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Porter un regard réflexif sur sa pratique »… Oui, mais comment ? Vers une didactique de la pratique réflexive

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Ce chapitre présente le dispositif de formation (et ses évolutions) des futurs agrégés de l’enseignement secondaire supérieur de la Faculté de Psychologie et Sciences de l’Education de l’Université de Mons visant notamment à développer la compétence « porter un regard réflexif sur sa pratique » du référentiel définissant leur formation initiale (FWB, 2001). Plus particulièrement, la recherche étudiant la première version du dispositif de formation a soulevé, dans ses conclusions, l’interrogation suivante « la réflexivité peut-elle être conçue comme une compétence pouvant faire l’objet d’une « didactisation » paramétrée par des outils d’aide à la rédaction réflexive ? » (Derobertmasure, 2012, p. 459). C’est dans cette direction que le dispositif a évolué au cours de l’année académique 2016-2017 : trois outils d’aide à l’analyse réflexive ont été fournis aux futurs enseignants et une démarche de « modelage de la pratique réflexive » a été mise en place par les formateurs. Ce chapitre présente ces trois outils, ainsi que des extraits d’écrits réflexifs illustrant comment les futurs enseignants se servent de ces outils pour « porter un regard réflexif sur leur pratique ».
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« Porter un regard réflexif sur sa pratique »… Oui, mais comment ?
Vers une didactique de la pratique réflexive
Marie Bocquillon & Antoine Derobertmasure, Université de Mons
Marie Bocquillon est titulaire d’un bachelier d’institutrice primaire (2011) et d’un Master en
Sciences de l’Education (2014). Depuis 2014, elle réalise une thèse portant sur la formation
des enseignants et plus particulièrement sur le développement d’un outil d’observation des
gestes professionnels.
Enseignant de formation, Antoine Derobertmasure, à la suite d’une licence et d’un diplôme
d’études approfondies en Sciences de l'Éducation, réalise une thèse de doctorat portant sur la
formation des enseignants et, plus précisément, sur le concept de réflexivité. Depuis 2017, il
est chargé de cours à l’Université de Mons.
Résumé : ce chapitre présente le dispositif de formation (et ses évolutions) des futurs agrégés
de l’enseignement secondaire supérieur de la Faculté de Psychologie et Sciences de l’Education
de l’Université de Mons visant notamment à développer la compétence « porter un regard
réflexif sur sa pratique » du férentiel définissant leur formation initiale (FWB, 2001). Plus
particulièrement, la recherche étudiant la première version du dispositif de formation a soulevé,
dans ses conclusions, l’interrogation suivante « la réflexivité peut-elle être conçue comme une
compétence pouvant faire l’objet d’une « didactisation » paramétrée par des outils d’aide à la
rédaction réflexive ? » (Derobertmasure, 2012, p. 459). C’est dans cette direction que le
dispositif a évolué au cours de l’année académique 2016-2017 : trois outils d’aide à l’analyse
réflexive ont été fournis aux futurs enseignants et une démarche de « modelage de la pratique
réflexive » a été mise en place par les formateurs. Ce chapitre présente ces trois outils, ainsi que
des extraits d’écrits réflexifs illustrant comment les futurs enseignants se servent de ces outils
pour « porter un regard réflexif sur leur pratique ».
Mots-clés : pratique réflexive, didactisation, gestes professionnels, analyse de contenu
thématique
2
Remerciements : cette publication a été réalisée avec le soutien du Fonds pour la Recherche
en Sciences Humaines (FRESH), un fonds associé au Fonds National pour la Recherche
Scientifique (FNRS).
1. Introduction et problématique
Bien que la notion de réflexivité ne soit pas « neuve », elle n’en reste pas moins centrale au sein
des référentiels de formation des enseignants. A ce titre, la Fédération Wallonie-Bruxelles, au
travers des décrets présentant la formation initiale des enseignants (FWB, 2000 ; 2001), accorde
une place importante au développement de la compétence réflexive, celle-ci apparaissant
explicitement comme l’une des treize compétences professionnelles que les futurs enseignants
doivent développer.
Cette notion de réflexivité est une notion particulièrement bien documentée dans la littérature
scientifique, tant francophone qu’anglophone (Collin, 2010 ; Derobertmasure, 2012 ;
McAlpine, Weston, Berthiaume, Fairbank-Roch, & Owen, 2004 ; Hatton & Smith, 1995 ;
Sparks-Langer, Simmons, Pasch, Colton, & Starko, 1990). Dans cet article, la notion de
réflexivité est définie selon deux dimensions (Bocquillon, Dehon, & Derobertmasure, 2015 ;
Derobertmasure, 2012) : (1) sa forme (le processus réflexif mis en œuvre par le futur
enseignant) ; (2) son contenu (l’objet sur lequel elle porte).
Dans le cadre de la formation initiale des enseignants du secondaire supérieur (d’une durée de
300 heures) mise en place par l’opérateur de formation au sein duquel interviennent les auteurs
de ce chapitre, à savoir, l’Université de Mons, un dispositif de formation visant notamment le
développement de la compétence réflexive a été mis en place. Parallèlement à cette activité de
formation, une démarche de recherche scientifique est mise en place concernant ce dispositif.
Les différents résultats générés par ces recherches ont d’ailleurs amené, au fil du temps, à mettre
en place une série d’évolutions relatives à ce dispositif. L’une des principales innovations
apportées récemment fait suite à la conclusion d’une recherche doctorale (Derobertmasure,
2012) ayant porté sur la version 1.0 du dispositif. Dans le cadre de cette conclusion, l’auteur
s’interroge sur la manière selon laquelle la réflexivité peut être conçue comme une compétence
pouvant faire l’objet d’une « didactisation » paramétrée par des outils d’aide à l’analyse
réflexive (Derobertmasure, 2012, p. 459). Ce questionnement constitue la problématique de cet
3
article et a été le déclencheur d’une série d’évolutions du dispositif. Cet article porte sur la
version 2.1 du dispositif, qui a été mise en place au cours de l’année académique 2016-2017.
Ce dispositif est structuré autour de quelques activités clefs, notamment (1) une séance de
micro-enseignement filmée au cours de laquelle chaque futur enseignant s’exerce à donner
cours devant ses collègues jouant le rôle d’élève ou d’observateur ; (2) une séance individuelle
de rétroaction vidéo au cours de laquelle chaque futur enseignant visionne et analyse sa
prestation avec un superviseur ; (3) la rédaction d’un rapport réflexif. Au sein de ces activités,
les chercheurs-formateurs ont intégré des séances de cours visant à expliciter la nature de la
réflexivité et la manière de mobiliser les processus réflexifs au sujet de différents gestes
professionnels. Dans une optique de « modelage de la pratique réflexive », différents outils
d’aide à l’analyse réflexive ont été proposés aux futurs enseignants. C’est cette didactisation de
la pratique réflexive que ce chapitre propose d’expliciter. Dans un premier temps, le cadre
théorique et son opérationnalisation en outils d’aide à l’analyse réflexive sont présentés. Dans
un second temps, quelques exemples illustrant la manière dont les futurs enseignants se servent
des outils dans le cadre de la rédaction de leur rapport réflexif sont abordés.
2. Cadre théorique
2.1 De l’abondance de modèles et de la nécessité de synthétiser
Il n’est pas de l’ordre du possible, dans le cadre de ce chapitre, de présenter l’ensemble des
modèles relatifs à la notion de la réflexivité. L’abondance est conséquente et le consensus quant
« au » modèle à retenir, est, quant à lui, relativement faible (Jouquan, Romanus, Vierset,
Jaffrelot, & Parent, 2013). Aussi, les auteurs de chapitre se réfèrent à un modèle
(Derobertmasure, 2012) synthétisant bon nombre de modèles documentés et référencés dans la
littérature scientifique (Kolb, 1984 ; Korthagen & Vasalos, 2005 ; McAlpine & al., 2004 ; Van
Manen, 1977 ; Hatton & Smith ; 1995, Sparks-Langer & al., 1990 ; Zeichner & Liston, 1996).
Certainement réducteur à certains égards (tant le concept est large), ce modèle a l’avantage de
se centrer sur un aspect de la réflexivité (les processus réflexifs) et de pouvoir servir à la
caractérisation des traces de réflexivité qu’un enseignant peut manifester, soit à l’oral (dans le
cadre de la rétroaction par exemple) soit à l’écrit (dans le cadre du rapport réflexif par exemple).
Globalement
1
, ces processus se structurent en trois niveaux:
1
Une présentation exhaustive de ce modèle peut être consultée dans la thèse de Derobertmasure (2012).
4
- le premier niveau de processus vise « à faire un état de la pratique ». On y retrouve les
processus réflexifs suivants : décrire, narrer, pointer ses difficultés et prendre
conscience ;
- le deuxième niveau de processus permet à l’enseignant de se positionner par rapport à
sa pratique. Au sein de ce niveau, se retrouvent les processus visant à légitimer (par
rapport au contexte et/ou des éléments théoriques et/ou des arguments éthiques), à
intentionnaliser et à évaluer son action ;
- le troisième niveau regroupe les processus permettant à l’enseignant de porter sa
réflexion vers la « prochaine occasion de pratique » en proposant des alternatives ou en
formulant (sur base personnelle ou de la littérature) des recommandations, des théories
relatives à sa pratique.
C’est bien le recours équilibré aux différents processus (Derobermasure, 2012) qui est
privilégié, et non la simple atteinte du « niveau 3 ». En effet, Derobertmasure, Dehon et
Bocquillon (2016), ainsi qu’Hatton et Smith (1995) ont mis en évidence une des limites de
l’activité réflexive : le fait que certains futurs enseignants soient capables de justifier de manière
éthique leur pratique, alors que la description qu’ils font de celle-ci est erronée.
Derobertmasure, Dehon et Bocquillon (2016) ont montré, via une étude de cas, le profil d’une
étudiante recourant à un processus réflexif de haut vol (arguments éthiques) au sujet d’une
pratique pédagogique (activité de débat) dont l’observation objective met à jour qu’elle ne
correspond absolument pas… à un débat.
2.2 Une démarche qui ne « tourne pas à vide »
Si la littérature relative à la réflexivité est abondante, l’analyse de celle-ci fait néanmoins
apparaitre bon nombre de publications présentant une vision plus circonspecte de la portée de
la pratique réflexive (Romainville, 2006 ; Maurice, 2006 ; Collin, 2010 ; Gauthier, 2016 ;
Schneuwly, 2012). Classiquement, l’une des critiques fondamentales, mais néanmoins légitime,
adressée non tant à la réflexivité en elle-même qu’à ce qui en est fait en formation initiale ou
continue concerne le constat selon lequel la pratique réflexive est poursuivie comme une fin en
soi, indépendamment de ce sur quoi elle porte (Schneuwly, 2012) et qu’elle est orientée sur le
caractère « personnel » de l’activité professionnelle, laissant les enseignants définir eux-mêmes
« les normes et points de repère donnés à leur activité » (Gonin, 2013, p.140). Dans le cas de
cette approche et selon Gauthier (2016), la réflexivité peut alors constituer un frein à la
professionnalisation car elle occulte le nécessaire recours aux savoirs théoriques.
5
Aussi, dans le cadre du dispositif mis en place et pour éviter que « la pratique de l’enseignement
ne se réduise à une activité privée ou l’expression d’une personnalité » (Lessard, 2012, p. 124),
il est proposé aux futurs enseignants de porter un regard réflexif sur leurs pratiques, non pas « à
vide », mais à partir 1) du modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage (Bocquillon,
Derobertmasure, & Demeuse, 2017a) 2) du modèle de l’enseignement explicite (Rosenshine &
Stevens, 1986), issu des recherches sur l’enseignement efficace (Rosenshine, 1986), et diffusé
dans le monde francophone via les travaux de Gauthier, Bissonnette et Richard (2013).
Le modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage (figure 1) permet de visualiser
plusieurs éléments susceptibles de provoquer des effets sur l’apprentissage des élèves et sur
lesquels il est donc utile de porter un regard réflexif : les caractéristiques personnelles de
l’enseignant, les caractéristiques de l’élève, le contexte (de la classe, de l’école, du système
éducatif) et les actions de l’enseignant. Ce dernier aspect constitue la dimension centrale du
modèle car c’est celle sur laquelle la formation initiale peut, potentiellement, influer.
Figure 1 : modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage (Bocquillon, Derobertmasure,
& Demeuse, 2017a, p. 10)
Pour porter un regard réflexif sur les « actions de l’enseignant », il est proposé aux futurs
enseignants de se référer au modèle de l’enseignement explicite. L’enseignement explicite est
une approche pédagogique appartenant à la famille des approches dites instructionnistes, qui
ont en commun le fait que l’enseignant fait apprendre les élèves en suivant une démarche
systématique, structurée et explicite (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013). Le terme
« explicite » fait référence aux comportements visibles de l’enseignant et des élèves. Hattie
6
(2009) utilise les termes de « visible teaching » et « visible learning » pour mettre en évidence
le fait que l’enseignement doit être visible et explicite pour les élèves et que l’apprentissage des
élèves doit également être rendu visible pour l’enseignant notamment via l’objectivation de la
compréhension et l’utilisation de feedbacks. En utilisant la démarche de l’enseignement
explicite, l’enseignant rend tout explicite (les démarches, les étapes, les objectifs…), l’implicite
pouvant être néfaste aux apprentissages (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013).
De manière très synthétique, le modèle de l’enseignement explicite présenté par Gauthier et ses
collègues (2013), est composé de trois grandes phases : la préparation (P), l’interaction avec les
élèves (I) et la consolidation (C). Lors de l’interaction avec les élèves (I), l’enseignant passe
notamment par trois étapes importantes :
le modelage durant lequel l’enseignant démontre les apprentissages à réaliser en
« pensant à voix haute » ;
la pratique guidée durant laquelle les élèves pratiquent en petits groupes et avec
l’enseignant qui démontre étape par étape, objective la compréhension, fournit des
feedbacks et donne de l’étayage jusqu’à l’obtention d’un taux de succès élevé ;
la pratique autonome, durant laquelle les élèves pratiquent jusqu’au
surapprentissage sous la supervision active de l’enseignant et dans différents
contextes afin d’assurer le transfert des compétences acquises.
Au sein du dispositif de formation dont il est question dans cet article, il est proposé aux futurs
enseignants de porter un regard réflexif sur différents gestes professionnels issus du modèle de
l’enseignement explicite et considérés comme des « ingrédients clefs» de la pratique au sens
d’Archer et Hughes (2011, p. 12) :
We have constructed a number of lists. It can be tempting to treat these lists of instructional
design and delivery procedures in a « cookbook » fashion […]. However, it is important to view
these procedures in a more fluid manner. […] It is overly simplistic to attempt to reduce the act
of teaching to merely using a specified set and sequence of steps. Effective teachers always
supplement the recipe by adding their personality, humor, creativity and enthusiasm. However,
if key ingredients are left out of the recipe, the result can be disastrous.
Cette référence à un modèle théorique se veut non rigide et ne néglige pas pour autant le
contexte dans lequel la leçon est donnée, ainsi que les facteurs personnels telles que la
personnalité du futur enseignant et ses émotions. Ainsi, les futurs enseignants ne doivent pas
nécessairement passer par les étapes de « modelage pratique guidée pratique autonome »
7
dans chaque leçon. Par contre, il leur est demandé de mettre en œuvre certains « ingrédients
clés » tels que des interventions visant à objectiver la compréhension des élèves, des feedbacks
comprenant suffisamment d’informations pour permettre à l’élève de s’améliorer, le fait
d’interroger l’ensemble des élèves (et pas uniquement ceux qui lèvent la main), etc.
La particularité de la démarche proposée dans cet article est que le modèle de l’enseignement
explicite a été utilisé à deux niveaux. D’une part, les futurs enseignants ont été formés à la
maitrise de ce modèle. D’autre part, dans le cadre de leurs séances de cours, les formateurs eux-
mêmes en ont appliqué certains principes afin de développer la compétence de pratique
réflexive des futurs enseignants, notamment les étapes de modelage, pratique guidée et pratique
autonome. Ainsi, les chercheurs-formateurs ont (1) porté un regard réflexif sur leur propre
pratique en mobilisant les outils décrits dans la section suivante (modelage de la réflexivité).
Ils ont également (2) accompagné les futurs enseignants dans l’utilisation des outils lors de
séances de cours et lors de la rétroaction vidéo (pratique guidée de la réflexivité). Ces deux
premières étapes permettent alors (3) de faire parvenir les futurs enseignants à porter un regard
réflexif sur leur pratique de manière autonome lors de la rédaction de leur rapport réflexif et,
plus généralement, dans le cadre de leur future profession (pratique autonome de la réflexivité).
3. Transposition du cadre théorique en outils d’aide à l’analyse réflexive
Suite à des résultats de recherche ayant démontré certaines limites de la notion de réflexivité,
notamment un écart entre les pratiques déclarées par les futurs enseignants et les pratiques qu’ils
mettent réellement en œuvre (Derobertmasure, Dehon, & Bocquillon, 2016) et le recours à leurs
préférences pour justifier leurs pratiques, plutôt qu’à des arguments pédagogiques
(Derobertmasure, 2012), différents outils
2
ont été produits afin de guider davantage la pratique
réflexive des futurs enseignants lors de l’activité de rétroaction vidéo et de la rédaction du
rapport réflexif. Ces outils, au nombre de trois, sont en lien direct avec les modèles théoriques
présentés, à savoir le modèle des treize processus réflexifs (Derobertmasure, 2012), le modèle
de la pratique d’enseignement-apprentissage (Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse, 2017a)
et le modèle de l’enseignement explicite (Gauthier, Bissonnette et Richard, 2013) :
- outil 1 : une grille d’observation des gestes professionnels, intitulée grille MGP
(« Miroir des Gestes Professionnels ») dans la suite du texte ;
2
Ce type d’outil se retrouve dans d’autres contextes, comme il en est le cas à Lausanne, dans le cadre de la
formation continue des enseignants universitaires (Daele, 2009) ou à Sherbrooke dans le cadre de la formation
des enseignants du primaire (Lenoir, 2009).
8
- outil 2 : une démarche de questionnement systématique ;
- outil 3 : un exemple de texte réflexif mobilisant les deux premiers outils.
3.1 Outil 1 : une grille d’observation des gestes professionnels (la grille MGP)
Le premier outil créé est une grille d’observation intitulée « Miroir des Gestes Professionnels »
(MGP) que les futurs enseignants peuvent utiliser de manière autonome ou conjointement avec
un superviseur pour analyser leurs gestes professionnels au regard de la littérature sur
l’enseignement explicite.
La grille MGP a été élaborée à partir du modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage
(Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse, 2017a) et du modèle de l’enseignement explicite
(Gauthier, Bissonnette, & Richard, 2013 ; Rosenshine & Stevens, 1986). Elle permet d’observer
(1) les fonctions des interventions verbales de l’enseignant ; (2) les types d’interventions des
élèves ; (2) l’activité des élèves ; (4) les fonctions des gestes professionnels non verbaux de
l’enseignant ; (5) les supports didactiques utilisés. Cet article est centré sur les fonctions des
interventions verbales de l’enseignant, qui sont au nombre de 13 catégories d’observation
mutuellement exclusives et exhaustives, qui correspondent aux gestes professionnels observés
et définis à partir du modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage et du modèle de
l’enseignement explicite : la gestion de l’espace et du temps, la gestion de la participation des
élèves, la gestion de la discipline, les interventions sociales, les autres interventions de gestion,
la présentation d’un élément lié au contenu, l’objectivation, le feedback, l’étayage, le silence,
les éventuelles autres fonctions, les propos inaudibles et les moments durant lesquels
l’enseignant est hors-champ.
Les définitions opérationnelles des catégories de la grille MGP, ainsi que des exemples de
données d’observation générées et fournies aux futurs enseignants, sont disponibles en ligne
(Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse, 2017a ; 2017b).
Dans le dispositif analysé, le superviseur observe chaque futur enseignant en situation de micro-
enseignement à l’aide de la grille MGP et fournit un rapport d’observation à celui-ci. Ce rapport
d’observation comprend notamment un tableau de résultats quantitatifs présentant, en
occurrences et en durées, les types d’interventions verbales mises en œuvre par le futur
enseignant. Le tableau 1 présente le tableau de résultats quantitatifs fourni à l’un des futurs
enseignants de l’année académique 2016-2017, nommé « futur enseignant 1 » dans la suite du
texte. Ce tableau permet au lecteur de mieux comprendre à partir de quels résultats le futur
9
enseignant 1 formule certains de ses propos réflexifs (par ailleurs présentés dans la section
consacrée aux exemples de propos réflexifs).
Tableau 1 : tableau de résultats quantitatifs fourni au futur enseignant 1 à l’aide de la grille
MGP après sa séance de micro-enseignement
Nom de la catégorie
Durée totale (en
secondes) des
interventions verbales
codées dans cette
catégorie
Nombre total
d’intervention
s codées dans
cette catégorie
Pourcentage du
temps total
accordé à cette
catégorie
Silence
1327 s
70
55,3%
Présentation d’un
élément lié au contenu
427 s
39
17,8%
Objectivation
94 s
38
3,9%
Feedback
160 s
38
6,6%
Etayage
60 s
9
2,5%
Gestion de la
participation
155 s
22
6,4%
Gestion de l'espace et
du temps
127 s
13
5,3%
Gestion de la discipline
7 s
2
0,3%
Interventions sociales
22 s
6
0,9%
Autres interventions de
gestion
22 s
4
0,9%
Autre fonction
0 s
0
0%
Inaudible
0 s
0
0%
Non observé
0 s
0
0%
Total
2401 s
241
100,00%
3.2 Outil 2 : une démarche de questionnement systématique
Le deuxième outil (Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse, 2017b) vise à mettre en place
une démarche de questionnement systématique permettant à chaque futur enseignant de se poser
différentes questions lui permettant de mobiliser les treize processus réflexifs à propos des
différents gestes professionnels définis dans la grille MGP. Cet outil (tableau 2) a été créé en
déclinant les processus réflexifs (Derobertmasure, 2012) sous la forme de questions que le futur
enseignant peut se poser au sujet des gestes professionnels définis dans la grille MGP.
10
Tableau 2 : outil pour porter un regard réflexif sur sa pratique en mobilisant les trois niveaux
de réflexivité au regard des gestes professionnels définis dans la grille MGP (Bocquillon,
Derobertmasure, & Demeuse, 2017b)
Processus réflexif
Questions à se poser
Narrer / décrire
Quelles actions de gestion et
d’instruction ai-je mis en œuvre durant
ma leçon ?
Prendre conscience
De quoi je prends conscience au sujet de
ces actions ?
Questionner
Quelles questions je me pose au sujet de
ces actions ?
Pointer ses difficultés
Quelles sont mes difficultés concernant
ces actions ?
Intentionnaliser
Quelle était mon intention en mettant en
œuvre ces actions ?
Evaluer
Comment je m’évalue ? Mes actions de
gestion et d’instruction correspondent-
elles aux actions efficaces mises en
évidence par la littérature scientifique ?
Quels sont les effets de mes actions sur
les élèves ?
Légitimer en fonction de ses
préférences
Légitimer en fonction du
contexte
Légitimer en fonction
d’arguments pédagogiques
et/ou éthiques
Comme je justifie mes actions ? En
fonction de mes préférences ? Du
contexte ? D’arguments pédagogiques
et/ou éthiques basés sur la littérature
scientifique ?
Diagnostiquer
Pourquoi ai-je agi de cette manière- à
ce moment- ?
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Proposer des alternatives
Quelles sont les alternatives à ma
pratique (actions de gestion et
d’instruction) que je peux mettre en
œuvre la prochaine fois en me basant sur
la littérature scientifique ?
Explorer des alternatives
Quelle est l’alternative la plus adéquate
?
Théoriser
Quelles règles de la pratique puis-je
formuler à partir de mon expérience ?
Sont-elles en accord avec la littérature
scientifique ?
3.3 Outil 3 : un exemple de texte réflexif mobilisant les deux premiers outils (le « texte
de Chloé »)
Le troisième outil (Bocquillon, Derobetrmasure, & Demeuse, 2017b) est un exemple de texte
réflexif, rédigé à la première personne par les auteurs de cet article, en s’inspirant des réels
propos réflexifs d’une future enseignante d’une année académique précédente, nommée Chloé
à des fins d’anonymat. Bien qu’inspiré des réels propos réflexifs de la future enseignante, le
texte a été remanié par les auteurs afin que « Chloé » y mobilise les treize processus réflexifs à
propos des différents gestes professionnels définis dans la grille MGP et en se servant du rapport
d’observation réalisé par le superviseur à l’aide de la grille MGP. Ce texte est disponible dans
son intégralité en ligne (Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse, 2017b).
A titre d’exemple, voici un extrait issu du « texte de Chloé » (les mots en gras sont présents
dans le texte de Chloé pour mettre en évidence des indices textuels qui renseignent sur le type
de processus réflexif mobilisé ; les crochets ne sont pas présents dans le texte fourni aux futurs
enseignants, mais sont ajoutés ici pour préciser quel type de processus réflexif est mis en
évidence dans cet extrait du texte de Chloé) :
« Grâce au retour à la vidéo, j’ai pris conscience que mes interventions d’objectivation (qui
prennent essentiellement la forme de questions) sont trop dirigées. Je ne laisse pas aux élèves
le temps de réfléchir et je leur fournis même des indices (étayages) avant même qu’ils ne
proposent une réponse. Je prends conscience que je suis trop directive et trop rapide lors de
ce rappel [processus « prendre conscience »] alors que mon but était d’objectiver leur
12
compréhension avant de passer à la suite [processus « intentionnaliser »]. Lors de mes
prochaines leçons, je vais donc essayer de laisser aux élèves un temps de réflexion de quelques
secondes et de ne pas les diriger autant. Je vais aussi mettre en place des interventions telles
que « Peux-tu m’expliquer avec tes mots ce que tu as retenu du cours précédent ? » [processus
« proposer des alternatives »] » (Extrait du texte de Chloé, p. 33).
Les futurs enseignants ont été informés qu’ils pouvaient utiliser, sans y être obligés, les trois
outils lors de la rédaction de leur rapport réflexif. La grille MGP et la démarche de
questionnement (outils 1 et 2) ont fait l’objet de séances de cours destinées aux futurs
enseignants, mais pas le « texte de Chloé » (outil 3), qui leur a simplement été cité comme étant
« un exemple, pas une procédure à appliquer telle quelle ».
L’impact de ces outils sur les traces de réflexivité orales et écrites des futurs enseignants est
étudié dans le cadre d’une recherche doctorale (Bocquillon, Derobertmasure, & Demeuse,
2017a). La section suivante présente la méthodologie d’analyse des traces, ainsi que quelques
résultats présentés à titre illustratif.
4. Etude de l’impact des outils d’aide à l’analyse réflexive sur les propos réflexifs
des futurs enseignants
4.1 Méthodologie d’analyse des traces de réflexivité
Les rapports réflexifs des futurs enseignants font l’objet d’une analyse de contenu thématique
(outillée à l’aide du logiciel Nvivo®) consistant à découper le texte en unités de codage
sémantiques (Bardin, 2001) et à relier chacune d’entre elles à une catégorie. Cette opération
consistant à relier une unité de texte à une catégorie (et parfois à une sous-catégorie) est
désignée par le terme « coder » dans la suite du texte.
Dans le cadre de cet article, les propos réflexifs des futurs enseignants sont analysés avec 3
grilles d’analyse de contenu thématique. Chacune de ces grilles est composée de catégories et
de sous-catégories de codage thématique, nommées « nœuds » et « sous-nœuds » dans la suite
du texte afin d’éviter de les confondre avec les catégories d’observation de la grille
d’observation MGP présentées dans la section 3.1.
La première grille d’analyse de contenu, élaborée selon une démarche déductive
3
à partir du
modèle des treize processus réflexifs de Derobertmasure (2012), permet de coder la forme de
3
On parle de démarche déductive lorsque la grille d’analyse de contenu thématique est élaborée sur base du
cadre théorique et de démarche inductive lorsque la grille d’analyse est élaborée à partir du corpus (Mukamurera,
Lacourse & Couturier, 2006).
13
l’intervention réflexive (processus réflexif mis en œuvre). Par exemple, l’intervention « Selon
mes collègues, ma consigne n’était vraiment pas assez précise » est codée dans le nœud
« processus réflexif d’évaluation ».
La deuxième grille d’analyse de contenu, élaborée selon une démarche déductive à partir du
modèle de la pratique d’enseignement-apprentissage (Bocquillon, Derobertmasure, &
Demeuse, 2017a) permet de coder l’objet de la pratique d’enseignement-apprentissage sur
lequel porte l’intervention réflexive
4
. Par exemple, l’intervention « Selon mes collègues, ma
consigne n’était vraiment pas assez précise » est codée dans le nœud « Consignes ».
La troisième grille d’analyse de contenu, élaborée de manière inductive sur base des propos
réflexifs formulés par les futurs enseignants, permet de coder la « référence » sur laquelle le
futur enseignant se base pour commenter sa pratique. Par exemple, l’intervention « Selon mes
collègues, ma consigne n’était vraiment pas assez précise » est codée dans le nœud « Référence
pairs » pour préciser que le futur enseignant a formulé son propos réflexif sur base de l’avis
émis par ses pairs participant au dispositif de formation pratique.
Le lecteur intéressé trouvera une description détaillée des deux premières grilles d’analyse de
contenu dans l’article de Bocquillon, Dehon et Derobertmasure (2015). La troisième grille
(analysant la référence utilisée) est au cœur de cet article car elle vise à préciser ce sur quoi les
futurs enseignants s’appuient pour porter un regard réflexif sur leur pratique. Exprimé
autrement, recourent-ils :
- à leur propre perception personnelle ;
- aux observations réalisées par leurs pairs lors de la séance de micro-enseignement ;
- à la vidéo de leur prestation ;
- aux références théoriques complémentaires ;
- aux outils d’aide à l’analyse réflexive (outils 1 et 3), nœud subdivisé en plusieurs sous-
noeuds (tableau 3) comprenant notamment la référence au tableau de résultats
quantitatifs fournis par le superviseur à l’aide de la grille MGP ?
4
À noter que la plupart des objets de la pratique d’enseignement-apprentissage composant cette grille sont les
gestes professionnels observés avec la grille MGP. En effet, la grille MGP et la grille d’analyse de contenu des
objets de la réflexivité ont été élaborées à partir du même modèle théorique (Bocquillon, Derobertmasure, &
Demeuse, 2017a).
14
En particulier, concernant les trois outils, il s’agit d’étudier dans quelle mesure les futurs
enseignants se servent du « texte de Chloé » afin de déterminer si ce genre d’outil peut
« modeler » la pratique réflexive des futurs enseignants.
Le tableau 3 présente une vue détaillée du nœud « Référence outils » et de ses sous-nœuds qui
sont utilisés lorsque le futur enseignant commente sa pratique en se servant des outils 1 et/ou 3
d’aide à l’analyse réflexive
5
.
Tableau 3 : vue détaillée du nœud « Référence outils » et de ses sous-nœuds
Nœud
Sous-nœud (niveau 2)
Sous-nœud (niveau 3)
Référence outils
Tableau de résultats
quantitatifs fourni par le
superviseur à l’aide de la
grille MGP
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Ligne du temps fournie par le
superviseur à l’aide de la
grille MGP
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Commentaires qualitatifs
écrits par le superviseur à
l’aide de la grille MGP
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Vocabulaire lié à la grille
MGP
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Théorie issue des guides
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Ouvrages de référence du
cours
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Retour à la vidéo
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Retour à la vidéo et à la ligne
du temps
Identiquement à Chloé
Distinctement de Chloé
Analyse complémentaire
Identiquement à Chloé
5
L’utilisation de l’outil 2 étant plutôt déduite à partir de l’analyse des processus réflexifs mobilisés (grille
d’analyse de contenu n°1) et des objets de la pratique commentés (grille d’analyse de contenu n°2) par chaque
futur enseignant.
15
Distinctement de Chloé
Le sous-nœud « Identiquement à Chloé », est codé lorsque le futur enseignant commente le
même objet de la pratique et se sert de la même référence que Chloé (le futur enseignant adapte
évidemment la phrase en utilisant ses propres données d’observation et non celles de Chloé).
Par exemple, le futur enseignant peut commenter les types d’interventions « d’objectivation »
qu’il met en œuvre (objet de la pratique d’enseignement-apprentissage) en recourant au tableau
de résultats quantitatifs qui lui a été fourni par le superviseur à l’aide de grille MGP (référence).
Dans ce cas, le sous-nœud « Identiquement à Chloé » est codé, car Chloé a commenté le même
objet en se servant de la même référence.
Toutes les autres configurations sont associées au sous-nœud « Distinctement de Chloé ». Il
s’agit d’extraits où le futur enseignant commente sa pratique en se référant aux outils d’aide à
l’analyse réflexive, mais d’une manière différente de celle de Chloé, c’est-à-dire, en modifiant
l’objet du propos et/ou la référence sur laquelle se baser pour tenir un propos en lien avec cet
objet :
- en commentant un objet de la pratique que Chloé a commenté (ex. la gestion de l’espace
et du temps), mais avec une référence différente de celle que Chloé a utilisée (ex. les
guides) ;
- en utilisant une référence que Chloé a utilisée (ex. : les résultats quantitatifs), mais au
sujet d’un objet différent de ceux que Chloé a commentés avec cette référence (ex. les
silences) ;
- en commentant un objet de la pratique que Chloé n’a pas commenté (ex. : gestes non
verbaux de gestion de la discipline) et en utilisant une référence que Chloé n’a pas
utilisée (ex. : les commentaires qualitatifs rédigés par le superviseur à l’aide de la grille
MGP).
4.2 Résultats illustratifs
Les extraits proposés sont des illustrations issues de l’analyse de contenu thématique des
rapports réflexifs des 11 futurs enseignants de la Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Education de l’année 2016-2017.
Une analyse générale révèle que, lors de la rédaction de leur rapport réflexif, l’ensemble des
futurs enseignants a utilisé les données d’observation générées par le superviseur à l’aide de la
16
grille MGP. L’analyse de contenu thématique plus spécifique révèle différentes formes
d’utilisation de ces données d’observation, similaires ou différentes de l’écrit de référence, à
savoir, celui de Chloé.
Le tableau 4 présente, pour plusieurs types de références mobilisées (colonne 1), des exemples
d’extraits de rapports réflexifs illustrant comment les futurs enseignants se servent des outils
d’aide à l’analyse réflexive, soit « Identiquement à Chloé » (colonne 3), soit « Distinctement
de Chloé » (colonne 4). Pour permettre au lecteur de mesurer dans quelle mesure le texte
est proche de celui de Chloé, la deuxième colonne présente les extraits issus du texte de Chloé
dont les futurs enseignants se sont inspirés. Pour chaque extrait, les trois codes utilisés pour
coder l’extrait dans chacune des trois grilles d’analyse de contenu thématique sont indiqués
entre parenthèses.
La première ligne du tableau 4 illustre la manière selon laquelle le futur enseignant 1 s’est
inspiré du texte de Chloé pour commenter son geste professionnel « d’objectivation » à l’aide
du tableau de résultats quantitatifs fournis par le superviseur. La première ligne illustre
également comment le futur enseignant 1 s’est servi du tableau de résultats quantitatifs pour
commenter un geste professionnel que Chloé n’a pas commenté (le silence).
La deuxième ligne du tableau 4 illustre un comportement des futurs enseignants qui ne se
manifestait pas lors des versions antérieures du dispositif : le fait de revisionner sa vidéo après
la rétroaction vidéo pour analyser plus en détail certains gestes professionnels au regard de la
grille MGP. Avant la régulation du dispositif (version 1.0 du dispositif), les futurs enseignants
visionnaient leur vidéo à deux occasions et ce sans aucune grille de lecture : la première fois,
en autonomie, survenait dans le cadre de l’autoscopie, tandis que la seconde fois s’organisait
lors de la rétroaction vidéo avec le superviseur. Depuis la régulation du dispositif (version 2.1
du dispositif), certains futurs enseignants visionnent une troisième fois leur vidéo pour décoder
certains résultats quantitatifs fournis par le superviseur à l’aide de la grille MGP (tableau 1) et
ne leur semblant pas assez détaillés. Ainsi, le futur enseignant 1 a revisionné sa vidéo pour
analyser en détail les « 38 feedbacks » que le superviseur lui a renseignés, tout comme Chloé
l’avait fait dans son écrit réflexif. De son côté, le futur enseignant 8 a revisionné sa vidéo pour
analyser plus en détail les trois « interventions sociales visant à susciter la motivation »
renseignées dans le rapport des observations réalisées par le superviseur à l’aide de la grille
MGP, chose que Chloé n’a pas faite concernant ce geste professionnel.
17
La dernière ligne du tableau 4 illustre comment le futur enseignant 1 a mis en œuvre une
« analyse complémentaire ». Ce sous-nœud est codée lorsque le futur enseignant commente
l’objet de la pratique en se référant aux catégories de la grille MGP pour effectuer une analyse
complémentaire que Chloé n’a pas faite et pour laquelle il n’a pas reçu de données d’observation
générées par le superviseur. En effet, après avoir analysé ses gestes professionnels verbaux en
s’aidant des données d’observation fournies par le superviseur et du texte de Chloé, il a été
capable d’analyser l’ensemble de ses gestes non verbaux en mobilisant les catégories de la grille
MGP, alors qu’il n’avait pas reçu de données d’observation de la part du superviseur concernant
ces gestes
6
et que Chloé n’a analysé qu’un seul de ses gestes non verbaux de manière très brève.
Ces résultats vont dans le sens attendu par les auteurs de cet article, à savoir que les futurs
enseignants soient capables de passer de la pratique guidée (porter un regard réflexif sur sa
pratique en étant guidé par des outils et les observations d’un superviseur à propos de quelques
gestes) à la pratique autonome (utiliser les outils de manière autonome à propos de l’ensemble
des gestes).
Tableau 4 : extraits des rapports réflexifs illustrant comment les futurs enseignants se servent
des outils d’aide à l’analyse réflexive
Type de
référence utilisée
Phrase issue du
texte de Chloé
Exemple d’utilisation
« Identiquement à
Chloé »
Exemple
d’utilisation « Distincte
ment de Chloé »
Tableau de
résultats
quantitatifs
disponible dans
le rapport des
observations
réalisées par le
superviseur à
l’aide de la grille
MGP
« Je prends
conscience que
j’ai mis en œuvre
7 objectivations
stéréotypées de la
compréhension
[…] Bien qu’elles
témoignent d’une
volonté
d’objectiver la
compréhension
« J'observe que j'ai
posé 25 questions
stéréotypées, ce qui est
quand même beaucoup
car nous avons vu qu'il
s'agissait de questions
qui avaient peu de
chances de susciter
des réponses et qui ne
permettaient pas de
vérifier la
« Enfin, selon les
résultats fournis la
séquence est composée à
55% de silence » [futur
enseignant 1]
(Type d’intervention :
décrire ; Objet : silence ;
Référence : tableau de
résultats quantitatifs)
6
Le superviseur n’observe que les gestes verbaux, mais les futurs enseignants ont à leur disposition l’entièreté de
la grille MGP incluant des gestes verbaux et non verbaux.
18
des élèves, les
objectivations
stéréotypées de la
compréhension
n’encouragent
pas toujours les
élèves à
s’exprimer au
sujet de leur
compréhension/
incompréhension
» (Type
d’intervention :
prendre
conscience et
théoriser ; Objet :
objectivation ;
Référence :
tableau de
résultats
quantitatifs)
compréhension des
élèves. » [Futur
enseignant 1]
(Type
d’intervention :
prendre conscience et
théoriser ; Objet :
objectivation ;
Référence : tableau de
résultats quantitatifs)
Retour à la vidéo
(le futur
enseignant
revisionne sa
vidéo car il
considère que les
données
d’observation
quantitatives
fournies par le
superviseur ne
« L’observateur a
relevé le nombre
de feedbacks que
j’ai donnés, mais
n’a pas pu
assigner un type à
chacun de ces
feedbacks, car il
s’est concentré
sur l’observation
d’autres gestes
professionnels. Je
« Je constate que j'ai
donné 38 feedbacks.
En revisionnant ma
séquence, je me suis
rendu compte que je
faisais beaucoup de
feedbacks stéréotypés
avec des « hum », «
oui », « ok », « pas tout
à fait », des
mouvements de tête. »
[futur enseignant 1]
« Quand je fais appel à
leur vécu [en leur disant]
“vous avez tous une
famille, des amis…”, “il
y a toujours moyen de
s’améliorer”, “vous les
avez déjà utilisés dans
votre pratique ou à la
maison”,
je tiens à susciter leur
motivation, leur intérêt. »
[le futur enseignant 8
19
sont pas assez
précises)
suis donc
retournée moi-
même à la vidéo
pour analyser mes
feedbacks […]»
(Type
d’intervention :
autre
intervention ;
Objet : feedback ;
Référence :
retour à la vidéo)
(Type
d’intervention :
prendre conscience ;
Objet : feedback ;
Référence : retour à la
vidéo)
recopie in extenso dans
son rapport réflexif des
extraits de sa vidéo qu’il a
retrouvés grâce aux
données d’observation
fournies par le
superviseur qui lui a
renseigné le minutage
précis de ses 3
« interventions sociales
visant à susciter la
motivation » (surlignées
en gras dans l’extrait)]
(Type d’intervention :
intentionnaliser ; Objet :
interventions sociales ;
Référence : retour à la
vidéo)
Analyse com-
plémentaire (le
futur enseignant
commente
l’objet de la
pratique en se
référant aux
catégories de la
grille MGP pour
effectuer une
analyse
complémentaire
que Chloé n’a
pas faite et pour
laquelle il n’a pas
Impossible par définition, car l’analyse
complémentaire va plus loin que ce que le
texte de Chloé propose.
« Je me suis aussi placée
du côté des élèves
perturbateurs afin de les
remettre au travail, ce qui
est positif. » [futur
enseignant 1]
(Type d’intervention :
intentionnaliser et
évaluer ; Objet : gestion
de la discipline non
verbale ; Référence :
analyse complémentaire)
20
reçu de données
d’observation
générées par le
superviseur)
5. Pour conclure
Ce chapitre s’est intéressé à la présentation d’un dispositif de formation initiale d’enseignants
du niveau secondaire supérieur. Le dispositif en question ayant fait l’objet de recherches
scientifiques depuis une dizaine d’années, différentes régulations ont été opérées. L’un des
principaux axes de modifications apportées repose sur les résultats d’une recherche doctorale
(Derobertmasure, 2012), laquelle conclut que les futurs enseignants mobilisent peu de
processus réflexifs différents (la description et l’évaluation étant majoritairement utilisées),
qu’ils justifient peu leurs actions et que le recours aux éléments d’ordre théorique est faible,
voire inexistant. Sur la base de ce constat s’est posée la question de la nécessaire didactisation
de la réflexivité et de la mise à disposition, pour les futurs enseignants, d’outils pouvant,
potentiellement, les accompagner dans le développement de leur compétence réflexive. Ces
outils, présentés dans le cadre de ce chapitre, sont : (1) une grille d’observation des gestes
professionnels intitulée « Miroir des Gestes Professionnels » accompagnée d’un rapport des
observations réalisées à l’aide de cette grille par un superviseur, (2) un outil d’aide au
questionnement par rapport à sa pratique et, finalement, (3) un texte illustratif d’une future
enseignante mobilisant ces deux premiers outils dans le cadre d’un écrit de nature réflexive.
Cet accompagnement du futur enseignant, par un « outillage » varié (qu’il soit humain,
technique, technologique ou scientifique), dans le cadre du développement de sa réflexivité,
peut, en quelque sorte être associé à la mobilisation de la cognition distribuée au sens où le futur
enseignant disposant de cet ensemble peut être considéré comme un « individu-plus » (Perkins,
1995) possédant des capacités plus larges que s’il était seul ou non outillé (Salomon & Perkins,
1998). A ce titre, l’enregistrement vidéo de la prestation du futur enseignant et les trois outils
d’aide à l'analyse réflexive présentés dans ce chapitre constituent des artefacts qui soutiennent
la cognition du futur enseignant (Derobertmasure, 2012).
Les premiers résultats tendent à démontrer que la didactisation de la réflexivité est bel et bien
réalisable et que cette démarche porte ses fruits en termes de développement de compétences
réflexives. En effet, l’analyse des premiers résultats indique, par exemple, que le recours aux
21
éléments d’ordre théorique permettant de donner un sens à la pratique sont davantage mobilisés
par les futurs enseignants que dans le cadre du précédent dispositif.
Il convient de préciser que le seul recours à un modèle théorique quel qu’il soit (ici
l’enseignement explicite) n’est pas forcément un garant d’une réflexivité davantage étayée
théoriquement. Néanmoins, les résultats indiquent que l’utilisation du modèle de
l’enseignement explicite en soutien à la réflexivité constitue au moins une des pistes pouvant
remplir cette fonction.
L’autre enseignement majeur retiré de cette étude préliminaire consiste à indiquer que recourir
au modelage de la pratique réflexive (via le texte illustratif de Chloé) permet de soutenir la
pratique réflexive, non pas, en (la) formatant ni en enfermant les étudiants dans une pratique
stéréotypée de la réflexivité, mais bien en les amenant à une pratique autonome de celle-ci, se
manifestant notamment lors des illustrations différant des propos exemplatifs. De cette manière,
ce type de résultats concoure à encourager le recours à l’enseignement explicite dans le cadre
de la formation de futurs enseignants, aussi bien en tant que modèle de référence (sans
exclusivité) leur permettant de porter un regard réflexif sur leur pratique au regard de gestes
spécifiques, qu’en tant que démarche de formation, les formateurs ayant eux-mêmes eu recours
aux étapes de modelage, pratique guidée et pratique autonome pour développer la pratique
réflexive des futurs enseignants.
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... However, research has shown that when students are asked to produce texts of a reflective nature, they only demonstrate low levels of reflexivity Derobertmasure et al., 2010). This is because, although reflective writing is widely used in teacher training practices, it is not necessarily the subject of a dedicated teaching/learning process sustained by specific support (Bocquillon & Derobertmasure, 2018). In other words, future teachers are implicitly (or insufficiently) trained for reflective writing. ...
... The objective of this study is to report on the effects of reflective writing training implemented in the last year of the primary school teacher baccalaureate program. This study aims to contribute to recent literature that has shown the low levels of reflexivity student teachers exhibit in their reflective writing and the lack of training programs in their initial training to help them (Bocquillon & Derobertmasure, 2018). The development of reflective analysis is supported here through the use of a portfolio creation activity (Bélair & Van Nieuwenhoven, 2010) and support for the development of writing skills (Colognesi & Lucchini, 2018). ...
... With respect to reflective competence, significant changes for all indicators appeared only from comparisons with the fifth draft. This may be explained by the fact that, on one hand, this type of writing is a new skill for the students, very poorly developed in initial teacher training (Bocquillon & Derobertmasure, 2018) and on the other hand, the acquisition of this skill requires a lot of practice and support (Altet et al., 2013). A final observation is the absence of any significant improvement between Drafts 5 and 6 (the final draft used for course evaluation). ...
Article
Full-text available
Recent literature has shown the low levels of reflexivity student teachers exhibit when doing reflective writing and the lack of a training program in their initial training to help them. A training program that was developed to support future teachers’ reflective writing was implemented and the program’s results were evaluated. The program was based on a combination of theories from the fields of teacher training and writing instruction. The training program was offered to a class of 16 future primary school teachers in French-speaking Belgium (three males and 13 females, averaging 20 years old) who were in their final year of training. They rewrote a reflective text several times and the 64 texts produced were analyzed quantitatively. The results showed that the training program enabled participants to make major progress from one draft to another and thus improve their reflective writing skills. In addition, a qualitative single case study showed how one student’s writing evolved during the training program. Among the practical implications that emerged from this study were the recommendations to include time in the training curricula dedicated to the teaching of reflective writing and to train trainers to support the writing of reflective texts.
... However, research has shown that when students are asked to produce texts of a reflective nature, they only demonstrate low levels of reflexivity Derobertmasure et al., 2010). This is because, although reflective writing is widely used in teacher training practices, it is not necessarily the subject of a dedicated teaching/learning process sustained by specific support (Bocquillon & Derobertmasure, 2018). In other words, future teachers are implicitly (or insufficiently) trained for reflective writing. ...
... The objective of this study is to report on the effects of reflective writing training implemented in the last year of the primary school teacher baccalaureate program. This study aims to contribute to recent literature that has shown the low levels of reflexivity student teachers exhibit in their reflective writing and the lack of training programs in their initial training to help them (Bocquillon & Derobertmasure, 2018). The development of reflective analysis is supported here through the use of a portfolio creation activity (Bélair & Van Nieuwenhoven, 2010) and support for the development of writing skills (Colognesi & Lucchini, 2018). ...
... With respect to reflective competence, significant changes for all indicators appeared only from comparisons with the fifth draft. This may be explained by the fact that, on one hand, this type of writing is a new skill for the students, very poorly developed in initial teacher training (Bocquillon & Derobertmasure, 2018) and on the other hand, the acquisition of this skill requires a lot of practice and support (Altet et al., 2013). A final observation is the absence of any significant improvement between Drafts 5 and 6 (the final draft used for course evaluation). ...
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The objective of this study is to report on the effects of a reflexive writing training scheme implemented in the last year of the primary school teacher's baccalaureate. This study is a follow-up to recent literature that has shown the low levels of reflexivity students exhibit in reflexive writing (Voz & Cornet, 2010) and the lack of training program in the initial training to help them (Bocquillon & Derobertmasure, 2018). The development of reflexive analysis is supported here by the use of the portfolio (Bélair & Van Nieuwenhoven, 2010) and work on the development of writing skills (Author, 2018d). To address this objective, the research question is: What are the effects of a training program with specific characteristics on the development of students' writing skills when writing a reflexive text?
... At Time 4, in the Reflexive Analyst's role, the participants are asked to step back and critically review the experiment with the students (Altet, 2004;Bocquillon & Derobertmasure, 2018). This is their chance to reflect on what they have done and to go back over the opportunities and weaknesses observed in the activities that they developed for their students. ...
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The aim of this text is to present a teacher training program that seeks to support changes by the trained teachers in their own practice. This change in practice is made possible by the fact that teachers assume four successive roles in the training program: Learner, Engineer, Teacher/Observer, Reflective Analyst (LETRA). LETRA has been tested several times with the same results. The design of the program is presented in the text, step by step. The views of participants are also highlighted.
... Approcher l'activité dans son environnement naturel est pourtant nécessaire pour « lier réellement les comportements des enseignants aux processus cognitifs qui les ont produits » (Hall et Smith, 2006, p. 424). De même, si la réflexivité est souvent sollicitée par les formateurs (Blondeau, 2018 ;Karsenti et Collin, 2012 ;Ria et Lussi Borer, 2016), force est de constater qu'elle est peu apprise ou accompagnée (Bocquillon et Derobertmasure, 2018). Or les étudiants sont en demande d'aide pour établir les liens théoriepratique attendus au moment des stages (Caron et Portelance, 2017) tant ils perçoivent des écarts entre les savoirs appris et les expériences qu'ils vivent sur le terrain (Clerc et Martin, 2011 ;Waege et Haugaløkken, 2013). ...
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Soucieux de mieux accompagner les futurs enseignants au moment de la planification pédagogique de leurs stages, des formateurs institutionnels ont voulu comprendre comment les étudiants se préparent. Ils ont construit le dispositif API (dispositif d’Approche de l’activité de Planification enseignante par des Images) découlant de la technique photovoice (Wallerstein & Bernstein, 1988) qui consiste à proposer aux étudiants de photographier leur activité de planification. L’objectif est d’approcher l’activité réelle de planification (Hall & Smith, 2006), d’en faciliter l’évocation et donc son analyse. Le dispositif montre, dans ses effets, l’intérêt d’utiliser des photos comme traces pour raviver la pratique et son aspect formateur dans le développement du futur professionnel. POUR CITER CET ARTICLE : Deprit, A. & Van Nieuwenhoven, C. (2021). Un dispositif axé sur l'analyse de photos pour décoder l'activité réelle de planification des futurs enseignants, IPTIC, 1, 55-69
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Lors de la formation pratique des futurs enseignants, en stage, le maitre de stage et le superviseur soutiennent idéalement le développement professionnel du stagiaire. Pour cela, ils réalisent un ensemble d’actions (gestes professionnels) et mettent en œuvre des compétences dont certaines sont relatives à l’évaluation du stagiaire. Il existe plusieurs définitions de ce que l’on appelle un geste professionnel. Dans le cadre de cette recherche un geste professionnel, à la suite de Brudermann et Pélissier (2008), est défini comme une action exercée par un formateur dans le cadre de sa profession. Cet acte peut prendre la forme de paroles ou de d’actions gestuelles permettant d’évaluer le stagiaire. Face au manque d’études observationnelles des gestes de formateurs de stagiaires lors de l’évaluation formative du stagiaire, des entretiens post-leçon à chaud en triade ont été enregistrés et analysés grâce à une grille d’analyse insérée dans un logiciel. Ces entretiens ont été réalisés avec des stagiaires de deuxième année en formation à l’enseignement en Belgique francophone. Les résultats du codage manuel des entretiens permettent d’identifier les types de gestes professionnels posés par les acteurs de la triade, ainsi que leur proportion. Ils permettent également d’identifier plusieurs séquences de gestes typiques (par exemple, les prises de parole du stagiaire après un feedback). Ces résultats permettent de formuler des pistes pour soutenir la professionnalité des formateurs.
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Lors des stages, la triade (stagiaire, maitre de stage et superviseur) est rassemblée physiquement lors des entretiens post-leçon (EPL) qui suivent l’observation du stagiaire par le superviseur. L’objectif est de donner un retour au stagiaire sur sa prestation et l’aider à identifier des pistes d’amélioration. Ce moment peut provoquer du stress chez l’étudiant et la collaboration au sein de la triade ne va pas de soi. De plus, on connait peu les pratiques effectives de la triade de manière général et en particulier lors des EPL. Dans ce contexte, cette étude vise à analyser les propos de la triade lors des EPL au regard des attendus de la formation (repris dans la grille d’évaluation). Pour ce faire, sept entretiens en triade ont été enregistrés et analysés grâce une grille thématique insérée dans le logiciel The ObserverXT®. Les résultats indiquent une forte disparité entre le temps de parole des acteurs, le superviseur ayant 53% du temps de parole, le maitre de stage 31% et le stagiaire 16%. Pour ce qui est des thèmes abordés par la triade (compétences des futurs enseignants), le superviseur évoque l’ensemble des compétences contrairement au maitre de stage. Les différents constats de l’étude nourrissent les réflexions autour des EPL et permettent aux institutions de formation d’identifier le type d’EPL qu’ils désirent mettre en place ainsi que la place laissée aux différents acteurs.
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Cooperating teachers (or mentor teachers) are key stakeholders in initial teacher education. They contribute to the training of teachers with professional skills and a strong professional identity by carrying out specific tasks. In French-speaking Belgium, although their training has been mentioned by experts for more than 30 years, there are few guidelines for the training of cooperating teachers. The aim of this document is therefore to present a competence reference framework for the training of cooperating teachers in compulsory education. This document has been drawn up on the basis of a literature review in both French and English and of several competence reference frameworks for the training of cooperating teachers. This reflection is all the more significant in that, at the time of writing, a reform of initial teacher training is under way in Frenchspeaking Belgium, which includes plans to strengthen the training of cooperating teachers through the introduction of a certificate in internship supervision.
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En formation initiale des enseignants, le developpement de la reflexivite est souvent analyse en considerant le point de vue du futur enseignant. Or, le role du superviseur notamment lors d’echanges avec les futurs enseignants peut etre primordial. Dans le cadre d’activites pedagogiques integrees dans l’axe des savoir-faire de la formation, dix entretiens de retroaction menes par deux superviseurs sont analyses afin d’apprehender d’eventuelles differences dans leurs interventions et d’eventuelles incidences sur le developpement de la reflexivite des futurs enseignants.
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This paper adresses this issue of the ways by which professionnal practises, research and training can be related in the field of social work and intervention. First, we discuss three approachs relating these sectors: the best practices approach, the reflexive practices approach, and the trade development. Then, the relations between practice, research and training suggested in a perspective of trade development are elaborated and illustrated by a research that explored how social workers give meaning to their work, and by a course nurturing from the research’s observations and analyses.
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An interpretation of the concept of the practical for the field for curriculum must pay critical attention to the philosophies of knowledge in which the interpretation is grounded. The main traditions of social science (broadly conceived as the empirical-analytic, the hermeneuticphenomenological, and the critical-dialectical) each have associated with them quite distinct ways of knowing and distinct modes of being practical. This paper seeks to demonstrate that it is only through such critical reflection that the questions of greatest significance to the field can be adequately addressed.
Book
This unique and ground-breaking book is the result of 15 years research and synthesises over 800 meta-analyses on the influences on achievement in school-aged students. It builds a story about the power of teachers, feedback, and a model of learning and understanding. The research involves many millions of students and represents the largest ever evidence based research into what actually works in schools to improve learning. Areas covered include the influence of the student, home, school, curricula, teacher, and teaching strategies. A model of teaching and learning is developed based on the notion of visible teaching and visible learning. A major message is that what works best for students is similar to what works best for teachers - an attention to setting challenging learning intentions, being clear about what success means, and an attention to learning strategies for developing conceptual understanding about what teachers and students know and understand. Although the current evidence based fad has turned into a debate about test scores, this book is about using evidence to build and defend a model of teaching and learning. A major contribution is a fascinating benchmark/dashboard for comparing many innovations in teaching and schools.