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Politique environnementale et territoire :
le démantèlement des ouvrages
hydrauliques en France à l’épreuve du
modèle nord-américain
Environmental policy and territory: testing
the dismantling of hydraulic structures in France
against the north-American model
Ludovic Drapier
Doctorant, Laboratoire de géographie physique UMR 8591 CNRS –Université Paris-Est Créteil.
Marie-Anne Germaine
Maître de conférences, Laboratoire LAVUE UMR 7218 CNRS –Université Paris Nanterre.
Laurent Lespez
Professeur, Laboratoire de géographie physique UMR 8591 CNRS –Université Paris-Est Créteil.
Résumé
Cet article met en perspective les opérations de démantèlement d’ouvrages hydrau-
liques réalisées sur les cours d’eau de l’ouest de la France avec des opérations
ayant été conduites sur la côte nord-est des États-Unis en s’intéressant à la façon
dont le cadre réglementaire régit les liens entre politique environnementale et
territoire. Si une forte conflictualité est observée autour de ces projets de part et
d’autre de l’Atlantique, il ne s’agit pas ici d’examiner la teneur de ces conflits mais
d’apporter un éclairage à travers l’analyse comparée des politiques publiques
et des acteurs qui promeuvent le démantèlement d’ouvrages hydrauliques afin
de voir en quoi le contexte de portage des opérations influe sur leur intégra-
tion locale. La réalisation d’entretiens semi-directifs auprès des parties prenantes
(acteurs institutionnels ou associatifs) a d’abord permis de mettre en évidence
que la notion de continuité écologique est au cœur de ces projets, qu’elle soit
clairement mise en avant ou non. D’autre part, la recherche souligne le rôle clef
des acteurs en charge des poissons, notamment migrateurs, et des acteurs en
charge de leur gestion dans l’aboutissement des projets. Enfin, il apparaît une
opposition claire entre la France et les États-Unis en ce qui concerne les relations
entre la politique environnementale et le territoire qui l’accueille : de nombreuses
opérations outre-Atlantique impliquent des associations permettant la création de
liens plus forts et inscrits dans le temps entre le projet d’arasement et son espace
support alors qu’en France, l’approche descendante imposée par la législation
impose un calendrier et une approche principalement réglementaire et limite
le plus souvent les possibilités de faire de ces opérations de véritables outils de
développement du territoire.
Abstract
This paper puts into perspective the dam removals occurring on rivers in the
western region of France with those being implemented on the east coast of the
United States. Here, the focus is on how the regulatory framework can influence
the emergence of bonds between an environmental policy and community
development projects. Acknowledging that conflicts arise around this kind of
Ann. Géo., n°722, 2018, pages 339-368, Armand Colin
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project on both sides of the Atlantic Ocean, the aim is not to analyse what those
conflicts are about but rather to understand how project management influences
local integration of the project. This involved a compared analysis of public
policies and stakeholders advocating for dam removal. Thanks to semi-structured
interviews with stakeholders in France and in the USA, the authors argue here
that the concept of ecological continuity is at the core of the projects, whether
it is clearly put forward or not. The second element stressed here is the major
role of fish, especially migratory species, and of the stakeholders in charge
of their management during the removal of dams. Finally, a clear opposition
appears between France and the USA when it comes to the environmental policy
and its link to the territory that it is embedded in : numerous projects in the
USA involve non-profit associations allowing the creation of stronger links on
a longer timeframe between the removal of the dam and the construction of a
project for the territory,whereas in France, the regulation imposes a schedule
and a standardized approach limits more often than not the possibility to use the
projects as development tools for the territory.
Mots-clés
France, États-Unis, rivières, barrages, démantèlement, restauration, territoire,
politique environnementale
Keywords
France, United States, rivers, dams, removal, restoration, territory, environmental
policy
1 Introduction
Le démantèlement d’obstacles en travers des cours d’eau est une des opérations
les plus emblématiques de la restauration écologique des rivières que cela soit
en France (Germaine et Barraud, 2013b) ou à l’étranger (Garcia de Leaniz,
2008 ; Lejon et al., 2009; Lespez et Germaine, 2016) et particulièrement aux
États-Unis (Warner et Pejchar, 2001; Hart et al., 2002 ; Doyle et al., 2003 ;
Magilligan et al., 2016). En France comme aux États-Unis, la restauration de
la continuité écologique (RCE) consiste à rétablir le transport sédimentaire et
restaurer les habitats aquatiques, notamment pour les poissons migrateurs qui
sont particulièrement impactés par les ruptures de la continuité dans leurs cycles
de vie (Kemp et O’Hanley, 2010 ; Brown et al., 2013). Elle vise également
à améliorer la qualité de l’eau en diminuant sa température et en diversifiant
les écoulements. Faisant le constat que ces projets sont conflictuels dans l’ouest
de la France (Germaine et Barraud, 2013b) comme au nord-est des États-Unis
(Fox et al., 2016 ; Magilligan et al., 2017), nous proposons ici d’analyser, en
amont, le rôle des politiques publiques dans la mise en œuvre de telles actions
afin d’examiner leur incidence potentielle dans l’expression de la conflictualité.
La mise en perspective proposée ici se base sur le constat que ces opérations
sont envisagées partout comme un outil majeur d’amélioration de la qualité
environnementale des cours d’eau, qu’elles sont développées sur des hydrosys-
tèmes comparables et concernent des ouvrages de même type alors que les outils
Articles Politique environnementale et territoire •341
réglementaires et les modalités de construction des projets sont de nature dif-
férente. Dans les deux pays, le projet politique de restaurer la continuité des
cours d’eau se confronte aux intérêts des propriétaires privés, des usagers et des
riverains des plans d’eau. En effet, nos premiers travaux mettent en évidence
qu’outre-Atlantique les ouvrages hydrauliques sont démantelés sous la pression
des associations, de certaines agences fédérales et, selon les États, des agences
de ces derniers, alors qu’en France, la directive cadre sur l’eau (DCE) joue un
rôle fondamental (Drapier et al., 2017) en fixant l’obligation d’atteindre le bon
état écologique des masses d’eau. Cela constitue le levier majeur des projets
de RCE conduits par les services de l’État avec l’appui des agences de l’eau.
Face à ce constat, nous émettons l’hypothèse que le contexte institutionnel et
réglementaire pèse sur la conduite du projet de démantèlement des ouvrages et
qu’il détermine la relation entre les promoteurs du projet, les propriétaires et le
territoire qui le supporte. Le territoire, espace délimité, approprié par un individu
ou une communauté, fait ici référence à plusieurs échelles. Il s’agit d’abord de
voir comment les promoteurs envisagent (ou pas) au-delà de l’ouvrage supprimé
le site dans lequel il s’insère (Lespez et Germaine, 2016). Il s’agit ensuite, et
surtout, de déterminer si des associations locales (watershed associations), des
collectifs représentant les habitants et/ou les usagers du cours d’eau, des collec-
tivités en charge de la définition des projets de développement local ou de la
gestion de l’eau (syndicats de bassin ou de rivière) sont impliqués ou consultés
dans l’élaboration de ces projets. L’enjeu est donc de comprendre si le mode de
mise en œuvre de cette politique détermine une relation différente entre le projet
écologique, les habitants et l’espace qu’il transforme. Ce type d’analyse, souvent
pratiquée en Amérique du Nord parce que les dimensions environnementales des
revendications des populations indigènes ont favorisé l’émergence de la dimension
territoriale du projet écologique (Tully, 2000 ; Gosnell et Kelly, 2010 ; Fox et
al., 2017), a été jusqu’à aujourd’hui insuffisamment mené en France comme
le soulignent certains travaux (Barraud, 2007 ; Germaine et Lespez, 2014). À
la suite de Lespez et Germaine (2016) qui interrogent la dimension spatiale
des projets de restauration, nous proposons ici de poursuivre cette démarche en
détaillant les modalités de portage permettant au projet environnemental d’être
intégré au sein d’un projet de territoire partagé par les acteurs locaux (Lardon et
Piveteau, 2005).
Traiter cet enjeu nécessite de préciser la notion de continuité écologique telle
qu’elle est définie dans les deux espaces étudiés, de présenter le schéma institu-
tionnel des projets d’effacement d’ouvrages, et de définir sa mise en pratique
par les acteurs. À cette fin, nous apportons dans un premier temps, des éléments
pour une meilleure connaissance des systèmes institutionnels et réglementaires
à l’œuvre dans les deux pays, en portant une attention particulière au rôle des
acteurs en charge de la gestion des poissons migrateurs, considérés comme déter-
minants dans la structuration des politiques de RCE. Cette première partie visera
également à expliciter comment la RCE constitue une politique environnementale
dans les deux pays malgré des contextes réglementaires différents. Enfin, nous
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questionnerons le rôle des opportunités offertes par les contextes législatif et
réglementaire propres à chaque pays en confrontant le système d’acteurs à l’œuvre
et le projet territorial qu’il génère.
2 Comparer les cours d’eau de Normandie et du nord-est
des États-Unis
2.1 Contextes géographique et historique
Le choix de la mise en regard des opérations se déroulant sur les rivières côtières
de Normandie (Calvados, Manche, Orne) (figure 1a) avec celles développées
le long des rivières de piémont et des plaines côtières des États de la Nouvelle-
Angleterre, de la Pennsylvanie et du New Jersey aux États-Unis (figure 1b) relève
de plusieurs critères. Tout d’abord, les systèmes biophysiques étudiés bien que
présentant une forte diversité offrent des points communs. Situées de part et
d’autre de l’océan Atlantique, ces rivières accueillent des espèces de poissons
diadromes : le saumon atlantique (salmo salar), différentes espèces d’anguilles
(anguilla), de lamproies (petromyzon) ou d’aloses (alosa). Elles sont également
hôtes de différentes espèces de truites (salmo trutta fario) et ombles (salvelinus
fontinalis). Certaines d’entre elles sont particulièrement visées dans le cadre des
opérations de restauration de la continuité pour protéger voire restaurer des
populations pérennes.
De plus, il s’agit principalement des cours d’eau de petite ou de moyenne
dimension, d’ordre inférieur ou égal à 6 dans la classification de Strahler, qui
constituent l’essentiel du chevelu hydrographique dans ces deux espaces. Ces
cours d’eau d’énergie faible à modérée sont peu mobiles latéralement, possède
une charge de fond graveleuse à sablo-graveleuse et des régimes hydrologiques
principalement pluviaux caractéristiques des régions tempérées à influence océa-
nique (Lespez et al., 2015). Les cours d’eau américains se distinguent cependant
par un régime pluvio-nival et par un contexte géographique d’ensemble plus
forestier (Magilligan et Graber, 1996).
Enfin, les formes et le fonctionnement de ces rivières sont fortement marqués
par une anthropisation ancienne qui a eu des conséquences similaires même si ses
temporalités sont différentes. En Normandie, les rivières sont marquées depuis
plusieurs milliers d’années par l’empreinte des sociétés humaines. L’évolution des
pratiques agricoles et les changements de modes d’occupation du sol ont modifié
la dynamique hydrosédimentaire des cours d’eau depuis plusieurs millénaires,
ce qui a eu des répercussions sur le tracé des cours d’eau (Lespez et al., 2005,
2015). Ainsi l’atterrissement par les limons de débordement des fonds de vallées
et le développement de cours d’eau à chenal unique apparaît comme le produit
d’une longue anthropisation qui nous a légué des plaines alluviales limoneuses
occupées par des prairies permanentes au sein desquelles s’écoule un chenal
unique sinueux à méandriforme. À partir du Moyen Âge s’ajoute un équipement
hydraulique construit afin de répondre aux besoins économiques des sociétés
Articles Politique environnementale et territoire •343
(production d’énergie, alimentation en eau potable, abreuvement du bétail,
navigation) favorisé par le système seigneurial et sa dimension fiscale qui prévaut
jusqu’à la Révolution française (Bloch, 1935). Cet équipement généralisé a pris
des formes différentes : moulins, digues, aménagements de berges, biefs... qui
sont encore souvent visibles. Une partie de ces moulins à grains a été transformée
à partir du XIX
e
siècle en ouvrages industriels comme le long des vallées de l’Orne,
de la Vère, du Thouet ou de la Saire (Barraud, 2007 ; Germaine et al., 2012 ;
Lespez et al., 2016). Ainsi, plus de 2 500 obstacles à l’écoulement sont répertoriés
sur les rivières dans le Calvados, la Manche et l’Orne (ONEMA, 2013). Cet
équipement achève de transformer les cours d’eau ordinaires de l’ouest de la
France en rivières aménagées. De la même manière, les rivières de la côte Est des
États-Unis ont été parmi les premières à être transformées par les colons européens
(Whitney, 1996 ; Walter et Merritts, 2008). Les transformations agricoles des
bassins versants, par ailleurs plus rapides qu’en Europe, et la construction de
moulins ont abouti également au remblaiement de la plaine alluviale au sein
de laquelle s’écoule un chenal unique ainsi qu’à la maîtrise des écoulements
(Walter et Merritts, 2008). Celle-ci s’est accentuée sur nombre de vallées de
Nouvelle-Angleterre et des États voisins par le développement précoce d’une
industrie utilisant la force hydraulique (Fox et al., 2016 ; Magilligan et al., 2017).
Aujourd’hui, cet héritage se traduit par la présence de plus de 14 000 ouvrages
hydrauliques en Nouvelle-Angleterre (Magilligan et al., 2016). Malgré quelques
opérations emblématiques affectant de grands ouvrages comme sur la Kennebec
river et la Penobscot River aux États-Unis (Day, 2006; Crane, 2009; Opperman
et al., 2011) et la Sélune en France (Germaine et Lespez, 2014, 2017, Le Lay et
Germaine, 2017), la majorité des ouvrages effacés dans les deux pays est de petite
taille
1
(< 5 m) (Germaine et Barraud, 2013a ; Magilligan et al., 2016). Face
à cette histoire parallèle, ces rivières aménagées ont fait l’objet d’un processus
de patrimonialisation fondé sur un attachement local (Barraud, 2007 ; Fox et
al., 2016). Celui-ci s’explique avant tout par les attributs paysagers forts de
la rivière aménagée (le moulin, le plan d’eau, la chute d’eau, etc.) et par un
attachement motivé par plusieurs objectifs comme l’agrément ou l’usage du plan
d’eau (Germaine et Barraud, 2013a; Sebastien, 2016). Il est commun de trouver
des habitations formant un petit village ou hameau autour d’un ancien moulin ou
établissement industriel. Dès lors, les barrages peuvent constituer un marqueur
identitaire pour les habitants (Fox et al., 2016) et le symbole d’un savoir-faire
et d’une culture locale (Germaine et Barraud, 2013b). Cet attachement peut
être renforcé car les rivières et les ouvrages étudiés se situent dans des régions
rurales situées aux marges de foyers urbains et donc soumises à un mouvement
de rurbanisation valorisant le patrimoine vernaculaire dont font partie les anciens
1
Parmi les ouvrages hydrauliques de nos terrains d’étude, il faut distinguer les seuils ou chaussées
(run-on-the river dam ou low-head dam), qui sont des ouvrages barrant uniquement le lit mineur du
cours d’eau, des barrages (dam), qui sont des ouvrages barrant plus que le lit mineur du cours d’eau.
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moulins à eau et certaines usines (Kent et Elliott, 1995 ; Ryan, 2002, 2006 ;
Barraud, 2009 ; Germaine et al., 2012).
Fig. 1a Localisation des bassins versants étudiés en France.
Location of the watersheds studied in France
2.2 Méthodes d’enquête
La recherche est principalement issue de l’étude de la réglementation et de
l’organisation institutionnelle qui président à la mise en place des projets de
restauration des deux côtés de l’Atlantique. Elle résulte de l’analyse de la
littérature grise entourant des projets de restauration, achevés ou en cours, ainsi
que de la visite des sites. Afin d’examiner les intentions des acteurs des projets
d’arasement d’ouvrages et de décrypter la place de chacun d’eux et les discours
qu’ils tiennent, nous avons également conduit 40 entretiens semi-directifs auprès
d’un panel d’acteurs préalablement identifiés comme étant des promoteurs ou des
financeurs d’opérations de RCE (figure 2). Ce matériel a permis de reconstituer
la chronologie des opérations, d’identifier le rôle et les interactions entre les
différents intervenants au fil de leur mise en œuvre mais également d’étudier
la légitimité sur laquelle les acteurs s’appuient pour intervenir. Une attention
particulière a été accordée aux poissons diadromes. Ceux-ci sont envisagés comme
Articles Politique environnementale et territoire •345
Fig. 1b Localisation des bassins versants étudiés aux États-Unis.
Location of the watersheds studied in the USA
des agents non-humains qui jouent un rôle prépondérant dans la prise de décision
car les résultats attendus d’opérations de restauration leur bénéficient (Goedeke et
Rikoon, 2008) et qu’ils sont par conséquent partie prenante des réseaux à l’œuvre
dans les opérations de RCE (Gottschalk-Druschke et al., 2017 ; Germaine et
Lespez, 2017).
3 La continuité écologique, un projet politique commun
sur les deux rives de l’Atlantique ?
La continuité écologique des cours d’eau
2
est définie par la « capacité des
organismes aquatiques et des sédiments à effectuer leurs déplacements selon 3
axes : longitudinal ; horizontal ; vertical » (Chaussis et Suaudau, 2012, p. 5).
La continuité la plus recherchée pour les poissons migrateurs est la continuité
longitudinale. L’indice le plus utilisé pour évaluer les ruptures de cette continuité
sur un cours d’eau est le taux d’étagement. Il consiste à calculer le rapport entre
2
La définition donnée ici ne s’applique qu’aux cours d’eau, soit à la trame bleue. La continuité écologique
renvoie également à la notion de trame verte, et donc aux milieux terrestres, les deux ayant été mis en
place à la suite du Grenelle de l’environnement.
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Fig. 2 Typologie des acteurs rencontrés.
Categories of interviewees.
la somme des hauteurs des barrages et des seuils présents sur le tracé, et envisagés
comme autant d’obstacles à la continuité, et le dénivelé « naturel » du cours
d’eau ou du tronçon (Barraud, 2011 ; Chaussis et Suaudau, 2012).
3.1 Un mouvement américain d’envergure nationale
3.1.1 Aux origines du mouvement
Aux États-Unis, le mouvement de démantèlement d’ouvrages puise sa source
dans les revendications environnementales exposées lors des luttes contre la
construction des grands barrages, devenus le symbole des atteintes portées à
l’environnement (Palmer, 2004 ; Barraud, 2011). Le passage de la lutte contre
leur construction à la promotion de leur effacement s’est progressivement effectué
dans les années 1990.
Les barrages privés produisant de l’énergie sont soumis à la réglementation
de la Federal Energy Regulatory Commission (FERC). Cette agence fédérale
accorde les licences d’exploitation dont la durée va de 30 à 50 ans et gère leur
renouvellement. En revanche, la gestion des barrages sans fonction de production
relève de la législation de chacun des États et présente donc une grande hétéro-
généité. En 1986, le Electrics Consumer Protection Act a modifié les éléments à
prendre en compte dans le cadre d’un renouvellement de licence d’exploitation.
Ce texte précise que la FERC doit accorder une considération égale aux aspects
énergétiques, récréatifs, à la protection de la faune et à la qualité de l’environ-
nement (Richardson, 2000; Pohl, 2002). Le démantèlement du Edwards dam
Articles Politique environnementale et territoire •347
sur la Kennebec River à Augusta (Maine), en 1999, illustre cette nouvelle donne
(Lenhart, 2003) et marque le véritable début du mouvement de démantèlement
américain (Richardson, 2000). Ce barrage, d’une hauteur de 6 mètres, bénéficiait
d’une autorisation d’exploitation jusqu’en 1994. Le propriétaire de l’ouvrage,
l’Edwards Manufacturing Company, souhaitait renouveler son autorisation auprès
de la FERC. Toutefois, la Kennebec Coalition, un rassemblement d’institutions
publiques, d’associations de protection de l’environnement et de pêche, a fait
part de son souhait d’effacer l’ouvrage dès la fin des années 1980 en vue de
restaurer les populations de saumons atlantiques, d’aloses d’Amérique ou encore
de gaspareaux historiquement présentes dans le fleuve (Lenhart, 2003). Au terme
de plusieurs années de conflit, la FERC a pour la première fois refusé le renou-
vellement de la licence d’exploitation et demandé le démantèlement de l’ouvrage
afin de permettre le retour des poissons migrateurs (Crane, 2009).
3.1.2 Des dispositifs hétérogènes selon les États
L’effacement d’ouvrages aux États-Unis est le fruit de facteurs sociaux, éco-
nomiques ou même philosophiques (Grant, 2011 ; Barraud, 2011), mais ne
comporte pas de base juridique claire. Il n’existe en effet aucun texte fédé-
ral invoquant le concept de continuité écologique et encore moins de texte
promouvant le démantèlement d’ouvrages. Les institutions fédérales s’appuient
indirectement sur certaines lois pour légitimer leurs actions. On peut citer le
Clean Water Act, voté en 1972, qui vise à rendre les eaux américaines praticables
à la pêche et à la baignade –fishable and swimmable–(Hines, 2012). Le Fish
and Wildlife Coordination Act (1934) autorise des actions de protection de la
faune et de restauration des habitats. Le Magnus-Stevenson Act (1976) est dédié
à la protection des ressources aquatiques fédérales et le Endangered Species Act
(1973) permet la mise en place d’actions de protection et de restauration pour
des espèces menacées. L’ensemble de ces lois fédérales donne des outils aux
agences fédérales pour mener leurs actions de restauration de la continuité mais
ne met jamais en avant ce concept. De la même manière, peu d’États mobilisent
directement la continuité écologique dans leur législation et une petite minorité
sont dotés de programmes de financement. Des différences importantes entre
les États apparaissent dans l’accompagnement des opérations de démantèlement,
certains ayant intégré cette problématique, soit dans les lois de protection des
zones humides (Massachusetts), soit dans la législation relative à la gestion des
barrages (New Jersey).
Souvent, la question de l’arasement des ouvrages hydrauliques est en pratique
reliée à la sécurité des ouvrages. Il faut dire que l’histoire américaine est ponctuée
de catastrophes majeures issues de la rupture de barrages, comme celui de
Johnstown en 1889 en Pennsylvanie (Graham, 2009), qui ont profondément
marqué certains États comme la Pennsylvanie ou le New Jersey. Des accidents
mortels affectant des pratiquants du canoë-kayak lors du franchissement des
ouvrages ponctuent également l’actualité estivale des États étudiés (Tschantz et
Wright, 2011 ; Tschantz, 2014 ; Kern et al., 2015). Ainsi, la plupart des États
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disposent d’une législation précise quant à la surveillance des barrages de toute
dimension. Cette législation porte notamment sur une évaluation de la structure
des ouvrages par les services de Dam Safety.Au contraire, certains États, comme
le Rhode Island, ne se sont pas encore dotés des outils administratifs nécessaires
pour encadrer ces opérations. Concrètement, ces différences se traduisent dans
la procédure à suivre pour obtenir les autorisations permettant d’entreprendre
la réalisation de travaux en rivière. Les États avec une culture de l’effacement
plus ancienne comme la Pennsylvanie ou le Massachusetts facilitent la tâche du
gestionnaire de projet en internalisant au maximum la procédure et en proposant
un interlocuteur unique, ou en mettant en place une procédure allégée.
3.1.3 Le démantèlement d’ouvrages aux États-Unis : une opération écologique avant
tout ?
Plusieurs éléments ont été soulignés pour expliquer le nombre important d’ef-
facements de barrages aux États-Unis : le vieillissement du parc des ouvrages
hydrauliques et le nécessaire renouvellement des concessions hydroélectriques
(Grant, 2001; Doyle et al., 2003, 2008), la repentance symbolique exprimée
au travers de ces opérations (Grant, 2001). Ces éléments ont permis d’amener
la question du démantèlement à la table des discussions (Grant, 2001 ; Pohl,
2002; Doyle et al., 2003, 2008). On peut aujourd’hui distinguer trois types de
situations (figure 3) :
–
des opérations émergent d’opportunités liées à la nécessaire mise en sécurité
d’un ouvrage ou l’expiration d’une autorisation d’exploitation hydroélectrique
mais sont financées au titre d’enjeux écologiques ;
–
des opérations visant des enjeux écologiques sont montées et financées au
nom du rétablissement de la continuité et sont portées par des acteurs s’inscrivant
pleinement dans cette volonté ;
–
des opérations sans enjeu écologique identifié sont menées au titre d’argu-
ments liés à la sécurité ou à la rentabilité économique.
Dans la première situation, les législations des États permettent parfois à des
acteurs souhaitant mettre en œuvre une politique de restauration de la continuité
de tirer profit d’opportunités. Le plus souvent, cette opportunité est créée grâce
aux programmes de Dam Safety, qui ont dans certains États l’autorité pour
demander la réparation ou l’effacement d’un ouvrage afin d’assurer la sécurité
publique. L’exemple de l’effacement du Bartlett Co. Dam en 2012 présenté
par Magilligan et al. (2017) illustre cette situation. Construit au début du XIX
e
siècle sur la Amethyst Brook dans le Massachusetts pour faire fonctionner un
moulin puis une entreprise de cannes à pêche, l’ouvrage n’avait plus de fonction
de production depuis le milieu du XX
e
siècle. En 2007, le bureau de sécurité
des barrages de l’État –MA Office of Dam Safety –a obligé le propriétaire à
réparer son ouvrage ou à le supprimer. Grâce à la formation d’un partenariat
composé en majorité d’institutions favorables à l’effacement d’ouvrages pour des
raisons écologiques (National Oceanic and Atmospheric Association –NOAA,
MA Division of Ecological Restoration, US Fish and Wildlife Service, American
Articles Politique environnementale et territoire •349
Rivers, FishAmerica Foundation), la solution de l’effacement s’est révélée moins
coûteuse et a été choisie par le propriétaire (Magilligan et al. 2017). La fin de
concession d’une unité de production hydroélectrique représente également une
opportunité d’engager des discussions sur un possible démantèlement (Pohl,
2002). Dans le nord-est des États-Unis, les exemples les plus emblématiques
sont l’Edwards dam en 1999 et les ouvrages de la Penobscot River entre 2012
et 2015 (voir Crane, 2009, Day, 2006, Opperman et al., 2011). S’appuyer sur
des opportunités créées par des facteurs extérieurs est répandu dans la mesure où
cela permet de donner un poids législatif fort aux actions de restauration et ainsi
légitimer ce type de projets.
L’effacement de trois barrages sur la Raritan entre 2011 et 2013 illustre le
deuxième cas. Ces trois ouvrages (Calco dam,Nevius Street dam et Robert
Street dam) sont situés sur le cours principal de la Raritan River, qui se jette
dans la baie du Raritan au sud de la ville de New York. Elle accueille plusieurs
populations de poissons migrateurs dont deux espèces d’aloses et des gaspareaux
et a fait l’objet d’un programme de restauration porté par la NOAA et le NJ
Department of Environmental Protection dans le cadre du projet Raritan River
Fish Passage Initiative,initié en 2002 et officiellement lancé en 2008. Dès les
premiers inventaires en 2004, l’objectif affiché était de restaurer la continuité pour
favoriser la migration des espèces diadromes du bassin. Cette initiative, portée
conjointement par American Rivers, a bénéficié d’un financement issu d’une
mesure de compensation écologique faisant suite à une pollution industrielle.
Suite à l’effacement, des mesures de suivi de recolonisation du bassin ont été
mises en place.
Le troisième cas, moins courant, illustre la difficulté à financer des projets
lorsqu’il n’y a pas d’enjeux écologiques forts. Le West Leechburg dam était un
barrage en terre sur la Penn Run River, haut de 18 m et construit dans les années
1950 pour alimenter en eau potable la ville de West Leechburg. Après avoir été
abandonnée dans les années 1990, une fuite a été détectée en 2002. La ville
de West Leechburg, propriétaire de l’ouvrage, a dès lors commencé à chercher,
sans succès, des financements pour effacer l’ouvrage. En 2008, le bureau de
la sécurité des ouvrages du PA Departement of Environmental Protection a
estimé que le barrage présentait un risque de rupture. La ville a pu financer
son projet à l’aide d’un programme de prévention des inondations –Emergency
Watershed Protection Program –de l’US Departement of Agriculture aboutissant
au démantèlement du barrage en 2010. Le cours d’eau présentait un faible enjeu
écologique et piscicole dans la mesure où il est enterré pour passer sous une usine
désaffectée. Cela explique en grande partie les difficultés rencontrées par la ville
pour trouver un financement.
Ces trois situations illustrent la prégnance des enjeux écologiques, en particu-
lier liés aux poissons migrateurs, dans la mise en œuvre des projets d’effacement
d’ouvrages aux États-Unis. La biodiversité, sans être un facteur ni nécessaire,
ni suffisant, joue un rôle majeur dans la réalisation des projets. Si la continuité
350 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
Fig. 3 Les trois processus d’effacement d’ouvrage aux États-Unis.
The three dam removal processes in the USA
écologique n’est pas toujours l’argument premier, il est rare que cet enjeu soit tota-
lement absent. Le rôle majeur des agences fédérales traduit une volonté politique
de retrouver des « rivières libres ». Cette volonté politique est le support d’une
politique environnementale, non pas par l’intermédiaire de la législation comme
en France, mais par les actions publiques que les agences mènent (financements
des projets, maîtrise d’ouvrage, expertise technique et scientifique).
3.2 En France, un rétablissement de la continuité écologique
institutionnalisé par la loi
En Europe, la DCE de 2000 impose aux États membres l’atteinte du bon état
écologique des masses d’eau. La directive ne précise pas en revanche les outils à
mettre en œuvre pour atteindre cet objectif, ce choix relevant de la compétence
des pays. C’est l’objet de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de
2006 en France qui place les actions de restauration au cœur de la gestion des
cours d’eau (Morandi, 2014) et la RCE comme condition d’atteinte du bon
état écologique (Germaine et Barraud, 2013b). Cela se traduit dans l’ouest de la
France par la multiplication des opérations d’effacement d’ouvrages (Germaine
et Barraud, 2013a ; Lespez et al., 2015 ; Le Calvez, 2016). De manière très
concrète, la LEMA organise le classement des cours d’eau français en deux listes
(article L. 214-17 du Code de l’environnement) : le classement en liste 1 prévoit
l’interdiction de la construction de nouveaux obstacles quand le classement en
liste 2 impose une gestion, un entretien ou un équipement des ouvrages afin
d’« assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons
migrateurs » dans le cours d’eau. Pour l’Agence de l’eau Seine Normandie,
l’arrêté préfectoral établissant ces listes a été signé en décembre 2012, laissant un
délai de 5 ans, soit l’échéance 2017, pour la mise en conformité des ouvrages. La
liste 1 représente 11 500 km de cours d’eau tandis que 9 000 km sont répertoriés
en liste 2, soit respectivement 20 % et 16 % du réseau hydrographique du Bassin
Articles Politique environnementale et territoire •351
Seine-Normandie
3
. D’autres textes renforcent la pression sur les ouvrages : le
règlement européen sur l’anguille de 2007 prévoit des mesures permettant le
franchissement des obstacles tandis que la loi Grenelle de 2010 met en avant le
concept de « trame verte et bleue » (Alphandéry et al., 2012). Ces deux textes
se traduisent par une liste d’ouvrages « Grenelle » ou « Anguilles » à effacer
ou équiper en priorité afin de reconnecter les réservoirs biologiques. Sur le
bassin Seine-Normandie, 304 ouvrages sont considérés comme prioritaires pour
le Grenelle et 409 pour le règlement Anguille, certains figurant dans les deux
classements. Enfin, la continuité écologique des cours d’eau a fait l’objet d’un
plan d’action national. Sur le terrain, les services de l’État, au travers des directions
départementales des territoires –et de la Mer (DDT-M), sont en charge de la
mise œuvre de la législation. L’ensemble des outils réglementaires développés par
l’État font de la RCE une politique environnementale assumée en France, dont
l’outil privilégié est le démantèlement des ouvrages.
3.3 Les poissons migrateurs et leurs gestionnaires au premier rang
sur les deux rives de l’Atlantique
Le rétablissement d’une population de poissons migrateurs s’impose comme
le principal moteur des opérations de RCE. L’enjeu piscicole se traduit par
l’implication dans les opérations d’arasement d’acteurs en charge de la gestion
de ces poissons (figure 4).
Historiquement, les pêcheurs et leurs représentants ont été des partenaires
importants de la gestion des cours d’eau (Bouleau, 2007, 2009 ; Bouleau et
Barthélemy, 2007 ; Aspe, 2014). En France, le monde de la pêche a acquis une
légitimité à agir au nom des poissons migrateurs par le « transfert des compétences
de l’État vers le système associatif des pêcheurs » (Barthélémy, 2013, p. 58). Les
fédérations départementales de pêche, en charge de la protection du milieu
aquatique depuis la loi de 1984 (Barthélémy, 2013), sont aujourd’hui des acteurs
majeurs des opérations de RCE dont elles sont parfois le maître d’ouvrage. À
titre d’exemple, la Fédération départementale du Calvados a effacé 22 ouvrages
entre 2010 et 2016
4
ce qui vaut à ses techniciens et élus d’être considérés par
certains pêcheurs comme des « araseurs d’ouvrages » ne se préoccupant pas
des pêcheurs de poissons blancs ou de carnassiers
5
. Aux États-Unis, la Public
Trust Doctrine (Sax, 1970) désigne les États et le gouvernement fédéral comme
responsables de la gestion des ressources halieutiques afin d’en faire bénéficier le
public (Sax, 1970 ; Nielsen, 1993 ; Geist et al., 2001 ; Moffitt et al., 2010) : ces
derniers ont donc toute légitimité pour intervenir sur la protection des poissons,
ainsi que la restauration de leurs habitats.
3
Un cours d’eau peut (1) ne pas être classé, (2) être sur une des deux listes ou (3) être sur les deux listes ;
valeurs calculées grâce aux données de la DRIEE d’Île-de-France
4 Entretien Fédération du Calvados pour la pêche et la protection du milieu aquatique, juin 2017.
5 Entretien DDTM du Calvados, novembre 2016.
352 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
Considérés comme l’emblème d’une restauration réussie, indicateur de la
qualité des eaux et dotés d’une valeur patrimoniale et socio-économique (Le
Goffe et Salanié, 2004), notamment pour les espèces menacées comme le saumon
atlantique ou l’anguille, les poissons migrateurs justifient l’intervention publique
(Lespez et al., 2016). Alors que l’on constate que les institutions nationales
et départementales de la pêche amateur mettent en avant la protection et la
restauration des populations de poissons migrateurs dans leurs prises de position
officielles
6
, l’État met parallèlement en place des outils de gestion spécifiques de
ces espèces. En 2010, une Stratégie nationale de gestion des poissons migrateurs
(StraNaPoMi) pilotée par l’État fixe comme première orientation d’assurer la
libre circulation des poissons. Plus précisément, elle préconise de « privilégier
l’effacement total ou partiel des obstacles par rapport à l’équipement en dispositifs
de franchissement, en particulier ceux dépourvus d’usages économiques
7
». À
l’échelle des territoires des Agences de l’eau, des comités de gestion des poissons
migrateurs (COGEPOMI) rédigent également depuis 1994 des plans de gestion
des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) d’une durée de 5 ans, sans caractère
opposable. Parmi les mesures de gestion préconisées dans le PLAGEPOMI Seine-
Normandie 2016-2021, l’amélioration de la continuité des cours d’eau intervient
en premier lieu. Néanmoins, le caractère non opposable du PLAGEPOMI rend
sa mise en œuvre dépendante de la volonté des gestionnaires de réaliser les
actions recommandées. Ce plan ne s’accompagne pas non plus d’un financement
spécifique mais s’appuie en grande partie sur ceux prévus dans le programme
d’actions de l’Agence de l’Eau.
Aux États-Unis, les porte-parole (Callon, 1986 ; Gramaglia, 2008) des
poissons ne proviennent pas uniquement du monde de la pêche. Certes, les
organismes de gestion de la pêche des États ou des sections locales d’associations
de pêche sont engagés dans les opérations, mais les principaux acteurs mettant
les poissons migrateurs en avant dans leurs actions sont les agences fédérales,
qui agissent au nom d’objectifs économiques ou de protection de la biodiversité.
Les agences fédérales comme la NOAA ou le US Fish and Wildlife Service
(USFWS) sont responsables des poissons migrateurs, considérés comme des
federal trust resources car ils franchissent les frontières des États (Drapier et al.,
2017). Dans ce cadre, ces agences mettent en place des actions de restauration
des habitats et de protection des populations. L’effacement d’un ouvrage s’inscrit
dans cette perspective, c’est pourquoi, en ce qui concerne les agences fédérales,
«for dam removal, it always comes down to these migratory fishes »
8
. Les actions de
protection ne visent pas uniquement à soutenir la pratique de la pêche récréative.
La NOAA est d’ailleurs une agence dépendant du Department of Commerce,
6 http://www.federationpeche.fr/105-nos-prises-de-position.htm, consulté en octobre 2017.
7
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Les_grandes_orientations_de_la_SNG_des_
poissons_migrateurs.pdf, consulté en octobre 2017.
8
Entretien USFWS, mai 2016. « Pour les arasements de barrages, on en revient toujours aux poissons
migrateurs », trad. de l’auteur.
Articles Politique environnementale et territoire •353
soulignant avant tout les attendus économiques de ces actions en termes de pêche
commerciale. Par ailleurs, le saumon atlantique est reconnu comme une espèce
menacée dans le Golfe du Maine selon l’Endangered Species Act
9
et dispose
d’une image emblématique (Ardren et al., 2014). La présence de poissons
migrateurs donne une légitimité aux agences fédérales pour intervenir en faveur
de la restauration des habitats piscicoles et surtout financer les projets. C’est ainsi
qu’entre 1992 et 2015, le bureau de la NOAA gérant la côte nord-est des États-
Unis (de la Virginie au Maine) a participé à 117 projets de suppression d’ouvrages
et financé à hauteur de 73,1 millions de dollars des projets de restauration de la
continuité10.
Mobilisés de manière différente, les poissons migrateurs constituent néanmoins
des éléments très déterminants dans les opérations de démantèlement d’ouvrage
dans les deux pays. Ils sont également au centre de la politique de RCE : ils sont
à la fois le symbole de cette volonté politique de retrouver des « rivières libres »
et constituent un levier majeur à l’aboutissement des projets dans les deux pays.
De plus, les acteurs en charge de la gestion des poissons migrateurs privilégient
la solution de l’effacement des obstacles dans les discussions. Ils se réfèrent aux
limites des alternatives en termes de franchissement (Brown et al., 2013) et louent
le caractère définitif de cette option. Leur présence dans les projets joue donc un
rôle important dans la façon dont la discussion est organisée.
Fig. 4 Enjeux et acteurs des opérations d’effacement d’ouvrages en France
et aux États-Unis.
Stakes and stakeholders in dam removal projects in France and the USA.
9 Ce classement interdit la pêche du saumon atlantique aux États-Unis.
10
https://www.greateratlantic.fisheries.noaa.gov/protected/riverherring/conserv/research/restoration/
index.html, consulté en octobre 2017.
354 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
4 Au-delà de l’enjeu piscicole, mise en conformité
et projet de territoire
Si les acteurs liés à la ressource piscicole jouent un rôle déterminant dans les opé-
rations d’effacement d’ouvrages, d’autres acteurs interviennent. Cet élargissement
se fait cependant selon des modalités différentes dans les deux pays.
4.1 Aux États-Unis, des associations pour élargir la réflexion
Aux États-Unis, des acteurs ayant principalement un statut associatif se retrouvent
à différentes échelles. Ils sont porteurs d’une vision large et souvent territoriale
du projet écologique. L’association American Rivers est emblématique de
cette catégorie. Il s’agit d’une association dédiée à la protection des rivières
américaines. Particulièrement impliquée dans le démantèlement d’ouvrages, elle
met à disposition une carte recensant les opérations réalisées
11
et participe à
des groupes de travail nationaux sur la RCE. Ces actions constituent un moyen
de promouvoir l’effacement d’ouvrages. Cette stratégie nationale s’accompagne
d’un travail de terrain mené par des chargés de mission régionaux. Ces derniers
pilotent des opérations et assistent les gestionnaires de projets. Ils disposent à la
fois d’une expertise technique et d’une bonne connaissance des possibilités de
montage financier, compétence indispensable pour réaliser des projets aux États-
Unis. Ce travail de terrain se traduit par l’implication financière ou technique
d’American Rivers dans environ deux cents opérations d’arasement depuis 1999
12
.
Pour cette association, le démantèlement d’ouvrages est un outil permettant
de restaurer les rivières, à la fois sur le plan biologique (libre circulation des
poissons), sur le plan morphologique (création de nouveaux habitats) ou sur le
plan physico-chimique (amélioration générale des cours d’eau). Au-delà de ces
aspects environnementaux, American Rivers promeut également dans certains
cas l’effacement d’ouvrage comme un moyen de lutte contre les inondations ou
comme une mesure prévenant les accidents de personnes au droit des ouvrages,
particulièrement à proximité des low head dams responsables de nombreux décès
aux États-Unis (Kern et al., 2015). Cela permet de libérer le propriétaire d’une
responsabilité juridique lourde. Enfin, les opérations sont parfois présentées
comme un levier de développement économique pour les communautés locales.
D’autres associations, comme The Nature Conservancy (TNC), s’impliquent dans
des projets d’effacement (voir par exemple Martin et Apse, 2011, 2013). Ces
associations de dimension nationale tentent de dépasser le simple enjeu piscicole
en communiquant sur les multiples bénéfices de l’arasement, à la fois pour les
rivières et pour les populations locales.
11
https://www.americanrivers.org/threats-solutions/restoring-damaged-rivers/dam-removal-map/,
consulté en octobre 2017.
12
https://www.americanrivers.org/threats-solutions/restoring-damaged-rivers/, consulté en octobre 2017.
Articles Politique environnementale et territoire •355
À l’échelle locale, les associations de bassin versant (watershed association) sont
aux États-Unis des acteurs clés de la mise en place des opérations de restauration
écologique. Elles rassemblent différents acteurs afin de faire émerger une colla-
boration durable sur un territoire pour répondre à une ou des problématique(s)
liée(s) à l’eau et développer une réflexion à l’échelle d’un bassin versant (Cline et
Collins, 2003 ; Bonnell et Koontz, 2007). Ces associations dépassent souvent
l’enjeu piscicole car elles s’appuient sur une vision globale de la rivière intégrant
à la fois les dimensions physiques de l’eau, ses usages, mais également l’ensemble
des dimensions du territoire (Woolley et McGinnis, 1999). La restauration de
la continuité écologique n’est alors qu’un aspect parmi d’autres (modification
des pratiques agricoles, gestion quantitative, nettoyage de la rivière, éducation à
l’environnement...). Dès lors, les projets de suppression d’ouvrages sont abordés
de manière différente par ces structures. Plusieurs scénarios peuvent les amener à
s’impliquer dans ces opérations. Le premier cas est une volonté locale d’effacer
un ouvrage pour des motifs qui peuvent être variables (sécurité, continuité écolo-
gique, qualité de l’eau) ; le second cas traduit une mobilisation de ces structures
comme relais par les institutions pour porter un projet à l’échelle locale. Les
exemples de la Musconetcong et de la Spring Creek permettent d’illustrer ces
deux cas de figure.
La Musconetcong River, dans l’État du New Jersey, est un affluent de rive
gauche de la Delaware River, qui est l’un des seuls grands fleuves de l’Est
américain dépourvu de barrage. En revanche, la Musconetcong River a très tôt
été équipée de barrages par les colons au XVIII
e
siècle afin de faire fonctionner des
moulins à grains puis pour produire de l’énergie pour l’industrie métallurgique
et du charbon (Wacker, 1968). Tombés en désuétude dans la seconde moitié
du XX
e
siècle, les barrages étaient devenus une charge pour leurs propriétaires.
La Musconetcong Watershed Association a été créée au début des années 1990
par des habitants de la vallée soucieux de la qualité de l’eau. Cette association
s’est saisie de la question des barrages avec un objectif assumé de restaurer la
continuité écologique de la rivière. Cette initiative est soutenue par plusieurs
arguments : la continuité piscicole pour les gaspareaux et aloses, la sécurité autour
des ouvrages, un meilleur fonctionnement de la rivière et donc l’amélioration
de la qualité de l’eau. En réalité, l’association constituait également un relais
privilégié pour le bureau de l’US FWS, qui avait priorisé les affluents du fleuve
Delaware dans le nord de l’État pour mener des actions de restauration
13
. En
tant que gestionnaire du projet localement, l’association a veillé à organiser
des réunions d’information publiques, à maintenir un dialogue régulier avec les
conseils municipaux des townships concernés et à rencontrer parfois directement
les propriétaires riverains. L’effacement des barrages sur la Musconetcong résulte
donc d’une convergence entre une volonté locale et fédérale de restaurer la
continuité écologique. Dans une vision à plus long terme, l’effacement des
13 Entretien US Fish and Wildlife Service, mai 2016.
356 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
barrages constitue un levier de développement touristique pour la vallée avec une
volonté de la part de l’association de valoriser la réouverture de cet axe au travers
de la randonnée ou du canoë-kayak14.
Sur la Spring Creek, dans le centre de la Pennsylvanie, le McCoy Linn dam
a été construit à la fin du XVIII
e
siècle pour alimenter une forge en énergie.
Transformée en une unité de production hydroélectrique durant l’entre-deux-
guerres, la PA Fish and Boat Commission est devenue propriétaire du barrage
au début des années 1980. Cette institution, très impliquée dans les projets de
suppression d’ouvrages dans l’État, a souhaité le démanteler. Pour cela, elle s’est
très largement appuyée sur l’association Clearwater Conservancy intervenant dans
le centre de la Pennsylvanie avec trois objectifs bien définis : la gestion foncière, les
travaux de restauration et les projets de sensibilisation à l’environnement. S’étant
déjà mobilisée sur le bassin versant de la Spring Creek (restauration de berges,
plantations de ripisylves, sensibilisation auprès des agriculteurs), son investissement
dans cette opération s’inscrit dans une vision plus générale de l’amélioration de la
qualité de l’eau du bassin versant. De plus, la rivière est reconnue pour la qualité
de sa population de truites fario (salmo trutta) et la suppression de l’ouvrage
représentait un enjeu majeur en termes de pratique de la pêche. Dès lors, la
connaissance des enjeux du territoire, les partenariats déjà établis avec les autres
acteurs (association de pêche locale) et l’expertise de l’association dans le domaine
de la gestion de l’environnement en faisait un partenaire ad hoc pour porter le
projet et aller plus loin qu’une simple intervention écologique. Cet ancrage local
oblige également l’association à organiser des réunions d’information publiques
auprès de la population afin de « trying to get the public on
15
» et ainsi respecter son
statut de community association. De fait, le projet a été l’opportunité d’améliorer
l’accès à la rivière avec une rampe à bateau, de rendre plus attractif le site pour
la pêche en installant des structures d’amélioration des habitats ainsi que de
poursuivre la mission de sensibilisation à l’environnement avec l’installation de
panneaux pédagogiques (figure 5). Cet exemple montre comment une structure
associative, grâce à des actions régulières sur le territoire et son réseau local,
facilite une rencontre entre une politique environnementale et le territoire sur
lequel elle prend place.
L’ancrage territorial fort de ces structures associatives en fait des partenaires
recherchés par les institutions fédérales, celles des États ou même des associations
de dimension nationale comme American Rivers. Les acteurs gouvernementaux
voient notamment en ces associations locales un moyen de contourner les
difficultés politiques ou législatives à agir à l’échelle locale (Breckenridge, 1999).
Cet ancrage territorial ne suffit néanmoins pas toujours à garantir une acceptation
locale. Ces structures locales sont en effet parfois accusées d’être contrôlées par
des structures extérieures au territoire. De plus, elles n’existent pas sur tous les
14 Entretien Musconetcong Watershed Association, avril 2017.
15
Entretien Clearwater Conservancy, mai 2016 : « essayer d’avoir le public de notre côté ». Trad. de
l’auteur.
Articles Politique environnementale et territoire •357
territoires car elles dépendent d’initiatives locales. Lorsqu’elles sont absentes, les
promoteurs fédéraux se retrouvent en situation de négocier directement avec un
propriétaire d’ouvrage.
Fig. 5 Site du McCoy-Linn dam après son démantèlement en 2007.
The McCoy-Linn dam site after its dismantling in 2007.
4.2 En France, un cadre législatif incitatif ne favorisant pas les initiatives
locales
4.2.1 Les services de l’État au cœur des projets en France
En France, des acteurs moins centrés sur les poissons participent également aux
opérations de démantèlement d’ouvrages mais leur implication dans les projets
relève d’abord d’une obligation législative. Ainsi, les DDT-M, sous la tutelle
du préfet, représentent l’État dans les départements. Elles exercent la police de
l’eau et sont chargées de l’application des différentes lois. En l’occurrence, elles
sont notamment en charge de la mise en conformité des ouvrages sur les cours
d’eau classés au titre de l’article L. 214-17 CE. Des stratégies différentes sont
mises en place selon les départements
16
, alors même que la loi est identique
et que les obligations de résultat sont les mêmes. Dans les départements de la
16 Entretiens DDT Orne, DDTM Manche, juillet 2016 et DDTM Calvados, novembre 2016.
358 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
Manche et de l’Orne, la première étape de la procédure, après le classement
des cours d’eau, consiste en l’envoi d’un courrier administratif aux propriétaires
d’ouvrages concernés, plaçant d’emblée la procédure sur un versant administratif.
La procédure diffère ensuite : l’Orne privilégie des groupes de travail regroupant
des personnes du service de l’eau de la DDT, l’agence de l’eau, l’ONEMA
(désormais Agence française de la biodiversité
17
), ainsi que le technicien de rivière
concerné et un représentant de la branche locale de la Fédération française des
associations de sauvegarde des Moulins (FFAM) qui vise à la sauvegarde et la
promotion des moulins en tant que patrimoine. Le groupe présente alors au
propriétaire l’ensemble des alternatives permettant la mise en conformité : de
l’effacement total ou partiel à la construction d’une rivière de contournement
ou l’équipement d’une échelle à poissons. La Manche fonctionne, elle, avec un
groupe restreint (DDTM, Agence de l’eau, ONEMA) et présente deux solutions :
un effacement sans frais pour le propriétaire car financé à 100 % par l’Agence de
l’Eau ou un équipement que le propriétaire devra financer à hauteur de 40 à 60 %
du montant des travaux. Dans le Calvados, le choix a été fait de ne pas envoyer de
courrier à tous les propriétaires, considérant cette démarche inefficace suite à de
précédentes expériences menées sur cette thématique dans les années 1990. Dans
ce département, la DDTM intervient uniquement lorsqu’une maîtrise d’ouvrage
a été préalablement identifiée. L’application différenciée du L. 214-17 par les
services déconcentrés de l’État correspond à un choix effectué en fonction des
contextes locaux et des pratiques personnelles (Lascoumes, 1994). Au-delà de
ces contrastes, la loi favorise des procédures de type réglementaire au coup par
coup qui ne sont pas forcément en relation avec un projet politique local.
S’appuyant sur les obligations communautaires, l’agence de l’eau Seine-
Normandie a inscrit dans son 10
e
programme l’atteinte des objectifs de bon état
pour 2015 et 2021. Le SDAGE s’appuie également sur les réglementations
nationales existantes pour soutenir des actions de restauration des milieux
aquatiques et humides. Pourtant, à l’échelle nationale, l’effacement d’ouvrages
est abordé de manière différente par les Agences de l’Eau, voire à l’intérieur
de celles-ci (par les directions territoriales). Les financements accordés révèlent
des doctrines différentes de la continuité écologique. Les directions territoriales
de l’arc normand se démarquent par des financements pouvant aller jusqu’à
100 % du coût du projet car la RCE fait partie des actions inscrites dans le cadre
des plans territoriaux d’action prioritaires (PTAP) alors que les autres agences
prévoient des aides parfois plafonnées à seulement 60 % dans leurs programmes
d’aides.
4.2.2 « Les difficultés de faire de la continuité autrement » : des initiatives locales
sous contraintes
Les collectivités locales se trouvent également impliquées dans les projets. Cela
concerne avant tout les syndicats de rivière, de bassin ou les syndicats mixtes
17 L’ONEMA a été intégré à l’Agence française de la biodiversité (AFB) au 1er janvier 2017.
Articles Politique environnementale et territoire •359
porteurs de Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) dont la
mission est de définir des programmes d’actions locaux dans une approche
qualifiée de projet (Reverdy, 2009). Le SAGE Orne Moyenne, conformément
aux orientations du SDAGE Seine-Normandie et du PLAGEPOMI, conditionne
l’atteinte du bon état écologique de la masse d’eau à la réduction du taux
d’étagement du cours principal en dessous de 40 % (65 % lors de l’élaboration
du SAGE), privilégiant dès lors l’effacement des obstacles en travers. Si la rivière
constitue un axe majeur pour les poissons migrateurs, le tourisme est également
un enjeu fort sur le bassin, notamment au travers de la pratique du canoë-
kayak. Et si la suppression d’un ouvrage peut ouvrir un nouveau parcours, son
maintien permet également de disposer d’un plan d’eau plus favorable pour
l’apprentissage ou la pratique du kayak-polo. L’élaboration du SAGE a été
l’opportunité pour les acteurs du territoire, réunis au sein de la commission
locale de l’eau (CLE), d’établir des scénarios d’aménagement des ouvrages en
fonction des usages et du développement touristique de la vallée. En ce sens,
sur l’Orne, la suppression des ouvrages a été envisagée dans son rapport avec
le territoire et les activités économiques qu’il accueille. Les mêmes enjeux se
posent sur la Vire, fleuve côtier de Normandie présentant également un taux
d’étagement de 66 % avant les récents effacements conduits en 2016 et 2017
(Germaine, 2017). Comme sur l’Orne, la rivière participe également d’une
attractivité touristique : le canoë-kayak et le kayak-polo y sont pratiqués. Surtout,
le chemin de halage bordant cette ancienne voie navigable a été réaménagé dans
les années 1980 en voie verte (40 km) faisant de la rivière un axe structurant du
projet de territoire. La restauration de la continuité écologique s’est alors imposée
au débat de la commission locale de l’eau puisque le SDAGE Seine Normandie
impose d’atteindre un taux d’étagement de seulement 30 %. Aux craintes des
élus et riverains redoutant que la diminution du niveau d’eau entraînée par la
suppression de certains ouvrages ne fragilise la stabilité des berges soutenant le
chemin de halage et remette en cause les activités récréatives développées sur
la rivière, s’ajoute une menace sur les microcentrales en activité. Une véritable
concertation a donc été menée au sein du SAGE aboutissant à la décision de
supprimer six ouvrages (pour atteindre un taux d’étagement de 41 %) et des
études complémentaires sont menées sur quatre autres ouvrages pour atteindre
les 30 %. Cet exemple illustre la difficile articulation entre un projet de territoire,
construit sur le long terme et de manière concertée, et l’application d’une politique
sectorielle dans des délais restreints. Celle-ci ne permet pas une adaptation au
territoire et modifie les rapports de force entre les acteurs. Au final, l’obligation
de résultat fixée par l’Union européenne et les injonctions imposées par le
gouvernement réduisent la capacité d’outils comme les SAGE à instaurer un
véritable débat pour construire un projet partagé pour un bassin versant en
cohérence avec les objectifs d’amélioration de la qualité de l’eau et des milieux
mais également les principes de développement local adoptés par ailleurs.
Enfin, la LEMA de 2006 puis le classement des cours d’eau par arrêté
préfectoral en décembre 2012 ont entraîné un bouleversement des rapports de
360 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
force. Des associations ou ONG s’investissent alors dans cette thématique en
soutenant (voire en promouvant) les projets d’arasement, mais au contraire des
États-Unis, elles ne se positionnent pas en tant que porteur potentiel de projet. Au
contraire, les ONG nationales tout comme les associations locales de protection
de l’environnement sont bien « plus en réaction qu’en action
18
». Dans le cas
de la Sélune, Germaine et Lespez (2017) ont analysé la constitution en 2011
(soit deux ans après la décision annoncée par le gouvernement) d’un réseau
d’ONG de niveau national et international favorables au démantèlement des
deux ouvrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit réunis au sein du collectif des
Amis de la Sélune : celui-ci s’est créé en réaction à la contestation locale polarisée
autour de l’association des Amis du Barrage. Ce collectif de soutien à l’arasement
n’est cependant pas ancré localement et ne mène pas d’actions de sensibilisation
auprès des riverains. Sur la Vire, la LEMA et le classement des cours d’eau ont
permis à l’association Manche Nature d’émerger comme un partisan majeur de la
suppression des ouvrages en s’appuyant avant tout sur les obligations législatives
permettant de contraindre au chômage des usines hydroélectriques grâce à des
recours juridiques (Germaine, 2017). Le délai accordé aux propriétaires pour se
mettre en conformité au regard de la continuité écologique, initialement de 5 ans
et modifié sous certaines conditions par la loi sur la reconquête de la biodiversité
en 2016, n’autorise pas aujourd’hui une réflexion à long terme sur l’avenir des
ouvrages du territoire et peut parfois bouleverser des projets de territoire liés aux
cours d’eau déjà bien engagés.
En réalité, les opérations de démantèlement d’ouvrages constituent la ren-
contre de trois intérêts : un intérêt général de protection de la biodiversité porté
par l’État, un intérêt territorial devant être représenté par le SAGE et un intérêt
particulier pour le propriétaire de l’ouvrage. Les CLE doivent constituer des
espaces de conciliation entre ces différents intérêts et les SAGE représenter les
résultats de cette conciliation. Mais les perceptions divergentes des problèmes à
gérer constituent parfois une première difficulté dans la construction de projets et
l’État, par l’intermédiaire du Préfet, conserve l’autorité finale (Le Bourhis, 2004).
De plus, face à la multiplication des injonctions réglementaires et des obligations
de résultat de l’État, les SAGE voient leur espace de liberté et leur capacité
d’action se réduire. Or, l’absence ou l’incapacité d’un SAGE à incarner le résultat
de cette conciliation, comme dans l’exemple de la Vire, a pour conséquence le
retour d’une situation de confrontation entre les intérêts défendus par l’État et
celui du propriétaire, qui exclut ou marginalise les aspects territoriaux du projet
écologique. Cette pression réglementaire est d’autant plus sensible dans l’ouest
de la France que la question de la continuité, liée à celle des populations de
grands migrateurs (voir partie 2.), fait l’objet depuis longtemps d’une attention
particulière de la part des services de l’État. L’ONEMA
19
a par exemple réalisé
des aménagements (passes à poissons) en aval de la Touques dès les années 1980
18 Entretien Manche Nature, mars 2016.
19 À l’époque Conseil supérieur de la pêche.
Articles Politique environnementale et territoire •361
(Germaine, 2011). Néanmoins, il est possible de voir s’engager des réflexions
à l’échelle locale sur le sujet du devenir des ouvrages hydrauliques d’un cours
d’eau. L’expérimentation menée par le SAGE de l’Aulne en Bretagne, au sein
du périmètre de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, illustre cette recherche de
compromis en faveur du territoire (Le Calvez, 2015 ; Le Calvez et Hellier, 2017).
L’Aulne accueille historiquement une population importante de saumons atlan-
tiques. Sa partie aval a cependant été canalisée et fait l’objet d’une mise en valeur
en tant que patrimoine bâti. La structure porteuse du SAGE a lancé en 2010
une expérimentation visant à concilier les enjeux de continuité et de sauvegarde
du patrimoine au travers de l’ouverture successive des pertuis pendant le cycle de
migration des saumons. Classée en Masse d’Eau Fortement Modifiée en 2007, la
partie canalisée de l’Aulne est soumise à des objectifs moindres. Cette situation
particulière a permis de proposer cette démarche pour satisfaire au SAGE. Par
ailleurs, cette expérimentation a été contestée localement : selon Le Calvez et
Hellier (2017), cela révèle « un mode d’action qui laisse peu de place à la négo-
ciation avec les parties prenantes une fois le projet lancé » (p. 128). Les difficultés
rencontrées sur l’Aulne confirment donc, comme observé en Normandie, que
l’approche réglementaire constitue une norme dans les projets de RCE en France.
Celle-ci fait d’ailleurs l’objet d’une controverse croissante à l’échelle nationale
(Barraud et Le Calvez, 2017).
5 Conclusions
Malgré des cadres législatifs différents, des similarités apparaissent entre la France
et les États-Unis. La continuité écologique est l’enjeu principal des opérations de
suppression d’ouvrages et les acteurs piscicoles en sont les premiers promoteurs
dans les deux pays. La comparaison permet cependant de mettre en évidence des
différences fondamentales dans l’émergence et la mise en œuvre de la politique de
RCE qui ont des implications sur la prise en compte du territoire qui l’accueille.
Aux États-Unis, c’est la logique de projets ancrés localement et relayés par
des structures nationales qui domine. Accompagnée de l’implication d’acteurs
multiples, elle conduit à une plus grande intégration des spécificités du territoire
et autorise la construction de projets aux ambitions plus larges qu’un simple
retour des poissons migrateurs ou rétablissement de la continuité écologique. À
l’inverse, en France, les projets d’arasement résultent de la combinaison entre une
obligation de mise en conformité et un soutien financier fourni par les Agences de
l’eau au profit de l’arasement sans qu’un collectif (collectivité locale, syndicat de
rivière) n’intervienne la plupart du temps. Le démantèlement d’ouvrage est donc
avant tout traité sur le plan réglementaire, impliquant des acteurs administratifs
et piscicoles ayant des difficultés à diriger les projets dans une direction plus
territoriale.
Les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de ces opérations révèlent
la tension entre la prise en compte d’enjeux globaux (la préservation de la
362 •L. Drapier, M.-A. Germaine, L. Lespez ANNALES DE GÉOGRAPHIE,N°722 •2018
biodiversité) et des processus territoriaux de gestion de l’environnement en
place depuis parfois plusieurs décennies (Bombenger et Larrue, 2014). Alors
que les acteurs locaux, notamment les élus, ont été mis au cœur de l’action
publique dans la dynamique de décentralisation et doivent assumer les choix
politiques d’un projet de territoire (Melot, 2009), la politique de restauration de
la continuité écologique peut remettre en cause (ou contraindre) ces projets. Les
promoteurs négligent souvent les perturbations occasionnées par l’effacement
d’un ouvrage et prennent peu en charge son accompagnement. La rivière n’est
appréhendée qu’à travers sa capacité à constituer une « infrastructure écologique »
(Germaine et Barraud, 2013a), l’enjeu environnemental faisant passer la place
de celle-ci dans les usages, le paysage ou l’attachement aux lieux au second
plan. Inversement, l’effacement d’un ouvrage n’est que trop peu souvent pensé,
mobilisé par les acteurs comme une ressource de laquelle un projet territorial
peut émerger (Lajarge et Roux, 2007). Il est en fait difficile pour les acteurs
locaux de s’emparer de cet enjeu dans la mesure où la grande majorité des
ouvrages relève de la propriété privée. Ainsi, même lorsque des structures telles
des syndicats de rivière ou de bassin s’approprient cette question et animent les
débats, la décision d’effacement (et son accompagnement) relève in fine d’une
négociation bilatérale entre le propriétaire (maître d’ouvrage) et le financeur
(agence de l’eau). Or, si l’on souhaite que la RCE soit appropriée et reconnue
comme une étape pour aller vers des rivières de meilleure qualité, plus riche
en biodiversité devenant le support d’un nouveau projet de territoire, il est
nécessaire d’identifier en amont les sites et les acteurs à même de porter ce type
d’initiative. Cette première étape permet en effet une rencontre entre les différents
acteurs et l’identification d’enjeux transversaux. Mais cela n’est possible qu’à la
condition de disposer de temps pour réaliser un travail de sensibilisation auprès
des acteurs locaux et développer un apprentissage commun avant de mener une
réflexion collective sur ce qu’il est souhaitable de faire pour le territoire. Cette
territorialisation de la politique environnementale ne peut aujourd’hui se faire
qu’à la condition de laisser aux acteurs locaux des espaces d’expérimentation
afin de définir une stratégie de préservation de la biodiversité dans le cadre
d’une démarche intégrée (Tatoni, 2014), ce qui en l’état actuel de la législation
n’est pas possible. La présence d’acteurs déjà en place, a fortiori des services de
l’État, n’autorise pas d’autres acteurs à se saisir de la question et proposer une
approche différente des opérations de restauration de la continuité écologique.
La connexion historique entre les acteurs de l’État et ceux du monde de la pêche
limite également les possibilités d’intervention et de leadership des collectivités
locales et des ONG. Une approche trop strictement réglementaire et « top-down »
du projet écologique en France limite les capacités des territoires à s’en emparer
et à l’assumer. Pourtant, des modalités de gestion territoriale de l’eau existent.
Les SAGE en sont un des outils privilégiés et doivent permettre de discuter
des questions de RCE. Les contrats de rivière, par ailleurs très peu développés
dans notre zone d’étude, sont également devenus, depuis les années 1970 et le
programme « rivière propre », des outils importants dans la restauration des cours
Articles Politique environnementale et territoire •363
d’eau (Brun et Marette, 2003). Ils sont le fruit d’une démarche contractuelle entre
des acteurs locaux, sous l’égide de l’État et peuvent constituer une alternative à
une démarche purement réglementaire (Brun, 2010). Mais ces deux dispositifs
territoriaux doivent faire face à la pression des services de l’État dans la quête du
bon état écologique des eaux et des contraintes réglementaires associées (Girard
et Rivière-Honegger, 2014). Or, dans un contexte de conflits récurrents autour
de ces projets en France (Barraud et Germaine, 2017 ; Barraud et Le Calvez,
2017 ; Le Calvez, 2017), cet aspect devrait être davantage intégré par les pouvoirs
publics car il s’agit sans doute là d’un des facteurs majeurs de cette conflictualité.
Le statut associatif des structures guidant les projets aux États-Unis semble plus
favorable au développement d’une dimension territoriale au projet écologique.
Pourtant, la récurrence des conflits sur les deux rives de l’Atlantique montre que
d’autres facteurs interviennent dans la construction de cette conflictualité. Il est
aujourd’hui nécessaire d’étudier en détail ces situations afin de dépasser le constat
effectué et d’identifier avec précision leurs ressorts à l’échelle locale. Dans cette
optique, la question du contexte et du positionnement des propriétaires dans
l’émergence du conflit peut être posée tout comme l’importance des modalités
d’information et de participation des riverains20 .
Laboratoire de géographie physique UMR 8591 CNRS
Université Paris-Est Créteil
1, place Aristide Briand
92195 Meudon
ludovic.drapier@lgp.cnrs.fr
laurent.lespez@lgp.cnrs.fr
Laboratoire LAVUE UMR 7218 CNRS
Université Paris-Nanterre
200 avenue de la République
92001 Nanterre
marie-anne.germaine@parisnanterre.fr
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20
Cet article a été rédigé dans le cadre d’une recherche doctorale financée par l’agence de l’eau Seine-
Normandie (AESN). Les auteurs remercient également les deux relecteurs de cet article pour leurs
corrections et leurs suggestions.
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