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CONCEPTION DE LA NOTION D’ALGORITHME A LA TRANSITION
SECONDAIRE-SUPERIEUR EN FRANCE
1
MODESTE Simon* – RAFALSKA Maryna**
Résumé – Nous nous intéressons aux conceptions d'élèves et étudiants à la transition secondaire-
supérieur en France autour de l'algorithme et de l'algorithmique. À l'aide d’un questionnaire et d'une grille
d'analyse basée sur un modèle épistémologique, nous montrons comment ces conceptions évoluent dans
le temps et comment la dimension objet du concept se développe lors des premières années de
l'enseignement supérieur.
Mots-clefs : algorithme, algorithmique, transition, secondaire, supérieur.
Abstract –We are interested in pupils’ and students’ conceptions of main notions of Algorithmics in the
transition “secondary school-university” in France. Using a questionnaire and an analysis grid based on
an epistemological model, we show how these conceptions evolve with time and how object dimension of
the notion “algorithm” develops in students’ conceptions during the first years of university.
Keywords: algorithm, algorithmics, transition, secondary school, university.
I. INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE
En France, l'algorithmique (comme champ scientifique s'intéressant à la conception
d'algorithmes et à leur étude) est actuellement présente dans l'enseignement supérieur
scientifique
2
, mais aussi dans l'enseignement secondaire (programmes nationaux).
L’algorithmique a fait son apparition dans les programmes du lycée entre 2009 (classe de
seconde – grade 10) et 2012 (classe de terminale – grade 12), dans les programmes de
mathématiques. Des travaux comme (Modeste, 2012a, 2012b) ont étudié cette introduction.
Modeste (2012) a montré la transposition didactique (au sens de Chevallard, 1985) spécifique
de la notion d’algorithme qui est en jeu au lycée français. Modeste & Rafalska (2016) mettent
en perspective cette transposition par rapport à ce qui peut être en jeu ailleurs, en Ukraine en
l’occurrence.
Des éléments liés à l'algorithmique sont aussi enseignés au lycée dans les options de
sciences de l'ingénieur des filières scientifiques, ou encore dans la spécialité optionnelle ISN
(Informatique et Sciences du Numérique) de Terminale Scientifique (grade 12) créée en 2012.
Dans le même temps, un enseignement d'informatique (contenant une part
d’algorithmique) s'est consolidé et généralisé dans les filières scientifiques des Classes
Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE – correspondant aux deux premières années
universitaires permettant de préparer les concours d'entrée en école d'ingénieur).
Par ailleurs, l'informatique, et en particulier l’algorithmique, est enseignée depuis bien
longtemps à l'université, dès les premières années de licence (premier cycle universitaire
constitué des 3 premières années, équivalent du Bachelor). On retrouve bien de
l'algorithmique dans les licences d'informatique, mais aussi dans des licences comme les
celles de mathématiques ou de mathématiques-informatique. Cet enseignement, bien installé,
se trouve confronté aux évolutions récentes des curriculum du second degré concernant
1
Publication réalisée avec le soutien financier de l'ANR, projet DEMaIn <ANR-16-CE38-0006-01>.
* IMAG, Université de Montpellier, CNRS, Montpellier – France – simon.modeste@umontpellier.fr
** Institut Français de l’Éducation, ENS de Lyon – France – rafalskayamarina@gmail.com
2
Dans cet article, nous mettrons de côté les formations courtes de techniciens (Diplôme Universitaire de
Technologie, Brevet de Techniciens Supérieur) du supérieur. L'étude de ces formations pourrait être intéressant
pour notre thème mais demanderait un travail à part entière pour prendre en compte la diversité des filières
concernées.
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l'algorithmique. On pourrait penser que ces changements au lycée permettent une bonne
préparation aux enseignements d'algorithmique dans le supérieur.
Le travail de (Modeste, 2012) laisse penser que cela est plus complexe et nous faisons
l'hypothèse que, selon les institutions (les différents types d'établissements et niveaux
scolaires, mais aussi les différentes filières et même les différents cours), les conceptions de la
notion d'algorithme et de l'algorithmique mises en jeu diffèrent sensiblement et que la
transition entre enseignement secondaire et supérieur à ce sujet n'est pas si simple.
La problématique de cet article est donc la suivante :
Quelles conceptions de l'algorithme et de l’algorithmique les différentes institutions
scolaires et universitaires construisent-elles chez les élèves/étudiants à la transition
secondaire-supérieur (scientifique)?
Plus précisément :
En quoi ces conceptions diffèrent-elles ou sont-elles proches ?
Comment peut-on expliquer les disparités qui apparaissent ?
Comment ces conceptions évoluent-elles dans le temps dans une même filière ou au
passage d'une institution à l'autre ?
II. CADRE THEORIQUE
Pour répondre à cette problématique, nous proposons d'étudier les effets des transpositions
didactiques en jeu dans les différentes institutions (Chevallard, 1985) au travers des rapport au
savoir, les conceptions au sens de Vergnaud (1990), que montrent les élèves/étudiants issus de
ces institutions. Nous faisons l'hypothèse de recherche que ces conceptions individuelles (ou
les grandes tendances dans ces conceptions) nous renseignent sur les conceptions proposées
construites par les institutions dont ces individus sont les élèves/étudiants, autrement dit
qu'elles décrivent aussi le rapport des institutions à l'algorithme et à l'algorithmique.
Pour étudier ces conceptions, nous nous appuyons sur un modèle épistémologique proposé
par (Modeste, 2012; Modeste, Ouvrier-Buffet, & Gravier, 2010). Ce modèle épistémologique
du concept d’algorithme identifie cinq aspects fondamentaux :
- problème : un algorithme résout un problème, c’est-à-dire, répond à une question précise
posée pour une famille d’instances ; incluant les notions d’entrée et de sortie ;
- effectivité : sur des données finies un algorithme, en suivant des règles non-ambiguës,
apporte de façon effective une solution en un nombre fini d’étapes ; un algorithme peut être
mis en œuvre par un opérateur quelconque, en particulier par un ordinateur/une machine
exprimé sous forme d’un programme ;
- preuve : permet d'assurer que l’algorithme aboutit au bon résultat quelle que soit
l’instance (correction) et garantit que ce résultat sera atteint en un nombre fini d’étapes
(terminaison) ; utilisation d’algorithme dans des preuves ; liens aux preuves algorithmiques,
par récurrence ou induction, etc. ;
- complexité : la complexité en temps, en espace, pour comparer des algorithmes entres
eux et rechercher l’algorithme le plus efficace pour un problème donné ; la complexité
calculée au pire, en moyenne, etc. ;
- modèles théoriques : machine de Turing, fonctions récursives et autres modèles ; les
classes de complexité (P, NP, etc.) ; les notions de décidabilité et d’indécidabilité, etc.
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Ces aspects se décomposent en deux catégories : ceux qui relèvent de l’algorithme comme
outil (les aspects problèmes et effectivité) et ceux qui relèvent de l’algorithme comme objet
(complexité, preuve et modèles théoriques). Regarder l’algorithme en tant qu’objet c’est
s’intéresser aux questions de bon fonctionnement, de domaine de validité, de complexité et de
description des algorithmes. Ce sont les problématiques de l’algorithmique. Regarder
l’algorithme en tant qu’outil, c’est s’intéresser à l’utilisation que l’on en fait pour résoudre des
problèmes.
Cet outil épistémologique a montré sa pertinence pour étudier les transpositions dans les
programmes, ressources et manuels scolaires (Modeste, 2012a), mais aussi pour décrire les
conceptions d'individus (variations des conceptions de l'algorithme chez des chercheurs en
informatique et mathématiques, fondamentales et appliquées) (idem.).
Avec ce cadre, nous pouvons reformuler notre problématique en questions de recherche :
- Quels aspects de l'algorithme sont présents dans les conceptions des élèves/étudiants des
institutions de la transition secondaire-supérieure (scientifique) ?
- Comment peut-on interpréter les variations qui apparaissent ?
- Quels aspects apparaissent au fur et à mesure des cursus (continuités) ?
- Quelles ruptures se dessinent lors des transitions (changement d'institution) ?
III. METHODOLOGIE
Pour répondre à ces questions de recherche, nous avons élaboré un questionnaire à faire
passer aux élèves et étudiants. Il inclut des questions ouvertes et à choix multiples.
1. Construction du questionnaire
Nous détaillons d'abord la constitution de ce questionnaire. Ces premières questions ont
pour but d’identifier la vision générale de l’algorithme et de l’algorithmique chez les élèves et
les étudiants ainsi que leurs points de vue sur le rôle de l’algorithme dans la résolution de
problèmes. En particulier, elles concernent :
- la définition de la notion d’algorithme, sa description :
Comment expliqueriez-vous ce qu'est un algorithme, à quelqu'un de votre niveau qui n'a jamais fait
d'algorithmique ? Si vous deviez écrire la définition du mot algorithme dans un dictionnaire, qu'écririez-
vous ? Quel exemple donneriez-vous ?
- le rôle des algorithmes :
A quoi servent les algorithmes ?
- la preuve des algorithmes :
Comment peut-on vérifier qu'un algorithme donne une réponse correcte ?
- l’analyse des algorithmes :
Quelles sont les critères de comparaison pour choisir parmi plusieurs algorithmes résolvant un même
problème ?
Les dix-sept questions à choix multiples proposent aux élèves/étudiants de s’interroger sur
certaines caractéristiques de l'algorithme afin d’identifier les aspects en jeu mais aussi les
amalgames, les lacunes et les contradictions possibles dans leurs conceptions, ce qui ne peut
pas être toujours possible lorsque l’on utilise seulement des questions ouvertes. Ainsi les
questions à choix multiples concernent, dans un premier temps, les propriétés des algorithmes
telles que :
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- la nature discrète (commandes d’un algorithme exécutées une par une dans un ordre précis) ;
- la certitude (les instructions d’algorithmes doivent être formulées sans ambiguïté ; l’ordre
des opérations d’un algorithme est important) ;
- la faisabilité (un algorithme doit être exécutable par l’opérateur, c’est-à-dire qu’il ne doit
contenir que des commandes incluses dans le système de commande de l’opérateur) ;
- la finitude (le nombre d’étapes d'un algorithme est fini) ;
- l’effectivité (l’algorithme donne le résultat qui correspond à l’objectif fixé) ;
- la généricité (un algorithme doit pouvoir s'appliquer à n’importe quel cas d'un problème et
garantir de toujours produire une solution pour ce cas).
Les questions proposées abordent aussi les langages d’écriture d’un algorithme, les
systèmes qui exécutent les algorithmes ainsi que les types de problèmes que l’on peut
résoudre à l’aide d'algorithmes.
À chaque fois, des énoncés sont proposés avec quatre propositions : d’accord, pas
d’accord, ça dépend, je ne me prononce pas. Cela a pour but d’éliminer les réponses
automatiques ou les réponses par élimination en permettant d'exprimer un doute ou une
incompréhension. Nous avons aussi proposé aux élèves/étudiants de justifier leurs choix dans
une ligne de commentaire (facultative), afin d’avoir plus d’informations sur les raisons qui ont
guidé leurs réponses.
Exemple.
Un algorithme est toujours écrit à destination d'une machine (ordinateur, robot, calculatrice, ...).
□ d'accord □ pas d'accord □ ça dépend □ je ne me prononce pas
Commentaire____________________________________________________________________
On voit bien ici qu'il ne s'agit pas de déterminer si les élèves/étudiants fournissent des
réponses correctes ou erronées mais d'arriver à décrire leur conception, au travers du rapport
au concept algorithme qui se révèle dans les réponses et leurs commentaires.
Le questionnaire (anonyme) demandait tout de même un certain nombre d'informations
individuelles sur les cursus des élèves/étudiants interrogés et sur leur expérience de
l’algorithmique et de la programmation.
2. Passation du questionnaire et organisation de l'analyse des réponses
Afin d’analyser les conceptions de l'algorithme chez les élèves et étudiants à la transition
secondaire-supérieur en France, nous avons distribué durant l’année scolaire 2015-2016 le
questionnaire à différents niveaux et filières, en particulier :
- au lycée : 3 classes de Première (grade 11) filière scientifique et 4 classes de Terminale
(grade 12) filière scientifique, incluant une classe avec option ISN ;
- en CPGE : 2 classes de première année, filières PCSI (physique-chimie-sciences de
l'ingénieur) et PTSI (physique-technologie-sciences de l'ingénieur) ;
- à l’université de Montpellier : 2 groupes de Licence première année (Licence
Mathématiques et Informatique respectivement) et 1 groupe de Licence deuxième année
(Licence Informatique).
Dans la suite, nous appellerons « groupe » chaque classe de lycée et chaque groupe de
Licence observé. Au total, le questionnaire a été distribué à plus de 300 élèves et étudiants en
France. Les passations ont eu lieu en fin de premier semestre et début de second semestre. Les
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élèves/étudiants interrogés avaient donc déjà passé plusieurs mois dans la classe (et
l'institution) au titre de laquelle on les questionne.
Pour l’étude des réponses aux questions ouvertes, nous avons élaboré une grille d’analyse
reposant sur les 5 aspects d’algorithme présentés dans la section précédente. La Figure 1
donne un exemple de la grille servant à identifier les aspects évoqués dans les réponses des
élèves et des étudiants. En colonne, nous pouvons trouver les aspects de l’algorithme avec les
points principaux qui caractérisent ces aspects (voir Modeste (2012)). Une ligne correspond
aux réponses d'un élève/étudiant. Le chiffre 1 représente le fait que l'aspect est évoqué dans la
réponse de manière explicite ou implicite (dans la description ou dans les exemples donnés
par les élèves/étudiants).
Figure 1 – Exemple d'utilisation de la grille d’analyse.
Cela nous a permis ensuite d’identifier quels aspects de l'algorithme sont dominants dans
les conceptions des élèves/étudiants à différents niveaux ainsi que les proportions
d’élèves/étudiants évoquant tels ou tels aspects (ou combinaison d’aspects) dans chaque
groupe et les variations de ces proportions aux différents niveaux étudiés.
Pour l’analyse des réponses aux questions à choix multiples, nous avons eu une première
approche quantitative, en relevant les statistiques des items choisis pour chacune des
questions dans les différents groupes étudiés. Cela nous a permis d'identifier les questions sur
lesquelles il apparaissait le plus d'écart entre les réponses majoritaires des groupes, les
questions pour lesquelles nous notons des écarts dans certains groupes vis-à-vis de la
conception du point de vue du savoir savant et qui ont mis certains groupes en difficulté
(majorité de « je ne me prononce pas » par exemple, ou grande diversité des réponses dans un
même groupe).
Dans chacun de ces cas, nous nous sommes interrogés sur les raisons de ces réponses chez
les élèves/étudiants de chaque groupe ainsi que l’évolution des réponses en fonction du
niveau d’enseignement (passage lycée-supérieur ou au cours d'une filière par exemple). Pour
étayer nos interprétations, les commentaires proposés par certains élèves/étudiants concernés
ont été un apport important.
IV. RÉSULTATS
Nous présentons ici quelques résultats obtenus, que nous détaillerons lors de la
présentation des recherches au groupe. Pour des raisons de place, nous ne pouvons présenter
les résultats de toutes les institutions concernées, ni de tous les points du questionnaire. En
particulier, nous n'aborderons pas ici les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.
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1. Niveau secondaire (fin du lycée)
Dans les définitions de la notion d’algorithme, données en classes de Première S et
Terminale S, l’aspect effectivité est dominant. Les élèves évoquent « une suite d'instructions
s'effectuant rigoureusement dans l'ordre » ; « une série d'étapes à exécuter », « une chaîne de
calculs programmés », « une succession de consignes données à un ordinateur », « des lignes
écrites en un langage compréhensible par tous », etc. Beaucoup d’élèves (52% à 80% dans les
groupes de Première S et 64% à 86% dans les groupes de Terminale S) utilisent la notion de
programme pour définir la notion d’algorithme. Par exemple : « un algorithme est un
programme qui résout ce qu'on lui demande étape par étape, toujours de la même manière ».
L’algorithme figure souvent dans les réponses comme outil d’automatisation des calculs à
l’aide d’une machine (la calculatrice ou l’ordinateur). En classes de Terminale S, nous avons
aussi trouvé un certain nombre de définitions qui se réfèrent au langage d’écriture d’un
programme en utilisant les concepts de la programmation tels que la notion de variable, les
entrées-sorties, les conditions, les boucles, les fonctions, etc. Cette situation est davantage
présente dans les réponses des élèves ayant choisi l’option ISN.
Exemple : Un algorithme est une méthode de calcul composée d'une initialisation, où les variables sont
déclarées, d'un traitement qui permet d'effectuer les calculs et d'une sortie qui affiche la variable souhaitée.
La plupart des élèves en Première S et en Terminale S qui ont répondu que les algorithmes
sont utilisés pour la résolution de problèmes, donnent des exemples de problèmes
mathématiques : algorithme d'Euclide ; évaluation de la distance parcourue selon la vitesse et
le temps ; vérification si un triangle est rectangle ou non, en donnant les longueurs de chaque
côté, etc. (en Première S) ; évaluation du discriminant, des racines d’un polynôme, les
évaluations successives des éléments d’une suite, etc. (en Terminale S).
Comme en classes de Première S, les élèves de Terminale S n’évoquent pas explicitement
la notion de complexité. Cependant, dans le contexte des critères de comparaison des
algorithmes, ils parlent plus souvent (Terminale S : 14% à 27%, contre Premier S : 9% à 12%)
de temps d’exécution, d’efficacité d'un algorithme sans donner d’explications
supplémentaires. Il n’est pas évident d’identifier ce dont ils parlent réellement : de nombre
d’exécutions à faire pour avoir le résultat (rapidité), de temps passé avant l’affichage du
résultat sur l’écran, du nombre d’opérations élémentaires dans un algorithme en fonction de la
taille des données ou d’autre chose. Pour valider les algorithmes, ils ne proposent, dans la
majorité des cas, de ne le faire qu’au travers de tests de programmes.
Pour résumer, la conception de l’algorithme des élèves de lycée ne se limite qu’aux aspects
effectivité et problème qui caractérisent le concept d’algorithme comme outil. Nous notons
quelques apparitions de l’aspect complexité sans que la notion correspondante ne soit
explicitement mentionnée (on pourrait supposer que la notion est en embryon).
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Figure 2 - Proportions des aspects d’algorithme présents dans les réponses des élèves de lycée (chaque couleur
correspond à un ensemble d'aspects présents simultanément)
2. Niveau supérieur (premières années du niveau universitaire)
Dans la définition de la notion d’algorithme en filières mathématiques et informatique de
Licence 1, les aspects effectivité et problème sont aussi dominants.
Pour décrire la notion d’algorithme, les étudiants d'informatique évoquent le concept de
programme (53%) plus souvent par rapport aux étudiants de mathématiques qui parlent
principalement de la succession d’étapes ou d'instructions (54%).
La moitié des étudiants de chaque spécialité pense que les algorithmes sont utilisés pour
faire des calculs et mettent en avant la dimension outil d’un algorithme.
L1-Info-13. Un algorithme est une méthode de calcul générale pour un problème donné. L’avantage de
l’algorithme c’est que l’on refait exactement les mêmes calculs, dans le même ordre, on change juste les
paramètres en fonction du problème. Ex. : trouver la moyenne de plusieurs nombres, calculer le montant
final dans un magasin après une réduction.
L1-Maths-15. Un algorithme est un outil pour faire des opérations répétitives rapidement. Ex. : résoudre
des équations.
Comme nous pouvons le voir, les exemples d'algorithmes donnés par les étudiants des
deux spécialités sont principalement issus des mathématiques. Cependant, l’aspect problème
est plus présent dans la spécialité informatique que mathématiques (88% contre 71%
respectivement).
Par rapport au lycée, très peu d’étudiants évoquent dans les réponses seulement les aspects
effectivité ou/et problème : 6% en informatique, 21% en mathématiques de Licence 1. Le reste
des étudiants aborde aussi la vitesse, le temps de l’exécution, le nombre d’étapes, l’efficacité
de l’algorithme, ce qui relève de l’aspect complexité. La notion de complexité n’apparaît
explicitement qu’en Licence 2 (informatique) (dans 88% de réponses). Nous avons même
trouvé quelques définitions d’algorithme en Licence 2 où cet aspect est évoqué. En
particulier :
L2-Info-11. Algorithme – c’est une suite d’instructions à réaliser afin de résoudre un problème, d’obtenir
des résultats d’opérations parfois complexes. Cela demande de la réflexion si on veut que l’algorithme
soit optimisé, c’est à dire rapide et efficace. Par exemple, pour trier une liste dans l’ordre croissant.
L2-Info-16. Algorithme c’est comment organiser notre programme de telle manière qu’il est capable de
faire/trouver un élément efficace. Par exemple, l’algorithme dichotomique, parce que je crois que lui nous
présente comment économiser de temps de recherche (sic).
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Par rapport aux Licence 1, les étudiants de Licence 2 (informatique
3
) parlent beaucoup
moins des calculs dans les définitions proposées d’algorithme, mettant l’accent sur le langage
d’écriture d’algorithme (« universel », « usuel », « courant ») et la résolution des problèmes.
Contrairement aux étudiants de Licence 1 qui proposent de tester le programme pour
vérifier que l’algorithme est correct, les étudiants de Licence 2 évoquent la notion d’invariant
et parlent de la preuve de la terminaison d’un algorithme. De ce fait, nous notons une
apparition de l’aspect preuve (64% de réponses) en Licence 2 (informatique). Ce qui est aussi
remarquable à ce niveau c’est que la moitié des étudiants évoquent les 4 aspects : effectivité,
problème, complexité et preuve. Cela nous permet de dire qu’il y a un glissement progressif
en L1 puis L2 vers une conception de l'algorithme non seulement comme outil mais aussi
comme objet
4
.
Figure 3 - Proportions des aspects d’algorithme évoqués dans les réponses des élèves d'université (chaque
couleur correspond à un ensemble d'aspects présents simultanément)
V. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Nous avons montré, sur la base d'une partie des résultats de nos questionnaires, l'évolution
des conceptions des étudiants et élèves concernant l’algorithmique à la transition lycée-
université. Cela confirme l'approche essentiellement basée sur l'algorithme en tant qu'outil au
secondaire et la construction de la dimension objet du concept dans les premières années
d'université.
L'analyse des réponses des étudiants, non pas en tant que représentant de leur niveau
scolaire/universitaire mais selon leurs filières et options d'origine semble aussi révéler des
conceptions variables. En particulier, nous pensons qu'il est raisonnable de faire l’hypothèse
d'un rapport différent au concept algorithme dans les cours de mathématiques, d'informatique
et de sciences de l'ingénieur.
L'étude des conceptions des élèves/étudiants à la transition secondaire-supérieur permet
aussi de confronter les curriculums et enseignements avec les conceptions effectivement
3
Des contraintes ne nous ont pas permis d'interroger des étudiants de L2 mathématiques pour être complet. Il est
prévu de remédier prochainement à cela.
4
Cela semble cohérent avec les contenus des enseignements d'algorithmique et programmation proposés en début
d'université. Nos questionnaires montrent que cela est absent à l'entrée à l'université et parvient à se structurer au
cours des deux premières années.
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construites. La poursuite de notre étude devrait permettre de questionner la préparation à
l'enseignement supérieur dans le secondaire et la prise en compte de l'état des connaissances
des étudiants à l'entrée de l'université. Nous souhaitons aussi approfondir la compréhension
des réponses d'élèves et d'étudiants éloignées de notre modèle épistémologique pour
comprendre les obstacles qui peuvent apparaître à la transition secondaire-supérieur en
algorithmique.
REFERENCES
Chevallard Y. (1985) La transposition didactique – du savoir savant au savoir enseigné.
Grenoble: La Pensée Sauvage.
Modeste S. (2012a) Enseigner l’algorithme pour quoi ? Quelles nouvelles questions pour les
mathématiques ? Quels apports pour l’apprentissage de la preuve ? (Manuscrit de thèse).
Université de Grenoble. Consulté à l’adresse https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00783294/
Modeste S. (2012b) La pensée algorithmique : Apports d’un point de vue extérieur aux
mathématiques. Actes du Colloque EMF.
Modeste S., Ouvrier-Buffet C., & Gravier S. (2010) Algorithmique et apprentissage de la
preuve. Repères IREM, 79, 51-72.
Modeste S. Rafalska M. (2016) Algorithmics In Secondary School: A Comparative Study
Between Ukraine And France, Proceedings of CERME 10, Dublin.
Vergnaud G. (1990) La théorie des champs conceptuels. Recherches en Didactique des
Mathématiques, 10(2-3), 133-170.