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Un idéal de beauté masculine en tant que perturbation de l’image corporelle
Dysmorphie musculaire: à quelle
entité diagnostique appartient-elle?
Prof. Dr phil. Simone Munsch; Tom Kirsch, BSc Psychologe
Klinische Psychol ogie und Psychotherapie, Departement für Psychologie, Uni versität Freiburg, S chweiz
L’idéal physique masculin caractérisé par un corps
musclé et une faible proportion de masse grasse est
largement répandu dans les cultures occidentales. La
comparaison de leur propre corps avec cet idéal peut
être à l’origine, chez les hommes, d’inquiétudes et d’in-
satisfaction. Dans ce contexte, par exemple, % d’un
groupe d’étudiants de sexe masculin venant de France
ont déclaré ne pas être satisfaits de la musculature de
leur corps []. Actuellement, le problème de la survalo-
risation du développement musculaire pour la santé
psychique est considéré sous plusieurs angles.
Du point de vue de la recherche sur les troubles obses-
sionnels compulsifs, la préoccupation obsessionnelle à
l’égard de la musculature du corps occupe l’avant-plan.
En assignant la dysmorphie musculaire à la catégorie
des dysmorphophobies dans le cadre des troubles ob-
sessionnels compulsifs et connexes de la classication
du DSM- [], la priorité est attribuée au comportement
répétitif de réassurance et à la comparaison obsession-
nelle de son propre corps avec l’idéal. Il est par ailleurs
supposé que s’abstenir de pratiquer par exemple le dé-
veloppement musculaire obsessionnel par l’intermé-
diaire du sport ou d’une alimentation correspondante
peut entraîner des états prononcés de tension et d’an-
xiété, bien que ce comportement ne puisse que partiel-
lement être catégorisé comme étant égodystonique [].
La classication en comportement obsessionnel est
soutenue par des données accordant aux symptômes
dysmorphophobiques et au comportement obsession-
nel une plus forte valeur associative et prédictive pour
la dysmorphie musculaire par rapport aux symptômes
de troubles alimentaires [, ].
La classication diagnostique de la dysmorphie mus-
culaire dans l’entité des troubles de la dépendance est
discutée comme une autre possibilité []. Il est postulé
que les personnes concernées développent une cer-
taine dépendance à l’image corporelle, cette dernière
étant dénie comme les perceptions, cognitions et
émotions relatives à son propre corps. Cette dépen-
dance entraîne un comportement résolument axé sur
l’obtention d’un corps musclé, même si cela peut nuire
aux objectifs sociaux et professionnels et si l’activité
physique permanente ou la prise d’anabolisants ont
des répercussions négatives sur la santé. De même, les
personnes concernées semblent ressentir une certaine
euphorie due à l’entraînement []. An de maintenir
cet eet à long terme, un entraînement de plus en
plus intense est nécessaire (développement d’une
tolérance) et des symptômes de sevrage surviennent
lorsque les individus concernés se voient contraints de
renoncer à leur comportement excessif. Par ailleurs, la
forte tendance à la récidive est considérée comme un
indice supplémentaire du rapport avec des troubles de
la dépendance.
En utilisant le modèle transdiagnostique, la dysmor-
phie musculaire peut aussi être classée parmi les
troubles alimentaires []. Il existe des données indi-
quant que la dysmorphie musculaire s’accompagne
également d’un perfectionnisme inapproprié, d’une
faible estime de soi, de dicultés interpersonnelles et
d’une intolérance émotionnelle. Elle semble ainsi sur-
venir de manière similaire à d’autres troubles alimen-
taires et peut aussi être traitée de façon correspondante
[]. La dysmorphie musculaire se manifeste en outre par
un compor tement de régime rigide e t une pratique spor-
tive excessive, associés à des préoccupations physiques
et une consommation d’aliments en l’absence de faim
[]. Si ce comportement de régime n’est pas respecté, de
fortes tensions et angoisses apparaissent []. Dans le do-
maine des t roubles alimentai res, la dysmorphie muscu-
laire présente des similitudes en particulier avec l’ano-
rexie mentale et est évoquée comme une forme
sexospécique de l’anorexie chez les hommes [].
La confrontation avec des corps masculins musclés
dans les médias joue un rôle essentiel dans la survenue
de la dysmorphie musculaire, et ce en particulier chez
les hommes qui présentaient déjà auparavant des in-
quiétudes relatives à la masse musculaire de leur cor ps
[]. Par ailleurs, l’internalisation de l’idéal physique
d’un corps musclé prédit des symptômes d’une dys-
morphie musculaire chez les hommes []. Les body-
builders, dont les comportements, cognitions et émo-
tions poursuivent l’objectif de correspondre à un idéal
corporel intériorisé, représentent une population à
haut risque []. Toutefois, un idéal corporel irréaliste
et la confrontation médiatique quotidienne avec des
Tom Ki rsc h
Simone Mun sch
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idéaux physiques ne constituent pas une explication
susante pour le développement d’un trouble psy-
chique. D’autres facteurs étiologiques peuvent inclure
une anxiété générale et liée à l’apparence physique ac-
crue [], une aectivité négative [], des dicultés à
reconnaître et exprimer ses émotions (alexithymie)
[] et des moqueries durant l’enfance [].
Les résultats de recherche jusqu’à présent disponibles
sur la dysmorphie musculaire présentent diverses li-
mites. La plupart des études reposent sur de petits
échantillons et se limitent à des étudiants masculins
qui pratiquent le bodybuilding ou la musculation. Des
preuves relatives à l’évolution font par ailleurs défaut
[]. Les diérentes estimations concernant la préva-
lence de la dysmorphie musculaire, comprise entre
et plus de % [], soulignent la nécessité d’utiliser des
critères et instruments diagnostiques homogènes.
L’article de Halioua et al. publié dans ce numéro []
ore un aperçu complet de l’état actuel des recherches
sur la dysmorphie musculaire et met en lumière le rap-
port entre l’inuence croissante d’un idéal de beauté
masculine et l’appar ition d’une perturbat ion de l’image
corporelle et d’une dysmorphie musculaire.
Disclosur e statement
Les auteu rs n’ont pas déclaré d es obligations nancières ou p erson-
nelles e n rapport avec l’ar ticle soum is.
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Correspondance:
Prof. Dr ph il. Simone Mu nsch
Departement für
Psychologie
Universität Frei burg
Rue P.-A.-de -Faucigny
CH- Freiburg
simone.munsch[at]unifr.ch
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