) – The Craftsman, London, Penguin Books,
336 p.
Sexl M. (1995) – Sprachlose Erfahrung? Michael Polanyis
Erkenntnismodell und die Literaturwissenschaften, Bern,
Peter Lang Verlag (Europäische Hochschulschriften: Reihe
1, Deutsche Sprache und Literatur, Bd. 1540), 223 p.
Sprockhoff E. (1940) – Altbronzezeitliches aus Nieder-
sachsen, in R. Zahn, W. Unverzagt et W. A. Jenny (dir.),
Studien zur Vor- und Frühgeschichte. Carl Schuchardt zum
achtzigsten Geburtstag, Berlin, De Gruyter p. 24-47.
Strauss G., Floerke H., Waldmann H. (1987) – Atelier, in
G. Strauss, H. Olbrich (éd.), Lexikon der Kunst. Architektur,
Bildende Kunst, Angewandte Kunst, Industrie-formgestal-
tung, Kunsthistorie. Leipzig, 1, 315 p.
Strauss G. (1994) – Werkstattbild, Werksattarbeit, in
G. Strauss, H. Olbrich (éd.), Lexikon der Kunst. Architektur,
Bildende Kunst, Angewandte Kunst, Industrie-formgestal-
tung, Kunsthistorie. Leipzig, 7, p. 769-770.
Vandkilde H. (1996) – From Stone to Bronze. The Metalwork
of the Late Neolithic and Earliest Bronze Age in Denmark,
La spécialisation à l’âge du Bronze nordique (1 500-1 100 BC)
145
Aarhus, Jutland Archaeological Society Publications (Book,
32), 495 p.
Vandkilde H. (2007) – Culture and Change in Central Euro-
pean Prehistory. 6th to 1st millenium BC, Aarhus, Aarhus
University Press, 240 p.
Wallaert-Pètre H. (2001) – Learning How to Make the
Right Pots: Apprenticeship Strategies and Material Culture,
a Case Study in Handmade Pottery from Cameron, Journal
of Anthropological Research, 57, 4, p. 471-493.
Wallaert H. (2012) – Apprenticeship and the Conrmation of
Social Boundaries, in W. Wendrich (dir.), Archaeology and
Apprenticeship. Body Knowledge, Identity and Communi-
ties of Practice, Tuscon, The University of Arizona Press,
p. 20-42.
Wendrich W. (1999) – The World According to Baketry. An
Ethno-Archaeological Interpretation of Basketry Produc-
tion in Egypt, Leiden, Research School of Asian, African
and Amerindian Studies, Universitet Leiden, 493 p.
Wendrich W. (2012) – Archaeology and Apprenticeship. Body
Knowledge, Identity and Communities of Practice, Tucson,
University of Arizona Press, 264 p.
Wenger E. (1998) – Communities of Practice: Learning,
Meaning and Identity, Cambridge, Cambridge University
Press, 336 p.
Zaccagnini C. (1983) – Patterns of Mobility among Ancient
Near Eastern Craftsmen, Journal of near Eastern Studies,
42, 4, p. 245-264.
Heide W. nørGaard
Moesgaard Museum,
Département archéologique
Moesgaard Allée 22
DK-8270 Højbjerg
hn@moesgaardmuseum.dk
Samantha reiter
Musée national du Danemark
Département des Sciences Matérielles
et Environnementales
IC Modewegs Vej
2800 Kongens Lyngby (Brede)
samantha.scott.reiter@natmus.dk