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Crise de l'euro et divergences économiques : les conséquences du marché unique pour l'unité européenne

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Les causes de la crise de l'euro (2010-2013) ne font toujours pas consensus. Pour les autorités européennes, la crise serait essentiellement due à l'imperfection des institutions nationales des pays touchés. Les politiques engagées dans ces pays pour y répondre ont donc consisté à corriger ces imperfections en réformant profondément leurs institutions nationales dans une marche vers l'équilibre budgétaire et l'amélioration de la compétitivité. Dans cet article, nous soutenons à l'inverse que les origines de la crise sont à trouver dans le fonctionnement même du marché unique. En organisant l'économie européenne autour des principes d'une libre concurrence et en favorisant la circulation des facteurs de productions mobiles, le marché unique a renforcé les mécanismes d'agglomération, entrainant une polarisation industrielle au bénéfice des pays du coeur de l'Europe, avec pour conséquence l'accélération de la désindustrialisation des économies périphériques. Les politiques menées depuis 2010 dans les pays en crise n'ont de fait pas permis de corriger les déséquilibres économiques de la zone euro. Il apparaît donc que seule une remise en cause profonde des règles qui organisent le fonctionnement du marché unique européen serait susceptible d'enrayer la dynamique de divergence actuelle des économies européennes.
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1
Crise de l’euro et divergences économiques : les conséquences
du marché unique pour l’unité européenne
David Cayla
1
RÉSUMÉ
Les causes de la crise de l’euro (2010-2013) ne font toujours pas consensus. Pour les autorités
européennes, la crise serait essentiellement due à l’imperfection des institutions nationales des pays
touchés. Les politiques engagées dans ces pays pour y répondre ont donc consisté à corriger ces
imperfections en réformant profondément leurs institutions nationales dans une marche vers
l’équilibre budgétaire et l’amélioration de la compétitivité. Dans cet article, nous soutenons à l’inverse
que les origines de la crise sont à trouver dans le fonctionnement même du marché unique. En
organisant l’économie européenne autour des principes d’une libre concurrence et en favorisant la
circulation des facteurs de productions mobiles, le marché unique a renforcé les mécanismes
d’agglomération, entrainant une polarisation industrielle au bénéfice des pays du cœur de l’Europe,
avec pour conséquence l’accélération de la désindustrialisation des économies périphériques. Les
politiques menées depuis 2010 dans les pays en crise n’ont de fait pas permis de corriger les
déséquilibres économiques de la zone euro. Il apparaît donc que seule une remise en cause profonde
des règles qui organisent le fonctionnement du marché unique européen serait susceptible d’enrayer
la dynamique de divergence actuelle des économies européennes.
Mots clés : économie européenne, marché unique, euro, zone euro, réforme de la zone euro, zone
monétaire optimale, crise de l’euro, crise financière, effet d’agglomération, cluster, polarisation
industrielle, divergence économique.
ABSTRACT
The real causes of the euro crisis (2010-2013) are still questioned. For the European authorities, it is
mainly due to the imperfection of the national institutions of the affected countries. In response, the
policies implemented in these countries were to correct these imperfections by reforming deeply their
national institutions in a move towards a balanced budget and improved competitiveness. In this
article, it is argued that the origins of the crisis lie in the very functioning of the Single Market. By
organizing the European economy according to the principles of free competition and by promoting
the circulation of mobile production factors, the Single Market has strengthened the agglomeration
mechanisms, which has led to a European industrial polarization. Although this dynamic has been
beneficial for the core European countries, it accelerated the deindustrialization of peripheral
economies. Moreover, the policies pursued since 2010 in the countries affected by the euro crisis have
failed to correct the economic imbalances. It then appears that only a profound reconsideration of the
rules that organize the functioning of the European Single Market would be likely to stop the current
divergence dynamics of European economies.
Key words : European economy, Single Market, euro, euro zone, euro zone reforms, optimum currency
area, euro crisis, financial crisis, agglomeration effect, cluster, industrial polarization, economic
divergence.
1
Maitre de conférence à l’université d’Angers, chercheur au Granem. Ce travail a été présenté au colloque La
constitution matérielle de l’Europe qui s’est tenu les 12 et 13 octobre à l’université de Caen :
http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/identite-subjectivite/4782
2
1. Introduction
Les causes profondes de la crise européenne de la dette de 2010-2013 ne font à ce jour toujours pas
consensus chez les économistes. La crise toucha des pays de la zone euro de taille et de caractéristiques
très différentes, poussant les autorités européennes à mettre en œuvre des plans d’assistance pour
aider financièrement des États soudainement privés de leur capacité d’emprunter sur les marchés
financiers.
Au total, cinq pays ont demandé l’assistance européenne selon la chronologie suivante : la Grèce (avril
2010), l’Irlande (novembre 2010), le Portugal (avril 2011), Chypre (mars 2012) et l’Espagne (juin 2012).
À l’exception de l’Espagne, dont la demande concernait un plan de soutien à son secteur bancaire, les
quatre autres pays se sont vu imposés une tutelle de la part des institutions créancières (BCE,
Commission européenne, FMI) qui visait à engager des plans d’ajustement censés leur permettre de
recouvrer leur capacité à se financer de manière autonome, c’est-à-dire sur les marchés financiers.
L’intervention du FMI fut sollicitée pour son expertise dans la mise en œuvre de tels plans, mais
l’essentiel des fonds fut apporté par des structures financières ad hoc (FESF, MESF puis MES)
2
dont les
emprunts sont garantis par les autres pays membres de la zone euro.
Les autorités européennes ont analysé ces crises comme les conséquences de deux types de
dysfonctionnements nationaux. Pour certains pays, dont la Grèce et le Portugal, la crise fut considérée
comme le résultat d’une dérive des dépenses publiques et plus globalement d’une mauvaise
gouvernance budgétaire et économique. Protégés par l’euro et bénéficiant de taux d’intérêt faibles,
ces États auraient augmenté leurs dépenses publiques tout en étant incapables de mettre en œuvre
des réformes permettant d’améliorer leur compétitivité économique. L’Irlande et l’Espagne étaient
pour leur part considérées comme des modèles en matière de gestion de leurs finances publiques avec
des niveau d’endettement faibles et des budgets publics en excédent au moment du déclenchement
de la crise américaine des « subprimes » (2007). Pour ces pays et pour Chypre, la crise proviendrait
d’une insuffisante régulation bancaire. Comme pour les États précédemment cités, l’existence de
l’euro et la faiblesse des taux d’intérêt a incité le système bancaire à multiplier les crédits. Avec
l’éclatement de la crise bancaire et financière, les banques affrontèrent une crise systémique qui n’a
pu être gérée que grâce à une intervention publique qui dégrada fortement les finances publiques.
Ce double diagnostic conduisit les autorités européennes à proposer deux types de mesures pour
améliorer le fonctionnement de la zone euro.
En premier lieu, elles ont tenu à renforcer les mécanismes de contrôle sur les budgets publics en
améliorant les procédures de surveillance. En 2010, la Commission instaure le « semestre européen »,
une procédure qui lui permet de donner son avis sur les projets de lois de finance des États membres
avant que ceux-ci ne soient soumis à l’approbation parlementaire ; elle a aussi suscité la rédaction d’un
nouveau traité, le TSCG (Traité pour la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance de l’Union
européenne), ratifié en 2012, qui renforce et précise le principe d’équilibre budgétaire instauré par les
traités précédents (traité de Maastricht et traité d’Amsterdam).
En second lieu, les autorités européennes ont proposé et mis en œuvre une série de réformes du
secteur bancaire européen marquées notamment par l’instauration d’une supervision directe des
banques systémiques européennes par la BCE et par la constitution progressive d’une Union bancaire
permettant de clarifier la gestion des faillites bancaires et d’éviter l’intervention financière des États
membres. Si l’Union bancaire marque un tournant important, elle ne prévoit pour l’instant aucune
solidarité européenne, chaque État devant assurer individuellement le principe de garantie des dépôts
imposé par l’Union bancaire. Pour certains économistes, dont le prix Nobel Joseph Stiglitz,
2
Le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) a été créé en mai 2010, le MESF (Mécanisme Européen de
Stabilité Financière) en janvier 2011 et le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) en septembre 2012.
3
l’incomplétude de l’Union bancaire fait peser une menace sur l’avenir de la zone euro en cas de
nouvelle crise financière (Stiglitz 2016).
De manière générale, les autorités européennes analysent la crise de la zone euro comme la
conséquence de défaillances nationales, elles-mêmes permises par l’incomplétude des règles
européennes. Leur réponse consiste donc à renforcer et améliorer le dispositif réglementaire
européen sans s’interroger sur l’existence de défaillances structurelles dans l’organisation du marché
unique.
Dans cet article, nous faisons pour notre part l’hypothèse que le diagnostic établi par les autorités
européennes est incomplet et que les mesures engagées ne permettront pas de corriger
fondamentalement les dysfonctionnements structurels de la zone euro. Une étude attentive des
caractéristiques économiques des pays touchés par la crise montre en effet que, malgré leurs
différences, ceux-ci ont des traits communs qui expliquent leur fragilité. Ce sont des pays
périphériques géographiquement, en voie de désindustrialisation et dont les balances des paiements
sont structurellement déficitaires (section 2). Or, il peut être montré que les causes de ces déficits sont
structurelles et découlent directement du fonctionnement du marché unique. Autrement dit, ces États
ne seraient pas victimes d’un défaut de gouvernance interne mais de la dynamique naturelle qui
préside au fonctionnement normal d’un marché en voie d’unification (section 3). Les effets
d’agglomération et les phénomènes de polarisation sont ainsi au cœur des dysfonctionnements
actuels de la zone euro. Cependant, dans la manière dont l’Union européenne est aujourd’hui
organisée, aucune des réformes actuellement envisagées pour améliorer le fonctionnement de l’euro
ne serait en mesure de corriger ces problèmes. Au contraire, l’échec des politiques menées et la
poursuite dans la voie de l’unification des marchés européens tend à susciter des comportements de
type passager clandestin de la part notamment des pays de l’Europe périphérique et à exacerber les
rivalités entre les États membres (section 4). Il s’ensuit que les probabilités pour que l’Union
européenne parvienne à un consensus sur la nature et la mise en œuvre de réformes susceptibles de
corriger ses dysfonctionnements fondamentaux paraît aujourd’hui extrêmement improbable
(conclusion).
2. Le déclin industriel de l’Europe périphérique
2.1 Les déséquilibres financiers intra-européens
La création de la monnaie unique européenne en 1999 a engendré un processus d’unification des
marchés bancaires et financiers des pays de la zone euro. Malgré l’existence de taux d’inflation et de
croissance très différents d’un pays à l’autre, on assista à une rapide convergence des taux d’intérêt
de long terme. Début 1997, Les écarts de taux par rapport à l’Allemagne se situaient autour de 4-5
points de pourcentage pour la Grèce, 1 à 2 points pour l’Italie, 1 point pour l’Espagne et entre 0,5 et 1
point pour l’Irlande.
3
Dès la fin 1997, après la signature du traité d’Amsterdam qui engage l’Union vers
la création de la monnaie unique, ces écarts de taux se réduisent fortement. Ils tombent à environ 0,2
points pour les obligations d’État italiennes, espagnoles et irlandaises et ne vont cesser de baisser au
cours des années suivantes. La Grèce, qui adopte l’euro avec retard, connaît ce même phénomène de
convergence. L’écart avec l’Allemagne est de 3-4 points en 1998, de moins de 2 points en 1999 et
tombe à moins de 0,5 point en 2001. Il passera sous les 0,2 points au cours de l’année 2003.
3
Il s’agit des écarts de taux des obligations publiques à 10 ans. Ceux-ci sont déterminés par les marchés financiers
et varient en fonction du prix de marché des obligations. Lorsque les prix des obligations augmentent, les taux
diminuent et inversement. Les chiffres indiqués sont ceux de l’OCDE consultés le 24 juin 2018 sur son site :
https://data.oecd.org/fr/interest/taux-d-interet-a-long-terme.htm
4
Après une légère hausse au moment du passage à la monnaie unique, les taux allemands connaissent
également une décrue régulière à partir du début des années 2000. En 2001-2002, le taux d’intérêt
des obligations publiques allemandes à 10 ans fluctue autour de 5%, puis baisse jusqu’à atteindre un
plancher de 3% en 2006. Dans l’année qui précède la crise, les tensions inflationnistes le feront
brièvement remonter (figure 2.1).
Figure 2.1 : évolution des taux d’intérêt à long terme (OAT 10 ans) dans la zone euro (1997-2017)
Source : OCDE
La faillite de la banque d’affaire Lehman Brothers en septembre 2008 marque la fin de la période de
convergence. Les taux d’intérêt des obligations publiques grecques, irlandaises, portugaises,
espagnoles et italiennes augmentent rapidement jusqu’à dépasser les 20% pour la Grèce et les 10%
pour l’Irlande et le Portugal… tandis que les taux des pays du cœur de l’Europe (Allemagne, Benelux,
France…) baissent jusqu’à atteindre des niveaux proches de 0% après 2015. L’Allemagne connaîtra
même une brève période de taux négatif en 2016.
L’analyse de l’évolution des taux d’intérêt longs est essentielle car elle permet d’expliquer le choc
économique que représenta l’adhésion à l’euro. Les pays d’Europe périphérique ont ainsi bénéficié de
trois effets qui se sont cumulés pour pousser les taux d’intérêt à la baisse au cours de la période 1997-
2007.
Premièrement, la disparition du risque de change et la création d’un grand marché financier
et bancaire au sein de la zone euro a progressivement harmonisé les taux, faisant
quasiment disparaître le « spread », soit l’écart de taux avec l’Allemagne.
Deuxièmement, la faiblesse du taux d’inflation allemand et la réévaluation de l’euro sur les
marchés des changes ont contribué à faire baisser les taux allemands eux-mêmes.
Enfin, les pays à forte croissance sur cette période tels que l’Irlande, la Grèce ou l’Espagne
ont connu une inflation supérieure à la moyenne de la zone euro (tableau 2.3). Pour ces
pays, les taux d’intérêt réels ont de ce fait été plus faibles qu’en Allemagne.
5
2000
2001
2002
2003
2006
2007
Allemagne
1,44
1,98
1,42
1,03
1,58
2,30
France
1,68
1,63
1,92
2,10
1,67
1,49
Italie
2,54
2,79
2,47
2,67
2,09
1,8
Espagne
3,43
3,59
3,07
3,04
3,51
2,79
Portugal
2,85
4,37
3,6
3,22
3,11
2,45
Irlande
5,60
4,87
4,61
3,49
3, 93
4,90
Grèce
3,15
3,37
3,63
3,53
3,20
2,90
Tableau 2.2 Taux d’inflation annuel harmonisé (IPC) – Source : OCDE
4
Le niveau des taux d’intérêts des obligations publiques sont centraux dans les économies modernes.
Ils déterminent le rendement des actifs sans risque à partir desquels tous les autres rendements sont
calculés. Ainsi, les taux d’intérêt immobiliers pour les ménages et les taux auxquels les entreprises
empruntent sont liés aux taux obligataires publics. La baisse de ces derniers a pu ainsi se propager à
l’ensemble des économies de la zone euro. Les effets pour les économies ont été d’autant plus
importants que les taux étaient forts avant l’entrée dans la monnaie unique. Pour un pays comme la
Grèce, les taux nominaux sont passés de 10% en 1997 à moins de 4% en 2005. En tenant compte de
l’inflation, cela représente des taux d’intérêt réels en 2005 inférieurs à 1%. Des évolutions similaires
mais de moindre ampleur peuvent être constatées en Espagne et en Irlande.
L’abaissement fort et rapide du coût de l’emprunt a profondément modifié les comportements. Les
ménages, les entreprises, le secteur bancaire et financier ont pu soudainement emprunter à faible
coût. Les États ont également vu la charge financière de leur dette diminuer fortement, ce qui a été
une aubaine, en particulier pour le gouvernement grec qui avait besoin de financer des dépenses
publiques élevées liées à la préparation des jeux olympiques de 2004. Dans l’ensemble des pays
périphériques, à l’exception notable de l’Italie, la baisse des taux d’intérêt a entrainé un gonflement
de la dette nationale privée et/ou publique.
Empruntant massivement sur les marchés, ces pays ont vu leurs comptes extérieurs se dégrader. En
2007, année où éclate la crise financière américaine, les besoins de financement extérieurs de la Grèce
représentaient plus de 15% de son PIB, ceux de l’Espagne et du Portugal dépassaient les 9%, et
l’économie irlandaise avait un besoin de financement de 6,5%. À l’inverse, l’Allemagne et les Pays-Bas
dégageaient un excédent courant représentant respectivement 6,74% et 6,94% de leurs PIB. Les
économies française et italienne, pour leur part, avaient une balance des transactions courantes
légèrement déficitaire : -0,29% du PIB pour la première et -1,39% pour la seconde (chiffres OCDE)
5
.
Il existe donc une origine commune à la crise financière qui touche les pays de l’eurozone périphérique
à partir de 2010. La baisse importante et rapide des taux d’intérêt réels poussa à la hausse
l’endettement global de ces économies, notamment le secteur public en Grèce et le secteur privé en
Espagne et en Irlande. Dans ces deux derniers pays, les secteurs bancaires et financiers ont contribué
à alimenter une bulle immobilière et un endettement excessif des ménages.
À la double explication proposée par les autorités européennes (défaillance des comptes publiques
d’une part et des régulations bancaires d’autre part), nous pouvons donc envisager une nouvelle
explication fondée sur une cause unique : une crise d’endettement globale, conséquence d’une forte
4
https://data.oecd.org/fr/price/inflation-ipc.htm consulté le 24/06/2018.
5
https://data.oecd.org/trade/current-account-balance.htm consulté le 24/06/2018.
6
baisse du coût de l’emprunt, qui touche simultanément tous les pays en crise et qui se traduit par un
effondrement de leur balance courante.
2.2 Une polarisation industrielle au sein de l’espace européen
L’histoire de la crise de la zone euro ne peut néanmoins pas être complète si l’on n’aborde le cas
également très particulier des pays en excédent. Durant les années 2000, les excédents allemands,
hollandais, autrichiens… augmentent de manière considérable symétriquement aux déficits des autres
pays. L’existence d’une monnaie unique tend à supprimer les barrières monétaires préexistantes ce
qui permet l’émergence d’un marché financier unique au sein de la zone euro se traduisant par une
circulation sans entrave des capitaux. Concrètement, l’épargne des pays en excédent peut financer
sans risque de change les besoins de financement des économies en déficit. La zone euro dégageant
une balance courante relativement équilibrée durant la période 1999-2008, les déficits croissants des
uns sont de fait compensés par les excédents croissants des autres.
Dans les faits, le redressement des balances courantes des pays du cœur de l’eurozone apparaît tout
aussi spectaculaire que ne l’est l’effondrement de celles des pays périphériques. La balance courante
autrichienne passe ainsi d’un déficit équivalent à 2,26% de son PIB en 1999 à un excédent de 4,49% en
2008 ; l’économie allemande suit une pente similaire, transformant un déficit extérieur de 1,42% de
son PIB en 1999 à un excédent de plus de 5% à partir de 2006 (il dépasse les 8% depuis 2015).
6
Tout se passe comme si l’espace européen était organisé autour d’une spécialisation géographique,
les pays centraux se spécialisant dans l’épargne pendant que les plus éloignés du centre se
spécialisaient dans l’absorption et le recyclage de cette épargne.
Figure 2.3 : répartition spatiale des balances courantes dans l’Union européenne
(moyenne 2005-2007) Source : Eurostat
6
Ibid.
7
La figure 2.3 permet d’identifier, dans l’espace européen, les pays qui étaient en excédent au cours
des années d’avant crise (représentés ici en blanc) et les pays en déficit (en gris et en noir). Ceux
marqués d’une étoile sont les pays qui ont été contraints de demander l’assistance européenne. Cette
carte met en évidence les traits communs des économies qui subiront la crise de 2010-2013 : un déficit
courant structurel élevé d’une part, et l’appartenance à la zone euro (avant 2010) d’autre part. On
remarque aussi que ces pays sont tous situés en périphérie de la zone euro, ce qui suggère l’existence
d’une cause géographique aux déséquilibres financiers de l’espace européen.
Autant l’explication des causes des déficits des pays périphériques apparaît simple à comprendre (la
baisse des taux d’intérêt tend à modifier les comportements et à stimuler les emprunts), autant la
cause des excédents des pays du cœur n’est pas claire. Les taux d’emprunt ont en effet également
baissé dans ces pays, même si cette baisse fut de moindre ampleur. L’augmentation très forte de
l’épargne de ces économies doit donc trouver une origine extra financière.
La réunification allemande et l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) dans l’espace
économique européen permettent d’expliquer en partie la nature des transformations économiques
des pays du cœur de l’Europe et de l’Allemagne en particulier au cours de cette période. Comme le
souligne Guillaume Duval, les années 1990 et 2000 ouvrent pour l’économie allemande une
opportunité unique qu’elle va s’empresser de saisir (Duval 2013). L’est de l’Allemagne et les PECO
disposent d’une industrie vieillissante ainsi que d’une main d’œuvre peu onéreuse et bien formée.
Pour les industriels allemands, c’est l’occasion d’investissements « greenfields » dans ces pays qui vont
permettre au système productif de se réorganiser en profondeur. Tandis que le territoire national
restera la base d’assemblage et de conception des produits « made in Germany », les territoires de
l’est accueilleront les infrastructures sous-traitantes, réduisant d’autant le coût de production des
produits allemands.
À cet effet industriel s’ajoutent les mutations du marché du travail. Dans l’ex-Allemagne de l’est, le
choc de la réunification est extrêmement brutal en raison de la faible compétitivité des entreprises
locales et de la décision d’Helmut Kohl d’instaurer la parité entre les deux marks. Les faillites des
entreprises est-allemandes vont faire brutalement augmenter le taux de chômage des nouveaux
landers, ce qui va peser sur le marché du travail de l’ensemble de l’Allemagne. Le taux de chômage
croît de manière structurelle dans les années qui suivent la réunification jusqu’à dépasser les 11% à
l’échelle nationale au cours de l’année 2005.
7
Cette persistance du chômage ainsi que les politiques
menées pour le combattre, notamment les lois dites « Hartz » votées entre 2003 et 2005, auront
d’importants effets sur les salaires allemands qui vont stagner comme nulle part ailleurs dans le reste
de l’Union européenne.
Dans son rapport annuel de 2012, l’Organisation internationale du travail note qu’entre 1995 et 2010,
l’évolution des salaires réels allemands a été plus de 10% inférieure à ce qu’elle a été dans le reste de
la zone euro, alors que la productivité du travail avait, elle, évolué de manière similaire.
8
Il en résulta
un choc de compétitivité-coût d’environ 10% en faveur de l’Allemagne. Cette hausse de la
compétitivité s’est traduite par un redressement spectaculaire de la balance commerciale allemande.
Déficitaire au début des années 1990, la balance des biens et services de l’économie allemande
retrouve des excédents dès 1993. À partir de 2004, les excédents commerciaux allemands vont
systématiquement dépasser les 100 milliards d’euros et cumuler à plus de 200 milliards à partir de
2014, représentant près de 8% du PIB en 2015, 2016 et 2017
9
.
7
Eurostat, taux de chômage harmonisé en % de la population active, https://ec.europa.eu/eurostat/, consulté
le 01/07/2018.
8
OIT (2012), Tendances mondiales de l’emploi 2012 prévenir une aggravation de la crise de l’emploi, p. 52. Le
rapport est disponible en ligne sur le site : http://www.ilo.org.
9
Source : Eurostat, solde des échanges de biens et services en prix courants, https://ec.europa.eu/eurostat/,
consulté le 01/07/2018.
8
À l’échelle macroéconomique, les déséquilibres commerciaux d’un pays se traduisent nécessairement
par des déséquilibres financiers. Le principe d’équilibre de la balance des paiements implique que
l’excédent de la balance courante, dont la balance commerciale est l’élément le plus important, soit
compensé par un déficit de la balance financière, c’est-à-dire par l’importation de titres financiers
10
.
Autrement dit, l’économie allemande (et celle de ses voisins proches) doit nécessairement dégager
une capacité de financement recyclée à l’étranger. Jusqu’en 2010, cette épargne était prioritairement
investie dans les pays de la zone euro en besoin de financement. Comme le démontrent Patrick Artus
et Marie-Paule Virard, l’éclatement de la crise en 2010 fait brutalement cesser ce circuit (Artus, Virard
2017). Pour Artus et Virard, la crise peut donc aussi s’analyser comme une crise de confiance, les
institutions financières des pays du cœur étant désormais réticentes à financer des États et des
économies dont elles jugent qu’ils portent le risque d’un non remboursement. Les flux financiers des
pays excédentaires ont donc été partiellement réorientés vers des économies situées hors de la zone
euro, suscitant une crise de financement dans les pays périphériques.
L’étude des économies en excédent démontre qu’on ne peut comprendre l’origine des déséquilibres
intra-européens sans s’intéresser au dynamisme industriel des pays concernés. Certes, l’activité
industrielle représente en général moins de 20% de l’activité économique, l’essentiel du PIB et de
l’emploi étant issu du secteur tertiaire. Mais l’industrie reste déterminante dans la balance
commerciale, puisque les exportations de biens représentent plus des trois quarts du volume total des
exportations d’un pays. Autrement dit, plus un pays dispose d’une industrie puissante, plus il est en
mesure d’exporter et plus il a de chance de bénéficier d’une balance commerciale excédentaire,
première composante de la balance courante. Il s’ensuit que dans la zone euro ce sont les pays
industriellement puissants qui se spécialisent dans l’accumulation d’excédents financiers et donc
d’épargne, alors que les pays qui se désindustrialisent accumulent les déficits et les besoins de
financement.
Figure 2.4 : Évolution du volume de travail presté dans l’industrie manufacturière entre 2000 et 2016
dans l’Union européenne – Source : Eurostat.
10
En réalité, il faut aussi tenir compte de la balance du compte de capital, mais ce compte est en général peu
important. Pour certaines économies comme l’Irlande, la balance des revenus peut également peser fortement
dans la balance courante, mais c’est surtout la conséquence de comportements atypiques liés aux stratégies
d’optimisation fiscales (voir section 4.2).
9
La figure 2.4 illustre la manière dont a évolué l’activité manufacturière au sein de l’espace européen
entre 2000 et 2016. En raison des biais systématiques dans les statistiques de la production industrielle
de certains pays (voir section 4.2) le chiffre du volume de travail a été préféré aux chiffres de la
production industrielle. Tous les pays, sauf la Pologne, connaissent une baisse de l’emploi industriel.
Cette baisse est naturelle compte tenue des progrès de la mécanisation et de la hausse de la
productivité du travail qu’elle suscite. Néanmoins, ce qui apparaît clairement est que cette baisse est
plus importante pour les économies éloignées du cœur de l’Europe. Le coût du travail apparaît comme
un facteur important mais non déterminant de la désindustrialisation. Si les économies des PECO
résistent mieux à la désindustrialisation que celles des pays à haut revenu, au sein des PECO ce sont
les pays qui se situent à proximité de l’Allemagne tels que la Pologne, la république Tchèque ou la
Slovaquie qui voient le moins régresser leurs emplois industriels. De même, les pays à hauts revenus
qui sont les plus éloignés du cœur de l’Europe sont aussi les plus touchés par la désindustrialisation,
notamment le Portugal, le Royaume-Uni, la Grèce et la Finlande. Cette carte suggère que les origines
de la crise de la zone euro doivent être trouvées dans la dynamique industrielle du continent. Or, les
paramètres géographiques apparaissent comme des déterminants importants pour expliquer cette
dynamique.
3. Les effets du marché unique sur l’organisation industrielle européenne
L’Union européenne s’est historiquement construite avec pour objectif principal de renforcer la
coopération économique des États membres. Cette coopération fut mise en œuvre à l’aide de
différentes stratégies. La politique agricole commune (PAC) qui fut négociée dès la signature du Traité
de Rome et instaurée en 1962 ; la création d’une union douanière qui fut réalisée en 1968. À partir de
cette date, le marché commun européen est en place. Il permet la libre circulation des marchandises
sans droits de douane internes, mais impose un tarif extérieur commun pour les marchandises issues
du reste du monde. Dans un monde encore relativement protectionniste, l’existence du marché
commun avait pour principal avantage d’élargir les débouchés potentiels des industriels. Les coûts fixes
élevés qu’impliquent la production industrielle font que les profits et la compétitivité augmentent avec
le volume de production. Or, les économies européennes disposaient de marchés nationaux
relativement étroits. Un marché plus grand permet d’investir et d’innover davantage, le poids des
coûts fixes se réduisant avec le volume produit. Ainsi, en mettant en commun les marchés nationaux,
la CEE ne visait pas seulement à augmenter la coopération interne ; c’était surtout une réponse au défi
posé par l’économie américaine, alors beaucoup plus compétitive.
3.1 Les principes du marché unique
La signature de l’Acte unique européen en 1986 marque une étape supplémentaire dans l’unification
économique européenne et en change aussi largement la nature. En passant du « marché commun »
au « marché unique », le traité introduit de nouvelles dimensions au principe de libre circulation. Cette
dernière ne concerne plus uniquement les marchandises mais également les « facteurs de
production » que sont le capital et le travail.
C’est en effet ainsi qu’il faut interpréter le régime des « quatre libertés » instauré par l’Acte unique à
savoir :
Un approfondissement de la libre circulation des biens et des services, ce qui suppose la
suppression des barrières non tarifaires, l’harmonisation des normes et l’ouverture des
marchés publics ;
la libre prestation de service et la libre installation, ce qui suppose que toute entreprise peut
ouvrir une succursale dans l’espace européen ;
la libre circulation des capitaux et des flux financiers, ce qui permet à l’épargne de circuler
librement au sein du marché intérieur ;
1
0
la libre circulation du travail et donc des personnes.
La mise en œuvre effective du régime des quatre libertés, qui est au cœur du marché unique européen,
fut permise par l’édification d’un arsenal juridique extrêmement imposant. À partir de la fin des années
1980, de nombreux traités et directives vont encadrer les conditions dans lesquelles ces libertés seront
instaurées.
En matière de circulation du travail, les accords de Schengen, signés en 1985, permettront dix ans plus
tard d’instaurer un espace sans frontière interne au sein de l’Union européenne ; la directive
détachement, adoptée en 1996, facilite la circulation des salariés pour de courtes périodes ;
l’harmonisation des systèmes d’enseignement supérieur prévue par le processus de Bologne à partir
de la fin des années 1990 ainsi que la portabilité des droits sociaux (retraite et chômage notamment),
garantie par le droit européen depuis 2014, ont facilité les migrations de travail
11
; enfin, la
jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a systématiquement interprété le
régime des quatre libertés de la manière la plus large possible, condamnant par exemple le
Luxembourg pour avoir encadré trop strictement le système de détachement
12
.
La libre circulation du capital sera pour sa part instituée en organisant le marché intérieur autour du
principe de libre concurrence censé engendrer l’autorégulation des marchés. C’est pour permettre la
libre installation et prestation de service que sera menée l’ouverture à la concurrence des anciens
monopoles publics qui organisaient la production des services publics dans la majorité des pays
européens. L’harmonisation des systèmes de régulation financière, la généralisation du principe
d’indépendance des banques centrales et la création de la monnaie unique vont concourir à éliminer
progressivement les barrières institutionnelles qui limitaient la circulation financière. Enfin, une
attention particulière sera portée aux aides d’État, accusées de fausser la concurrence et donc de
contrevenir au principe de la liberté commerciale. Depuis 2016, la Commission est également très
attentive aux régimes fiscaux dérogatoires que peuvent obtenir certaines entreprises et qui sont
aujourd’hui considérés comme des aides d’État détournées.
13
Contrairement au marché commun qui ne s’occupait que d’organiser la circulation des marchandises,
le marché unique vise à harmoniser les conditions de production des entreprises en veillant à instaurer
une concurrence « libre » c’est-à-dire non influencée par les interventions publiques et les systèmes
institutionnels nationaux. En instaurant le régime des quatre libertés, l’économie européenne s’est
engagée dans une voie qui fait de la concurrence le mécanisme privilégié de régulation des marchés.
Or, la concurrence est un état du marché instable qui peut être menacé par une trop forte
concentration ou par des pratiques abusives de la part des acteurs. Aussi, pour fonctionner dans la
durée et prévenir les pratiques de capture, le marché unique nécessite un système de régulation de la
concurrence sous la supervision d’autorités dédiées. Les pouvoirs des autorités de régulation de la
concurrence ont donc été considérablement renforcés à partir de la fin des années 1980.
Mais comme le souligne l’économiste Frédéric Marty (2012), l’instauration d’un système de régulation
par la concurrence est par nature incompatible avec la logique des politiques industrielles qui avait
auparavant organisé l’offre productive du continent. Les politiques industrielles supposent en effet des
interventions discrétionnaires de la part des autorités publiques qui sont systématiquement
11
Pour une synthèse des processus d’harmonisation sociale lire Rinaldi, David, Un nouvel élan pour l’Europe
sociale, Institut Jacques Delors, 2016, p. 68-78.
12
Affaire « Commission contre Luxembourg » C-319/06, arrêt du 19 juin 2008.
13
Voir par exemple les procédures engagées par la Commission contre l’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg et
la Belgique, accusés d’avoir accordé des réductions fiscales à certaines multinationales. L’entreprise Apple a ainsi
été condamnée le 30 août 2016 à rembourser un total de 13 milliards d’euros au gouvernement irlandais (cf. le
communiqué de presse IP/16/2623 : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2923_fr.htm).
1
1
considérées comme étant contraire au principe de concurrence et donc au bon fonctionnement du
marché unique.
3.2 Facteurs mobiles et facteurs territoriaux : les effets de polarisation
La création du marché unique européen à partir de 1986 correspond à une tentative d’organiser
l’ensemble de l’économie européenne sous le régime d’un marché intérieur régulé par la seule
concurrence et fonctionnant selon des règles uniformes. Néanmoins, parce qu’elle interdit aux États
d’intervenir sur les marchés, cette politique a également eu pour effet de renforcer les effets
d’agglomération et de polarisation au sein de l’espace économique européen.
L’effet d’agglomération représente la propension au regroupement spatial d’entreprises industrielles
indépendantes. Cet effet a été largement étudié dans la littérature économique, notamment par Alfred
Marshall (1890) à qui l’on doit la notion de « district industriel »
14
.
Lorsqu'une industrie a ainsi choisi une localité, elle a des chances d'y rester longtemps, tant sont grands les
avantages que présente pour des gens adonnés à la même industrie qualifiée, le fait d'être près les uns des autres.
Les secrets de l'industrie cessent d'être des secrets ; ils sont pour ainsi dire dans l'air, et les enfants apprennent
inconsciemment beaucoup d'entre eux. On sait apprécier le travail bien fait ; on discute aussitôt les mérites des
inventions et des améliorations qui sont apportées aux machines, aux procédés, et à l'organisation générale de
l'industrie. Si quelqu'un trouve une idée nouvelle, elle est aussitôt reprise par d'autres, et combinée avec des
idées de leur crû; elle devient ainsi la source d'autres idées nouvelles. Bientôt des industries subsidiaires naissent
dans le voisinage, fournissant à l'industrie principale les instruments et les matières premières, organisant son
trafic, et lui permettant de faire bien des économies diverses (Marshal 1890).
Le raisonnement marshallien est en réalité assez simple. L’existence d’une activité industrielle dans
une région donnée produit des externalités positives (au sens de Mead 1952) qui rendent plus
performantes les industries situées à proximité, notamment lorsqu’elles appartiennent au même
secteur industriel. Ces externalités s’expliquent pour différentes raisons évoquées dans l’extrait ci-
dessus et qu’on peut résumer ainsi :
l’existence d’une main d’œuvre nombreuse et qualifiée qui est d’autant plus importante que
le nombre d’entreprises industrielles l’est également ;
l’innovation qui est facilitée par l’émulation concurrentielle et l’imitation des entreprises
proches ;
le développement des activités de support et complémentaires comme par exemple les
infrastructures de transport. Plus l’activité industrielle est importante dans une région, plus les
systèmes de transport, notamment ferroviaires et maritimes, vont être rentables et se
développer.
La notion de « cluster » développée un siècle plus tard notamment par Michel Porter 1990 et Paul
Krugman 1991 reprend et élargit l’intuition marshallienne en montrant notamment que la
compétitivité d’une région est le fruit des interactions positives produites entre les institutions
publiques d’une part et le secteur industriel privé d’autre part. Les institutions de formation ou de
recherche, par exemple, sont susceptible de développer des effets de synergie qui améliorent les
performances économiques de l’ensemble des acteurs proches.
En somme, l’effet d’agglomération explique pourquoi les grands pôles industriels sont plus efficaces
que les petits et se développent plus rapidement. Il est aussi possible d’évoquer les effets
d’apprentissage (Hirsh 1956) pour ajouter une dimension historique au principe d’agglomération. Dans
ce cadre, plus un pôle industriel est ancien, plus il a accumulé de l’expérience et plus il devient efficace.
14
Sur la conception marshallienne des effets d’agglomération voir Gaffard, Jean-Luc et Romani, Paul-Marie, « A
propos de la localisation des activités industrielles : le district marshallien », Revue française d’économie, 1990,
n°3, vol. 5, pp. 171-185.
1
2
Avec l’instauration du marché unique qui facilite la libre circulation du capital et de la main d’œuvre,
les effets d’agglomération vont entrainer un effet de polarisation. En effet, l’espace économique
européen est historiquement et géographiquement extrêmement hétérogène. Certaines régions
disposent d’infrastructures et d’institutions économiques très performantes. Ces dernières ont été
acquises et développées au cours de l’histoire : une culture industrielle spécifique ; des systèmes de
formation professionnelle ; des institutions de recherche ; un marché du travail dense et diversifié ;
des institutions syndicales et une culture managériale adaptée aux spécificités de l’activité
industrielle ; des institutions publiques efficaces ; des infrastructures de transport ; un réseau dense
d’entreprises potentiellement sous-traitantes…
Ces institutions et ces infrastructures adaptées à l’activité industrielle constituent autant de facteurs
de production territoriaux qui rendent très performantes les entreprises industrielles situées à
proximité. L’effet d’agglomération entraine le développement de ces facteurs territoriaux qui eux-
mêmes engendrent un environnement territorial extrêmement favorable au dynamisme et aux
performances industrielles.
Dans le cadre juridique qui prévalait du temps du marché commun, les barrières qui existaient de facto
entre les États limitaient la circulation du capital et de la main d’œuvre. Cela permettait à chaque pays
de se développer industriellement en utilisant ses ressources propres et des systèmes de financement
nationaux. L’existence d’une politique industrielle volontariste permit également le développement
de stratégies d’industrialisation au bénéfice de régions moins favorisées et relativement pauvres en
facteurs territoriaux. Ce fut par exemple le cas de l’industrie aéronautique française que les pouvoirs
publics voulurent installer dans la région toulousaine, pourtant industriellement moins développée
que les territoires de l’est et du nord de la France.
Les règles du marché unique qui tendent à faciliter la libre circulation des facteurs de production
mobiles que sont le capital et le travail et qui limitent strictement la capacité des États à mener des
politiques contraires au principe de libre concurrence ont de fait engendré un puissant effet de
polarisation. Attirés par une efficacité plus élevée, les investissements industriels se sont
prioritairement développés dans les régions richement dotées en facteurs de production territoriaux.
L’Allemagne et les régions du cœur de l’Europe, celles dont l’histoire, les institutions et les
infrastructures ont largement accompagné le développement économique depuis le XIXe siècle, se sont
ainsi retrouvées très nettement favorisées par rapport aux territoires périphériques.
Pour illustrer les effets de polarisation et le rôle des facteurs territoriaux, soulignons l’importance des
infrastructures de transports fluviaux et maritimes. L’accélération de la mondialisation à partir des
années 1990 a permis le très fort développement du commerce international maritime. Pour de
nombreux industriels, l’accès à un port de taille mondiale est primordial pour réduire le coût logistique
des matières premières et des marchandises importées et pour s’ouvrir à moindre frais l’accès aux
marchés étrangers. Par ailleurs, plus le volume de marchandises géré par les ports est important, plus
les coûts d’acheminement sont faibles. Il en résulte que l’accès aux plus grands ports européens est
déterminant pour l’efficacité des industriels qui se destinent à vendre dans le monde entier. Or, la
répartition géographique des grands ports européens est très loin d’être uniforme. Les quatre plus
grands ports d’Europe en termes de volume se situent tous sur la mer du Nord, dans une bande côtière
d’à peine 500 km de long.
15
Le réseau des voies navigables permet malgré tout d’accéder à ces ports
depuis la Bavière, l’Autriche et les pays d’Europe centrale. Cependant, l’Europe du Sud et de l’extrême
nord en sont totalement exclues, ce qui induit un désavantage structurel pour les industriels de ces
pays. Or, dans le cadre des règles de la concurrence, ces désavantages géographiques ne peuvent être
compensés par des aides publiques. Cela conduit à un dynamisme plus faible et une spécialisation de
ces pays dans les activités économiques du secteur tertiaire, de la construction ou de l’agriculture.
15
Il s’agit dans l’ordre des ports de Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam.
1
3
Il est à présent possible de proposer une explication complète de la crise de la zone euro en illustrant
nos propos à l’aide du schéma suivant.
Figure 3.1 : représentation des dynamiques de divergence au sein du marché unique européen
4. L’échec des politiques d’ajustement structurel
Les autorités européennes ont posé le diagnostic d’une crise de l’euro qui émanerait d’un choc
exogène (la crise financière américaine) et qui aurait frappé des pays aux institutions bancaires et
étatiques trop fragiles pour lui résister. Elles ont donc cherché à mener, dans ces pays, des politiques
d’ajustement structurel censées corriger les défaillances qu’elles avaient préalablement identifié.
Notre analyse permet d’envisager une autre origine à la crise européenne de 2010-2013, celle d’une
défaillance interne du marché unique dont la logique tend à accentuer la mécanique de divergence
industrielle entre les économies européennes. Dans cette perspective, les politiques d’ajustement
menées au sein des pays touchés par la crise ne peuvent constituer une réponse adaptée. Seule une
profonde réforme de la zone euro et une remise en cause du cadre juridique du marché unique
pourraient en théorie répondre efficacement aux dysfonctionnements que nous avons montrés.
1
4
Il convient à présent de s’intéresser aux conséquences des politiques d’ajustement menées dans les
pays périphériques et d’en évaluer les effets sur les déséquilibres intra-européens ainsi que de
s’interroger sur la manière dont ces pays peuvent envisager de répondre aux défis posés par l’existence
du marché unique.
4.1 La désindustrialisation de l’Europe périphérique s’accélère
D’un point de vue strictement financier, tous les pays touchés par la crise ont vu se rétablir leurs
balances courantes ainsi que le montre le tableau 4.1. Néanmoins, le retour à l’équilibre n’est pas
nécessairement un indicateur de bonne santé économique. Il traduit essentiellement une réduction
des dépenses et des importations consécutives à l’affaiblissement du PIB et des revenus qu’ont
engendré les politiques d’austérité menées sous l’influence des autorités européennes depuis 2010.
Grèce
Irlande
Portugal
Espagne
Italie
France
2016
-1,1%
+3,9%
+0,6%
+1,9%
+2,6%
-0,9%
2017
-0,8%
+12,5%
+0,5%
+1,9%
+2,8%
-0,8%
Tableau 4.1 : balance des transactions courantes (% du PIB) Source OCDE
16
Ainsi, bien que les déséquilibres financiers semblent avoir disparus, il faut noter que la base industrielle
des pays périphériques semble avoir particulièrement souffert depuis 2007. Le graphique 4.2 ci-
dessous met en évidence les évolutions contrastées qu’a connu la production industrielle en Europe
au cours des dix dernières années. Trois catégories de pays peuvent être identifiées.
Les pays périphériques du Sud (Espagne, Grèce, Italie et Portugal) ont subi des politiques d’austérité
qui ont entrainé un effondrement du PIB et de leur demande intérieure. L’industrie, qui produit à
rendements croissants, est particulièrement vulnérable à une baisse de la consommation. Aux effets
structurels de la polarisation se sont donc ajoutés les effets d’une politique d’austérité qui a
particulièrement affecté le secteur industriel dont l’activité a baissé dans ces pays de 19% en moyenne
par rapport au niveau d’avant crise. Ces pays sont indiqués sur le graphique par courbes de pointillés
courts.
Les pays périphériques du Nord (Finlande, France, Royaume-Uni, Suède) appartiennent à une
catégorie intermédiaire. Dans ces économies, les politiques d’austérité ont été moins violentes et la
demande intérieure ne s’est pas effondrée. Aucune d’entre elles ne retrouve néanmoins le niveau de
production industrielle qu’elle atteignait au 1er trimestre 2007. L’activité industrielle a baissé de moins
de 10% sur la période. Ces pays sont indiqués par des courbes de pointillés intermédiaires.
Enfin, les pays du cœur industriel de l’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas, Pologne,
République Tchèque) ont pour leur part bénéficié pleinement des effets de polarisation. Pour ces
économie, l’activité industrielle au premier trimestre 2018 dépassait largement celle d’avant crise,
avec un gain particulièrement élevé pour l’économie polonaise dont la production industrielle a
augmenté de 63,8% par rapport au niveau atteint début 2007. Ces pays sont indiqués par des courbes
de pointillés longs, la Pologne par une courbe continue noire.
16
https://data.oecd.org/trade/current-account-balance.htm consulté le 7/07/2018.
1
5
Figure 4.2 : Évolution de l’indice de production industrielle en Europe du 1er trimestre 2007 (base 100)
au 1er trimestre 2018 Source : Eurostat
17
L’évolution de la production industrielle le démontre : les causes profondes de la divergence
économique européenne n’ont pas été atténuées par les politiques menées depuis 2010. On peut
même constater qu’elles se sont singulièrement renforcées.
Les observateurs attentifs de l’économie européenne partagent ce constat. Ainsi, dans une courte
analyse vidéo, l’économiste Olivier Passet ne manque pas d’affirmer : « divergences européennes,
c’est de pire en pire ».
18
L’analyse de Passet tient en trois points. En premier lieu, il constate que la
crise et les politiques d’austérité ont fortement réduit les dépenses d’investissement des entreprises,
en conséquence de quoi la productivité du travail a moins augmenté dans les pays d’Europe du Sud
que dans la moyenne européenne. En second lieu, Passet remarque que les États qui ont été les plus
durement touchés par la crise n’ont toujours pas retrouvé de marges de manœuvre budgétaire
suffisantes pour faire face à une éventuelle nouvelle récession. Enfin, il souligne que la faiblesse
persistante de l’inflation dans les pays d’Europe du Sud, ainsi que la persistance d’un « spread » élevé
sur les taux obligataires publics induisent des taux d’intérêt réel plus importants dans ces pays du Sud
que dans la moyenne européenne. La situation financière de l’Europe est donc à front renversée par
rapport à celle qui prévalait avant la crise, lorsque l’Europe périphérique bénéficiait de taux d’intérêt
plus faibles que la moyenne européenne. Or, si la faiblesse des taux d’intérêt avait alors suscité des
bulles immobilières et un endettement excessif, des taux d’intérêt trop élevés pénalisent les capacités
d’investissement public et privé et empêchent ces économies de retrouver une croissance durable.
En somme, dix ans après le déclenchement de la première grande crise économique qu’a dû affronter
la zone euro, les déséquilibres qui en sont à l’origine sont très loin d’avoir été supprimés.
4.2 Les stratégies non coopératives au cœur de la dynamique européenne
Comment les pays périphériques parviennent-ils à répondre malgré tout aux difficultés qu’ils
connaissent ? Le marché unique apparaît comme une institution qui renforce naturellement les
17
Base de données en ligne consultée le 4/7/2018.
18
Source : Xerfi Canal, http://www.xerficanal-economie.com, vidéo du 25/06/2018.
1
6
dynamiques de divergence en affaiblissant les économies les plus fragiles et en renforçant celles qui
disposent déjà des plus puissantes infrastructures industrielles. Comme le souligne Joseph Stiglitz,
cette dynamique pose un véritable problème de coopération entre les pays membres de l’Union
européenne : « les années écoulées depuis le début de la crise n’ont pas seulement conduit à une
divergence économique entre États membres ; elles ont aussi conduit à une divergence des
convictions », note-t-il (Stiglitz 2016, p. 47).
Pour la plupart des économistes, la théorie des zones monétaires optimales (Mundell 1961) implique
que soit développée une solidarité mutuelle et un sentiment d’appartenance entre les États qui
partagent leur monnaie. En effet, la pérennité économique d’un marché unifié par la concurrence et
organisé sous l’égide d’une même monnaie n’est soutenable à moyen terme que s’il existe un système
de mutualisation des risques et de transferts financiers susceptible de compenser les déséquilibres
territoriaux qu’il engendre.
19
Or, la mise en place d’un tel système est aujourd’hui rendue plus difficile
par l’absence de coopération des pays entre eux. En effet, il convient de constater que le
fonctionnement du marché unique tend plutôt à exacerber les rivalités entre les pays européens qu’à
faciliter leur coopération (Delaume et Cayla 2017).
Le cas irlandais est à ce titre symptomatique. Le redressement spectaculaire de l’économie irlandaise
est souvent présenté comme l’exemple du succès des politiques de redressement menées sous l’égide
des institutions européennes. L’Irlande est pourtant un exemple très particulier.
D’une part, ses performances économiques au cours des années 1990, et celles qui marquent le rebond
de l’économie irlandaise après 2012 doivent moins à l’efficacité des politiques de cohésion permises
par les fonds structurels européens qu’à une stratégie assumée de dumping fiscal qui parvint à
détourner, au bénéfice de son territoire, une partie des investissements réalisés en Europe,
notamment par les sociétés du numérique (Delaume et Cayla 2017, pp. 163-169).
D’autre part, le redressement irlandais depuis 2010 doit être très sérieusement relativisé. En effet,
comme le souligne l’économiste Philippe Askenazy (2014), l’existence de pratiques fiscales très
hétérogènes en Europe induisent des comportements d’optimisation fiscale de la part des entreprises,
ce qui biaise les statistiques économiques. Par exemple, le taux de croissance officiel affiché par
l’Irlande en 2015 (26,3%) renvoie surtout à des pratiques comptables qui tendent à localiser
virtuellement une partie de la production des entreprises dans des filiales irlandaises dédiées. La
croissance réelle de l’économie reste impossible à mesurer. Une étude plus attentive de l’économie
irlandaise montre que les pratiques fiscales de l’Irlande tendent à générer des chiffres
macroéconomiques aberrants sans le moindre rapport avec la réalité de l’économie locale (Cayla
2017).
Entre l’effet réel du détournement de production dont bénéficie l’Irlande et l’effet virtuel des pratiques
comptables, le redressement de l’économie irlandaise apparaît très spécifique et difficilement
imitable. Le danger pourrait même être qu’en voulant s’inspirer de l’Irlande, de nombreux pays
s’engouffrent dans des stratégies comparables. On notera que c’est en partie le cas du Portugal qui
accorde déjà de nombreux avantages fiscaux aux ménages et aux entreprises qui choisissent de
s’installer sur son territoire (de Montalbert 2017). Une multiplication de ces stratégies anti-
coopératives ruinerait à coup sûr toute tentative européenne de s’engager vers une forme
d’harmonisation fiscale et un renforcement de la coopération européenne.
19
« De fait, si des hétérogénéités caractérisent le fonctionnement de l’union, les questions distributives ne
peuvent être écartées de l’analyse coûts-bénéfices, ni la manière dont leur gestion est opérée au niveau national
et/ou supranational (ce que reflèteront en partie les structures de gouvernance de l’union concernée). L’option
du fédéralisme budgétaire et l’instauration de transferts (à visée assurantielle) entre les pays membres ont
souvent été évoquées dans cette perspective, tout particulièrement dans le cas de l’UEM », in Sénégas, Marc-
Alexandre, « La théorie des zones monétaires optimales au regard de l'euro », Revue d'économie politique, 2010,
vol. 120.
1
7
5. Conclusion
Depuis 2015 et le vote sur le Brexit, l’Union européenne connaît une profonde crise politique marquée
par la difficulté de relancer le processus d’intégration européen. Les défis récents auxquels les pays de
l’Union ont faire face, notamment la crise financière de la zone euro et la crise migratoire, n’ont
pas été relevés de manière collective. Au contraire, les dynamiques politiques actuelles tendent à
privilégier les solutions nationales, certains pays allant jusqu’à refuser l’application des traités en
vigueur
20
. Dans de nombreux pays, y compris en Allemagne, des mouvements souverainistes ou
d’extrême droite émergent dans l’opinion et, lorsqu’ils sont au pouvoir, pratiquent une politique qui
met en avant leurs intérêts nationaux au détriment de la coopération européenne. Au printemps 2018,
le refus unilatéral du gouvernement de coalition italien d’accueillir les migrants secourus en mer par
les ONG illustre cette stratégie. Certains pays d’Europe centrale, notamment la Hongrie et la Pologne,
en viennent à défier ouvertement les autorités européennes.
Face à ces bouleversements politiques, les ambitieux projets d’une refonte profonde de la zone euro
portés par Emmanuel Macron semblent dans l’impasse. La politique actuelle de l’Allemagne, très rétive
à tout système impliquant des transferts financiers vers les pays périphériques, interdit d’envisager,
même à moyen terme, un mécanisme susceptible de corriger les déséquilibres de la zone euro, soit
budgétairement, soit par la mise en place d’une véritable Union bancaire dans laquelle les pays
européens seraient solidairement responsables. À ce titre, l’évocation d’un budget de la zone euro
dont la perspective fut annoncée le 19 juin 2018 lors d’un sommet franco-allemand ne doit pas faire
illusion. D’une part, les sommes envisagées (quelques dizaines de milliards d’euros) n’apparaissent
guère en mesure de modifier les dynamiques de divergence actuelles ; d’autre part la perspective d’un
accord avec les 17 autres pays de la zone est très faible. Quand bien même ce budget verrait le jour, il
faudrait qu’existe une autorité qui dispose d’une légitimité démocratique pour en affecter les
ressources.
L’histoire économique démontre que les systèmes de péréquations permis par un budget conséquent
sont insuffisants pour lutter contrer les effets polarisants d’une économie organisée selon les principes
du libre marché. Aussi, si l’on veut éviter au Portugal ou à la Grèce de connaître le sort de l’Italie du
Sud ou des départements ruraux français, lesquels se sont largement dépeuplés depuis la fin du XIXe
siècle, il conviendrait d’abord de réformer en profondeur les règles mêmes du marché unique afin de
substituer au régime de libre concurrence un système qui permette d’avantager les pays périphériques
actuellement en voie de désindustrialisation accélérée.
Bibliographie
Artus Patrick et Virard, Marie-Paule (2017), Euro, par ici la sortie, Paris, Fayard.
Askenazy, Philippe (2014), « Faut-il pleurer sur les marges ? », Le Monde du 17/02/2014
Cayla, David (2017), « Ces chiffres miraculeux de l’économie irlandaise », Libération, blog des
Économistes atterrés, en ligne sur : http://leseconomistesatterres.blogs.liberation.fr
Delaume, Coralie et Cayla, David (2017), La fin de l’Union européenne, Paris, Michalon.
Duval, Guillaume (2013) Made in Germany : Le modèle allemande au-delà des mythes, Paris, Le Seuil.
Gaffard, Jeau-Luc et Romani Paul-Marie (1990), « A propos de la localisation des activités industrielles :
le district marshallien », Revue française d’économie, n°3, vol. 5, pp. 171-185.
20
C’est notamment le cas de la convention de Dublin dont l’application a éunilatéralement suspendue par
l’Allemagne depuis l’été 2015.
1
8
Hirsch, Werner (1956), « Firm Progress Ratios », Econometrica, n° 24, p. 136-144.
Krugman, Paul (1991), Geography and Trade, MIT Press.
Marshall, Alfred (1890) [1906], Principes d’économie politique, édition numérique, trad. de F. Sauvaire-
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Marty, Frédéric (2012), « Concurrence et politique industrielle : analyse de logiques distinctes », in de
Beaufort V. (s.d.), Entreprises stratégiques nationales et modèles économiques européens, Bruxelles,
Bruylant.
Meade James (1952), « External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation », The
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de Montalembert, Ghislain (2017), « Le Portugal et la Belgique, des eldorados fiscaux à nos portes »,
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Mundell, Robert (1961), « A theory of optimum currency areas », American Economic Review, vol. 51.
Porter, Michael (1990), The Competitive Advantage of Nations, New York, The Free Press.
Rinaldi, David (2016), Un nouvel élan pour l’Europe sociale, Institut Jacques Delors.
Sénégas, Marc-Alexandre (2010), « La théorie des zones monétaires optimales au regard de l'euro »,
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Stiglitz, Joseph (2016), L'Euro : comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe, Paris, Les liens
qui libèrent.
Article
Full-text available
This article aims to explain the contemporary emergence of populism in the European Union. According to Polanyi’s double movement framework, the emergence of these political forces can be understood as the result of protective responses from societies weakened by difficult market adjustments. Since the Single Act treaty (1986), the European economy took a path that intended to create a supranational self-adjusting markets economy based on the ordoliberal philosophy. However, by detaching the economic sphere from the reach of politics, the European Single Market has injured some important social institutions. The rise and the diversity of populisms in the European Union can therefore be explained by an attempt to preserve some national institutions that were diversely impacted by the market forces.
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La contribution d'A. Marshall à la mise en place des fondements théoriques de l'économie industrielle est aujourd'hui assez généralement reconnue parles commentateurs (A. Phillips et R.E. Stevenson [1974] , D.A. Morris et DJ. Morris [1979]). Néanmoins, son œuvre a surtout été présentée, dans la littérature anglo-saxonne en particulier, comme un "point de départ instrumental (...) une "boîte à outils" qu'il convient d'adapter afin de l'utiliser dans l'étude des comportements des firmes, des structures de marché et des performances industrielles" (A. Maricic [1988], p. 13). Cette interprétation dominante tient pour l'essentiel à la " curieuse négligence" (H. H. Lieb- hafsky [1955]) d'une partie importante de ses écrits plus spécifiquement consacrés à l'analyse des faits industriels. Mais, paradoxalement, la redécouverte récente, des deux autres grands ouvrages d'A. Marshall, The economics of industry [1879] * et Industry and trade [1919] 2, ainsi d'ailleurs que la publication de ses écrits de jeunesse3, n'ont pas eu pour conséquence de relativiser la place, dans la structure comme dans la portée de son œuvre, des Principles of economics. En autorisant une lecture renouvellée des éditions successives du texte de 1890, elles ont tout au contraire favorisé l'émergence d'une interprétation plus globale de la pensée marshallienne4. Dans un tel contexte, l'intérêt des chapitres de nature, au moins en apparence, plus descriptive qui abondent dans les Principes, ne pouvait plus longtemps échapper aux lecteurs attentifs. Il en est ainsi, par exemple, des 5 chapitres du Livre IV consacrés à l'Organisation industrielle et, notamment, du chapitre X sur " la concentration d'industries spécialisées dans certaines localités" dont nous proposons ci-dessus une traduction française5 et auquel nous consacrons le présent commentaire (...).
Euro, par ici la sortie
  • Artus Patrick
  • Marie-Paule Virard
Artus Patrick et Virard, Marie-Paule (2017), Euro, par ici la sortie, Paris, Fayard.
« Faut-il pleurer sur les marges ?
  • Philippe Askenazy
Askenazy, Philippe (2014), « Faut-il pleurer sur les marges ? », Le Monde du 17/02/2014
La fin de l'Union européenne
  • Coralie Delaume
  • David Cayla
Delaume, Coralie et Cayla, David (2017), La fin de l'Union européenne, Paris, Michalon.
Made in Germany : Le modèle allemande au-delà des mythes
  • Guillaume Duval
Duval, Guillaume (2013) Made in Germany : Le modèle allemande au-delà des mythes, Paris, Le Seuil.
  • Meade James
Meade James (1952), « External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation », The Economic Journal, Vol. 62, No. 245 p. 54-67.
  • Robert Mundell
Mundell, Robert (1961), « A theory of optimum currency areas », American Economic Review, vol. 51.
Un nouvel élan pour l'Europe sociale
  • David Rinaldi
Rinaldi, David (2016), Un nouvel élan pour l'Europe sociale, Institut Jacques Delors.
L'Euro : comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe
  • Joseph Stiglitz
Stiglitz, Joseph (2016), L'Euro : comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe, Paris, Les liens qui libèrent.