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La gestion par fauche des milieux humides de la Réserve naturelle nationale du lac de Remoray

Authors:
  • Amis de la Réserve naturelle du lac de Remoray
  • Amis de la réserve naturelle du lac de Remoray

Abstract and Figures

Après plus de 15 années de pratique, les gestionnaires de la Réserve naturelle nationale du Lac de Remoray (25) nous présentent dans cette nouvelle fiche les principaux résultats de la gestion par fauche des milieux humides (mégaphorbiaie, cariçaie, phalaridaie, bas-marais, etc..). Un zoom particulier est consacré aux bas-marais, gérés par alternance entre fauche, repos et pâturage. Cette fiche fait partie de la collection des fiches de retours d'expériences réalisées grâce au soutien de la DREAL et de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
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La gestion par fauche des milieux
humides de la Réserve naturelle
nationale du lac de Remoray
1. Le mi lie u e t l es pre ssi ons
Située dans la haute vallée du
Doubs, dans le prolongement sud
du lac de Saint-Point, la Réserve
naturelle nationale (RNN) du lac
de Remoray constitue l’une des
plus riches zones naturelles de
la régi on Bo urgogne-Franch e-
Comté. Ce site de 340 hectares
présente la particularité d’offrir
une jux tapos iti on de m ili eux
naturels très différents les uns
des autres : lac, marais, tourbière,
ri vi ère, prairie, fot, gravre.
Ses principaux attraits résident
cependant en ses milieux humides
d’altitude (850 à 980 mètres) et
forestiers (forêt de la Grand’Côte).
Parmi ces milieux humides, une
partie des cariçaies, phalaridaies,
mégap hor biaie s et de s ba s-
ma rais sont s par fa uche
selon différentes modalités qui
seront détaillées plus loin dans
ce document.
© photos : Bruno TISSOT
© photo : PRT
Région : Franche-Comté
Département : Doubs (25)
Communes : Remoray-Boujeons (25160)
et Labergement-Sainte-Marie (25160)
Lien internet :
Position sur Google Maps
Lac de
Remoray
Retour
d’expérience
Photo 1 - Vue générale sur la Réserve et le lac de Remoray. (© Bruno TISSOT)
Le phénomène est accentué par les dysfonctionnements
hydrauliques engendrés par la rectification et la
canalisation des cours d’eau. La reprise d’activités de
gestion écologique remplaçant les pratiques agricoles
traditionnelles devient alors nécessaire pour maintenir,
voire pour restaurer la biodiversité typique inféodée à
ces milieux humides.
Avec l’arrivée de la mécanisation dans les années
1950, les pratiques traditionnelles de fauche manuelle
ont progressivement été abandonnées tout comme
ces milieux humides difficilement exploitables avec
les machines de l’époque. La végétation du marais
évolue alors vers des stades plus embroussaillés et
moins typiques de ces milieux.
De nombreu x travaux de restauration ont été
nécessaires avant la mise en place de la gestion
courante par fauche.
Au ni veau de l’hy drologie, plusieurs ruisseaux
rectifiés ont fait l’objet de travaux de restauration
(reméandrements des Vurpillières en 1997, de la
Drésine en 1999-2000, du ruisseau de Remoray
en 2001 et du Lhaut en 2013) permettant ainsi un
meilleur fonctionnement hydraulique des milieux
humides. Ces travaux sont fondamentaux car ils
permettent dans un premier temps d’agir sur les
causes de l’assèchement et pas uniquement sur
ses conséquences (fermeture du milieu).
Photo 2 – Prairie à molinie en cours de broyage. (© Céline MAZUEZ)
2. Travau x e t amé nagements
En parallèle, les saulaies arbustives qui avaient envahi
le milieu en l’absence de pratiques agricoles, ont été
traitées par des opérations de défrichement et de
retournement de souches. Sur les secteurs à vocation
de fauche, un broyage de préparation fut nécessaire
compte tenu de la présence d’embâcles, de restes
ligneux ou encore de touradons de molinie (Photo 2).
Après ces indispensables travaux préliminaires, la
gestion par fauche a pu être mise en œuvre par le
gestionnaire.
2. Travau x e t amé nagements
Photo 3 – Faucheuse à disques. (© Bruno TISSOT)
Qu’il s’agisse de la fauche, du pâturage, du reméandrement des cours d’eau ou des travaux de restauration,
l’objectif des actions mises en œuvre dans la RNN du lac de Remoray est en premier lieu le retour de la
fonctionnalité de ces milieux humides, notamment la bonne connexion entre les cours d’eau et les milieux
humides avec en conséquence une optimisation de la diversité biologique des milieux. Cette fiche se
propose d’examiner plus en détails les résultats et l’impact d’une gestion par fauche tardive utilisée pour
certains milieux humides de la RNN.
3. La ges tio n
3.1. Le matériel utilisé
Au fur et à mesure des années, le gestionnaire
s’est équipé de matériel adapté pour réaliser une
fauche mécanique tardive dans ces milieux au sol
peu portant. En 2002, la RNN fait l’acquisition d’un
tracteur Reform® (tracteur de pente autrichien),
équipé de pneus larges et basse pression (Photo 4)
permettant de limiter l’impact sur le sol. La répartition
des charges sur ce type de machine est également
un atout pour intervenir en zone humide.
Une fauche use à di squ es, un and aineu r et
une pirouette (Photo 3) sont venus compléter
l’ équipement. A noter qu’il a été pos sible de
mutualiser l’achat d’une presse à balles rondes
(elle aussi équipée de pneus basse pression) avec
les gestionnaires de la proche vallée du Drugeon,
et cela malgré une saison de fauche très courte
dans le Haut-Doubs.
Photo 4 - Matériel de fauche spécifique pour intervenir sur sols à faible portance,
ici dans un secteur du bas-marais. (© Jocelyn CLAUDE)
La gestion par fauche tardive a débuen 1999, les
3 premières années en sous-traitance puis en régie.
Précision importante pour les gestionnaires
d’espaces naturels qui souhaitent mettre en œuvre
ce type de gestion en gie, la conduite de ces
machines agricoles nécessite l’obtention des permis
poids lourds et super lourds.
Les cariçaies (Photo 5) et les phalaridaies sont gérées
par fauche annuelle avec plusieurs objectifs : (1)
freiner la dynamique d’atterrissement, (2) contenir
la baldingère qui a tendance à banaliser le milieu
et (3) co ns erver un milieu favorable pour le s
populations d’anatidés et de limicoles.
Les interventions, réalisées à l’automne, permettent
de façonner les milieux qui accueilleront l’avifaune
à son arrivée au printemps.
Photo 5 - Fauche de cariçaie. (© Bruno TISSOT)
3.2. La fa uche des cari ça ies
et des ph alar ida ies
Ce secteur, autrefois peu favorable à l’avifaune
(forte variation du niveau d’eau, période sèche
trop longue et accumulation de lagétation au
sol à chaque saison) est aujourd’hui devenu très
attractif. En raison des restaurations de cours d’eau,
l’eau est aujourd’hui affleurante.
Photo 6 - La Bécassine des marais. (Gallinago gallinago)
(© Jérôme SALVI)
Un secte ur fa uché annuellement (e ntre 0,5 et 2
hectares) en fin d’été permet une attractivité forte pour
les oiseaux, en automne et au printemps suivant. Le
phénomène est particulièrement remarquable pour
les Bécassines des marais (Gallinago gallinago) et
sourde (Lymnocryptes minimus). Ce site est désormais
intégré au réseau national bécassines (ONCFS), avec
le baguage chaque automne de 40 à 110 bécassines.
Au printemps, la nidification de la Bécassine des marais
et du Vanneau huppé (Vannellus vannellus) a été
constatée depuis la mise en place de cette fauche.
Après 10 années de fauche, les gestionnaires observent
un recul assez spectaculaire des popu lations de
baldingère dans les secteurs de la cariçaies les plus
éloignés du lac.
L’expérience montre toutefois qu’il est nécessaire de
maintenir une pression de fauche constante, sans
laquelle la baldingère revient et progresse rapidement,
même à partir d’une cariçaie pure.
Photo 7 - Fauche d’un secteur humide avec gradient
du bas-marais à la mégaphorbiaie. (© Bruno TISSOT)
3.3 . L a f auc he des még aph orb iai es
Ces milieux, souvent négligés, possèdent cependant
des enjeux et des espèces fragiles (Aconitum
napellus par exemple). Dans la Réserve naturelle,
les gestionnaires interviennent avec prudence sur
ce type de milieu. Une fauche des mégaphorbiaies
tous les 5 à 10 ans paraît suffisante. Cette fréquence
peut éventuellement se rapprocher si le gestionnaire
ob serve une progression de la Rein e-des-prés
(Filipendula ulmaria) au détriment d’autres espèces.
Les mégaphorbiaies sont généralement fauchées
entre fin août et mi-septembre, en fonction des
conditions d’humidité du sol.
3.4 . La ges ti on de s bas -ma rai s (C ari cet u m
d a v a l l i a n a e ) e t d e s p r air i e s h u m id e s
t o u rbeuses (Trollio europaei-Molinietum
caeruleae) : une al tern anc e e ntr e fau che ,
pâturage et repos
Photo 8 – Bas-marais des Vurpillières. (© Céline MAZUEZ)
En 1999, très peu de retours d’expériences sur
la gestion par fauche des bas-marais étaient
disponibles. Les gestionnaires ont opté pour une
alternance entre fauche et turage, avec une
année de « repos » entre chaque inter vention. La
faible productivité de ces milieux oligotrophes ne
justifie pas a priori des actions plus fréquentes.
Cette alternance permet de conjuguer les avantages
et inconvénients de chaque type de gestion. En ce
qui concerne le pâturage, il permet entre autres
une diversification du milieu par la création de
petites dépressions très intéressantes du point de
vue biologique. Par ailleurs le pâturage est moins
« brutal » pour les autres espèces (avifaune nicheuse ;
entomofaune, …) mais ne permet pas l’export total
de la matière organique.
À l’inverse la fauche est une thode de gestion
plus drastique, notamment à cause de sa rapidité
mais qui présente l’avantage de pouvoir exporter
la matière organique (lorsque les conditions météo
le permettent). Elle participe ainsi au maintien de
l’oligotrophie du milieu et limite son atterrissement.
Autre point important, la fauche s'opère, dès que
possibl e, de manière cent rifuge (de l' intérieur
vers l'extérieur), pour permettre à la petite faune
d'échapper à la faucheuse. En cas d'impossibilité
(parcelles suivant les méandres d'un cours d'eau…),
des « bandes refuges » sont conservées au centre
des secteurs fauchés. Bien évidemment, la vitesse
de fauche est très lente dans ces milieux difficiles
(environ 5 km / h).
Soulignons également que cette gestion s’inscrit dans
un plan de fauche/pâturage tournant sur plusieurs
parcelles. Ainsi, chaque année, c’est une petite
partie du marais (environ 20%) qui est concernée
par ces interventions.
Par ailleurs, les fauches ne débutent pas avant la
mi-août afin de laisser le temps à la faune et à la
flore de réaliser leurs cycles biologiques.
4. Principaux résultats de la gestion
des bas-marais
Des suivis ont été mis en place depuis 1999 pour
suivre l’effet de la gestion sur la végétation de bas-
marais. Précisons qu’entre 1999 et 2004, le secteur
était uniquement pâturé par des chevaux Koniks,
et qu’à partir de 2004 l’alternance « fauche-repos-
pâturage » a été mis en place.
Les gestionnaires adaptent les caractéristiques du
turage en fonction de leurs observations sur le
terrain. L’entrée des chevaux débute généralement
en juillet et se poursuit jusqu’à l’automne (fonction
des conditions météo), avec des chargements
maximum de 0,6 à 0,7 UGB/ha.
Le se cteur est égal ement sous l’influen ce du
reméandrement du ruisseau des Vurpillières, réalisé
en1998. La méthode de suivi se base sur des relevés
phytosociologiques réalisés au sein de 4 placettes
disposées le long d’un transect.
L’analyse de ces résultats montre tout d’abord une
augmentation de la richesse spécifique globale,
passant de 12 à 20 espèces entre 1999 et 2014.
Outre cet aspect quantitatif, l’analyse des spectres
sociologiques indique une régression des espèces
de prairies humides qui se fait à la faveur d’espèces
typiques des bas-marais. Ainsi, la gestion mise en
œuvre a fait régresser le recouvrement de Molinia
caerulea et a favorisé d’autres espèces telles que
Carex panicea et Carex davalliana.
Figure 1 - Évolution du spectre sociologique moyen,
en % du nombre d’espèces entre 1999 et 2014.
Figure 2 - Comparaison
des spectres sociologiques
en % de recouvrement
de l’exclos et du carré pâturé
entre les années 1999 et 2014.
Dans le détail, certaines placettes de suivi présentent
des résultats assez spectaculaires où le pourcentage
de recouvrement de la végétation de bas-marais
passe d’environ 1% en 1999 à plus de 70% en 2014.
Un système de carrés/exclos a été mis en place
pour distinguer les effets de la gestion et l’évolution
rale des milieux de l a réserve naturelle. Ils
peuvent également permettre une distinction entre la
gestion et les effets des travaux de reméandrement
qui concernent les deux placettes.
La comparaison du carré et de l’exclos montre une
baisse du recouvrement des espèces de prairie
humide similaire (molinie en particulier). Cette
régression pourrait être attribuée à l’augmentation
d’humidité du sol due aux travaux de reméandrement.
L’alternance fauche-repos-pâturage semble favoriser
lagétation de bas-marais, dont le pourcentage
de recouvrement reste assez faible dans l’exclos.
En l’absence d’interventions, un veloppement
d’espèces de phragmitaie/cariçaie est plutôt observé,
alors que ce type degétation ne s’exprime pas
aussi fortement dans le carré fauché.
La chronologie de ces modifications est également
intéressante à suivre car elle montre qu’une grande
partie des espèces de bas-marais apparaissent ou se
développent de façon significative à partir de 2005,
suggérant ainsi que les effets combinés des travaux
de restaura tion (reandrement) et de gestion
s’observent ici après 5 à 6 années de pratique.
En ce qui concerne la faune, il faut noter que cette
gestion mise en place depuis une quinzaine d’années
n’a malheureusement pas permis la sauvegarde
d’une petite popula tion de Fadet des tourbières
(Coenonympha tullia).
L’espèce présente toujours des effectifs extrêmement
réduits et reste au seuil de la disparition localement.
Dans une dynamique de déclin généralisé de
l’espèce, la gestion écologique de cet ensemble de
bas-marais ne serait-elle pas arrivée un peu tard pour
le Fadet ? Ou alors, existerait-il un temps de latence
entre la restructuration des communautés végétales
de bas-marais et l’augmentation des espèces qui
y sont inféodées. Un manque de connaissance sur
l’écologie de cette espèce (habitat larvaire, plante-
hôte…) peut également expliquer ce résultat mais
sur tout ne permet pas actuellement d’affiner ou de
conforter la gestion écologique.
Juin 2016 - Mise en page : www.bleudemars.com
Document réalisé avec le soutien nancier de la DREAL
et du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté
5. Con clu si on
La gestion conservatoire mise en place dans les
milieux humides de la Réserve naturelle nationale
du lac de Remoray se traduit, entre autres, par des
actions de pâturage extensif et/ou de fauche tardive.
La fauche s’effectue tardivement avec si possible
l’exportation de la matière organique quand le
niveau d’eau le permet. L’objectif recherc est
de retarder l’atterrissement du marais, engendré
par la décomposition de la matière organique sur
place. En bas-marais et prairie humide, elle s’opère
en rotation avec le pâturage extensif et une année
de repos. Ces parcelles ne sont donc fauchées
qu’une année sur quatre.
Le pâturage extensif réalisé avec un troupeau
de Koniks polski permet une diversification de la
micro-topographie de la strate herbacée liée à la
combinaison du sabot et de la dent.
L’analyse des résultats des suivis de végétation
montre que dans un secteur à l’origine identifié en
prairie humide, la gestion par rotation combinée
aux travaux de restauration d’un ruisseau permet
d’augmenter la richesse spécifique globale du
milieu. La fauche combinée au turage limite
également le développement de la molinie au profit
d’un cortège d’espèces plus diversifié appartenant
au groupement de bas-marais.
En cariçaie, les suivis de végétation ont révélé que
le pâturage printanier et estival suivi d’une fauche
automnale permet de limiter la dynamique de
colonisation de la baldingère. La fauche automnale
est égale ment tr ès favorabl e à la ca ssine
de s marais en rio de de reprodu ct io n et de
migration ainsi qu’au Vanneau huppé en période
de reproduction.
Dans l’ensemble, il semble que la gestion (pâturage
extensif, fauche tardive seuls ou en rotation) assure
une certaine hétérogénéité à l’intérieur des milieux
humides, favorisant la diversité des espèces.
Remerciements à l’équipe de la Réserve naturelle
du Lac de Remoray, en particulier à Céline MAZUEZ,
Charline BONNET, Bruno TISSOT et Jocelyn CLAUDE.
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