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Larhyss Journal, ISSN 1112-3680, n°36, Dec 2018, pp. 49-63
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DIAGNOSTIC ET PROJECTION FUTURE DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE EN ZONE ARIDE. CAS DE LA REGION
MARRAKECH-SAFI (MAROC)
DIAGNOSIS AND FUTURE PROJECTION OF CLIMATE CHANGE IN
ARID ZONE. CASE OF MARRAKECH-SAFI REGION (MOROCCO)
CHOUKRANI G.1, HAMIMSA A.2, SAIDI M.E.2, BABQIQI A.3
1 Chonbuk National University, Jeonju, Corée du Sud.
2 Laboratoire de Géosciences et Environnement, Université Cadi Ayyad,
Marrakech, Maroc
3 Direction Régionale de l'Environnement, Marrakech, Maroc.
m.saidi@uca.ma
RESUME
Avec un caractère aride à semi-aride, le climat de la région de Marrakech-Safi
est assujetti à des influences océaniques et continentales. Les villes d’Essaouira
et de Marrakech, qui illustrent ces deux influences, enregistrent une grande
variabilité temporelle des précipitations et des températures. Par ailleurs, des
tendances nettes à l’augmentation de ces températures y sont constatées pendant
les cinq dernières décennies. Par contre, les évolutions des précipitations sont
plus contrastées avec une tendance à la baisse à Marrakech, et plutôt à la hausse
à Essaouira grâce aux récentes années exceptionnelles. Marrakech se distingue,
quant à elle, par d’alarmants indices révélateurs du réchauffement climatique,
notamment le nombre de jours chauds et les vagues de chaleur. Pour les
projections climatiques futures, à l’aide d’un modèle de descente d’échelle
statistique et selon les simulations des modèles de circulation générale, un
constat aussi alarmant y est dégagé avec des prévisions à la baisse des
précipitations annuelles et la hausse des températures à l’horizon 2050 et surtout
à celui de 2099. Ceci à la fois selon un scénario futur ou le recours aux énergies
fossiles est de plus en plus accentué que selon un scénario où ce recours est plus
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contrôlé et où des efforts sont consentis pour limiter les émissions de gaz à effet
de serre.
Mots clés : Marrakech, Essaouira, changement climatique, modèle de descente
d’échelle statistique, modèle de circulation générale.
ABSTRACT
The arid and semi-arid climate of the Marrakech-Safi region is subject to
oceanic and continental influences. The cities of Essaouira and Marrakech,
which illustrate these two influences, experience an important temporal
variability in rainfall and temperature. Moreover, there are clear increasing
trends of temperature during the last five decades. However, the evolution of
precipitation is more contrasted by a downward trend in Marrakech and a slight
upward trend in Essaouira thanks to the recent exceptional years. On the other
hand, Marrakech is distinguished by alarming clues of global warming, like the
number of hot days and heat waves. For future climate projections, we used a
statistical downscaling model and General Circulation Model simulations. An
equally alarming finding is made by downward forecasts of annual rainfall and
upward forecasts of temperature by 2050 and especially by 2099. This, both in a
future scenario where the use of fossil fuels is more accentuated and in a
scenario where this use is more controlled and where efforts are made to limit
greenhouse gas emissions.
Keywords: Marrakech, Essaouira, climate change, Statistical DownScaling
Model, General Circulation Model
INTRODUCTION
Le changement climatique naturel ne date pas d’hier, il est aussi vieux que notre
planète Terre ; mais l'influence humaine sur le climat actuel est de plus en plus
évidente. Les observations climatiques montrent que la température moyenne
mondiale a augmenté de 0,8°C depuis 1900 (Hansen et al., 2006) et les 12
années les plus chaudes observées globalement depuis 1880 ont toutes eu lieu
entre 1990 et 2005 (Lindner et al., 2010). D’autres études affirment que la
décennie 2001-2010 est considérée comme la plus chaude à l'échelle mondiale
depuis le début des relevés météorologiques (OMM 2013). Ainsi l'augmentation
observée des températures confirme le réchauffement climatique global d’un
très grand nombre de stations du monde (Christensen et al., 2007). Par ailleurs,
Diagnostic et projection future du changement climatique en zone aride. Cas de la
région Marrakech Safi (Maroc)
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depuis la fin des années 1970, la fréquence des années de sécheresse a augmenté
en Afrique du Nord-Ouest constituant une contrainte majeure pour le
développement futur de la région (Klose et al., 2008). Au Maroc, la sécheresse a
toujours été présente dans l'histoire, mais au cours des dernières décennies, elle
est devenue un élément structurel du climat. Le pays connaît actuellement la
plus longue période de sécheresse de son histoire moderne caractérisée par une
diminution des précipitations et une nette tendance à la hausse des températures
(Stour et Agoumi, 2008). Les téléconnexions avec des phénomènes climatiques
de grande échelle est souvent confirmées. Ainsi la phase négative de
l’Oscillation Nord Atlantique (ONA), par exemple, semble assez bien corrélée
avec les précipitations au Maroc et au nord-ouest de l’Afrique (Ward et al.,
1999; Herrera et al., 2001; Knippertz et al., 2003) ; ou encore la phase positive
du phénomène ENSO (El Nino-Southern Oscillation) qui semble induire une
réduction des précipitations printanières au Maroc (Nicholson et Kim 1997;
Ward et al., 1999). La région Marrakech-Safi, située au centre ouest du Maroc,
a globalement un climat aride à semi-aride. Elle subit une gamme de
changement climatique et de variations environnementales importantes. les
tendances climatiques observées aux villes de Marrakech et Essaouira, à travers
l'étude des données météorologiques depuis 1961, ont permis d'identifier une
nette tendance vers des températures plus élevées et des précipitations plus
faibles (Ait Brahim et al., 2016). Par ailleurs, des tests statistiques de Pettitt,
d’Hubert, de Buishand et de Lee et Heghinian ont révélé des changements vers
le milieu des années 70. Période après laquelle un déficit de précipitations
(jusqu’à -30%) a été enregistré (Fniguire et al., 2017). A cet effet, notre étude a
pour objectif de ressortir des éléments qui caractérisent la variabilité de ce
climat de la région Marrakech-Safi, étudier son évolution récente à travers la
température et les précipitations, étudier des indices révélateurs du changement
climatique dans la région et établir des projections et des tendances futures du
climat, à l’aide des modèles prévisionnels appropriés.
MATERIEL ET METHODES
La région d’étude
La région de Marrakech-Safi s’étend sur une superficie de 39 000 km², soit
5,5% du territoire national. Le chef-lieu de la région est la ville de Marrakech,
mais elle compte aussi les deux grandes villes de Safi et d’Essaouira (fig. 1).
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Figure 1 : Situation géographique de la région de Marrakech-Safi
La région dispose d’un cadre géographique très varié, composé au sud d’une
grande chaine de montagne culminant à plus de 4000 m (le Haut Atlas), de
vastes plaines arides (les plaines du Haouz, d’Abda et de Rehamna) et d’un
littoral océanique doux (littoral atlantique).
Le climat de la région est soumis aux influences de trois paramètres
fondamentaux : des latitudes pré-sahariennes, des altitudes élevées en montagne
et l’influence de l’océan Atlantique. Ce climat est caractérisé par une grande
variabilité pluvio-thermique : les températures maxima sont autour de 38°C et
les minima de l’ordre de 4,9°C et 80% du territoire de la région présente une
température moyenne d’environ 18°C (HCR, 2005). Les précipitations sont
également assez irrégulières sur les plans spatial et temporel. Elles varient
d’une année à l’autre et oscillent entre 190 mm sur les plaines à 650 mm en
zones montagneuses (Saidi et al., 2012).
Les données Météorologiques
Les données météorologiques utilisées dans ce travail représentent une série
observées de températures moyennes, maximales et minimales ainsi que des
cumuls de précipitations pour la période 1961-2015. Ces données sont fournies
par la Direction Régionale de l'Environnement de Marrakech.
Les Ré-analyse NCEP à basse résolution
Ces données sont issues du projet NCEP/NCAR (National Centers for
Environmental Prediction et National Center for Atmospheric Research). C’est
un projet américain qui fournit de nouvelles Ré-analyses atmosphériques en
utilisant les données historiques et les systèmes d’assimilations et produit
l’analyse de l’état de l’atmosphère actuelle. L'un des principaux avantages des
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région Marrakech Safi (Maroc)
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réanalyses NCEP est l'exhaustivité de leur couverture spatiale et temporelle.
Cela les rend idéales pour étudier les grands traits du changement climatique sur
diverses régions du monde (Reid et al., 2001).
Les scénarios de changement climatique HadCM3 à basse résolution
Les scénarios HadCM3 (Hadley Centre Coupled Model) sont des prospectives
du changement climatique. Ils simulent le climat possible dans le futur en
fonction des niveaux futurs de la population mondiale, de l’activité économique
et des émissions de gaz à effet de serre. Des modèles atmosphériques
transforment des hypothèses d’émissions de gaz à effet de serre (notamment, le
CO2) en projections climatiques. Deux scénarios de changements climatiques
sont habituellement utilisés : un scénario pessimiste A2 et un scénario moins
pessimiste B2.
A2 est un scénario qui prévoit une augmentation rapide de la population et des
activités économiques. L’industrialisation continue sa croissance en utilisant des
technologies polluantes et en ayant de plus en plus recours aux énergies fossiles.
B2 est un scénario moins pessimiste qui prévoit un monde où des efforts sont
consentis pour une viabilité économique basée sur des solutions locales. La
croissance de la population mondiale et l’épuisement rapide des énergies
fossiles sont moins alarmants que pour le scénario A2.
L’outil d’analyse des projections : Le modèle SDSM
Le modèle statistique de réduction d’échelle SDSM (Statistical DownScaling
Model) est un modèle qui permet d’obtenir des données climatiques à plus haute
résolution à partir d’une sortie d’un modèle de circulation générale à résolution
plus grande (Wilby et al., 2002). Car les études locales et études de cas
nécessitent une résolution spatiale fine, et comme un climat local résulterait de
l’interaction d’une circulation globale et des éléments locaux (Von Storch,
1999), cette méthode de descente d’échelle est élaborée pour relier les variables
climatiques simulées par les modèles globaux à grande échelle et les variables
climatiques locales (Herrera et al., 2006). A partir donc de données
météorologiques observées localement et celles de plus grande échelle (NCEP),
un calibrage du modèle SDSM est effectué en suivant les deux scénarios de
changement climatique HadCM3, A2 et B2. Des projections futures sont ainsi
établies à l’horizon 2099.
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RESULTATS ET DISCUSSION
Le climat récent de la région de Marrakech –Safi et son évolution.
L’exemple des villes de Marrakech et d’Essaouira de 1961 à 2015
Les villes d’Essaouira (31,5°N) et de Marrakech (31,6°N) sont caractérisées par
des températures irrégulières. Mais la position géographique d’Essaouira sur le
littoral atlantique régularise un peu son climat en atténuant les différences entre
les températures maximales et minimales. A l’opposé, le caractère continental
de Marrakech est illustré par ses plus grandes amplitudes thermiques. Par
ailleurs, sur une chronique de 55 ans, les courbes de tendance indiquent une
augmentation des températures dans les deux stations. Les températures
annuelles ont en effet enregistré une augmentation moyenne de 0,9°C à
Essaouira et de 1,5°C à Marrakech entre 1961 et 2015 (fig. 2). L’augmentation
est moins accentuée à Essaouira grâce notamment à un microclimat influencé
par le courant océanique froid des Canaries.
Figure 2 : Variations et tendances des températures minimales, maximales et
moyennes annuelles à Marrakech et à Essaouira
Pour les précipitations (fig. 3), elles sont beaucoup plus variables d’une année à
l’autre. A Marrakech, la moyenne annuelle est de l’ordre de 269 mm et le
coefficient de variation est de 0,34. Mais la variabilité est davantage accentuée
sur le littoral d’Essaouira avec un coefficient de 0,53 et une moyenne de 289
mm de 1961 à 2015. Les tendances sont aussi nuancées et même inversées. Une
tendance à la baisse est constatée à la station de Marrakech avec une baisse
moyenne des précipitations de l’ordre de 71 mm en 55 ans ; alors qu’à
Essaouira, la tendance est plutôt légèrement à la hausse grâce notamment aux
précipitations exceptionnelles des années récentes de 1996, 2009 et 2013
(respectivement 838, 967 et 528 mm). Ces pulsations brutales dans la
pluviométrie annuelle d’Essaouira conduit à des constats inverses de ce qui est
observé dans le reste du pays, à savoir une tendance à la sécheresse dans la
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région Marrakech Safi (Maroc)
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plupart des stations météorologique (Stour et Agoumi, 2008 ; Jouilil et al.,
2013 ; MEEMEE, 2016).
Figure 3 : variations et tendances des précipitations annuelles à Marrakech et à
Essaouira de 1961 à 2015
Indices révélateurs du changement climatique
Un groupe de travail de climatologie de l’Organisation Météorologique
Mondiale (OMM) a recommandé une liste d’indices climatiques simples et
accessibles (Frich et al., 2002). Ces indices permettent de cerner les
changements climatiques d’une région en comparaison avec d’autres. Plusieurs
études ont traité ces indices (Peterson et al., 2008 ; Alexander and Arblaster
2009 ; Perkins, 2011 ; Sillmann et al. 2013 ; Moron et al., 2016). Ces travaux
ont permis d’avancer sur les caractéristiques du climat actuel et futur, des
extrêmes et des tendances climatiques. Deux grandes classes d’indices sont
distingués : celles qui sont définis par des quantiles et celles qui sont définis par
des seuils fixes. Dans ce dernier groupe, on trouvera par exemple le nombre
total annuel de jours chauds. C’est à dire le nombre total annuel de jours ayant
une température maximale supérieure à 30°C (SU30 ou « summer days » 30) ou
à 35°C (SU35) ; ou encore l’indice des vagues de chaleur WSDI (Warm Spell
Duration Index), qui correspond au nombre total annuel de jours avec au moins
six jours consécutifs de température maximale supérieure au percentile 90. Au
même titre que le WSDI, l’indice des vagues de froid CSDI (Cold Spell
Duration Index) correspond au nombre total annuel de jours avec au moins six
jours consécutifs de température minimale inférieure au percentile 10.
Les indices de chaleur (SU)
Le calcul et l’analyse des indices de chaleur à la ville de Marrakech (fig. 4)
révèlent une tendance claire à l’augmentation de ce nombre de jours chauds : en
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55 ans, ce nombre a augmenté de 27, soit environs 5 jours chauds de plus par
décennie. Le seuil plus élevé de 35°C renvoie au même constat avec une
augmentation de 22 jours (soit 4 jours chauds de plus par décennie).
L’augmentation de ces jours est beaucoup moins prononcée à Essaouira (fig. 5).
A peine 1 jour et demi par décennie pour le SU 30 et moins d’un jour pour le
SU 35. La tendance serait même constate si ce n’est les trois dernières années
qui ont connu plusieurs jours dépassant les seuils de 30 et 35 °C. Les dernières
années sont donc autant pluvieuses que chaudes dans cette ville littorale. Le
caractère irrégulier des pluies et des températures annuelles y est plus soutenu
qu’à l’intérieur des terres.
Figure 4 : Variations du nombre de jours par an à température maximale
supérieure à 30 °C (SU30) et à 35 °C (SU35) à Marrakech
Figure 5 : Variations du nombre de jours par an à température maximale
supérieure à 30 °C (SU30) et à 35 °C (SU35) à Essaouira
Les vagues de chaleur WSDI et les vagues de froids CSDI
Le nombre total annuel de jours avec au moins six jours consécutifs de
température maximale supérieure au percentile 90 (ou vagues de chaleur)
enregistrent à Marrakech et à Essaouira une tendance à l’augmentation (fig. 6).
De 1961 à 2015, neuf jours de plus sont constatés à Marrakech et surtout 29 à
Essaouira. Dans cette dernière ville, pas moins de 5 jours s’ajoutent chaque
décennie aux vagues de chaleurs annuelles. Cette forte tendance s’est
manifestée grâce aux vagues importantes des dernières années de 2008 à 2015.
Diagnostic et projection future du changement climatique en zone aride. Cas de la
région Marrakech Safi (Maroc)
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Quant aux vagues de froid (fig. 7), elles ont tendance à baisser aux deux villes.
Neuf jours en moyenne de moins à Marrakech et sept à Essaouira. La baisse des
vagues de froid et la croissance du nombre des vagues de chaleur confirment
donc les premiers constats des hausses globales des températures et annoncent
un réchauffement certain du climat des deux villes.
Figure 6 : Variations et tendances des vagues de chaleur à Marrakech et à
Essaouira de 1961 à 2015
Figure 7 : Variations et tendances des vagues de froid à Marrakech et à
Essaouira de 1961 à 2015
Projection du climat futur de Marrakech à l’horizon 2099
L’usage du modèle statistique de réduction d’échelle SDSM (Statistical
DownScaling Model) en suivant les procédures de l’outil (Genèse des données
météorologiques, calibration du modèle, analyse des données et élaboration de
scénarios) a permis de produire des ensembles de séries de données
météorologiques quotidiennes synthétiques à l’aide des variables prédicteurs
atmosphériques fournies par un modèle climatique global (MCG). Ces variables
sont bien entendu normalisées par rapport à la période de référence.
Les précipitations
Le résultat graphique des projections futures des précipitations annuelles de
Marrakech à l’horizon 2099 (fig. 8) montre une accentuation de la variabilité
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pluviométrique et une légère tendance à la baisse selon le scénario optimiste B2.
Le scénario pessimiste A2, est bien évidemment beaucoup plus alarmant avec
une baisse plus importante pouvant atteindre plusieurs dizaines de millimètres.
Ce constat est toutefois à prendre avec précaution car si la communauté
scientifique est dans une grande majorité convaincue de la tendance vers un
réchauffement du climat, cette communauté est beaucoup plus divisée quant à la
baisse des précipitations dans certaines régions. Des experts estiment que les
données actuelles sont trop rares et incomplètes pour qu'une tendance à la
hausse ou à la baisse des précipitations puisse se dégager sur telle ou telle
zones.
Figure 8 : Résultat des projections des précipitations annuelles futures de la
ville de Marrakech à l’horizon 2099 selon les scénarios A2 et B2
Les températures minima, maxima et moyennes
Les projections futures des températures minima, maxima et moyennes
annuelles à Marrakech (fig. 9) montrent toutes des tendances à la hausse, que ce
soit pour le scénario des émissions A2 ou celui de B2. La tendance à la hausse
suivrait d’abord une pente douce jusqu’en 2050 où le taux d’augmentation
devient plus élevé. Les températures minimales augmenteraient par exemple
selon le second scénario optimiste, d’un degré à l’horizon 2050 et d’un autre à
l’horizon 2099. Mais selon le scénario pessimiste des émissions A2, ces deux
augmentations seraient respectivement de 1 puis de trois degrés.
Les températures moyennes annuelles suivent à peu près les mêmes tendances
de hausse, avec une accentuation du phénomène après 2050, échéance à laquelle
les deux scénarios sont plus nuancés. A2 se démarque en effet plus nettement
Diagnostic et projection future du changement climatique en zone aride. Cas de la
région Marrakech Safi (Maroc)
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par des taux d’augmentation plus importants. Alors qu’elle oscillait entre 19 et
20°C, la température moyenne annuelle atteindrait environ 22,5 selon les
prévisions du scénario B2 et environ 24,5 selon les prévisions du scénario A2
(fig. 9).
Figure 9 : Projections des températures minimales, maximales et moyennes
annuelles de la ville de Marrakech à l’horizon 2099 selon les scénarios A2 et B2
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CONCLUSION
L’étude d’une chronique hydro-pluviométrique de 55 ans, des villes de
Marrakech et d’Essaouira indiquent des tendances nettes de l’augmentation des
températures dans les deux stations. L’augmentation est toutefois beaucoup plus
accusée à la ville continentale de Marrakech qu’à Essaouira, sur le littoral
atlantique, qui jouit d’un microclimat doux influencé par le courant océanique
froid des Canaries. Pour les tendances des précipitations, un constat particulier
se dégage pour la ville d’Essaouira où les fortes précipitations des dernières
années plaident pour une légère tendance à la hausse des pluies annuelles. Le
même constat est établi par d’autres études pour la ville voisine de Safi (Sebbar
et al., 2014) ou dans d’autres contrées du milieu aride (Eskandari et al., 2016).
La tendance vers la hausse ou vers la baisse des précipitations alimente en effet
les débats des experts, dont certains affirment que la rareté et le caractère
incomplet des données actuelles ne permettent pas de dégager des tendances à la
hausse ou à la baisse des précipitations sur une région donnée. Le résultat pour
la ville de Marrakech est plus conforme aux conclusions des rapports du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui stipule une
baisse pluviométrique d'environ 20 % en Afrique du Nord-Ouest et dans le
bassin méditerranéen (IPCC, 2013). Pour cette ville, tous les indices révélateurs
du réchauffement climatique sont alarmants, notamment le nombre de jours
chauds et les vagues de chaleur. Même constat pour les projections futures selon
les simulations des modèles de circulation générale, où les tendances à la hausse
sont enregistrées pour les températures, à la fois pour le scénario des émissions
contrôlées ou non contrôlées, des gaz à effet de serre. Ici ou ailleurs sur terre,
des solutions individuelles ou collectives pour stopper cette ascension
thermique sont inévitables pour le bien être des générations futures. La solution
est aussi simple que compliquée : réduire les émissions de dioxyde de carbone
dans l’atmosphère. C’est-à-dire réduire l’usage du pétrole, du charbon et
d'autres combustibles fossiles pour l'énergie que nous utilisons. En en utilisant
moins, parallèlement avec des sources renouvelables, chaque pays huilerait la
mécanique de lutte contre le réchauffement globale. Ces pays auraient aussi
besoin d'une communauté d’acteurs (politique, scientifique, société civile …
etc) qui continuent d’analyser le changement du climat. Cette communauté
contribuerait à la compréhension fondamentale de la problématique et élargirait
les champs des solutions raisonnables et appropriées par zone géographique.
Diagnostic et projection future du changement climatique en zone aride. Cas de la
région Marrakech Safi (Maroc)
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