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Avis technique
SGRE-18
Direction de la recherche forestière
On peut citer tout ou partie de ce texte en indiquant la référence
© Gouvernement du Québec
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Québec (Québec) G1P 3W8
Tél : 418 643-7994 poste 6709
Télécopieur : 418 643-2165
Courriel : yan.boucher@mffp.gouv.qc.ca
http://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/connaissances/recherche/index.jsp
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Titre : Identification des secteurs à fort potentiel de régénération après feu dans un contexte
de récupération, région Nord-du-Québec
Responsable : Yan Boucher, biol., M. Sc., Ph. D.
Collaborateurs : Sophie Dallaire, biol., M Sc., Catherine Dion, biol., M. Sc. et Stéphane Gauthier,
techn. for.
Date : Novembre 2018
1. Contexte
À la suite d’un incendie forestier majeur, un plan d’aménagement forestier spécial visant la récupération
des bois affectés par les perturbations d’origine naturelle peut être mis en place. Dans le cadre de l’Entente
de la Paix des Braves (SAA 2002) et dans la foulée de l’harmonisation du nouveau régime forestier visant
la mise en œuvre d’un aménagement écosystémique, un guide a été produit afin de définir le cadre de
production des plans d’aménagement forestiers spéciaux. Ce guide, qui constitue une annexe (annexe C-
5, mise à jour en 2018) au chapitre 3 (Foresterie) de l’Entente de la Paix des Braves, stipule que la
planification de la récupération des bois après feu doit se faire en maintenant sur pied au moins 30 % des
forêts matures affectées. Ces aires non récupérées doivent représenter les types de peuplements présents
avant feu, et être choisies en fonction de leur potentiel de régénération naturelle.
La régénération après feu est régie par plusieurs variables biotiques et abiotiques, y compris les
caractéristiques du peuplement avant feu (âge et composition), la nature du milieu physique et la sévérité
du feu (Boucher et al. 2017, Greene et al. 1999, 2004; Perrault-Hébert et al. 2017).
L’objectif de cet avis est de fournir, dans le cadre d’un plan d’aménagement spécial de la récupération des
bois brûlés, des critères qui permettent de déterminer et de circonscrire les aires forestières à laisser en
place comme forêts résiduelles après un feu de forêt dans la région du Nord-du-Québec, sur la base de
leur fort potentiel de régénération naturelle.
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2. Régénération des essences forestières boréales
L’épinette noire (Picea mariana) et le pin gris (Pinus banksiana) sont deux espèces bien adaptées au feu,
car elles produisent des cônes qui s’ouvrent sous l’action de la chaleur. Le sapin baumier (Abies balsamea)
n’est pas adapté au passage du feu et doit obligatoirement coloniser les aires brûlées à partir d’îlots non
brûlés (Greene et al. 1999).
Pour les conifères, la présence de graines viables est une condition sine qua non à la régénération après
feu. Par contraste, certaines essences feuillues peuvent se régénérer à partir de drageons racinaires
(peuplier faux-tremble [Populus tremuloides]) ou de rejets de souches (bouleau à papier [Betula
papyrifera]).
Chez l’épinette noire, la production abondante de graines viables débute après 50 ans (et atteint son
maximum vers 100 ans), tandis que chez le pin gris, la production de graines débute à 30 ans (et atteint
son maximum à 70 ans). Le peuplier se régénère abondamment de manière végétative dès l’âge de 5 ans
par la production de nombreux drageons racinaires; la régénération par graines est possible pour cette
espèce, mais est considérée comme beaucoup plus rare. Le bouleau blanc mature, quant à lui, se reproduit
principalement à partir de graines après 50 ans; les plus jeunes arbres peuvent produire de nombreux
rejets de souches après feu (Greene et al. 1999, Jobidon 1995).
Après un feu, l’ensemble des essences forestières s’établit rapidement (en moins de 5 ans; St-Pierre et al.
1992). Le sapin est la seule essence qui colonisera les secteurs brûlés plus graduellement : il faudra
compter plusieurs dizaines d’années (plus de 150 ans) après le passage du feu avant qu’il n’occupe une
fraction importante des peuplements.
La sévérité du feu est une variable déterminante à considérer lorsque vient le temps d’expliquer la
régénération après feu, particulièrement pour l’épinette noire (Greene et al. 2004, Perrault-Hébert et al.
2017). La sévérité du feu va agir sur deux variables clés : la banque aérienne de graines et le substrat de
germination (microsite). Après un feu très sévère, la banque aérienne de graines peut être endommagée
et ainsi induire une régénération déficiente. En revanche, un feu sévère peut aussi créer des conditions
favorables à la germination des graines, en réduisant l’épaisseur de la couche de matière organique et en
exposant en partie le sol minéral. Par ailleurs, les propriétés du combustible (type de peuplement et de
dépôt) influenceront le comportement du feu qui, à son tour, conditionnera sa sévérité. La cartographie des
« patrons de brûlage » réalisée par la Direction de la protection des forêts du ministère des Forêts, de la
Faune et des Parcs permet d’obtenir un portrait de la sévérité des feux, une variable déterminante afin de
quantifier l’influence de ceux-ci sur l’écosystème forestier.
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3. Recommandations
La littérature scientifique, y compris nos propres travaux à la Direction de la recherche forestière, indique
que l’âge et la composition du peuplement affecté par un feu, de même que la sévérité du feu lui-même,
sont des éléments-clés qui définissent le potentiel de régénération après feu des peuplements dans la
région Nord-du-Québec.
Ainsi, les aires forestières matures à fort potentiel de régénération à maintenir sur pied comme forêts
résiduelles après un feu sont, par ordre de priorité :
1. Les forêts dominées par le pin gris.
2. Les forêts dominées par l’épinette noire et ayant une composante de pin gris ou d’essences
feuillues.
3. Les forêts dominées par les essences feuillues boréales (peuplier faux-tremble, bouleau blanc).
4. Les forêts dominées exclusivement par l’épinette noire sur site mésique, et où la sévérité du feu
est dans la classe « carbonisée » (forte sévérité).
5. Les forêts dominées par l’épinette noire en mélange avec le sapin sur site mésique, et où la sévérité
est dans la classe « carbonisée » (forte sévérité).
A contrario, les aires forestières matures à faible potentiel de régénération après un feu et, donc, à éviter
comme forêts résiduelles sont, par ordre de priorité :
1. Les sapinières pures.
2. Les forêts sur dépôts organiques, dans les classes « roussie » ou « affectée » (feu de faible
sévérité) et qui sont dominées par l’épinette noire.
3. Les forêts dans les classes « roussie » ou « affectée » (feu de faible sévérité) et qui sont dominées
par l’épinette noire.
4. Les forêts sur dépôts minces, dans la classe « carbonisée » (feu de forte sévérité) et qui sont
dominées par l’épinette noire.
4. Conclusion
Aux fins de la planification opérationnelle, les peuplements décrits dans le présent document devaient
pouvoir être repérés aisément à partir de la cartographie écoforestière existante, car les principales
caractéristiques qui ont servi à guider nos recommandations (âge et composition des peuplements avant
feu, de même que la sévérité du feu) sont des variables que l’on peut cartographier et qui sont disponibles
aux aménagistes. D’ailleurs, dans les années à venir, la cartographie de la sévérité des feux sera raffinée
et permettra ainsi de mieux isoler son impact sur la régénération après feu en forêt boréale. Finalement,
d’autres variables (présence de sphaignes, épaisseur de la matière organique, etc.) sont importantes afin
d’expliquer la régénération, mais ne sont disponibles qu’à partir de relevés de terrain. Des travaux en cours
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visent à spatialiser ces variables afin de les intégrer aux cartes écoforestières, à l’instar de celles que l’on
peut actuellement cartographier.
5. Bibliographie
Boucher, Y., M. Perrault-Hébert, F. Grenon et J. Boucher, 2017. Qu’est-ce qui influence la résilience après
feu des jeunes pessières noires aménagées? Gouvernement du Québec, ministère des Forêts,
de la Faune et des Parcs, Direction de la recherche forestière. Avis de recherche forestière no 95.
[https://mffp.gouv.qc.ca/publications/forets/connaissances/recherche/Boucher-Yan/Avis95.pdf]
Greene, D.F., J. Noël, Y. Bergeron, M. Rousseau et S. Gauthier, 2004. Recruitment of Picea mariana, Pinus
banksiana and Populus tremuloides across a burn severity gradient following wildfire in the
southern boreal forest of Quebec. Can. J. For. Res. 34(9): 1845-1857.
Greene, D.F., J.C. Zasada, L. Sirois, D. Kneeshaw, H. Morin, I. Charron et M.J. Simard, 1999. A review of
the regeneration dynamics of North American boreal forest tree species. Can. J. For. Res. 29(6):
824-39.
Jobidon, R. 1995. Autécologie de quelques espèces de compétition d’importance pour la régénération
forestière au Québec. Gouvernement du Québec, ministère des Ressources naturelles,
Direction de la recherche forestière. Mémoire de recherche forestière no 117. 180 p.
[https://mffp.gouv.qc.ca/publications/forets/connaissances/recherche/Divers/Memoire117.pdf]
Perrault-Hebert, M., Y. Boucher, R. A. Fournier, F. Girard, I. Auger, N. Thiffault et F. Grenon, 2017.
Ecological drivers of post-fire regeneration in a recently managed boreal forest landscape of
eastern Canada. For. Ecol. Manage. 399: 74-81.
[SAA] Secrétariat aux Affaires autochtones, 2002. Entente concernant une nouvelle relation entre le
Gouvernement du Québec et les Cris du Québec. Gouvernement du Québec, Secrétariat aux
Affaires autochtones.
St-Pierre, H., R. Gagnon, P. Bellefleur, 1992. Régénération après feu de l’épinette noire (Picea mariana) et
du pin gris (Pinus banksiana) dans la forêt boréale, Québec. Can. J. For. Res. 22: 474-481.
Yan Boucher
Écologie forestière
Service de la génétique, de la reproduction et de l’écologie