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La représentation des valeurs japonaises dans le manga Naruto [version preprint]
Valérie Harvey
Ce chapitre a été publié en version finale (pp. 75-98) dans :
Les arts martiaux. Entre enseignement et intervention
Sous la direction de : Olivier Bernard
Collection: L'univers social des arts martiaux
Publisher: Les Presses de l’Université Laval (PUL)
Parution: 15 janvier 2019
304 pages
https://www.pulaval.com/produit/les-arts-martiaux-entre-enseignement-et-intervention
À des fins de citation:
HARVEY, Valérie (2019). « La représentation des valeurs japonaises dans le manga Naruto [version preprint] »,
Les arts martiaux. Entre enseignement et intervention, Québec : Les Presses de l’Université Laval.
Résumé du chapitre
La popularité du manga Naruto et de ses dérivés (dessins animés, films, jeux vidéo) va au-delà du Japon, pays
d’origine de cette production. À travers l’analyse de deux aspects essentiels à la bande dessinée, soit les
représentations visuelles et certains discours-clés, ce texte fait des liens entre le manga Naruto et certaines
valeurs japonaises contemporaines. Ainsi, par les dessins, il est démontré que si le pays du héros est comparable
à une vision symbolique du Japon passé, les États-Unis sont également présents à travers le Pays de la Foudre;
de plus, la place que les femmes occupent dans le manga se rapproche du rôle des Japonaises dans la société
actuelle : fortes, mais principales responsables du soutien aux personnages principaux masculins. Ensuite, par le
discours, d’autres valeurs sont placées de l’avant : d’abord que si la finalité est celle de former un sauveur, la
construction du héros japonais se fait différemment qu’en Occident, le garçon associant la vraie force à ses liens
avec les autres, ce qui influence nécessairement la définition du bien et du mal; finalement, la nécessité du souci
collectif pour atteindre la paix. Si les valeurs de Naruto sont accolées aux réalités de la société japonaise actuelle,
la popularité du manga à travers le monde suggère un désir plus universel de leadership en lien avec les autres.
Biographie
Valérie Harvey a obtenu une maîtrise en sociologie à l’Université Laval où elle s’est intéressée au désir d’enfant
au Japon, pays où elle a vécu près d’un an et demi. Elle a par la suite publié plusieurs ouvrages en lien avec le
Japon, s’y intéressant de façon scientifique (essais, articles scientifiques) et artistique (romans, livres pour
enfants, chansons). Elle enseigne le japonais dans la ville de Québec et intervient régulièrement sur ICI Radio-
Canada Première à titre de sociologue et spécialiste du Japon. Sa thèse de doctorat en sociologie porte sur les
difficultés du retour au travail après un congé parental des pères québécois.
2
Il suffit d’entrouvrir la porte du monde des mangas (les bandes dessinées japonaises) ou encore d’aller vers les
animés (les adaptations télé) pour réaliser la dominance du titre « Naruto », constamment en tête des ventes et
des visionnements streaming. Les 700 chapitres de ce qui constitue les 72 tomes du manga Naruto couvrent une
période de 15 ans au Japon : d’octobre 1999 à novembre 2014. La série fut adaptée en deux titres : d’abord en
220 épisodes de Naruto (2002-2007) qui racontent l’enfance du héros, puis 500 épisodes supplémentaires de
Naruto Shippuden (2007-2017). À cela s’ajoutent 11 films, 6 OAV (Original Video Animation), plusieurs jeux vidéo
et des romans.
L’auteur et dessinateur, le mangaka Kishimoto Masashi, ne se doutait pas, en commençant à raconter l’histoire
de ce garçon combattant dans un monde imaginaire peuplé de ninjas que son manga trouverait une résonnance
aussi vibrante. Non seulement son œuvre est populaire au Japon, mais elle a brisé depuis longtemps les
frontières du pays. Traduite en français depuis 2002, puis en anglais dès 2003, les droits de la franchise ont été
achetés dans 90 pays selon un rapport de la TV Tokyo Corporation (2008 :9).
Une suite, qui s’attarde au parcours de Boruto, le fils de Naruto, est publiée depuis mai 2016 au Japon. Elle est
également adaptée en dessin animé (plus couramment appelé animé). La popularité est telle que les chapitres,
et les épisodes, sont pratiquement traduits immédiatement, puis disponibles simultanément en français et en
anglais grâce à différentes ententes commerciales.
Naruto est donc un phénomène culturel qui s’ancre dans ce début de XXIe siècle. D’abord et avant tout au Japon,
les chapitres n’ayant jamais été dessinés pour le public international. Mais ensuite, par sa large diffusion, dans
une partie du monde occidental. C’est sans doute pourquoi le personnage de Naruto se retrouve au centre des
ambassadeurs officiels choisis pour représenter l’équipe japonaise aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 (Sims,
2017).
La bande dessinée japonaise est divisée en plusieurs genres selon le public à lequel on s’adresse. Certains sont
publiés spécifiquement pour les adultes (seinen et josei manga), d’autres visent les adolescentes (shôjo) ou
encore les adolescents (shônen). Naruto fait partie du dernier style, les 少年 shônen manga, qui présente une
histoire de type 熱血 nekketsu, soit de « sang brûlant ». Les caractéristiques de ces scénarios sont de mettre en
scène un jeune garçon honnête et déterminé, qui aura à accomplir une quête contre le mal. Le héros développe
sa force, et ses amitiés, à travers des combats qui le poussent à ses limites, mais dont il se relève avec cette
« fièvre de gagner », d’où le nom donné à ces histoires. Les arts martiaux forment une part essentielle de
l’aventure du héros, symbolisant le dépassement personnel (discipline, persévérance) qui ne devient possible
que lorsque le personnage est solidement appuyé par le groupe (amitié, justice, loyauté). De nombreuses
histoires populaires au Japon (à la fois dans les mangas ou les romans) se basent sur ce type de scénarios. Le
manga Naruto est un des archétypes de ce style.
Que signifie cette popularité sans cesse renouvelée? À travers ce chapitre, j’aimerais m’inspirer de la sociologie
de la littérature pour fouiller un type d’œuvre culturelle moins étudiée, la bande dessinée japonaise (manga), et
son dérivé, l’animé qui est en inspiré, pour jeter un regard sur le Japon contemporain. Avec ce qu’il définit comme
la « sociologie du texte littéraire » (Zima, 2000 : 9) et qu’il nomme « sociocritique », Zima fouille les valeurs
sociales comprises dans le langage des œuvres littéraires, des valeurs qui « rendent compte des comportements
préconstruits des individus ou des groupes, de leurs croyances, de leurs préjugés, de leur esprit traditionnel ou
libéral, etc. » (Trudel, 1999 :6). Mais les œuvres littéraires vont au-delà en véhiculant aussi les normes, les
« règles communes que se donne collectivement une société » (Trudel, 1999 :6-7) et qui peuvent mener à une
sanction si elles ne sont pas respectées. En s’attardant uniquement au texte littéraire, Zima cherche à savoir
« comment les problèmes sociaux et les intérêts de groupe sont articulés sur les plans sémantique, syntaxique
et narratif » (Zima, 2000 :9).
3
L’utilisation de la théorie de Zima est limitée dans le cadre de l’analyse d’une bande dessinée. En effet, la
combinaison du texte à l’image ne peut être évacuée de la sociocritique d’une œuvre, étant donné que le fait de
dessiner les éléments permet d’éviter d’avoir recours aux descriptions ou même, à certains moments, aux
explications puisque l’action illustre le geste, l’environnement, la réaction.
Faire fi de cette alliance entre texte et image n’est pas le but de ce chapitre, mais les théories d’analyse dans le
domaine de la bande dessinée étant rares, certains n’hésitent pas à combiner l’analyse littéraire classique aux
cadres de la représentation théâtrale (Berthiaume, 2012 :3). Au lieu d’additionner les théories, il est également
possible d’utiliser une part d’une théorie et c’est le choix de ce texte. En tant que tel, c’est le concept de
« situation socio-linguistique » développé dans la sociocritique de Zima qui est intéressant pour cette analyse.
La situation socio-linguistique est l’interaction contenue dans le langage entre les discours présents ou passés,
cette représentation citée, développée, critiquée, parodiée, démembrée et recomposée qui implique le fait que
la parole modifie aussi les règles du système, qu’elle est elle-même « une structure ouverte en mouvement »
(Zima, 2009 :30), reflétant et modifiant le système d’où elle provient. C’est pourquoi ce texte s’attardera d’abord
aux images et aux rôles des personnages qui donnent le contexte du monde dessiné, avant d’aller plus
spécifiquement au niveau de la parole elle-même qui s’insère dans cet environnement. Car ce contexte dessiné
et mis en place vient appuyer la cohérence avec l’écrit.
Étant donné que la série s’est terminée depuis peu et qu’elle se poursuit à travers Boruto, l’interprétation est
limitée par son actualité. Il est plus rare de s’attarder à une œuvre toujours en construction, car cette sociologie
spontanée du savoir scientifique court davantage le risque d’inclure les propres prénotions du chercheur dans
l’objet qu’il analyse (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1983). Il est évidemment difficile de se détacher du
contexte historique dans lequel on écrit, mais cela sera également le cas pour un chercheur s’attardant à la même
œuvre, cinquante ans plus tard. Il aura, lui aussi, la tendance à interpréter le résultat en fonction de sa propre
historicité. C’est un problème récurrent, évoqué dès qu’on s’attarde « en direct » à des phénomènes (Clain,
2013 :400). Le seul avantage d’une analyse sur le « vif » d’une œuvre littéraire en cours réside peut-être dans
cette historicité « alignée » du chercheur et de l’œuvre. Sans prétendre pouvoir faire fi de toutes les prénotions
existantes, une interprétation se basant sur des concepts étudiés par d’autres chercheurs peut permettre
d’éviter les plus grands pièges.
Une autre difficulté s’ajoute à l’analyse puisque l’œuvre originale est écrite en japonais. Doit-on analyser les
textes à partir des traductions diverses effectuées en anglais et français? Si oui, doit-on utiliser les traductions
officielles des éditeurs ou choisir l’une de celles faites par les fans? Les premières ont la particularité d’être
parfois adaptées au contexte culturel où elles seront publiées, les deuxièmes sont souvent plus littérales (ce qui
peut les rendre plus « étranges » à l’oreille francophone ou anglophone). Afin d’éviter de trancher pour l’une ou
l’autre des traductions, ce texte citera les mots originaux en japonais, ce qui permettra à un lecteur familier avec
cette langue de lire la version originale. Une traduction française sera proposée pour chacun des exemples.
Ainsi, le but de ce chapitre est de montrer que les valeurs japonaises sont bien présentes dans l’une des œuvres
phares de ce pays. Ce texte peut être compris sans connaître le manga Naruto, mais il aura révélé des éléments-
clés du récit (avis à ceux qui détestent les divulgacheurs/spoilers). Je fais l’hypothèse que le succès de Naruto
s’explique en bonne partie par le fait que les valeurs et les normes du manga sont en adéquation avec la société
japonaise actuelle. En conclusion, je propose une explication à propos de la popularité de ce personnage et de
son monde en dehors du Japon.
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LES REPRÉSENTATIONS VISUELLES
Les pays du Feu et de la Foudre : Japon et USA
Le personnage de Naruto est originaire du pays du Feu. Il héberge à l’intérieur de lui le renard à neuf queues, un
monstre de feu, à la fois lumineux et destructeur, reconnu comme l’une des bêtes à queues les plus puissantes.
Pour les dirigeants du pays, ce monstre est une « arme » pouvant servir en cas de guerre avec les pays
environnants.
Le renard à neuf queues est une figure mythique présente en Asie de l’Est, la plupart du temps un être à tendance
maléfique. Il se nomme 九尾の狐 (kyuubi no kitsune) au Japon soit « renard à neuf queues ». Dans le manga, on
l’appelle plutôt 九尾 (kyuubi), ce qui signifie littéralement « neuf queues ».
Le folklore japonais n’associe pas le feu au renard à neuf queues et le manga ne le fait pas explicitement non
plus. Mais lorsque le renard prend le contrôle de Naruto, sa force brûle littéralement la peau du garçon. Lorsque
le personnage principal apprend à se servir de ce pouvoir, il se transformera alors en « Naruto lumineux » : il
devenant aussi brillant que le soleil, les flammes entourant son corps.
Pourquoi avoir fait ce choix du feu dans l’élément qui représente le pays et le monstre sous leur gouverne? Ce
symbole n’est pas innocent quand on sait que la déesse japonaise du soleil, Amaterasu, domine le panthéon des
dieux shintoïstes, la religion traditionnelle du pays. C’est la raison pour laquelle le drapeau japonais est un
immense soleil rouge sur fond blanc. Le nom du pays en japonais 日本 nihon est formé des caractères de
« soleil » et de « origine », soit « le pays d’où origine le soleil ».
Le soleil donc. La puissance. Symbole historique du Japon et donc du pays de Naruto. Ce garçon porte un monstre
en lui, une bête à neuf queues, une arme également menaçante pour son propre pays, ce qui explique en partie
la peur et le rejet des habitants. Une créature que le mangaka a choisi de lier au feu, une puissance à la fois
dévastatrice et bienfaitrice.
Cette force, les Japonais l’ont expérimenté plusieurs fois au cours de leur histoire. Leur pays est sorti des eaux
grâce aux collisions de quatre plaques tectoniques de la ceinture de feu du Pacifique. Ce qui signifie que les
volcans sont nombreux, les tremblements de terre une réalité quotidienne, les tsunamis un risque réel, comme
l’a tristement montré la tragédie de 2011 au Tohoku, qui a fait près de 20 000 morts. Au cours de l’histoire, les
Japonais ont vu à de nombreuses reprises la lave et les incendies dévaster leurs villes. Le feu, et sa force
destructrice, n’est pas une vue de l’esprit. Mais les volcans ont aussi apporté des terres fertiles, des onsen 温泉
(sources thermales) et de l’énergie.
Ainsi, le village de Naruto sera plusieurs fois rasé et il sera reconstruit. Comme on l’a fait par exemple avec le
château d’Osaka : le bâtiment que l’on admire aujourd’hui est en fait la troisième reconstruction. Dans le manga,
le monstre à neuf queues surgit à l’occasion et il dévaste tout. Comme les volcans et les tremblements de terre,
il est une menace « naturelle » difficile à contrôler, à prévoir, malgré toutes les connaissances et les moyens
technologiques (Poupée, 2012 :179). Ainsi, le pays du Feu dans lequel évolue Naruto et le renard à neuf queues
comme puissance à la fois bénéfique et maléfique incarnent de manière imagée le Japon et la résilience
nécessaire pour vivre avec ces menaces quotidiennes.
Toutefois, si le pays du Feu est une belle allégorie du Japon, le pays de la Foudre est symbolique de la manière
dont les Japonais perçoivent les Américains. La nation de la Foudre est la seule à présenter des personnages
ayant plusieurs couleurs de peaux (blanches, métisses, noires) avec des visages très diversifiés. On y retrouve
même dessiné le stéréotype de la pin-up hollywoodienne modifiée par la chirurgie : ses collègues insistant
souvent sur la lourdeur de ses seins immenses. À noter que si l’image de Samui correspond à celle d’une femme
5
pouvant faire les couvertures de PlayBoy, son attitude en est très loin, le personnage prenant très au sérieux ses
missions en tant que ninja de haut rang du pays. C’est un contraste intéressant sur lequel ce texte reviendra plus
loin.
Comme mentionné plus haut, le pays du Feu a, comme arme ultime, le contrôle sur une « bête à queues », le
Kyuubi. En théorie, les autres pays aussi ont une telle arme à leur disposition. Dans le manga, chaque monstre
sera volé à celui qui l’héberge, ce qui provoquera la mort de l’hôte. On cherche donc à protéger Naruto, puisqu’il
est le détenteur de la bête à neuf queues.
Si Naruto réussit à éviter le vol de son monstre (échappant ainsi la mort), le seul autre pays qui restera longtemps
dans la même situation lors de la guerre finale est le pays de la Foudre. Leur héros, Killer-Bee, avec sa bête à huit
queues 八尾 Hachibi, peut faire face, en puissance, à celle du pays du feu. Il est l’allié de Naruto, se joignant à la
grande alliance de toutes les armées nationales réunies pour affronter Obito et Madara.
Cela n’est pas innocent. D’un point de vue militaire, l’armée américaine est toujours la 1re puissance mondiale,
selon la quantité d’armements, le nombre de soldats et les budgets militaires. Avec leur « force d’autodéfense »,
les Japonais figurent au 8e rang mondial, alors que le Canada est 25e (GlobalFirepower, 2018). Les États-Unis ont
également une entente avec le Japon, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, qui leur assure une part du
territoire des îles d’Okinawa, où près de 50 000 soldats sont stationnés dans les différentes bases américaines.
Ainsi, la façon dont les habitants du pays de la Foudre sont dessinés et leur incroyable force militaire font d’eux
de précieux alliés lors du conflit final de la Quatrième Grande Guerre Shinobi. Cela incite à penser qu’ils se
rapprochent de l’idée que les Japonais se font des États-Unis.
À noter que le monde où se déroule l’histoire du manga est constitué de plusieurs pays, dont cinq sont
dominants : ceux du Feu, de la Foudre, de la Terre, du Vent et de l’Eau. Les dirigeants officiels de chacun des pays
sont des gens de la noblesse, ils portent le titre de daimyô 大名. Chacun de ces pays a un village caché peuplé
de ninjas. Le chef de ce village est le kage 影, mot signifiant « ombre ». Ces kage sont nommés par le daimyô,
mais ils doivent toujours être choisis parmi les meilleurs ninjas, ceux ayant fait leurs preuves, à la fois au niveau
de la force, mais aussi auprès des résidents du village. C’est donc un honneur, mais aussi une fonction plus
« démocratique » puisque la reconnaissance du peuple aura un grand poids dans le choix du kage. En résumé, le
daimyô a davantage une fonction symbolique qu’un pouvoir réel, qui a l’obligation de choisir un kage ayant déjà
un fort potentiel de leader pour éviter la rébellion de sa population la plus puissante (les ninjas).
Cette division du pouvoir fait penser à la structure politique du Japon aux époques Meiji, Taishô et Shôwa où
l’empereur avait les rôles de commandant suprême et de dieu vivant, mais aussi la responsabilité de nommer le
Premier ministre, une fonction devant rallier les différentes factions, à la fois des politiciens et des armées. Selon
une récente analyse des événements ayant mené à la guerre de Quinze ans (1931-1946), l’historienne Kawamura
montre bien que le Japon politique des années 1920 et du début des années 1930 fut chaotique, entre un séisme
dévastateur (100 000 morts), des tentatives d’assassinat, des coups d’État manqués et des chefs militaires qui
envahissent une partie de la Chine avant d’obtenir le sceau de l’empereur (Kawamura, 2015 :39). Elle en conclut
que l’empereur n’avait pas le pouvoir d’empêcher le Japon d’entrer en guerre contre les États-Unis à ce moment-
là, entre autres choses à cause du grand pouvoir des forces militaires japonaises (Kawamura, 2015 :19). De la
même manière, les kage sont les véritables puissances des pays du monde de Naruto, non seulement parce qu’ils
sont forts, mais aussi parce qu’ils sont plus près d’être les « dirigeants du peuple ».
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Les personnages féminins : protectrices en chef
Les femmes dans Naruto sont nombreuses, permettant à ce manga d’éviter les reproches quant au syndrome de
la Schtroumpfette (qui se définit par l’idée de ne mettre en scène qu’un ou deux personnages féminins au milieu
d’une foule de personnages masculins). Si dans d’autres mangas dominants, elles sont peu nombreuses
(DragonBall) et/ou portent un vêtement minimal (Fairy Tail, OnePiece), elles sont relativement plus présentes
dans Naruto. Elles ne forment pas la moitié du groupe, mais elles sont là régulièrement et elles ont parfois des
positions de leader. Ainsi, elles combattent, quelques-unes sont des ninjas de haut niveau (Samui, Kurenai), elles
peuvent être effroyablement fortes (Tsunade, Sakura) et certaines deviennent kage (Tsunade, Terumi,
Kurotsuchi). On pourrait donc en conclure que les femmes dans Naruto ont une image résolument moderne, ce
qui est en partie juste.
Mais il y a plusieurs aspects qui troublent ce portrait flatteur. D’abord, le fait que les ninjas féminines sont
souvent des spécialistes du chakra et donc des ninjas médicales. Il est donc de la plus grande importance que
pendant les batailles, elles restent derrière pour pouvoir guérir les blessés. De plus, lorsqu’elles deviennent
mères, elles ont tendance à abandonner leur rôle de combattante pour prendre soin des enfants. L’exemple le
plus flagrant est celui de Kurenai Yuuhi, une ninja de haut niveau qui, lorsqu’elle deviendra mère monoparentale,
n’aura quasiment plus de présence à l’écran, excepté comme veuve éplorée et mère épanouie. Les deux
principales femmes qui deviennent kage dans l’histoire du manga Naruto (la Hokage Tsunade et la Mizukage
Terumi Mei) sont célibataires, la première ayant perdu l’amour de sa vie (et n’ayant pu aimer un autre par la
suite), la deuxième étant clairement frustrée de ne pas être mariée. Il est particulièrement intéressant de noter
que les kage précédant Tsunade au pays du Feu ont tous eu une descendance, et donc une épouse.
Au début des années 1970, le psychanalyste Takei Doi, dans l’ouvrage The Anatomy of Dependence, a analysé
l’importance au Japon du lien entre la mère et son enfant pendant les premières années de son existence. Il en
a conclu que l’amae, le lien qui se forge entre l’enfant et sa mère, était essentiel à toute relation significative par
la suite, cette empreinte continuant d’influencer l’attitude de l’adulte et assurant son intégration réussie à la
société japonaise (Holloway, 2010 :36).
Les conclusions de Doi ont fortement influencé la vision de la société japonaise à propos des femmes. Elles sont
devenues garantes d’un foyer où il fait bon vivre et revenir après le travail ou l’école. Un lieu où on laisse les
pressions du monde extérieur à la porte, à lequel les hommes et les enfants sont chanceux d’appartenir, où ils
se sentent en confiance, réconfortés, écoutés, soignés par ce qu’on surnomme la « femme de maison
professionnelle » (Holloway, 2010 :37). Même aujourd’hui, les maris sont ceux qui apportent les principales
sources de revenus à la maison et on attend des mères « […] qu’elles vivent un "naturel" et irrévocable flot
d’émotions positives envers leurs enfants et elles sont découragées de faire quoi que ce soit qui puisse
concurrencer l’attention et le temps dédiés au soin de leurs enfants
1
» (Holloway, 2010 :37). Cette division des
rôles est très répandue: « Plusieurs Japonaises se sentent comme des étrangères, gaijin, dans leur propre pays
2
»
(Madeley, 2012 :792). Les femmes comme Kurenai, qui quittent le marché du travail à la naissance de leur enfant,
sont encore nombreuses dans le Japon d’aujourd’hui puisque ce pays est l’un des seuls de l’OCDE à présenter
une courbe d’activité au travail en M pour les femmes. Cela signifie que, même si le taux d’emploi des femmes
de 20 à 30 ans est élevé et ne cesse d’augmenter, se situant autour de 70 % en 2007 (Keizai Koho Center, 2010:
83), 40 % des femmes se retirent encore à la naissance du premier enfant, puis retournent sur le marché du
travail entre 40 et 50 ans. Seulement 22 % des mères ayant un enfant d’âge préscolaire continuent d’exercer
l’emploi qu’elles occupaient avant sa venue au monde (Holloway, 2010: 172).
1
Td a: “[…] are expected to experience a "natural" and unequivocal flood of positive emotion toward their children and are
discouraged from doing anything that would compete with devoting time and attention exclusively to child care.”
2
Tda : “Many Japanese women feel like foreigners, gaijin, in their own country.”
7
Cela coïncide avec une autre caractéristique des femmes dans Naruto : celle d’être des amoureuses instantanées
et fidèles (Tsunade, Karin, Sakura, Ino, Hinata). Lorsqu’elles ont fixé leur attention sur un garçon, leur amour est
inconditionnel, même si l’homme en question agit méchamment avec elles. Karin est ainsi mortellement blessée
par Sasuke. Elle sera sauvée puis reviendra vers lui pour continuer d’obéir à chacun de ses ordres. Quant à Sakura,
elle est sauvée in extremis par Naruto, alors qu’elle est sur le point d’être tuée par le même Sasuke, celui qu’elle
n’ose menacer sérieusement par amour. Mais peu importe ces dangers, les femmes restent fidèles à l’objet de
leur affection dans la majorité des cas.
Comment les hommes tombent-ils en amour dans ce manga? Il est impossible de le savoir. Alors que
pratiquement toutes les femmes dans Naruto sont particulièrement « verbales » à propos de l’objet de leur
affection, seuls Naruto et Obito sont visiblement amoureux. Il semble rapidement évident que de réagir de la
même manière que les filles devant l’être aimé (bégaiements, rougeurs, rêves de baiser, etc.) montre un manque
de retenue chez ces deux garçons assez « naïfs » pour s’exposer ainsi publiquement. Naruto sera d’ailleurs l’un
des seuls exemples où l’adulte aimera finalement une autre femme (Hinata) que son fantasme d’enfance
(Sakura).
Finalement, s’il faut louer le fait que les femmes représentées sont peu sexualisées (sans habit particulièrement
moulants, avec peu de scènes visant à nous montrer des femmes dénudées), il ne faut pas voir les femmes laides
et vieillissantes. C’est pourquoi la figure féminine la plus forte, la kage Tsunade, est une femme âgée qui utilise
ses pouvoirs pour conserver une image continuellement jeune et sexy. Dans le Japon d’aujourd’hui, la pression
pour garder une apparence jeune n’est pas imaginaire : « Pour attirer un copain, les filles américaines prétendent
qu’elles sont des femmes, alors que les femmes japonaises prétendent qu’elles sont des jeunes filles
3
» (Cherry,
2017 :59). L’obligation d’être kawaii (mignonne) est une façon d’attirer sexuellement un garçon tout en restant
près des caractéristiques de l’enfance : innocente, timide et romantique (Gomarasca, 2002 :39). Tsunade n’a pas
l'allure d’une fille, mais elle reste proche de son apparence de jeune femme, « gaspillant » une partie de sa force
à camoufler son âge. Cette influence de la culture kawaii explique peut-être également pourquoi les filles dans
Naruto ont toutes des attitudes identiques quand elles sont amoureuses : elles passent d’une combattante fiable
à une personne incapable de se concentrer lorsqu’elles sont près de celui qu’elles aiment.
Ainsi, les ninjas féminines dans Naruto ont de la force, elles savent se défendre si nécessaire. Mais leur spécialité
en soins et la manière dont elles aiment, puis comment elles se consacrent aux enfants par la suite, montrent
qu’elles sont surtout les responsables de cet espace de protection et de rétablissement nécessaires à la stabilité
des vrais combattants sur le terrain, ceux qui auront les blessures et les cicatrices : les ninjas masculins.
LES REPRÉSENTATIONS TEXTUELLES
La construction d’un superhéros : loin du self-made man
Le manga suit Naruto depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte et même jusqu’à son rôle de parent dans la série
Boruto. La série se base donc sur un enfant qui vit des épreuves difficiles, les surpasse pour devenir un héros et
sauve le monde. Un scénario classique.
Mais comme on l’a vu, Naruto grandit dans un monde japonais. Si le résultat est le même que les superhéros
américains où l’enfant solitaire perd ses parents très jeunes et surpasse les épreuves (Batman, Spiderman,
Superman, etc.), le chemin pour devenir un sauveur ne ressemble pas au parcours des héros américains. À cause
de la bête à neuf queues, Naruto est différent, ce qui a comme conséquence que tout le village le rejette. Ce qui
3
Tda : “To attract boyfriends, American girls pretend they are women while Japanese women pretend they are girls.”
8
donne lieu à de durs moments pour le lecteur qui comprend difficilement comment des adultes peuvent en
arriver à être aussi cruels avec un enfant.
Au Japon, un proverbe dit 出る杭は打たれる (deru kui wa utareru) ce qui signifie que « le clou qui dépasse
appelle le marteau ». Une personne différente, même un enfant, doit « apprendre » à suivre les règles. S’il a un
passé difficile, il doit rester encore plus discret, ne pas déranger la cohésion sociale. Ce que ne fait pas Naruto,
cherchant à attirer l’attention en faisant toujours plus de gestes répréhensibles.
Graduellement, des individus de l’entourage de Naruto comprendront le grand vide de cet enfant qui cherche à
être reconnu, à être aimé. Et ces personnes-clés s’attacheront à lui. Ce qui permet à l’enfant d’accepter sa
différence (il héberge un monstre en lui) et son histoire (ses parents sont morts à sa naissance). Ce qui le fera
passer du cancre de son village au héros.
Le résultat est le même que les superhéros américains : le garçon passe à travers des épreuves difficiles, il devient
très puissant et il sauve le monde. C’est le chemin qui est radicalement différent. Dans cette série, il y a plusieurs
rappels de ce qu’est « la vraie force » : Naruto revoit constamment les images de son enfance et des gens qui
l’ont appuyé, qui ont cru en lui pour aller plus loin. La « vraie force » est explicitement présentée comme les
relations avec les autres, le désir d’aider ceux qui ont cru en nous, la profonde conviction qu’il faut essayer de
faire mieux, de faire plus pour construire un monde meilleur.
Lorsque Gaara et Naruto se rencontreront, jeunes adolescents, Gaara, détenteur de la bête à une queue, dira à
Naruto, pour justifier son envie de meurtre :
「オレはオレ以外全ての人間を殺すために存在している」
« La raison de mon existence est de tuer les humains, excepté moi-même. »
Naruto devinera rapidement le chemin de solitude qu’a dû traverser Gaara, étant donné qu’il héberge lui aussi
une bête en lui. Gaara devient comme un miroir de lui-même, celui qu’il serait peut-être devenu si personne ne
lui avait tendu la main. Et il répond à Gaara, après l’avoir vaincu :
「一人ぼっちの… あの苦しみはハンパじゃねーよなぁ… お前の気持ちは…なんでかなぁ…
痛いほど分かるんだってばよ… けど… オレにはもう大切な人たちが出来たんだ…
一人ぼっちのあの地獄から救ってれた… オレの存在を認めてくれた… 大切な皆だから。」
« Être complètement seul… La souffrance que ça cause… Tes sentiments… Ce qu’ils sont…
Je comprends cette douleur… Mais… J’ai réussi à avoir des personnes importantes pour moi…
J’ai été sauvé de cet enfer de solitude… Je me suis accepté, grâce à ces personnes importantes. »
La vraie force n’est pas de « pouvoir » tuer tout le monde, d’être le plus puissant, de dominer. Elle n’est donc
pas tellement liée à ce monstre qui donne à Naruto des pouvoirs extraordinaires ni à son travail constant pour
le maîtriser. Car la seule façon de réussir à contrôler un pouvoir difficile, c’est d’avoir été appuyé, aidé, cru. C’est
ce que ce personnage a compris très jeune (dès le début du manga) et c’est ce qu’il portera tout au long de son
histoire.
Par rapport au « self-made man » américain, il y a donc une forte opposition. Et c’est très représentatif de ce
qu’est le Japon : la réussite n’est pas due au seul talent, au travail acharné. La réussite est liée à tous ces autres
qui ont permis d’avancer quand ça n’allait plus, à tous ceux qui ont cru quand il y avait un besoin, aux liens
significatifs qui se sont forgés avec le temps.
Comme on l’a vu précédemment, au niveau de l’image, plusieurs indices indiquaient qu’on pouvait voir les États-
Unis dans le pays de la Foudre. Le discours est également très parlant. En effet, c’est la seule nation où les
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personnages ont un accent. Et pas n’importe lequel : le héros Killer-Bee (qui héberge la bête à huit queues en
lui) parle parfois avec l’accent d’un anglophone qui prononce le japonais. Ce n’est pas le seul aspect de sa
personnalité qui est significatif : Killer-Bee est un peu étrange, difficile à saisir, étant toujours entre le ridicule (en
récitant du rap aux rimes douteuses) et la pertinence (donnant des conseils à Naruto pour contrôler son pouvoir).
Il sourit et garde le moral, malgré les difficultés, semblant ne rien prendre au sérieux. Il est à l’image de ces
Américains, vu de façon positive et négative. Les Japonais ont parfois du mal à saisir leur message, leur intention,
étant donné la façon « exubérante » qu’ils ont de s’exprimer et d’agir. On les apprécie, on les respecte, mais on
ne les comprend pas toujours. On les trouve impulsifs, un peu intenses, parfois trop sûrs d’eux et de leur opinion,
mais on admire aussi cette détermination, cette audace.
Le kage du pays de la Foudre est un personnage qui présente d’autres traits archétypaux : il est très fort, mais
également têtu et il exprime souvent sa colère dévastatrice, cassant les meubles et les murs. Il peut être
« raisonnable », mais cela prend du temps et de la force pour le faire changer d’idée… Et ce kage a une
conception tout autre de la puissance.
Lorsque Naruto le supplie à genoux d’épargner son ancien ami Sasuke, devenu criminel, le kage du pays de la
Foudre se met en colère et réplique :
「忍が簡単に頭をすげるな!忍が尊重するものは行動と力だ!」
« Les ninjas ne s’agenouillent pas aussi facilement! Ce qu’un ninja respecte est l’action et la puissance! »
Or, beaucoup plus tard dans le manga, alors que Naruto mène le groupe des ninjas vers le combat ultime, le
kage du Pays de la Foudre se fait la réflexion que :
「火影になる者は土下座が好きなようだが… アレも…
想いを伝える行動であり、力になりえるのかもしれんな…」
« Les kage du Pays du Feu semblent aimer s’agenouiller devant les autres, mais… C’est aussi…
Cette façon de communiquer ses sentiments, c’est la puissance… »
Ainsi, le leader suprême du pays de la Foudre reconnaît que la collaboration avec les autres, le désir de
compromis et d’harmonie est une puissance.
Le bien et le mal : la force du lien
Dans Naruto, non seulement le héros vieillit, mais le scénario présente des situations complexes et nuancées, où
il n’y a pas de division nette entre les gentils et les méchants. Les personnages en teintes de gris sont très
nombreux. Certains sont d’un gris très sombre, penchant fortement vers le noir, d’autres sont beaucoup plus
difficiles à étiqueter (Obito, Madara, Pain, Itachi, Konan, Karin, etc.) Sont-ils vraiment méchants? Ou sont-ils
plutôt manipulés parce qu’ils souffrent?
L’exemple le plus évident est le personnage de Sasuke, le meilleur ami de Naruto. Si Sasuke a lui aussi un passé
difficile, il suit le chemin contraire du héros. Il tente de soulager sa douleur en se vengeant de son frère Itachi
parce que la souffrance qu’il ressent est « de la faute d’Itachi », puis, réalisant son erreur quand il apprend la
vérité sur son frère, il transfère sa vengeance sur le pays du Feu. Il répète toujours le même schéma : il se venge
pour tenter de faire la paix avec son passé. Et le but est toujours de faire payer les méchants.
Le manga montre bien qu’en faisant cela, Sasuke blesse, tue, abîme tout autour de lui pour tenter d’atteindre
son but. Sans jamais être soulagé. Il n’arrive pas à s’arrêter et à faire face au pire : la souffrance à l’intérieur. Ce
que Naruto fait lentement, apprivoisant le monstre en lui, appuyé par ses relations avec les autres. Mais Sasuke
a rejeté tous les liens, n’ayant plus envie de perdre une personne chère et de « s’affaiblir ».
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Toutefois, sans liens, il n’a pas la force de faire face à ses démons. Il devient donc un monstre lui-même. Que
tout le village rejette, ayant perdu l’empathie envers cet ancien étudiant modèle et admirable. Il n’y aura que
Naruto pour croire encore. Parce que c’est le propre de ce héros : savoir que seul un lien fort peut te ramener,
que sans cette main tendue, rien ne sera possible.
On en vient à l’idée du lien, un concept très important en japonais. Des temples existent pour « défaire les liens »
avec des personnes qu’on souhaite exclure de sa vie. Parce que les liens amènent certaines obligations. Mais ils
sont aussi la plus grande force.
Plusieurs mots existent en japonais pour parler du « lien ». Il y a 縁 en, un lien qui n’est pas choisi, imposé par
les dieux, par la destinée. Mais les deux principaux mots utilisés dans Naruto sont plutôt 絆 kizuna et 繋がり
tsunagari, des liens qui se forgent avec le temps.
Le Japon est bâti sur le modèle d’une société collective. Comme cela a été mentionné, les catastrophes naturelles
récurrentes se sont ajoutées aux conflits humains sur une terre ayant un nombre limité d’espaces cultivables.
Voilà pourquoi la « maisonnée », le groupe auquel on appartient, a une grande valeur au Japon, car la
collaboration entre les membres d’un même ensemble était fondamentale à la survie. Le terme 家 ie, peut se
traduire de différentes façons : « maison », « maisonnée », « ménage », « famille ». Il symbolise la façon dont les
Japonais concevaient l'unité et leur société, un concept toujours présent, d’après l'anthropologue Nakane. Selon
cette dernière, dans la société actuelle, ie aurait simplement dérivé du concept de la famille vers l'entreprise :
« […] la structure traditionnelle persiste dans une large mesure. Cela démontre que la structure sociale de base
d’une société se maintient, malgré de grands changements dans l’organisation sociale.
4
» (Nakane, 1986 :177)
Les membres du même groupe sont liés par l’amae, « un sentiment de dépendance, d’interdépendance… Il est
le reflet de l’affection d’un petit enfant pour sa mère. Les attentes qui découlent de ce sentiment mêlé d’affec-
tion et de dépendance subsistent tout au long de l’existence d’un Japonais. C’est le lien qui unit et assure la
cohésion de la société japonaise » (Hirai, 2012 :9).
« L'amae inspire aussi les relations entre les grandes entreprises et leurs salariés. […] l'employeur attend des
salariés qu'ils s'identifient totalement à l'entreprise, et que celle-ci leur soit au moins aussi chère que leur propre
famille » (Hall et Hall, 1994 :81). C'est grâce à l'amae que les frontières entre une personne étant à l'intérieur ou
à l'extérieur du groupe (ie) sont claires.
On traduit parfois amae par « dépendance ». Or ce mot a une connotation négative en français, alors qu’en
japonais, cela est moins vrai. Effectivement, l’amae amène des obligations, inclut cette idée d’être redevable à
d’autres personnes et d’assumer cette responsabilité toute sa vie. C’est un poids énorme. Les entreprises
utilisent parfois jusqu’à l’extrême ce dévouement de leurs employés et leur désir de tendre vers la perfection
liée à leur histoire (North, 2010 :7) jusqu’à l’épuisement professionnel et/ou le karoshi (la mort par excès de
travail). De la même manière, le suicide n’est généralement pas bien vu (sauf s’il sert à sauver l’honneur), car il
est le choix d’un individu cherchant à « couper » ses liens avec ceux et celles qui ont tant fait pour lui. C’est l’une
des raisons pourquoi plusieurs Japonais décident plutôt de « s’évaporer », devenir des 蒸発 jôhatsu, c’est-à-dire
disparaître sans laisser de traces (Mauger et Remael, 2014 :26).
Si les liens peuvent être lourds à porter, ils sont également essentiels pour survivre, comme le montrent les
extraits cités auparavant. Les autres qui se sont liés, qui ont cru en une personne ou un projet collectif sont
importants. Et ils permettent de surmonter la douleur et les cicatrices que les différentes souffrances qu’un
individu devra affronter au cours de sa vie. :
4
Tda: “[…] the traditional structure persists in large measure. This demonstrates that the basic social structure
continues in spite of great changes in social organization.”
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Par exemple, Naruto exprime à son ennemi :
「仲間とのことならどんだけ痛くてもガマンするつってんだ!
仲間が居ねーのが一番痛エんだよオレ!以上!」
« Même si ça peut faire mal quand on a des amis, j’endurerai!
Car c’est de ne pas avoir d’amis qui fait le plus mal! C’est pire! »
Un autre personnage du pays du Feu (Kakashi), en voyant tous les ninjas suivre Naruto, en conclut :
「心の穴は互いに埋め合いうことを人はいずれは知ることになるからだよ。
そしてその仲間で満ちた心を持つ者は強い!」
« Les gens savent que les trous dans leur cœur ne peuvent être comblés que par les autres.
Et ce sont ceux qui ont le cœur rempli d’amis qui sont forts! »
Les liens peuvent donc être la source de la souffrance (car il y aura des désillusions, des pertes, des trahisons),
mais ils sont aussi la seule manière de combler cette douleur. Et dans Naruto, ils sont également la seule façon
de rester sur le droit chemin, de faire le bien. Non seulement l’histoire avec Sasuke en est un exemple flagrant,
mais les multiples amitiés passées de Madara/Hashirama, Kakashi/Obito, Jiraiya/Orochimaru sont des rappels
constants qu’un lien durable est la seule possibilité qui permette d’être sauvé.
Le désir de paix pour surmonter les souffrances
Le lien qu’on entretient avec les autres permet donc de créer une communauté, de souder les gens autour d’une
cause, d’un but, d’un désir de survie, de se dépasser. Et ces liens d’amitié permettent de construire le héros que
devient Naruto.
Mais tout au long du manga, Naruto rencontre des personnages qui lui montrent à quel point les liens sont aussi
les plus importantes sources de souffrance. Aimer quelqu’un (amoureux, famille ou amis) ouvre la porte aux
déceptions et aux peines. Le personnage qui symbolise le mieux les effets de ces deuils à répétition est celui qui
prend le surnom de « Pain », une incarnation directe de cette douleur qu’il ressent. Il explique bien à Naruto à
quel point il est vain d’espérer la paix, parce que la chaîne qui se crée entre les gens engendre des désastres à
chaque perte. La tristesse se transforme alors en désir de vengeance. Et cette souffrance est l’une des raisons
qui s’oppose à la paix.
「大切なものを失う痛みは誰も同じ。お前もオレもその痛みを知る者同士だ…」
« La douleur de perdre des personnes chères est la même pour tous.
Toi et moi, nous connaissons cette peine… »
Comment espérer la paix quand cette grande communauté qui se crée entre les gens, dans les villages, amène
naturellement à vouloir protéger ce qui est proche de nous, ce qui nous est cher? Comment espérer la paix
quand même les gens ordinaires peuvent en venir à voir en celui qui menace sa famille un ennemi, un Autre n’a
plus d’humanité, ce que Hannah Arendt a nommé la théorie de la banalité du mal? Pain vient d’un petit village
qui souffre des guerres auxquelles se livrent les grandes nations. Il mène un mouvement totalitaire car il réussit
à rejoindre des « gens apparemment indifférents auxquels tous les partis avaient renoncé, les jugeant trop
apathiques ou trop stupides pour mériter leur attention » (Arendt, 1958 :4).
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Pain le dit bien à Naruto :
「火の国… そして木ノ葉は大きくなりすぎた… 国益を守るため大国同士の戦争で自国の利益を獲得
する必要があった… でなければ国… 里の民が飢える… その度に我々の国は荒らされ疲弊していっ
た。幾度かの戦争を経て大国は安定した。我ら小国に多くの痛みを残したな。」
« Le pays du Feu… Imagine que ton village devient trop petit pour les habitants… Dans l’intérêt de ton pays,
pour acquérir plus de pouvoir pour tes gens, la guerre est nécessaire… Autrement ton pays… Les gens de ton
village auront faim… Chaque fois, c’est ainsi que l’on amène la ruine et la dévastation. Après plusieurs années,
les grandes nations s’apaisent. Mais ils laissent derrière tant de peine pour les plus petits pays… »
Ce qu’explique Pain, c’est que dans l’intérêt « supérieur » d’un pays, les dirigeants n’hésitent pas à recourir à des
moyens extrêmes : la guerre, les exécutions (Itachi en est le meilleure illustration), les assassinats pour préserver
leur nation. Les leaders des pays, en utilisant de tels moyens et en divisant ces tâches entre les ninjas,
déshumanisent l’Autre et c’est parce que l’Autre a perdu son « humanité » qu’il peut être traité ainsi. « Comment
tenir l’individu pour responsable de ses actes dès lors que ceux-ci s’intègrent dans une longue chaîne de
processus techniques, en amont et en aval de son action, lesquels aboutissent à des conséquences dont il n’a
pas connaissance et sur lesquelles il n’a pas de prise ? » (Poizat, 2009 :177). Ces soldats qui obéissent, tuent et
blessent font eux aussi partie d’un réseau familial, communautaire qui sera touché lui aussi. Et cela engendre
d’autres souffrances, d’autres désirs de protection.
La solution de Pain, d’Obito et de Madara pour mettre fin à cette chaîne de douleur, c’est de « brancher » les
êtres humains à une gigantesque illusion où leurs désirs seront comblés, leurs peines effacées, les êtres perdus
récrés. En bref, c’est une proposition très proche du film The Matrix (1999), soit celle d’inclure tous les esprits
humains dans une matrice leur donnant « satisfaction », comblant leurs désirs. Perdre la liberté individuelle, ne
plus avoir le souvenir de son histoire personnelle avec les pertes et les réussites qui en font partie, est un petit
prix à payer pour atteindre la paix.
Le concept de la paix est très important pour les Japonais. Après la Seconde guerre mondiale, l’Article 9 de la
nouvelle Constitution votée sous occupation américaine en 1946 y fait directement référence : « Aspirant
sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la
guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de
règlement des conflits internationaux. » (Perspective Monde, 2018) Certains journalistes et politiciens japonais
reprochent à cet engagement d’avoir été imposé par les Américains. Le Premier ministre actuel, Abe Shinzo,
assouplit depuis plusieurs années le sens de cet article pour permettre plus de latitude à la Force d’autodéfense
japonaise (Makoto, 2015). Il parle également de rouvrir la Constitution. Mais les Japonais sont toujours attachés
à ce « pacifisme japonais » : dans un sondage, 74 % déclarent penser que ce trait a permis à leur pays de
prospérer (Duncan). Rappelons que l’Empereur actuel, qui a atteint un règne de 30 ans en 2018 et se retirera
l’an prochain, a choisi comme nom d’ère 平成 heisei, ce qui signifie « accomplissement de la paix ». Le caractère
和 wa qui veut dire « harmonie » signifie aussi « venant du Japon » : les 和服、和食、和風 se traduisent par
« vêtement japonais », « nourriture japonaise » et l’adjectif « japonais ». C’est donc dire que, par l’écriture, être
d’origine japonaise est être « harmonie ».
Si l’on en croit la récurrence du thème de la paix dans le manga Naruto, qui tourne presque à l’obsession tant il
est présent, ce désir d’en arriver à l’harmonie est toujours présent au Japon. Le personnage de Pain, intrigué par
le discours de Naruto, accepte de discuter avec lui pour connaître « sa réponse » à ce problème insoluble :
comment faire la paix? Naruto répond :
「オレがその呪いを解いてやる。平和ってのがあるなら、オレがそれを掴み取ってやる。
オレは諦めねェ!」
« Je briserai cette malédiction. Si la paix est possible, je l’obtiendrai. Je n’abandonnerai pas! »
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Naruto répète plusieurs fois qu’il n’abandonnera pas. Il n’abandonnera pas l’espoir que la paix soit possible. Il
n’abandonnera pas ses rêves et le rêve de paix des autres (Jiraiya, Minato, Hashirama). Car Naruto ne se contente
pas d’espérer, il compte devenir lui-même un kage afin de concrétiser cette paix.
「オレは火影になる!そんでもって雨隠れも平和にしてみせる!オレを信じてくれ!」
« Je serai Hokage! Et j’apporterai aussi la paix dans ton pays! Tu peux me croire! »
Cela peut sembler naïf, surtout avec le jeune âge du personnage. Mais la question de Pain est loin de l’être.
Comment faire la paix? Comment construire une paix durable? La suite du manga donne graduellement d’autres
réponses, montrant comment le rêve de paix que portait le premier kage du pays du Feu s’est transmis à travers
les générations et a commencé à porter des fruits. Alors que les cinq grandes nations sont unies dans le combat
final, Tsunade (petite-fille de ce premier leader) et devenue la 5e kage, le dit clairement :
「おじい様の想いと夢も孫の代… それよりも未来に受け継がれてる…」
« Les sentiments, les rêves aussi, de mon grand-père, à l’ère de ses petits-enfants… Le futur en a hérité. »
Les cinq pays ont réussi à s’entendre pour la première fois, annonçant une paix possible. L’accord s’est fait
difficilement, à coup de discussions, de compromis, de tensions. Mais l’entente réussit à tenir, les armées se
mettant à voir leurs collègues non plus comme d’anciens ennemis, comme des Autres sans humanité, mais
comme des gens ayant aussi souffert lors des précédents conflits. Le seul fait de s’unir et de tisser des liens
apportent l’espoir qu’il est possible de faire autrement. Ce qui fait dire à Obito, lors de sa défaite :
「信じる仲間が集まれば希望も形となって見えてくれるかもしれない。」
« L’espoir peut prendre forme si les amis qui y croient se rassemblent. »
Encore une fois, on en revient au lien entre les autres, qui humanise et permet d’affronter les épreuves, les
souffrances. Au final, le message du manga est clair : il n’y a qu’avec les autres qu’il est possible d’aspirer à un
monde meilleur.
CONCLUSION
Le manga Naruto a couvert les quinze premières années du début du XXIe siècle au Japon. Rapidement, sa
popularité hors de son pays d’origine a amené la publication de plusieurs traductions (par les fans, puis par les
maisons d’édition). Ce qui peut sembler de prime abord étonnant car, comme ce texte a tenté de le démontrer,
les valeurs représentées dans ce manga sont basées sur ce qui anime les préoccupations japonaises d’aujourd’hui,
au vu et au su de son histoire.
Cette vision japonaise des choses est présente d’abord par ses représentations visuelles, qui, même si le manga
met en scène un monde imaginaire, peuvent se référer à la réalité du monde contemporain. Le pays du Feu se
rapproche du Japon et le pays de la Foudre de la manière dont les Japonais perçoivent les États-Unis. Également,
le rôle que les femmes tiennent dans le manga est en adéquation avec les tensions que les Japonaises doivent
gérer aujourd’hui (Harvey, 2012), soit de faire partie d’une modernité qui leur permet de combattre et d’être
fortes, tout en poursuivant des habitudes plus traditionnelles qui les maintiennent au statut de protectrices et
de principales donneuses de soins.
Ensuite, les représentations présentes dans le texte sont également basées sur des valeurs japonaises qui
viennent appuyer ce qui est lisible dans les images. L’histoire triste de l’enfant Naruto, ce clou qu’il fallait qu’on
enfonce car il est différent et sort du lot, fait sens dans une société collective qui cherche une forme
14
d’homogénéité pour ne pas troubler l’harmonie. C’est grâce aux liens que l’enfant réussit à développer qu’il ne
succombe pas au « monstre » en lui, introduisant alors la valeur de l’amae dans le manga. Les liens évitent de se
perdre, d’aller vers le « mal ». À ce titre, le générique d’ouverture de la chanson « Diver » est un bon exemple
de ces liens : plusieurs mains se tendent pour aider le héros à ne pas sombrer dans les profondeurs sombres de
la mer avant qu’il trouve la force de plonger pour aider Sasuke à ne pas couler à son tour.
Les différents personnages « méchants » dans Naruto restent loin de la condamnation. En effet, tous les
« méchants » sont en fait des êtres perdus qui cherchent soit à combler leur propre peine, soit à sortir les êtres
humains de leurs habitudes destructrices, mais avec une mauvaise solution qu’ils ont trouvée seuls. Le message
de Naruto est qu’il est possible de trouver des idées si la question est partagée avec d’autres, pour trouver une
solution commune. On revient toujours à cette idée du collectif. Finalement, le kage n’est pas un dictateur qui
force sa propre solution au peuple, il est plutôt celui qui partage une question et tente de trouver une manière
d’agencer les intérêts de son pays avec celui des autres pour discerner un chemin qui satisfera tout le monde.
Cette idée de leader qui vient du peuple pour le peuple est bien résumée dans une phrase dite par Itachi :
「 『火影になった者』が皆から認められるんじゃない。
『皆から認められた者』が火影なるんだ。」
« ‘La personne qui devient kage’ ne sera pas reconnue par tout le monde.
‘La personne reconnue par tout le monde’ deviendra kage. »
Nakane (1986) faisait déjà état, dans les années 80, de la manière collective dont la société japonaise est
organisée. Dans la syntaxe de la langue japonaise même, l’ordre d’importance est complètement renversé par
rapport aux langues européennes. En effet, « […] c’est le “contexte”, l’“environnement” qui tiennent une place
privilégiée, sur les plans tant du discours que de la logique » (Tremblay, 2016 :123). Le sujet, ce fameux « je » qui
domine autant la langue française qu’anglaise, disparaît très rapidement des phrases en japonais car « […] la
syntaxe de la langue japonaise montre clairement que c’est le “monde” qui a priorité sur le “sujet”, que c’est
l’“expérience” qui précède l’“individu” » (Tremblay, 2016 :125).
C’est pourquoi le héros japonais ne se construit pas seul, il est redevable à ce que les autres lui ont donné, à ce
qu’il aura reçu. La manière dont il use de ses pouvoirs, à travers des combats, vient d’une longue pratique, d’un
appui constant. S’il inspire les autres par la suite, que plusieurs le suivent et le reconnaissent, il ne devra jamais
oublier ce qu’il doit à ceux et celles qui furent présents tout au long du parcours, à la force que forme le collectif.
Comme le disait l’un des personnages à son fils en jouant au shôgi (un jeu de table semblable aux échecs), le roi
n’est pas le kage. La véritable figure dominante du village, le 玉gyoku, ce sont les gens, la prochaine génération,
dont il faut garantir la vie, la sécurité et le bonheur.
Si la situation socio-linguistique de Naruto est définitivement japonaise, son message résonne pourtant avec les
préoccupations de plusieurs jeunes, et moins jeunes, autour du monde. Cette façon de peindre le mal avec plus
de nuances que les héros nord-américains, cette importance accordée à la force contenue dans l’alliance avec
les plus petits, ce souhait que les dirigeants restent conscients de ce qu’ils devraient vraiment représenter… Peut-
on en conclure que ces désirs, loin de se limiter au Japon, sont d’une portée universelle?
Le monde réel de ce début du XXIe siècle peint un portrait tendu des relations entre les dirigeants des différents
pays, entre les religions aussi. La fiction est parfois une façon de fuir la réalité. Mais, comme on l’a vu, la fiction
est aussi une part de la réalité. Et les discours du manga Naruto qui portent l’espoir que la paix soit possible, par
une plus grande harmonie entre les peuples, ont sans doute besoin d’être entendus dans le monde réel, bien au-
delà des limites de la fiction d’où il émerge.
15
*Les citations en japonais sont tirées du manga Naruto (numéros 15, 16, 46, 47, 66 et 68), plus précisément des
chapitres 132, 138, 436, 448, 628, 631, 648 et 651. La traduction en français est de l’auteure.
Remerciements : Merci à Augustin Piché-Gravel qui a prêté l’oreille à mes réflexions sur le monde de Naruto et
qui a révisé ce texte; merci à Philippe Arsenault pour tes commentaires et désolée de mes analyses continuelles!
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