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BLOCKCHAIN ET BANQUES
CENTRALES : ASPECTS
JURIDIQUES ET RGLEMENTAIRES
Rapporteur :
Hubert de Vauplane, avocat associé chez Kramer Levin LLP
Mai 2018
2
TABLE DES MATIERES
I. Quelques rappels sur la technologie Blockchain
II. Quels avantages potentiels pour les banques centrales ?
III. Définition juridique de la monnaie légale
IV. Qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ?
V. Distinction juridique entre jeton (token) et « crypto-monnaie »
VI. Emission de crypto-monnaies et délit de faux monnayage
VII. Problématiques liées au contrôle des changes
VIII. Crypto-monnaies et lutte contre le blanchiment d’argent/lutte contre le
terrorisme
IX. La Blockchain et le droit
A/ - Protection des données
B/ - Signature électronique
C/ - Cybersécurité
D/ - le droit de la preuve
E/ - Le droit de propriété
F/ - la qualification juridique des smart contracts
3
F/ - Le droit applicable à la Blockchain
X. Les approches réglementaires possibles de la Blockchain
L’approche pragmatique et factuelle
Le « bac à sable » réglementaire
ANNEXE 1 Bibliographie
ANNEXE 2 L’environnement réglementaire international de la blockchain
ANNEXE 3 Lexique
ANNEXE IV Exemples d’expérimentation par des banques centrales de la technologie
Blockchain
4
INTRODUCTION
Le déploiement de la technologie liée à la Blockchain ou des réseaux distribués
(Distributed Ledger Technology) suscite un intérêt de plus en plus marqué dans le
monde financier compte tenu de ses nombreuses applications possibles, aussi bien
dans le domaine bancaire, financier, assurance que des marchés financiers. La
réduction des coûts dans l’utilisation de ces nouvelles infrastructures, mais aussi la
suppression du papier dans le traitement de nombreuses opérations et leur archivage,
ainsi qu’une sécurité accrue dans le traitement des opérations apparaissent comme les
principaux bénéficies liés à cette nouvelle technologie.
Parallèlement à ces nouveaux usages, l’apparition d’unités de valeur communément
appelée crypto-monnaies (mais de façon abusive) et l’augmentation rapide de leur
valorisation constitue un nouveau champ de réflexion pour les régulateurs et les
banques centrales.
De fait, ces « crypto-monnaies » suscitent inquiétude, méfiance, doute, voire aversion
de la part de nombreux acteurs. Les pouvoirs publics, les autorités de régulation, les
banques centrales de nombreux pays se sont peu à peu intéressés à ces nouveaux
actifs digitaux, dans un premier temps pour en souligner les dangers et les limites afin
de préciser d’une part, qu’il ne s’agissait pas de monnaie légale, et d’autre part que
l’investissement dans ces actifs présentaient de nombreux risques.
Pour comprendre la technologie Blockchain, il faut tout d’abord se rappeler qu’elle
n’a pas directement été conçue pour elle-même : à l’origine, cette technologie n’était
qu’un aspect du protocole Bitcoin. Ainsi, dès son origine, Bitcoin et Blockchain sont
intrinsèquement liés : entièrement décentralisée, le fonctionnement de la Blockchain
est déterminé par des algorithmes mathématiques qui ont prévu ab initio ses modes de
transfert, ses règles de consensus, ou encore le moment de ses émissions monétaires.
La mécanique blockchain est liée au concept même qui gouverne cette technologie :
celle du consensus qui ne peut être atteint que si les membres de la communauté
valident le transfert, au vu d’un registre décentralisé de détention de Bitcoin, distribué
auprès de chacun d’entre eux.
Il est important aussi de rappeler au passage l’essence "libertaire" du Bitcoin. C’est en
effet grâce à elle que les utilisateurs de cette crypto-monnaie pourront effectuer leurs
échanges en toute confiance, sans devoir passer par une autorité régulatrice perçue
comme une menace à leur liberté.
C’est ainsi que pour de nombreux acteurs, le recours à la technologie Blockchain est
regardé avec l’espoir de grandes promesses alors que les « crypto-monnaies » restent
des instruments dont il convient de se méfier.
5
Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de la technologie elle-même ou de ces crypto-actifs,
il est difficile pour une banque centrale et un superviseur bancaire de ne pas s’y
intéresser.
L'intérêt des banques centrales pour le déploiement d'une « chaîne de blocs » va de
pair avec la volonté des grandes banques d'utiliser la technologie pour faciliter les
transactions de règlement transfrontalières et remanier leurs infrastructures de back-
office. Les expériences menées par les banques avec les DLT (par exemple, le
consortium bancaire R 3) comme moyen de régler les opérations et d'enregistrer les
données et les transactions ont clairement démontré son potentiel de réduction des
coûts et d'augmentation de l'efficacité de ses opérations. Le grand livre distribué et
son potentiel de simplification de la tenue des dossiers, du suivi et du processus
comptable apparait désormais comme difficile à ignorer par les banques centrales.
De nombreuses questions se posent naturellement à toute banque centrale ou
superviseur bancaire face à l’émergence de cette nouvelle technologie.
Des questions d’ordre monétaire, bien sûr (l’impact de ces « cryptomonnaies » sur la
politique monétaire des Etats), mais aussi des questions d’ordre économique (en quoi
cette technologie va-t-elle modifier en profondeur les business model des acteurs
existants ?) prudentiel (comment traiter ces actifs digitaux en matière de risque ?),
réglementaire (l’encadrement ou non des usages de cette technologie), police (lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme), juridique (nature de ces
nouveaux actifs et responsabilité des acteurs). Bref, toute une série de questions qu’il
convient pour une banque centrale ou un superviseur bancaire de se poser, même si
les réponses sont encore souvent provisoires.
Tel est l’objet de ce livre blanc : poser le cadre d’une réflexion sur les aspects
réglementaires et juridiques de la Blockchain et des « crypto-monnaies » afin de
pouvoir prendre les décisions qu’il convient, selon l’environnement économique,
monétaire et politique propres à chaque Etat.
Ce document ne traitera pas, ou de façon marginale, les aspects monétaires et
économiques.
Bien évidemment, cette publication n'engage que son auteur et le Cabinet Kramer
Levin et Paris Europlace ne sont pas responsables des propos, du contenu et de l'usage
qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.
6
I - Quelques Rappels sur le fonctionnement de la blockchain
Il n’est pas ici question de formuler ce que de nombreux rapports et livres ont déjà pu
détailler sur le fonctionnement de la technologie Blockchain.
Les Blockchains (car il existe autant de Blockchains qu’il existe de protocoles sous-jacents)
peuvent être considérées comme des cas particuliers de registres distribués, et que pour cette
raison un amalgame est souvent fait entre ce qu’on peut appeler la technologie Blockchain et
la technologie des registres distribués (Distributed Ledger Technology – DLT).
Les registres distribués (distributed ledgers) permettent aux utilisateurs d’un réseau
électronique d’enregistrer et de gérer les données relatives au fonctionnement du réseau. Les
informations gérées par ce registre partagé peuvent varier suivant le design du système mais
porteront typiquement sur différentes données transactionnelles : prix d’échange de titres ou
d’actifs physiques, identifiants virtuels de ces derniers, etc. Ces informations sont réparties
entre les utilisateurs, qui peuvent ensuite les utiliser pour régler leurs transferts sans avoir à se
reposer, dans un modèle de fonctionnement distribué, sur un système central de validation de
confiance.
Le fonctionnement d’un registre distribué tel qu’une blockchain implique les éléments
suivants1 :
‐ un réseau pair-à-pair (peer to peer) soit public, soit totalement ou partiellement
privé ;
‐ une base de données distribuée servant de « grand livre » où sont inscrites toutes les
transactions et autres informations utiles pour les membres du réseau ;
‐ un ensemble d’outils et de méthodes cryptographiques assurant la sécurité du réseau
– en particulier contre toute attaque ou tentative de corruption du registre distribué –
et l’intégrité des échanges entre ses membres ;
‐ un algorithme de consensus réglant la mise à jour et l’évolution du registre et
permettant d’automatiser par un ensemble de règles le processus de validation des
transactions entre membres du réseau ; et
‐ Un mécanisme d’incitations inscrit dans le protocole de fonctionnement du réseau,
nécessaire pour rémunérer les membres actifs du réseau, à savoir ceux qui se
chargent d’assurer la bonne marche et la sécurité du réseau, en particulier et surtout
si ce dernier est complètement ouvert.
1Pourplusdedétails,cf.ParisEuroplace,«Lesimpactsdesréseauxdistribuésetdelatechnologieblockchain
danslesactivitésdemarché»,octobre2017.
7
A cette organisation en réseau distribué, il convient d’ajouter une autre spécificité de la
technologie Blockchain2 : le recours à la cryptographie. La sécurité des Blockchains est
principalement fondée sur de la cryptographie, et cela à différents niveaux . Le premier
concept essentiel est celui de fonction de « hachage » (hash function). La caractéristique
déterminante d’une fonction de hachage est que s’il est facile de calculer la sortie
correspondante y = H(x) (l’output) pour une entrée x donnée (l’input), il est cependant
quasiment impossible pour un y donné de trouver x tel que H(x) = y. Tout comme ouvrir un
coffre sans en connaître le code d’accès nécessite d’essayer une à une toutes les combinaisons
possibles, inverser une fonction de hachage, i.e. trouver un x produisant un y donné, forcera
celui qui veut résoudre ce problème à tester aléatoirement une série d’entrées jusqu’à trouver
une solution.
II – Quels sont les avantages potentiels de la Blockchain pour les banques centrales ?
De plus en plus de banques centrales explorent le potentiel de la technologie de la chaîne de
blocs et du grand livre distribué (cf. Annexe IV). Comme l'ont montré les expériences des
banques, les réseaux à chaîne de blocs peuvent conduire à des systèmes de paiement et de
valeurs mobilières plus sûrs et de meilleure qualité.
Les banques centrales jouent un rôle crucial en tant que régulateurs et devraient atténuer les
risques tout en encourageant l'innovation. Cela signifie pour la Blockchain, créer des règles et
des normes claires ainsi que des informations pour les consommateurs sur les risques
potentiels d'investir dans des sociétés basées sur une chaîne de blocs et des lignes directrices
pour les banques et les sociétés de technologie lorsqu'elles développent des applications pour
le secteur des services financiers. En l’absence de clarté sur ce qu’il est possible de faire ou
de ne pas faire, l’innovation liée à la technologie Blockchain sera plus ou moins bridée.
A ce stade, et compte tenu du caractère encore innovant et récent de cette technologie,
les banques centrales devraient élaborer une réglementation technologiquement neutre,
afin de ne pas favoriser un fournisseur par rapport à un autre, une technologie plutôt
qu’une autre et de réduire la concurrence sur le marché.
Quels que soient les cas d’utilisation possibles pour une banque centrale, l’une des premières
questions à se poser est de savoir quel(le) architecture / protocole il convient de choisir :
Blockchain publique ou DLT ? Ce point est crucial en ce qu’il déterminera le degré de
confiance des acteurs dans le choix technologique retenu et le degré de confidentialité retenu.
A cet égard, il est intéressant de constater que parmi les premières expérimentations auprès
des banques centrales, la plupart d’entre elles recourent plutôt à une DLT qu’à une
Blockchain publique.
S’agissant des avantages potentiels de la Blockchain pour les banques centrales, il est bien
sûr difficile d’avancer des certitudes en ce domaine, et les réponses dépendent aussi des
2Pourplusdedétails,cf.ParisEuroplace,«Lesimpactsdesréseauxdistribuésetdelatechnologieblockchain
danslesactivitésdemarché»,octobre2017,dontleslignesquisuiventsontissues.
8
contextes culturels et économiques locaux. Ce qui pourra passer pour un avantage pour une
banque centrale pourra pour une autre constituer un défi ou une menace.
C’est donc localement, au niveau de chaque banque centrale qu’il convient d’apprécier les
avantages / défis de la technologie Blockchain.
De manière non exhaustive, voici quelques avantages potentiels que pourraient représenter la
Blockchain pour les banques centrales3.
Traçabilité des transactions
La propriété inhérente d'immutabilité et de transparence associée à la chaîne de bloc permet
aux banques centrales de retracer plus facilement la monnaie en circulation. Cela leur
permettrait de suivre chaque euro, livre, dollar ou renminbi à chaque étape du système
financier en temps réel.
Construction d’un enregistrement partagé unique
Les banques centrales peuvent voir un intérêt à cette technologie comme moyen d'établir un
registre partagé de toutes les transactions entre plusieurs institutions. Les banques centrales
espèrent pouvoir utiliser la méthode décentralisée de tenue des registres pour effectuer et
enregistrer les transactions dans l'économie de manière plus efficace, rapide et transparente.
La création d'une méthode normalisée d'enregistrement des transactions permettrait à tous les
acteurs du système de communiquer plus facilement. Cela pourrait laisser beaucoup moins
d'argent inactif pendant que les banques réconcilient leurs différents grands livres, comme
c'est le cas aujourd'hui.
Modernisation des systèmes de paiement
L'une des applications les plus évidentes de la Blockchain est celle des systèmes de paiement
cash. Plusieurs banques centrales mènent déjà des recherches dans ce domaine, notamment la
Banque du Canada, la Banque du Japon, la Banque de Suède, la Banque de Singapour, et la
Banque centrale européenne. D'autres fonctions internes peuvent également bénéficier d'une
chaîne de blocage, comme la gestion des réserves, la vérification, la conformité et la gestion
des dossiers.
Simplification du processus de règlement / livraison de titres financiers
La Blockchain et plus largement des DLT a le potentiel de simplifier la chaîne de règlement /
livraison autour des opérations sur titres, en particulier sur des bons du Trésor et des titres
d’Etat. Les réductions de coûts qui en résultent, la rapidité du règlement (quasi-instantanéité)
et l'amélioration de la transparence peuvent contribuer à rendre les paiements et les marchés
3Leslignesquisuiventsonttiréespourl’essentieldel’articledeCarloR.WDeMeijer,«BlockchainandCentral
banks:aTourdeTablePart1»:https://www.finextra.com/blogposting/13507/blockchain‐and‐central‐banks‐
a‐tour‐de‐table‐part‐1
9
financiers plus efficaces et plus sûrs. Un projet pilote d’émission des bons du trésor du Kenya
a été lancé sous l’égide la Banque Mondiale4.
Un rapport récemment publié en Mars 2018 par la Banque Centrale Européenne et la Banque
du Japon5 indique que la technologie du grand livre distribué (DLT) pourrait être utilisée pour
créer de nouveaux mécanismes de règlement de titres, y compris des " swaps atomiques inter-
chaînes" entre les grands livres non connectés. Les résultats sont le fruit de l'initiative
conjointe de recherche DLT des banques centrales, baptisée Projet Stella, qui a été lancée en
décembre 2016.
Réduction des coûts de transmission
Cette technologie peut également réduire considérablement les coûts et le temps de
transmission associés aux transferts transfrontaliers, en permettant des transferts quasi-
instantanés entre succursales ou différentes entités, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Réduction des coûts d'exploitation
L'utilisation d'une monnaie numérique ou digitale basée sur une chaîne de blocs pourrait
réduire la quantité de billets et de pièces en circulation. Cela réduira les coûts d'exploitation
associés à l'impression et à la distribution des billets de banque centrale, mais aussi facilitera
le passage à une économie digitale.
Amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent
Le déploiement de monnaies digitales émises par les banques centrales aidera également les
banques centrales (et les gouvernements) à lutter contre le blanchiment d'argent tout en
éliminant le problème de la contrefaçon.
Autres avantages
La technologie de la chaîne de blocs fournit un outil pour mesurer l'effet de levier dans le
système et le risque de contrepartie, et peut surveiller la conformité en temps réel. Il peut
également répondre à des questions sur la propriété des garanties.
Les monnaies digitales pourraient également profiter aux pays en développement. Parce
qu'elles sont peu coûteuses et faciles à utiliser sur les appareils électroniques, les monnaies
digitales peuvent permettre un meilleur accès aux services financiers pour les personnes non
bancarisées dans le monde.
III. La définition juridique de la monnaie
4WorldBank,FinancialSectorSupportProject:https://www.blockchaintechnology‐
news.com/2017/05/02/world‐bank‐supporting‐kenyan‐blockchain‐bonds‐trial/
5ECBandBankofJapan,«SecuritiesSettlementSystems:deliveryversuspaymentinaDLTenvironment»,
March2018.
http://www.boj.or.jp/en/announcements/release_2018/data/rel180327a1.pdf
10
Dans la mesure où la technologie Blockchain reste encore associée aux « crypto-monnaies »,
il est nécessaire et important de poser les bases juridiques permettant de cerner et qualifier
ces « crypto-monnaies » afin de bien savoir de quoi l’on parle.
On sait qu’il existe plusieurs types de monnaies :
– la monnaie divisionnaire, composée de pièces dont la valeur n’est pas déterminée par la
quantité de métal qui les constitue.
– la monnaie fiduciaire qui regroupe les billets et les pièces métalliques dont la valeur ne
repose que sur un consensus social et non sur la valeur intrinsèque de l’instrumentum.
– la monnaie scripturale qui prend la forme d’une écriture en compte. Le chèque et la carte de
crédit permettent l’utilisation de la monnaie scripturale mais ne sont pas des monnaies en soi.
– la monnaie électronique, qui constitue une forme de monnaie circulant en marge du secteur
bancaire mais reposant tout de même, contrairement aux crypto-monnaies, sur la monnaie
émise par la banque centrale. « C’est une valeur monétaire, stockée sous une forme
électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur qui est émise
contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement acceptée par une personne
physique ou morale autre que l‘émetteur de monnaie électronique » (Journal Officiel de
l’Union Européenne).
Le concept moderne de « monnaie » renvoie à la banque centrale, comme unique dépositaire
de la prérogative de « battre monnaie », même s’il n’en fut pas toujours ainsi.
En effet si l’existence de la monnaie est – presque – aussi vieille que celle de l’État, il n’en
est pas de même avec les banques centrales, institutions relativement récentes puisque le
premier établissement à pouvoir être dénommé comme tel est la Banque de Suède en 1668.
Ce n’est qu’au XIXe siècle que la prérogative d’émettre la monnaie a été confiée à une
institution séparée de l’État. Et encore, jusqu’au XXe siècle, ces institutions n’étaient pas
toutes des émanations de l’État, même si elles étaient dotées de privilèges. La Banque de
France était aux mains d’actionnaires privés jusqu’en 1945 et la Federal Reserve Bank de
New York, était détenue par les principales banques commerciales des États-Unis.
Ce n’est donc pas le fait que la monnaie soit émise par une banque centrale qui fonde – tout
au moins historiquement - la distinction entre la notion traditionnelle de monnaie et celle de
« crypto-monnaie ».
En revanche, le caractère juridiquement libératoire de la monnaie telle que reconnue par le
droit d’un Etat serait un fondement plus pertinent pour distinguer les monnaies de banques
centrales des « crypto-monnaies ».
En effet, tous les pays disposent de leur propre monnaie. Celle-ci est généralement
légalement définie dans le corpus juridique national comme la seule monnaie légale
utilisable, c’est-à-dire ayant cours légal. Cette dernière notion signifie qu’un créancier ne peut
pas refuser le règlement d’une dette par la monnaie ayant cours légal dans le territoire où
11
l’opération est effectuée. L'atteinte au cours légal des monnaies est parfois sanctionnée
pénalement ; dans d'autres cas, la sanction relève du seul droit des contrats : la personne qui
refuse des monnaies (espèces) ayant cours légal s'expose à ce que sa dette ne soit pas
honorée.
En Europe, dans les pays qui disposent de l’euro, la monnaie n'est définie que par son nom6.
Il n'y a pas de référence à un étalon qui servirait à établir une valeur d'échange de la monnaie.
L'euro comme monnaie existe par la seule déclaration de l’Etat qui décide qu’il s’agit de sa
monnaie légale7. La monnaie désignée par la loi monétaire se définit aussi par différence avec
les autres monnaies nationales, qui sont des devises.
Les « crypto-monnaies » ne bénéficient bien sûr pas de cette notion de cours légal puisqu’il
ne s’agit pas de monnaie légale. Elles ne sont que des conventions monétaires entre des
parties à une opération. Ces conventions ne sont pas opposables aux tiers et l’exécution de
ces conventions dépend totalement de la bonne foi de chacune des parties.
Bien qu’il ne s’agisse pas juridiquement de monnaie, il n’en demeure pas moins que les
« crypto-monnaies » servent aujourd’hui de valeur d’échange.
Par ailleurs, les banques centrales, comme la Banque de France, n’hésitent pas à rappeler que
les « crypto-monnaies » ne permettent pas, ou de façon limitée, de remplir les trois fonctions
essentielles d’une monnaie au sens traditionnel qui sont :
• constituer une unité de compte : leur valeur fluctue très fortement, ce qui ne permet pas d’en
faire des unités de compte. De fait, très peu de prix sont exprimés dans ces crypto‑actifs.
• être considérée comme intermédiaire des échanges : les « crypto‑monnaies » sont moins
efficaces que la monnaie qui a cours légal, dans la mesure où (i) la volatilité de leur cours
rend de plus en plus difficile leur utilisation comme moyen de paiement ; (ii) ils induisent des
frais de transactions qui sont démesurés pour de simples opérations de détail ; et (iii) ils
n’offrent aucune garantie de remboursement en cas de fraude.
• constituer une réserve de valeur : leur absence de valeur intrinsèque ne permet pas non plus
d’en faire des réserves de valeur, inspirant confiance. Les « crypto‑monnaies » ne s’appuient
sur aucun sous‑jacent réel. Ils sont souvent émis en fonction d’une puissance de calcul
informatique, sans considération des besoins de l’économie et de ses échanges, ce qui ne
permet pas de leur attacher une valeur intrinsèque8.
6Auseindelazoneeuro,l’article106duTraitédel’UnionEuropéenneindique:«1°LaBCEestseulehabilitée
àautoriserl’émissiondebilletsdebanquedanslaCommunauté.LaBCEetlesbanquescentralesnationales
peuventémettredetelsbillets.LesbilletsdebanqueémisparlaBCEetlesbanquescentralesnationalessont
lesseulsàavoircourslégaldanslaCommunauté».Pourprécisercettenotion,laCommissioneuropéennea
adoptéle22mars2010unerecommandationsurl’étendueetleseffetsducourslégaldesbilletsetdespièces
eneuros.
7ArticleL.111‐1ducodemonétairetfinancierfrançais:«LamonnaiedelaFranceestl’euro.Uneuroest
diviséencentcentimes».
8https://publications.banque‐france.fr/sites/default/files/medias/documents/focus‐16_2018_03_05_fr.pdf
12
IV. Essai de définition juridique d’une « crypto-monnaie » ;
À défaut de savoir ce que sont précisément les « crypto-monnaies », il convient de
commencer par dire ce qu’elles ne sont pas.
‐ Comme évoqué supra, les « crypto-monnaies » ne sont pas une monnaie légale, à
défaut de disposer du caractère libératoire.
‐ Les « crypto-monnaies » ne sont pas non plus une monnaie électronique au sens où
‘entend le droit européen. Cette dernière supposant une créance de son détenteur
contre l’émetteur qui peut à tout moment demander à ce dernier de lui « rembourser »
cette valeur contre une somme d’agent dans une devise ayant cours légal. Les
« crypto-monnaies », elles, ne sont pas émises contre la remise de fonds, au sens de la
Directive 2009/110/CE du Parlement et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant
l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi
que la surveillance prudentielle de ces établissements.
‐ Les « crypto-monnaies » ne sont pas des instruments financiers au sens du droit
européen en ce qu’elles ne répondent à aucune des énumérations proposées par la
directive marchés d’instruments financiers définissant les instruments financiers9.
‐ Enfin, les « crypto-monnaies » ne constituent pas un service de paiement au sens du
droit européen, mais l’échange de devises contre une crypto-monnaie peut être
qualifié de service de paiement au sens de la directive européenne sur les services de
paiement10. C’est le sens de la jurisprudence précitée de la Cour d’appel de Paris,
mais aussi la position de nombreux régulateurs en Europe, à commencer par le
régulateur français11.
Ayant écarté ce qu’elles ne sont pas, reste à tenter un essai de définition des crypto-monnaies.
De façon pragmatique, on peut considérer que ces « crypto-monnaies » sont des unités de
valeur, au sens qu’elles permettent d’échanger des biens et des services. Il ne s’agit pas
simplement d’unité de compte, c’est-à-dire d’unité de mesure monétaire, mais bien d’unité de
valeur, au sens qu’elles constituent par elle-même une unité d’échange du fait de leur valeur
propre.
Mais, comme toute unité de valeur, il s’agit juridiquement d’une convention entre des parties.
Autrement dit, ce n’est que parce que les parties à un contrat de vente ou d’échange (ou tout
autre contrat) acceptent d’être payées en « crypto-monnaies » que ces unités de valeurs
remplissent une fonction monétaire.
9Directive2014/65/UEduParlementeuropéenetduConseildu15mai2014concernantlesmarchés
d’instrumentsfinanciersetmodifiantladirective2002/92/CEetladirective2011/61/UE.
10Directive(UE)2015/2366duParlementeuropéenetduConseildu25novembre2015concernantles
servicesdepaiementdanslemarchéintérieur,modifiantlesdirectives2002/65/CE,2009/110/CEet
2013/36/UEetlerèglement(UE)no1093/2010,etabrogeantladirective2007/64/CE(Texteprésentantde
l'intérêtpourl'EEE).
11Positiondu20janvier2014del’ACPRrelativeauxopérationssurbitcoinsenFrance,Position2014‐P‐01et
BanquedeFrance,«Lesdangersliésaudéveloppementdesmonnaiesvirtuelles:l’exempledubitcoin»,
Focus,no10,5décembre2013.
13
D’un point de vue juridique, l’on retrouve ici le débat classique sur la validité des clauses
monétaires dans les contrats et la distinction entre monnaie de paiement et monnaie de
compte, et plus généralement de la question de l’indexation. En effet, la loi ou la
jurisprudence assimilent souvent la clause de valeur monnaie étrangère à une clause
d’indexation, laquelle se caractérise par l’existence d’un aléa (qui doit être réciproque entre
les parties).
La validité de ces clauses dépend de la législation propre à chaque Etat mais on peut estimer
que la tendance générale est d’accepter la validité des clauses d’indexation dès lors que le
contrat présente un caractère international, autrement dit qu’il n’est pas un contrat interne.
Dans certains cas, les Etats reconnaissent aux devises (c’est-à-dire aux monnaies étrangères)
des droits assez proches que ceux leur monnaie nationale ; la principale différence étant
cependant que les devises n’ont pas de cours légal sur le territoire national. Encore faut-il
pour autant qu’il s’agisse bien de monnaies étrangères, et non de marchandises. En effet, pour
que des droits soient reconnus à ces devises, encore convient-il de considérer que celles-ci
soient qualifiées dans leur ordre juridique interne comme des monnaies légales. A défaut, il
ne s’agira que de marchandises.
Tel est le bien le cas des « crypto-monnaies » : n’étant nulle part au monde une monnaie
légale, elles ne peuvent pas bénéficier du statut de « monnaies étrangères » et doivent ainsi
être traitées comme de simples marchandises.
Ainsi, un contrat qui prévoirait le calcul de la dette à payer en « crypto-monnaies » serait un
contrat disposant d’une clause de « monnaie de paiement ». Le même contrat qui prévoirait le
paiement de cette dette sous forme de « crypto-monnaies » serait un contrat stipulant une
clause de monnaie de paiement, et plus précisément une clause de « monnaie étrangère »
c’est-à-dire une clause dont la dette est indexée sur un indice ou un cours de change d’une
devise ou d’un actif.
La question pratique qui se pose pour une banque centrale est de savoir de telles clauses
d’indexation seraient valides ou non dans son ordre juridique interne. La réponse dépend soit
de ce que prévoit la législation nationale, soit de la jurisprudence nationale. Ainsi en France,
la validité des clauses d’indexation est reconnue depuis des arrêts de la Cour de Cassation de
187123 et 192713.
V. Distinction juridique entre un jeton (Token) et une crypto-monnaie :
Il y a une confusion souvent effectuées entre « crypto-monnaies » et « token ».
Or, les deux ne se confondent pas et il est important pour une banque centrale de bien les
distinguer dans la mesure où tous les « tokens » ne permettent pas toujours une fonction de
paiement.
12Cass.civ.Audiencepubliquedumardi11février1873
13Cass.Civ.Audiencepubliquedumardi17mai1927
14
Un jeton est avant tout un concept technologique. Il confère à son détenteur certains droits en
fonction du contenu de la chaîne de blocs ou d'un contrat intelligent (smart contract). S'il
s'agit d'un actif ou d'un droit sur une Blockchain, un jeton peut fonctionner sans cadre
juridique ad hoc sous-jacent.
Les jetons peuvent également représenter des actifs hors chaîne de blocs mais nécessitent
alors un cadre juridique spécifique. On peut aujourd’hui schématiquement distinguer quatre
types de jetons. Tout d’abord, les « jetons intrinsèques ». Ce type de jeton représente des
droits ou des actifs sur la Blockchain, comme le Bitcoin ou l’Ethereum. Ensuite, les « jetons à
support d'actifs ». Ce type de jetons est adossé à un ou plusieurs actifs hors de la Blockchain,
comme de l'or, des devises, des biens immobiliers, des droits de propriétés intellectuels.
L’utilisation de ces jetons nécessite un cadre juridique particulier, notamment pour en
reconnaître la propriété. Il y a aussi, les « jetons liés à des droits » qui, tout comme les jetons
d’actifs, sont adossés à des éléments hors de la chaîne de blocs, mais alors que les jetons
d’actifs sont adossés à des biens, ceux-ci sont adossés à des droits, comme des droits aux
revenus, aux dividendes, à la gouvernance. Là encore, pour être pleinement utilisés, ces
jetons nécessitent un cadre juridique ad hoc. Enfin, tous les jetons peuvent être utilisés dans
une fonction d’échange monétaire.
Fondamentalement (ou sociologiquement), une crypto-monnaie n'est pas différente d’un
jeton. Une fois que les jetons ont été créés par une société puis achetés et acceptés au sein
d’une communauté, ils deviennent des « crypto-monnaies ». Mais la réalité est plus
complexe. Une crypto-monnaie est, comme son nom l’indique, un mode de paiement (au sens
économique du terme) quand un jeton répond à des fonctionnalités beaucoup plus larges,
pouvant aller jusqu’à conférer des droits sur des revenus, voire sur la gouvernance d’un
projet. Une « crypto-monnaie » est un logiciel peer to peer ou un programme construit à
partir d'un code source unique ou cloné à partir d'un autre code source, comme Litecoin,
Peercoin, ou bien sûr Bitcoin ou Ethereum, alors que le jeton n’est pas lié à un seul protocole
spécifique. En pratique, la ligne de partage entre une « crypto-monnaie » et un jeton n'est pas
claire et nette. Les deux peuvent être utilisés dans une fonctionnalité de paiement. En réalité,
la différence majeure entre une « crypto-monnaie » et un jeton tient à leur structure : les
premières sont des modes d’échange liés à leur propre protocole Blockchain, alors que les
jetons ne sont pas liés à un protocole Blockchain spécifique mais à chaque entreprise
émettrice. En d’autres termes, une « crypto-monnaie » est « émise » dans le cadre d’une
Blockchain, généralement en rémunération d’un travail (le minage) alors que le jeton
représente un actif sous-jacent, qu’il s’agisse d’un droit sur des biens sous-jacents, des
revenus futurs ou d’échange contre services.
VI. Les « crypto-monnaies » peuvent-elles constituer un délit de faux monnayage ?
La réponse à cette question dépendra de la qualification juridique qui sera donnée à la notion
de « crypto-monnaie ».
La plupart des pays connaissent dans leur ordre juridique interne des dispositions,
généralement d’ordre pénal, visant à réprimer la fausse monnaie. Il s’agit ici bien sûr de lutter
15
contre ceux qui émettent de la monnaie alors que l’émission monétaire est un attribut de la
souveraineté de l’Etat. Ces fausses monnaies peuvent provenir de la contrefaçon ou de la
falsification de monnaies ayant cours légal, mais aussi de la création de supports permettant
de fabriquer de la fausse monnaie. A titre d’exemple, l’article 442-4 du code pénal français
sur la fausse monnaie dispose que « la mise en circulation de tout signe monétaire non
autorisé ayant pour objet de remplacer les pièces de monnaie ou les billets de banque ayant
cours légal en France est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros
d'amende ».
La définition du faux monnayage suppose généralement la mise en circulation de signe
monétaire non autorisé, c’est-à-dire à des représentations matérielles de la monnaie, ce qui
renvoie à l’aspect fiduciaire de la monnaie. La fausse monnaie Il ne peut pas y avoir de fausse
monnaie scripturale. Seuls sont donc visées des signes monétaires physiques, ce que ne sont
pas les « crypto-monnaies ».
Ainsi, sauf à étendre la définition du faux monnayage, il ne semble pas possible de faire
tomber les « crypto-monnaies » sous le coup des infractions pénales spécifiques sur la fausse
monnaie.
VII. Problématiques liées au contrôle des changes
De nombreux pays disposent d’une réglementation stricte en matière de contrôle des changes
visant à empêcher la fuite des capitaux vers l’étranger sous le contrôle d’un office des
changes. Toutefois, les dispositifs existants ne permettent pas d’exercer efficacement ce
contrôle sur les opérations effectuées non pas en monnaies nationale mais en « crypto-
monnaies ».
En effet, comme le souligne le FMI dans une de ses études sur les « crypto-monnaies »,
celles-ci peuvent être utilisées pour effectuer un transfert transfrontalier d'une monnaie
fiduciaire tout en contournant les moyens de paiement traditionnels systèmes. « Comme
l'applicabilité des régimes nationaux de contrôle des changes à ces systèmes est souvent peu
claire, la possibilité que les « [crypto-monnaies »] puissent servir de moyen d'échapper au
contrôle des capitaux est évidente »14.
Ce fut d’ailleurs l’une des raisons de la flambée du cours du Bitcoin qui, dopé par une
demande croissante dans un certain nombre de pays avec un contrôle des changes stricte
(notamment en Inde, en Chine, au Venezuela ou au Maroc), a été perçu comme un moyen de
contourner les restrictions imposées par les monnaies nationales.
Ce fut l’une des principales raisons pour lesquelles un certain nombre de pays, au regard du
nombre croissant de transactions réalisées en « crypto-monnaies » ont interdit les transactions
effectuées via les monnaies virtuelles.
La question pratique qui se pose pour de nombreuses banques centrales consiste donc à
déterminer si la réglementation en place au titre du contrôle des changes permet d’inclure
14FMI,VirtualCurrenciesandBeyond:InitialConsiderations,January2016,SDN/16/03,p.31.
16
dans celle-ci les « crypto-monnaies » afin de limiter voire d’en interdire l’achat et la
détention.
La question dépend bien sûr de chaque législation nationale en la matière.
VIII. La lutte contre le blanchiment et contre le terrorisme
L’un des risques principaux mis en avant à propos des « crypto-monnaies » est le caractère
opaque des transactions enregistrées sur des registres anonymes, facilitant ainsi les techniques
de blanchiment d’argent sale.
Le GAFI a d’ailleurs souligné dès 2014 les risques d’utilisation de ces « crypto-monnaies »
dans des schémas de financement du terrorisme ou de blanchiment d’argent15.
Les dispositifs législatifs nationaux existants ne tiennent généralement pas compte de
l’apparition des « crypto-monnaies » dans leur champ d’application. C’est pourquoi on voit
de plus en plus apparaitre des projets de réforme de ces régimes afin d’intégrer dans leur
champ de compétence ces « crpto-monnaies ». Ainsi, au niveau Européen, la directive
2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment
de capitaux ou du financement du terrorisme (la « Directive ») ne permet d’appréhender que
de façon limitée les opérations en « crypto-monnaie ». C’est la raison pour laquelle la
Commission européenne a publié une Communication le 5 juillet 2016 afin d’intégrer dans le
champ de la Directive les crypto-monnaies. Celles-ci sont définies par la Communication
comme les « représentations numériques d’une valeur qui ne sont émises ni par une banque
centrale ni par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une
monnaie à cours forcé mais qui sont acceptées comme moyen de paiement par des personnes
physiques ou morales et qui peuvent être transférées, stockées ou échangées par voie
électronique ».
La Communication de la Commission européenne propose en outre de rendre applicables les
dispositions de la Directive à deux nouvelles catégories de prestataires actuellement actifs
dans le domaine des crypto-monnaies : « les prestataires se livrant principalement et à titre
professionnel à des services de change entre monnaies virtuelles et monnaies à cours forcé; et
les fournisseurs de portefeuilles offrant des services de stockage des identifiants nécessaires
pour accéder aux monnaies virtuelles ».
Cette Communication de la commission européenne propose aussi de soumettre les deux
prestataires ci-avant mentionnés à un agrément ou immatriculation.
Ceci souligne l’importance pour les banques centrales et les régulateurs nationaux de vérifier
si leur législation nationale permet bien d’inclure dans le champ des dispositif de lutte contre
le blanchiment et le financement du terrorisme les « crypto-monnaies », à tout le moins pour
s’assurer que les obligations de vigilances et de déclaration de soupçon pèsent bien sur les
intermédiaires (plateformes d’échange notamment) qui proposent l’achat et la vente de
« crypto-monnaies ».
15FATF,“Virtualcurrencies:keydefinitionsandpotentialAML/CFTrisks”,June2014.
17
IX. La blockchain et le droit
Dans quelle mesure la technologie Blockchain ne viennent-elles pas modifier les règles de
droit existantes compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment le caractère
ineffaçable et inaltérable des informations y figurant, mais aussi les questions de preuve ou
de propriété.
Chaque législateur, banque centrale ou superviseur doit procéder à une évaluation de son
cadre juridique et réglementaire afin de vérifier si, en fonction de tel ou tel projet, il convient
d’adapter cet environnement, voire même créer un nouveau régime particulier.
Chaque Etat doit ainsi procéder à une évaluation de son cadre juridique pour mesurer les
écarts existants entre celui-ci et les attentes liés à l’utilisation de cette technologie.
Prenons l’exemple d’un cadastre foncier dont les informations sont enregistrées dans la
blockchain ou une DLT. Pour donner plein effet juridique à ces informations figurant dans les
chaines de blocs, il conviendra avant de vérifier les lois relatives aux registres fonciers et au
régime des hypothèques.
C’est donc le plus souvent au cas par cas qu’un Etat décide de reconnaitre les effets de la
Blockchain ; non pas pour toutes ses applications, mais pour des usages particuliers :
circulations d’instruments financiers, signature électronique, preuve électronique, smart
contract…
Si les initiatives gouvernementales en la matière sont plutôt rares, on peut toutefois relever
quelques cas intéressants.
Ainsi, aux Etats Unis d’Amérique, plusieurs Etats ont adopté ou sont sur le point d’adopter
des législations reconnaissant les effets de la Blockchain : Hawaï (cryptomonnaies), Arizona
et Californie (signature électronique), Nevada, Tennessee et New Hampshire (smart
contract), Delawarre (registre des titres des sociétés).
En Europe, la France fait figure de pionner avec deux lois (2016 et 2017) venant donner
légale reconnaissance à l’utilisation de la blockchain en matière d’émission et de circulation
de titre de dette sous forme de bons de caisse, mais aussi de titres de sociétés non cotées.
Plusieurs branches du droit peuvent être affectées par la technologie Blockchain et DLT.
Signalons, de façon non exhaustive, les situations suivantes.
A/ - Protection des données
La Blockchain étant définie comme un registre d'opérations infalsifiable, distribué, vérifiable
par tous et reposant sur un consensus, il en résulte que les opérations enregistrées dans une
Blockchain ont vocation à être inaltérables et donc ineffaçables. S’il est possible d’« annuler
» une opération en passant une opération opposée, il n’est pas possible d’effacer une
opération. Les identifiants utilisés par ces technologies sont pseudonymes et non nominatifs,
18
mais permettent cependant l’identification indirecte d’un individu. Plusieurs Etats disposent
de règles relatives à la protection des données personnelles et la vie privée, et dont la
définition de « données personnelles » peut recouvrir les données pseudonymes. Parfois
même, ces législations mettent en place un véritable « droit à l’oubli », comme dans l’Union
europénne. Lorsque ces législations ont été mises en place avant l’introduction de la
technologie Blockchain ou DLT, elles n’ont pas pu intégrer les spécificités de celles-ci. D’où
parfois de véritables difficultés, comme au sein de l’UE avec le Règlement de protection de
données personnelles16.
B/ - Signature électronique
Les caractéristiques de la Blockchain et des DLT en font une technologie particulièrement
adaptée pour les signatures électroniques permettant d’intégrer au sein de chaque document
numérique une preuve d’intégrité et une preuve de l’identité de l’émetteur.
De nombreux pays ont légiféré depuis de nombreuses années pour introduire la signature
électronique à côté de la signature olographe. Mais la reconnaissance de ces signature passe
généralement par la présence d’un « tiers de confiance » émettant un « certificat
d’authentification ».
Alors que les technologies de signature numérique traditionnelles tournent sur un serveur
centralisé, ce que l’on appelle « l’autorité de certification », en recourant la blockchain, c’est
la signature elle-même qui est insérée dans une chaine de blocs : l’utilisateur crée une
signature numérique, qui peut être utilisée (immédiatement) pour signer n’importe quel
contrat. La signature et une référence unique au contrat (appelée "hash") sont placées sur la
chaîne de blocs, où elles peuvent être consultées par tout le monde, à tout moment.
Il convient donc d’évaluer les lois et règlement en vigueur afin de vérifier si la signature
électronique via la Blockchain peut être considérée comme une signature valide au sens de
cette réglementation. En Europe, le Règlement eIDAS17 est considéré comme étant
compatible avec la Blockchain.
Aux Etats Unis d’Amérique, le Federal Electronic Signatures in Global and National
Commerce Act (ESIGN Act) et le Uniform Electronic Transactions Act (UETA) constitue les
bases légales en vigueur aux termes desquelles il convient d’apprécier la technologie
Blockchain en matière de signature et de smart contract.
C/ - Cybersécurité
16Règlement(UE)2016/679duParlementeuropéenetduConseildu27avril2016relatifàlaprotectiondes
personnesphysiquesàl'égarddutraitementdesdonnéesàcaractèrepersonneletàlalibrecirculationdeces
données.
17Règlement910/2014duParlementeuropéenetduConseildu23juillet2014surl’identificationélectronique
etlesservicesdeconfiancepourlestransactionsélectroniquesauseindumarchéintérieur.
19
De nombreux pays disposent de lois spécifiques pour traiter les crimes informatiques. Ainsi,
l’Union européenne a adopté en 2016 la directive Network and Information Security (NIS)18.
Celle-ci définit ainsi la notion d’ « opérateurs de services essentiels » au fonctionnement de
l’économie et de la société via la définition au niveau national de règles de cybersécurité
auxquels ces derniers devront se conformer et l’obligation pour les opérateurs de notifier les
incidents ayant un impact sur la continuité de leurs services essentiels.
La technologie Blockchain peut là encore apporter des réponses en matière de cybersécurité
et les lois et règlements en vigueur doivent être évalués de manière à vérifier si la technologie
Blockchain est intégrée dans cet environnement légal.
D/ - le droit de la preuve
Le caractère infalsifiable de la blockchain et de la DLT et la possibilité de disposer de tout
l’historique de transaction en font des outils techniques précieux en matière de droit de la
preuve en prévoyant un enregistrement de provenance immuable où les données ne peuvent
être détruites ou falsifiées. Mais le recours à cette technologie devant les tribunaux dépend le
plus souvent des règles probatoires prévues par les procédures civiles et commerciales,
lesquelles établissent les conditions dans lesquelles les parties peuvent apporter les preuves
de leurs différents devant un juge. Même en matière pénale le recours à la Blockchain comme
technologie probatoire peut être envisagée. Là encore, il convient de procéder à une
évaluation des règles existantes pour déterminer s’il convient ou non de les modifier par
intégrer la preuve électronique, voire pour reconnaitre aux actes enregistrés dans la
blockchain la même force qu’un acte authentique passé devant notaire.
E/ - Le droit de propriété
Les informations enregistrées dans les chaines de blocs peuvent être de simples preuves de
droits ou de biens. Mais il est aussi possible d’aller plus loin et de prévoir que la propriété de
ces biens ou droits résulte de leur seul enregistrement dans une chaine de blocs. Ceci est
particulièrement pertinent en matière de valeurs mobilières et de titres : la France a ainsi
légiféré en 2016 et 2017 pour donner plein effets aux titres enregistrés dans une Blockchain
ou une DLT. C’est d’ailleurs dans ce domaine que les cas d’usage pour les banques centrales
sont les plus prometteurs en prévoyant les émissions de bons du Trésor et des obligations
d’Etat via la Blockchain ou une DLT, aussi bien pour les procédures d’adjudication que pour
la circulation des titres. Bien sûr, cela nécessite le droit des valeurs mobilières pour
reconnaitre la propriété des titres digitaux.
F/ - la qualification juridique des smart contracts
L’exécution automatique de transactions via la Blockchain peut apporter de très nombreux
changements pratiques dans la vie quotidienne et la vie des affaires. C’est d’ailleurs en
matière de smart contract que les modifications législatives sont aujourd’hui les plus
18Directive(UE)2016/1148duParlementeuropéenetduConseildu6juillet2016concernantdesmesures
destinéesàassurerunniveauélevécommundesécuritédesréseauxetdessystèmesd'informationdans
l'Union.
20
nombreuses. Pour une banque centrale ou un superviseur bancaire, le smart contrat peut
réaliser de nombreux avantages en matière de sécurité des transactions et des paiements.
Encore faut-il que le droit national assimile jusqu’à un certain point cette exécution
automatique à un contrat au sens juridique du mot.
En pratique, il s’agit de vérifier s’il convient de modifier les lois existantes régissant
l'utilisation des formulaires et des signatures électroniques afin d'inclure explicitement les
termes "blockchain" ou "distributed ledger".
X. La Blockchain et les régulateurs
L’une des principales questions consiste à dessiner les contours de l’intervention/attitude du
législateur, de la banque centrale, ou du superviseur bancaire face à cette nouvelle
technologie qui semble s’installer durablement dans le paysage économique et financier.
Il semble se dessiner un relatif consensus sur le fait que ce n’est pas la technologie
Blockchain elle-même qui doit être régulée, mais les usages et les conséquences de celle-ci.
Peu de pays se sont lancés dans une législation permettant d’appréhender les conséquences de
la Blockchain et des « crypto-monnaies ». Ce sont, la plupart du temps, les régulateurs qui
sont amenés à se pencher sur la question de la régulation au regard de leur propre champ de
compétence.
De ce fait, les solutions apportées le sont le plus souvent en fonction des rôles et des missions
de ces autorités. Ainsi, une banque centrale n’aura pas la même approche qu’un régulateur
bancaire ou une organisation en charge de la lutte contre le blanchiment et financement du
terrorisme, ou une administration fiscale. Chacun essaie d’appréhender ces « crypto-
monnaies » ou la Blockchain selon son propre angle de vue.
Dans le domaine bancaire et financier, les usages de cette technologie Blockchain ou DLT
peuvent être mis en œuvre par des établissements régulés ou non régulées. Un nombre de plus
en plus important de banques et d’assurance mettent en place des projets utilisant la
technologie Blockchain ou DLT. Mais cette technologie permet aussi aux nouveaux acteurs
de la FinTech de lancer des produits ou des services à destinations des clients bancaires ou
assuranciel.
Se pose alors la question de savoir comment réguler ces nouveaux acteurs.
Bien sûr, dès lors que ceux-ci se livrent à des activités bancaires ou financières régulées, ils
doivent disposer du statut ou de la licence correspondant à ces activités. Mais bien souvent,
ces statuts ou licences sont assez lourds en termes de moyens humains, techniques et
financiers pour de jeunes sociétés. L’interrogation consiste alors de savoir si ces FinTech
doivent appliquer de la même manière que les acteurs traditionnels la réglementation qui leur
est applicable, ou bien s’il est possible de prévoir un cadre adapté et temporaire d’adaptation
de ces nouveaux acteurs à cette réglementation.
21
En pratique, l’examen des différentes approches nationales permet de considérer que deux
solutions sont possibles :
‐ La première consiste à ne pas accorder de régime dérogatoire aux FinTech mais
considérer une approche pragmatique et factuelle selon le principe de
proportionnalité;
‐ La seconde prévoit un cadre adapté aux FinTech.
L’approche proportionnelle
Selon cette approche, le principe de base est que la règlementation applicable est la même
pour tous les acteurs. Mais cette affirmation est immédiatement tempérée par le principe de
proportionnalité : la même réglementation doit être appliquée de façon différente selon le
degré de risque présenté par les acteurs. Moins un intervenant présente de risque systémique
ou de risque opérationnel vis-à-vis de la clientèle, plus son superviseur devra faire preuve de
proportion dans le respect et l’application de la réglementation qui lui est applicable.
Le principe de proportionnalité fait aujourd’hui partie du mode de fonctionnement de la
surveillance de la Banque Centrale Européenne19.
En matière de FinTech et d’usage des technologies liées à la Blockchain, l’application de ce
principe revient à considérer que les nouveaux acteurs doivent se soumettre à l’ensemble de
la régulation en vigueur (en particulier en matière de protection de la clientèle et de lutte
contre le blanchiment), mais que le superviseur bancaire doit tenir compte du fait qu’il s’agit
le plus souvent d’acteurs jeunes et disposant de peu de moyens.
C’est l’approche adoptée en France par l’AMF et l’ACPR.
Le bac à sable réglementaire
La technique du bac à sable réglementaire (Sandbox) consiste à mettre à disposition
d’entreprises innovantes une palette réglementaire dérogatoire du droit commun et un
environnement d’essai permettant aux entreprises éligibles de tester des nouvelles
technologies ou de nouveaux services innovants dans un environnement encadré par des
règles adaptées.
L’image parle d’elle-même : il s’agit pour les « jeunes pousses » de jouer dans un espace bien
limité sous l’œil de leurs régulateurs, comme les jeunes enfants jouent sous le regard de leurs
parents.
Le principe du bac à sable réglementaire est d’être limité dans le temps.
Cette approche part du constat que dans le cycle d'évolution classique d'une « startup », les
premières phases sont consacrées à concevoir et tester sur le marché une série d'itérations
d'un MVP (« Minimum Viable Product » ou « Produit Minimum Viable »), qui doit
19Cf.principe7duGuiderelatifàlasurveillancebancaire,Novembre2014
22
converger le plus rapidement possible vers une solution répondant à une attente client avérée
et pouvant ensuite être industrialisée.
En matière de Blockchain et de crypto-monnaie, cette technique a été d’ores et déjà utilisée
par un certain nombre de pays pionniers comme le Royaume-Uni, le Canada, la Suisse ou
Hong Kong.
Les résultats de cette démarche ont été semble-t-il probants. Au Royaume-Uni, selon le
rapport Regulatory sandbox lessons learned report publié par le FCA en octobre 2017, 90 %
des entreprises qui ont complété avec succès les tests à l’intérieur du bac à sable continuent
d’opérer actuellement sur le marché britannique.
23
ANNEXE 1
BIBLIOGRAPHIE
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Bank for International Settlements (BIS), Central Bank digital currencies (March 2018)
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September 2017)
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Strike the Right Balance - Blockchain Technology: The Future for Financial Services
Infrastructure, (22 November 2016),
European Securities and Markets Association (ESMA): The Distributed Ledger Technology
Applied to Securities Markets (7 septembre 20174)
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www.eba.europa.eu/documents/10180/657547/EBA-Op-2014-
08+Opinion+on+Virtual+Currencies.pdf
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European Central Bank (ECB), Virtual currency schemes, further analysis, février 2015,
www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/virtualcurrencyschemesen.pdf.
European Central Bank (ECB), In focus: Distributed Ledger Technology – A brave new
world? What impact will distributed ledger technology haveon the financial industry? (2016)
FATF, Guidance for virtual currencies, www.fatf-gafi.org/documents/documents/guidance-
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Irish Republic, Department of Finance, Discussion paper: virtual currencies and blockchain
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TRACFIN, L’encadrement des monnaies virtuelles, (2014).
UK Government Chief Scientific Adviser, Distributed Ledger Technology: beyond block
chain, (January 2016)
The economics of distributed ledger technology for securities settlement - Evangelos Benos,
Rodney Garratt and Pedro Gurrola-Perez, August 2017 [revue ?]
Securities Exchange Commission (SEC), Statement on Potentially Unlawful Online
Platforms for Trading Digital Assets, Divisions of Enforcement and Trading and Markets,
(March 7, 2018).
24
ANNEXE 2
L’ENVIRONNEMENT REGLEMENTAIRE INTERNATIONAL DE LA
BLOCKCHAIN
Le succès de la Blockchain et le développement des crypto-monnaies n’a pas laissé
indifférent régulateurs et institutions européens ou internationaux, qui ont chacun contribué à
la réflexion générale en publiant de nombreuses études, voire même en proposant une
réflexion pour un cadre réglementaire adéquat pour son épanouissement.
Si les régulateurs se montraient réservés voire hostiles au Bitcoin, ils portent un regard tout à
fait différent sur la DLT. Les régulateurs accueillent en effet positivement cette nouvelle
technologie, perçue comme un moyen d’améliorer la sécurité et l’efficience des marchés
financiers.
A. POSITIONS DES INSTITUTIONS ET DES REGULATEURS EUROPEENS
1. European Securities And Markets Authority (ESMA)
L’European Securities and Markets Authority (ESMA) a déjà publié trois documents
relatifs à la DLT : un appel à contribution20, un document de consultation21 et un rapport sur
l’application de la DLT aux marchés financiers22.
Ces trois documents dévoilent le vif intérêt de l’ESMA dans le développement de la
Blockchain. Consciente des enjeux et de la technicité du sujet, l’autorité a souhaité mener une
réflexion en incitant dans sa démarche la participation active du public. L’appel à
contribution du 22 avril 2015 témoigne du besoin des régulateurs d’apprendre davantage
d’une technologie qu’ils ne connaissent que très peu. C’est pourquoi l’objectif affiché par
l’autorité de régulation européenne était avant tout de collecter le maximum d’information
pour comprendre les risques et les bénéfices de la technologie afin de déterminer, le cas
échéant, le besoin ou non de légiférer sur cette matière.
20 Appel à contribution du 22 avril 2015 disponible à l’adresse suivante :
https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/2015/11/2015532_call_for_evidence_on_virtual_currency_investme
nt.pdf
21 Document de consultation du 2 juin 2016 disponible à l’adresse suivante :
https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/2016-773_dp_dlt.pdf
22 Rapport du 7 février 2017 disponible à l’adresse suivante :
https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/dlt_report_-_esma50-1121423017-285.pdf
25
L’ESMA voit avant tout dans la DLT le moyen de réduire sensiblement les coûts structurels
des transactions sur les marchés et de développer les échanges financiers dans le secteur des
titres.
Toutefois, pour l’ESMA, la DLT apparaît davantage comme un outil destiné à réduire les
coûts des transactions qu’un instrument révolutionnaire pour refonder l’architecture de
marché.
C’est dans le post-marché que l’ESMA reconnaît le plus fort potentiel de la DLT. Soucieuse
de mettre en exergue les difficultés de la mise en place des registres distribués, notamment
auprès des nouveaux entrants, l’autorité relève les principaux enjeux à résoudre avant
d’envisager l’essor à grande échelle de la technologie :
‐ Le besoin d’interopérabilité avec les infrastructures existantes ;
‐ L’accès à la monnaie banque centrale ;
‐ La gouvernance des systèmes ;
‐ La protection des données inscrites sur les registres partagés ; et
‐ A droit constant, les risques de l’application de la législation européenne aux
systèmes blockchain.
Il est également important de préciser que l’ESMA ne considère pas que le droit actuel
empêche le développement de la technologie. Tout au plus, certaines dispositions
mériteraient d’être clarifiées pour faciliter son fonctionnement, tant en droit financier qu’en
droit des sociétés, des contrats, de l’insolvabilité ou encore de la concurrence.
Banque Centrale Européenne (BCE)
La Banque centrale européenne a diffusé dans le courant du mois d’avril 2016 une
publication occasionnelle relative au mécanisme de la blockchain appliqué dans le secteur du
post-marché23. L’institution précise toutefois que son contenu ne pourra refléter sa position
en matière de DLT. Toutefois, ce document demeure un bon indicateur pour déterminer
comment la BCE perçoit l’arrivée de cette nouvelle technologie.
A l’instar de l’ESMA, les auteurs voient en la technologie un moyen décisif pour améliorer le
fonctionnement et l’attrait des marchés financiers : réduction des coûts de réconciliation,
amélioration de la chaîne de valeurs dans le post-marché ou encore utilisation plus efficiente
des garanties octroyées.
23 Disponible à l’adresse suivante : https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecbop172.en.pdf
26
Le rapport partage également la circonspection de l’ESMA quant à sa capacité à pouvoir
proposer une nouvelle architecture de marché. En particulier, les auteurs estiment que la
blockchain ne semblerait pas en mesure de remplacer les actuelles chambres de
compensation, notamment dans le cadre de compensation des opérations à terme.
La publication se montre également réservée sur la capacité de la DLT à surmonter à court
terme les difficultés liées à sa mise en application sur les marchés.
Un rapport de l’Advisory Group on Market Infrastructures for Securities and Collateral
(AMI-SeCo) de la BCE publié en septembre 201724 évoque plus en détail les différentes
applications pratiques potentielles de la DLT en matière d’activités de marché, tout en
soulignant le stade précoce de développement de cette technologie et donc la difficulté à se
prononcer non seulement sur son adoption à large échelle sur les marchés financiers, mais
aussi sur le type de DLT qui pourrait être adoptée le cas échéant.
Parlement européen
Les institutions européennes montrent un intérêt croissant pour la Blockchain. Le
comité Sciences and Technology Option Assessment (STOA) du Parlement européen a ainsi
récemment décidé, en lien avec la Commission européenne, de mettre en place un groupe de
travail autour de la DLT destiné à surveiller l’évolution et le fonctionnement de cette
nouvelle technologie et déterminer le besoin ou non de légiférer.
En parallèle, la Commission européenne a publié un document de consultation portant sur les
Fintechs et, entre autres, l’utilisation de la DLT, dans le courant du mois de mars 201725.
Une publication du Parlement européen de février 2017 intitulée « How blockchain could
change our lives »26 et rédigée par son comité STOA a été diffusé avec l’objectif de
sensibiliser les parlementaires européens aux vertus de cette technologie. Le document
expose de manière large les enjeux de l’adoption d’un cadre législatif pour la Blockchain,
sans se limiter pour autant au monde financier. Cette publication a donc une place importante
dans la conception de la future réglementation européenne, puisqu’elle constituera l’une des
bases de travail pour guider les travaux des députés. Si le rapport se montre enthousiaste au
développement à grande échelle de la Blockchain, il demeure prudent sur son aspect
révolutionnaire.
24The potential impact of DLTs on securities post-trading harmonisation and on the wider EU financial market integration,
BCE, Advisory Group on Market Infrastructures for Securities and Collateral, septembre 2017
25 Disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2017-fintech-consultation-document_en_0.pdf
26 Disponible à l’adresse suivante :
http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2017/581948/EPRS_IDA(2017)581948_EN.pdf
27
INSTITUTIONS INTERNATIONALES
1. Financial Stability Board (FSB)
Dans un discours prononcé le 3 novembre 2016 au cours d’une conférence27, le
secrétaire général du FSB, M. Svein Andresen, a précisé que l’organisation avait initié une
réflexion sur la réglementation de la DLT afin de proposer aux régulateurs une série de
recommandation en la matière.
Ces travaux sont menés en parallèle avec le comité des paiements et des infrastructures de
marchés pour identifier les points clefs qui seront l’objet de son intervention auprès des pays
membres.
Les travaux du FSB ont abouti à une position exprimée par le biais d’une lettre adressée aux
ministres des Finances et aux gouverneurs des banques centrales le 13 mars 201828 en
défaveur de la régulation du secteur des crypto-actifs à défaut de consensus entre les États
pour lancer une régulation.
Le président du FSB, Mark Carney, a déclaré que "La première évaluation du FSB est qu'à
l'heure actuelle, ces crypto-actifs ne font pas courir de risque à la stabilité financière
mondiale". Il ajoute que “cette évaluation initiale pourrait changer si les crypto-actifs
venaient à être plus largement utilisés ou interconnectés avec le cœur du système financier".
Mark Carney considère que la petite taille du secteur des crypto-actifs et leur usage limité
dans l'économie réelle et les transactions financières font que les liens avec le système
financier sont limités.
Banque des Règlements Internationaux (BRI)
Le comité des paiements et des infrastructures de marchés de la Banque des
règlements internationaux a publié, dans le courant du mois de février 2017, un rapport
analytique sur la DLT dans les services de paiement, de compensation et de règlement
livraison29.
Ce rapport propose aux régulateurs nationaux ainsi qu’aux banques centrales une grille
d’analyse et de compréhension de la technologie, afin de saisir les risques et les opportunités
27 Disponible à l’adresse suivante :
http://www.fsb.org/wp-content/uploads/Chatham-House-The-Banking-Revolution-Conference.pdf
28 Disponible à l’adresse suivante : http://www.fsb.org/wp-content/uploads/P180318.pdf
29 Disponible à l’adresse suivante : http://www.bis.org/cpmi/publ/d157.pdf
28
de sa mise en place. Rappelant les règles et les utilisations possibles du registre blockchain, le
rapport souligne à nouveau le caractère immature de la technologie et l’absence de réel
potentiel révolutionnaire sur l’infrastructure de marché actuelle.
La BRI a également publié en septembre 2017 une longue étude sur le crypto-monnaies dans
son rapport trimestriel30. L’étude se penche notamment sur les central bank cryptocurrencies
(CBCC), crypto-monnaies émises par les banques centrales et échangées sur un réseau pair-
à-pair décentralisé. La BRI effectue une distinction entre deux formes potentielles de CBCB,
la première étant un instrument de paiement largement accessible aux consommateurs (retail
CBCC) et la seconde un token d’accès restreint pour les paiements de gros (wholesale
CBCC). Alors que la première garantirait aux consommateurs l’anonymat de leurs paiements
comme le fiat déjà la monnaie fiduciaire, la seconde permettrait quant à elle une réduction
des coûts de transfert. L’étude met également en évidence certains risques potentiels associés
au développement de CBCC, incluant notamment l’incitation aux bank runs si la monnaie
scripturale est aisément échangeable contre une CBCC sans risque et l’atteinte portée au
business model des établissements de crédit.
Dans la continuité de l’étude citée supra, la BRI a publié en mars 2018 un rapport plus
complet sur la même thématique intitulé « Central Bank Digital Currencies »31 dans laquelle
elle développe de nouveau une analyse relative aux deux formes potentielles de crypto-
monnaie de banque centrale (qu’elle qualifie désormais de « CBDC » comme Central Bank
Digital Currency et non plus de « CBCC » pour Central Bank Cryptocurrency), à savoir une
« CBDC wholesale » dont l’utilisation serait limitée aux entités publiques et institutions
financières et une « General purpose CBDC » accessible au grand public en complément et, à
terme, en remplacement de la monnaie fiat.
Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV-IOSCO)
Dans un rapport sur les Fintechs32, l’OICV développe sa vision de l’utilisation de la
DLT ainsi que les solutions d’encadrement réglementaires envisageables.
Il convient de noter que l’OICV reste prudente dans l’utilisation qui peut en être faite. A ce
titre, l’organisation rappelle dans son rapport les circonstances de l’attaque de The DAO et
souligne les risques associés à la tenue d’un registre décentralisé unique. Si la DLT permet
globalement de réduire la part de l’erreur humain dans le fonctionnement d’une infrastructure
de marché, elle aggrave également les conséquences d’une erreur de codage.
30 BIS, Central bank cryptocurrencies, septembre 2017: https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1709f.htm
31 BIS, Centrla Bank digital currencies, March 2018 : https://www.bis.org/cpmi/publ/d174.pdf
32 Disponible à l’adresse suivante : https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD554.pdf
29
L’OICV appelle avant tout à un renforcement de la coopération entre les régulateurs, d’autant
plus importante que la DLT est par essence un phénomène international, sujet à entraîner le
cumul des réglementations applicables et des organes de supervision.
Fonds Monétaire International (FMI)
Le FMI a publié deux rapports relatifs à la DLT :
‐ Un rapport sur les crypto-monnaies publié en janvier 201633 ; et
‐ Un rapport sur les Fintechs et les services financiers publié en juin 201734.
Le premier rapport détaille l’émergence des crypto-monnaies et de la DLT, en insistant sur
les défis réglementaire soulevés par ces innovations technologiques. Le FMI souligne
notamment les difficultés posées par l’anonymat en matière de lutte anti-blanchiment, lutte
contre le financement du terrorisme, de politique fiscale et de contrôle des changes. Il met de
plus en avant la protection des intérêts des consommateurs face aux transactions frauduleuses
prenant appui sur la DLT et les crypto-monnaies.
Le second rapport explore les innovations potentielles des Fintechs en matière de sécurité des
transactions, de confiance sur les marchés financiers, de protection de l’anonymat et de
l’amélioration des services financiers. Le FMI conclu à la difficulté d’anticiper l’ampleur des
évolutions provoquées par les Fintechs au cours des années à venir. Il incite à ce titre les
régulateurs nationaux à faire preuve de prudence afin de maintenir l’intégrité et la stabilité
des marchés financiers, notamment en matière de lutte anti blanchiment et contre le
financement du terrorisme, de cybersécurité et de l’intégrité des données, algorithmes et
plateformes.
Le 29 septembre 2017, lors de la conférence de la banque d’Angleterre le FMI par la voix de
Christine Lagarde a tenu des propos en faveur des monnaies virtuelles35. D’une part, le FMI
minimise l’impact global de ces instruments sur l’économie de manière globale en insistant
sur leur aspect trop volatile, trop risqué, trop compliqué à utiliser, et sur le fait que les
technologies sous-jacentes ne peuvent pas encore être déployées à grande échelle. D’autre
part, le FMI souligne que cette innovation est de nature à avoir un impact positif à moyen et
long terme notamment en favorisant notamment le développement de systèmes de paiement
plus efficaces et une alternative aux devises nationales instables.
33 Virtual Currencies and Beyond: Initial Considerations, IMF Staff Discussion Note, janvier 2016
34 Fintech and Financial Services:Initial Considerations, IMF Staff Discussion Note, juin 2017, accessible à l’adresse
suivante : http://www.imf.org/en/Publications/Staff-Discussion-Notes/Issues/2017/06/16/Fintech-and-Financial-Services-
Initial-Considerations-44985
35Banquescentralesettechnologiesfinancières:lemeilleurdesmondes?
http://www.imf.org/fr/news/articles/2017/09/28/sp092917‐central‐banking‐and‐fintech‐a‐brave‐new‐world
30
ANNEXE 3
LEXIQUE36
Terme anglais
Terme français Définitions
Block validation Validation de
bloc* Opération informatique utilisée pour rendre un bloc
infalsifiable et le valider dans une chaîne de blocs.*
Consensus Consensus Mécanisme permettant de s’assurer que chaque nœud du réseau
dispose bien de la même information avant d’enregistrer
définitivement une opération dans la blockchain.
Cryptocurrency Cryptomonnaie
ou
Cybermonnaie*
Monnaie dont la création et la gestion reposent sur l’utilisation
des techniques de l’informatique et des télécommunications.*
Distributed
ledger
technology
Registre partagé
distribué Registre de données partagé entre tous les participants de la
blockchain. Seule la validation d’une transaction par le biais
d’un consensus peut opérer la modification de son contenu.
Fiat money Monnaie légale Terme désignant les monnaies étatiques ayant cours légal et un
pouvoir libératoire. Elles s’opposent notamment aux
cryptomonnaies, dépourvue de valeur légale propre.
Fintech Entreprises de
technologie
financières
Cette appellation, contraction de « technologie » et « finance »,
désigne selon le contexte les entreprises de nouvelles
technologies spécialisées dans la conception de services
innovateurs dans le domaine de la finance, ou les services eux-
mêmes.
Miner Mineur Personne physique ou morale mettant à disposition sa
puissance de calcul informatique pour les besoins du minage.
Mining Minage* Validation de bloc donnant lieu à la création de nouvelles
unités de compte au profit du participant dont le bloc a été
retenu par le réseau.*
Node Nœud Matériel informatique relié à la blockchain qui est chargé
d’effectuer les calculs. (v. également « mineurs »).
Peer-to-peer Pair à pair* Se dit du mode d’utilisation d’un réseau dans lequel chacun des
participants connectés dispose des mêmes droits et qui permet
un échange direct de services sans recourir à un serveur central;
par extension, se dit d’un tel réseau.*
36 Le vocabulaire financier, économique ou informatique fait l’objet d’avis ponctuels de la Commission
d’enrichissement de la langue française publiés au Journal officiel. L’avis de la Commission publié au
Journal officiel du 23 mai 2017 (NOR : CTNR1713838K) relatif au vocabulaire de l’informatique définit
les principaux termes issus de la blockchain. Les termes et les définitions arrêtés par la Commission sont
marqués d’un astérisque (*).
31
Terme anglais
Terme français Définitions
Private
blockchain Chaîne de
blocs* privée
(ou « fermée »)
Type de blockchain dont l’accès est réservé à certains
participants.
Private key Clef privée La clef privée permet de décoder un message précédemment
crypté par la clef publique. Contrairement à cette dernière, la
clef privée est connue par un seul utilisateur.
Proof of
Concept
(« PoC »)
Preuve de
concept Démonstration de la faisabilité d’un concept au moyen d’une
courte présentation tiré d’un cas concret.
Proof of Work
(« PoW »)
Preuve de
travail*
Résultat d’une tâche fortement consommatrice de ressources de
calcul, dont l’exactitude est facilement vérifiable par tout
participant et atteste que cette tâche a bien été effectuée en
consommant les ressources nécessaires. La preuve de travail est
notamment employée pour contribuer à l’établissement de la
confiance des utilisateurs en une cybermonnaie, la fraude étant
découragée par la difficulté de la validation de bloc.*
Public
blockchain Chaîne de
blocs* publique
(ou « ouverte »)
Type de blockchain dont l’accès est ouvert à tout participant
qui souhaiterait y intervenir.
Public key Clef publique Connue de tous, la clef publique constitue l’adresse de la
blockchain. Elle permet d’encoder un message et sera utilisée
afin qu’un émetteur puisse désigner un destinataire dans le
cadre d’une transaction.
Smart contracts Contrats
intelligents Contrats numériques permettant d’exécuter les termes qu’ils
contiennent sans intervention humaine.
Token Jeton Le jeton est une unité de base qui peut être transmise en sein
d’un registre distribué (ex : le jeton de la chaîne Bitcoin est le
Bitcoin). Le jeton peut également contenir des informations au-
delà de leur aspect quasi-monétaire (information sur la
propriété, sur l’orientation d’un vote, ou toute autre chose…).
32
ANNEXE IV
Exemples d’expérimentation par des banques centrales/banques commerciales de la
technologie blockchain
Initiative de la banque centrale des Iles Marshals
Il s’agit certainement de l’exemple le plus marquant. Les Iles Marshall, qui jusqu’à présent
utilisaient le dollar américain comme devise nationale ont adopté mercredi une loi déclarant
sa monnaie numérique, appelée Sovereign (SOV), comme sa nouvelle monnaie officielle.
Elle devrait entrer en circulation courant 201837.
Initiative de la banque centrale de Tawain :
Le 26 février 2018, le nouveau gouverneur de la banque centrale de Taiwan, Yang Chin-long,
a déclaré s’intéresser de très près à la technologie DLT en ce qu’elle permettrait d’apporter
une meilleure sécurité et une plus grande efficacité des systèmes de paiements
électroniques38.
Initiative de Singapour
Il s’agit du célèbre “Project Ubin”. Il s’agit d’un partenariat entre la banque centrale
singapourienne et le consortium R3 visant à améliorer la sécurité et la rapidité des transferts
de fonds transfrontaliers en utilisant la crypto-monnaie Ethereum. L’objectif à terme est
d’aller encore plus loin en adoptant une version cryptographique du dollar de Singapour39.
Initiative de la Banque Centrale d’Afrique du Sud :
La banque centrale d’Afrique du Sud (SARB) a, quant à elle, mis en place le projet Khokha
en partenariat avec ConsenSys, permettant un « traitement des gros paiements en utilisant
Quorum », une blockchain Ethereum. A l’instar de Singapour, la SARB prévoit d’émettre sa
propre crypto-monnaie pour alimenter son règlement interbancaire40.
Le cas de la Banque Centrale du Royaume d’Arabie Saoudite avec Ripple :
L’Arabie Saoudite a quant à elle opté pour l’américain Ripple Lab pour mettre en place son
système de Blockchain afin de lui permettre de réaliser des transferts transfrontaliers de fonds
immédiats, moins onéreux et plus transparents41.
Les réflexions de la banque centrale d’Indonésie :
37https://www.bloomberg.com/news/articles/2018‐02‐28/marshall‐islands‐preparing‐a‐cryptocurrency‐two‐officials‐say
38https://www.coindesk.com/taiwans‐new‐central‐bank‐chief‐eyes‐blockchain‐boost/
39https://steemit.com/centralbanksingapure/@trejo80/details‐emerge‐on‐singapore‐central‐bank‐s‐blockchain‐r‐and‐d
40https://www.coindesk.com/south‐africas‐central‐bank‐eyes‐jpmorgan‐blockchain‐tech/
41https://www.reddit.com/r/Ripple/comments/7xs3tz/saudi_arabias_central_bank_signs_blockchain_deal/
33
Malgré ses positions très virulentes à l’encontre de Bitcoin, la banque centrale d’Indonésie a
annoncé vouloir également adopter la technologie Blockchain voire même remplacer la
Rupiah par une crypto-monnaie souveraine42.
L’initiative de la Banque Centrale de Russie :
Une Crypto-Rouble est à l’étude en Russie. Celle-ci serait créée et étroitement contrôlée par
l’État russe et ne sera pas créée par « minage »43.
La Crypto-Rouble sera entièrement basée sur le Rouble avec une parité de conversion.
L’utilisation de la Blockchain dans le cadre de l’émission de titres de dette
JP Morgan, traditionnellement très hostile aux crypto-monnaies a décidé de lancer, en
partenariat avec la banque nationale du Canada (notamment), une application sur la base de la
technologie Quorum (Blockchain Ethereum) en vue de réaliser des émissions d’instruments
de dette (obligations, bons du trésors, etc.)44. Cette émission « test » concernerait une ligne
obligataire à taux variable d’un montant nominal global de $150.000.000 ayant une maturité
d’un an.
Cette nouvelle application devrait couvrir à la fois l’origination de l’émission, sa distribution,
la signature de la documentation relative à l’opération et jusqu’au règlement-livraison des
titres. Cela devrait permettre de réduire considérablement les frais de règlement-livraison et
de clearing en réduisant sensiblement le nombre de prestataires de service intervenant
traditionnellement dans ce type d’opérations.
Il ne s’agit pas de la première émission d’obligations utilisant la Blockchain puisque
Daimler AG, dès juillet 2017, avait procédé à la première émission de titres (schuldschein)
pour un montant nominal global de €100.000.00045.
La Commonwealth Bank of Australia (CBA) entendait déjà en 2017 faire partie des
premières banques à se lancer dans l’émission d’obligations en utilisant la technologie
Blockchain46.
Le cas du Vénézuela
Un premier pays a franchi le pas en émettant une crypto-monnaie souveraine sous forme
d’une ICO. Il s’agit du Venezuela avec le Petro, dont la valeur est « garantie » par les
réserves de pétrole du pays selon les termes fixés par un décret n° 3.196 du 8 décembre 2017.
Les termes de cette garantie, comme ceux de l’accès à cette « garantie », ne sont toutefois pas
42https://coconuts.co/jakarta/news/indonesias‐central‐bank‐considering‐adopting‐blockchain‐technology‐launch‐digital‐
rupiah/
43https://holytransaction.com/blog/2017/01/central-bank-russia-blockchain.html
44https://www.ccn.com/jpmorgan‐tests‐the‐waters‐for‐blockchain‐fueled‐debt‐issuance/
45https://blogs.wsj.com/cfo/2017/07/12/daimler‐uses‐blockchain‐to‐issue‐bonds/
46https://www.zdnet.com/article/commonwealth‐bank‐to‐deliver‐world‐first‐issuance‐of‐a‐bond‐on‐the‐blockchain/
34
des plus clairs, laissant craindre quant à l’efficacité de ce droit pour les détenteurs de Petro.
Ce qui est particulier dans le cas du Petro, c’est l'émission d'une crypto-monnaie adossée à un
actif, en l’espèce le pétrole. Le cas n’est pas nouveau puisque l’on a déjà vu des crypto-
monnaies adossées sur l’or, comme Vaultoro ou Royal Mint Gold, et en particulier sur des
mines en cours d’exploitation, voire non exploitées mais avec des travaux d’exploration . La
plupart des économistes mais aussi des spécialistes des crypto-monnaies sont cependant très
critiques sur cette initiative vénézuélienne, considérant qu’il s’agit là au mieux d’une
tentative de détournement des sanctions américaines, au pire d’une escroquerie . Une agence
de notation chinoise s’est livrée à une appréciation du Petro, concluant que cette émission
n’aura que peu d’effet sur l’économie vénézuélienne.